II. EXAMEN DE L'AVIS

Réunie le jeudi 20 novembre 1997, sous la présidence de M. Jean Pierre Fourcade, président, la commission a tout d'abord procédé à l'examen du rapport pour avis de M. Jean Chérioux sur le projet de loi de finances pour 1998 (emploi et solidarité : affaires sociales).

M. Jean Chérioux, rapporteur pour avis
, a tout d'abord rappelé que, dans la nouvelle présentation budgétaire, les crédits relatifs à l'action sociale et à la solidarité étaient inclus dans le fascicule relatif aux dépenses portant sur la santé, la solidarité et la ville.

Soulignant par ailleurs qu'une fraction des crédits en faveur des rapatriés était également rattachée à ce fascicule, il a observé que le budget des affaires sociales représentait ainsi, à périmètre constant, 63 milliards de francs de crédits pour 1998 destinés à financer, d'une part, les actions de solidarité telles que le revenu minimum d'insertion (RMI) ou l'allocation aux adultes handicapés (AAH), et, d'autre part, diverses actions sociales regroupées sous l'appellation " développement de la vie sociale ".

M. Jean Chérioux, rapporteur pour avis , a souligné que les besoins en matière d'action sociale étaient immenses mais que la marge de manoeuvre des pouvoirs publics était réduite en raison de l'inertie des dispositifs en place.

Il a estimé que l'objectif des pouvoirs publics ne devait donc plus être de dépenser " plus " mais de dépenser " mieux " et que ce budget devait être jugé à partir d'une approche qualitative.

Evoquant tout d'abord l'insertion et la lutte contre l'exclusion, M. Jean Chérioux , rapporteur pour avis, a commenté l'évolution des principales données relatives au RMI en soulignant la hausse de 7 % des bénéficiaires constatée en 1996.

Puis, il a observé que le volet relatif à l'insertion prévu dans le dispositif du RMI était " en panne " pour certaines catégories de bénéficiaires, en particulier pour des personnes marginalisées qui ne peuvent entrer dans les parcours d'insertion classiques.

Il a regretté, par ailleurs, que le contrôle des fraudes au RMI, nettement amélioré par le précédent Gouvernement, semble atteindre un seuil maximum. Il a souhaité que les limites de ce contrôle ne remettent pas en cause le consensus sur le dispositif du RMI.

Il s'est interrogé sur la possibilité de prévoir une forme d'intéressement des caisses d'allocations familiales (CAF) aux résultats des contrôles qui sont effectués sur une prestation dont il a rappelé qu'elle était financée principalement par l'Etat.

Abordant la question de la lutte contre l'exclusion, M. Jean Chérioux, rapporteur pour avis , a tout d'abord rappelé le caractère préoccupant de l'évolution de la grande pauvreté constatée notamment à travers une récente enquête du Secours Catholique, en regrettant qu'un nouveau projet de loi portant sur la lutte contre les exclusions n'ait pas été déposé plus tôt par l'actuel Gouvernement.

Il a constaté que le programme d'ouverture de places supplémentaires dans les centres d'hébergement et de réadaptation sociale (CHRS) était inférieur à celui de l'année dernière et a regretté les économies réalisées sur les crédits relatifs au financement de l'action sociale d'urgence et de l'aide aux jeunes en difficulté.

Abordant l'aide aux personnes handicapées , M. Jean Chérioux, rapporteur pour avis , a tout d'abord rappelé que les crédits relatifs à l'AAH augmentaient de plus de 5 % en 1998 et a donc constaté l'ampleur des besoins en ce domaine.

Il a indiqué que le Gouvernement avait prévu de créer 2.000 places supplémentaires dans les centres d'aide par le travail (CAT) et 500 places nouvelles en atelier protégé tout en précisant que les associations auraient souhaité une autre ventilation des dépenses supplémentaires en ce domaine.

Il a rappelé que la question de l'amendement " Creton " s'était récemment compliquée du fait de l'annulation, par décision du Conseil d'Etat du 9 juillet 1997, de la circulaire du 27 janvier 1995 qui assurait un équilibre précaire en matière de répartition de la charge financière des jeunes adultes handicapés.

Evoquant le débat récemment survenu sur le contrôle de l'effectivité par les départements de l'utilisation de l'allocation compensatrice pour tierce personne (ACTP), M. Jean Chérioux, rapporteur pour avis , a estimé que les départements pouvaient légitimement s'assurer que l'ACTP n'était pas considérée comme un complément de revenus mais bien comme un soutien au financement de l'aide fournie par un tiers.

S'agissant des actions diverses, M. Jean Chérioux , rapporteur pour avis, a souhaité mettre l'accent sur la dérive préoccupante de la dotation relative aux tutelles et curatelles d'Etat en soulignant que, depuis 10 ans, les décisions judiciaires tendaient souvent à instaurer l'intervention d'un tiers, même dans les cas où les membres de la famille de la personne protégée n'étaient pas indifférents au sort de celle-ci.

Il a estimé que le développement de la tutelle et de la curatelle d'Etat était une question de société qui devait relever d'un examen par le Parlement.

Par ailleurs, il a constaté que, pour la préparation du projet de budget pour 1998, le Gouvernement avait bénéficié de l'arrivée à échéance de la procédure d'indemnisation des rapatriés, prévue par la loi du 16 juillet 1987, qui avait représenté 3,5 milliards de francs de dépenses dans le budget pour 1997.

Puis il a évoqué l'évolution des différentes composantes de la dépense nette d'action sociale des départements d'un montant de 76 milliards de francs en 1996.

Il a souligné que l'infléchissement de la croissance des dépenses d'insertion était dû au ralentissement des frais sur les dépenses d'intervention sociale facultative ainsi que sur la protection maternelle et infantile, en remarquant que ces économies ne seraient pas reconductibles et qu'elles risquaient de toucher les familles les plus fragiles.

Il a indiqué qu'il proposerait l'adoption d'un taux directeur opposable à l'évolution des dépenses dans le secteur social et médico-social conformément au projet qui avait été annoncé par le précédent Gouvernement lors de la dernière discussion budgétaire.

En conclusion, M. Jean Chérioux, rapporteur pour avis, a souligné que ce budget ne devait pas être jugé uniquement à l'aune des augmentations ou des diminutions de crédits, tout en constatant qu'il n'était pas très généreux dans le domaine de la lutte contre l'exclusion. Il a estimé qu'il ne permettait pas d'assurer au meilleur coût les prestations sociales dont le ministère était chargé.

Il a donc proposé d'émettre un avis défavorable aux crédits relatifs à l'action sociale et la solidarité.

M. Jean Madelain s'est interrogé sur l'incidence de la mise en place de la prestation spécifique dépendance sur l'évolution des attributions au titre de l'AAH. Il s'est inquiété des effets de l'application d'un taux directeur opposable dans le secteur social et médico-social pour les établissements accueillant des jeunes handicapés adultes au titre de l'amendement " Creton " et s'est demandé quelles suites pourraient être données à l'annulation de la circulaire par le Conseil d'Etat.

Mme Joëlle Dusseau a exprimé des réserves à propos du principe de l'intéressement des CAF aux résultats des contrôles sur le RMI ainsi que sur la mise en oeuvre d'un taux directeur opposable dans le secteur social et médico-social. Elle a rappelé qu'une loi sur la lutte contre les exclusions était en préparation. Elle s'est déclarée en accord avec le rapporteur pour avis au sujet de l'évolution préoccupante du dispositif des tutelles et curatelles d'Etat. Elle a souligné que le Gouvernement avait fait des efforts en matière de créations de places de CAT et en atelier protégé dont il convenait de se féliciter, même si elle a reconnu qu'il subsistait des besoins, notamment en places de maisons d'accueil spécialisé (MAS).

M. Bernard Seillier a estimé que, compte tenu du report de l'examen de l'ancien projet de loi d'orientation relatif au renforcement de la cohésion sociale, le Gouvernement aurait pu prévoir des mesures particulières en ce domaine au titre du budget pour 1998.

Mme Marie-Madeleine Dieulangard s'est interrogée sur l'évolution des crédits relatifs aux établissements de formation des travailleurs sociaux en rappelant les besoins des collectivités locales en ce domaine. Elle a constaté que le débat sur le projet de loi d'orientation relatif au renforcement de la cohésion sociale avait été interrompu brutalement du fait de la dissolution de l'Assemblée nationale. Reconnaissant les insuffisances en matière d'insertion du dispositif du RMI, elle a rappelé que le Gouvernement avait choisi en priorité d'agir sur l'emploi grâce aux emplois-jeunes. Elle a regretté l'insuffisance du nombre de travailleurs sociaux et s'est déclarée réservée à l'égard du renforcement du contrôle des fraudes au RMI, en estimant que le taux de récupération de 73 millions de francs d'indus représentait déjà un montant élevé. Elle a, par ailleurs, souhaité un renforcement du dispositif d'accompagnement social dans le logement pour les plus démunis.

M. Marcel Lesbros a estimé normal que les départements contrôlent l'effectivité de l'aide apportée aux personnes handicapées titulaires de l'ACTP, a considéré que les conseils généraux s'en tenaient strictement au texte de loi et qu'on ne pouvait leur reprocher d'être attentifs aux pièces justificatives.

M. Jean-Pierre Fourcade, président , s'est demandé s'il ne serait pas opportun de proposer un dispositif législatif en remplacement de la circulaire relative à l'amendement " Creton " annulée par le Conseil d'Etat en juillet 1997.

En réponse, M. Jean Chérioux, rapporteur pour avis, a tout d'abord constaté qu'il était encore un peu tôt pour mesurer l'incidence de la mise en place de la prestation spécifique dépendance sur les statistiques relatives à l'AAH et a évoqué l'augmentation des attributions de l'AAH à des salariés handicapés âgés mais n'ayant pas encore atteint l'âge de la retraite et ne trouvant plus de travail.

S'agissant de l'amendement " Creton ", il a indiqué que le taux directeur dont il proposait l'application pourrait être modulé en fonction de la situation de chaque établissement et s'est déclaré prêt à étudier un amendement permettant de donner une base légale aux dispositions contenues dans la circulaire du 29 juillet 1995 relative à une procédure forfaitaire de tarification.

Concernant le contrôle du RMI, il a souligné que le mécanisme consistant à faire supporter aux CAF, sans compensation, la lourde charge du contrôle de cette prestation pour le compte de l'Etat, ne portait pas en lui-même l'assurance de son efficacité.

S'agissant des sanctions en cas de fraude, il a fait une distinction entre la suspension du versement du RMI, qui devrait intervenir dans tous les cas, et le reversement de l'indu qui pourrait faire l'objet d'une appréciation individualisée.

Concernant le projet de loi de lutte contre les exclusions, il a estimé que le texte qui avait été présenté par le précédent Gouvernement avait été accueilli par un relatif consensus et qu'il aurait donc pu être redéposé plus rapidement.

S'agissant de la formation des professions sociales, il a indiqué que le Gouvernement avait prévu une revalorisation de la dotation des établissements de formation correspondant en principe à un accroissement en volume de 3 % des étudiants en travail social tout en regrettant que des objectifs qualitatifs ne soient pas fixés en matière de formation.

Concernant l'accompagnement social des plus démunis, il a souligné les bons résultats des opérations assurant à la fois la mise à disposition d'un logement et un accompagnement social renforcé.

S'agissant des handicapés, il a déclaré que la demande de places supplémentaires en MAS, de préférence à des places en CAT ou ateliers protégés, avait été formulée par les responsables des associations qu'il avait auditionnés.

Puis, M. Jean Chérioux, rapporteur pour avis, a présenté deux amendements visant à instaurer un taux directeur opposable à l'évolution des dépenses des établissements sociaux et médico-sociaux.

Il a tout d'abord rappelé la procédure de financement de ces établissements ainsi que les conditions dans lesquelles le dispositif prévu pour le 1 er janvier 1997 avait été reporté par le précédent Gouvernement.

Il a souligné que le taux directeur opposable serait adapté, après évaluation, à la situation et aux besoins de chaque établissement ou de chaque catégorie d'établissement.

Il a estimé que le taux directeur opposable obligerait l'Etat à instaurer une cohérence entre les décisions prises en matière de rémunération des personnels et celles prises pour assurer le financement du secteur social et médico-social.

Il a souligné également la nécessité d'intégrer les coûts de la fixation des normes d'encadrement dans les établissements ainsi que de la révision périodique des normes de sécurité.

Il a estimé que des progrès pourraient être obtenus en matière d'effectifs des établissements, d'horaires et de formation du personnel dans le cadre d'une réflexion d'ensemble sur les conventions collectives applicables dans ce secteur.

Puis il a présenté les deux amendements dont le premier porte sur l'ensemble des établissements médico-sociaux financés par les départements et le second concerne les établissements sociaux et médico-sociaux financés par l'Etat.

Après un débat au cours duquel sont intervenus MM. Jean-Pierre Fourcade, président, Jean Madelain, Mme Marie-Madeleine Dieulangard et M. Jean Chérioux, rapporteur pour avis, la commission a émis un avis défavorable à l'adoption des crédits consacrés aux affaires sociales dans le projet de loi de finances pour 1998, et a adopté deux amendements portant articles additionnels rattachés à ce budget afin d'instituer un taux directeur opposable à l'évolution des dépenses des établissements sociaux et médico-sociaux financés respectivement par les départements et par l'Etat.

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