LES CONCLUSIONS DE LA COMMISSION

LES CONCLUSIONS DE LA COMMISSION

Réunie le mercredi 29 janvier 1997 sous la présidence de M. Jacques Larché, la commission des Lois du Sénat a procédé à l'examen du projet de loi.

M. Paul Masson, rapporteur, a indiqué que ce projet de loi apportait des aménagements au cadre défini par les " lois Pasqua " de 1993, dont il a souligné l'effet positif en matière de lutte contre l'immigration irrégulière.

Pour le rapporteur, le projet de loi répond à un double objectif :

- d'une part, remédier aux difficultés rencontrées pour le contrôle de l'entrée des étrangers sur le territoire français et pour la mise en oeuvre des mesures d'éloignement ;

- et d'autre part, résorber certaines situations individuelles complexes résultant de l'application des textes actuels, notamment en raison de l'existence de catégories d'étrangers qui ne sont " ni éloignables, ni régularisables ".

La commission a adopté 29 amendements qui reviennent sur plusieurs modifications de l'Assemblée nationale.

· S'agissant des dispositions relatives aux titres de séjour , la commission a -conformément à l'esprit du projet de loi initial- limité le plus possible les catégories d'étrangers qui ne peuvent faire l'objet d'une mesure d'éloignement du territoire français mais ne sont pas pour autant susceptibles de bénéficier de plein droit d'une carte de séjour temporaire d'un an.

Elle a donc étendu, à l' article 4 , la délivrance de plein droit de cette carte, sauf menace à l'ordre public :

- aux étrangers justifiant par tous moyens avoir leur résidence habituelle en France depuis plus de quinze ans (la mention de cette catégorie d'étrangers, qui figurait dans le texte initial du Gouvernement, ayant été supprimée par l'Assemblée nationale) ;

- et aux étrangers titulaires d'une rente d'accident de travail ou de maladie professionnelle servie par un organisme français (pour une incapacité permanente égale ou supérieure à 20%).

Par cohérence, la commission a rétabli l'impossibilité d'éloigner les étrangers résidant en France depuis plus de quinze ans, qui figure dans le texte actuel de l'ordonnance de 1945 et que l'Assemblée nationale avait supprimée.

La commission a en outre réduit à un an (au lieu de deux ans dans le texte de l'Assemblée nationale) la durée de mariage requise du conjoint non polygame d'un Français pour obtenir de plein droit la délivrance d'une carte de séjour temporaire.

M. Jacques Larché, président, s'est par ailleurs interrogé sur la situation des parents d'un enfant né en France, qui peuvent actuellement être éloignés alors même que leur enfant pourrait acquérir la nationalité française par une manifestation de volonté entre seize et vingt-et-un ans.

La commission a approuvé la possibilité -introduite par l'Assemblée nationale- de refuser à un étranger le renouvellement (aujourd'hui automatique sauf si l'étranger vit en état de polygamie ou a quitté le territoire français pendant une période de plus de trois ans consécutifs) de sa carte de résident (valable dix ans) en cas de menace pour l'ordre public. Elle a précisé que ce renouvellement serait subordonné à la condition que l'intéressé ait conservé sa résidence habituelle en France ( article 4 bis).

Elle a enfin supprimé la disposition introduite par l'Assemblée nationale afin d'interdire la venue en France d'un nouveau conjoint au titre du regroupement familial avant un délai de deux ans à compter du divorce lorsque le mariage entre l'étranger résidant en France et son conjoint admis au séjour comme membre de la famille a été dissous ou annulé moins de deux ans après l'admission au séjour de ce conjoint ( article 6 ter ). La commission a considéré inutile de voter à nouveau une disposition contraire au droit de mener une vie familiale normale consacré par le Conseil constitutionnel.

· En ce qui concerne les mesures tendant à améliorer les procédures de contrôle , d'identification et d'éloignement des étrangers en situation irrégulière , la commission a accru les garanties nécessaires au respect des libertés individuelles.

La commission a tout d'abord approuvé l'obligation faite à l'hébergeant de déclarer à la mairie le départ de l'étranger hébergé, le défaut de déclaration entraînant l'impossibilité pour le signataire du certificat d'hébergement d'obtenir le visa d'un nouveau certificat pendant une période de deux ans. Elle a cependant précisé que la déclaration concernerait le départ du domicile (et non le départ du territoire) et que l'absence de notification du départ ne serait pas opposable à l'hébergeant de bonne foi ou justifiant de circonstances personnelles ou familiales ( article premier ).

M. Paul Masson, rapporteur, a souligné que le maire agissait dans ce domaine au nom de l'Etat et qu'à ce titre il était soumis au pouvoir hiérarchique du préfet.

Il a fait valoir que, dans ces conditions, le maire ne serait pas isolé dans l'exercice de sa mission et que les préfets pourraient veiller à l'homogénéité des décisions prises en la matière. Serait ainsi sauvegardée l'objectivité de cette procédure. En tout état de cause, les recours gracieux ou contentieux peuvent toujours être exercés.

La commission a accepté la possibilité de retenir les passeports des étrangers en situation irrégulière, en précisant que la restitution des passeports pourrait avoir lieu avant la sortie du territoire ( article 3 ).

Sous réserve que la durée de la visite soit limitée au temps strictement nécessaire, elle a également accepté la faculté donnée aux officiers de police judiciaire de procéder, avec l'autorisation du procureur de la République, à une visite sommaire des véhicules , à l'exclusion des voitures particulières , dans une bande de 20 km à partir des frontières communes avec les Etats signataires de la convention de Schengen, en vue de rechercher et constater les infractions aux règles relatives à l'entrée et au séjour des étrangers ( article 3 ).

La commission a en revanche supprimé la possibilité de relever les empreintes digitales des étrangers sauf pour ceux qui sollicitent la délivrance d'un titre de séjour ou sont en situation irrégulière ou font l'objet d'une mesure d'éloignement. De plus, elle a entouré de garanties la possibilité d'accès des services du ministère de l'Intérieur aux autres fichiers, en précisant que seuls les officiers et agents de police judiciaire chargés de l'exécution des mesures d'éloignement pourraient consulter les fichiers d'empreintes digitales du ministère de l'Intérieur et de l'OFPRA, en limitant la finalité de cette consultation à l'identification d'un étranger tentant de se soustraire à l'exécution d'une mesure d'éloignement et en se référant aux conditions fixées par la loi du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés ( article 3 ).

Au sujet des procédures d'éloignement , elle a accepté le report de 24 à 48 heures de la présentation au juge civil en vue de la prolongation de la rétention administrative ainsi que le principe de l'effet suspensif qui pourrait être donné à l'appel du procureur de la République en cas de refus de cette prolongation par le président du tribunal de grande instance. Elle l'a toutefois encadré notamment en précisant le caractère exceptionnel de la demande et sa nécessaire motivation par l'absence de garanties de représentation de l'intéressé ( article 8 ).

Elle a par ailleurs limité aux lieux à usage professionnel l'habilitation donnée aux officiers de police judiciaire sur réquisitions du procureur de la République aux fins de visiter des locaux dans le cadre de la lutte contre le travail illégal, en supprimant l'extension -prévue par l'Assemblée nationale- aux " locaux mixtes ", c'est-à-dire les locaux à usage mixte professionnel et d'habitation ( article 10 ) -conformément au cadre fixé par le Conseil constitutionnel en matière d'accès au domicile.

Enfin, en matière de prestations familiales, la commission a supprimé l'extension -prévue par l'Assemblée nationale- du contrôle de la régularité du séjour au conjoint ou au concubin de l'allocataire ( article 11 ). La commission a jugé préjudiciable aux intérêts de l'enfant de suspendre ce versement pour le seul motif que le conjoint ou le concubin de l'allocataire serait en situation irrégulière.

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