III. LE PROJET DE LOI DÉFINIT UN CADRE LÉGAL POUR L'ACTIVITÉ DES MAISONS DE JUSTICE ET DU DROIT

Apparues au début des années 90 afin d'assurer une présence judiciaire de proximité dans certains quartiers urbains " difficiles ", les maisons de justice et du droit, aujourd'hui au nombre d'une quarantaine en métropole (cf. liste en annexe) jouent désormais un rôle important en matière d'accès au droit et de mise en oeuvre des modes de règlement alternatifs des litiges.

Le projet de loi apporte une consécration législative à cette innovation intéressante et met fin à la situation de vide juridique dans laquelle se sont développées les maisons de justice.

A. LE RÔLE ET L'ORGANISATION ACTUELLE DES MAISONS DE JUSTICE

1. Les missions remplies : une présence judiciaire de proximité

Fruit d'initiatives locales destinées à mettre en place une présence judiciaire de proximité afin de lutter plus efficacement contre la délinquance, les maisons de justice constituent tout d'abord un cadre privilégié pour la mise en oeuvre, sous le contrôle du parquet et avec le concours d'intervenants extérieurs comme les éducateurs de la protection judiciaire de la jeunesse, des mesures alternatives aux poursuites pénales : médiation pénale, réparation pour les mineurs, classement sous condition ou simple rappel à la loi...

Des procédures de règlement amiable des litiges civils y sont également menées à bien, mais la médiation civile y est moins fréquemment exercée que la médiation pénale.

Les maisons de justice jouent par ailleurs un rôle important dans la mise en oeuvre de l'aide à l'accès au droit, notamment grâce à l'organisation de permanences tenues par des travailleurs sociaux, des associations d'aide aux victimes ou des avocats.

Enfin, elles assurent un lien entre le monde judiciaire et la société civile dans des quartiers urbains réputés " difficiles ".

2. Une organisation pragmatique en l'absence de cadre juridique précis

Le plus souvent pilotées par le procureur de la République, les maisons de justice ont été créées de manière pragmatique par convention entre les autorités judiciaires et les collectivités locales concernées, le financement étant assuré par trois sources principales : les crédits du ministère de la justice, ceux de la politique de la ville et les dotations budgétaires des municipalités.

Tout en dressant un constat très positif de l'action des maisons de justice, le rapport établi en 1995 par M. Gérard Vignoble, député chargé par le Gouvernement d'une mission sur ce thème, a souligné les inconvénients résultant de l'absence de cadre juridique clairement défini pour leur fonctionnement, notamment en ce qui concerne le contrôle de l'emploi des fonds publics et le respect des principes fondamentaux de l'indépendance de la justice et de la confidentialité des dossiers.

A la suite de ce rapport, certaines précisions ont été apportées par M. Jacques Toubon, alors garde des Sceaux, quant aux règles à respecter pour la création et le fonctionnement des maisons de justice dans le cadre d'une circulaire de la direction des Affaires criminelles et des grâces datée du 19 mars 1996 : la création de maisons de justice, dans des quartiers situés dans des départements considérés comme prioritaires pour la politique de la ville, résulte d'une décision de la Chancellerie prise au vu des demandes présentées par les chefs de juridiction ; ces maisons de justice sont organisées dans le cadre d'une convention entre les autorités judiciaires et les collectivités locales qui fournissent un local adapté et financent les dépenses de fonctionnement courant, l'accueil et le secrétariat étant assurés par un fonctionnaire de justice...

Cependant, aucun texte législatif ou réglementaire ne régit actuellement l'activité des maisons de justice.

B. LE CADRE JURIDIQUE DÉFINI PAR LE PROJET DE LOI

Le projet de loi tend à mettre fin à cette situation de vide juridique en consacrant l'existence des maisons de la justice et du droit dans un nouveau titre du code de l'organisation judiciaire ( article 17 ).

1. Une définition législative des missions des maisons de justice et du droit

Le texte proposé pour être ainsi inséré dans le code de l'organisation judiciaire ouvre la possibilité d'instituer, dans le ressort d'un tribunal de grande instance une ou plusieurs maison(s) de justice et du droit placée(s) sous l'autorité conjointe du président du TGI et du procureur de la République. Il s'agit là d'une simple faculté, la généralisation des maisons de justice sur l'ensemble du territoire n'étant pas prévue à l'heure actuelle.

Le texte proposé définit ensuite brièvement les missions des maisons de justice et du droit en indiquant que celles-ci " concourent, en assurant une présence judiciaire de proximité, à la prévention de la délinquance et aux politiques d'aide aux victimes et du droit ".

Il précise en outre que les mesures alternatives de traitement pénal (médiation pénale, réparation pour les mineurs...) et les actions tendant à la résolution amiable des litiges civils (transaction, conciliation et médiation) peuvent y prendre place.

2. Le renvoi des modalités de création et de fonctionnement à un décret en Conseil d'Etat

En revanche, le projet de loi n'apporte aucune précision quant au statut et au financement des maisons de justice et du droit dont les modalités de création et de fonctionnement sont renvoyées à un décret en Conseil d'Etat.

C. LES OBSERVATIONS DE VOTRE COMMISSION DES LOIS

Votre commission dresse un bilan positif de l'action des maisons de justice constituées jusqu'à ce jour et constate qu'elles peuvent jouer un rôle utile et novateur en matière d'accès au droit et de traitement des petits contentieux de masse.

Aussi ne voit-elle pas d'inconvénient à ce que leur existence soit consacrée dans un texte législatif.

Compte tenu de l'imprécision des dispositions législatives proposées, elle souhaite toutefois que le Garde des Sceaux apporte au Sénat, au cours du débat en séance publique, quelques éclaircissements sur le contenu du décret qui devra déterminer les modalités de création et de fonctionnement des maisons de justice.

Elle tient par ailleurs à souligner qu'elle ne serait pas favorable à une généralisation systématique des maisons de justice et du droit sur l'ensemble du territoire dans la mesure où celle-ci pourrait conduire, ainsi que l'a souligné M. Pierre Fauchon, à l'organisation d'une sorte de justice parallèle n'offrant pas les mêmes garanties que les tribunaux.

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