DEUXIÈME PARTIE - LA RÉPONSE PROPOSÉE PAR LE PROJET DE RÉVISION TEL QUE MODIFIE PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE : LA CRÉATION DE LOIS DE FINANCEMENT DE LA SECURITE SOCIALE DISCUTÉES SELON UNE PROCÉDURE PARTICULIÈRE

Pour permettre au Parlement de se prononcer chaque année sur les conditions générales de l'équilibre financier prévisionnel de la sécurité sociale, le texte initial du projet de révision constitutionnelle proposait la création d'une nouvelle catégorie de loi -la loi d'équilibre de la sécurité sociale- et fixait certaines règles de procédure (essentiellement de délais) applicables à cette nouvelle catégorie.

La loi d'équilibre de la sécurité sociale déterminerait les conditions générales de l'équilibre financier prévisionnel de la sécurité sociale et fixerait, en fonction de celles-ci, les objectifs de dépenses, dans les conditions et sous les réserves prévues par une loi organique.

En première lecture, l'Assemblée nationale a modifié sur deux points importants la rédaction initiale du projet de loi constitutionnelle.


L'article premier vise désormais « les lois de financement de la sécurité sociale » et non plus « la loi d'équilibre de la sécurité sociale » .

En elle-même, la substitution des termes « loi de financement » aux termes « loi d'équilibre » est d'ordre avant tout rédactionnel, comme l'a reconnu M. Pierre Mazeaud, Président de la commission des Lois de l'Assemblée nationale et rapporteur du projet de révision. L'emploi du pluriel (« les lois de financement » ) à la place du singulier (« la loi d'équilibre » ) ouvre de façon explicite la possibilité de discuter, s'il y a lieu, de lois de financement rectificatives.


Les lois de financement ne traiteraient plus seulement des conditions générales de l'équilibre et des objectifs de dépenses mais aussi des « prévisions de recettes » qui apparaissaient déjà en filigrane dans le texte initial du projet de loi constitutionnelle. L'appellation « lois de financement » participe d'ailleurs aussi du même souci car comme l'a justement noté le Garde des Sceaux, elle « met l'accent sur les ressources de la sécurité sociale » .

I. LA REFORME PROPOSÉE IMPOSAIT-ELLE ABSOLUMENT UNE RÉVISION CONSTITUTIONNELLE ?

L'article premier du projet de révision n'étend pas à proprement parler le domaine de l'article 34. Il se contente de préciser et de regrouper dans une catégorie particulière de loi le contenu de la compétence du législateur en matière d'équilibre financier de la sécurité sociale.

Cette réforme aurait sans aucun doute pu être réalisée par la voie d'une simple loi organique, ainsi que l'autorise le dernier alinéa de l'article 34 de la Constitution :

« Les dispositions du présent article pourront être précisées et complétées par une loi organique » .

Car le nouvel alinéa inséré dans l'article 34 de la Constitution par l'article premier du projet de révision n'introduit bien qu'un complément ou une précision à cet article.

Mais si l'on veut fixer des règles particulières d'examen des lois de financement de la sécurité sociale -en l'occurrence, des délais particuliers une révision devient inévitable, la procédure législative échappant au domaine de la loi organique ainsi que l'a considéré le Conseil constitutionnel dans sa décision du 7 janvier 1988 sur la loi organique issue de la proposition de loi de M. Michel d'Ornano.

Au cas présent, l'institution d'une procédure particulière est-elle réellement opportune ?

Où, tout au moins, n'est-elle pas quelque peu prématurée ?

Cette question mérite d'être posée dans la mesure où le contenu même des lois de financement n'est pas explicitement défini dans le projet de révision et que la nécessité de délais stricts d'adoption de ce type de loi n'est pas réellement établie, d'autant qu'on ne sait pas exactement le moment où elle sera discutée.

On se trouve donc devant une double incertitude qui aurait pu inciter à ne pas surcharger le texte de la Constitution.

Du point de vue juridique, la démarche proposée ne soulève certes aucune difficulté car le Constituant a la plénitude d'appréciation des matières qu'il entend inscrire dans la Constitution et sur la manière dont il entend articuler les dispositions nouvelles avec les dispositions préexistantes. Le Conseil constitutionnel a d'ailleurs clairement rappelé dans sa décision n° 312 DC du 2 septembre 1992 que « le constituant est souverain ; il lui est loisible d'abroger, de modifier ou de compléter des dispositions de valeur constitutionnelle dans la forme qu'il estime appropriée » .

Pour autant, il aurait peut-être été préférable de faire l'économie d'une nouvelle révision constitutionnelle -la cinquième en moins de quatre ans- et de ne pas instituer dès le départ des procédures complexes.

De cette sorte, la réforme proposée aurait pu passer par la voie beaucoup plus simple d'une loi organique.

En outre, faire figurer dès à présent dans la Constitution le contenu et la procédure d'examen des lois de financement de la sécurité sociale présente un inconvénient non négligeable : celui de figer pour un temps indéterminé le dispositif, car s'il se révèle nécessaire de le modifier après quelques temps de mise en oeuvre, une révision constitutionnelle sera à nouveau indispensable.

Là encore, l'institution par une loi organique de lois de financement discutées selon la procédure législative ordinaire aurait ménagé un élément appréciable de souplesse, tout en prévenant le risque de révisions à répétition qui, à la longue, pourraient finir par altérer la nécessaire stabilité de notre loi fondamentale.

Mais à partir du moment où le Gouvernement a jugé nécessaire de prévoir des dispositions particulières de procédure, il s'est fermé la voie de la loi organique.

Cette fermeture est cependant toute relative car la révision constitutionnelle va résoudre du même coup tous les problèmes de procédure auxquels les précédentes tentatives se sont heurtées, notamment celle de M. Michel d'Omano.

Une fois débloqué le « verrou » de la procédure, le Parlement retrouve en effet une pleine marge de manoeuvre pour compléter ou préciser par la voie organique les dispositions de l'article 34 de la Constitution relatives à la sécurité sociale.

Dans cette optique, les lois de financement de la sécurité sociale deviendront un instrument constitutionnel dont le législateur organique aura toute latitude pour préciser l'usage.

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