EXAMEN DES ARTICLES
TITRE PREMIER
DISPOSITIONS MODIFIANT LA LOI N° 91-647
DU 10 JUILLET 1991 RELATIVE À L'AIDE JURIDIQUE
CHAPITRE PREMIER
DE L'AIDE JURIDICTIONNELLE

Article premier
(art. 10, 13 et 39 de la loi du 10 juillet 1991)
Extension de l'aide juridictionnelle
à la transaction avant instance

Cet article a pour objet d'étendre le champ d'application de l'aide juridictionnelle aux transactions conclues avant qu'une instance soit introduite devant une juridiction.

Cette mesure devrait permettre de favoriser le développement de transactions permettant d'éviter la saisine d'une juridiction au contentieux. Elle répond notamment à une proposition formulée par M. Jean-Marie Coulon, président du tribunal de grande instance de Paris, dans son rapport au Gouvernement sur la procédure civile, en vue de privilégier la recherche d'un accord négocié comme préalable à l'accès au juge, ainsi que l'a également souhaité la Conférence des premiers présidents de cour d'appel.

• Le paragraphe I de l'article tend donc à compléter l'article 10 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique, qui définit les différents cas dans lesquels le bénéfice de l'aide juridictionnelle peut être obtenu.

Dans le droit actuel, l'aide juridictionnelle peut être accordée -pour tout ou partie de l'instance- en matière gracieuse ou contentieuse, en demande ou en défense devant une juridiction , ainsi qu'à l'occasion de l'exécution d'une décision de justice ou de tout autre titre exécutoire 8( * ) .

Le bénéfice de l'aide juridictionnelle ne peut donc être obtenu en vue de la recherche d'un accord négocié entre les parties avant toute saisine d'une juridiction.

Les justiciables les plus démunis sont donc amenés à engager une instance devant une juridiction pour pouvoir bénéficier, grâce à l'aide juridictionnelle, du concours d'un avocat pour rechercher une solution à des différends qui pourraient être réglés plus rapidement par une simple transaction. Cette situation conduit à encombrer les juridictions en favorisant leur saisine systématique dans des cas où celle-ci pourrait être évitée.

Afin de remédier à ces inconvénients, l'article premier du projet de loi tend à préciser, dans son paragraphe I, que l'aide juridictionnelle pourra également être accordée en vue de parvenir, avant l'introduction de l'instance, à une transaction dont on rappellera qu'elle est définie par l'article 2044 du code civil comme " un contrat par lequel les parties terminent une contestation née, ou préviennent une contestation à naître " et qu'elle a, entre les parties, l'autorité de la chose jugée en dernier ressort, selon les dispositions de l'article 2052 du même code.

Il est à noter qu'une telle extension n'est pas nécessaire s'agissant des procédures de conciliation et de médiation judiciaires intervenant sous le contrôle du juge après la saisine d'une juridiction, car celles-ci sont d'ores et déjà couvertes par l'aide juridictionnelle, ainsi que l'a prévu l'article 22 de la loi n° 95-125 du 8 février 1995.

• Le paragraphe I bis , inséré par l'Assemblée nationale par coordination, tend pour sa part à compléter les dispositions de l'article 13 de la loi du 10 juillet 1991 afin de préciser que le bureau d'aide juridictionnelle est chargé de se prononcer non seulement sur les demandes d'admission à l'aide juridictionnelle relatives aux instances portées devant les juridictions du premier et du second degré et à l'exécution de leurs décisions, comme actuellement, mais également sur les demandes d'admission relatives aux transactions conclues avant l'introduction d'une instance.

• Le paragraphe II procède à une modification de la rédaction du premier alinéa de l'article 39 de la loi du 10 juillet 1991, qui prévoit actuellement que l'avocat ayant apporté son concours à la conclusion d'une transaction se voit allouer " la totalité des émoluments auxquels il pouvait prétendre ", de manière à préciser explicitement, d'une part, que cette disposition s'applique aux transactions conclues avant comme pendant l'instance et, d'autre part, que la rétribution à laquelle a alors droit l'avocat est identique à celle due par l'État au titre de l'aide juridictionnelle à l'occasion d'une instance donnant lieu à un jugement.

• Enfin, le paragraphe III a pour objet de compléter les dispositions de ce même article 39 de la loi du 10 juillet 1991, relatif à la rémunération de l'avocat en cas de transaction, par deux nouveaux alinéas.

- Le premier tend à préciser qu'en cas d'échec de la tentative de transaction avant introduction d'une instance, l'avocat du bénéficiaire de l'aide juridictionnelle percevra une rétribution dont la fixation du montant est renvoyée à un décret 9( * ) sous réserve toutefois d'apporter la justification " de l'importance et du sérieux des diligences accomplies ", dans un délai d'un an à compter de la décision d'admission.

Ce dispositif s'inspire de celui déjà prévu en cas d'extinction de l'instance pour une autre cause qu'un jugement ou une transaction, par l'article 111 du décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991, suivant lequel " le juge peut, sur demande de l'avocat, allouer à celui-ci une rétribution dont il fixe le montant en fonction des diligences accomplies ".

- Le second alinéa ajouté vise l'éventualité dans laquelle une instance est engagée après l'échec des pourparlers transactionnels. Il tend à préciser que la rétribution allouée à l'avocat à raison des diligences accomplies en vue de parvenir à une transaction s'imputera alors sur la rétribution due pour l'instance, dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat.

Cette disposition tendant à interdire le cumul d'une rétribution au titre des diligences accomplies en vue d'une transaction et au titre d'une instance se justifie par le fait que l'avocat n'aura à effectuer qu'une seule fois l'analyse du dossier, ainsi que l'indique l'exposé des motifs du projet de loi.

*

S'agissant du coût budgétaire de l'extension du champ d'application de l'aide juridictionnelle résultant des dispositions de l'article 1er du projet de loi, la " fiche d'impact budgétaire " 10( * ) fournie par le Gouvernement considère qu'à " périmètre d'affaires constant " , ces dispositions n'entraîneront pas de charges nouvelles, mais seulement un transfert de charges du contentieux vers le transactionnel, puisqu'une affaire réglée par transaction représente une affaire contentieuse en moins.

Cependant, en facilitant le recours à la transaction pour régler des litiges qui actuellement ne vont pas au contentieux, l'élargissement du champ d'application de l'aide juridictionnelle peut entraîner un accroissement du nombre total d'affaires donnant lieu à aide juridictionnelle. La fiche d'impact budgétaire évalue cet " effet d'attrait " à 10 % au plus du volume de contentieux qui donne actuellement lieu à aide juridictionnelle et qui est susceptible de faire l'objet d'une transaction 11( * ) , soit 78 000 affaires pour l'année 1996.

Dans l'hypothèse où seule la moitié des 7 800 affaires nouvelles donnerait lieu à une rémunération à taux plein, à la suite d'une transaction réussie ou débouchant sur une procédure contentieuse, et où l'autre moitié concernant des tentatives de transaction ayant échoué, serait rémunérée à 50 % du taux plein, le coût budgétaire annuel est estimé à 14,7 millions de francs seulement.

Cette estimation apparaît toutefois sujette à caution dans la mesure où les hypothèses retenues sont fixées de manière quelque peu arbitraire. En particulier, aucune justification n'est apportée à l'évaluation à 10 % de l' " effet d'attrait " .

*

Votre commission approuve les dispositions de cet article qui tend à favoriser le développement des modes amiables de règlement des conflits.

Elle vous propose toutefois de réduire de un an à six mois le délai dans lequel l'avocat devra apporter des justificatifs du travail accompli pour pouvoir bénéficier d'une rétribution en cas d'échec de la tentative de transaction. Un délai de six mois, comme celui prévu à l'article 5 pour la demande de versement de la part contributive de l'Etat, apparaît en effet suffisant.

Votre commission vous propose donc d'adopter cet article modifié par un amendement rédigé en ce sens.

Article 2
(art. 16 de la loi du 10 juillet 1991)
Rôle du vice-président du bureau d'aide juridictionnelle

Cet article a pour objet de préciser le rôle du greffier en chef du tribunal de grande instance ou de la cour d'appel en tant que vice-président de bureau ou section de bureau d'aide juridictionnelle.

Conformément aux dispositions de l'article 13 de la loi du 10 juillet 1991, il existe un bureau d'aide juridictionnelle (BAJ) au siège de chaque tribunal de grande instance.

Le cas échéant, ce bureau est divisé en sections :

- une section compétente pour les demandes concernant les affaires portées devant les juridictions de première instance de l'ordre judiciaire et la cour d'assises ;

- une section compétente pour les demandes concernant les affaires portées devant la cour d'appel ;

- une section compétente pour les demandes concernant les affaires portées devant le tribunal administratif ;

- et une section compétente pour les demandes concernant les affaires portées devant la cour administrative d'appel.

Après avoir prévu que chaque bureau ou section de bureau d'aide juridictionnelle est présidé, selon le cas, par un magistrat du siège (qui peut être un magistrat honoraire 12( * ) ) du tribunal de grande instance ou de la cour d'appel (ou le cas échéant un membre du tribunal administratif ou de la cour administrative d'appel), l'article 16 de la loi du 10 juillet 1991 confère au greffier en chef du TGI ou de la cour d'appel la qualité de vice-président du bureau ou de la section de bureau d'aide juridictionnelle présidé par un magistrat de sa juridiction, sans toutefois définir explicitement le rôle de ce vice-président.

Aussi l'article 2 du projet de loi précise-t-il la portée de cette disposition en indiquant que le vice-président est chargé de présider le bureau ou la section d'aide juridictionnelle en cas d'empêchement ou d'absence du président 13( * ) .

Par ailleurs, toujours en cas d'empêchement ou d'absence du président, le vice-président pourra se substituer à lui dans l'exercice de ses compétences propres concernant " les demandes ne présentant manifestement pas de difficulté sérieuse ", ainsi que le prévoit l'article 3 du projet de loi.

Votre commission vous propose d'adopter l'article 2 sans modification.

Article 3
(art. 22 de la loi du 10 juillet 1991)
Examen des demandes ne présentant manifestement pas
de difficulté sérieuse

Cet article a pour objet de permettre au président du bureau d'aide juridictionnelle (ou le cas échéant au vice-président) de statuer seul sur " les demandes ne présentant manifestement pas de difficulté sérieuse " et de procéder aux mesures d'investigation nécessaires.

L'article 22 de la loi du 10 juillet 1991, dans sa rédaction actuelle, permet déjà au président de bureau ou de section de rejeter seul les demandes qui sont manifestement irrecevables ou dénuées de fondement, ou encore les demandes émanant d'une personne dont les ressources excèdent manifestement le plafond d'admission à l'aide juridictionnelle.

Cependant, il semble que ces dispositions n'aient trouvé qu'une application limitée, selon le rapport sur l'application de la loi de 1991 établi par l'inspection générale des services judiciaires en 1995.

Afin d'améliorer les conditions et les délais de traitement des demandes d'aide juridictionnelle, ce même rapport préconisait l'examen par le seul président des demandes présentées par des justiciables dont les ressources sont manifestement inférieures aux plafonds et dont l'action apparaît à l'évidence non dénuée de fondement, de manière à permettre aux bureaux, ainsi libérés d'un nombre important de dossiers, de se livrer à un examen plus approfondi des autres demandes.

De même, le rapport sur la réforme de la procédure civile établi par M. Jean-Marie Coulon se prononce-t-il en faveur d'une meilleure répartition des compétences entre le bureau d'aide juridictionnelle et son président pour améliorer le traitement des demandes tout en favorisant un contrôle plus approfondi des conditions d'octroi de l'aide, de nature à limiter les risques de versements indus. Il propose ainsi de conférer au président le pouvoir propre de procéder aux mesures d'investigation nécessaires à l'instruction des dossiers et de statuer seul (dans un sens positif ou négatif) sur les demandes ne présentant aucune difficulté, lorsque la décision paraît s'imposer. Un tel dispositif aurait opportunément pu s'accompagner, selon M. Jean-Marie Coulon, de la possibilité pour le président de déléguer ses pouvoirs propres au greffier en chef, vice-président du bureau.

L'article 3 du projet de loi s'inspire directement de ces suggestions en prévoyant, par une nouvelle rédaction de l'article 22 de la loi du 10 juillet 1991, la possibilité pour le président (ou, en cas d'absence ou d'empêchement, pour le vice-président) de statuer seul sur les demandes ne présentant manifestement pas de difficulté sérieuse. Il prévoit, en outre, dans un second alinéa, la possibilité pour le président de procéder aux mesures d'investigation nécessaires -ce qui devrait permettre un contrôle plus rigoureux du respect des conditions de ressources- et de rejeter la demande en cas de défaut de communication des documents ou des renseignements demandés dans le délai imparti (généralement fixé à un mois).

Ces différentes dispositions apparaissent de nature à simplifier et à accélérer le traitement des demandes d'aide juridictionnelle tout en assurant un examen approfondi des dossiers les plus délicats.

Votre commission vous propose d'adopter cet article sous réserve d'un amendement de clarification rédactionnelle tendant à préciser qu'en cas d'empêchement ou d'absence du président, le vice-président du bureau d'aide juridictionnelle pourra procéder aux mesures d'investigation nécessaires.

Article 4
(art. 36 de la loi du 10 juillet 1991)
Demande d'honoraires en cas de retour à meilleure fortune
par suite du gain du procès

Cet article concerne le recouvrement d'honoraires par l'avocat en cas de retour à meilleure fortune de son client bénéficiaire de l'aide juridictionnelle, à la suite du gain de son procès : il tend à subordonner à un retrait préalable de l'aide juridictionnelle la possibilité pour l'avocat de demander des honoraires à son client dans cette éventualité.

Dans sa rédaction actuelle, l'article 36 de la loi du 10 juillet 1991 permet à l'avocat désigné de demander des honoraires à son client bénéficiaire de l'aide juridictionnelle lorsque le jugement prononcé a procuré à ce dernier des ressources telles que si elles avaient existé au jour de la demande d'aide juridictionnelle, celle-ci ne lui aurait pas été accordée ; la demande d'honoraires est toutefois soumise à une double condition, à savoir l'existence d'une décision de justice passée en force de chose jugée, rendue au profit du bénéficiaire de l'aide juridictionnelle, et l'autorisation du bâtonnier ou du président de l'ordre auquel appartient l'avocat.

Dans un souci de meilleure maîtrise des dépenses d'aide juridictionnelle grâce à une mise en oeuvre plus fréquente de la procédure de retrait de cette aide, l'article 4 du projet de loi vise à inciter les avocats à demander le retrait de l'aide juridictionnelle en cas de retour à meilleure fortune de leur client par suite du gain de leur procès, en prévoyant qu'ils ne pourront demander d'honoraires que si la décision de retrait a été prononcée par le bureau d'aide juridictionnelle.

A cette fin, il procède à une nouvelle rédaction de l'article 36 de la loi du 10 juillet 1991 qui substitue à l'exigence d'une autorisation du bâtonnier celle d'une décision de retrait de l'aide juridictionnelle.

Votre commission vous propose d'adopter cet article sans modification.

Article 5
(art. 37 de la loi du 10 juillet 1991)
Délai de perception de la contribution de l'Etat
en cas de condamnation à des frais irrépétibles

Cet article a pour objet, selon le Gouvernement, d'inciter les avocats à renoncer à la contribution de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle pour poursuivre le recouvrement d'émoluments à l'encontre de la partie condamnée aux dépens et non bénéficiaire de l'aide juridictionnelle, suivant une recommandation formulée par le rapport établi par M. Jean-Marie Coulon.

L'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ouvre aux auxiliaires de justice la possibilité de renoncer à la perception de la contribution de l'Etat au profit du recouvrement d'émoluments ou honoraires à l'encontre de la partie condamnée aux dépens ou qui perd son procès.

Ce mécanisme permet à un auxiliaire de justice, qui a accompli une mission au titre de l'aide juridictionnelle au cours d'une procédure ayant abouti à la condamnation aux dépens de la partie adverse non bénéficiaire de l'aide juridictionnelle, de rechercher un paiement direct par cette dernière.

La somme dont le recouvrement peut ainsi être poursuivi correspond, selon le cas :

- aux émoluments prévus par le tarif, s'agissant des auxiliaires de justice rémunérés selon un tarif (1er alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991) ;

- au montant de l'indemnité allouée par le juge au titre des frais irrépétibles que le bénéficiaire de l'aide aurait exposés en l'absence de cette aide, dans les conditions prévues à l'article 75 de la loi du 10 juillet 1991 (article 700 du nouveau code de procédure civile), s'agissant des avocats (2ème alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991).

L'article 108 du décret du 19 décembre 1991 précise que la renonciation à la contribution de l'Etat doit intervenir dans un délai de deux mois suivant la délivrance de l'attestation de mission ou l'accomplissement de l'acte pour l'auxiliaire de justice.

Cependant, il semble que cette faculté de renonciation soit en pratique très peu utilisée, selon les informations recueillies par l'inspection générale des services judiciaires à l'occasion du bilan d'application de l'aide juridictionnelle effectué en 1995.

Dans le souci d'une meilleure maîtrise de la dépense d'aide juridictionnelle, comme à l'article précédent, l'article 5 du projet de loi cherche à développer le recours à cette procédure en subordonnant le versement de la part contributive de l'Etat à l'engagement d'une démarche spécifique, dans un délai circonscrit à six mois.

Aussi propose-t-il de compléter le dispositif de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 par un nouvel alinéa prévoyant que l'avocat du bénéficiaire de l'aide devra demander le versement de la part contributive de l'Etat dans un délai de six mois à compter du jour où la décision de justice est passée en force de chose jugée, faute de quoi il sera réputé avoir renoncé à cette contribution.

Votre commission vous propose d'adopter cet article sans modification.

Article 6
(art. 50 de la loi du 10 juillet 1991)
Procédures de retrait de l'aide juridictionnelle

Cet article a pour objet de simplifier et d'unifier les procédures de retrait de l'aide juridictionnelle afin de faciliter leur mise en oeuvre.

Dans le droit actuel, plusieurs dispositions sont prévues pour permettre à l'Etat d'exiger le remboursement des sommes exposées au titre de l'aide juridictionnelle lorsque celle-ci ne se justifie plus ; mais ces dispositions sont rarement appliquées dans la pratique, notamment en raison de la complexité et de l'imprécision des procédures.

La procédure de retrait stricto sensu est définie par les articles 50 à 52 de la loi du 10 juillet 1991.

Deux hypothèses sont prévues, le retrait étant en principe obligatoire dans le premier cas et facultatif dans le second :

- l'aide juridictionnelle doit être retirée lorsqu'il apparaît qu'elle a été obtenue à la suite de déclarations ou au vu de pièces inexactes (article 50, 1er alinéa) ;

- l'aide juridictionnelle peut être retirée en cas de retour à meilleure fortune du bénéficiaire en cours de procédure, c'est-à-dire si ce dernier vient à percevoir de nouvelles ressources telles que, si elles avaient existé au jour de la demande, l'aide aurait été refusée (article 50, second alinéa).

Dans les deux cas, le retrait de l'aide, qui peut être demandé par tout intéressé, ou intervenir d'office, est prononcé par le bureau d'aide juridictionnelle (article 51).

La décision de retrait rend exigibles tous les frais dont le bénéficiaire avait été dispensé ; elle emporte obligation pour le bénéficiaire de restituer les sommes versées par l'Etat (article 52).

En dehors de ces hypothèses, des procédures de remboursement de l'aide juridictionnelle, faisant intervenir la juridiction de jugement et non plus le bureau d'aide juridictionnelle, ont été instituées par les articles 45 et 46 de la loi du 10 juillet 1991.

L'article 45 vise le cas d'un retour à meilleure fortune du bénéficiaire de l'aide par suite de la décision de justice passée en force de chose jugée : si celle-ci lui a procuré des ressources telles que si elles avaient existé au jour de la demande, l'aide n'aurait pas été accordée, et que les dépens ont été mis à sa charge, les sommes exposées par l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle doivent être remboursées (ou au besoin prélevées sur les sommes effectivement encaissées lors de l'exécution forcée) par le bénéficiaire dans la même proportion que les dépens.

L'article 46 vise pour sa part les procédures dilatoires ou abusives engagées par les bénéficiaires de l'aide juridictionnelle : dans cette hypothèse, il relève de l'appréciation du juge de condamner l'intéressé à rembourser en tout ou partie les sommes exposées par l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle.

Cependant, ainsi que l'ont souligné les rapports établis par l'inspection générale des services judiciaires et par M. Jean-Marie Coulon, ces textes ne définissent pas clairement le cadre procédural permettant de mettre en oeuvre le remboursement et ont peu d'écho pratique. Jugeant indispensable une réforme sur ce point, M. Jean-Marie Coulon a notamment proposé de reconnaître au bureau d'aide juridictionnelle la mission de prononcer le retrait de l'aide dans l'hypothèse visée à l'article 45.

L'article 6 du projet de loi reprend cette suggestion en instituant, dans le cadre de l'article 50 de la loi du 10 juillet 1991, deux nouvelles hypothèses de retrait facultatif de l'aide par le bureau d'aide juridictionnelle dans les cas visés par les actuels articles 45 et 46 de la même loi.

Sans modifier l'alinéa relatif au retrait obligatoire de l'aide en raison de déclarations ou de pièces inexactes, la nouvelle rédaction proposée pour l'article 50 de la loi du 10 juillet 1991 prévoit donc trois cas de retrait facultatifs de l'aide :

1. le retour à meilleure fortune en cours de procédure (correspondant au second alinéa de l'actuel article 50) ;

2. le retour à meilleure fortune lié au jugement (correspondant à l'actuel article 45, sous réserve de la suppression de la condition liée aux dépens) :

3. l'hypothèse dans laquelle la procédure engagée par le bénéficiaire de l'aide a été jugée dilatoire ou abusive (correspondant à l'article 46).

En conséquence, les dispositions des articles 45 et 46 de la loi du 10 juillet 1991 sont abrogées par l'article 15 du projet de loi.

Cette unification des procédures de retrait sous la responsabilité du bureau d'aide juridictionnelle devrait permettre de faciliter la mise en oeuvre du remboursement des sommes exposées par l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle lorsque celle-ci ne se justifie plus, et donc participer à une meilleure maîtrise des dépenses.

Votre commission vous propose d'adopter cet article sans modification.

Article 7
(art. 52-1 de la loi du 10 juillet 1991)
Information du bénéficiaire de l'aide juridictionnelle
sur les conditions de retrait

Cet article prévoit une information systématique du bénéficiaire de l'aide juridictionnelle sur les conséquences d'une perte du procès ou d'une condamnation aux dépens, ainsi que sur les dispositions relatives au retrait de l'aide.

Dans le droit actuel, l'article 49 de la loi du 10 juillet 1991 prévoit déjà que sont portées à la connaissance du bénéficiaire de l'aide, lors de la notification de son admission, les dispositions des articles 42, 45 et 46 de la même loi.

Cette information du bénéficiaire de l'aide concerne :

- d'une part, les conséquences d'une condamnation aux dépens ou d'une perte du procès : dans cette hypothèse, l'article 42 de la loi du 10 juillet 1991 prévoit que le bénéficiaire de l'aide juridictionnelle supporte exclusivement la charge des dépens exposés par son adversaire (sauf si le juge décide de laisser une partie des dépens à la charge de l'Etat) et que le juge peut mettre à sa charge le remboursement d'une fraction des sommes exposées par l'Etat autres que la part contributive de l'Etat destinée à la rétribution des avocats au titre de l'aide juridictionnelle ;

- d'autre part, les procédures de remboursement de l'aide juridictionnelle prévues par les articles 45 et 46 de la loi du 10 juillet 1991 en cas de retour à meilleure fortune à la suite du jugement ou de procédure dilatoire ou abusive (cf. commentaire de l'article 6 du projet de loi).

En revanche, aucune information du bénéficiaire de l'aide juridictionnelle n'est prévue s'agissant des conditions dans lesquelles cette aide peut lui être retirée par le bureau d'aide juridictionnelle en application des articles 50 à 52 de la loi du 10 juillet 1991.

L'article 7 du projet de loi tend à remédier à cette lacune et prend en compte l'abrogation des articles 45 et 46 de la loi du 10 juillet 1991 en prévoyant, par l'insertion d'un nouvel article 52-1 au sein de cette loi, que l'information du bénéficiaire de l'aide juridictionnelle portera désormais sur les dispositions des articles 42 (conséquences d'une perte du procès ou d'une condamnation aux dépens) et 50 à 52 (procédure de retrait de l'aide).

Corrélativement, l'abrogation de l'article 49 de la loi du 10 juillet 1991, auquel vient se substituer ce nouvel article 52-1, est prévue par l'article 15 du projet de loi.

Votre commission vous propose d'adopter cet article sans modification.

Article additionnel après l'article 7
Extension du champ d'application de l'aide juridictionnelle
aux instances devant les juridictions compétentes
en matière de pensions militaires

Après l'article 7, votre commission vous propose d'insérer un article additionnel tendant à remédier à une incohérence du régime actuel de l'aide juridique sur laquelle l'attention de M. le Président Jacques Larché a été appelée par M. Bernard Stasi, médiateur de la République.

Cette incohérence concerne le cas particulier des instances devant les juridictions compétentes en matière de pensions militaires : en effet, en application d'un texte ancien toujours en vigueur, les anciens combattants, quel que soit le montant de leurs ressources, bénéficient du concours gratuit d'un avocat devant ces juridictions, mais dans ce cas particulier les avocats ne peuvent être rétribués au titre de l'aide juridictionnelle.

Reprenant les termes des articles 39 et 42 de la loi du 31 mars 1919 modifiant la législation des pensions des armées de terre et de mer en ce qui concerne les décès survenus, les blessures reçues et les maladies contractées ou aggravées en service, les articles 7 et 11 du décret n° 59-327 du 20 février 1959 relatif aux juridictions des pensions ouvrent aux anciens combattants et à leurs ayants cause le bénéfice de l'assistance judiciaire pour les frais afférents aux instances, procédures ou actes relatifs aux pensions militaires portés devant le tribunal départemental ou la cour régionale des pensions. Cette assistance de plein droit, accordée sur simple demande et sans condition de ressources, permet notamment à l'intéressé de disposer du concours gratuit d'un avocat.

En vigueur depuis 1919, ce dispositif, marque de solidarité à l'égard des anciens combattants qui exprime la reconnaissance que leur doit la Nation, n'a été remis en cause ni par la loi n° 72-11 du 3 janvier 1972 relative à l'aide judiciaire et à l'indemnisation des commissions et désignations d'office, dont l'article 36 excluait expressément toute modification des conditions et des modalités d'admission à l'aide judiciaire prévues par des textes spéciaux au profit de certaines catégories de personnes, ni par la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique, dont l'article 77 abroge la loi de 1972 à l'exception, précisément, de son article 36.

Cependant, l'exclusion de ce dispositif particulier du champ d'application des lois du 3 janvier 1972 et du 10 juillet 1991 précitées, qui ont complété la traditionnelle gratuité des procédures dont bénéficiaient les justiciables les plus défavorisés par une rémunération de leurs conseils prise en charge par l'Etat, a entraîné l'impossibilité pour les avocats assurant la défense des anciens combattants devant les juridictions des pensions d'être indemnisés pour ce concours.

La profession des avocats est donc amenée à supporter la charge financière du dispositif de solidarité nationale envers les anciens combattants institué par la loi de 1919, alors même que la rémunération de leur activité à progressivement été étendue à tous les domaines dans lesquels leur concours est sollicité au titre de l'aide juridictionnelle. Cette situation peut paradoxalement contraindre les avocats à travailler gratuitement pour le compte de justiciables dont, parfois, les revenus sont indiscutablement supérieurs aux leurs.

Il serait donc opportun de mettre fin à cette situation en permettant la prise en charge par l'Etat du coût de la défense de l'ensemble des justiciables à l'égard desquels la collectivité nationale entend manifester sa solidarité, que ce soit en raison de la faiblesse de leurs ressources financières ou pour des motifs historiques.

Aussi, votre commission vous propose-t-elle de permettre aux anciens combattants de bénéficier de plein droit de l'aide juridictionnelle devant les juridictions compétentes en matière de pensions militaires, en prévoyant expressément, par une modification de l'article 4 de la loi du 10 juillet 1991, que les conditions de ressources pour l'accès à l'aide juridictionnelle ne s'appliquent pas devant ces juridictions.

Elle vous propose en conséquence d'abroger l'exception prévue à l'article 77 de la même loi, sur le fondement de laquelle a été jusqu'ici maintenu le régime particulier de l'assistance judiciaire en faveur des anciens combattants.

Votre commission vous propose donc d'adopter un amendement tendant à insérer dans le projet de loi un article additionnel rédigé en ce sens .

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