II. AUDITIONS DIVERSES

La commission des Affaires sociales s'est réunie le vendredi 1er décembre 1995, sous la présidence de M. Jean-Pierre Fourcade, président, afin de commencer les auditions sur le projet de loi autorisant le Gouvernement, par application de l'article 38 de la Constitution, à réformer la protection sociale.

La commission a tout d'abord procédé à l'audition de M. Jean-Paul Probst, secrétaire général adjoint de la Confédération française des travailleurs chrétiens (CFTC).

M. Jean-Paul Probst a déclaré, au préalable, que la CFTC avait exprimé un accord global, assorti de quelques nuances, sur l'architecture générale du dispositif de réforme de la sécurité sociale qui lui avait été soumis.

Il a approuvé les dispositions relatives à l'assurance vieillesse qui prévoient un transfert financier entre le fonds de solidarité vieillesse (FSV) et la caisse nationale d'assurance vieillesse (CNAV) pour assurer l'équilibre financier des régimes de base. Concernant les prestations familiales, il a exprimé son accord sur les mesures tendant à confier à la caisse nationale d'allocations familiales (CNAF) la charge de gérer, directement ou indirectement, toutes les prestations servies en matière de politique familiale.

Il a estimé que, dans un premier temps, les modalités actuelles de gestion des prélèvements au titre de la branche famille pourraient être maintenues et a envisagé, à terme, la généralisation de la cotisation sur les salaires de 5,4 % applicable aujourd'hui dans le secteur privé.

Il a estimé que la simplification du régime des prestations familiales garantirait une meilleure lisibilité du système et une meilleure information des usagers.

Concernant les dépenses de santé, il a indiqué que la CFTC, qui réclame depuis longtemps une réforme du système, approuvait la mise en place d'un dispositif de régulation des dépenses sur le plan régional, ainsi que la deuxième étape du processus visant à mieux déterminer le comportement des acteurs sur le terrain afin de les contraindre au respect des objectifs prévisionnels. Il a estimé, à cet égard, que chaque médecin devrait signer la convention régionale et être informé de ses droits et de ses devoirs.

Il a souhaité une concertation préalable avec le comité technique des institutions de prévoyance (CTIP) en ce qui concerne les prélèvements qui seraient appliqués aux versements effectués par les entreprises, pour le compte de leurs salariés, au titre de la prévoyance.

S'agissant de la réforme de l'organisation sanitaire et des établissements de santé, il s'est déclaré favorable à la création d'instances régionales, à la condition qu'elles assurent la représentation tripartite de l'État, des partenaires sociaux et des « partenaires médicaux » désignés parmi les directeurs d'hôpitaux ou par le conseil de l'ordre des médecins.

Il a émis un avis favorable aux mesures envisagées pour simplifier et rationaliser les structures et la gestion de la sécurité sociale, qui doivent concerner notamment l'assurance maladie.

S'agissant des modalités de consolidation et d'apurement de la dette, il a approuvé le principe de l'apurement d'un montant de dettes cumulé de 110 milliards de francs pour 1992 et 1993 au sein des charges du FSV ainsi que de la réintégration de cette dette dans une caisse d'amortissement spécifique, en soulignant que cette mesure de clarification permettrait de faire prendre en charge par le FSV les dépenses de solidarité non contributives.

En revanche, il a souhaité que les allocations familiales soient exonérées du prélèvement au titre du remboursement de la dette sociale (RDS).

M. Charles Descours a demandé si la CFTC partageait la crainte, exprimée par certains syndicats, que l'intervention accrue du Parlement dans le système de protection sociale ne conduise à une dépossession des partenaires sociaux et si les mesures d'apurement de la dette du régime général couvriraient aussi la caisse nationale d'assurance maladie (CNAM). Il s'est interrogé sur l'exception au principe de l'application de la réforme au 1er janvier 1996 prévue en faveur des hôpitaux, sur la modification des plafonds de ressources pour le versement de l'allocation pour jeune enfant (APJE) et sur la non déductibilité du RDS au titre de l'impôt sur le revenu.

En réponse, M. Jean-Paul Probst a indiqué que la CFTC ne voyait pas d'inconvénients à ce que le Parlement définisse chaque année les « grands paramètres de fonctionnement » de la protection sociale en matière de recettes et de dépenses et qu'il était normal que les parlementaires disposent d'un droit de suivi sur les résultats ainsi que d'un droit d'impulsion sur les grandes lignes de la politique sociale à suivre.

Soulignant que les relations avec les parlementaires ne « posaient pas de problèmes », il a estimé souhaitable que les gestionnaires des organismes de sécurité sociale viennent expliquer les enjeux de la protection sociale devant la représentation nationale.

Toutefois, il a vivement souhaité que les conseils d'administration des caisses nationales ne soient pas limités à un rôle de « figurant » ou de « caution » de la politique décidée par le Gouvernement.

Il a estimé à cet égard que chaque caisse nationale pourrait être investie, dans le domaine qui la concerne, d'un rôle de proposition au Parlement, après avis motivé du Gouvernement, sur les mesures d'économie ou les dépenses nouvelles, éventuellement gagées, à mettre en oeuvre.

S'agissant du retour à l'équilibre, il a souligné que si le déficit de l'assurance vieillesse pouvait être réduit de 10 milliards de francs et si celui de la CNAF pouvait être abaissé de moitié pour être ramené à 6 milliards de francs, le déficit de la branche de l'assurance maladie était le problème le plus important et le plus difficile à résoudre.

Concernant l'application des mesures d'urgence aux hôpitaux, il a estimé souhaitable d'inclure ces établissements dans le droit commun de l'application de la réforme au 1er janvier 1996, à la condition de revoir à la hausse l'objectif d'une progression de 2,1 % des dépenses en 1996, qu'il a considéré comme irréaliste pour le secteur hospitalier.

Concernant l'APJE, versée après le troisième mois de grossesse, il a rappelé que le versement était effectué sans condition de ressources jusqu'au troisième mois après la naissance, et sous conditions de ressources, jusqu'aux trois ans de l'enfant. Il a précisé que le projet d'appliquer la condition de ressources à l'ensemble de la prestation serait une erreur car cela pénaliserait les jeunes ménages dont le salaire d'embauche demeure modeste en niveau relatif.

S'agissant de la déductibilité fiscale du RDS, il a rappelé qu'en tout état de cause, quel que soit le régime de déductibilité adopté, il conviendrait, dans un souci de clarté, d'harmoniser le régime du RDS avec celui de la contribution sociale généralisée (CSG).

M. Jean Chérioux a demandé si la CFTC était toujours favorable à l'unification du régime des retraites accompagnée d'une généralisation du calcul du point de pension.

M. Claude Huriet s'est interrogé sur les modalités pratiques de régulation des dépenses de santé au niveau régional.

Mme Marie-Madeleine Dieulangard s'est interrogée sur les nuances ou les réserves émises par la CFTC sur la réforme de la protection sociale, sur l'imprécision des mesures proposées en matière de maîtrise des dépenses de santé et sur le recours aux fonds de pension en matière de retraite.

En réponse, M. Jean-Paul Probst a reconnu la complexité du système actuel de calcul des retraites et a appelé de ses voeux une simplification qui permettrait, en outre, de mieux prendre en compte la situation des chômeurs et des mères de famille ayant arrêté de travailler.

Concernant les accords régionaux sur l'évolution des dépenses de santé, il a estimé que ceux-ci pourraient prendre la forme de conventions régionales, auxquelles les médecins devraient être associés, fixant des objectifs de progression des dépenses, des procédures d'évaluation des résultats ainsi que des mécanismes correcteurs et de contrainte.

M. Jean-Pierre Fourcade, président, a souhaité un dispositif de conventions infra-régionales pour les régions les plus importantes.

Puis, M. Jean-Paul Probst a souligné que le dispositif de réforme de la protection sociale n'aurait de sens que s'il permettait d'assurer une réelle maîtrise des dépenses de santé en relevant que le projet de texte ne présentait pas de garantie claire en ce domaine.

Il a indiqué par ailleurs que la CFTC souhaitait que les familles comptant des enfants âgés de plus de 18 ans soient mieux soutenues.

Enfin, concernant les fonds de pension, il a souligné qu'il serait politiquement dangereux d'avancer sur cette voie tant que les autres problèmes de la protection sociale n'auraient pas été résolus.

La commission a ensuite procédé à l'audition de M. Didier Hotte, chargé de la protection sociale à la Confédération générale du travail-Force ouvrière (CGT-FO).

M. Didier Hotte a tout d'abord rappelé qu'en matière de financement de la protection sociale, la position classique de la CGT-FO découlait de sa conception initiale sur le salaire et sur la nature de ce dernier. Il a expliqué que le salarié, en contrepartie de son travail, devait recevoir un salaire direct et un salaire différé (par le biais des cotisations sociales d'assurance maladie, de vieillesse, de famille...) d'une nature différente de l'impôt. Le rôle du syndicat étant de négocier le salaire, il a donc estimé logique que le financement de la protection sociale du régime général et des régimes spéciaux relève directement de la compétence des partenaires sociaux..

Il a jugé que la réforme de la protection sociale devait s'effectuer dans le cadre d'une clarification des responsabilités entre l'État et les gestionnaires sociaux, afin d'établir précisément les champs de compétences ressortissant du domaine de l'État et ceux ressortissant des régimes de protection sociale obligatoire.

Il a souligné que l'on ne pouvait imputer aux partenaires sociaux, gestionnaires des régimes obligatoires, les déficits, qui ont servi de déclencheur des réformes en cours. Il a rappelé qu'une partie des recettes dues aux régimes obligatoires n'avait pas été versée et que nombre des dépenses mises à la charge de ces mêmes régimes n'avaient pas été compensées par des recettes nouvelles.

Il a exprimé son émotion sur ce qu'il estime être un transfert intégral de la protection sociale des salariés vers l'État par la mise en tutelle des caisses nationales des régimes obligatoires, par le contingentement sous forme d'objectifs quantifiés de l'activité des caisses et par la nomination des directeurs des organismes par l'administration elle-même. Il a déploré également le transfert de la totalité du financement de la protection sociale à l'impôt par le biais du RDS.

Il s'est inquiété de cette modification considérable du système français de protection sociale, qui ne laisse aux partenaires sociaux qu'un rôle très limité.

A M. Jean-Pierre Fourcade, président, qui lui signalait que la réforme actuellement engagée ne pouvait concerner, dans l'immédiat, le régime de retraite des fonctionnaires, puisque la Commission Le Vert ne rendrait ses conclusions qu'à la fin du délai d'habilitation, M. Didier Hotte a constaté que certains points de l'article premier du projet de loi d'habilitation pouvaient laisser penser le contraire.

Il a indiqué que le statut général des fonctionnaires et le code des pensions civiles et militaires étaient deux éléments fondamentaux du statut de la fonction publique et que la création d'une caisse de retraite autonome des fonctionnaires était extrêmement délicate.

Il a rappelé qu'à son sens, s'affirmant ainsi quelque peu provocateur, la pension était une dette que se reconnaissait l'État vis-à-vis de ses agents et non la contrepartie des cotisations qu'ils auraient pu verser eux-mêmes. Il a reconnu que s'il en allait autrement, le régime des fonctionnaires serait d'ores et déjà déséquilibré et que toutes mesures pour résoudre ce Problème (hausse des cotisations, diminution des pensions) seraient difficiles à mettre en place.

Il a expliqué que l'exemple de la caisse nationale de retraite des collectivités locales (CNRACL) qui, largement excédentaire à sa création s'était vu spoliée de ses réserves et voyait aujourd'hui son existence même remise en cause, n'incitait pas les fonctionnaires de l'État à accepter volontiers l'institution d'une caisse autonome.

Il a ensuite exprimé son inquiétude sur la régionalisation de la protection sociale. Rappelant que l'exemple du régime d'Alsace-Moselle de protection sociale ne pouvait être avancé compte tenu de la situation particulièrement favorable de cette région en matière économique et de son niveau de chômage, inférieur de moitié à la moyenne nationale, il s'est profondément interrogé sur les effets pervers d'une telle mesure.

Enfin il s'est étonné d'une volonté grandissante de « renationalisation » de la sécurité sociale, à l'heure de la privatisation de pans entiers du secteur public.

En réponse à M. Charles Descours, M. Didier Hotte a précisé que la CGT-FO n'était pas hostile au régime universel d'assurance maladie mais qu'en fait celui-ci était déjà réalisé à quelques exceptions près. Il a toutefois souligné que s'il était favorable au principe, il était tout à fait réfractaire à l'unification du régime. Selon lui, il serait impossible de garantir une cotisation équitable entre les salariés dont les revenus sont parfaitement identifiables et les travailleurs non salariés aux revenus plus difficiles à cerner.

M. Didier Hotte a également répondu, concernant l'élargissement de l'assiette des cotisations, qu'il existait encore une grande incertitude sur les revenus concernés. Prenant l'exemple de la taxation de la valeur ajoutée des entreprises, il a noté que, pour être juste, cette taxation devrait se réaliser sur le montant des investissements, sur les placements financiers, sur les amortissements, sur la valeur des équipements... Il a fait remarquer que, dans un tel contexte, les entreprises de haute technologie, moteurs de l'activité économique de notre pays, seraient pénalisées.

A une question de M. Charles Descours sur la régionalisation des dépenses de santé, il a rappelé que le régime actuel permettait une très grande mobilité, puisque, quelle que soit la région, les Français pouvaient être assurés d'un même taux de remboursement et de prestations.

Il s'est fortement ému en évoquant la perspective d'une différenciation des droits et de la fiscalité en fonction des régions. Elle constituerait, selon lui, un facteur d'instabilité.

Répondant aux questions de MM. Jean Chérioux et Claude Huriet, M. Didier Hotte s'est dit favorable à une meilleure information des contribuables sur le régime de retraite des fonctionnaires comme sur la gestion de la protection sociale.

Il a rappelé que le calcul de la cotisation fictive versée aux régimes « favorisés » vers les régimes « perdants » au titre de la compensation, se fondait sur le niveau de prestations le plus bas versé par les régimes compensés.

Il s'est alors interrogé pour savoir si, dans un système universel, ce niveau serait celui retenu pour le montant des prestations ou si le Gouvernement envisageait de dégager les ressources propres à relever le niveau moyen de ces prestations.

Enfin, il s'est déclaré favorable à une modulation des enveloppes régionales des dépenses de santé. Toutefois, il a noté que les modalités d'accréditation auraient pour conséquence la suppression à terme de 60.000 lits d'hôpitaux, soit 15 % des capacités d'hospitalisation française, en Parfaite contradiction avec une bonne politique d'aménagement du territoire.

La commission a ensuite entendu M. Jean Gandois, président du Conseil national du patronat français (CNPF).

M. Jean Gandois a déclaré, à titre liminaire, que le CNPF considérait depuis longtemps comme une nécessité la réforme de la sécurité sociale. C'est pourquoi il soutenait les orientations définies par le Premier ministre, sans cependant vouloir préjuger des modalités, encore imprécises, notamment en ce qui concerne la réforme des hôpitaux et la réorganisation des caisses de sécurité sociale. Sur les points connus du plan de réforme, M . Jean Gandois a précisé qu'il n'avait pas d'observation majeure à formuler, ni de critiques particulières.

En réponse à M. Charles Descours, rapporteur, qui l'avait interrogé sur le rôle du Parlement, l'élargissement de l'assiette des prélèvements, l'incidence du plan de maîtrise des dépenses de santé sur les industries pharmaceutiques et sur la régionalisation de la gestion des régimes de sécurité sociale, M. Jean Gandois a tout d'abord déclaré qu'il lui semblait naturel que le Parlement intervienne en matière de sécurité sociale, de politique de la santé et de politique familiale.

Il a cependant nuancé son propos en précisant qu'il convenait de placer les régimes contractuels de retraite et le régime d'assurance chômage hors du domaine d'intervention du Parlement. Il ne lui paraît en effet pas opportun que le Parlement se prononce sur l'enveloppe de ces régimes ; ce point n'ayant pas encore été clairement explicité, M. Jean Gandois a souligné la nécessité de lever rapidement toute ambiguïté à cet égard. Cela n'empêchera d'ailleurs pas les régimes contractuels de fonctionner, notamment dans leurs rapports avec les fonds de pensions, dans la plus complète transparence.

M. Jean-Pierre Fourcade, président, a évoqué le projet de réforme constitutionnelle qui confierait au Parlement le soin de voter annuellement une loi d'équilibre de la protection sociale et d'en déterminer les objectifs globaux.

M. Jean Gandois s'est déclaré favorable à un élargissement de l'assiette du financement de la sécurité sociale. Il a toutefois souhaité que l'on procède avec prudence car tout transfert des cotisations de l'assiette des salaires sur une autre assiette au sein de l'entreprise aurait sans doute des incidences favorables sur l'emploi, mais serait susceptible de générer de nombreux effets pervers. Seule, une expérimentation devrait permettre de déterminer quelle masse de cotisations pourrait être transférée.

A propos de l'industrie pharmaceutique, il a reconnu qu'il n'était pas possible de tenir deux discours différents, l'un sur la maîtrise des dépenses de santé et de médecine ambulatoire, et l'autre sur la nécessité, pour prendre en compte les contraintes de cette industrie, de l'exclure du plan de maîtrise. Il a toutefois souligné que la maîtrise des dépenses devait être traitée dans un cadre conventionnel afin que toute précaution soit prise pour éviter de handicaper une industrie déjà fragilisée. En conséquence, il s'est étonné qu'un chiffre de 2,5 milliards à la charge de l'industrie pharmaceutique ait déjà été avancé.

Observant que beaucoup d'erreurs étaient dites à propos du plan de réforme, M. Jean-Pierre Fourcade, président, a souhaité que chacun explique clairement que la réforme des régimes spéciaux de retraite n'en faisait pas partie.

A propos du projet de gestion décentralisée des caisses, M. Jean Gandois a indiqué qu'à la situation actuelle caractérisée par le désordre et l'absence de contrôle, il préférait que les méthodes soient définies au plan national et qu'elles soient ensuite appliquées au plan régional en tenant compte des situations particulières.

En réponse à M. Claude Huriet, qui s'interrogeait sur les moyens de responsabiliser l'échelon régional, M. Jean Gandois a souligné la nécessité de relations permanentes entre les niveaux de décision national et régional, relations qui supposaient au préalable une restructuration de l'ensemble du système de soins.

A propos de la gestion des hôpitaux publics, il a souligné que la dualité de pouvoirs entre l'administration et les médecins ne pouvait donner de bons résultats. Il convenait donc d'inciter les médecins à prendre en compte la dimension économique de la médecine.

Puis, la commission a entendu Mme Jacqueline Léonard, secrétaire confédéral de la Confédération générale du travail (CGT), accompagnée de M. Donat-Decisier.

Après avoir rappelé que les grèves actuelles traduisaient le rejet, par le monde du travail, du « Plan Juppé » de réforme de la politique sociale, Mme Jacqueline Léonard a exposé les positions de la CGT.

Pour la confédération, le plan de réforme aboutira à amputer les revenus des familles et à rationner les soins. Ainsi, le gel des allocations familiales et leur fiscalisation, qui auront pour conséquence de supprimer le droit à un certain nombre de prestations telles que l'allocation pour jeune enfant ou l'allocation logement, auront des incidences sur la natalité et l'endettement des ménages.

Mme Jacqueline Léonard a ensuite contesté toute idée de dérapage des dépenses de santé, les chiffres présentés par la commission des comptes de la sécurité sociale montrant au contraire une décélération de la hausse. Cette analyse l'a conduite à rejeter l'instauration d'une maîtrise comptable des dépenses. Comme pour la hausse du forfait hospitalier à 70 francs, la conséquence en serait, en effet, un rationnement des soins. Un tel rationnement conduirait à la dégradation sanitaire du pays.

Mme Jacqueline Léonard s'est également déclarée inquiète de la création d'une agence régionale pour la gestion des hôpitaux. Par ailleurs, l'objectif de réduction de 3.300 millions de francs des dépenses d'assurance maladie aura pour conséquence d'augmenter les cotisations des retraités et des chômeurs. Parallèlement, le relèvement de la durée de cotisation au régime retraite réduira le recrutement des jeunes.

Mme Jacqueline Léonard a ensuite contesté l'instauration d'un troisième échelon de cotisation avec le RDS, institué pour combler un déficit dont la responsabilité incombait à l'État et au patronat bénéficiaires d'exonérations de charges sociales.

Pour Mme Jacqueline Léonard, la réforme des structures de la sécurité sociale est contradictoire avec celle de son financement. Selon la confédération, en effet, le financement de la sécurité sociale doit être assis sur des cotisations sociales. En le transférant sur l'impôt, la réforme constitue une rupture qui exonère les entreprises de toute contribution au nom de la compétitivité économique et de l'emploi. Mais, dans les faits, la réforme des organismes de sécurité sociale aura pour conséquence la suppression de milliers d'emplois et une réduction de la qualité de service. Le mode de gestion actuel, fondé sur le financement social, est donc plutôt une chance pour l'avenir.

Par ailleurs, la gestion actuelle a un fondement démocratique alors que la réforme proposée, qui élargit la composition des conseils d'administration et fait appel à des personnes nommées, affaiblira la représentation syndicale et aura pour conséquence d'éloigner les gestionnaires des assurés.

Enfin, le financement du système par la fiscalité aboutira à une réduction de la couverture sociale, ce qui obligera à recourir à une couverture complémentaire, génératrice de nouvelles exclusions.

En conclusion, Mme Jacqueline Léonard a préconisé l'instauration d'un système de sécurité sociale plus axé sur la prévention, attentif aux maladies nouvelles, à la recherche médicale, à la dépendance des personnes âgées et aux besoins de la famille, avec un financement assis sur l'ensemble des richesses produites par les entreprises.

En réponse à M. Charles Descours, qui l'interrogeait sur la mise en place d'un régime d'assurance maladie universel et sur les raisons qui autoriseraient les partenaires sociaux à gérer des ressources assises sur les revenus du capital, Mme Jacqueline Léonard a tout d'abord distingué le droit à la protection sociale pour toute la population, éminemment souhaitable, de l'instauration d'un régime unique qui ferait disparaître les régimes existants et conduirait à une baisse généralisée de la protection. Elle a indiqué que la CGT, en réclamant l'élargissement de l'assiette à l'ensemble des richesses créées par l'entreprise, incluait notamment les revenus du capital ; la modicité des prélèvements sur ces revenus, au regard de l'ensemble des financements, ne justifiait pas que ceux-ci soient soustraits à la gestion des partenaires sociaux.

En réponse à une question de M. Louis Boyer sur la tendance des retraités de 50 ans à reprendre un emploi au lieu de laisser la place à un jeune, Mme Jacqueline Léonard en a rejeté la responsabilité sur le patronat et l'État qui embauchent ces personnes, et sur le faible montant des retraites qui les oblige à retravailler.

Elle a souhaité que le Parlement entende l'appel des salariés, plutôt que de chercher à encadrer l'ensemble du système de protection sociale.

M. Jean-Pierre Fourcade, président, a rappelé que la protection sociale reposait aussi sur les collectivités territoriales, qu'elle constituait un tout complexe où les interférences étaient nombreuses, et que seul le Parlement avait la légitimité nécessaire pour en définir les grandes orientations.

Puis la commission a entendu M. Pierre Gilson, vice-président de la Confédération des petites et moyennes entreprises (CG-PME), chargé des affaires sociales, accompagné de MM. Georges Tissié et Veysset.

M. Pierre Gilson s'est d'emblée déclaré très satisfait du plan de réforme du Premier ministre, qui correspond à une revendication ancienne de la CG-PME. Selon lui, 90 % du plan reprennent des propositions formulées par la CG-PME depuis près de 15 ans.

Pour M. Pierre Gilson, le succès de la réforme est fondamental pour le pays et les salariés. Mais l'effort demandé aux contribuables pour rembourser la dette sociale suppose que soit conduite avec fermeté une politique de maîtrise des dépenses à tous les niveaux ; à cet égard, le projet de l'État de verser 37 milliards à la société nationale des chemins de fer (SNCF) lui est apparu mal venu, alors que de nombreuses promesses contenues dans le plan PME-PMI (petites et moyennes entreprises-petites et moyennes industries), présenté récemment par le Premier ministre, ne pouvant être financées, étaient reportées à une date ultérieure. Il a regretté que la fragilité et la spécificité du secteur des PME-PMI ne soient pas prises en compte.

M. Pierre Gilson a souhaité que soit fixé un calendrier de réformes précis, avec des dates butoirs pour mettre en oeuvre le carnet médical, qui devrait mettre un terme aux fraudes et contraindre les médecins à vérifier l'inscription du paiement à la sécurité sociale. Il a également souhaité que les pays étrangers soient appelés à régler rapidement leurs dettes à la sécurité sociale.

Enfin, il a suggéré la suppression des lits excédentaires hospitaliers, ou leur reconversion en faveur des personnes âgées dépendantes ou d'autres catégories de bénéficiaires.

En réponse à M. Jean-Pierre Fourcade, président, qui lui demandait si certains chefs d'entreprise de la confédération accepteraient de siéger dans les conseils d'administration des hôpitaux, M. Pierre Gilson a indiqué que cela ne créerait pas de difficulté.

M. Veysset est revenu sur la nécessité de généraliser le carnet de santé, sur la reconversion des lits inutiles et sur la régulation des effectifs du corps médical, suggérant de pousser certains médecins à se reconvertir vers la médecine du travail, qu'il convient de redéfinir, et vers la médecine scolaire.

M. Charles Descours a justifié le versement par l'État de 3 7 milliards à la SNCF par l'insuffisance de sa participation aux investissements et a interrogé le représentant de la CG-PME sur l'élargissement de l'assiette des contributions de sécurité sociale à la valeur ajoutée.

M. Pierre Gilson a admis qu'il était juste que tout le monde participe au financement, la seule limite étant la préservation de l'emploi. Il a regretté, à ce propos, la complexité de la réglementation du travail qui transforme des créateurs d'entreprises motivés en gestionnaires. Il a, à ce sujet, rappelé les préjudices que le développement actuel des grèves faisait subir aux entreprises.

A propos de l'extension de l'assiette des financements à la valeur ajoutée, il a craint qu'une réforme brutale ne mène à la faillite des entreprises performantes, mais encore fragiles.

En réponse à Mme Marie-Madeleine Dieulangard, qui avait relevé l'inquiétude de la CG-PME sur la possibilité de maîtriser les dépenses de santé, et l'avait interrogé sur sa position à propos du projet de régionalisation des caisses de sécurité sociale, M. Georges Tissié a souligné le caractère essentiel de la maîtrise des dépenses de santé qui devrait être concomitante de la réforme du financement.

Il a ajouté ne pas avoir d'idées préconçues sur les projets de réformes structurelles, à condition cependant que ces réformes soient conduites rapidement. Il a craint, à cet égard, que la réforme hospitalière, en faisant appel à des instances régionales et nationales, se révèle lourde et complexe à mettre en oeuvre.

En réponse à M. Claude Huriet qui l'interrogeait sur les propositions de la CG-PME en ce domaine, il a suggéré de recourir aux programmes médicaux de systèmes informatisés (PMSI), bien connus et rapides à mettre en oeuvre.

M. Louis Boyer a rappelé que 40 % des postes d'hôpitaux n'étaient pas pourvus et qu'il convenait d'y être attentif avant de pousser les médecins à la reconversion

M. Veysset a justifié le nécessaire redéploiement des médecins en comparant le taux de médicalisation français avec celui d'autres pays.

La commission a ensuite procédé à l'audition de MM. Jean-Luc Cazette, secrétaire national chargé de la protection sociale et M. François Fatoux, chef du service de la protection sociale, représentants de la Confédération française de l'encadrement (CFE-CGC).

A titre liminaire, M. Jean-Luc Cazette a indiqué que la confédération qu'il représentait approuvait les grandes lignes du projet de réforme de la protection sociale. Estimant que pour la première fois un plan global était proposé, il a rappelé que celui-ci rejoignait une bonne partie des préoccupations de la CFE-CGC. Il a reconnu notamment la nécessité de réorganiser la sécurité sociale et de maîtriser les dépenses de santé.

M. Jean-Luc Cazette a ensuite fait part des regrets que suscitait le déséquilibre entre ce qui était exigé des ménages et ce qui était demandé aux entreprises. Il a souligné que la CFE-CGC approuvait les propositions de modification de l'assiette des cotisations patronales et le statut de « cotisation à part entière » de la CSG. Il a toutefois rappelé l'attachement de la CFE-CGC à la déductibilité de cette dernière.

M. Jean-Luc Cazette a regretté le traitement réservé aux familles en dénonçant notamment la non revalorisation des prestations familiales en 1996.

Il a souhaité que la réforme de la protection sociale soit l'occasion de procéder à une harmonisation des cotisations maladie dues par les retraités au titre de leur régime de base (1,4 %) et des régimes complémentaires (2,4 %). Soulignant que les régimes complémentaires n'avaient pas revalorisé la valeur du point depuis deux ans, afin de maîtriser l'évolution des dépenses, M. Jean-Luc Cazette a alors suggéré une augmentation modulée des deux cotisations permettant ainsi d'arriver à un même taux de 3,8 % sur l'ensemble des prestations.

Mme Marie-Madeleine Dieulangard a demandé si le plan de réforme de la protection sociale ne concernait que les régimes de base.

M. Jean-Luc Cazette lui a répondu que si les propos du Premier ministre n'étaient pas clairs, les chiffres proposés semblaient indiquer que l'ensemble des régimes était visé.

Puis, il a considéré que la cotisation supplémentaire de 6 % sur les primes d'assurance groupe souscrites par les entreprises risquait de bloquer la négociation en matière de prévoyance et de renoncer au caractère obligatoire des contrats.

M. François Fatoux a précisé que dans certains cas, pour les petites entreprises, le coût du recouvrement de cette cotisation serait supérieur au rendement et que le coût final serait supporté par les salariés.

M. Jean-Luc Cazette a ensuite exprimé la position de la CFE-CGC sur la réforme de l'organisation de la sécurité sociale. Il s'est notamment interrogé sur les modalités du retour à la désignation des administrateurs, sur les conseils de surveillance et la nature des relations que ces derniers entretiendront avec les conseils d'administration.

M. Jean-Luc Cazette a également fait part des réserves que suscitaient les conditions de désignation des personnalités qualifiées et l'élargissement des conseils d'administration. Il a estimé que cet élargissement conduirait à une dilution des responsabilités et à une difficulté de plus en plus grande pour parvenir à des majorités de gestion.

Il s'est inquiété de la modification proposée pour le mode de nomination des directeurs et a craint que ces derniers n'entrent, de ce fait, en conflit avec leur conseil d'administration. Il a alors précisé qu'un projet de décret, élaboré avant la présentation de la réforme, confiait à un comité de sélection composé des quatre directeurs des caisses nationales, d'un représentant de l'inspection générale des affaires sociales (IGAS) et d'un autre du ministère, le soin de retenir trois noms parmi les listes qui lui auraient été soumises, le conseil d'administration devant choisir le directeur parmi ces trois noms. M. Jean-Luc Cazette a rappelé que ce dispositif, souple, avait été accueilli favorablement.

M. Jean-Luc Cazette s'est interrogé sur une éventuelle fiscalisation des majorations familiales des retraites. Il a considéré que cette mesure, cohérente avec la fiscalisation des allocations familiales, rapporterait 3 milliards de francs et permettrait de revaloriser les prestations familiales au 1er janvier 1996.

M. Jean-Pierre Fourcade, président, a invité à la plus grande prudence sur ce dernier point, en rappelant à cette occasion ses réserves sur la fiscalisation des prestations familiales.

M. Jean-Luc Cazette a fait part de la réflexion engagée par la CFE-CGC, dans le cadre des régimes complémentaires, sur l'extension de l'assiette des cotisations aux éléments annexes du salaire (plan épargne d'entreprise, stock-options, distribution d'actions gratuites).

M. Charles Descours a demandé si la CFE-CGC -fonction publique-était favorable à l'intégration des primes dans les éléments annexes du salaire.

M. Jean-Luc Cazette a répondu que cette intégration était envisageable dans la mesure où les primes entreraient dans la base de calcul de la retraite.

M. Jean-Pierre Fourcade, président, a estimé que le débat sur la reforme des retraites dans la fonction publique devrait porter également sur les primes.

En réponse à M. Charles Descours, M. Jean-Luc Cazette a rappelé que la CFE-CGC était favorable aux dispositions du projet de réforme, relatives au rôle du Parlement, sous réserve que les caisses nationales soient consultées au préalable sur le montant des enveloppes financières.

M. Jean-Pierre Fourcade, président, a indiqué que cette disposition devrait être précisée dans le cadre de la loi organique.

M. François Fatoux a enfin précisé que la CFE-CGC était favorable à la départementalisation des caisses sous réserve que cette dernière ne se traduise pas par des suppressions d'emplois et la remise en cause de la qualité de l'accueil du public.

Ensuite, la commission a procédé à l'audition de M. Daniel Giron, président de l'Union professionnelle artisanale (UPA).

M. Daniel Giron s'est d'abord déclaré favorable à la modification de la Constitution, dont l'objet est de permettre au Parlement de se prononcer sur l'évolution des recettes et des dépenses des régimes obligatoires de sécurité sociale.

Puis, il s'est réjoui du retour à la désignation des administrateurs des caisses de sécurité sociale, permettant ainsi de remédier à l'absence de représentation de l'UPA.

M. Daniel Giron a souligné que s'il était favorable à la réforme et à la rationalisation de la répartition territoriale des caisses locales de sécurité sociale, il estimait toutefois qu'il fallait veiller à ce que cette démarche n'ait pas pour effet d'introduire des inégalités géographiques.

Il a ensuite rappelé que l'instauration d'un régime universel d'assurance maladie répondait à une revendication de l'UPA. Il a souhaité qu'une concertation s'engage avec les organisations concernées sur les modalités de sa mise en oeuvre et que les caisses professionnelles continuent d'être chargées de la gestion du système.

M. Daniel Giron a estimé qu'il était nécessaire d'entreprendre une réforme de l'hôpital tout en souhaitant que celui-ci ne se substitue pas aux maisons médicalisées pour l'accueil des personnes âgées.

Il s'est également prononcé en faveur de la maîtrise médicalisée des dépenses de santé.

M. Daniel Giron s'est interrogé sur les conséquences, pour la caisse autonome nationale de compensation de l'assurance vieillesse des artisans (CANCAVA), en terme de fuite d'effectifs, de l'unification des régimes de protection sociale des professions de santé.

Il s'est inquiété de l'incidence du mode de calcul des durées d'activité sur les droits des personnes ayant cotisé dans plusieurs régimes.

Il a rappelé l'attachement de l'UPA au maintien du régime par répartition, en souhaitant une harmonisation des contributions, des prestations et des durées d'activité.

Répondant aux questions de MM. Jean-Pierre Fourcade, président, Charles Descours et Mme Marie-Madeleine Dieulangard, M. Daniel Giron a

souhaité une modification du calcul de l'assiette de la CSG. Il a constaté que les chefs d'entreprise individuelle devaient réintégrer dans leur bénéfice 40 % de charges sociales alors que, dans le même temps, les salariés n'en ajoutaient que 20 % à leur rémunération nette. Il a souhaité que la contribution du RDS repose sur des bases plus équitables.

Il a enfin fait remarquer qu'une partie des ressources de la CANCAVA provenait d'autres régimes, les artisans ayant, avant de le devenir, le plus souvent cotisé auprès du régime général de nombreuses années en tant que salariés.

Le mardi S décembre 1995, sous la présidence de M. Jean-Pierre Fourcade, président, la commission a, tout d'abord, procédé à l'audition de M. Jean-Claude Mallet, président de la Caisse nationale d'assurance maladie des travailleurs salariés (CNAMTS), sur le projet de loi autorisant le Gouvernement par application de l'article 38 de la Constitution, à réformer la protection sociale.

Mme Joëlle Dusseau s'est étonnée du fait que M. Devulder, professeur au centre hospitalier universitaire (CHU) de Lille, président du Haut Conseil de la Réforme hospitalière et qui devait être auditionné par la commission, n'ait pas déféré à la convocation de celle-ci. Elle a regretté cette absence dans la mesure où la réforme hospitalière lui semblait être un volet important du projet présenté par le Premier ministre.

M. Jean-Pierre Fourcade, président, a précisé que le professeur Devulder n'a pas cru devoir surmonter les contraintes liées aux mouvements sociaux pour venir s'exprimer devant les Assemblées parlementaires.

M. Charles Descours a ajouté que, en revanche, M. Devulder avait jugé expédient de s'exprimer devant les journalistes.

M. Jacques Machet a souligné le regret unanime que provoquait l'absence du professeur Devulder.

M. Jean-Claude Mallet, président de la CNAMTS, à titre liminaire, a rappelé la complexité du contexte et a souligné que le Conseil d'administration qu'il préside n'avait pas été appelé à se prononcer sur le projet de loi d'habilitation, mais seulement sur la déclaration du Premier ministre.

Il a tenu, ensuite, à remarquer que le système français avait ses qualités et ses défauts. Prenant l'exemple du Royaume-Uni dont le système de santé est à la fois étatisé et fiscalisé, il s'est demandé si un tel système fonctionnait mieux que le système français. Il s'est interrogé sur les conséquences d'une telle étatisation en France et sur le rôle que pouvaient jouer les partenaires sociaux. Il a constaté qu'actuellement le système français se caractérisait plutôt par « le flou de l'irresponsabilité ».

Puis, M. Jean-Claude Mallet a estimé que personne ne pouvait se prétendre choqué par les dispositions contenues dans le plan du 15 novembre 1995 concernant tant la maîtrise médicalisée des dépenses de santé, le dossier médical que le codage des actes, dans la mesure où ces dispositions se trouvaient au coeur des négociations d'octobre 1993. Il a regretté, de ce fait, que deux années aient ainsi été perdues pour la mise en oeuvre de la maîtrise médicalisée des dépenses de santé et a rappelé que la caisse qu'il présidait réclamait depuis sept années déjà le codage des actes. Il s'est, alors, interrogé sur la pertinence de laisser aux Assemblées parlementaires le soin de fixer le taux d'évolution des dépenses de santé en fonction de celle des prix et s'est prononcé en faveur de la fixation de ce taux par les partenaires sociaux. Rappelant l'exemple du secteur hospitalier, il s'est demandé si ce taux serait véritablement respecté par les médecins et s'il était possible de le rendre opposable région par région. Prenant pour exemple le « C flottant », il s'est interrogé sur la différence de montant qu'il représenterait selon les régions et sur les difficultés de gestion consécutives à la mobilité des populations.

M. Charles Descours, rapporteur, a remarqué que, si la CNAMTS engageait les dépenses, elle ne fixait pas ses recettes.

M. Jean-Claude Mallet a démontré combien l'État, en instituant, par exemple, une obligation de vaccination contre l'hépatite B, pouvait alourdir les dépenses de l'assurance maladie. Il a donc souhaité que la réforme de l'assurance maladie se fasse dans la clarté. Il s'est interrogé sur la capacité des présidents des conseils d'administration d'hôpitaux à résister aux pressions, citant un article récent, paru dans la presse, évoquant les taux très élevés d'augmentation des budgets hospitaliers.

M. Jean-Pierre Fourcade, président, s'est, alors, demandé pourquoi les représentants de l'assurance maladie ne votaient pas contre l'adoption de budgets comportant de telles hausses.

M. Jean-Claude Mallet a déclaré que tel avait été le cas pour un certain nombre d'hôpitaux dont celui de Bordeaux pour lequel la hausse avait atteint plus de 10%. Concernant le secteur 2, il a souligné l'inégalité existant entre les médecins conventionnés qui auraient des pénalités et ceux non conventionnés qui n'en auraient pas. Il a déclaré qu'à son sens l'ouverture du secteur 2 serait une revendication de la majorité des médecins.

M. Charles Descours, rapporteur, s'est déclaré en accord avec M. Jean-Claude Mallet sur le constat du mauvais fonctionnement des conseils d'administration des hôpitaux. Il a évoqué, concernant les contraintes qu'impose l'État à l'assurance maladie, la possibilité d'instaurer un système équivalent à celui posé par la loi du 25 juillet 1994 relative à la sécurité sociale sur la compensation automatique par la puissance publique des exonérations de cotisations sociales qu'elle accorde aux entreprises. Il a reconnu que le paritarisme fonctionnait bien pour l'UNEDIC et pour les régimes complémentaires de retraite. Il a regretté que l'État et le conseil d'administration de la CNAMTS se rejettent l'un l'autre la responsabilité des décisions. Il a rappelé que Mme Elisabeth Hubert, ancien ministre de la santé publique et de l'assurance maladie, avait souhaité que, dans ce domaine également, soient séparés le « contributif » et le « non contributif ». Il a estimé, en effet, qu'à son sens, ce n'était pas à l'assurance maladie de gérer ce qui était du ressort de la solidarité nationale. Il a considéré qu'il avait été opportun de bloquer l'accès au secteur 2. Il s'est, enfin, interrogé sur plusieurs points : l'existence « d'un pilote » dans ce domaine, celle d'outils pour mener à bien la maîtrise médicalisée des dépenses, le problème de la zone frontière pour le « C flottant », l'application de sanctions, en cas de non-respect de cette maîtrise, qui ne pouvait porter, selon lui, que sur les honoraires et le contenu du rôle du Parlement.

M. Jean-Claude Mollet a souligné le fait que, pendant la campagne Présidentielle, le futur président de la République avait fort bien fait la différence entre la solidarité nationale et la politique de santé publique. Il a estimé qu'il n'y avait pas de véritable politique de santé publique clairement définie. Il a souligné qu'actuellement un certain nombre de personnes, soit 110.000 selon le Centre de recherches, d'études et de documentation en économie de la santé (CREDES), n'étaient pas couvertes par l'assurance maladie et que ceci était du ressort de la solidarité nationale. Il a attiré l'attention de la commission sur une certaine ambiguïté du plan du 15 novembre 1995 sur ce point dans la mesure où étaient mêlés les termes de régime universel d'assurance maladie, qui doit concerner l'ensemble de la population et la couverture universelle qui impliquerait, selon lui, la mise au même niveau de toutes les prestations servies dans ce domaine. Il s'est interrogé sur la pertinence d'une telle disposition dans la mesure où agriculteurs et commerçants n'avaient pas les mêmes taux de cotisations que les salariés et où les revenus des non-salariés étaient connus avec moins d'exactitude.

M. Jean-Pierre Fourcade, président, a argué du fait que la gestion serait globalement simplifiée et que la différence d'appréhension sur le plan fiscal entre revenus salariés et non salariés était de moins en moins pertinente dans la mesure où désormais 83 % de la population active était salariée.

M. Jean-Claude Mallet a, cependant, tenu à remarquer que l'évasion fiscale était évaluée à 85 milliards de francs. Il a estimé les charges indûment supportées par l'assurance maladie à 50 milliards de francs, sur les 500 milliards de francs qu'elle acquitte. Il a précisé qu'il ne comptait pas, dans cette estimation, les 27 milliards de francs imputables à la gestion administrative, ni la compensation des exonérations de cotisations sociales.

Mme Joëlle Dusseau s'est alors interrogée sur le rôle des départements.

M. Jean-Claude Mallet s'est prononcé en faveur d'une convention individuelle pour les médecins et non pour un « C flottant ». Il s'est, à cet égard, interrogé sur la sanction à mettre en oeuvre, lorsqu'un seul département, dans une région, ne respecterait pas le taux prévu. Il a déclaré que, selon lui, une sanction ne pouvait être qu'individuelle et au premier franc. Il a considéré qu'il y avait pléthore en matière d'offre, soit au moins 30.000 médecins de trop, conformément au rapport dit « Lazare ».

Compte tenu de ce constat, il a fait état de ses difficultés à créer un fonds de reconversion pour, notamment, permettre la création de postes de médecins conseil.

M. Claude Huriet a constaté que les dispositions prévues n'avaient de régionales que le nom. Il s'est interrogé sur la pertinence du « C flottant ». Il a demandé, enfin, à M. Jean-Claude Mallet son sentiment sur le régime d'Alsace-Moselle.

Mme Joëlle Dusseau a tenu à remarquer combien les taux de remboursement en matière d'assurance maladie étaient relativement faibles en France par rapport à ses partenaires européens et combien les indices en matière de santé publique y étaient médiocres, notamment pour la tuberculose, la malnutrition, la mortalité infantile et la surveillance gynécologique.

M. Jean-Claude Mallet s'est déclaré en accord avec les différents intervenants pour clarifier et maîtriser les dépenses mais il s'est interrogé sur les effets réels de la gestion du système par le Parlement. Il s'est étonné que les experts, qui trouvaient il y a peu d'années encore le système de santé français excellent le jugent désormais inefficace.

M. Jean-Pierre Fourcade, président, a alors estimé que c'était un argument supplémentaire en faveur d'une prise de responsabilité par le Parlement dans ce domaine.

M. Jean-Claude Mallet a considéré que la régionalisation lui apparaissait plutôt une position de recul que de progrès dans la mesure où, selon lui, la maîtrise médicalisée devait se faire au plus près des acteurs, au niveau départemental. A cet égard, il a souligné le fait que la Mutualité sociale agricole établissait son contrôle au niveau du canton. Il a, enfin, tenu à remarquer que, compte tenu du fait qu'il y avait 30.000 médecins en trop, il ne lui apparaissait pas normal que la possibilité de convention soit automatique pour un médecin dès son installation. Il a, à cet égard, insisté sur la nécessité de réguler le nombre de médecins et d'accroître les contrôles.

La commission a, ensuite, procédé à l'audition de M. Jean-Paul Probst, président de la Caisse nationale des allocations familiales (CNAF), sur le projet de loi autorisant le Gouvernement, par application de l'article 38 de la Constitution, à réformer la protection sociale.

A titre liminaire, M. Jean-Paul Probst, président de la CNAF, a

souhaité limiter le cadre de son analyse aux dispositions traitant de la famille contenues dans le projet de loi d'habilitation. Rappelant les termes du 2° de l'article premier du projet de loi précité, il a considéré qu'ils étaient « complets » et même « trop complets » dans la mesure où cela permettait au Gouvernement d'adapter la nature et le montant des prestations familiales à la situation matérielle des familles. Il a estimé que cela donnait, en quelque sorte, les « mains libres » au Gouvernement et a appelé la commission à une certaine vigilance dans ce domaine.

M. Jean-Paul Probst a, ensuite, évoqué l'autre disposition du projet de loi d'habilitation qui avait des conséquences pour la branche famille, à savoir la modification de l'organisation et du fonctionnement des branches de sécurité sociale pour en simplifier et rationaliser les structures et la gestion. Il a accepté l'idée de modifier le conseil d'administration de la CNAF dans la mesure où ce dernier pourrait jouer un rôle plus intéressant et proposer, une fois par an, au Parlement des modifications dans le domaine des prestations familiales. Il s'est, par ailleurs, interrogé sur les conditions du renforcement du pouvoir des directeurs de caisse.

M. Charles Descours, rapporteur, a, tout d'abord, interrogé M. Jean-Paul Probst sur le mode de nomination des directeurs des caisses avec, notamment, l'instauration d'une liste d'aptitude. Il a, ensuite, rappelé que les prestations familiales ne supporteraient pas le remboursement de la dette sociale (RDS). Il a également évoqué les réserves de son interlocuteur à propos de la mise sous condition de ressources totale de l'allocation pour jeune enfant (APJE).

En réponse, M. Jean-Paul Probst a proposé, concernant la nomination des directeurs de caisses locales, que celle-ci s'effectue à partir d'une liste d'aptitude ou d'une évaluation réalisée par l'Inspection générale des affaires sociales (IGAS) et que soit mise en oeuvre une procédure de recours en cas de contestation. Il a, en effet, souhaité que ces nominations s'effectuent dans la plus grande transparence. Il a estimé normal, étant donné que les prestations familiales ne seraient pas revalorisées en 1996, que celles-ci ne soient pas concernées par le remboursement de la dette sociale. Réaffirmant sa plus vive réserve à la mise sous condition de ressources de l'APJE, il a remarqué que nombre de syndicats patronaux et de salariés partageaient ce même point de vue. Il a évoqué les effets néfastes d'une telle disposition pour les familles, surtout concernant le premier enfant, et il s'est inquiété des conséquences, sur la politique familiale, d'un éventuel blocage du plafond de revenu fixé pour l'obtention de cette prestation pendant plusieurs années.

M. Jean-Pierre Fourcade, président, a remarqué combien la rédaction du projet de loi d'habilitation portait en germe la mise sous condition de ressources de l'ensemble des prestations familiales. Il a suggéré, à cet égard, le principe du dépôt d'un amendement visant à lever toute ambiguïté.

Mme Joëlle Dusseau a, alors, demandé à M. Jean-Paul Probst quelle disposition lui semblait la moins néfaste entre la fiscalisation et le placement des prestations sous condition de ressources.

M. Jean-Paul Probst, en réponse, a précisé qu'il préférait encore la fiscalisation, mais après l'intervention d'une profonde réforme fiscale, à l'instauration de conditions de ressources qui lui semblait une dénaturation de la politique familiale qui n'avait pas à devenir, selon lui, une politique sociale.

M. Claude Huriet s'est enquis des risques d'effets pervers induits par la fiscalisation et notamment des effets de seuil. Il a évoqué le principe de dispositions gouvernementales correctrices afin que de telles conséquences soient évitées.

M. Jean-Paul Probst a déclaré que la CNAF était en mesure de faire des simulations de manière à évaluer le nombre des familles rendues imposables du fait de la fiscalisation des allocations familiales. Il a également souligné le fait que la fiscalisation n'était pas neutre au regard des allocations de logement. Il a évoqué la possibilité de contacter différents services techniques afin d'évaluer tous les effets de la fiscalisation sur la situation des familles.

M. Jean-Pierre Fourcade, président, a souligné la nécessité de prendre contact avec l'association des maires de France (AMF), car nombre de prestations servies par les communes dépendaient de la non-imposition des familles.

M. Jacques Machet a remarqué qu'il y avait longtemps que l'on ne parlait plus de la famille et que l'on ne faisait état de son existence que lorsque se posait un problème financier.

M. Jean-Paul Probst a estimé que l'on ne pouvait se contenter de déplorer la faiblesse du taux de natalité stabilisé à 1,65 enfant par femme. Il a souhaité, en effet, que ce dernier croisse à nouveau.

Mme Marie-Madeleine Dieulangard a noté qu'il était effectivement important que les services concernés se concertent afin d'éviter les effets pervers dus à la fiscalisation. Elle a estimé que, par rapport à la fiscalisation, la mise sous condition de ressources des prestations lui semblait plus aisée à mettre en oeuvre et profiter avant tout aux familles les plus démunies. Elle s'est également interrogée sur le financement total de la politique familiale par le budget de l'État.

En réponse, M. Jean-Paul Probst a précisé, concernant la mise sous condition de ressources des prestations familiales et sa supposée simplicité que, chaque mois, il fallait modifier 10 % du fichier des allocataires compte tenu de leur changement de situation. Il a fait remarquer que les justificatifs des ressources obtenus correspondaient à l'année précédente, soit 1994, ou même à l'année antérieure, soit 1993, ce qui impliquait un réel décalage entre les besoins immédiats des familles et les preuves qu'elles pouvaient apporter auprès de la CNAF. Il a rappelé l'origine patronale des prestations familiales, avec l'instauration, à la fin du XIX ème siècle, de caisses de compensation des charges de famille. Il a donc souhaité que la politique familiale ne soit pas intégralement financée par l'État mais que subsistent des cotisations résiduelles. Il a, en effet, souligné les risques, selon lui, du financement par le budget de l'État dans la mesure où, à son sens, ce dernier n'avait pas de vision à moyen et long terme, ce qui s'avérait en revanche nécessaire pour la politique familiale.

M. Louis Souvet a déclaré mal distinguer les difficultés qui empêchaient, à son sens, la politique familiale d'évoluer. Il a constaté, à cet égard, que, pour les familles avec de hauts revenus, les allocations familiales représentaient un faible montant.

En réponse, M. Jean-Paul Probst a mis en exergue le fait que 80 % des cadres gagnaient moins de 26.000 francs en brut et que si l'on supprimait pour eux le bénéfice des allocations familiales la branche famille n'économiserait que « quelques dizaines » de millions de francs. Il s'est, de plus, inquiété des conséquences d'un éventuel blocage pendant plusieurs années du plafond de versement des allocations familiales.

Puis la commission a procédé à l'audition de MM. Pierre Le Mauff, président de la conférence des directeurs généraux des centres hospitaliers et universitaires (CHU) et Bernard Grandjean, président de la conférence des centres hospitaliers généraux (CHG).

M. Pierre Le Mauff, président de la conférence des directeurs généraux de CHU, a tout d'abord rappelé que par délibération en date du 20 juillet dernier, la conférence avait exposé ses vues sur la réforme hospitalière qui demeuraient valables malgré les changements dus à l'actualité.

Il a exprimé son accord global avec les propositions du Premier ministre relatives à l'hôpital en considérant qu'en raison de leur importance les hôpitaux, en particulier les CHU, ne pouvaient rester à l'écart du mouvement de réforme de la gestion du système de soins. Il a souligné toutefois l'effort de modération des dépenses que les hôpitaux avaient entrepris depuis plusieurs années.

Il a rappelé à cet égard que le taux de progression des dépenses hospitalières, qui était de 20 % au début des années 80, était passé à 15 % puis à 10 % au cours de la décennie pour atteindre 4 % en 1994, même si ce taux de progression devrait s'élever entre 5 % et 6 % en 1995.

Il s'est déclaré favorable à la fixation de l'évolution des dépenses de santé par le Parlement dans un cadre annuel ou pluriannuel.

S'agissant de la régionalisation, il a estimé que la solution retenue par le Gouvernement était conforme à la logique souhaitée par la conférence des directeurs de CHU, qui s'était prononcée en faveur d'une répartition équitable des crédits alloués entre les régions.

Concernant la création d'agences régionales de financement de l'hospitalisation, s'il a rappelé les réticences exprimées, dans un premier temps, à {'encontre de la création d'agences techniques régionales qui auraient joué le rôle d'« assistances publiques régionales », il a approuvé le dispositif gouvernemental qui confie seulement aux agences régionales une mission de péréquation financière, en soulignant toutefois que l'État ne devait pas se défausser de ses responsabilités.

Il a considéré que les agences régionales devraient fonctionner, non pas comme des « électrons libres » du service public ou des démembrements de l'administration, mais comme des administrations de mission sans personnalité morale ni autonomie financière, rattachées à l'administration du ministère de la santé.

Il a souhaité, pour éviter la répartition aléatoire des crédits d'une année sur l'autre, que la mission des agences régionales de financement soit étendue à la planification financière.

Concernant la composition de ces agences, il a considéré que le président de l'exécutif de l'agence devait être assisté par un secrétariat général confié au directeur régional des affaires sanitaires et sociales.

Il a souhaité que les fonctionnaires des caisses régionales d'assurance maladie (CRAM) et des directions régionales des affaires sanitaires et sociales (DRASS) soient associés au fonctionnement de l'agence régionale et qu'un comité consultatif sanitaire régional, composé d'élus, soit rattaché à chaque agence.

Concernant l'accréditation des services hospitaliers, dont il a souligné qu'elle ne constituait que l'un des aspects de la notion d'évaluation, il a estimé qu'elle devrait être confiée à un organisme national ayant le statut d'autorité administrative indépendante et dotée d'échelons au niveau régional pour assurer l'exécution de ses décisions.

Soulignant que la notion d'accréditation devrait être clarifiée, il a rejeté l'idée d'une « accréditation-agrément » pour lui préférer celle de « l'accréditation-notation » consistant à porter une appréciation sur la qualité de fonctionnement d'une structure hospitalière et la sécurité des Prestations fournies.

Considérant que le montant de l'allocation budgétaire fixé par l'agence régionale de financement (ARF) ne devait aucunement être dépendant de l'accréditation, il a souhaité que l'agence nationale d'accréditation définisse un système de normes référentielles au niveau national permettant aux établissements sanitaires de pratiquer une autoévaluation avant de procéder à une demande d'accréditation.

Il a souligné, en tout état de cause, que la qualité et la sécurité des soins devraient être assurées quelles que soient la taille de la structure sanitaire et la nature de son activité.

Concernant la réforme des conseils d'administration, il s'est prononcé en faveur du maintien de la présidence de droit du maire à la tête du conseil d'administration de l'hôpital en soulignant son caractère traditionnel et le fait que le maire était le seul à pouvoir représenter l'intérêt général.

Il a considéré que si le président du conseil d'administration de l'hôpital devait être élu au sein de celui-ci, il conviendrait, à tout le moins, que le maire puisse toujours être élu par le conseil et que les incompatibilités de fonction soient renforcées. Il s'est inquiété de l'hypothèse d'un appel à la population lancé par un maire, qui, privé de la présidence du conseil d'administration, serait plus libre d'exprimer son désaccord avec les décisions prises par ce dernier.

S'il ne s'est opposé à la nomination des directeurs de CHU, à l'instar des assistances publiques de Paris, Lyon et Marseille, par décret en Conseil des Ministres, il a souhaité que ces directeurs soient obligatoirement choisis parmi les anciens élèves de l'école nationale de la santé publique.

M. Bernard Grandjean, président de la conférence des directeurs

des CHU, a précisé que la conférence était globalement en accord avec les réformes de structure préparées pour les établissements de santé. Il a insisté sur la nécessité que les contrats de financement soient passés au niveau régional en jugeant en outre, qu'il était pertinent de ne pas créer des « assistances publiques régionales ».

Il a fait part de son accord avec les mesures envisagées en matière d'accréditation et d'évaluation des services hospitaliers.

M. Charles Descours, rapporteur, s'est interrogé sur la déconnexion entre la procédure d'accréditation et la répartition des enveloppes financières en soulignant le problème posé par les établissements de soins qui ne seraient pas accrédités. Il s'est interrogé également sur la coordination de l'hospitalisation publique et de l'hospitalisation privée et sur le statut des directeurs des services médicaux.

En réponse, M. Bernard Grandjean a souligné que si les responsables des équipes médicales étaient comptables de la qualité des soins, le directeur de l'hôpital devait bien être en charge de l'exécution du contrat de financement passé avec l'agence régionale et a souhaité le renforcement du rôle de la conférence médicale d'établissement.

M. Pierre Le Mauff, président de la conférence des directeurs des CHG, a distingué la dimension interne du contrat d'objectif propre à introduire une logique d'intéressement et de participation au sein de l'équipe soignante et sa dimension externe destinée à clarifier les relations entre le chef d'établissement et l'agence régionale de financement.

M. Jean-Pierre Fourcade, président, a admis la nécessité d'éviter une « balkanisation » des établissements de santé qui pourrait naître d'une régionalisation mal comprise du financement et s'est interrogé sur le lien qui serait établi entre l'accréditation et l'allocation de moyens.

M. Pierre Le Mauff a souligné que l'accréditation de qualité ne devait pas déboucher sur la fermeture de certains établissements et que l'agence régionale de financement devrait, en tout état de cause, être informée des procédures d'accréditation pour l'attribution des crédits.

Il a estimé que l'agence régionale de financement pourrait favoriser la coordination de l'hospitalisation publique et privée, qui resterait toutefois difficile à mettre en oeuvre.

M. Claude Huriet s'est interrogé sur le programme de médicalisation des systèmes d'information (PMSI), sur les conséquences d'un dépassement de l'enveloppe régionale de financement ainsi que sur les garanties pluriannuelles qui seraient apportées quant aux moyens mis à disposition dans le cadre des contrats d'objectifs.

Mme Joëlle Dusseau s'est interrogé sur les effets pervers de la représentation des usagers au sein des conseils d'administration des hôpitaux.

M. Georges Mazars a rappelé que le conseil d'administration pouvait être présidé par un autre élu que le maire sur délégation de celui-ci.

En réponse, M. Bernard Grandjean a indiqué que le PMSI était un outil perfectible, qui avait « le mérite d'exister » et qu'il demeurerait un outil quantitatif dont l'évaluation serait le corollaire sur le plan qualitatif.

Rappelant qu'il était proposé que les conseils d'administration des hôpitaux soient composés de manière tripartite de représentants du personnel, des médecins et des usagers, il s'est interrogé sur le caractère « incantatoire » de la notion de représentation des usagers dont il a souligné l'imprécision.

M. Pierre Le Mauff a souligné par ailleurs qu'en raison du principe de l'annualité budgétaire, les contrats de financement seraient annuels, tout en admettant la nécessité d'une planification pluriannuelle.

M. Jean-Pierre Fourcade, président, s'est interrogé sur la prise en compte, pour le financement des CHU, des activités de recherche et d'enseignement, assurées conjointement avec les activités hospitalières classiques.

M. Pierre Le Mauff a indiqué que l'activité d'enseignement représentait 15 % du budget des CHU et que les activités de recherche pourraient s'autofinancer dans le cadre des contrats passés avec le centre national de la recherche scientifique (CNRS).

La commission a alors procédé à l' audition conjointe de M. le docteur Olivier Joyeux, président de la conférence des présidents de commissions médicales d'établissement des centres hospitaliers généraux (CHG), de M. le docteur Michel Potencier, président de la conférence des présidents de commissions médicales d'établissement des centres hospitaliers spécialisés (CHS), de M. le docteur Philippe Hecketsweiler, de la conférence des présidents de commissions médicales d'établissement des centres hospitaliers et universitaires (CHU).

M. Philippe Hecketsweiler, prenant d'abord la parole a, en préambule, réaffirmé que les commissions médicales d'établissement (CME) étaient les structures les plus représentatives des médecins hospitaliers. En effet, a-t-il précisé, leur mode d'élection permet non seulement la représentation de toutes les catégories médicales mais également, grâce à un renouvellement régulier, donne aux CME des CHU une forte représentativité. Il a également évoqué le problème de la formation des médecins qui valorise certes la responsabilité individuelle vis-à-vis du patient mais néglige la responsabilité du praticien vis-à-vis de la société.

Concernant le « plan Juppé », il a déclaré que la conférence avait transmis une contribution au Haut Conseil de la réforme hospitalière intitulé « la France doit réformer en profondeur son système de santé » et qu'elle se reconnaissait pleinement dans les propos de M. le Premier ministre. Il a considéré que la France n'avait pas construit un véritable système de santé équitable et rationnel mais un système de remboursement des soins. Selon lui, les réformes de structure doivent être fondées sur deux axes : la construction d'un système de santé adapté aux besoins de la population et une promotion de la stratégie de proximité.

S'agissant du système de santé, M. Philippe Hecketsweiler a regretté qu'il soit construit autour des offreurs de soins et noté qu'il était temps de construire une organisation sanitaire du territoire adaptée aux besoins de la population et à des objectifs de santé publique.

Il a souligné l'importance d'un décloisonnement des quatre grands secteurs du système de santé -hospitalisation publique, privée, médecine de ville et médecine préventive et sociale- et la nécessité de placer ces secteurs sous une même tutelle, les compétences respectives de l'État, des collectivités territoriales, des diverses structures de l'assurance maladie devant être précisées.

M. Philippe Hecketsweiler a expliqué que le niveau régional lui semblait le moins mal adapté à une bonne organisation de l'espace sanitaire et social. Reprenant l'idée séduisante d'une agence regroupant les compétences aujourd'hui séparées et généralement opposées des Directions régionales de l'action sanitaire et sociale (DRASS) et des caisses régionales d'assurance maladie (CRAM), il a annoncé que la conférence avait proposé au Haut Conseil de la réforme hospitalière un modèle associant un exécutif, une instance représentative de concertation permanente et une instance de recours et d'arbitrage. Il a insisté pour que cette instance soit chargée de la planification, de l'accréditation conformément à des normes nationales, de l'évaluation, de la régulation et du financement du système régional de santé.

Au niveau infra-régional, il a préconisé la création de districts sanitaires et sociaux à l'échelle de 200.000 à 500.000 habitants -unités élémentaires d'organisation du domaine sanitaire et social-. Il s'est dit absolument convaincu de la nécessité de regrouper, dans une entité juridique unique, tous les établissements hospitaliers publics d'un même district et ce, afin de prendre en considération non pas leur propre développement mais les besoins réels de la population. Il a ajouté qu'un tel regroupement devait concerner également les hôpitaux psychiatriques, les centres anticancéreux et toutes les structures hospitalières parapubliques permettant des économies et une cohérence organisationnelle, réforme débouchant sur une remise en cause du rattachement des hôpitaux publics à la commune.

Répondant au souci de M. Jean-Pierre Fourcade, président, de savoir à quelle entité juridique il rattachait alors les hôpitaux, M. Philippe Hecketsweiler a suggéré que la présidence des conseils d'administration des hôpitaux publics puisse être confiée aux présidents des Syndicats intercommunaux à vocation multiple (SIVOM) ou aux présidents des conseils régionaux.

Il a poursuivi son propos en notant l'importance de la promotion d'une pratique de soins primaire ou médecine « communautaire » offrant à une population définie une réponse sanitaire de proximité globale et responsable.

Il a précisé la nécessité d'un développement volontariste de l'évaluation des soins au sein des hôpitaux publics ainsi que de la promotion d'une médecine économe. Il a alors suggéré que la liberté d'installation des praticiens était peut être aujourd'hui révolue.

Entamant la deuxième partie de son propos, il a réaffirmé l'importance d'une répartition territoriale des offres de soins privilégiant la proximité, tout en précisant qu'une déconcentration de la gestion des hôpitaux était indispensable. Il s'est dit navré du retard apporté au développement des « budgets de service » et de la comptabilité analytique. Enfin, sans remettre en cause le statut des établissements publics de santé, ni le statut de leurs personnels, il a souhaité que s'instaure une gestion plus responsable, plus adaptée à un « esprit d'entreprise ».

Abordant la réforme des CHU, il a insisté sur l'intégration hospitalo-universitaire dans un établissement public universitaire et de santé plus cohérent, permettant une dynamique partagée.

Il a souhaité privilégier l'adaptation de l'enseignement et de la recherche aux besoins réels, notamment par le développement de certaines disciplines : épidémiologie clinique, évaluation et gestion des structures ou des systèmes de santé...

En conclusion, M. Philippe Hecketsweiler a déclaré que le statut hospitalo-universitaire unique de l'ordonnance de 1958 était dépassé et que la diversité des CHU imposait une diversification des statuts médicaux.

La parole a ensuite été donnée à M. Olivier Joyeux, président de la conférence des présidents des CME des centres hospitaliers généraux.

Celui-ci a rappelé au préalable que la conférence s'était fixée comme but de promouvoir la qualité et l'efficience des centres hospitaliers (CH) en respectant la mission de santé publique. Il a souligné que les 500 CH avaient une philosophie commune de la pratique en hôpital général : prise en charge globale du malade dans un hôpital de dimension humaine, spécialisation pondérée, soins de proximité, contacts directs avec la population...

Il a admis que les très grands ensembles hospitaliers posaient le problème des masses critiques supérieures avec les difficultés inhérentes à la communication, à la hiérarchisation, et donc avec une perte d'efficience et de rentabilité. Il a proposé que ces grands ensembles fassent l'objet d'organisations spécifiques et situé la bonne dimension, pour une efficience correcte, entre 300 et 600 lits actifs MCO (médecine, chirurgie, obstétrique).

Il a ensuite développé les cinq axes de la réflexion de la conférence sur la réforme hospitalière de 1991. Abordant la maîtrise financière, il a fait remarquer toutefois que les 2/3 des activités MCO de l'hôpital public étaient réalisés en CH. Il a noté que les disparités inter et infra-régionales faisaient que la dotation financière de santé pouvait varier par individu de 1 à 3 et que ces disparités justifiaient, d'une part, une maîtrise des dépenses dans chaque hôpital, et, d'autre part, des correctifs régionaux et inter-régionaux.

M. Olivier Joyeux a ensuite précisé que, dans une logique de réponse aux besoins de la population et de soins de proximité, les connaissances de terrain, les analyses et confrontations au niveau des conférences de secteur sanitaire qu'impliquaient les schémas d'organisation sanitaire et sociale (SROSS) restaient des données incontournables et pragmatiques.

Il a affirmé que seule une évaluation permettrait d'apporter une contribution scientifique à la qualité des soins. Il a alors fait part d'une enquête de l'IFOP de mars 1995 auprès des usagers des hôpitaux plaçant à 89 % les CH au premier rang.

Rappelant enfin que la mission de santé publique était la raison d'être des hôpitaux et de leur répartition géographique, il a noté qu'il était indispensable de concilier rationalité économique et cohérence sociale.

M. Olivier Joyeux s'est dit prêt pour une réforme fondée sur une meilleure coordination.

Coordination d'abord au niveau de l'hôpital, notamment par une modification du statut des médecins, par leur meilleure formation à la gestion médicale hospitalière, et par une meilleure mobilité, dans une logique de travail inter-hospitalier. Dans le même sens, il a proposé une organisation médicale en unités, services, fédérations de services, départements, permettant un large choix, une évolution de la formation continue tant au plan de la gestion que des connaissances médicales. Il s'est dit totalement hostile à un bouleversement des différentes instances et, notamment, il a réaffirmé la légitimité de l'appartenance des maires aux conseils d'administration des hôpitaux.

Selon M. Olivier Joyeux, la deuxième coordination devra être interhospitalière et justifiera la constitution de réseaux. Il a précisé que de nombreuses conventions liaient déjà entre eux les CH pour des activités et des compétences partagées.

M. Olivier Joyeux a proposé de « donner une âme au secteur sanitaire », par la création d'une nouvelle entité juridique unique mais physiquement éclatée, permettant une meilleure coordination des soins, une meilleure efficience en assurant une cohérence sur un territoire défini de population (de 200.000 à 400.000 habitants en général). Cette entité justifierait aussi des instances dont la composition pourrait être calquée sur celles existant dans les hôpitaux.

Enfin, il a souhaité une meilleure répartition des budgets, effectuée au niveau de la CME.

Il a rappelé que l'hôpital avait été le berceau du programme de médicalisation du système d'information (PMSI) et que si celui-ci était toujours perfectible, il avait permis une première analyse comparative aboutissant à la définition des points indicateurs de niveau de dépenses.

M. Olivier Joyeux a aussi fait remarquer que les contrats d'objectifs et de moyens n'auraient de succès qu'à la condition d'associer médecins et agents administratifs autour d'un projet d'établissement et d'évaluer leurs effets.

Il s'est dit formellement opposé à l'assistance publique régionale, structure de taille trop considérable pour être efficace. Une commission régionale de répartition budgétaire réunissant les représentants de l'État, de l'assurance maladie et des établissements hospitaliers apparaissait une solution plus acceptable et réaliste.

En conclusion, M. Olivier Joyeux a souhaité une coordination au plus haut niveau, à savoir État-assurance maladie, nécessaire pour clarifier les rôles et les prérogatives respectifs.

Enfin, la commission a entendu le docteur Michel Potencier, président de la conférence des présidents des CME des centres hospitaliers spécialisés.

Il a tout d'abord annoncé que la conférence des présidents de CME des CHS partageait en grande partie les propositions faites par le plan dit « Juppé ». Il a notamment insisté sur sa volonté de défendre un système de santé situant le malade au centre du dispositif de soins.

Le docteur Michel Potencier a expliqué que la psychiatrie publique était d'autant mieux placée pour formuler des observations sur le fonctionnement de l'hôpital qu'elle avait sans doute été, de toutes les disciplines hospitalières, celle qui avait fait la révolution sectorielle la plus importante dans son mode d'organisation et son fonctionnement.

Il a noté que les notions de réseau, de proximité et de synergie apparaissant actuellement comme synonymes de perspective de progression dans l'organisation des soins de santé publique, étaient depuis longtemps développées en psychiatrie avec efficacité. Habitués depuis longtemps à l'exercice de la psychiatrie institutionnelle, à la gestion et à l'organisation des équipes de soins, les psychiatres publics étaient certainement plus sensibles au malaise profond de l'organisation de l'hôpital et de ses personnels.

Il a rappelé que, pour l'essentiel, la conférence considérait que l'hôpital devait se recentrer sur les besoins du malade dans une démarche médicalisée.

Le corps médical hospitalier a pris conscience qu'il était l'acteur principal de la maîtrise des coûts, tout en étant le garant de la qualité des soins.

Si la réforme hospitalière actuelle -issue de la loi de 1991- est fondée sur une organisation centrée sur les structures de soins (services ou secteurs pour la psychiatrie) avec, comme responsable, un médecin hospitalier chargé de l'organisation des soins, il a noté que de nombreux textes législatifs et réglementaires étaient venus peu à peu modifier ce système et avaient entraîné des dysfonctionnements à l'hôpital avec des conséquences sur l'organisation et la qualité des soins.

Illustrant son propos, il a développé l'exemple du directeur des soins infirmiers disposant, entre autres pouvoirs, de celui de nommer le personnel non médical et de l'affecter dans les services médicaux.

Il a ajouté que ce directeur pouvait s'opposer à la venue d'une infirmière ou de tout autre personnel paramédical contre l'avis du médecin-chef de service.

Citant alors les propos de M. Jean-Marie Clément, il a signifié que les prérogatives du directeur des soins infirmiers pouvaient aller à l'encontre du pouvoir médical, renforçant ainsi celui de l'administration.

A cet égard, il a noté que la volonté de revaloriser certains coûts ne devait pas gêner l'organisation des soins.

Il a réaffirmé que l'intérêt du malade exigeait que les structures de soins, quelles qu'elles soient, soient obligatoirement placées sous la responsabilité d'un praticien hospitalier qui avait, seul, les compétences et les connaissances professionnelles médicales pour assurer l'organisation des soins. Ce praticien hospitalier devait être recruté par un concours national organisé par le ministère de la santé, respectant ainsi un haut niveau de compétences et d'homogénéité de la qualité des médecins hospitaliers sur l'ensemble du territoire français.

Il a expliqué qu'en psychiatrie, tout particulièrement, le praticien, garant de la loi de juin 1990 réglementant les modes d'hospitalisation des malades mentaux, devait être soustrait à toute pression locale.

M. Michel Potencier a souligné que la conférence serait très vigilante sur la composition de l'agence régionale chargée de la répartition des moyens afin que tous les établissements puissent équitablement faire valoir leurs besoins.

Il s'est dit fermement opposé à la création d'assistances publiques régionales (APR) qui ne pourraient qu'alourdir la gestion sans apporter d'amélioration à l'organisation et à la qualité des soins. La conférence, a-t-il ajouté, est très attachée aux contrats d'objectifs.

Le Docteur Michel Potencier a confirmé la convergence de ses idées avec celles de la conférence de M. Olivier Joyeux concernant la CME et la commission d'évaluation.

Il a expliqué que l'accréditation des services hospitaliers en fonction des normes de qualité ne pouvait pas être refusée.

Il a souhaité que la commission d'accréditation puisse se fonder sur une appréciation sûre des critères des services hospitaliers et soit donc composée de scientifiques.

Il a fait part de l'émotion que lui avait inspiré le fait qu'à l'occasion du dernier recrutement de médecins hospitaliers, et tout particulièrement en psychiatrie, pour 220 postes offerts au concours de recrutement national au mois de novembre, seuls 150 candidats se soient présentés.

Il s'est interrogé sur le désintérêt des jeunes médecins pour l'hôpital public, certainement lié à des problèmes de statut et de rémunération, mais aussi à la place du médecin à l'hôpital public.

Répondant à M. Claude Huriet, il a noté que le nombre des médecins étrangers dans les hôpitaux publics psychiatriques était infime.

Rappelant les difficultés que ne manquera pas de provoquer l'application du projet de loi portant diverses mesures d'ordre social (DMOS) au I er janvier prochain, il s'est fait l'interprète de ses jeunes collègues qui ne comprennent pas l'importance du numerus clausus, tant en première année d'étude qu'au moment de l'entrée en internat.

Il a regretté à nouveau la défection des jeunes praticiens pour l'hôpital public.

A. M. Jean-Pierre Fourcade, président, qui s'étonnait de sa critique virulente de la direction des soins infirmiers, M. Michel Potencier a rappelé que ce problème était capital, en psychiatrie notamment. Il a rappelé qu'en matière psychiatrique la relation « personnel médical et malade » était essentielle, qu'il ne fallait pas confondre gestion d'accords et organisation des soins.

M. Olivier Joyeux est alors intervenu pour regretter également le manque d'effectifs, rappelant la double faillite de la formation des médecins en France.

Il a développé ensuite les propositions propres à attirer les médecins et les chirurgiens dans les hôpitaux généraux. Il a tout d'abord préconisé la rupture de la solitude des praticiens, notamment par la création d'un réseau au niveau du secteur sanitaire. Il a confié également la nécessité d'une formation continue tant au plan médical qu'au plan de la gestion et, enfin, il a dénoncé la pesanteur administrative dans les hôpitaux publics.

Comme M. Michel Potencier, il a avancé que le nombre de médecins étrangers dans les hôpitaux publics était infime (deux à trois praticiens pour des ensembles de 500 à 600 lits environ).

Répondant à Mme Marie-Madeleine Dieulangard qui s'émouvait de la forte contestation du renforcement du pouvoir de l'infirmière générale dans les hôpitaux, M. Philippe Hecketsweiler lui a expliqué qu'il y avait une rupture de l'harmonie générale dans la hiérarchie infirmière. Il a constaté que la directrice des soins n'était plus perçue comme une infirmière, mais uniquement comme un cadre dirigeant.

A M. Jean-Louis Lorrain qui lui demandait comment les praticiens pouvaient faire face à la diminution massive du nombre de lits dans les hôpitaux publics, M. Michel Potencier a reconnu la nécessité d'une grande mutation dont sa propre conférence avait été un des promoteurs.

En conclusion, M. Michel Potencier a exprimé le souhait de redonner au secteur psychiatrique le moyen d'organiser les soins sans qu'il y ait d'interférence d'organisation transversale.

Le lundi 11 décembre 1995, réunie sous la présidence de M. Jean-Pierre Fourcade, président, puis celle de M. Claude Huriet, vice-président, la commission a, tout d'abord procédé à l'audition de M. Jean-Marie Spaeth, président de la Caisse nationale d'assurance vieillesse des travailleurs salariés (CNAVTS), sur le projet de loi autorisant le Gouvernement, par application de l'article 38 de la Constitution, à réformer la protection sociale.

A titre liminaire, M. Jean-Marie Spaeth, président de la CNAVTS, a

souhaité distinguer ce qui, dans son propos, serait dit au nom de la CNAVTS de ce qu'il déclarerait au nom de la Confédération française démocratique du travail (CFDT) dont il est secrétaire national et responsable des politiques de protection sociale.

En tant que président de la CNAVTS, il a souhaité aborder deux thèmes : le fonds de solidarité vieillesse (FSV) et la prestation d'autonomie. Il s'est, tout d'abord, déclaré en accord avec les projets du Gouvernement qui visent à clarifier les missions du FSV. Il s'est félicité que cet organisme soit dédié, dans l'avenir, à la seule prise en charge, à titre permanent, des avantages non contributifs versés aux personnes âgées et qui relèvent, selon lui, de la solidarité nationale. Il a estimé que les ressources ainsi dégagées pourraient permettre le renforcement des transferts de solidarité du Fonds au profit de la CNAVTS. A cet égard, il a considéré comme une bonne mesure la décision du Gouvernement d'accroître les contributions versées par le FSV à l'assurance vieillesse en portant de 60 % à 90 % du SMIC le salaire de référence pour le calcul de la prise en charge de la validation des périodes de chômage. Il a rappelé que cette disposition devrait augmenter les recettes de la CNAVTS d'environ 11 milliards de francs.

M. Jean-Marie Spaeth a, à cet égard, estimé que la logique qui avait présidé à la création du FSV devait être menée jusqu'à son terme. Dans cette optique, il a souhaité que le FSV prenne également en charge les validations des périodes de perception des indemnités journalières, des pensions d'invalidité et des rentes d'accidents du travail qui ne donnent lieu, actuellement, à aucune compensation financière.

Concernant la prestation d'autonomie, il a fait part à la commission de ses suggestions, soulignant le fait que le retrait du texte pourrait être mis à profit pour en améliorer les dispositions.

Rappelant, en premier lieu, la part prise par la CNAVTS dans la mise en oeuvre des expérimentations en matière de dépendance et les résultats encourageants de ces dernières, il a insisté sur la nécessité de recourir à un opérateur national dans ce domaine, capable de mobiliser rapidement des données homogènes et fiables. Soulignant le fait que les conventions qui avaient permis la mise en oeuvre de ces expérimentations en 1995 étaient d'une durée d'un an renouvelable, il a souhaité que cette initiative soit reconduite en 1996. Il a précisé que les premiers résultats de ces expérimentations, évalués par le Centre de recherche et de documentation sur la consommation (CREDOC), seraient actualisés grâce à une enquête qui devrait être achevée au mois de mai prochain.

M. Jean-Pierre Fourcade, président, a alors demandé que la commission puisse disposer d'un rapport de synthèse sur les expérimentations dans un délai relativement court.

M. Jean-Marie Spaeth a proposé de faire parvenir cette synthèse d'ici à la fin du mois de décembre. Il a précisé que les expérimentations s'étaient jusqu'à présent bien déroulées sauf dans deux départements qui connaissaient quelques problèmes : la Haute-Vienne et la Charente. Il a, enfin, précisé que, selon lui, l'articulation entre le domicile et l'établissement devrait être revue dans le cadre du texte relatif à la prestation d'autonomie.

En tant que représentant de la CFDT, M. Jean-Marie Spaeth a, ensuite, considéré qu'il fallait « défonctionnariser » la sécurité sociale qui était actuellement, selon lui, non pas « gérée » mais « administrée ». Il a souhaité que le Parlement puisse débattre de la politique de santé publique et que les partenaires sociaux soient rétablis dans leur rôle de gestionnaires. Il a. insisté sur la nécessité de prévoir une conférence de la santé qui ne serait pas annuelle mais triennale. Il a, également, démontré l'utilité d'une convention entre l'État et la sécurité sociale - l'État étant le stratège et la sécurité sociale mettant en oeuvre les dispositions décidées- ainsi que celle d'une suppression des contrôles a posteriori.

Il a considéré le conseil de surveillance comme une interface où se retrouveraient à la fois les gestionnaires et les parlementaires. Il a estimé que la CFDT avait un point de désaccord avec le Gouvernement dans la mesure où il lui était apparu nécessaire que les futures agences puissent intégrer à la fois le secteur hospitalier et la médecine ambulatoire. S'agissant du remboursement de la dette sociale (RDS), il a précisé qu'à son sens, les 0,5 % de prélèvement devaient concerner l'ensemble des revenus, y compris notamment les sommes consacrées à l'assurance vie et les stock-options.

M. Jean-Pierre Fourcade, président, a, alors demandé à M. Jean-Marie Spaeth s'il incluait dans ces revenus les intérêts du livret de Caisse d'Epargne tandis que M. Jean Chérioux a souhaité savoir si les montants consacrés à l'intéressement étaient également concernés.

Même s'il a considéré que le livret A ne concernait pas uniquement l'épargne populaire, M. Jean-Marie Spaeth a précisé que, selon lui, celui-ci ne devrait pas être concerné par le remboursement de la dette sociale, au contraire des sommes consacrées à l'intéressement. Il s'est prononcé en faveur du financement de l'assurance maladie par l'ensemble des revenus dans la mesure où il a remarqué que, désormais, 62 % seulement des revenus des ménages provenaient du travail contre 80 % vingt ans plus tôt. Il a souhaité qu'un point de cotisation maladie soit remplacé par l'équivalent en contribution sociale généralisée (CSG) et que cette dernière devienne déductible comme une cotisation sociale. Sur la question de la progressivité, il a considéré que celle-ci relevait de la fiscalité et de la réforme de cette dernière. A cet égard, il a estimé que ce qui était du domaine de l'État devait faire l'objet d'un mode de financement permettant la progressivité tandis que ce qui relevait du social devait être financé par les cotisations sociales.

Concernant les régimes spéciaux, M. Jean-Marie Spaeth a déclaré ne pas s'opposer à une certaine « remise à plat », à l'intérieur de chaque entreprise concernée, qui devrait s'effectuer dans la transparence.

M. Jean-Pierre Fourcade, président, a considéré, concernant les régimes spéciaux, que le problème qui se posait était surtout celui de leur équilibre futur.

M. Jean-Marie Spaeth, toujours à propos des régimes spéciaux, a évoqué l'intérêt de la cessation progressive d'activité. Concernant les régimes gérés par les partenaires sociaux, il a déclaré que l'Association des régimes de retraites complémentaires (ARRCO) se portait bien tandis que l'Association générale des institutions de retraite des cadres (AGIRC) connaissait des difficultés dans la mesure où l'on constatait une modification de la structure des revenus des cadres. Il a rappelé que 20 % de ces derniers avaient des revenus inférieurs au plafond de la sécurité sociale et que l'on embauchait désormais des cadres à un niveau de salaire moins élevé. Il a souligné combien ce régime était structurellement trop petit par rapport au nombre de retraités et a attiré l'attention de la commission sur une nécessaire réflexion relative à la mise en oeuvre, à terme, d'un grand régime complémentaire. Il a, enfin, noté que le taux de cotisation des cadres était inférieur de deux points à celui des non-cadres.

M. Jean Chérioux, lui a alors demandé son sentiment sur l'instauration d'un régime par point pour les régimes spéciaux.

M. Jean-Marie Spaeth s'est déclaré opposé à un régime de base par point, dans la mesure où cela supprimait, selon lui, la solidarité et intégrait la totalité de la rémunération. Il s'est interrogé, à cet égard, sur le moindre coût d'un tel régime par rapport au système actuel qui n'intègre pas les primes. Il a, toutefois, souhaité que la comparaison soit faite afin que l'on puisse juger en toute connaissance de cause. Il a estimé, concernant le régime des mines, et sa situation démographique, « qu'il fallait assumer le passé ».

Sur la famille, M. Jean-Marie Spaeth a remarqué que la Caisse nationale des allocations familiales (CNAF) servait à peu près 60 milliards de francs de prestations sans condition de ressources, 60 milliards sous condition de ressources, alors que l'État, par le biais du quotient familial, octroyait aux familles également 60 milliards de francs. Il a souligné les cas où les familles modestes étaient relativement peu aidées : familles avec un seul enfant, familles avec deux enfants non imposables. Il a déclaré rechercher l'équité et a estimé qu'aujourd'hui les aides aux familles lui semblaient discriminatoires.

M. Jean-Pierre Fourcade, président, s'est déclaré en accord avec le diagnostic de M. Jean-Marie Spaeth sur la relative faiblesse des aides à destination des familles de deux enfants non imposables et a précisé que ces familles ne bénéficiaient pas non plus de la revalorisation des aides locatives.

S'agissant de la loi du 25 juillet relative à la famille, M. Jean-Marie Spaeth a rappelé l'urgence de mettre en oeuvre les dispositions relatives aux jeunes adultes. Il a, par ailleurs, remarqué que le problème d'une politique familiale, qu'il a qualifiée de moderne, restait posé et qu'une telle politique ne devait pas se borner à octroyer des prestations mais à améliorer la conciliation entre l'activité professionnelle et la vie familiale.

M. Jean Chérioux a, alors, évoqué la question de l'allocation parentale de libre-choix.

Souhaitant que les femmes ne soient pas pénalisées sur le plan professionnel, M. Jean-Marie Spaeth a proposé que soit instaurée une suspension du contrat de travail pour celles qui élèvent leurs enfants, comme c'est le cas pour le congé maternité.

M. Charles Descours, rapporteur, a interrogé M. Jean-Marie Spaeth sur la place qui devrait, selon la CFDT, être réservée aux médecins au sein des conseils de surveillance.

M. Jean-Marie Spaeth a estimé que cela dépendrait du rôle qui serait dévolu au conseil de surveillance. Si ce dernier, à l'instar de ce qui se passe dans le secteur privé, a une réelle fonction de surveillance, il a déclaré ne pas s'opposer à la présence des médecins.

M. Charles Descours, rapporteur, après avoir rappelé les quatre acteurs de ce système -Gouvernement, Parlement, partenaires sociaux et médecins- a regretté « l'empilement des pouvoirs régionaux » et a interrogé M. Jean-Marie Spaeth sur la possibilité de fusion entre les directions régionales des affaires sanitaires et sociales (DRASS) et les caisses régionales d'assurance maladie (CRAM).

M. Jean-Marie Spaeth a estimé que, où il y avait deux pouvoirs au même niveau, il y avait une impossibilité de fonctionnement. Il a souligné à nouveau combien il lui semblait essentiel que la politique hospitalière ne soit pas déconnectée de la politique régionale en matière de soins ambulatoires. Il a souhaité que les CRAM deviennent de véritables acteurs.

M. Charles Descours, rapporteur, a souhaité connaître l'opinion de M. Jean-Marie Spaeth concernant le « contributif » et le « non contributif » en matière d'assurance maladie.

En réponse, M. Jean-Marie Spaeth a déclaré cette distinction non opératoire et a souhaité qu'il n'y ait plus véritablement de cotisation maladie sauf pour les indemnités journalières, mais une CSG destinée à financer l'assurance maladie. Il a estimé qu'en matière de maladie, la notion de salaire différé n'était plus pertinente. En matière de dépenses d'assurance maladie, il a rappelé que jusqu'en 1957-58, plus de 50 % de ces sommes étaient destinées au paiement des indemnités journalières. Il a précisé qu'aujourd'hui les indemnités journalières ne constituaient plus que 4 % de ces dépenses d'assurance maladie. Il a souligné également que c'était en 1971-72 que l'espérance de vie avait dépassé 65 ans et que désormais la vie se partageait entre 40 ans d'activité professionnelle et 40 ans d'inactivité. Il a rappelé que le niveau des retraites s'était accru. Il a estimé qu'il fallait tirer les conséquences de cet état de fait. Il s'est alors prononcé en faveur de l'affiliation à l'assurance maladie de toute personne résidant légalement sur notre territoire, du fait de son existence même et non de son emploi et d'un régime universel financé par la CSG.

M. Jean-Marie Spaeth a rappelé qu'aujourd'hui les revenus des ménages étaient constitués à 27 % de revenus de transfert et à 62 % de revenus du travail, contre 80 % vingt ans plus tôt. Il a noté que l'obligation scolaire à 16 ans datait de 1951, et que les premiers salariés qui avaient été concernés par celle-ci n'arriveraient à la retraite qu'en 2011. Il a souhaité que l'État ne se mette pas à sélectionner les risques pour les financer par l'impôt.

M. Claude Huriet s'est demandé si le système catégoriel n'existait pas déjà et a évoqué le régime d'Alsace-Moselle.

M. Jean-Morte Spaeth a craint qu'avec la séparation des risques, on n'aboutisse à un système dual, avec, d'un côté, ce qu'il a appelé le « gros risque » et le secteur hospitalier et, de l'autre, ce que d'aucuns estiment être du confort et l'ambulatoire. Il a rappelé que le régime en vigueur en Alsace-Moselle était un système de mutualisation collective obligatoire.

Puis la commission a procédé à l'audition de MM. François Peigné, président de l'intersyndicat national des praticiens hospitaliers (INPH) et Claude Degos, président du syndicat national des médecins, chirurgiens spécialistes et biologistes des hôpitaux publics (SNAM-HP).

M. François Peigné, président de l'INPH, a approuvé le principe du recours à une loi d'habilitation et la nécessité d'une réforme de la protection sociale tout en souhaitant qu'une véritable concertation s'engage avec le Parlement et les représentants des différentes catégories du personnel hospitalier sur ce sujet.

Il s'est déclaré favorable aux orientations définies par le Premier ministre dans sa déclaration de politique générale du 15 novembre dernier tout en faisant part de sa « réticence » à l'égard des propositions de M. Devulder dont il a estimé qu'elles étaient irréalistes, complexes et pratiquement très difficiles à mettre en application.

Concernant la réforme hospitalière, il a considéré qu'elle devrait répondre à deux conditions : tout d'abord, ne pas bouleverser la loi du 31 juillet 1991 qui commence seulement à entrer en application et dont les résultats doivent être analysés ; ensuite, s'appuyer sur les outils opérationnels existants, c'est-à-dire la médicalisation des systèmes d'information, l'évaluation comparative des structures et services hospitaliers et la comptabilité analytique des hôpitaux.

Il a approuvé la régionalisation fondée sur une instance régionale de planification et de financement chargée d'attribuer les enveloppes régionales de financement votées par le Parlement, tout en s'interrogeant sur la composition de ces agences et de leurs instances de décision et en souhaitant que ces agences soient aussi indépendantes que possible.

S'agissant de l'accréditation et de l'évaluation, il a souhaité que ces missions soient assurées par des institutions véritablement habilitées à définir, avec l'aide d'experts, des références et à fixer des critères d'évaluation avant de donner un avis sur l'accréditation des structures hospitalières.

Il a souhaité que les organes d'évaluation soient véritablement composés de professionnels à l'image de ce qui existe dans les milieux anglo-saxons.

Concernant la contractualisation, il a estimé qu'elle devrait conduire à la signature de contrats d'objectifs entre l'agence régionale et les établissements hospitaliers ou des groupements d'établissements et a souligné qu'il serait « utopique » de conclure de tels contrats avec les services hospitaliers eux-mêmes.

Il a précisé que les contrats devraient prévoir les objectifs internes et les moyens alloués aux structures hospitalières accréditées ainsi que des mécanismes d'intéressement et de sanctions pour les équipes hospitalières.

S'agissant de la coordination, sur une base volontaire, des structures d'hospitalisation publiques et privées, il a estimé que le regroupement des établissements publics de soins par bassin de population d'environ 200.000 personnes devrait être favorisé, en coordination avec les cliniques privées qui pourraient être associées aux contrats d'objectifs pour créer un véritable réseau de soins.

Concernant les conseils d'administration des hôpitaux, il a souhaité que leur composition actuelle soit revue tout en souhaitant que le président soit au moins élu par le conseil.

S'agissant de la formation médicale continue, il a souhaité qu'elle soit rendue obligatoire aussi bien pour les médecins libéraux que pour les praticiens hospitaliers tout en reconnaissant que le problème du financement restait entier.

Soulignant une certaine insuffisance de la concertation préalable, il a mis l'accent sur la nécessité de négocier, de discuter et de se concerter pour que la réforme soit véritablement applicable.

Enfin, il a relevé que les observations du rapport du professeur Devulder sur l'assouplissement des conditions dans lesquelles les praticiens hospitaliers pourraient exercer des activités d'enseignement ou de recherche allaient « dans le bon sens », même si les modalités d'application étaient complexes à définir.

M. Claude Degos, président du SNAM-HP, a indiqué au préalable que l'accord de son syndicat avec l'INPH sur de nombreux points de la réforme entraînait une grande convergence dans les positions exprimées par chacune des deux instances.

Évoquant le recours à la procédure des ordonnances, il a estimé qu'il n'appartenait pas à une organisation syndicale de juger une procédure qui relevait de l'appréciation des autorités politiques.

Il s'est déclaré favorable à la régionalisation, que le SNAM-HP appelait de ses voeux depuis longtemps et qui permettrait de rapprocher les instances décisionnelles des personnels des établissements de soins.

Il s'est prononcé en faveur du découpage de la région en secteurs hospitaliers permettant le regroupement d'hôpitaux dont chacun pourrait se spécialiser tout en accomplissant sa mission de médecine générale et d'urgence.

Il a souhaité, pour éviter la dissémination des établissements, que chaque centre de responsabilité, d'une taille suffisamment importante, soit doté d'un budget prévisionnel d'activités et d'une comptabilité analytique, chaque service conservant sa « physionomie » propre à l'échelon d'une spécialité.

Concernant l'accréditation, il s'est interrogé sur les instances compétentes et les techniques utilisées, tout en mettant l'accent sur le rôle nécessaire des praticiens en ce domaine.

S'agissant de l'évaluation, il a regretté que le programme de médicalisation des systèmes d'information (PMSI) ne prenne pas en compte les activités de consultation au sein des hôpitaux et a souligné que les PMSI ne devaient pas être transformés en instrument comptable.

Concernant la contractualisation, il a considéré que les « contrats d'objectifs et de moyens » devraient impérativement être conclus à l'échelon de l'établissement de soins et non pas des équipes hospitalières, afin d'assurer la programmation pluriannuelle des moyens et la coordination entre les différents services.

S'agissant de la coordination entre l'hospitalisation publique et l'hospitalisation privée, il a estimé qu'elle permettrait, dans le cadre de la contractualisation, de mieux déterminer le rôle de l'hospitalisation privée dans les réseaux de soins.

Rappelant que les hôpitaux représentaient près de 50 % des dépenses de l'assurance maladie, il a souligné que la dépense hospitalière recouvrait le coût de diverses activités annexes liées à l'entretien des bâtiments, la blanchisserie et la restauration, lesquelles expliquaient largement le surcoût observé par rapport aux dépenses des cliniques privées.

Il s'est déclaré favorable à la formation médicale continue obligatoire à l'instar des svstèmes existants en Suisse et en Belsique.

Il a souhaité que l'établissement public hospitalier subsiste sous sa forme actuelle en soulignant la nécessité d'une réforme de la composition du conseil d'administration.

Il a insisté sur le caractère fondamental d'une concertation préalable sur les conclusions du rapport du professeur Devulder avant une éventuelle mise en application.

M. Charles Descours, rapporteur, s'est interrogé sur la lenteur de la mise en application de la loi du 31 juillet 1991 et de la médicalisation des systèmes d'information, sur l'intervention exclusive des « professionnels » en matière d'accréditation et sur les difficultés de la mise en oeuvre de la spécialisation des hôpitaux.

M. Jean-Pierre Fourcade, président, s'est interrogé sur la redéfinition de la carte hospitalière et a souligné que l'accréditation devrait être opérée sur des critères objectifs à partir des coûts de financement et des résultats.

M. Claude Huriet a rappelé que la distinction entre les frais liés au « plateau technique » et ceux liés à la fonction hôtelière dans l'hôpital, demandée depuis longtemps, était devenue de plus en plus complexe à effectuer et s'est interrogé sur la nécessité du recours aux ordonnances sur ce dossier.

En réponse, M. Claude Degos, président du SNAM-HP, a souligné que si le PMSI avait pris beaucoup de retard à l'Assistance publique des Hôpitaux de Paris (AP-HP), il n'en était pas de même en province où ce dispositif était quasiment opérationnel.

Concernant la restructuration des établissements de soins, il a estimé que jamais un syndicat responsable n'avait jusqu'ici refusé « de manière catégorique et aveugle » le principe d'une restructuration, tout en soulignant que si cette dernière était conduite en-dehors du corps médical, les risques d'échec étaient grands.

Il a fait valoir les économies en dépenses d'investissement lourd qui résulteraient de la détermination de 4 à 5 secteurs de spécialisation au sein d'une même région.

M. François Peigné, président de l'INPH, a souligné que, tant en matière de médicalisation des systèmes d'information que d'évaluation des résultats des services, la mise au point des outils analytiques était quasiment terminée

Il a insisté sur la nécessité d'une diversification des sources de financement de l'hôpital auprès des universités, des organismes de recherche et des collectivités locales en soulignant que l'activité médicale devrait demeurer à la charge exclusive de l'assurance maladie.

Puis, la commission a procédé à l'audition de MM. Georges Mallard, président de la Fédération nationale des praticiens des hôpitaux généraux (FNAP), M. Louis Ducreux, représentant du syndicat des médecins anesthésistes réanimateurs des hôpitaux non universitaires (SMARHNU), Mme Gaudeau-Toussaint, présidente du syndicat national des biologistes des hôpitaux (SNBH) et M. Skurnik, représentant de la coordination syndicale des médecins, biologistes et pharmaciens des hôpitaux publics (CSMBP-HP).

M. Georges Mallard, président de la FNAP, a indiqué que s'il comprenait l'urgence et le bien-fondé d'une réforme en profondeur de la protection sociale, il n'approuvait pas que le Gouvernement soit habilité à légiférer par ordonnances sur l'organisation et l'équipement sanitaires ainsi que sur le fonctionnement et les modalités de financement et de contrôle des établissements de santé, dans la plus grande rapidité, sans concertation avec les professionnels, sur les bases du rapport de M. Devulder, qui n'a pas encore été rendu public.

Rappelant que de nombreuses dispositions de la loi du 31 juillet 1991 portant réforme hospitalière, qui avait fait l'objet d'un long débat parlementaire, demeuraient encore inappliquées, il s'est demandé si le secteur hospitalier était prêt à « assimiler sans sourciller » une réforme s apparentant à un véritable « chambardement » et imposant aux établissements de soins une référence unique et impérative sur les plans comptable, économique et budgétaire.

Il a donc souligné d'emblée que la FNAP n'était pas favorable à une nouvelle réforme et qu'elle estimait préférable de modifier et de compléter la loi du 31 juillet 1991.

Il a rappelé que l'hôpital général exerçait une mission de service public et qu'à ce titre, il assurait la prise en charge médicale des malades dans le cadre d'une démarche pluridisciplinaire globale, la prise en charge médico-sociale de certains patients et, enfin, une mission de « veille sanitaire » en matière d'urgence.

Il a précisé que l'hôpital assumait en outre la fonction d'observatoire.

Il a souligné que l'hôpital était en mesure de former convenablement 90 % des futurs médecins n'exerçant pas d'activités « de pointe » dans la recherche ou l'enseignement et qu'il était, en outre, le seul établissement capable d'assurer l'enseignement de la médecine générale quotidienne et de sensibiliser le futur médecin généraliste au coût de certains modes d'investigation clinique sophistiqués.

Il a souhaité que les projets de réforme ne visent pas « sournoisement » à « mettre en pièces » ou à « déstabiliser » l'hôpital qui devait conserver sa vocation d'établissement généraliste à dimension humaine.

Il a exprimé la crainte que, même si l'ensemble des établissements d'hospitalisation publique et privée étaient concernés par la réforme, les mesures envisagées en matière de suppression de lits, de transformation de lits ou de fermeture d'établissements de soins ne portaient ni sur les centres hospitaliers et universitaires (CHU) ni sur les établissements d'hospitalisation privés.

Concernant l'organisation territoriale des établissements de soins, il a estimé que si les services spécialisés des CHU devaient demeurer en tant que structures de recours, les autres services devraient être regroupés au sein d'une structure analogue à celle de l'hôpital général. Il a souhaité que les fonctions universitaires soient exercées sur une durée déterminée et parfois rendues accessibles à des praticiens exerçant en honoraire libre, tout en estimant que le nombre de professeurs devrait être revu à la baisse.

S'agissant des hôpitaux généraux, il a estimé qu'en dehors des départements où étaient déjà implantés plusieurs hôpitaux généraux, il conviendrait de prévoir un établissement de 400 à 600 lits pour chaque zone sanitaire, correspondant à un bassin de population de 250.000 à 400.000 habitants.

Il a souligné que le CHU n'avait nulle compétence pour organiser ou contrôler la planification hospitalière générale et s'est déclaré totalement opposé à la création « d'assistances publiques régionales », y compris sous forme déguisée à travers la répartition d'enveloppes budgétaires au niveau régional.

Il a indiqué que la FNAP souhaitait, en matière d'offre de soins, la reconnaissance officielle du secteur sanitaire comme pivot de l'organisation territoriale, l'encouragement au développement d'une politique de soins coordonnée en réseau et l'intensification des relations de complémentarité entre le secteur public et le secteur privé, telles qu'elles existaient déjà pour la rentabilisation des équipements lourds.

Il a estimé que la complémentarité avec le secteur privé concernant les activités médicales ne pourrait être mise en oeuvre que progressivement en raison du principe du libre-choix par le malade de son établissement d'hospitalisation et, en tout état de cause, a souhaité que l'hôpital public ne devienne pas la « voiture-balai » du système de santé.

Concernant la planification, il a souligné que la fédération n'était pas opposée à la régionalisation des budgets hospitaliers mais qu'elle était circonspecte à l'égard de la création d'une « commission exécutive régionale » chargée de répartir les budgets.

Estimant que l'État jouerait un rôle dominant au sein de ces commissions, il a exprimé la crainte que les budgets des établissements ne soient attribués de manière autoritaire et sans concertation.

Il s'est prononcé en faveur d'un dispositif où l'Institut régional d'organisation sanitaire et sociale (IROSS) lancerait tous les cinq ans un appel d'offre « d'activité hospitalière cohérente ». Les projets présentés devraient être conformes au schéma régional d'organisation sanitaire et sociale (SROSS) pour être agréés par l'instance régionale exécutive après avoir été accrédités par une instance nationale décentralisée. Il a souligné que les SROSS étaient d'ores et déjà opérationnels.

Concernant l'évaluation et l'accréditation, M. Louis Ducreux, président du syndicat des médecins anesthésistes réanimateurs des hôpitaux non universitaires (SMARHNU) a rappelé qu'il approuvait la mise en oeuvre de l'évaluation, à la condition que celle-ci soit assurée par une instance de réflexion scientifique et médicale et que des outils d'évaluation « dignes de ce nom » soient mis au point.

S'agissant de l'accréditation, il a souligné que par analogie avec ce qui existait en Grande-Bretagne, les règles d'accréditation devaient être définies à l'avance pour permettre aux établissements de s'auto-évaluer avant de demander leur accréditation.

Concernant le financement des établissements d'hospitalisation, M. Georges Mallard, président de la FNAP, a tout d'abord rappelé que les hôpitaux généraux qui soignaient les deux tiers des patients ne consommaient que 38,6 % de l'ensemble des budgets hospitaliers publics et privés.

Il a souligné les déviations et le caractère sclérosant de la maîtrise comptable des dépenses hospitalières résultant de la mise en oeuvre du budget global depuis 1985.

Il a constaté que l'assurance maladie finançait des prestations que des dépenses indues en matière d'enseignement et de recherche dans les CHU qui devraient être prises en charge par les ministères compétents en faisant état d'une étude menée en Languedoc-Roussillon qui montrait, à activité comparable, une « surdotation » systématique des CHU.

Observant que, depuis quelques années, la généralisation des enveloppes régionales compensait légèrement la rigueur du budget global, il a constaté que les groupements homogènes de malades (GHM) issus du programme de médicalisation des systèmes d'information (PMSI) permettait d'envisager qu'une fraction de la dotation budgétaire repose sur les performances et la rentabilité. Il a déclaré ne pas s'opposer à cette réforme sous réserve d'expérimentations préalables.

Il s'est déclaré favorable aux contrats d'objectifs sous réserve d'un rééquilibrage préalable des budgets hospitaliers à partir du PMSI et que les contrats soient cosignés par les équipes soignantes.

Refusant que les enveloppes budgétaires soient affectées à des regroupements de service, il a demandé que soit alloué un budget par service hospitalier, ce dernier devant être considéré comme le véritable centre de responsabilité.

Pour que les médecins soient mieux responsabilisés, il s'est prononcé en faveur de formules d'intéressement plutôt collectives qu'individuelles.

Concernant l'organisation interne des hôpitaux, il s'est opposé au regroupement forcé de services en superstructures et a souhaité le maintien de la souplesse ouverte par la loi du 31 décembre 1991.

Il a estimé que le Ministre devait continuer de nommer les praticiens et a souhaité que l'autorité des chefs de service sur le personnel hospitalier soit restaurée.

Il a considéré que la commission médicale d'établissement (CME) devait conserver son pouvoir de décision dans les choix médicaux et s'est opposé au projet de création de « conseils de direction ».

Il a souhaité une « médicalisation » des équipes de direction par la participation du président de la CME aux réunions de direction hebdomadaires et par une représentation croisée entre la CME et la direction de l'hôpital.

S'agissant de la réforme des conseils d'administration, il s'est félicité que le maire demeure présidentiable en soulignant que cet élu était le mieux placé pour connaître et évaluer les besoins de sa ville et de son secteur hospitalier.

Il a regretté la diminution régulière du nombre d'internes et de praticiens hospitaliers en s'interrogeant sur les conséquences de

l'interdiction de recruter des médecins étrangers à compter du 1er janvier 1996.

Concernant l'organisation territoriale des urgences, il a fait part de son opposition au décret du 7 mai 1995 et a demandé que tout centre hospitalier dispose d'un service d'urgence intégré dans un réseau coordonné de soins urgents.

M. Skurnik, représentant de la CSMBP-HP, a rappelé que son organisation représentait 30 % du corps des internes et des chefs de clinique.

Il s'est inquiété du risque d'une « démédicalisation » croissante des hôpitaux en soulignant que les médecins compétents et de haut niveau ne souhaitaient plus travailler à l'hôpital et qu'il manquait environ 3.000 médecins dans les hôpitaux généraux.

Il a désapprouvé les fermetures de lits hospitaliers en soulignant les conséquences négatives en matière de lutte contre l'exclusion et le coût des places ouvertes dans des structures extra-hospitalières.

Il a souhaité que le service demeure l'unité de base de l'hôpital.

Concernant l'accréditation, il s'est inquiété des conséquences qui seraient tirées de cette procédure sur le plan financier et a regretté l'absence de contrepoids « scientifique et démocratique » en souhaitant l'intervention dans la procédure de représentants élus des syndicats et des associations médicales ainsi que de représentants des sociétés savantes.

M. Charles Descours, rapporteur, s'est interrogé sur l'évaluation en matière hospitalière, sur le PMSI et sur l'éventualité d'un recours accru au travail à temps partiel pour les praticiens hospitaliers.

En réponse, M. Georges Mallard, président de la FNAP, a déclaré qu'il n'était pas opposé à l'évaluation et a estimé que le PMSI était un outil quantitatif qui avait le mérite d'exister.

S'agissant des médecins exerçant à temps partiel à l'hôpital, il a rappelé les inconvénients déontologiques de cette solution.

M. Skurnik a estimé que l'écart de rentabilité entre l'activité hospitalière et l'activité libérale était trop important pour rendre possible le développement du recours au temps partiel.

Un débat s'est alors engagé entre Mme Gaudeau-Toussaint, MM. Louis Ducreux, Georges Mallard, Charles Descours, rapporteur et Jean-Pierre Fourcade, président, sur les conséquences du développement du travail à temps partiel dans les hôpitaux.

Puis, la commission a procédé à l'audition de M. Jacques Coz, président du syndicat national des cadres hospitaliers (SNCH).

M. Jacques Coz, président du SNCH, a tout d'abord indiqué que son syndicat avait réagi positivement à la déclaration du Premier ministre du 15 novembre dernier.

Il a approuvé le principe de l'instauration du régime universel d'assurance maladie ainsi que du rôle accru du Parlement en matière de protection sociale.

S'agissant de la régionalisation des dépenses hospitalières, il a approuvé cette mesure que le SNCH appelait de ses voeux depuis longtemps en soulignant qu'il appartiendrait à l'État d'arrêter le schéma d'aménagement sanitaire et social du territoire et aux agences régionales de gérer le schéma au niveau local.

Il a souhaité que la direction des agences régionales de financement (ARF) ne soit pas confiée aux préfets, pour éviter le reproche de « nationalisation rampante » de la sécurité sociale.

Concernant l'évaluation, il a estimé que celle-ci serait le gage à la fois de l'efficacité, de la qualité et de la sécurité de l'activité hospitalière en souhaitant que celle-ci soit mise en place de manière « volontariste », afin d'éviter les retards constatés lors de la mise en place du programme de médicalisation du système d'information (PMSI).

S'agissant de l'accréditation, il a demandé qu'elle soit réalisée par un organisme autonome indépendant et non pas par l'État.

Évoquant les conclusions du rapport du professeur Steg, il a estimé urgent que les schémas régionaux d'organisation sanitaire entrent en application.

S'agissant de la contractualisation, il a souhaité qu'elle revête un caractère obligatoire et qu'elle ne s'effectue qu'entre les agences régionales et les établissements hospitaliers autonomes.

Il a rejeté l'idée de la contractualisation entre les agences régionales et les équipes soignantes susceptibles d'entraîner la « balkanisation » du secteur hospitalier.

S'agissant de la coordination de l'hospitalisation publique et de l'hospitalisation privée, il a souligné qu'il convenait de privilégier une approche en réseau de soins et a souhaité la mise en place d'incitations au regroupement des établissements hospitaliers et aux formules de coopération entre le secteur public et le secteur privé telles que les groupements d'intérêt public (GIP) ou les groupements d'intérêt économique (GIE).

Il a approuvé globalement la réforme hospitalière proposée en estimant que le retrait du plan de réforme de la protection sociale serait « catastrophique ».

M. Charles Descours, rapporteur, a confirmé l'importance de la mise en place des schémas des urgences et s'est interrogé sur les mesures relatives aux conseils d'administration des hôpitaux.

M. Jean Chérioux s'est interrogé sur le rôle respectif du conseil d'administration et du directeur de l'hôpital.

M. Claude Huriet s'est interrogé sur le choix du directeur de l'agence régionale de financement et le rôle respectif de l'accréditation et de l'évaluation.

En réponse, M. Jacques Coz, président du SNCH, tout en n'émettant pas d'objection au principe de l'élection du président du conseil d'administration, s'est interrogé sur la composition envisagée pour cette instance et a estimé que la présidence devrait être assurée, en tout état de cause, par le maire ou par un élu municipal.

Il a précisé que le conseil d'administration avait une compétence d'attribution et que le directeur d'hôpital avait une compétence générale et d'exécution.

Il a souhaité que les directeur des ARF soient des hauts fonctionnaires nommés par l'État, comme il est de règle pour les établissements publics.

Il a considéré que l'accréditation devrait porter sur les structures hospitalières tandis que l'évaluation porterait sur les aspects professionnels et qualitatifs de l'activité hospitalière et a précisé que l'évaluation devrait être l'un des éléments pris en compte pour l'accréditation.

La commission a, enfin, procédé à l'audition de M. Jean-Louis Buhl, directeur de l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale (ACOSS) sur le projet de loi autorisant le Gouvernement, par application de l'article 38 de la Constitution, à réformer la protection sociale.

A titre liminaire, M. Jean-Louis Buhl, directeur de l'Agence Centrale des organismes de sécurité sociale (ACOSS) a estimé que cet organisme était concerné par la loi d'habilitation et les ordonnances en cours de préparation à travers trois aspects essentiels : l'amortissement de la dette sociale, les mesures de rééquilibrage financier qui devraient faire l'objet des deux premières ordonnances et la réforme de l'organisation des caisses. Il a estimé que d'autres aspects du plan du 15 novembre 1995, comme l'évolution de la CSG, la prise en compte de la valeur ajoutée dans les cotisations, la création d'un régime universel d'assurance maladie intéressaient également l'ACOSS mais ne relevaient pas de la procédure des ordonnances. Il a présenté les observations de l'organisme dont il était le directeur comme procédant de la préservation des intérêts financiers de la trésorerie du régime général, ainsi que du souci de l'applicabilité, de la lisibilité et de la simplicité des mesures à mettre en oeuvre. Il a souhaité qu'un heureux compromis soit trouvé entre les impératifs d'équité et de simplification.

Concernant l'amortissement de la dette, M. Jean-Louis Buhl a estimé que la création de la Caisse d'amortissement de la dette sociale (CADES) apparaissait comme un dispositif plus transparent que celui retenu en 1993, dans la mesure où il y aurait individualisation financière et budgétaire, clarification des missions du Fonds de solidarité vieillesse (FSV) et participation aux frais de recouvrement des ressources. Il a souhaité toutefois que cet objectif de transparence soit mené jusqu'à son terme en confiant l'administration de cette caisse non seulement aux représentants des ministres concernés et des grands corps de l'État mais également à ceux des grandes caisses nationales.

M. Jean-Louis Buhl a remarqué, par ailleurs, que les modalités de reprise de la dette s'avéraient proches de celles retenues fin 1993, un relais de la Caisse des dépôts et consignations étant assuré par un contrat souscrit début décembre et plafonné à 137 milliards de francs, soit 120 milliards de francs plus 17 milliards, ce dernier chiffre étant le déficit prévisionnel pour 1996. Il a souhaité préciser, à cet égard, combien il lui semblait important que la reprise de la dette de la CADES prenne réellement effet au 1er janvier 1996, afin d'éviter que l'ACOSS n'ait à supporter des frais financiers, compte tenu du délai de mise en oeuvre. Ensuite, il s'est interrogé sur le bien-fondé d'une reprise par anticipation du déficit prévisionnel pour 1996, compte tenu des incertitudes relatives à la prévision de celui-ci.

Concernant les ressources de la CADES, M. Jean-Louis Buhl a souhaité que soient clarifiés le mode d'adéquation des recettes et des charges ainsi que le traitement des excédents et des découverts dans la mesure où certaines de ces recettes paraissaient affectées d'aléas. Il a cité, à cet égard, le cas des dettes des étrangers et les cessions de patrimoines. Il a demandé à ce que soient prévues les modalités de fin de gestion de la CADES.

A propos de la contribution exceptionnelle pour le remboursement de la dette sociale (RDS), M. Jean-Louis Buhl a observé que son champ d'application devrait être lié au bénéfice d'une couverture sociale en France pour les personnes plutôt qu'au domicile fiscal dans la mesure où seraient ainsi mieux appréhendés les frontaliers qui sont, selon lui, plusieurs dizaines de milliers. Il a, également, attiré l'attention de la commission sur la complexité supplémentaire qui serait introduite pendant une durée non négligeable (13 ans), pour les employeurs et notamment les petites entreprises, par la création d'une troisième assiette de cotisation, après celle des cotisations sociales et celle de la CSG. Il a noté que la création d'une nouvelle rubrique dans la fiche de paie serait une occasion supplémentaire d'erreur ou de fraude. Il a estimé qu'à terme l'assiette de la CSG serait modifiée pour être alignée sur celle du RDS.

Sur les mesures de rééquilibrage financier, M. Jean-Louis Buhl a estimé que l'ACOSS était notamment concernée, d'une part, par la suppression de la prise en charge par l'assurance maladie des cotisations d'allocations familiales des médecins du secteur 1 et, d'autre part, par l'affiliation des médecins du secteur 2 qu'il a souhaitée à partir du 1er mai et non du 1er avril comme cela était prévu afin de respecter la période traditionnelle de référence en matière d'assiette, soit du 1 er mai au 30 avril.

Concernant la nouvelle taxe de 6 % sur le financement par les entreprises de prestations complémentaires de prévoyance et de maladie pour leurs employés et qui sera affectée au FSV, M. Jean-Louis Buhl s'est interrogé sur l'opportunité de sa création qui se superposera aux dispositifs existants. Selon lui, il aurait été plus simple de réduire ou de supprimer l'exonération actuelle de cotisations sociales qui existe en matière de prévoyance conformément au Sème alinéa de l'article L. 242-1 du code de la sécurité sociale. Il a également estimé que la nouvelle contribution exceptionnelle à la charge de l'industrie pharmaceutique pourrait s'inscrire dans le champ des recettes directement encaissées par l'ACOSS. En revanche, il a souhaité que la redevance de 1 franc par feuille de soins, destinée à financer le fonds d'incitation à l'informatisation des cabinets médicaux soit traitée par la Caisse nationale d'assurance maladie (CNAM) par le biais des Caisses primaires d'assurance maladie (CPAM), sans mobiliser de véritable recouvrement.

Concernant la simplification et la rationalisation des structures, M. Jean-Louis Buhl a souhaité faire trois types de remarques. Tout d'abord, il a rappelé que, depuis plusieurs années, le conseil d'administration de l'ACOSS se préoccupait des inconvénients résultant de l'inadaptation actuelle des structures de recouvrement dont les effectifs varient de 1 à 100 selon les endroits. Il a souligné, en particulier, les difficultés de gestion que cela engendrait. Il a donc précisé que le conseil d'administration de l'ACOSS s'était prononcé en faveur de l'unicité départementale des URSSAF, tout en ne négligeant pas la coopération régionale entre organismes. Il a également mentionné que, à son sens, la constitution des entités départementales devait être progressive, avec un plan de convergence sur trois à cinq ans, afin d'optimiser les moyens, sans créer trop d'inquiétude parmi les personnels.

A propos de la gestion des directeurs et des agents de direction, M. Jean-Louis Buhl a constaté que celle-ci souffrait d'une absence de régulation au plan national des nominations et des carrières, ce qui nuit, selon lui, à la mobilité et à la motivation de nombreux agents ainsi qu'à l'adéquation des profils aux postes. A son sens, il est donc apparu important de mettre en place une régulation nationale de l'accès aux emplois de directeur, à condition qu'il y ait une véritable possibilité de mobilité entre les branches et que le président puisse également donner son avis sur la nomination de son directeur.

Par ailleurs, M. Jean-Louis Buhl a estimé que la composition du Conseil d'Administration de l'ACOSS n'était plus adaptée aux missions de cette dernière et qu'il convenait de faire une place aux administrateurs des URSSAF. Il s'est également interrogé sur l'intérêt de la création d'un conseil de surveillance pour les caisses.

M. Charles Descours, rapporteur, a mentionné qu'un tel type de conseil existait bien à la caisse des dépôts et consignations.

M. Jean-Louis Buhl a remarqué que ce conseil de surveillance pourrait suivre la trésorerie mais que, si l'on examinait sa composition telle qu'elle était prévue, il y avait risque ou opportunité de retrouver celle de la commission des comptes de la sécurité sociale.

M. Claude Huriet, président, a mis en exergue le fait que, dans la mesure où la composition des deux organismes était proche, l'un des deux risquait d'apparaître superfétatoire.

M. Jean-Louis Buhl a remarqué que l'instauration d'un régime universel d'assurance maladie devrait, à son sens, entraîner la suppression, en tant que telles, des compensations généralisées et bilatérales et une certaine intégration financière des institutions concernées. Il a souhaité, à cet égard, que l'ACOSS puisse mettre son savoir-faire en matière de gestion de trésorerie au service de ce régime universel.

M. Charles Descours, rapporteur, a souligné combien ce nouveau système mettrait fin à une certaine compensation démographique et a fait observer que, si les cotisations étaient remplacées par une CSG élargie, l'intégration financière serait faite.

M. Jean-Louis Buhl a précisé, qu'à son sens, il y aurait, à terme, une gestion de trésorerie unique. Concernant l'intégration de la valeur ajoutée dans le calcul des cotisations, il a rappelé qu'une telle suggestion avait donné lieu à de nombreuses études, de la part du Commissariat général au plan et de la Cour des comptes notamment, pour en analyser les difficultés de mise en oeuvre. Selon lui, il apparaîtrait plus expédient d'appliquer un coefficient correcteur par secteur, voire par entreprise, aux cotisations actuelles.

M. Claude Huriet, président, s'est interrogé sur les possibilités de remédier à l'inconvénient de l'existence de trois assiettes différentes en matière de cotisation.

M. Jean-Louis Buhl a souhaité que pour échapper, en partie, à cette complexité, qui allait pénaliser les petites entreprises, la CSG et le remboursement de la dette sociale aient la même assiette.

MM. Claude Huriet, président et Charles Descours, rapporteur, ont

convenu que la multiplication des assiettes et la complexité qui en résulterait pour les petites entreprises leur avaient été, jusqu'alors, insuffisamment.

La commission s'est réunie le mardi 12 décembre 1995, sous la présidence de M. Claude Huriet, vice-président, pour entendre M. Dinorino Cabrera représentant le syndicat des médecins libéraux (SML) sur le projet de loi autorisant le Gouvernement, par application de l'article 38 de la Constitution, à réformer la protection sociale.

M. Dinorino Cabrera a commencé par indiquer que le « plan Juppé » contenait des dispositions jugées positives par son syndicat et d'autres inacceptables. Il a rappelé que le syndicat des médecins libéraux s'était engagé dans le processus de maîtrise des dépenses médicales en signant les deux dernières conventions et qu'il était favorable aux références médicales opposables (RMO) ; il avait d'ailleurs lancé l'idée du carnet médical.

En revanche, son syndicat n'acceptait pas les mesures de culpabilisation prises à l'encontre du corps médical sous le prétexte que l'augmentation des dépenses de médecine libérale avait dépassé l'objectif de 3 % prévu pour 1995.

M. Dinorino Cabrera a observé qu'en 1994 l'augmentation s'était située entre 1,6 et 1,9 %, donc à un niveau inférieur à celui prévu et que si l'augmentation se situait en 1995 entre 5 et 6%, cela était dû en grande partie à l'augmentation du prix des médicaments et à la prise en charge de la vaccination contre l'hépatite B. Pourtant, des sanctions, d'une portée rétroactive avaient été prises, ce qu'il a jugé inadmissible.

M. Dinorino Cabrera a également indiqué que son syndicat rejetait tout objectif quantifié basé sur l'indice des prix et a souhaité que le Parlement se prononce sur le taux d'augmentation prévisionnel des dépenses d'assurance maladie après concertation avec les professions de santé. Il a également demandé que soit précisément défini le champ des dépenses couvert par l'enveloppe ainsi déterminée.

En réponse à M. Charles Descours, rapporteur, qui l'interrogeait sur la possibilité de maîtriser les dépenses de santé sans prévoir des sanctions, M. Dinorino Cabrera a souligné que le taux de progression des dépenses devait être prévisionnel. Dans la mesure où il ne s'agissait pas d'un taux directeur, son dépassement ne devait pas donner lieu à des sanctions, mais à des mesures correctives pour l'avenir. Il a toutefois fait observer que le blocage des honoraires aboutissait à sanctionner les médecins respectueux des objectifs comme ceux qui ne l'étaient pas.

M. Jean Chérioux ayant souligné que la prévision était faite pour être respectée, M. Dinorino Cabrera a insisté sur le fait que son syndicat avait signé des conventions qui ne contenaient pas d'objectifs quantifiés contraignants, mais des objectifs prévisionnels.

Il s'est en outre déclaré opposé au conventionnement individuel, préférant que l'on recherche d'autres mécanismes. Il a rappelé que son syndicat avait proposé que les médecins confirment individuellement leur adhésion à la convention et a reconnu que le système de références médicales obligatoires autorisait des cas de dépassements, peut-être trop nombreux, qu'il conviendrait de réduire.

Il a également indiqué que c'était en raison du blocage d'un syndicat que les instances conventionnelles n'avaient pas fonctionné. Il serait donc souhaitable que la prochaine convention contienne des dispositions permettant d'exclure les syndicats signataires devenus réfractaires à son application.

En réponse à M. Charles Descours, rapporteur, qui s'était interrogé sur la place des professions de santé dans les organes de gestion de l'assurance maladie, M. Dinorino Cabrera s'est déclaré défavorable à leur présence dans les conseils d'administration de l'assurance maladie, mais a accepté leur participation au conseil de surveillance, ce qui leur permettrait de faire entendre leurs voix sans être associés à une décision dont ils ne seraient pas maîtres.

M. Charles Descours, rapporteur, ayant fait observer qu'il devrait être possible d'écarter du régime de sanctions les causes du dépassement (par exemple la vaccination contre l'hépatite B) était extérieure au champ initial couvert, M. Dinorino Cabrera a indiqué qu'à l'expérience la discussion se révélait difficile, car elle débouchait toujours sur une critique de l'attitude des médecins.

En réponse à M. Claude Huriet, président, qui l'interrogeait sur le niveau, national ou régional, auquel devaient être prises les mesures de maîtrise des dépenses, M. Dinorino Cabrera s'est déclaré favorable à la régionalisation. Il a reconnu que la régionalisation serait favorable aux médecins libéraux à condition toutefois de ne pas fixer, comme pour l'hôpital, une dotation globale qui pénaliserait les régions « vertueuses » et favoriserait les régions qui le sont moins.

En réponse à M. Charles Descours, rapporteur, qui évoquait l'inquiétude soulevée par l'obligation de s'adresser à un généraliste avant de consulter un spécialiste, M. Dinorino Cabrera s'est déclaré opposé à une consacraient plus de temps à leurs patients que les médecins étrangers. Il a cependant reconnu que le nombre des médecins était excessif et qu'il convenait d'en inciter un certain nombre à se reconvertir.

M. Jean Chérioux ayant observé que le passage obligatoire par le généraliste condamnait un certain nombre de spécialistes, M. Dinorino Cabrera a répondu qu'en tout état de cause, il y aurait toujours une consultation médicale et a suggéré que cette consultation, qu'elle concerne le généraliste ou le spécialiste, soit remboursée sur la même base, le spécialiste ayant la liberté de ses honoraires.

En réponse à M. Claude Huriet, président, qui l'interrogeait sur l'articulation entre les niveaux régional et national, M. Dinorino Cabrera a suggéré que la convention nationale fixe les références et les grandes lignes de la maîtrise des dépenses et que celles-ci fassent l'objet d'adaptations locales.

A MM. Jean Chérioux et Louis Souvet, qui évoquaient la pénurie de praticiens hospitaliers, M. Dinorino Cabrera a tout d'abord indiqué qu'il existait trop de lits hospitaliers, d'ailleurs souvent occupés à tort. Il a suggéré que les médecins libéraux assistent les « juniors » afin de les aider à déterminer s'il convenait d'hospitaliser les personnes se présentant aux urgences, ce qui permettrait de limiter cette pratique. Il a observé que la reconversion des médecins libéraux pouvait se faire pour partie vers l'hôpital, tout en reconnaissant que des solutions devaient être trouvées pour y rendre les rémunérations plus attractives. Les économies faites sur le nombre de lits pourrait y participer.

M. Charles Descours, rapporteur, a observé qu'il était difficile de toucher à la grille de la fonction publique et s'est interrogé avec M. Pierre Lagourgue sur le recours au temps partiel.

En réponse, M. Dinorino Cabrera s'est déclaré favorable à une interpénétration de la médecine de ville et de la médecine hospitalière, à condition cependant d'éviter les excès auxquels cela avait pu donner lieu dans le passé.

Puis la commission a procédé à l'audition de M. Philippe Sopéna, premier vice-président du syndicat M. G. France.

M. Philippe Sopéna, premier vice-président de M.G. France, a tout d'abord indiqué que son syndicat, qui a recueilli environ les deux tiers des voix des médecins généralistes aux dernières élections professionnelles, soutenait la « logique » du plan de réforme du Premier ministre.

Il a souligné que la « non-gestion » de l'assurance maladie au cours de ces dernières années avait conduit à ce que le niveau des dépenses de santé soit supérieur en France à celui des pays comparables, alors que le taux de remboursement de ces dépenses est inférieur à celui de nos voisins.

Il a mis l'accent sur l'injustice sociale qui résultait de cette situation et le caractère choquant du fait que, selon de récentes enquêtes, certaines personnes reportent des dépenses de soins pour des raisons d'économie.

Il a refusé la logique consistant à augmenter les cotisations sociales et à réduire le niveau des remboursements, mise en oeuvre, selon lui, sous l'impulsion conjointe de Force ouvrière, du syndicat national des industries pharmaceutiques et de la Confédération des syndicats médicaux de France, à une époque où les dépenses de santé étaient considérées comme le moteur de la croissance.

Il a souhaité un « découplage » des dépenses de l'assurance maladie, des salaires et de l'emploi, par la fiscalisation des ressources dont il a souligné qu'elle entraînerait nécessairement une intervention accrue du Parlement.

S'agissant de la maîtrise de la dépense d'assurance maladie, il a constaté que la régulation par le marché n'était pas adaptable aux dépenses de santé, dans la mesure où, pour l'individu, les périodes de forte concentration de la dépense étaient trop courtes par rapport à la durée de la vie humaine pour permettre un comportement économiquement rationnel.

Il a donc estimé inéluctable la régulation par la planification des dépenses, sous l'autorité du Parlement, en remarquant que celle-ci serait incompatible avec le maintien d'un « droit de tirage illimité » des professionnels et des usagers sur le système de santé.

Il a précisé que la logique tendant à attribuer des enveloppes financières prédéterminées aux acteurs du système médical nécessitait de savoir clairement « qui fait quoi et pour qui » pour éviter l'apparition d'effets pervers.

Soulignant, par exemple, l'aspect déstabilisant pour le budget d'un petit hôpital de la prise en charge d'un grave malade chronique, il a constaté la tendance à « l'externalisation » des dépenses dans un système de planification a priori. Il a donc insisté sur la nécessité de mieux connaître la « production » du système de santé en soulignant les insuffisances de l'appareil statistique actuel en ce domaine.

Il a mis l'accent sur la mise en place d'un codage généralisé des actes assorti d'un système de transmission de données auprès d'une instance médicale professionnelle et neutre qui serait considérée comme l'interlocuteur des caisses d'assurance maladie.

M. Charles Descours, rapporteur, s'est interrogé sur la démographie médicale.

M. Jacques Machet a demandé des précisions sur la mise en place du carnet de santé.

En réponse, M. Philippe Sopéna, a estimé que la question du nombre de médecins se posait plus en termes de stock que de flux, puisque le taux de progression annuelle de 0,6 % des effectifs médicaux était proche de celui de la population générale.

Il a considéré que le problème n'était pas de savoir si les médecins étaient trop nombreux mais celui de leur utilité et de leur répartition sur le territoire national en soulignant le sureffectif des médecins spécialistes dans le secteur libéral par rapport au secteur hospitalier.

Il a rappelé que le syndicat M.G. France ne revendiquait pas de numerus clausus en faisant valoir la grande stabilité du nombre d'actes prescrits par médecin et par an depuis quinze ans.

Il a souhaité que les médecins soient incités à consacrer une plus grande partie de leur « temps » professionnel à des activités d'enseignement, de formation, de prévention et d'information, plutôt qu'à se reconvertir vers la « médecine administrative » pour laquelle, au demeurant, les volontaires sont peu nombreux.

S'agissant du carnet de suivi médical, il a rappelé les problèmes éthiques posés par la généralisation du carnet de santé pour les jeunes enfants au début des années 1950 et a insisté sur la nécessaire confidentialité des informations contenues dans le dossier médical.

Il a estimé que le futur carnet de suivi médical devrait permettre au médecin d'accéder plus directement et plus rapidement aux données médicales aujourd'hui dispersées concernant son patient.

Il a considéré que l'informatisation des cabinets médicaux serait d'autant plus rapide qu'elle serait perçue, non pas comme une contrainte administrative nouvelle, mais comme une réponse à un besoin de simplification pour les usagers.

Souhaitant que l'accent soit mis en priorité sur la modernisation de la gestion du système de santé, il a souligné que l'on ne réformerait pas celui-ci par décret.

M. Jean Chérioux a estimé qu'il convenait d'éviter les reproches concernant l'apparition d'une médecine « à deux vitesses ».

M. Claude Huriet, président, s'est interrogé sur les limites de la priorité donnée aux besoins de l'usager.

La commission a ensuite procédé à l'audition de M. Henri Campillo, de la Fédération hospitalière de France (FHF).

A titre liminaire, M. Henri Campillo a précisé que son exposé serait scindé en deux parties avec, dans un premier temps, le financement de l'assurance maladie et, dans un deuxième temps, la réforme de l'hôpital.

Rappelant que la sécurité sociale venait de fêter son cinquantenaire, dans un contexte démographique, social, culturel, totalement différent de celui qui l'avait vu naître, il a constaté que cette situation justifiait une nécessaire adaptation, sans doute trop longtemps différée, mais que ladite adaptation devait se faire, selon la Fédération hospitalière de France, dans le respect des cinq principes fondateurs, à savoir la solidarité nationale, la mutualisation des ressources, l'égalité de tous devant la maladie, le libre accès pour tous aux soins et la stricte compétence et la responsabilité de l'État dans la définition et les moyens à consacrer à une politique de santé.

Selon la Fédération hospitalière de France, l'adaptation du système de sécurité sociale devrait porter sur trois points, la clarification des compétences et des charges entre l'État et la sécurité sociale, en mettant un terme aux transferts de charges indues, la revalorisation des ressources et la maîtrise des dépenses.

S'agissant des charges indues, M. Henri Campillo a estimé celles-ci à environ 70 à 90 milliards de francs en 1995, dont 40 à 45 milliards mis directement à la charge de la sécurité sociale et 30 à 45 milliards de charges indues supportées par cette dernière via les hôpitaux.

Concernant ce qu'il a appelé la revalorisation des ressources, M. Henri Campillo a souhaité que soient redéfinis les financements, qui sont actuellement établis sur un système qu'il a considéré à la fois comme dépassé puisque fondé sur la seule masse salariale-, dangereux -dans la mesure où il pénalise les entreprises de main d'oeuvre et incite à la destruction des emplois-, insuffisant -car il ne tient pas compte des gains de productivité-, et inégalitaire -dans la mesure où il favorise les productions délocalisées et les importations de pays à très bas coûts salariaux-. De même, il s'est prononcé en faveur d'une clarification des compensations entre les régimes et a estimé que la part contributive, à revenus comparables, devait être identique dans tous les régimes. Il a, également, souhaité que les bases des cotisations soient élargies, afin, notamment, de mieux harmoniser les efforts contributifs des différentes catégories de bénéficiaires.

A propos de la maîtrise des dépenses, M. Henri Campillo a orienté son propos dans deux directions. Tout d'abord, concernant la question de l'offre de soins, il a estimé que déréguler engendrerait des désordres et des gaspillages des moyens, voire même des inégalités en matière d'accès aux soins. Il a donc souhaité que la coopération et la complémentarité soient organisées au travers de réseaux coordonnés de soins.

Afin d'optimiser la gestion des moyens, M. Henri Campillo a suggéré trois séries de pistes. En premier lieu, il a proposé d'harmoniser le financement des établissements de santé publics et privés dans le cadre d'un objectif quantifié et sur la base de budgets négociés par objectif d'activités et de moyens. En deuxième lieu, il a souhaité que soit confortée la maîtrise médicalisée de la médecine de ville, dans le cadre de conventions d'objectifs quantifiés. Il a estimé que la rémunération à l'acte ne pouvait continuer à se justifier que si elle était assortie d'une régulation de l'activité individuelle en nombre et valeur d'actes. En troisième et dernier lieu, il s'est déclaré en faveur du renforcement de la qualité des prestations, qu'il s'agisse de l'hospitalisation ou de la médecine de ville. Pour ce faire, il a énuméré un certain nombre de dispositions comme la généralisation du carnet de santé afin d'éviter les actes redondants, le renforcement de l'évaluation des pratiques médicales, le développement des références médicales et l'adoption d'une législation relative à l'aléa thérapeutique.

Dans la deuxième partie de son exposé, M. Henri Campillo a abordé l'analyse faite par la Fédération hospitalière de France des propositions du haut conseil de la réforme hospitalière. Il s'est déclaré en accord avec la proposition de permettre au Parlement d'adopter les objectifs en matière de politique de santé et les moyens financiers destinés à les mettre en oeuvre. Toutefois, il a estimé, dans la mesure où pour toutes décisions nouvelles du Gouvernement cela nécessiterait un nouveau vote du Parlement, que cela alourdirait les procédures. Concernant la conférence permanente de la santé, il a regretté que ne soient précisés ni sa composition, ni ses missions ni ses pouvoirs. Il a craint un double emploi avec la commission des comptes de la sécurité sociale et la commission des comptes de la santé. Il s'est interrogé sur la régionalisation, la considérant au mieux comme « une déconcentration régionale » au pire « comme une étatisation larvée ». Il a jugé que le système retenu semblait compliqué et dispendieux du fait de la multiplication des instances.

M. Charles Descours, rapporteur, a alors précisé que le professeur Devulder, président du haut conseil de la réforme hospitalière, n'avait pas déféré à la convocation de la commission et qu'en conséquence, celle-ci ne connaissait pas le détail des propositions du rapport du haut conseil.

M. Claude Huriet, président, a souhaité que M. Henri Campillo ne réagisse que par rapport au plan du 15 novembre 1995.

M. Henri Campillo a souligné que sa fédération était favorable à l'évaluation, à condition que celle-ci soit établie par un organisme indépendant, sur des bases reconnues par la profession, et qu'elle restait attachée à la procédure d'autorisation. S'agissant de l'accréditation, il a souhaité que celle-ci soit une démarche volontaire des établissements pour faire mesurer leur « conformité à des référentiels de qualité » par une structure de professionnels indépendants et qu'elle soit indépendante de l'autorisation. Il s'est déclaré défavorable à une procédure d'appel d'offres de soins. En revanche, il s'est prononcé en faveur des contrats d'objectifs et de moyens et des réseaux coordonnés des soins hospitaliers et de médecine de ville. Il a estimé qu'actuellement les outils juridiques pour ce faire étaient suffisants mais que les obstacles provenaient, notamment, de l'assurance maladie. Il s'est étonné de la mise en oeuvre de deux objectifs quantifiés différents, l'un pour les établissements publics de santé, l'autre pour les établissements de santé privés et s'est prononcé pour la création d'un seul objectif quantifié, par mission, dans le cadre de contrats d'objectifs. Il s'est également interrogé sur la création « d'une communauté hospitalière et universitaire » dans le cadre de la formation initiale et continue.

A propos de la suppression de la présidence de droit des maires des établissements hospitaliers, M. Henri Campillo a estimé que c'était une erreur d'appréciation et une faute stratégique. Il a, enfin, attiré l'attention de la commission sur les risques engendrés par le projet de nomination des directeurs d'hôpitaux importants en Conseil des ministres. A son sens, il s'agirait d'une « étatisation qui ne dirait pas son nom ». Il a fait part à la commission de sa crainte de voir les choix effectués en fonction de critères essentiellement politiques au profit de candidats extérieurs à la profession, ce qui porterait, selon lui, une grave atteinte au profil de carrière des cadres de direction des hôpitaux issus de l'Ecole nationale de la santé publique alors qu'actuellement les perspectives d'avancement pour ces personnels étaient déjà extrêmement limitées.

M. Charles Descours a alors demandé à M. Henri Campillo son sentiment sur le manque de médecins dans les hôpitaux, en particulier généraux, sur l'articulation accréditation/autorisation, et sur la comptabilité analytique.

M. Henri Campillo a estimé que le manque de praticiens dans les établissements hospitaliers publics datait des années quatre-vingt et que cela provenait en partie du manque d'attractivité de leur statut, notamment en début de carrière. Il a suggéré, à cet égard, de mettre en oeuvre une dotation de 300 millions de francs, afin de contribuer à résoudre ce problème. Il a également proposé de réexaminer la protection sociale des praticiens hospitaliers en s'inspirant de la fonction publique hospitalière. Il a souhaité que se développe aussi en zone urbaine le mode de fonctionnement des hôpitaux locaux, pour que les médecins libéraux puissent aussi pratiquer à l'hôpital et que l'on recrée l'honoraire d'assistance opératoire, supprimé au début des années 70. Il s'est également prononcé en faveur de la possibilité de temps partiel pour les praticiens.

Il a précisé que, pour lui, concernant la deuxième question de M. Charles Descours, rapporteur, il ne fallait pas assimiler accréditation et autorisation.

M. Charles Descours, rapporteur, s'est alors interrogé sur les conséquences de la non-accréditation.

M. Henri Campillo a précisé que le service non accrédité devrait se reconvertir et que l'accréditation était une procédure de sélection. Concernant la comptabilité analytique, il a estimé que cette réforme avait été mise en oeuvre ces dernières années.

M. Jacques Machet a interrogé M. Henri Campillo sur les conséquences du carnet de santé et de la carte santé.

M. Henri Campillo s'est déclaré favorable à ces dispositifs pour éviter les actes redondants et a souhaité qu'ils soient mis en oeuvre tant en ambulatoire qu'à l'hôpital.

M. Claude Huriet, président, a souhaité connaître les conséquences de l'application de la loi du 18 janvier 1994 pour les médecins étrangers.

M. Henri Campillo a évoqué, sur ce point, l'inquiétude engendrée par la date butoir du 1er janvier 1996 et sur la possibilité ou non de maintenir ces médecins. A long terme, en revanche, il s'est déclaré favorable à la vérification des diplômes.

Puis, sous la présidence de M. Jean-Pierre Fourcade, président, la commission a procédé à l'audition de M. Claude Maffioli, président de la Confédération des syndicats médicaux de France (CSMF).

M. Jean-Pierre Fourcade, président, a souhaité que M. Claude Maffioli présente les observations de sa confédération sur l'ensemble du texte et ses modalités d'application.

A titre liminaire, M. Claude Maffioli, président de la confédération des syndicats médicaux de France (CSMF) a souhaité exprimer trois considérations d'ordre général, à savoir l'attachement de sa confédération au système de protection sociale actuel, qui permet un égal accès aux soins à chacun, un tout aussi réel attachement au système conventionnel tel qu'il existe depuis 23 ans, et la nécessité de donner au Parlement la possibilité de se prononcer sur la politique de la santé.

M. Jean-Pierre Fourcade, président, a confirmé cette nécessité pour les assemblées de voter sur les grandes orientations dans ce domaine.

M. Claude Maffioli a précisé que, compte tenu du contexte économique actuel, il était favorable à l'élargissement du financement de l'assurance maladie par le biais de la CSG. Concernant ce qu'il a appelé la maîtrise médico-économique des dépenses de santé pour laquelle, a-t-il tenu à rappeler, il militait depuis deux ans, il a souhaité que les taux soient réellement négociés avec les médecins. Il s'est déclaré défavorable à ce qu'il a qualifié de « maîtrise budgétaire ». Il a reconnu que le taux arrêté par le Gouvernement, soit 2,1 % était relativement large. Mais il a mentionné son désaccord de principe par rapport à un taux arrêté en fonction de motivations budgétaires et qui serait opposable aux médecins. Il a souhaité qu'une véritable maîtrise puisse être mise en oeuvre avec des outils efficaces, une opposabilité et des sanctions individuelles.

M. Jean-Pierre Fourcade, président, s'est alors interrogé sur l'identité de l'autorité qui devrait prendre la sanction.

M. Claude Maffioli a précisé que c'étaient l'assurance maladie et les instances conventionnelles. Il a imputé l'échec de cette procédure, en 1995, à l'arrivée dans lesdites instances d'un syndicat qui avait cherché, selon lui, à en bloquer le fonctionnement. Il a souhaité également la mise en place du codage des actes pour avoir une véritable appréciation de l'activité des médecins. Il a mentionné, toutefois, qu'un véritable codage exhaustif nécessiterait quinze ans mais qu'un codage par spécialité non exhaustif pourrait être mené à bien en trois mois. Il s'est, cependant, demandé si l'assurance maladie nourrait véritablement le mettre en oeuvre.

M. Jean-Pierre Fourcade, président, a demandé à M. Claude Maffioli quelle était la spécialité la plus en retard en matière de codage.

M. Claude Maffioli a déclaré que c'était la médecine générale. Il a estimé qu'il fallait, à cet égard, faire un codage sur un symptôme d'appel. Il s'est déclaré favorable à ce que les unions professionnelles, plutôt que l'assurance maladie, puissent mettre en oeuvre ce codage. Il a souhaité que la coordination du système de santé soit accrue et s'est prononcé en faveur du carnet de santé et du dossier médical tenu par le généraliste, ce qui éviterait, selon lui, les examens médicaux redondants. Il a regretté que le décret de mars 1995 ne rende pas ce type de document obligatoire.

Il a estimé, par ailleurs, que le nomadisme médical n'avait jamais été démontré. Il a rappelé que la seule étude existant dans ce domaine, celle de la Mutualité sociale agricole, concluait à l'inexistence d'un nomadisme pour ses ressortissants. Il s'est déclaré opposé au passage obligatoire pour le patient devant un généraliste dans la mesure où, dans un système de paiement à l'acte, cela lui semblait inflationniste. Il a fait observer qu'une telle disposition ne pouvait fonctionner que dans le cadre d'un système par capitation. Il a attiré l'attention de la commission sur le fait qu'à partir du moment où, par le dossier médical, le médecin généraliste bénéficierait de toute l'information relative au patient, il y aurait, de facto, une revalorisation de son rôle.

M. Jean-Pierre Fourcade, président, a demandé qui tiendrait, du pédiatre ou du généraliste, le carnet médical de suivi pour les enfants.

M. Claude Maffioli a estimé que, dans le cas des enfants, ce pourrait être le pédiatre. Il a précisé que, concrètement, pour les patients, le carnet médical se présenterait sous la forme d'une disquette.

M. Charles Descours, rapporteur, a observé que la généralisation d'un tel système prendrait du temps.

M. Claude Maffioli a précisé qu'une expérimentation sur ce point se déroulait à Charleville-Mézières et a souhaité que l'informatisation des cabinets soit facilitée. Il s'est déclaré favorable à un plan de reconversion gouvernemental pour les médecins et au retrait de plus de spécialistes que de généralistes. Il a estimé à 20.000 le nombre de médecins qu'il conviendrait de « retirer ». Il a remarqué qu'en diminuant l'offre, l'hôpital privé avait tenu ses engagements et a approuvé la pratique du temps partiel. Il a souligné le fait que les étudiants s'installaient leurs études finies, autour de leur faculté, ce qui accroissait considérablement l'offre.

M. Charles Descours, rapporteur, a demandé à M. Claude Maffioli s'il était favorable à une incitation à l'installation..

M. Jean-Pierre Fourcade, président, a évoqué le cas du Canada où existaient des primes variables selon l'endroit où le médecin s'installait.

M. Claude Maffioli a estimé que l'ensemble des dispositions évoquées pouvait se mettre en place rapidement. Il a rappelé que 1994 avait été une année de maîtrise et que 1995 ne serait pas bonne sur ce point, notamment du fait de l'obligation instituée par l'État de vacciner contre l'hépatite B. Il a déclaré que, compte tenu des résultats médiocres de la première moitié de l'année, il avait relancé une campagne de maîtrise des dépenses en septembre et qu'il avait été, semble-t-il, entendu puisque les dépenses de médecine de ville avaient baissé de 0,1 % en octobre. Il s'est, à cet égard, déclaré défavorable à l'instauration d'un taux directeur avec des sanctions collectives.

M. Jean-Pierre Fourcade, président, a estimé qu'à son sens, des sanctions collectives pour les professions libérales n'étaient pas acceptables.

M. Charles Descours, rapporteur, a demandé à M. Claude Maffioli quelle serait, selon lui, la place des professionnels de santé dans l'assurance maladie.

M. Claude Maffioli a déclaré qu'il fallait conserver le système conventionnel et qu'il était très favorable à l'instauration d'une conférence permanente, et non annuelle, de la santé.

M. Jean-Pierre Fourcade, président, a soulevé le problème du nombre des organisations qui y seraient représentées.

M. Claude Maffioli a précisé qu'il y avait quatre syndicats de médecins et un centre national des professions de santé. Il a également déclaré que les médecins souhaitaient être représentés dans les agences régionales.

M. Pierre Lagourgue a constaté que les attitudes des patients avaient évolué. Il s'est demandé si la médecine pratiquée par le généraliste n'allait pas être cantonnée à la médecine d'urgence.

M. Claude Maffioli a rappelé qu'on formait aujourd'hui plus de spécialistes que de généralistes et qu'il souhaitait que, dès cette année, cette tendance soit inversée. Il a souligné que ceci posait le problème de l'internat et que tant que la médecine générale ne deviendrait pas une spécialité, cette question resterait sans solution.

M. Charles Descours, rapporteur, s'est demandé si cela n'accroîtrait pas d'autant le prix de la consultation d'un généraliste.

M. Jean-Louis Lorrain, se référant à son expérience personnelle, s'est interrogé sur la mise en oeuvre de la proposition de M. Claude Maffioli. Il a souligné combien pour réussir une véritable « labellisation », il fallait inciter l'ensemble de la profession.

M. Claude Maffioli a convenu qu'il fallait modifier la perception du généraliste qui ne devait plus être « celui qui a raté l'internat ». Il a rappelé qu'il avait tenté de promouvoir un secteur optionnel.

M. Jean-Pierre Fourcade, président, a constaté que cette tentative en faveur de l'instauration d'un secteur nouveau, qu'il a qualifié de 2 bis, n'avait pas connu le succès escompté.

La commission a alors procédé à l'audition de MM. François Delafosse, président et Daniel Frachon, directeur général, de la Fédération des établissements hospitaliers et d'assistance privés à but non lucratif (FEHAP), et de M. Alain Coulomb, délégué général de l'Union hospitalière privée (UHP).

M. François Delafosse, président de la FEHAP, a fait trois observations liminaires : l'attachement de sa fédération au pluralisme du système de santé, la nécessité d'éviter une approche trop réductrice qui serait soit trop économique, soit trop centrée sur l'hôpital et l'obligation de tenir compte de la dimension sociale de l'activité hospitalière avec, par exemple, l'opportunité d'une articulation plus pertinente des structures hospitalières avec les besoins d'accueil des personnes âgées ou handicapées.

Il a approuvé les trois principes sur lesquels devrait se fonder la réforme hospitalière, tout en soulignant l'imprécision de leur contenu.

Rappelant que le cadre régional est déjà pris en compte depuis la loi hospitalière de 1991 à travers les schémas régionaux d'organisation sanitaire et sociale (SROSS), il a, en effet, estimé que la régionalisation était souhaitable. Au-delà, il s'est interrogé sur les intentions précises du Gouvernement, notamment en ce qui concernait les Agences régionales, qui ne doivent pas constituer un échelon administratif supplémentaire.

Si la contractualisation est un principe positif encore faut-il savoir qui contracte et pour quoi faire. Surtout, il faut éviter une « balkanisation » des moyens dans le secteur hospitalier.

Enfin, l'accréditation est une garantie de qualité, qui doit aller au-delà d'une approche purement médicale.

Toutefois, il a regretté l'absence de précisions quant aux aspects financiers de ces mesures. Pour sa part, la FEHAP est favorable à une répartition des moyens en fonction des besoins réels et à la plus grande transparence.

En réponse à une question de M. Jacques Machet, M. François

Delafosse a précisé que sa Fédération était globalement d'accord sur le projet de réforme en mettant l'accent sur la nécessité d'une complémentarité et d'une évaluation des établissements de santé.

M. Alain Coulomb, délégué général à l'UHP, est alors intervenu. Après avoir rappelé que son organisme représentait 14.000 établissements, 32.000 médecins libéraux et 17 milliards d'honoraires médicaux, il a souligné le caractère positif du Plan Juppé qui sort de la logique habituelle des relèvements de cotisations ou des réductions de remboursement. Il a précisé ensuite les points d'accord avec le projet gouvernemental : le régime universel d'assurance maladie, l'élargissement de l'assiette des cotisations, le renforcement du rôle du Parlement, la réforme des conseils d'administration des hôpitaux et la nécessité de sortir du taux directeur global qui s'avère une rente pour certains et un carcan insupportable pour d'autres.

M. Alain Coulomb est ensuite revenu sur les grands principes de la réforme hospitalière. S'agissant de la régionalisation, il a indiqué préférer l'idée d'une régulation des dépenses d'assurance maladie au niveau régional ; sur la contractualisation, il a souligné la faiblesse des instruments d'évaluation mais a souhaité une clarification des objectifs ; sur l'accréditation il a insisté sur la nécessité de créer une instance d'accréditation indépendante de l'État et de l'assurance maladie, ce qui suppose une multiplicité de financeurs.

Enfin, sur la coordination, il s'est dit convaincu de l'importance des gisements de productivité, y compris au sein des établissements publics. Il a estimé à 20 % le nombre de patients se situant dans l'attente d'une structure correspondant à leurs besoins réels.

Il a enfin considéré que l'objectif essentiel devait être celui de l'efficacité médicale qui concilierait les principes suivants : un haut degré de qualité, la maîtrise des dépenses, la diffusion du progrès médical et une juste rémunération des professionnels et des structures.

Il a conclu en souhaitant être associé, en tant que fédération, aux textes qui entreraient en application.

A une question de M. Charles Descours, rapporteur, il a précisé que les services pourraient faire sans difficultés l'objet d'accréditation.

M. Daniel Frachon est intervenu pour indiquer qu'il devait y avoir une distinction entre l'autorisation de fonctionnement et l'évaluation de la qualité des services.

M. Jean-Louis Lorrain a appelé l'attention sur la dimension sociale de l'hôpital.

M. François Delafosse a répondu que c'est la raison pour laquelle il refusait une « balkanisation » des services au nom du principe de complémentarité.

M. Alain Coulomb a admis l'existence de gaspillages financiers et de pratiques peu rigoureuses de certains établissements ou services.

M. Daniel Frachon a souligné la difficulté d'évaluer la « fonction sociale » de l'hôpital, dont il a admis qu'il fallait en effet en tenir compte.

Répondant à M. Alain Vasselle, M. François Delafosse a admis l'existence de surcapacités mais a indiqué qu'il fallait raisonner en termes d'activités et non de lits excédentaires.

M. Alain Coulomb a estimé que l'hospitalisation privée était exemplaire à cet égard, en raison de l'ampleur des regroupements opérés, soit 205 opérations pour la seule année 1994, principalement pour des motifs financiers. Les services de proximité se conçoivent davantage pour les soins courants que pour les services de « haute technologie », d'où la nécessité de rechercher des instruments de coopération entre les professionnels de la santé.

Puis, sous la présidence de M. Jacques Machet, vice-président, la commission a procédé à l'audition de M. Jean Gras, président de la Fédération des Médecins de France (FMF).

M. Jean Gras, président de la FMF, a indiqué que la fédération avait pris acte des mesures annoncées par le Premier ministre le 15 novembre dernier concernant le remboursement de la dette sociale et les mesures structurelles de réforme de la protection sociale.

Il a souligné que les mesures annoncées étaient parfois « un peu trop brutales ».

Il a indiqué qu'il ne s'opposait pas à l'institution d'un régime universel d'assurance maladie qui permettrait la mise en oeuvre du principe « à cotisations égales, prestations égales » réclamée par la fédération depuis longtemps.

Il a noté, à cet égard, que le régime de la retraite des médecins conventionnés étant un régime spécial entrant dans le champ de la réforme, il n'était pas hostile aux mesures nécessaires à l'équilibre financier de ce régime.

Concernant la politique familiale, il a regretté le report de l'allocation parentale de libre-choix (APLC) aussi bien du point de vue du resserrement des liens familiaux que des effets bénéfiques attendus pour l'emploi.

Il a exprimé son accord avec les mesures annoncées en matière de financement de la protection sociale en estimant qu'il serait toujours nécessaire pour l'avenir de différencier plus clairement ce qui relevait de l'assurance de ce qui relevait de l'appel à la solidarité nationale.

Il a précisé que le gel de l'évolution des dépenses de médecine fixé à 2,1 %, soit au niveau prévisionnel de la hausse des prix, avait suscité une certaine émotion dans les milieux médicaux d'autant plus que la décision n'avait été soumise préalablement à aucune instance consultative.

Il a souhaité que la mesure de gel n'ait qu'un caractère exceptionnel et que, dès la fin de 1996, la possibilité soit ouverte de négocier un avenant avec les partenaires sociaux, au vu des résultats constatés.

Concernant la création d'unions régionales des caisses d'assurance maladie, il s'est déclaré favorable à ce mouvement de régionalisation qui répond au besoin d'une déconcentration des dépenses de santé.

Afin de mieux responsabiliser les intervenants, il a souhaité que les conseils d'administration des caisses d'assurance maladie puissent être « mis en mesure » de choisir leur directeur de caisse afin de garantir la mise en oeuvre des efforts de maîtrise des dépenses de santé.

Il s'est félicité que le Premier ministre ait déclaré que « la qualité des soins n'était pas et ne devait pas être négociable » ainsi que son refus « d'entrer dans la voix du rationnement des soins ou de la réduction des remboursements ».

S'agissant de la réforme hospitalière, il a indiqué que les quatre points forts de la réforme, c'est-à-dire, régionalisation, évaluation contractualisation et coordination, n'appelaient aucune objection de sa part.

En revanche, s'agissant de la réforme des conseils d'administration des hôpitaux, il a regretté que le Premier ministre ait proposé de retirer aux maires leur présidence de droit.

Estimant que les maires n'avaient pas démérité, il a souhaité en tout état de cause que les conseils d'administration des hôpitaux soient effectivement présidés.

Concernant la médecine de ville, il a souhaité plus d'explications sur le dispositif d'ajustement automatique de la rémunération des médecins en fonction du respect d'objectifs et fondé sur des revalorisations tarifaires « conditionnelles et temporaires ».

S'agissant des instruments de la pratique médicale, il a approuvé l'extension et la pérennisation des références médicales opposables (RMO).

Concernant l'informatisation des cabinets médicaux financée par une contribution des médecins équivalent à un franc par feuille de soins, il s'est interrogé sur les autorités responsables de la gestion du futur fonds de mutualisation et a soulevé le problème des médecins ayant déjà mis en place leur informatisation.

Il a approuvé la réforme de la formation initiale des médecins en rappelant que la fédération aurait souhaité qu'elle intervienne plus vite et plus tôt.

Concernant la formation continue obligatoire, il s'est interrogé sur les sanctions envisagées pour les médecins qui ne respecteraient pas cette obligation et le financement de cette mesure dont le coût, selon certaines évaluations, est estimé à 3,5 milliards de francs.

S'agissant du carnet de suivi médical, il s'est demandé s'il s'agissait d'une extension du dossier médical ou d'un nouveau document et a approuvé cette mesure tout en soulignant l'importance du respect du secret médical.

Il a approuvé le développement des médicaments génériques et, concernant le déconditionnement des médicaments, s'est interrogé sur les problèmes d'identification des médicaments par les personnes âgées qui en résulteraient.

Il a exprimé son accord à la mise en place d'une photo sur les cartes d'assurés sociaux, en remarquant toutefois que le médecin ne saurait avoir pour obligation d'exiger la présentation de la carte d'identité de son patient.

Pour conclure, il a tout d'abord exprimé son opposition « très ferme » à la contribution des médecins d'un franc par feuille des soins, à la suspension partielle pour 1996 de la prise en charge par l'assurance maladie des cotisations familiales des médecins du secteur I et à l'affiliation obligatoire de tous les professionnels de la santé à la caisse nationale d'assurance maladie des travailleurs salariés (CNAMTS).

Sur ce dernier point, il a précisé qu'il aurait préféré la généralisation de l'adhésion des médecins à la caisse nationale d'assurance maladie et maternité des travailleurs non salariés des professions non agricoles (CANAM) et a souhaité que les mesures de hausse des cotisations sociales résultant de la réforme soient étalées dans le temps.

Par ailleurs, il a appelé de ses voeux un réel effort de maîtrise de l'évolution des frais de gestion des caisses d'assurance maladie.

Il s'est interrogé sur les modifications des textes conventionnels en matière de dépense de médecine qui résulteraient des ordonnances, en soulignant qu'aucune partie prenante n'aurait intérêt à ce que la convention soit résiliée.

Il a estimé, enfin, que la réforme « précisait les responsabilités » mais s'est demandé si elle « responsabilisait les partenaires ».

M. Charles Descours, rapporteur, a constaté la multiplicité des réserves émises par la fédération et s'est interrogé sur les conséquences de la modification de l'assiette de financement des dépenses de l'assurance maladie et la nécessité d'une responsabilisation des assurés.

En réponse, M. Jean Gras, président de la FMF, a précisé qu'il approuvait les mesures d'élargissement progressif de l'assiette des prélèvements au titre de la sécurité sociale annoncées par le Premier ministre tout en souhaitant que chaque assuré demeure conscient que la protection sociale était « le fruit de son travail » et que l'on n'aboutisse pas à une étatisation de la protection sociale.

Il a estimé que l'instauration du carnet de suivi médical irait dans le sens de la responsabilisation de l'usager et a souligné, en tout état de cause que « l'irresponsabilité » était largement répandue dans le système actuel.

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