Rapport n° 128 (1995-1996) de M. Charles DESCOURS , fait au nom de la commission des affaires sociales, déposé le 14 décembre 1995

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N° 128

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 1995-1996

Rattaché pour ordre au procès-verbal de la séance du 13 décembre 1995.

Enregistré à la Présidence du Sénat le 13 décembre 1995.

RAPPORT

FAIT

au nom de la commission des Affaires sociales (1) sur le projet de loi, CONSIDÉRÉ COMME ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE AUX TERMES DE L'ARTICLE 49, ALINÉA 3, DE LA CONSTITUTION, APRÈS DÉCLARATION D'URGENCE, autorisant le Gouvernement, par application de l' article 38 de la Constitution, à réformer la protection sociale.

Par M. Charles DESCOURS.

Sénateur.

(1) Cette commission est composée de : MM. Jean-Pierre Fourcade, président ; Jacques Bimbenet, Claude Huriet, Charles Metzinger, Louis Souvet, vice-présidents ; Mme Michelle Demessine, M. Charles Descours, Mme Marie-Madeleine Dieulangard. MM. Jacques Machet, secrétaires ; José Balarello, Henri Belcour, Jacques Bialski. Paul Blanc, Mme Annick, Bocandé, MM. Eric Boyer, Louis Boyer, Jean-Pierre Cantegrit, Francis Cavalier-Benezet, Gilbert Chabroux. Jean Chérioux, Georges Dessaigne, Mme Joëlle Dusseau, MM. Guy Fischer, Alfred Foy, Serge Franchis, Mme Jacqueline Fraysse-Cazalis, MM. Alain Gournac, Roland Huguet, André Jourdain, Pierre Lagourgue, Dominique Larifla, Dominique Leclerc, Marcel Lesbros, Jean-Louis Lorrain, Simon Loueckhote, Jean Madelain, Michel Manet, René Marquès, Serge Mathieu, Georges Mazars, Georges Mouly, Lucien Neuwirth, Mme Nelly Olin, MM. Louis Philibert, André Pourny, Henri de Raincourt, Gérard Roujas, Bernard Seillier, Martial Taugourdeau, Alain Vasselle, André Vézinhet, Jean-Pierre Vial.

Voir les numéros :

Assemblée nationale (10ème législ ) 2405, 2414, 2415 et TA 430

Sénat 122 (1995-1996).

Protection sociale .

Votre commission a procédé, le mercredi 13 décembre 1995, à l'examen du projet de loi autorisant le Gouvernement, par application de l'article 38 de la Constitution, à réformer la protection sociale.

Votre commission rappelle qu'avec une très large majorité des membres des deux Assemblées, elle a approuvé sans réserve le plan de réforme de la sécurité sociale présenté par M. Alain Juppé, Premier ministre, le mercredi 15 novembre 1995.

Elle constate que le présent projet de loi, tel qu'il a été amendé à l'Assemblée nationale, constitue la traduction très précise des mesures d'urgence distinguées, dans ce plan, par le Premier ministre.

Elle vous demande donc d'en approuver l'économie et de ne pas en modifier les termes.

Elle considère que le recours aux ordonnances est particulièrement justifié en ce qui concerne les mesures de reprise de la dette et de redressement financier de la sécurité sociale. Elle estime, en revanche, qu'une autre procédure aurait peut-être pu être envisagée pour la réforme hospitalière et les mesures structurelles destinées à maîtriser les dépenses de santé.

Elle comprend toutefois les motivations du Gouvernement. Elle veut croire que le délai de quatre mois qu'il a retenu suffira à la préparation de ces mesures structurelles.

Elle observe que le Gouvernement s'est engagé à informer et à consulter les commissions permanentes compétentes des deux Assemblées sur les ordonnances et à permettre au Parlement de débattre du projet de loi de ratification avant l'été 1996.

Elle juge, enfin, que la rédaction du texte garantit que ni l'accès aux soins, ni les régimes de retraite par répartition, ni les droits des futurs retraités des régimes spéciaux ne pourront être remis en cause dans le cadre de cette habilitation. Cette rédaction interdit également de modifier la nature des prestations familiales ou d'en aménager le régime fiscal.

C'est pour l'ensemble de ces raisons que votre commission a choisi d'adopter le présent projet de loi sans le modifier.

Mesdames, messieurs,

Le présent projet de loi d'habilitation est la première étape de la mise en oeuvre du plan de réformes de notre protection sociale présenté le 15 novembre dernier par le Premier ministre à l'occasion de sa déclaration de politique générale et de l'engagement de la responsabilité de son Gouvernement.

Ce plan constitue un tournant majeur dans l'histoire de notre protection sociale. Les difficultés de ce système ont donné lieu depuis 1945 à une trentaine de rapports officiels et à un nombre considérable de « plans de redressement ». Pour la première fois, l'actuel gouvernement propose un véritable plan d'ensemble, à la mesure des enjeux réels : assurer l'avenir de notre système de protection sociale tout en maintenant les acquis auxquels nos concitoyens sont légitimement attachés.

Ce plan de réformes repose, comme le Premier ministre l'a rappelé, sur une exigence forte à laquelle votre commission des Affaires sociales est particulièrement sensible : la justice. Cet objectif sera poursuivi tant au niveau du financement (substitution croissante et progressive d'une CSG à l'assiette élargie aux cotisations calculées uniquement sur les revenus du travail) qu'au plan des dépenses (mise en place, par exemple, d'un régime universel d'assurance maladie).

Cet objectif est, de plus, cohérent avec l'état des lieux et les perspectives extrêmement préoccupantes liées aux dérives multiples actuellement constatées, quelles que soient les branches, de l'ensemble de nos régimes de sécurité sociale.

La « refondation » que le Gouvernement propose de réaliser passe par un préalable indispensable : l'assainissement de la situation présente c'est-à-dire l'apurement de la dette sociale accumulée à ce jour et le retour l'équilibre des comptes sans lesquels aucune réforme de structure, aussi ambitieuse soit-elle, n'a de chances de réussir.

Le présent projet de loi d'habilitation répond donc à cette nécessité : prendre les mesures immédiates et urgentes qu'impose la situation de nos régimes sociaux. Il correspond également à la volonté du Gouvernement d'agir au plus vite, conformément aux engagements courageux pris devant la représentation nationale, le 15 novembre dernier.

En autorisant ainsi le Gouvernement à recourir aux ordonnances pour la mise en oeuvre de mesures d'urgence, le Parlement n'abandonne pas pour autant ses prérogatives.

Si le Parlement consent à autoriser le Gouvernement à intervenir dans le domaine législatif, il en définit le cadre et la durée. Le juge constitutionnel l'a d'ailleurs incité à le faire de façon la plus précise, sous peine d'encourir sa censure.

De plus, le Parlement reste pendant toute la durée de cette habilitation en mesure d'exercer un contrôle approfondi sur l'action du Gouvernement à travers les procédures habituelles.

Enfin, le Gouvernement a de lui-même annoncé qu'il associerait étroitement le Parlement. Il convient de rappeler que c'est devant la représentation nationale que le Premier ministre a choisi de dévoiler l'ensemble de son plan. Ce dernier reprend d'ailleurs de nombreuses suggestions des parlementaires exposées à l'occasion du débat sur l'évolution de la protection sociale. Par ailleurs, le Premier ministre a précisé que les commissions compétentes du Parlement seront informées et consultées tout au long de la phase de mise au point des ordonnances. Enfin, il s'est engagé à organiser un débat à l'occasion de la ratification des ordonnances avant l'été 1996.

Votre commission des Affaires sociales regrette donc les procès d'intention faits au Gouvernement et à la majorité qui le soutient sur le thème du « dessaisissement du Parlement ». Elle souhaite par l'examen approfondi et par le vote du présent projet de loi concourir à la réussite de ce plan. C'est, en effet, l'avenir de notre protection sociale qui en constitue le véritable enjeu.

I. LA GRAVITÉ DE LA CRISE DE NOTRE SYSTÈME DE PROTECTION SOCIALE JUSTIFIE LA MISE EN oeUVRE DE MOYENS EXCEPTIONNELS

Le Gouvernement s'est fixé un objectif clair : sauvegarder notre protection sociale. A travers le présent projet de loi d'habilitation, il cherche à s'en donner les moyens.

Dès l'annonce de son plan de réforme de la protection sociale le 15 novembre au Parlement, le Premier ministre avait en effet annoncé l'emploi de cette procédure à caractère exceptionnel dans les domaines suivants : les modalités de remboursement de la dette sociale, les mesures immédiates de rééquilibrage financier des branches de la sécurité sociale, l'organisation des caisses du régime général, la réforme hospitalière et les instruments de la maîtrise médicalisée des dépenses de santé.

Il convient de souligner d'emblée que les ordonnances ne couvrent donc pas l'ensemble des réformes visées par le plan gouvernemental. Le Premier ministre a en effet précisé que d'une part, une révision constitutionnelle sera engagée dès janvier 1996 afin de renforcer les compétences du Parlement dans le nouveau système de protection sociale, d'autre part, des réformes essentielles telles que la création du régime universel d'assurance maladie, le régime des prélèvements obligatoires et le dispositif d'épargne-retraite feront l'objet de projets de loi ordinaires.

En revanche, pour les questions précisément visées par le projet de loi d'habilitation, le recours à la procédure des ordonnances apparaît, en droit comme en opportunité, pleinement justifié.

En effet, l'alinéa premier de l'article 38 dispose que : « le Gouvernement peut pour l'exécution de son programme, demander au Parlement l'autorisation de prendre par ordonnances, pendant un délai limité, des mesures qui sont normalement du domaine de la loi » . Or c'est précisément une partie du programme que le Premier ministre a exposé devant l'Assemblée nationale à l'occasion de sa déclaration de politique générale sur la réforme de la protection sociale, qui est en cause.

Si la jurisprudence du Conseil constitutionnel n'établit pas de lien absolu entre la notion de « programme » au sens de l'alinéa premier de l'article 49 de la Constitution et celle figurant à l'article 38, les finalités des ordonnances sont, en l'espèce et par ce biais, parfaitement claires.

Par ailleurs, l'opportunité des ordonnances n'est pas douteuse : la gravité de la crise traversée par l'ensemble de notre système de protection sociale et l'urgence des réformes à entreprendre requièrent des mesures efficaces et rapides.

A. LA CRISE DE NOTRE SYSTÈME DE PROTECTION SOCIALE MENA CE D'EN ANÉANTIR LES ACQUIS

Le système français de protection sociale a été fondé il y a cinquante ans autour de quelques idées simples et ambitieuses : la solidarité entre tous les Français, l'universalité de la protection sociale et la responsabilité de chacun au profit de tous. Son histoire est celle de la mise en oeuvre, souvent délicate, des principes posés alors.

Mais les résultats, remarquables, qui ont placé dans ce domaine la France aux premiers rangs des pays industrialisés sont aujourd'hui gravement menacés. La protection sociale est en crise non seulement d'un point de vue financier, avec un accroissement continu de ses déficits, mais également au plan de ses principes comme en témoigne la montée des phénomènes d'exclusion.

L'habilitation demandée par le Gouvernement vise à lui permettre de prendre les mesures énergiques rendues indispensables par les retards accumulés au niveau décisionnel depuis tant d'années. Elle répond aussi à l'engagement pris par le Premier ministre devant la représentation nationale d'agir rapidement et efficacement.

1. Les acquis menacés de la protection sociale

Brièvement, il est nécessaire de rappeler les progrès considérables accomplis depuis 1945 grâce à notre système de sécurité sociale car nos concitoyens y sont attachés et en sont légitimement fiers. Ce sont ces acquis que le Gouvernement tente de préserver.

a) Une couverture sociale étendue

La protection sociale dont bénéficient aujourd'hui les Français est particulièrement complète. Les principales étapes de sa généralisation ont été rappelées récemment dans le rapport du Gouvernement au Parlement sur la protection sociale de novembre 1995.

Entre 1945 et les années 1970, la sécurité sociale a été généralisée progressivement à l'ensemble de la population active. Cet objectif a été atteint dans le domaine de la vieillesse par la mise en place progressive des régimes autonomes de retraite : en 1948 pour les artisans, les industriels et les commerçants et les professions libérales, en 1952 pour les exploitants agricoles. Dans le domaine de la maladie, la généralisation est passée par la création d'un régime d'assurance obligatoire au profit des exploitants agricoles (en 1961) et des professions non salariés non-agricoles (en 1966). Des dispositions ont parallèlement prévu l'extension du régime général à plusieurs catégories de la population, notamment les étudiants, les militaires de carrière et les veuves de guerre.

La généralisation de la sécurité sociale hors du champ professionnel a été relancée au milieu des années 1970. Elle est allée jusqu'à son terme dans la branche famille qui, depuis 1978, est universelle. L'assurance maladie, pour sa part, a été étendue par l'assouplissement des règles d'entrée, d'octroi et de maintien des prestations ainsi que par la création d'un régime d'assurance personnelle auquel les personnes démunies peuvent être affiliées.

L'assurance vieillesse, enfin, est obligatoire pour tous les actifs depuis 1975. Comme en assurance maladie, la loi a prévu des dispositions généreuses qui permettent de bénéficier de droits sans même exercer d'activité régulière. Ainsi, dix semaines de salariat au plafond de cotisation suffisent à valider une année complète d'assurance et les périodes d'interruption volontaire de l'activité salariée sont prises en compte pour la détermination de la durée d'assurance dans des conditions favorables.

Au-delà de la sécurité sociale, des régimes paritaires de retraite et de prévoyance complémentaire s'ajoutant aux mutuelles se sont constitués afin de compléter la protection des régimes de base, en particulier en matière de retraite et d'assurance vie. En dehors de la sécurité sociale, et de manière autonome, une protection contre le risque chômage a, par ailleurs, été mise en place. Elle dispose d'institutions et de modes de financement spécifiques.

Au total, les services du Ministère du travail et des affaires sociales estiment que l'ensemble des dépenses de protection sociale représentaient en 1994, 2.600 milliards de francs (y compris la prévoyance complémentaire), soit 35 % de la richesse nationale.

La croissance de l'effort social qui a accompagné les progrès du système de protection sociale est tout à fait considérable quels que soient les indicateurs.

Ainsi, en 1960, les dépenses de protection sociale ne représentaient encore que 15,8 % de la richesse nationale et moins de 20 % du revenu disponible des ménages. De même, en vingt-cinq ans, les prestations servies par le seul régime général de la sécurité sociale ont-elles été multipliées par plus de quinze en valeur et par trois en volume.

b) Un niveau élevé de redistribution

La protection sociale est devenue, par ailleurs, un formidable moyen de redistribution des revenus entre les actifs et les retraités ou encore entre les familles et le reste de la population.

La retraite a été, pendant de nombreuses années, synonyme de pauvreté. Jusqu'aux années 1960, le sort réservé en France aux personnes âgées n'était pas digne d'un grand pays développé. Cette situation a considérablement évolué.

La montée en charge des systèmes de retraite de base et complémentaire a été rapide. Ainsi, les prestations sociales vieillesse ont progressé de 15 milliards de francs en 1960 à 937 milliards de francs en 1994, passant de 5 % à 12,7 % du PIB, et les prestations de retraite servies par le régime général ont été multipliées par cinq en volume au cours des vingt-cinq dernières années. Cela s'est traduit par une amélioration significative de la situation des personnes âgées.

Le niveau de vie des retraités les plus jeunes est désormais, en moyenne, à parité globale avec celui des actifs. Ce diagnostic posé par le Livre blanc sur les retraites en 1991, et confirmé depuis lors par le rapport Briet, repose sur l'analyse de deux indicateurs. D'une part, les bénéficiaires du minimum vieillesse sont de moins en moins nombreux (1.100.000 en 1992 contre 2.550.000 en 1959). D'autre part, le niveau des retraites est devenu comparable à celui des salaires : la retraite moyenne nette du secteur privé représente environ 80 % du salaire moyen net (près de 90 % y compris les avantages accessoires et les pensions de réversion).

De même, les moyens consacrés par les pouvoirs publics à la politique sociale en faveur des familles sont considérables, au regard des montants financiers en jeu comme du caractère complet des instruments. Ainsi, selon les comptes de la protection sociale, la politique familiale mobilise-t-elle environ 300 milliards de francs en 1994, soit 4,1 % de la richesse nationale, la France se situant au troisième ou au quatrième rang en Europe. Les familles allocataires sont plus de 5,8 millions (en 1993) et le nombre d'enfants bénéficiaires de la politique familiale dépasse 12,2 millions (en 1993). En outre, les instruments de la politique familiale sont riches et variés. Les prestations familiales sont plus nombreuses (vingt-quatre) et d'une étendue plus vaste qu'ailleurs en Europe. Le volume des prestations versées par la Caisse nationale d'allocations familiales (CNAF) a été multiplié par près de 1,7 depuis 1970. S'y ajoutent des aides fiscales à hauteur de 100 milliards de francs environ (dont 68 milliards de francs au titre du quotient familial), ainsi que des aides personnelles au logement.

c) Une situation sanitaire d'un bon niveau

La santé des Français a connu une amélioration continue depuis 1945. Un rôle essentiel dans cette évolution revient au système de protection sociale, en particulier à l'assurance maladie et aux dispositifs complémentaires.

Comme le soulignent les conclusions du dernier rapport général du Haut comité de la santé publique, l'amélioration des indicateurs synthétiques de la santé en France est nette :

- l'espérance de vie à la naissance est passée de 55 ans pour les hommes et 61 ans pour les femmes en 1935 à respectivement 73,1 ans et 81,3 ans aujourd'hui, ce qui permet à la France de se placer au premier rang de l'Union européenne ;

- l'espérance de vie sans incapacité atteint 63,8 ans pour les hommes (+ 3 ans entre 1980 et 1992) et 68,5 ans pour les femmes (+ 2,7 ans) ;

- le taux de mortalité périnatale a chuté entre 1960 et 1990 de 18,1 pour 1.000 à 8,3 pour 1.000.

D'autres performances sont à souligner. C'est le cas en matière d'espérance de vie des femmes, uniquement dépassée par celle des Japonaises (81,7 ans). Un second point fort concerne la santé des personnes âgées. La France bénéficie également d'une position avantageuse en matière de maladies cardio-vasculairés (sauf pour la mortalité cérébro-vasculaire où elle est devancée en Europe par la Suède et la Suisse).

Tous ces progrès, nos concitoyens en sont conscients. Mais ce qu'ils commencent à découvrir également, c'est que ceux-ci sont menacés. Le Premier ministre a précisé dans sa déclaration du 15 novembre 1995 la double menace qui pèse sur l'avenir de notre protection sociale : une crise financière immédiate et, plus profondément, une crise structurelle.

2. La gravité de la crise actuellement constatée

Notre système de protection sociale traverse une crise d'une extrême gravité qui touche tous les régimes et tout particulièrement le régime général.

Mais au-delà des aspects financiers, la crise se révèle également de nature structurelle. Elle est liée aux difficultés croissantes de notre système de protection sociale à répondre pleinement aux idéaux de justice et de responsabilité qui avaient inspiré ses fondateurs.

Elle appelle ainsi des mesures d'une autre nature que celles qui ont été mises en oeuvre par le passé.

a) Une crise financière d'une ampleur exceptionnelle

Les régimes de sécurité sociale de base n'ont cessé d'être déficitaires depuis 1990. Mais surtout, un seuil quantitatif a été franchi à compter de 1993 puisque, inférieurs à 15 milliards de francs jusqu'en 1992, ces déficits sont constamment restés supérieurs à 50 milliards depuis cette date. En 1993, le solde de 55,6 milliards a correspondu à un recul de la masse salariale entraînant une baisse du produit des cotisations tandis que les dépenses continuaient leur progression à leur rythme tendanciel.

Bien que notre économie ait renoué avec la croissance, les besoins de financement des régimes de base sont restés à un niveau élevé. Plus grave, on constate que tous les régimes obligatoires, y compris les régimes complémentaires, sont désormais touchés. Dans le cadre du présent rapport sera surtout évoquée la situation de régime général qui illustre la gravité de la situation actuelle.

S'agissant du régime général, malgré l'apurement de la dette intervenue fin 1993 à hauteur de 110 milliards, les déficits ont continué à se creuser : - 54,8 milliards en 1994 ; - 64,4 milliards en 1995. Pour 1996, le déficit prévisionnel, avant le plan gouvernemental, s'établit à 60,4 milliards ( ( * )2) .

Toutes les branches de ce régime sont concernées, à part celles des accidents du travail structurellement équilibrée.

Pour la maladie, le déficit est passé de 31,5 milliards en 1994 à 36,6 milliards en 1995. Après avoir progressé de 2,9 % en 1994, les dépenses de la CNAMTS ont augmenté de 4,9 % en 1995.

Les dépenses d'assurance maladie hors hospitalisation progressent en 1995 de 3,6 %. Les progressions les plus élevées concernent la pharmacie (+ 8,5 %), les honoraires médicaux (+ 5,5 %), les analyses (+ 4,8 %), les auxiliaires médicaux (+ 3,9 %).

Les dépenses d'hospitalisation progressent de 4,7 % dont 5,8 % pour les établissements sous budget global, celles de l'hospitalisation privée de 4,9 %.

Pour 1996, le déficit prévisionnel, avant réforme, s'établissait à 35 milliards.

Les causes de cette dérive ont été analysées par deux rapports importants : santé 2010 du commissariat général au Plan (juin 1993) et le Livre blanc sur le système de santé et d'assurance maladie (décembre 1994).

Les facteurs médicaux et démographiques n'expliquent qu'en partie l'augmentation des dépenses. L'incidence de l'avancée et de la diffusion des techniques thérapeutiques ou diagnostiques de pointe ainsi que du vieillissement de la population française est réelle mais modeste. Selon le rapport Santé 2010, l'impact direct du vieillissement démographique n'a représenté que 0,25 point sur les 3,3 % de croissance annuelle du volume des dépenses de santé dans les années 1980 ; il devrait atteindre 0,3 point dans les années 1990 et ne pas dépasser 0,5 point entre 2000 et 2040.

En revanche, les caractéristiques mêmes du système de soins jouent un rôle important dans la croissance des dépenses de santé et d'assurance maladie. Ainsi, le manque de coordination entre les acteurs du système de soins (généralistes, spécialistes, système hospitalier) figure parmi les facteurs identifiés de surconsommation médicale. Les lacunes du système d'information jouent également. Enfin, la croissance prononcée de l'offre (par exemple, le nombre de médecins est passé de 59.000 en 1967 à 160.000 en 1993) suscite un phénomène dit « d'induction de la demande ».

Pour la vieillesse, le déficit avoisine 14,7 milliards en 1995, après un découvert de 12,8 milliards en 1994.

Comme le précise le rapport de la Commission des comptes de la sécurité sociale d'octobre dernier, ces résultats sont décevants. En effet, l'amélioration de la situation économique, les recettes supplémentaires résultant de la suppression au 1er septembre 1995 de la remise forfaitaire de 42 francs sur les cotisations vieillesse consentie lors de la création de la CSG et surtout la montée en charge de la loi du 22 juillet 1993 sur les pensions de retraite laissaient espérer un redressement durable de cette branche.

Le rapport de groupe de travail présidé par M. Raoul Briet sur les perspectives à long terme des retraités, récemment publié, a pourtant confirmé que : « la réforme décidée en 1993 (allongement de la durée d'assistance, calcul sur les 25 meilleures années, indexation des pensions sur les prix, mise en place du Fonds de solidarité vieillesse) a permis de remettre la branche vieillesse dans une situation proche de l'équilibre à l'horizon 2005 contre un besoin de financement de plus de 3 points avant réforme, en supposant maintenue dans les faits l'indexation des pensions sur les prix et réduit de moitié le besoin de financement résiduel à l'horizon 2015 (un peu plus de 4 points contre près de 8 avant réforme) » .

Toutefois, toujours selon la Commission des comptes, une partie de l'explication de cette déception peut être trouvée dans les règles régissant le financement de la branche en provenance du FSV, qui conduisent sur certains postes à de moindres recettes ( ( * )3) , ainsi que dans certains « avantages » accordés aux retraités (comme par exemple, la revalorisation exceptionnelle de 0,5 % intervenue au 1er juillet).

Pour 1996, le déficit prévisionnel (avant réforme) s'établissait à 14,4 milliards.

Sur le long terme, on sait que la croissance des dépenses des régimes de retraite est liée à trois facteurs principaux : le mouvement continu de généralisation des retraites et d'amélioration de la législation, les importantes revalorisations des pensions qui, jusqu'en 1993 surtout, ont été supérieures à l'évolution en prix et, enfin, l'allongement des durées de carrière.

Pour la famille, le déficit est passé de 10,4 milliards en 1994 à 13,2 milliards en 1995. Cette évolution résulte notamment de la montée en charge des dispositions de la loi famille du 25 juillet 1994 dont le coût est estimé à 3,7 milliards en 1996 et à 6,6 milliards en 1997.

Pourtant, les allocations familiales proprement dites reculent de façon constante du seul fait des facteurs démographiques (0,10 % en 1994, 0,37 % en 1995, - 0,4 % en 1996). En revanche, les prestations liées à la petite enfance progressent très fortement, en volume, notamment en 1995 : + 70,4 % pour l'allocation de garde d'enfant à domicile, + 36 % pour l'allocation parentale d'éducation, + 33 % pour l'allocation familiale pour l'emploi d'une assistante maternelle agréée.

Pour 1996, le découvert de cette branche (avant réforme) s'établissait à 11,9 milliards avec, cependant, une nette réduction de l'écart entre les dépenses et les recettes par rapport à 1995. Sur le long terme en effet, la détérioration de la situation démographique pèse lourdement sur l'équilibre de cette branche et ceci de trois manières différentes : la diminution du nombre total de naissances, la régression des familles nombreuses et l'espacement croissant entre les naissances.

b) Une crise structurelle qui nécessite une réforme en profondeur

On constate en effet un décalage croissant entre les principes censés présider à l'organisation et au fonctionnement de notre système de protection sociale et la réalité.

Trois aspects sont particulièrement préoccupants et concernent la persistance, voire l'accroissement de certaines inégalités, la dilution des responsabilités et l'inadaptation croissante du mode de financement même de la protection sociale.

Il existe dans notre pays des inégalités de couvertures dans les cotisations et dans les prestations qui sont choquantes.

S'agissant du système de santé par exemple, les prises en charge variant de 100 % (systèmes médicaux intégrés à l'entreprise) à 50 % pour certaines prestations (soins courants, petit appareillage) dans le régime des non salariés.

Les difficultés pour accéder aux soins sont notables au bas de l'échelle des revenus et certains experts considèrent même qu'elles se sont accrues au cours des années 1980. Selon le Haut comité de la santé publique, en 1991, les personnes ayant les revenus les plus faibles réalisaient 20 % de recours aux médecins en moins que l'ensemble de la population alors que ce pourcentage n'était que de 15 % en 1980.

Le Premier ministre a donné lui-même un aperçu des dysfonctionnements qui frappent notre système de santé le 13 novembre dernier devant les députés :

« Qu'y a-t-il en fait, derrière ces statistiques ? L'insuffisance de la prévention, si souvent dénoncée, l'existence de gaspillages incontestables et incontestés et l'absence d'évaluation et de contrôle des coûts dans notre système de soins. Le coût d'une même opération chirurgicale peut varier de 50 % selon l'établissement où elle a lieu. Le nombre d'analyses de biologie par hospitalisé peut varier du simple au triple selon les régions. Sans parler bien sûr de la surconsommation de médicaments qui singularise notre pays. On consomme ainsi en France quatre fois plus de neuroleptiques qu'en Allemagne ou au Royaume-Uni. »

S'agissant du financement, il faut noter que la logique initiale conçue sur un principe d'assurance sociale au profit des travailleurs apparaît de plus en plus mal adaptée aux caractéristiques actuelles du système qui intègre de nombreuses prestations de solidarité nationale.

En effet, outre la généralisation des prestations familiales et la prise en charge par la protection sociale de l'assurance personnelle des plus démunis, la sécurité sociale a accompagné la crise économique à partir du choc pétrolier des années 1970, jouant ainsi un rôle d'amortisseur de la crise. L'extension des prestations familiales a été à cet égard un important facteur de lutte contre l'exclusion.

Au-delà, la sécurité sociale a introduit des mécanismes de redistribution des revenus en créant ou en développant des prestations sous conditions de ressources. Même dans les branches où était maintenu le lien travail-cotisation-prestation, elle a multiplié les prestations acquises sans contrepartie, de cotisations ou avec des cotisations allégées (assurance-maladie des retraités).

Or, le financement est resté assis pour l'essentiel sur les revenus professionnels sous forme de cotisations sociales. En 1990, la part des cotisations dans le total des recettes de régime général s'élevant à 90 %, elle était, au cours de cette même année, de 80 % pour l'ensemble des régimes de sécurité sociale. En 1995, ces proportions ont légèrement décru avec un niveau respectif de 86 % et 75 % en raison de l'introduction de la contribution sociale généralisée ( ( * )4) .

Comme l'a souligné le rapport sur le financement de la protection sociale du Commissariat général du plan de juillet 1995, ce mode de financement a un effet défavorable sur l'emploi des non-qualifiés. Tous régimes confondus (régime général, retraites complémentaires, UNEDIC), le taux de cotisations patronales et salariales au niveau du SMIC est passé de 57,8 % en 1980 à 61,4 % en 1992. Or, c'est précisément sur ce type d'emplois que le taux de chômage en France apparaît le plus important par rapport aux pays étrangers.

S'agissant enfin des responsabilités entre les différents acteurs de la protection sociale, votre rapporteur dès 1994 avait dans un rapport d'information consacré à l'avenir de la protection sociale et à la place du Parlement dans sa définition souligné la confusion de la répartition et de la clarté des responsabilités au sein de l'organisation de la protection sociale.

Cette confusion est entretenue par les imperfections du cadre juridique définissant les compétences respectives. A cet égard, l'objectif de clarification des responsabilités annoncé par le Premier ministre est fondamental. Même s'il va au-delà du cadre défini par le présent projet de loi d'habilitation, il convient de rappeler l'architecture souhaitée par le Gouvernement pour réaliser combien elle innove en la matière.

Le Parlement sera replacé au coeur du nouveau dispositif décisionnel. Il se prononcera, en premier, afin de définir, sur proposition du Gouvernement :

- les orientations générales et les objectifs des politiques de protection sociale ;

- les ressources financées par l'impôt ;

- le taux d'évolution de l'ensemble des dépenses qui permettra de garantir l'équilibre du système ;

- les critères de répartition des objectifs quantifiés nationaux ainsi arrêtés.

Puis, sur la base des délibérations de la représentation nationale, le Gouvernement devra conclure avec les caisses nationales, des conventions d'objectifs et de gestion.

L'organisation des caisses de sécurité sociale sera par ailleurs modifiée. Au niveau national, la composition des conseils d'administration sera revue de sorte que syndicats, patronat et personnalités qualifiées y trouvent donc leur place. Les partenaires sociaux y désignent leurs représentants. Les pouvoirs du directeur général seront renforcés de sorte qu'il puisse notamment nommer les directeurs des caisses locales. Un conseil de surveillance comprenant en particulier des parlementaires sera institué auprès de chaque caisse nationale.

Au niveau local, le réseau des caisses sera réorganisé avec l'objectif de constituer un seul organisme par département et par branche, sans pour autant diminuer le nombre de services de proximité.

B. EN RECOURANT AUX ORDONNANCES, LE GOUVERNEMENT S'ENGAGE A AGIR PLUS RAPIDEMENT ET PLUS EFFICACEMENT

Le fait que le Gouvernement demande au Parlement de l'autoriser à prendre par ordonnances, dans huit domaines précis, les mesures annoncées dans le cadre de la déclaration du 15 novembre dernier montre d'abord que le Gouvernement a la volonté d'agir rapidement, conformément à ses engagements.

Par ailleurs, cette méthode est cohérente avec l'urgence et l'importance des réformes à entreprendre.

1. L'urgence des réformes

L'urgence des réformes est patente. Chacun doit être conscient que si rien n'est fait, l'avenir de notre système de protection sociale sera compromis. Surtout, des mesures financières d'effets immédiats sont indispensables pour éviter les risques réels de « cessation de paiement ».

a) Éviter une cessation de paiement

Le plan gouvernemental comporte à cet égard un dispositif de sauvegarde axé sur un objectif : réduire de moitié le déficit prévisionnel des comptes sociaux dès 1996 et rétablir l'équilibre de la sécurité sociale en 1997.

Notre système de sécurité sociale vit largement « à crédit ». Les dettes à long terme du régime général atteignent fin 1995 près de 230 milliards qui se décomposent ainsi :

- 110 milliards de francs de déficits cumulés au 31 décembre 1993, qui ont été mis à la charge du Fonds de solidarité vieillesse ;

- 120 milliards de francs de déficits pour 1994 et 1995. Les frais financiers engendrés par ce dernier agrégat s'élèvent à 8 milliards.

Au total, selon le rapport de la Commission des comptes de la sécurité sociale, le service de la dette en intérêts et en capital aurait dû représenter en 1996 un montant voisin des dépenses de la totalité des dépenses de la branche accidents du travail, soit 43 milliards de francs.

Pour faire face à ses besoins en disponibilités, l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale (ACOSS) a dû mobiliser dès le début de janvier 1995 et sans interruption depuis, non seulement les avances de trésorerie normales (plafonnées à 15 milliards) mais également les avances dites exceptionnelles (5 milliards) de la Caisse des dépôts et consignations.

Celles-ci n'étant pas suffisantes, l'ACOSS a dû solliciter, dès le 5 janvier 1995 le concours du Trésor pour un montant quotidien moyen de 34,3 milliards. Or, le taux de ces avances de Trésor est supérieur d'un point au taux du marché financier, soit un taux compris entre 6,5 et 7,3 %.

Solde journalier du compte ACOSS du 1er janvier au 31 décembre 1995

Les mesures envisagées par le Gouvernement sont à la hauteur de ces enjeux financiers.

Elles visent en premier lieu à apurer l'ensemble de la dette sociale constatée fin 1995 et à prendre en compte le déficit prévisionnel pour 1996 du régime général et de la Caisse nationale d'assurance maladie des professions indépendantes. Une caisse d'amortissement sera créée pour regrouper l'ensemble de ces découverts évalués à 250 milliards fin 1996 et l'amortir sur une période de treize ans. Le financement sera essentiellement constitué par un nouveau prélèvement appelé RDS, remboursement de la dette sociale.

Elles consistent par ailleurs à procéder à un rééquilibrage branche par branche du régime général, extrêmement rapide puisque le Gouvernement souhaite ramener le découvert prévisionnel global pour 1996 de 60 milliards à 17 milliards. Le cantonnement de la dette sociale à lui seul permet d'abaisser le déficit à 53,3 milliards. Le Gouvernement propose donc d'effectuer un effort supplémentaire de 36,7 milliards dès 1996.

Pour 1997, un excédent devrait être dégagé sur la base des hypothèses économiques et des prévisions de recettes arrêtées par la Commission.

Le Gouvernement s'est donc fixé des objectifs ambitieux à court terme qui requièrent une mise en oeuvre rapide des moyens correspondants.

b) Réduire le poids des prélèvements obligatoires

Par ailleurs, il convient de resituer la question des comptes sociaux dans l'ensemble du problème de la maîtrise des dépenses publiques. L'objectif du Gouvernement, clairement rappelé dans le projet de loi de finances pour 1996, est également d'opérer une réduction des déficits publics de façon à réamorcer une dynamique de croissance.

Comme l'a rappelé le ministre de l'économie, des finances et du plan le 20 septembre dernier lors de la présentation de son projet de loi de finances : « l'objectif reste plus que jamais d'actualité et on ne peut pas imaginer à aucun moment que cet échéancier ne soit pas tenu. La France entend respecter ses engagements internationaux et se conformer aux critères européens de convergence... Cette réduction du déficit de l'État... doit s'accompagner d'un effort de maîtrise des comptes sociaux. Cela exigera que des décisions substantielles de maîtrise de la dépense puissent résulter du grand débat social dont le Premier ministre a annoncé la tenue au mois de novembre 1995, mais aussi qu'une réforme profonde des assiettes soit engagée. »

Contributions obligatoires rapportées au produit intérieur brut total

(en %)

Certes, cette contrainte ne doit pas être surestimée mais conditionne la possibilité pour notre pays de rester parmi les grandes puissances européennes de demain.

2. Une efficacité plus grande

L'article 38 de la Constitution a été conçu pour renforcer l'efficacité de l'action du Gouvernement. Or, son application paraît particulièrement adaptée aux défis que le Gouvernement s'apprête à relever.

a) Une procédure contre les corporatismes

L'application de l'article 38 peut, en effet, faciliter l'action du Gouvernement.

Le Gouvernement peut d'abord prendre des mesures qui relèvent normalement du domaine de la loi. Cette possibilité permet ainsi au Gouvernement une unité d'action, notamment sur des sujets pour lesquels il existe une forte imbrication des dispositions à caractère réglementaire et celles à caractère législative, comme c'est le cas en matière sociale. Cet argument a été utilisé d'ailleurs en 1967 : « la frontière entre le domaine législatif et le domaine réglementaire est imprécise ; son seuil est difficile à établir... Étant donné l'urgence, le Gouvernement doit pouvoir utiliser, selon les cas, soit la voie de l'ordonnance, soit celle du règlement... » (Rapport Cot, JO Débats, mai 1967, p. 1063).

Par ailleurs, le Gouvernement peut s'opposer à ce que le Parlement intervienne dans les domaines pour lesquels il a obtenu l'autorisation de légiférer par ordonnances. En effet, l'article 41 de la Constitution permet d'opposer l'irrecevabilité s'il apparaît qu'une initiative parlementaire porte sur le domaine des délégations consenties par l'article 38 de la Constitution.

L'argument tiré de l'instauration de la session parlementaire unique ne peut être retenu en l'espèce.

En effet, la procédure législative est strictement réglementée, du passage en Conseil des ministres jusqu'à l'adoption définitive des projets de loi et rend incompressibles certains délais.

Or, nous sommes en fin d'année civile et de nombreuses mesures doivent être impérativement prises avant le début de l'année prochaine notamment pour éviter de soulever des problèmes comptables ou de trésorerie extrêmement complexes. Ces problèmes ne concernent pas seulement les régimes sociaux eux-mêmes mais également les entreprises appelées à contribuer au redressement des équilibres financiers.

Surtout, comme l'a souligné le Premier ministre, cette procédure vise à surmonter les corporatismes, d'où qu'ils viennent, qui pourraient freiner la réalisation de ces objectifs. Ces corporatismes sont essentiellement à l'origine de l'immobilisme ou des mesures encore trop timides engagées avant cette réforme.

Le présent Gouvernement a décidé de surmonter cet obstacle et c'est l'honneur du Parlement d'avoir, dès le 15 novembre dernier, manifesté son soutien à cette démarche courageuse.

b) Les expériences passées

Ce n'est donc pas un hasard si les réformes importantes en matière sociale sont intervenues par voie d'ordonnances que ce soit en 1945, en 1967, ou en 1982.

En octobre 1945, est intervenu par exemple la signature de trois ordonnances relatives à la protection sociale. D'abord le 4 octobre avec deux textes : le premier concernant les allocations familiales ; le second, plus connu, définissant la sécurité sociale, ses missions, son organisation. Quelques jours plus tard, le 19, sera signée l'ordonnance sur la protection des salariés de l'industrie et du commerce devant les risques couverts par les assurances sociales (assurance maladie, maternité, invalidité et accident du travail, assurance vieillesse, et les prestations familiales).

Mais comme on l'a rappelé en exergue de cette première partie, les principes posés alors sont toujours d'actualité et c'est d'ailleurs dans le respect de ceux-ci que le Gouvernement a pris l'engagement d'agir.

Par une loi du 22 juin 1967, le Parlement autorisa le Gouvernement à prendre, par ordonnances en application de l'article 38 de la Constitution, un certain nombre de mesures d'ordre économique et social, au premier rang desquelles figurait la réforme de la sécurité sociale. Celle-ci devait être réalisée par quatre ordonnances du 21 août 1967 consacrées respectivement à l'organisation administrative et financière de la sécurité sociale, à diverses mesures concernant les prestations d'assurance maladie et d'accidents du travail, aux prestations familiales, à l'assurance volontaire généralisée.

Ultérieurement deux autres ordonnances en date du 23 septembre 1967 vinrent apporter quelques retouches au régime d'assurance maladie des travailleurs indépendants créé par la loi du 12 juillet 1966 et poser des principes nouveaux pour la coordination et la fixation des tarifs des établissements privés de cure et de prévention.

Aux termes de la première et plus importante de ces ordonnances, trois innovations principales ont ainsi été introduites dans l'organisation administrative et financière du régime général de la sécurité sociale : la séparation des risques, la gestion paritaire des caisses, la création de caisses nationales dotées de responsabilités étendues.

Les ordonnances de 1967 furent également l'occasion pour l'État de réformer le financement du régime général. Plusieurs décisions marquèrent la période : les avances du Trésor public depuis 1966 furent transformées en subventions ; le taux de cotisation des assurances sociales augmenta de 0,75 % avec le déplafonnement de 3 % du taux d'assurance maladie ; une cotisation additionnelle aux primes d'assurance automobile fut instituée ; l'État versa 517 millions de francs au titre des charges indues (FNS, etc.).

Mais il convient de souligner que, contrairement au cas présent, le Gouvernement fit le choix d'une baisse des droits à remboursement des assurés sociaux : le ticket modérateur sur les soins de ville passa de 20 à 30 % (il reviendra à 25 % après les accords de Grenelle) ; l'ouverture minimum des droits aux prestations passa de 60 à 200 heures par trimestre.

En 1982, le Gouvernement de Pierre Mauroy a également légiféré par ordonnances en matière sociale. La loi d'habilitation du 6 janvier 1982 a ainsi permis l'édiction de 18 ordonnances.

Celles-ci ont concerné des domaines divers : réduction de la durée du travail, chèque-vacances, limitation du cumul emploi-retraite, abaissement de l'âge de la retraite, instauration d'une cinquième semaine de congés payés...

Il s'agit pour la majeure partie de mesures aujourd'hui revendiquées par l'opposition sans état d'âme.

Or on le voit bien la procédure était identique alors même que l'urgence n'apparaissait peut-être pas aussi évidente.

II. LE RECOURS AUX ORDONNANCES EST NON SEULEMENT JUSTIFIÉ DANS LE CAS PRÉSENT MAIS, DE PLUS, IL NE SE TRADUIT PAS PAR UN EFFACEMENT DU PARLEMENT

Apparues sous la IIIe République, sous l'appellation de décrets-lois et abondamment pratiquées en vertu de « lois de pleins pouvoirs » ou de « lois de pouvoirs spéciaux » notamment pendant l'entre deux-guerre et sous la IVe République, les ordonnances sont trop souvent présentées sous le seul angle d'un dessaisissement des pouvoirs du Parlement dans des domaines essentiels de la vie publique au profit du pouvoir exécutif.

Or, il convient non seulement de rappeler que le recours aux ordonnances s'avère une nécessité dans le fonctionnement de nos institutions mais encore qu'il ne prive pas le Parlement de ses compétences et moyens de contrôle. Le Conseil Constitutionnel s'est d'ailleurs attaché à les renforcer à travers sa jurisprudence et en encadrant strictement les prérogatives du pouvoir exécutif dans de telles circonstances.

Si on excepte les circonstances particulières créées à la guerre d'Algérie, on constate que les quelques 220 ordonnances adoptées depuis le début de la Ve république, en vertu de l'article 38 de la Constitution, sont intervenues dans trois domaines essentiels : l'application de traités communautaires européens, l'aménagement du statut des territoires et collectivités d'outre-mer, et enfin la réalisation de réformes de nature économique ou sociale.

Or, le recours aux ordonnances a été opéré quelles que soient les majorités en place à travers 25 lois d'habilitation successives. Ainsi depuis 1958, il n'y a pas eu une législature sans loi d'habilitation.

S'agissant plus précisément du Parlement, il faut noter que son rôle reste important depuis le vote de la loi d'habilitation jusqu'à la mise en oeuvre des ordonnances qui en découlent et l'adoption de la loi de ratification.

A. AU NIVEAU DE LA LOI D'HABILITATION

Il convient de souligner en premier lieu que la procédure de l'article 38 est d'abord une procédure d'autorisation : autorisation accordée par le Parlement au Gouvernement, à la demande de ce dernier.

1. Les principes généraux

Le premier alinéa de l'article 38 de la Constitution est explicite : « le Gouvernement peut, pour l'exécution de son programme, demander au Parlement l'autorisation de prendre par ordonnances pendant un délai limite des mesures qui sont normalement du domaine de la loi » .

Si la loi d'habilitation permet bien au Gouvernement d'intervenir dans le domaine de la loi, c'est le Parlement qui décide de son principe et en fixe l'étendue. Par sa jurisprudence, le Conseil Constitutionnel a précisé, par ailleurs, le champ d'application de l'article 38 et les limites de l'habilitation ainsi accordée.

Il est clair d'abord que si le Gouvernement a seul le droit d'initiative en matière d'ordonnances, le Parlement dispose toujours du pouvoir essentiel d'accorder ou de refuser au Gouvernement l'habilitation qu'il lui demande ou d'en limiter son étendue.

De plus, le contenu de la loi d'habilitation doit répondre à certaines règles.

2. Les délais

La loi d'habilitation doit fixer premièrement deux délais qui enserrent dans le temps les pouvoirs dérogatoires du Gouvernement.

Le premier délai est celui pendant lequel le Gouvernement pourra prendre des ordonnances. Ce délai d'habilitation a été, par le passé, très variable allant d'un mois (loi du 22 avril 1982) à trois ans et demi (loi du 6 juillet 1982). Selon une étude effectuée en 1987 ( ( * )5) la durée moyenne est comprise entre 10 et 15 mois, un tiers des délais d'habilitation étant néanmoins inférieur à 6 mois. Les délais les plus longs ont été constatés pour des ordonnances destinées à l'application des traités européens et à la détermination du statut de territoires d'outre-mer.

Le délai de quatre mois fixé par la présente loi d'habilitation constitue donc une durée brève et traduit tant la détermination du Gouvernement de mener rapidement à bien ses réformes que le souci de respecter les engagements pris auprès du Parlement notamment le 15 novembre dernier.

Le second délai est celui dans lequel le Gouvernement doit saisir le Parlement des ordonnances édictées en vue de leur ratification. Il est ordinairement de l'ordre de un à trois mois, à compter de l'expiration du délai d'habilitation.

En l'espèce, l'article 3 du projet de loi d'habilitation prévoit qu'un projet de loi portant ratification des ordonnances prises sera déposé au plus tard le 31 mai 1996 c'est-à-dire avec un écart de seulement un mois par rapport à l'expiration probable de l'habilitation. Là encore, le calendrier retenu est cohérent avec les engagements pris par le Gouvernement.

3. Le programme

Deuxièmement, l'habilitation étant destinée à permettre au Gouvernement « l'exécution de son programme » , ce dernier est donc tenu de le faire connaître au Parlement. Comme l'a précisé le Conseil Constitutionnel (décision n° 86-207 DC du 25-26 juin 1986), le Gouvernement doit « définir avec précision les finalités des mesures qu'il se propose de prendre ainsi que leurs domaines d'intervention » .

La forme que doit prendre cette information du Gouvernement est laissée à l'appréciation de ce dernier et le Conseil Constitutionnel n'a pas retenu l'idée selon laquelle seul le programme présenté dans le cadre de l'article 49 de la Constitution (en vertu duquel le Premier ministre peut engager la responsabilité du Gouvernement devant l'Assemblée nationale), serait recevable.

Dans le cas du présent projet de loi d'habilitation, un « programme » a effectivement soumis au Parlement lors de la déclaration de politique générale du 15 novembre dernier et a fait l'objet dans les deux Assemblées d'un vote de confiance sans équivoque.

S'agissant donc des finalités de l'habilitation, elles ont été parfaitement détaillées dans le cadre de ce programme et sont rappelées dans le texte même du projet de loi.

Quant aux domaines d'intervention, ils sont énumérés de façon précise à l'article premier. Il faut noter à cet effet que chaque mesure est exposée avec la finalité qui lui est impartie.

Ainsi, les mesures visées aux 1°, 2°, 4° ont pour objectif d'assurer l'équilibre financier des branches concernées. Les autres sont destinées notamment à améliorer la qualité des soins et la maîtrise des dépenses de santé (3°), à assurer une répartition plus adaptée des responsabilités, une attribution plus efficace des moyens des établissements de soins et une meilleure maîtrise des coûts (5°), à simplifier et rationaliser les structures et la gestion des institutions, régimes et branches de sécurité sociale (6°), à consolider et à apurer la dette constatée au 31 décembre 1995 ainsi que du déficit prévisionnel de l'exercice 1996 (7°), enfin à recentrer des missions du fonds de solidarité vieillesse (8°).

La décision n° 76-72 DC du 12 janvier 1977 stipule que « s'il est spécifié à l'alinéa 1er de l'article 38 de la Constitution, que c'est pour l'exécution de son programme que le Gouvernement se voit attribuer la possibilité de demander au Parlement l'autorisation de légiférer, par voie d'ordonnances pendant un délai limite, ce texte doit être entendu comme faisant obligation au Gouvernement d'indiquer avec précision au Parlement, lors du dépôt d'un projet de loi d'habilitation et pour la justification de la demande présentée par lui, quelle est la finalité des mesures qu'il se propose de prendre » .

La même décision en déduit qu'il y a lieu d'exclure toute autre interprétation et notamment celle qui serait tirée d'un rapprochement avec les énonciations de l'alinéa 1er de l'article 49 au motif, d'une part, qu'elle ne ferait aucune place, pour une éventuelle justification de recours aux dispositions de l'article 38, aux notions de circonstances imprévues ou de situation requérant des mesures d'urgence et, d'autre part, qu'en raison de sa généralité elle « aurait pour résultat d'étendre, sans limites définies, le champ d'application de la procédure d'habilitation... au détriment du respect des prérogatives du Parlement » .

Le Conseil Constitutionnel a repris en l'enrichissant la motivation de cette décision dans sa décision n° 86-207 DC des 25 et 26 juin 1986 qui précise que l'article 38 « doit être entendu comme faisant obligation au Gouvernement d'indiquer avec précision au Parlement quelle est la finalité des mesures qu'il se propose de prendre et leurs domaines d'intervention. »

B. PENDANT LA DURÉE D'HABILITATION

La portée de l'habilitation doit être examinée tant du point de vue du Gouvernement que du Parlement. Si le Parlement est en principe moins « impliqué » dans la phase d'adoption des ordonnances, les contraintes du Gouvernement ne sont pas moins importantes.

1. Le rappel des compét e nces réelles du Gouvernement

En ce qui concerne le Gouvernement, la portée de la loi d'habilitation est claire puisqu'elle permet au Gouvernement de prendre des mesures normalement réservées au législateur, qu'il s'agisse d'intervenir dans des matières législatives ou d'abroger ou modifier les lois en vigueur.

Le Gouvernement est néanmoins soumis à des règles de procédure particulières. Ces ordonnances doivent être prises en Conseil des ministres. Cette règle a été interprétée entre 1986 et 1988 comme permettant au Président de la République de refuser de signer certains projets d'ordonnances. En l'espèce, ceux-ci portaient sur les modalités de la privatisation, le découpage électoral, l'aménagement du temps de travail. Les projets d'ordonnances doivent également être soumis au Conseil d'État qui peut ainsi en contrôler la conformité à la loi d'habilitation.

Par ailleurs, sur le fond, il ressort de la jurisprudence du Conseil Constitutionnel que le Gouvernement doit respecter les principes de valeur constitutionnelle tant au stade de la loi d'habilitation qu'à celui des ordonnances prises sur le fondement de celle-ci.

En effet, si la loi d'habilitation a été déférée au Conseil Constitutionnel et si ce dernier a indiqué ce que devrait être l'interprétation de la loi, le Gouvernement devra respecter, en édictant les ordonnances, les « strictes réserves d'interprétation » émises par le Conseil (décision n° 86-716 DC des 25 et 26 juin 1986).

Cette décision illustre parfaitement le degré de précision des « strictes réserves d'interprétation » formulées par le Conseil Constitutionnel. Il y est indiqué que les ordonnances devront respecter : les principes et règles de valeur constitutionnelle et « en particulier celles relatives au contrôle juridictionnel et les droits de la défense » ; l'article 55 de la Constitution et les obligations internationales de la France ; « l'indépendance nationale » ; l'article 17 de la Déclaration des droits de l'Homme et la nécessité d'évaluer les entreprises cédées au juste prix ; l'article 72 de la Constitution s'agissant des « transferts qui concernent des entreprises dans lesquelles les collectivités territoriales ont des intérêts » ; l'alinéa 9 du Préambule de la Constitution de 1946 ; enfin l'interprétation donnée par le Conseil Constitutionnel aux dispositions de l'article 34 de la Constitution concernant les transferts d'entreprises !

Comme le soulignent Loïc Philip et Louis Favoreu dans leur Recueil des grandes décisions du Conseil constitutionnel : « cette énumération et le soin qu'a apporté le Conseil à le faire peuvent étonner ; mais cela s'explique par le fait que le Conseil d'État, traditionnellement lorsqu'il examine la validité des ordonnances non ratifiées s'interdit de rechercher des normes de référence ailleurs que dans la loi d'habilitation, elle-même. Alors, le Conseil Constitutionnel lui donne, en quelque sorte, des munitions supplémentaires, en déterminant par avance les normes par rapport auxquelles le Conseil d'État pourra opérer son contrôle ».

L'édiction de telles réserves permet également l'exercice d'un contrôle plus strict des projets d'ordonnances, par les formations consultatives du Conseil d'État et des ordonnances elles-mêmes, par ses formations contentieuses (en cas de recours).

Il faut noter, à cet égard, que tant qu'elles n'ont pas été ratifiées par une loi, les ordonnances sont des actes administratifs. En conséquence, elles sont susceptibles de recours pour excès de pouvoir devant le Conseil d'État.

2. La marge d'initiative du Parlement

Mais, parallèlement, le Parlement n'est pas complètement dessaisi pendant la durée de l'habilitation.

Certes, normalement c'est au Gouvernement et non au Parlement qu'il revient d'intervenir dans les matières visées par la loi d'habilitation. Toutefois, l'intervention du Parlement est possible à défaut d'opposition de la part du Gouvernement.

L'article 41 de la Constitution indique en effet que dans le cas où une proposition ou un amendement « est contraire à une délégation accordée en vertu de l'article 38, le Gouvernement peut opposer l'irrecevabilité ». Par sa décision n° 86-224 DC du 23 janvier 1987, le Conseil Constitutionnel a confirmé le caractère facultatif de l'irrecevabilité fondée sur l'article 41. Si le Gouvernement ne s'y oppose pas, le Parlement peut donc légiférer dans des matières visées par une loi d'habilitation.

Surtout, il faut noter que dans le cas présent, le Parlement sera étroitement associée à l'élaboration des ordonnances puisque le Premier ministre a indiqué le 15 novembre dernier que « tout au long de la phase de mise au point des ordonnances, le Gouvernement informera et consultera les commissions compétentes du Parlement » . Le ministre du Travail et des Affaires sociales a précisé, lors de son audition devant votre commission, que les projets d'ordonnances seront ainsi soumis à l'examen des membres des commissions parlementaires avant leur publication.

Enfin, plus indirectement, on sait que le Parlement aura de nombreuses occasions d'évoquer au cours des prochaines semaines le dossier des réformes de la protection sociale et donc celui des ordonnances.

Outre les procédures habituelles notamment celles des questions au Gouvernement, plusieurs projets de loi vont être déposés au cours de la période correspondent au délai d'habilitation.

Le Gouvernement a non seulement évoqué le projet de loi de révision constitutionnelle sur le rôle du Parlement en matière de protection sociale mais également les réformes visant l'instauration d'un régime universel d'assurance maladie ou l'épargne-retraite.

C. LORS DE LA RATIFICATION

Enfin, l'article 38 prévoit que dans un délai fixé par la loi d'habilitation, un projet de loi de ratification doit être déposé. Le présent projet de loi indique que ce dépôt aura lieu au plus tard le 30 mai prochain.

1. Les différentes formes de ratification

La ratification consiste, pour le Parlement à manifester son acceptation ou son rejet des mesures prises par ordonnances. En conséquence, elle réintègre dans le domaine de la loi des dispositions dont elle avait temporairement délégué la compétence au Gouvernement.

A l'égard du Parlement, cette étape est importante. D'une part, elle clôt la procédure dérogatoire par laquelle le Gouvernement a pu empiéter dans le domaine législatif. D'autre part, elle doit permettre de chaque côté de dresser un bilan des mesures effectivement prises.

Certes, cette intervention du Parlement peut être limitée par l'intervention d'une ratification implicite. Celle-ci consiste pour le juge constitutionnel ou pour le juge administratif à reconnaître dans une disposition législative, la volonté du législateur de reprendre à son compte une disposition édictée par un organe titulaire du pouvoir réglementaire et à laquelle il se réfère plus ou moins précisément.

Le Conseil d'État a reconnu l'existence de telles ratifications implicites, considérant même que la simple modification législative d'une disposition d'une ordonnance vaut ratification de celle-ci (Conseil d'État 19 décembre 1969, Dame Briard). De manière plus restrictive, le Conseil Constitutionnel considère qu'il y a ratification implicite lorsque le texte de loi manifeste clairement la volonté du législateur de reprendre à son compte l'ensemble des dispositions d'une ordonnance (décision n° 86-224 DC du 23 janvier 1987).

2. La jurisprudence du Conseil constitutionnel

Toutefois, même dans ce cas, le Parlement n'est pas dénué de tous moyens pour contrôler ou pour priver d'effets les mesures prises par ordonnances.

En effet, le Conseil Constitutionnel peut à nouveau être amené à exercer son contrôle juridictionnel à l'initiative de 60 sénateurs ou 60 députés. S'il est saisi de la loi de ratification, le Conseil Constitutionnel peut en effet être amené à examiner le contenu même des ordonnances.

Dans une décision n° 83-156 DC du 28 mai 1983, le Conseil Constitutionnel, saisi d'une loi de ratification, a examiné la constitutionnalité de ce texte, en se référant tantôt à la loi, tantôt à l'ordonnance ratifiée. De même dans une décision 84-176 DC du 4 juin 1984, le Conseil a apprécié, au travers de la loi la ratifiant la constitutionnalité d'une ordonnance.

Le présent projet de loi d'habilitation traduit donc la détermination du Gouvernement à s'attaquer au dossier, urgent et sensible, de la réforme de notre protection sociale.

Il convient d'examiner maintenant le contenu de l'habilitation demandée au Parlement.

EXAMEN DES ARTICLES

Article premier- Durée et domaines de l'habilitation

Cet article propose d'autoriser le Gouvernement à prendre par ordonnances, dans le cadre des dispositions de l'article 38 de la Constitution, les mesures justifiées par la crise de notre protection sociale, pendant une durée fixée à quatre mois.

Ce délai est particulièrement court au regard des précédentes habilitations dont les durées se situent généralement entre six mois et un an. Il traduit la très forte détermination du Gouvernement à entreprendre sans tarder les réformes vigoureuses, nécessaires à la sauvegarde de notre protection sociale.

Les domaines visés font l'objet de huit alinéas distincts qui sont analysés individuellement ci-après. Ils concernent respectivement les domaines suivants :

- l'harmonisation des conditions de prise en compte des durées d'assurance pour le calcul des besoins et le mode de revalorisation des pensions ;

- les prestations servies par les organismes débiteurs de prestations familiales et l'équilibre financier de la branche famille ;

- les relations entre les différents acteurs du système de santé et les instruments de la maîtrise des dépenses dans ce secteur ;

- les prélèvements visant les entreprises appelées à contribuer aux rééquilibrages des comptes sociaux :

- la législation relative aux établissements de santé notamment en ce qui concerne leurs modalités de financement, d'évaluation et de contrôle ;

- l'organisation et le fonctionnement des institutions, régimes et branches de sécurité sociale ;

- les modalités de consolidation et d'apurement de la dette sociale accumulée ;

- les missions du Fonds de solidarité vieillesse.

Chacun de ces domaines fait l'objet d'un alinéa spécifique au sein de cet article premier qui mérite une étude détaillée.

Article premier 1° - « modifiant le mode de revalorisation des pensions de retraite et d'invalidité servies par le régime général de sécurité sociale ainsi que par les régimes appliquant les mêmes règles de revalorisation et, pour les personnes ayant été affiliées à plusieurs régimes d'assurance vieillesse de base obligatoires, les conditions de prise en compte des durées d'assurance pour le calcul de leurs pensions, en vue d'assurer l'équilibre financier des régimes susmentionnés »

Le 1°) de l'article premier prévoyait dans sa version initiale, une habilitation très large permettant de modifier « la législation relative à l'assurance vieillesse et en vue d'assurer l'équilibre financier des régimes de base obligatoires. »

Or, comme l'a souligné à juste titre la commission des Affaires culturelles, familiales et sociales de l'Assemblée nationale, l'autorisation donnée apparaissait singulièrement étendue au regard des mesures qui devraient être prises sur cette base.

Concrètement, le Gouvernement envisage de prendre quatre mesures d'effets immédiats pour le rééquilibrage de la branche vieillesse :

- une revalorisation des pensions du régime général en fonction de l'indice prévisionnel des prix au 1er janvier 1996. Le rendement de cette mesure serait de 0,5 milliard en 1996 et 0,3 milliard en 1997 ;

- l'harmonisation progressive des conditions de prise en compte des durées d'activité dans le calcul de la pension de retraite. Le rendement de cette mesure est évaluée à 200 millions en 1996 et 500 millions en 1997 ;

- l'amélioration des versements du Fonds de solidarité vieillesse (FSV) destinés à couvrir le coût de la validation gratuite des périodes de chômage. Le rendement attendu est de 11 milliards en 1996 et en 1997 ;

- l'instauration au profit dudit Fonds d'un prélèvement sur la part patronale des contrats complémentaires de prévoyance et de maladie souscrits auprès des sociétés d'assurance, mutuelles et institutions de prévoyance complémentaire. Son rendement est estimé à 2,5 milliards dès 1996.

MESURES D'EFFET IMMÉDIAT BRANCHE RETRAITE

Ainsi, le déficit prévisionnel de la branche vieillesse du régime général devrait être ramené dès 1996 de 12,7 milliards à - 1 milliard et faire apparaître un excédent de près de 300 millions en 1997.

I. OBSERVATIONS GÉNÉRALES

D'un point de vue général, on peut donc observer que la rédaction de cet alinéa méritait, en effet, d'être mieux adaptée afin de viser plus précisément les mesures annoncées par le Gouvernement.

Non seulement la nouvelle rédaction correspond davantage aux prescriptions de la jurisprudence du Conseil Constitutionnel déjà rappelée mais elle évite de faire naître un débat inopportun sur la portée de cet alinéa, notamment vis-à-vis des régimes spéciaux.

Il est clair en effet que ces régimes spéciaux ne peuvent être visés par le présent texte. D'une part, ce dernier ne peut pas concerner le régime de retraite des fonctionnaires de l'État qui est régi par les dispositions du code des pensions civiles et militaires et non par l'assurance vieillesse. D'autre part, le Gouvernement s'était engagé initialement à traiter les questions relatives aux régimes spéciaux selon une procédure distincte et après l'achèvement des travaux de la commission présidée par M. Dominique Le Vert. Cette commission avait quatre mois pour élaborer des propositions sur les mesures nécessaires à l'équilibre de ces régimes. Ce délai étant également celui de la loi d'habilitation, celles-ci ne pouvaient donc pas en tout état de cause être prises par les ordonnances correspondant à la présente loi d'habilitation.

La question depuis a perdu de son acuité puisque la commission Le Vert a été suspendue et que le 15 novembre dernier, le Premier ministre s'est engagé à ne pas modifier par exemple le régime de retraite des personnels roulants de la SNCF.

Il convient, par ailleurs, de passer en revue les quatre mesures concrètement visées par le 1° de l'article premier car chacune appelle des observations particulières.

II. LES MESURES CONCERNANT L'ASSURANCE VIEILLESSE

1°) S'agissant de la revalorisation des pensions de retraite, au 1er janvier 1996, l'objectif du Gouvernement est de déroger au mode de revalorisation des pensions institué par la loi n° 93-936 du 22 juillet 1993 relative aux pensions de vieillesse et à la sauvegarde de la protection sociale.

Celui-ci a prévu une revalorisation en fonction de l'évolution prévisionnelle des prix, la parité entre l'évolution constatée des prix et celle des pensions au titre d'une année donnée étant garantie ultérieurement par un ajustement (rattrapage en niveau) et par une compensation (rattrapage en masse) qui s'imputent sur la revalorisation de l'année courante.

Le Gouvernement envisage de neutraliser ce double rattrapage, en masse et en niveau, au titre de l'année 1995, de sorte que la revalorisation intervenant au 1er janvier 1996 sera seulement fonction de l'évolution prévisionnelle des prix soit 2,1 %.

Le rendement de cette mesure sera relativement faible car la hausse effective des prix en 1995 ne devrait dépasser que de seulement 0,1 point, les prévisions ayant servi de base aux revalorisations intervenues en 1995.

Votre commission note, à cet égard, que depuis son adoption le nouveau mode de revalorisation des pensions résultant de l'amendement du député Jean-Yves Chamard, n'a jamais été appliqué à la lettre, ce qui de toute façon soulevait à terme la question de sa pérennisation. En effet, non seulement, une revalorisation exceptionnelle de 0,5 % a été accordée au 1er juillet 1995, en dehors de toute obligation législative mais, en sens inverse, pour 1996 l'opportunité d'un ajustement des retraites « au progrès de l'économie » semblait relativement compromise.

2°) La seconde mesure concerne les conditions actuelles de prise en compte des durées d'activité dans le calcul de la pension de retraite.

Celle-ci soulève un problème d'harmonisation. Les différences de modalités de calcul des pensions du régime général et des régimes alignés (artisans, commerçants, salariés agricoles) conduisent à ce que la retraite de base d'un salarié bénéficiant d'une retraite à taux plein est différente selon qu'il a accompli sa carrière en étant affilié à un seul régime d'assurance vieillesse ou, au contraire, à plusieurs régimes.

En effet, la durée d'assurance au régime général prise en compte pour le calcul de la pension est limitée à 150 trimestres. Or, la limite de 150 trimestres s'apprécie pour chacun des régimes, sans liaison entre les régimes, ce qui permet ainsi aux polypensionnés de pouvoir bénéficier d'une pension calculée sur une période supérieure à 150 trimestres.

Le Gouvernement envisage donc d'aligner les droits à pension des polypensionnés sur ceux des monopensionnés grâce à la mise en place de mécanismes d'échanges d'informations entre les régimes.

Votre commission approuve pour des raisons d'équité cette harmonisation. Elle estime que le principe de justice placé au centre du nouveau dispositif voulu par le Gouvernement justifie cette mesure.

3°) En ce qui concerne l'augmentation des versements du Fonds de solidarité vieillesse au titre des validations de période de chômage, elle s'effectuera par la modification du montant du salaire de référence pris en compte pour déterminer le montant. Celui-ci sera porté, en 1996 de 60 % à 90 % du SMIC.

Votre commission ne peut qu'approuver l'ajustement de la base forfaitaire ainsi annoncé puisqu'il est conforme à la vocation essentielle du Fonds à prendre en charge l'ensemble des prestations non contributives financées par la branche vieillesse. Dès l'origine, le pourcentage de 60 % retenu lui paraissait très inférieur à l'objectif de clarification des secteurs du « non contributif » et du « contributif » posés par la loi du 22 juillet 1993. Les 11 milliards d'allégement de charges ainsi opéré en faveur de la CNAVTS constitue en réalité la mesure la plus importante au plan financier pour le redressement de cette branche.

Toutefois, elle note que le relèvement de la base forfaitaire proprement dit est une mesure d'ordre réglementaire et non législative. Ce relèvement s'inscrit plus naturellement dans le cadre des mesures fondées sur le 8°) de l'article premier qui mentionne le recentrage des mesures du FSV sur « le financement des prestations relevant de la solidarité nationale ».

Quant à la taxe sur les couvertures complémentaires d'entreprise, elle est expressément visée par le 4° de l'article premier. Elle sera donc commentée sous ce paragraphe.

Votre commission approuve donc la nouvelle rédaction de cet alinéa adoptée à l'Assemblée nationale qui restreint le champ de l'habilitation aux deux premières mesures exposées ci-dessus.

Article premier 2°- « modifiant les dispositions législatives relatives aux prestations servies par les organismes débiteurs de prestations familiales en vue d'élargir l'assiette des revenus lorsque ces derniers constituent déjà un critère de leur attribution, de soumettre complètement à ce critère celles d'entre elles qui le sont déjà partiellement, d'en harmoniser les délais de prescription, d'en simplifier les modalités de gestion et d'assurer l'équilibre financier de la branche famille »

Cet alinéa concerne les prestations servies par les organismes débiteurs de prestations familiales et l'équilibre financier de la branche famille.

I. L'ASSEMBLÉE NATIONALE A SENSIBLEMENT AMÉLIORÉ LA RÉDACTION INITIALE DU TEXTE

En effet, la rédaction du 2° du présent article était trop large. Ainsi que l'a noté M. Jean-Pierre Fourcade, président de votre commission des Affaires sociales ( ( * )5) , au cours de l'audition de M. Jean-Paul Probst, président de la CNAF, permettre au Gouvernement d'adapter la nature et le montant des prestations à la situation matérielle des familles porte en germe la mise sous condition de ressources de l'ensemble des prestations familiales et, en particulier, des allocations familiales, disposition à laquelle votre commission n'est pas favorable.

Le texte adopté par l'Assemblée nationale précise et restreint l'amplitude de l'habilitation en reprenant le contenu des dispositions mentionnées par le plan du 15 novembre 1995 et le dossier de presse qui lui était joint, concernant les prestations familiales.

Si elle a maintenu la rédaction concernant l'équilibre financier de la branche famille, l'Assemblée nationale a, en effet, délimité un certain nombre de mesures. Ainsi, elle a substitué à l'expression contestée par le président Fourcade, des dispositions plus précises et conformes au contenu du plan du 15 novembre précité comme l'élargissement de l'assiette des revenus pris en compte pour l'attribution des prestations sous condition de ressources, la mise en oeuvre de condition de ressources pendant toute la durée d'octroi de certaines prestations -une seule allocation est en fait concernée : l'allocation pour jeune enfant (APJE)- et l'harmonisation des délais de prescription.

Enfin, l'expression « simplifier les modalités de gestion » des prestations familiales, qui correspond en fait au transfert à la CNAF de la gestion de ces prestations encore servies à leurs personnels par l'État et certaines entreprises publiques, dans une transparence insuffisante, est apparue plus précise et moins vaste que celle de simplifier le régime desdites prestations. En effet, si la simplification du nombre des prestations est souhaitable, et votre commission n'a jamais manqué de le rappeler, ce n'est pas dans le cadre d'une loi d'habilitation dictée par l'urgence, qu'une telle réforme doit être entreprise. Dans la mesure où toutes les conséquences pour les familles d'une telle simplification doivent être appréhendées, une réforme de cette ampleur ne peut prendre place que dans le cadre d'un projet de loi ordinaire, qui pourrait également comporter la création d'une allocation parentale de libre choix.

La rédaction du 2° du présent article est donc, selon votre commission, rendue plus claire grâce aux amendements adoptés par l'Assemblée nationale. Votre commission souhaite toutefois apporter son analyse des différentes dispositions votées. Certaines d'entre elles soulèvent, en effet, quelques questions même si votre commission comprend les considérations qui les ont dictées et, en particulier, l'urgence à prendre des mesures énergiques et d'effet immédiat.

II. L'ANALYSE DE VOTRE COMMISSION CONCERNANT LES CINQ AXES DÉLIMITÉS PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE

Tout d'abord, il convient de préciser que les organismes débiteurs de prestations familiales désignent à l'heure actuelle, la Caisse nationale des allocations familiales (CNAF) qui sert les prestations pour les salariés, les employeurs et travailleurs indépendants des professions non agricoles, la Caisse de mutualité sociale agricole pour les travailleurs agricoles et l'État ainsi que certaines entreprises publiques (EDF, la SNCF, la RATP, France Télécom et la Poste) qui assument encore la gestion des prestations familiales et l'action sanitaire et sociale envers leur personnel.

Ce dernier point constitue d'ailleurs un des éléments de l'habilitation puisque cette gestion par l'État et les entreprises publiques doit être transférée à la CNAF. En revanche, le plan du 15 novembre 1995 ne mentionne pas le transfert à la CNAF des prestations familiales servies par la Caisse de mutualité sociale agricole. Enfin, l'on doit noter (cf. tableau ci-après) que, parmi les organismes débiteurs des prestations familiales, la CNAF est, parmi ceux-ci, de loin le plus important.

Votre commission souhaite également mentionner quel contenu elle entend donner à l'expression « prestations servies par les organismes débiteurs de prestations familiales ». En effet, à son sens, celle-ci recouvre, conformément au plan du 15 novembre 1995 et au dossier de presse qui lui était joint, les prestations familiales, stricto sensu, et les allocations de logement. En revanche, les prestations servies pour le compte de tiers, comme l'allocation aux adultes handicapés et le revenu minimum d'insertion, ne peuvent être considérées comme incluses dans les prestations concernées par l'habilitation.

Ces considérations liminaires vont guider l'analyse de votre commission.

1. L'élargissement de l'assiette des revenus concernant les prestations soumises à condition de ressources :

Conformément à l'analyse précédemment donnée, sont concernées à la fois les prestations familiales soumises à condition de ressources, c'est-à-dire, le complément familial, l'allocation de rentrée scolaire, l'allocation de parent isolé ainsi que l'allocation pour jeune enfant, désormais dans sa totalité, comme cela va être explicité plus avant, et les allocations de logement qui représentent environ 64 milliards de francs actuellement pour la CNAF.

Il s'agit de réintégrer dans l'assiette des revenus pris en considération pour l'attribution des prestations sous condition de ressources, l'ensemble des revenus de remplacement comme les indemnités de maternité et les rentes d'accidents du travail.

Cette disposition apparaît de bon sens et d'équité dans la mesure où, actuellement, qu'il s'agisse des allocations de logement ou des prestations familiales sous condition de ressources, à niveau de revenu identique, les familles concernées peuvent prétendre ou non à une aide, selon le type de ressources perçues. Les revenus de remplacement seront donc réintégrés dans la base de calcul des prestations sous condition de ressources comme dans celle des allocations de logement à compter du 1er juillet 1996. Dans ce cadre, il faut également ajouter une autre disposition qui n'est pas du domaine législatif mais qui est contenue dans le plan du 15 novembre 1995 et qui consiste en la réévaluation de la participation minimale des familles à l'effort de logement.

2. La mise sous condition de ressources intégrale pour les prestations qui le sont déjà partiellement : le cas de l'allocation pour jeune enfant (APJE)

En effet, ce type de disposition ne concerne qu'une seule prestation : l'APJE. Actuellement, cette prestation est accordée sans condition de ressources, à partir du quatrième mois de grossesse et jusqu'au troisième mois de l'enfant inclus. C'est ce qu'on appelle l'APJE courte. Elle ne continue à être versée ensuite jusqu'aux trois ans de l'enfant que si la famille remplit des conditions de ressources. Cela correspond à l'APJE longue.

Le montant des ressources ne doit pas dépasser un plafond annuel qui varie selon le rang et le nombre d'enfants à charge et est majoré en cas de double revenu professionnel ou en cas de parent isolé. Ce plafond de ressources évolue actuellement de la même façon que le niveau général des salaires. Le plan du 15 novembre 1995 inclut une disposition qui prévoit d'unifier le mode de revalorisation des différents plafonds de ressources sur celui des prestations familiales, c'est-à-dire, conformément à la loi du 25 juillet 1994, sur les prix à la consommation. Ceci a donc pour effet de « décrocher » le plafond de ressources pour l'APJE longue de l'évolution générale des salaires conformément à l'article L. 531-2 du code de la sécurité sociale.

La mise sous condition de ressources de l'ensemble de l'APJE pose donc tout d'abord la question du plafond de ressources retenu. Sur un simple plan pratique, sans jugement sur la pertinence de la mesure, il semblerait plus efficace et simple d'adopter le même plafond pour l'ensemble de l'APJE. Mais, étant donné que ce plafond va être « décroché » à l'avenir de l'évolution des salaires nets, et qu'il est relativement peu élevé, on peut se demander s'il ne vaudrait pas mieux le réaménager et l'accroître de manière à ne pas exclure les classes moyennes.

A cet égard, il n'est pas inutile de rappeler certains chiffres. En 1994, l'APJE sans condition de ressources a concerné 426.450 bénéficiaires.

La mise sous condition de ressources de l'intégralité de l'APJE semble poser trois types de problèmes, démographique, juridique et de santé publique.

Tout d'abord, cette disposition retire à l'APJE son caractère de prime à la naissance, alors même que le taux de natalité en France, en 1994, selon le dernier rapport sur la situation démographique, est stabilisé à 1,65 enfant par femme, soit « la plus basse valeur de la fécondité française depuis 50 ans ». ( ( * )6)

Cette première remarque en induit une deuxième, juridique celle-là. Actuellement, sur le plan européen, suite aux deux arrêts Pinna de 1986 et 1989, et conformément au règlement CEE n° 3427/89 du 30 octobre 1989, les prestations familiales, pour les ressortissants de la Communauté européenne, doivent être acquittées selon le régime de l'État où le bénéficiaire travaille et non selon le régime de l'État de résidence des enfants. Ces prestations sont donc exportables. De plus, depuis le 1er janvier 1994, date d'entrée en vigueur de l'accord sur l'Espace économique européen, ces règles sont également applicables aux ressortissants des pays non membres de la CE ayant ratifié ledit accord. Toutefois, sont explicitement exclues de ces prestations familiales exportables, conformément au règlement CEE n° 1408/71 modifié du Conseil du 14 juin 1971, les allocations spéciales de naissance comme l'APJE sans condition de ressources ( ( * )7) . Or, si l'APJE devenait uniquement une prestation sociale, elle perdrait sa caractéristique d'allocation spécifique de naissance, et risquerait donc de devenir exportable dans l'Espace économique européen. Il conviendra d'éclaircir ce point.

Le dernier problème posé, et non le moindre, est un problème de santé publique. En effet, actuellement, le versement de l'APJE sans condition de ressources est subordonné à l'accomplissement d'examens médicaux pendant la grossesse et après la naissance de l'enfant. En cas de non-respect de ces obligations, la mensualité d'APJE suivante est réduite. Sans que le mode choisi soit inquisitorial, cela permet une surveillance de l'ensemble des grossesses et de la santé de tous les enfants en bas âge, quel que soit le niveau de ressources des parents. Ceci est donc un vecteur particulièrement adapté pour l'État afin de mettre en oeuvre une politique cohérente et efficace en matière de périnatalité.

A cet égard, le plan en faveur de la périnatalité initié par Mme Simone Veil en mars 1994 commence à peine à porter ses fruits. L'effort dans ce domaine ne doit donc pas être relâché. Or, il ne faut pas oublier que, selon le dernier rapport sur la situation démographique de la France, c'est grâce, certes, au développement de la médecine périnatale mais aussi à la surveillance accrue des grossesses que le taux de mortalité infantile continue de baisser. En ce sens, mettre la totalité de l'APJE sous condition de ressources risquerait de supprimer une incitation à un suivi constant de leur grossesse et de leur bébé pour l'ensemble des jeunes femmes, notamment pour celles qui travaillent à plein temps, même si certains peuvent penser que cette incitation s'avère moins nécessaire pour les plus aisées d'entre elles.

Tout en comprenant les motivations du Gouvernement, votre commission pense donc qu'il convient d'envisager toutes les conséquences de la mise sous condition de ressources de l'intégralité de l'APJE et souhaite donc que, si cette mesure doit être prise, le plafond de ressources finalement choisi soit le plus haut possible.

Votre commission suggère à cet égard de retenir le montant de ressources au-delà duquel les effets du quotient familial sont plafonnés.

3. L'harmonisation des délais de prescription en matière de prestations familiales

Votre commission doit préciser que cette harmonisation est déjà largement mise en oeuvre dans la mesure où l'article L. 553-1 du code de la sécurité sociale précise que l'action en paiement des prestations familiales se prescrit par deux ans. Il faut donc remarquer que cette harmonisation se fera à la baisse puisque le plan du 15 novembre 1995 propose de réduire ce délai à six mois, ce qui semble relativement court pour un usager compte tenu des périodes de vacances et des éventuels changements de domicile.

A cet égard, votre commission souhaite que cette harmonisation et cette réduction des délais de prescription à l'encontre des usagers soient également applicables vis-à-vis des organismes débiteurs des prestations familiales.

La réciprocité dans ce domaine lui semblerait équitable. C'est, d'ailleurs, ce qui se produit déjà pour de nombreuses prestations dont les prestations familiales. L'article L. 553-1 précité mentionne, en effet, que la même prescription de deux ans s'applique à l'action intentée par un organisme payeur en recouvrement de prestations indûment payées, sauf en cas de manoeuvre frauduleuse ou de fausse déclaration.

4. La simplification des modalités de gestion

Cela consiste, selon votre commission, dans l'harmonisation des modalités de gestion des prestations familiales pour l'ensemble des entreprises publiques dès 1996 et pour l'État à compter de 1997. En effet, l'État et certaines entreprises publiques comme EDF, la SNCF, la RATP, France-Télécom et la Poste par exemple, assurent encore actuellement le service des prestations familiales et l'action sanitaire et sociale envers leurs personnels.

Toutefois, ainsi que le déplore régulièrement la Commission des comptes de la sécurité sociale, ceci ne se ferait pas dans toute la transparence voulue. Ainsi, ces employeurs versent à la CNAF une contribution calculée par différence entre les prestations servies aux personnels concernés et les cotisations qu'ils auraient dû normalement acquitter, après déduction des dépenses d'action sanitaire et sociale et des frais de gestion supportés pour la mise en oeuvre du service des prestations. Cette disposition, qui contribuera donc à l'universalité des modalités de gestion et de versement des prestations familiales, comprend l'alignement du taux de cotisation de l'État et des entreprises publiques sur ceux applicables aux entreprises et le transfert à la CNAF de la gestion des prestations familiales.

Il faut noter, à nouveau, dans ce domaine, que la CNAF ne gérera pas pour autant l'ensemble des prestations familiales puisque, pour les travailleurs agricoles, l'organisme débiteur reste la Caisse de mutualité sociale agricole. Mais on peut préciser qu'en ce cas, il existe une réelle transparence du côté de la MSA, qu'il s'agisse des cotisations acquittées ou des prestations servies, par rapport à la CNAF.

5. Le retour à l'équilibre financier pour la branche famille

Dans la mesure où l'habilitation ne concerne précisément que les prestations et non les recettes de la branche famille, il est clair que deux dispositions qui figurent dans le plan du 15 novembre 1995 et qui ont trait à l'accroissement desdites recettes ne seront pas incluses dans les ordonnances. Elles devraient trouver leur place au sein de la réforme fiscale qui devrait être adoptée au cours du premier semestre 1996. Il s'agit tout d'abord de l'élargissement de la base de la contribution sociale généralisée (CSG) dont une partie, soit 1,1 %, est affectée à la branche famille. Une telle annonce ne peut être accueillie que positivement par votre commission dans la mesure où, dans les années passées, la branche famille avait vu le fondement de ses ressources réduit (avec la baisse du taux des cotisations notamment).

La deuxième mesure est en revanche fortement contestée, notamment par les mouvements familiaux et le président de la Caisse nationale des allocations familiales. Il s'agit de la fiscalisation, en 1997, des allocations familiales, attribuées à toutes les familles de deux enfants ou plus sans condition de ressources. Cette mesure, à législation fiscale inchangée, devrait entraîner l'assujettissement à l'impôt sur le revenu des personnes physiques d'environ 250.000 à 300.000 nouvelles familles. Celles-ci pourraient perdre, de ce fait même, nombre d'avantages liés à la non-imposition, attribués notamment par les communes (participation minorée des familles pour la garde des enfants en crèches, pour la cantine scolaire, pour les activités périscolaires).

A cet égard, ainsi que l'a indiqué M. Jean-Pierre Fourcade, président de votre commission des Affaires sociales, les simulations qui doivent être mises en oeuvre par la CNAF afin d'appréhender toutes les conséquences sur la situation des familles de la fiscalisation doivent intégrer les actions en faveur de ces dernières menées par les communes.

Il faut, toutefois, préciser que, selon le dossier de presse joint au plan du 15 novembre 1995, le produit de cette imposition -qui devrait être d'un montant brut de 6 milliards de francs ( ( * )8) , devrait être, pour moitié, consacré, dans le cadre de la réforme fiscale, à des aménagements du barème au profit des familles modestes et des familles nombreuses, ce qui conduirait à lisser, en partie, l'effet de cette fiscalisation et, pour moitié, reversé à la CNAF, pour contribuer au rééquilibrage de cette branche. On peut, toutefois, rappeler, dans la perspective du rééquilibrage de celle-ci, puisque la question de la fiscalisation est ancienne, que, à la fin des années soixante, le rapport présenté par le groupe de travail sur les problèmes démographiques présidé par M.

Lorsque et institué dans le cadre de la préparation du VIème plan, suggérait, certes, l'inclusion des allocations familiales dans les revenus imposables mais avec une ristourne intégrale à la CNAF.

Ces deux dispositions -accroissement de l'assiette de la CSG et fiscalisation des allocations familiales- qui vont permettre d'accroître les ressources de la branche famille, seront donc examinées en leur temps par les assemblées, dans le cadre de la réforme fiscale. Pour la deuxième d'entre elles, il conviendra alors, selon votre commission, d'être particulièrement attentif à ses conséquences sur la situation des familles.

Ces deux dispositions étant exclues du champ de l'habilitation, votre commission distingue deux autres mesures qui vont contribuer au rétablissement de l'équilibre financier de la branche famille, outre celles qui ont déjà été analysées. Il s'agit, tout d'abord, de la non-revalorisation en 1996, et en 1996 seulement, de la base mensuelle des allocations familiales. Comme la loi du 25 juillet 1994 relative à la famille avait très clairement prévu une indexation sur les prix à la consommation des prestations familiales sur cinq ans le présent texte permettra au Gouvernement de déroger à cette obligation. Mais, selon votre commission, cette possibilité de déroger à l'indexation prévue par la loi relative à la famille ne doit valoir que pour 1996, conformément au plan du 15 novembre 1995.

La deuxième disposition, à laquelle il a déjà été fait allusion à propos de l'APJE concerne l'harmonisation des modes d'évolution des plafonds de ressources des différentes prestations. Ces plafonds devraient être alignés sur le mode d'évolution de la base mensuelle des allocations familiales (BMAF), c'est-à-dire les prix à la consommation. Il convient, à cet égard, de s'interroger si ces plafonds seront bien revalorisés en 1996, comme les prix prévisionnels ou s'ils seront stabilisés pour cette même année, comme la BMAF. Il faut préciser que les plafonds concernés sont, outre celui de l'APJE, celui du complément familial, et celui de l'allocation de rentrée scolaire. Ces plafonds évoluent actuellement en fonction de l'indice des salaires nets ( ( * )9) (APJE ou complément familial) ou du SMIC. Sur ce point également, il convient de se demander s'il ne faut pas revoir complètement l'évaluation de ces plafonds dans la mesure où ils seront à l'avenir « décrochés » des salaires.

Votre commission approuve donc les modifications adoptées par l'Assemblée nationale qui délimitent plus précisément le dispositif de l'habilitation. Elle a toutefois souhaité attirer l'attention de la Haute Assemblée sur un certain nombre de dispositions dont la mise en oeuvre devra être particulièrement surveillée.

Article premier 3°- « modifiant les dispositions relatives aux relations entre les organismes de sécurité sociale, les professions médicales et les assurés sociaux, ainsi que celles concernant la protection sociale, la formation et l'orientation des membres desdites professions, en vue d'améliorer, par des incitations et des modalités appropriées de mesure, de contrôle et de responsabilisation, la qualité des soins et la maîtrise des dépenses de santé »

Votre rapporteur n'a pas jugé utile de consacrer, préalablement à l'examen des mesures annoncées pour la médecine ambulatoire, de longs développements relatifs au constat (le déficit de l'assurance maladie) et aux dispositifs de maîtrise médicalisée actuellement applicables aux professions de santé.

Le caractère récurrent du déficit de l'assurance maladie et la relative ancienneté des mécanismes conventionnels qui régissent les relations entre la sécurité sociale et les professions de santé font que l'on pourra utilement se référer, pour ces points, aux rapports budgétaires des années 1991 à 1995 ainsi qu'au rapport n° 2414 de M. Daniel Mandon, député, sur le présent projet de loi d'habilitation.

Nous analyserons ici :

- l'insuffisance des dispositifs législatifs et conventionnels actuels pour maîtriser activement l'évolution des dépenses de l'assurance maladie et garantir la qualité des soins :

- la réforme de l'assurance maladie : l'architecture générale des nouvelles relations entre l'assurance maladie, les professionnels et les assurés sociaux et les mesures précises annoncées par le Premier ministre.

I. LES DISPOSITIFS LÉGISLATIFS ET CONVENTIONNELS EN VIGUEUR SONT INSUFFISANTS

Les dispositifs législatifs et conventionnels applicables aux professions de santé ne se sont pas avérés suffisants pour garantir la maîtrise de dépenses de l'assurance maladie et la qualité des soins.

Trois raisons expliquent cette insuffisance :

- ces dispositifs n'ont pas été suffisamment appliqués et sanctionnés sur le terrain ;

- ils ne sont pas homogènes ni coordonnés ;

- ils ne maîtrisent pas la croissance de l'offre de soins

- A. LES DISPOSITIFS CONVENTIONNELS DE MAÎTRISE N'ONT PAS ÉTÉ SUFFISAMMENT APPLIQUÉS ET SANCTIONNÉS SUR LE TERRAIN : L'EXEMPLE DES MÉDECINS

Si les dispositifs conventionnels ne sont pas assez efficaces, c'est parce qu'ils ne sont pas tous appliqués rigoureusement sur le terrain.

Cette insuffisance, pour les médecins, s'explique par trois raisons : les retards, la faiblesse de certaines obligations et sanctions, le doute quant à la volonté de maîtrise des pouvoirs publics.

1. Les retards

Ils ont essentiellement concerné la mise en place du codage des actes et du secteur optionnel, qui ne sont toujours pas réalisées.

a) Le codage des actes et des pathologies

L'article L. 161-29 du code de la sécurité sociale, tel qu'il résulte de la loi n° 93-8 du 4 janvier 1993 relative aux relations entre les professions de santé et l'assurance maladie dispose qu'« en vue de permettre le remboursement aux assurés sociaux des prestations et dans l'intérêt de la santé publique, les professionnels et les organismes ou établissements facturant des actes ou prestations remboursables par l'assurance maladie dispensés à des assurés sociaux ou leurs ayants-droit communiquent aux organismes d'assurance maladie concernés le numéro de code des actes effectués, des prestations services à ces assurés sociaux ou à leurs ayants droit et des pathologies diagnostiquées ». A cette fin, il prévoit que les caisses nationales mettent en oeuvre un traitement automatisé des données résultant du codage.

Le codage des actes et des pathologies, outre son intérêt pour la santé publique constitue un instrument essentiel de la maîtrise médicalisée de l'évolution des dépenses d'assurance maladie.

Il ne peut en effet y avoir de maîtrise médicalisée des dépenses sans système d'information performant.

De fait, le codage permet aux caisses de connaître l'activité des médecins, la nature et le volume de leurs prescriptions ainsi que la consommation de biens et services médicaux par les patients.

Associé à des instruments normatifs, le codage peut donc permettre aux caisses de sanctionner, le cas échéant, les médecins qui prescrivent trop ou (et) mal et les patients qui consomment trop ou (et) mal aux frais de l'assurance maladie.

Le décret d'application de l'article 14 de la loi du 4 janvier 1993 a été publié le 7 mai dernier, soit plus de deux ans après la promulgation de la loi . Certes, le sujet est technique et difficile.

Mais ces deux ans étaient-ils justifiés ?

D'autant plus que la publication du décret n° 95-564 ne signifie pas pour tout de suite la mise en place effective et généralisée du codage.

Pour que le codage des actes et des pathologies devienne une réalité, d'autres textes réglementaires doivent encore intervenir, le codage doit être étendu à tous les secteurs et l'informatisation des cabinets médicaux généralisée.

b) Le secteur optionnel

L'article 10 de la convention nationale des médecins approuvée par l'arrêté du 25 novembre 1993 prévoyait que « les parties signataires conviennent d'examiner les conditions d'un nouvel équilibre conventionnel en étudiant la création d'un secteur optionnel destiné à remplacer progressivement les deux secteurs existants, valorisant les actes intellectuels et promouvant dans l'activité quotidienne la qualité des soins et la maîtrise médicalisée ». Il indiquait aussi qu'« un avenant à la convention précisera, au plus tard dans les neufs mois suivant l'entrée en vigueur de la présente convention, les modalités d'application de ce dispositif, et notamment les conditions dans lesquelles les praticiens relevant du secteur optionnel Pourront bénéficier d'un supplément d'honoraires remboursables et s'affilier à la CANAM pour le risque maladie ».

Neuf mois après l'entrée en vigueur de la convention, aucun avenant n'avait été écrit. Et aujourd'hui, soit deux ans après l'entrée en vigueur de cette convention, les négociations entre partenaires conventionnels n'ont toujours pas abouti.

2. La faiblesse des sanctions

Si les dispositifs conventionnels n'ont pas produit d'effet durable, c'est aussi que les sanctions à leur manquement, sur le terrain, ont été insuffisantes, soit qu'elles n'ont pas été prévues par la loi, soit qu'elles ont été insuffisamment appliquées.

a) Les sanctions non prévues par la loi l'objectif prévisionnel d'évolution des dépenses de la convention médicale et le dossier médical

La convention nationale des médecins, ainsi que les articles du code de la sécurité sociale qui leur donnent une base légale, n'ont pas voulu, prévoir de sanction au non-respect de certains dispositifs conventionnels. Une telle option était légitime, et votre rapporteur l'avait d'ailleurs défendue à l'occasion de l'examen du projet de loi dit « Teulade » qui devait aboutir à la loi du 4 janvier 1993. Il convenait en effet de tenter de faire la preuve que l'application des références médicales sur le terrain permettrait à elle seule de maîtriser l'évolution des dépenses, ce qui fut le cas en 1994.

* L'objectif prévisionnel d'évolution des dépenses des médecins

L'article L. 162-6-1 du code de la sécurité sociale prévoit que, chaque année, une annexe à la convention médicale fixe « les objectifs prévisionnels d'évolution des dépenses médicales. Ces objectifs prévisionnels d'évolution des dépenses portent respectivement sur l'activité des médecins généralistes et des médecins spécialistes ». Ils sont déterminés en fonction des caractéristiques de la population, du progrès technique et médical, des maladies nouvelles et des conjonctures épidémiques, de la démographie médicale ainsi que de la coordination des différents intervenants du système de soins et de transferts qui en découlent. Cette annexe fixe également les tarifs des honoraires des médecins.

Ces éléments sont repris dans l'article 16 de la convention nationale des médecins.

Ni la loi, ni la convention ne prévoient de lien entre la fixation des tarifs et le respect par les partenaires conventionnels de l'objectif d'évolution des dépenses de l'année précédente, ce dernier étant simplement prévisionnel et concernant des dépenses « médicales », terme trop peu précis pour pouvoir être rendu opposable.

Ainsi, l'avenant n° 5 à la convention nationale des médecins, approuvé le 3 mars 1995, a prévu en premier lieu que l'objectif prévisionnel pour 1995 serait fixé, pour les généralistes comme pour les spécialistes, à 3%.

Elle a prévu en second lieu que les tarifs des actes seraient portés, au 1er mars 1995, à 110 francs pour le C et 150 francs pour le CS. Ces augmentations sont définitives, et ni leur entrée en vigueur ni leur maintien n'est lié au respect des objectifs de dépenses.

Certes, l'on peut affirmer sans hésiter que, si les médecins ont obtenu des revalorisations tarifaires en 1995, c'est parce qu'ils ont respecté l'objectif prévisionnel d'évolution des dépenses. Nul doute non plus qu'en l'absence de réformes, les médecins auraient été en position difficile pour obtenir des revalorisations pour 1996 après les mauvais résultats de 1995.

Mais s'il existe bien un lien entre respect de l'objectif et revalorisation tenant aux rapports de forces entre partenaires conventionnels, les objectifs fixés chaque année en application de l'article L. 162-6-1 ne sont pas juridiquement opposables aux médecins.

* Le dossier médical des patients

L'article L. 145-6 du code de la santé publique, tel qu'il est issu de la loi n° 94-43 du 18 janvier 1994 prévoit que, « dans l'intérêt de la santé publique, aux fins de favoriser la qualité, la coordination et la continuité des soins, il est institué un dossier médical » . L'article L. 145-7 dudit code indique que « le patient choisit le médecin généraliste auquel il confie la tenue de son dossier médical (...). Le médecin désigné donne son accord, dans le respect des règles déontologiques ». Enfin, l'article L. 145-9 prévoit qu'« il est délivré à tout patient attributaire d'un dossier de suivi médical un carnet médical ».

Le code de la sécurité sociale, en son article L. 161-15-1, complète le dispositif en subordonnant la prise en charge des dépenses de santé à la « production d'une attestation produite par le médecin de la présentation par le patient de son carnet médical ».

L'entrée en vigueur de ces dispositions a été, dès le départ, conçue comme progressive, catégorie par catégorie.

Les premiers à bénéficier du dossier médical ont été les personnes âgées de plus de 70 ans, atteintes de plusieurs pathologies.

L'article 78 de la loi n° 94-43 indique que, dès que le médecin constate qu'un patient entre dans cette catégorie, il en informe le patient et le service médical.

Aucune sanction n'est cependant prévue pour le médecin s'il ne respecte pas ces dispositions.

De fait, alors que 4,7 millions de personnes relèvent du dossier médical institué cette année,... seuls 5.000 dossiers ont été distribués.

b) Les sanctions insuffisamment appliquées : les références médicales opposables

L'article L. 162-5 du code de la sécurité sociale dispose que la convention nationale des médecins détermine les mécanismes de maîtrise des dépenses médicales concourant au respect de l'objectif prévisionnel, à savoir d'une part « des références médicales opposables à chaque médecin en tenant compte, s'il y a lieu, de la spécificité de son exercice et, d'autre part, la mise en oeuvre des contrats locaux de maîtrise des dépenses ».

Et l'article L. 162-6-3 indique que la convention prévoit la possibilité de mettre à la charge du médecin dont la pratique ne respecte pas ces références médicales des cotisations qui sont normalement payées par les caisses pour le compte des médecins conventionnés.

La convention nationale des médecins approuvée le 25 novembre 1993 a mis en place les références médicales opposables qui concourent, selon son article 14, à la « maîtrise médicalisée par la recherche permanente de la qualité des soins ». Elles sont, « d'une part, des critères scientifiques reconnus permettant notamment de définir les soins et prescriptions médicalement inutiles, d'autre part, des fréquences d'utilisation par patient de certains soins et prescriptions ».

Pour 1995, 147 références médicales sont désormais opposables aux médecins ; 61 sont nouvelles et ont été définies à partir des thèmes retenus pour 1995.

Les médecins sont tenus de signaler et de respecter ces références.

Ils signalent si l'acte et les prescriptions qu'ils ont effectués entrent ou non dans le champ d'application d'une référence, en apposant le code R ou HR (hors référence) sur la feuille de soins.

En cas de non-respect des références, les sanctions prévues par l'article L. 162-6-3 du code de la sécurité sociale et précisées par la convention s'appliquent.

Elles sont calculées en estimant la gravité sanitaire, la gravité financière et la fréquence des manquements du médecin.

Cependant, ainsi que l'a souligné le rapport budgétaire n° 81 (1995-1996) de notre collègue, Louis Boyer, l'intensité des contrôles de la pratique des médecins a laissé à désirer : seuls 0,4 % des médecins libéraux contrôlés avaient fait l'objet d'une sanction au mois de juin 1995...

3. Le doute quant à la réalité de la volonté de maîtrise des pouvoirs publics

Point n'est besoin de consacrer de longs développements à une troisième cause des dérapages intervenus cette année dans la réalisation des objectifs d'évolution des dépenses médicales.

Il ne peut être contesté que l'efficacité des dispositifs de maîtrise dépend étroitement de leur légitimité et que certains messages adressés aux professions de santé ont pu être interprétés, cette année, comme signifiant un relâchement de la volonté de maîtrise des dépenses des pouvoirs publics.

- B. LES DISPOSITIFS CONVENTIONNELS DE MAÎTRISE NE SONT PAS HOMOGÈNES NI COORDONNÉS

Si les dispositifs conventionnels de maîtrise n'ont pas produit tous leurs effets, c'est aussi parce qu'ils ne sont, ni homogènes, ni coordonnés.

Certes, les dispositifs de maîtrise ne peuvent s'envisager que profession par profession : il ne serait pas opportun, par exemple, d'appliquer à l'identique certains mécanismes aux médecins et aux professions « prescrites » (biologistes, infirmières, kinésithérapeutes...).

Mais il convient tout de même que les conventions reflètent une logique commune et que leur élaboration soit coordonnée.

1. Ils ne reflètent pas une logique commune

L'existence d'une logique commune des dispositifs de maîtrise est essentielle dans un souci d'efficacité et d'équité entre les professions.

Or, celle-ci n'existe pas.

La principale rupture de logique concerne l'objectif d'évolution des dépenses pour chaque profession, qui ne leur est pas toujours opposable.

Ainsi, si, par exemple, tout dépassement des objectifs de dépenses de l'hospitalisation privée se traduit par une baisse des tarifs de l'année suivante et si tout dépassement de l'objectif des dépenses de biologie donne lieu à un reversement aux caisses, la convention nationale des médecins ne prévoit pas un tel dispositif.

L'article 40 de la convention nationale prévoit seulement en effet que « les revalorisations tarifaires sont (...) un élément de l'équilibre conventionnel ».

Les parties signataires conditionnent donc l'élaboration des échéances tarifaires annuelles au constat qu'elles dresseront, d'un commun accord, préalablement à chaque échéance, du respect des obligations qu'elles se sont fixées, à savoir :

- la mise en place et le fonctionnement des instances conventionnelles ;

Comme on le voit, la réalisation des objectifs prévisionnels des dépenses médicales pour les généralistes, d'une part (honoraires et prescriptions), et pour les spécialistes, d'autre part (honoraires et prescriptions).

La réalisation des objectifs prévisionnels ne constitue donc qu'un des éléments d'appréciation soumis aux partenaires conventionnels.

Et sa prise en compte ne fait qu'influencer la détermination des tarifs : le texte conventionnel, conformément à sa base légale (article L. 162-6-1 du code de la sécurité sociale), ne prévoit aucune automaticité dans le calcul des revalorisations tarifaires.

Enfin, en aucun cas n'est prévue une éventuelle baisse des rémunérations en cas de dépassement de l'objectif.

L'an dernier, les biologistes ont « mal vécu » la chute de 10 % des dépenses d'analyses consécutives à leurs propres efforts et à ceux des médecins. Certes, les mécanismes conventionnels prévoyant un reversement à la profession ont été appliqués. Mais les biologistes savent qu'à l'inverse, un relâchement de l'effort de maîtrise des prescriptions des médecins qui conduirait à un dépassement des objectifs des médecins et des biologistes n'entraînerait pas les mêmes conséquences financières pour les deux professions.

2. Ils ne sont pas coordonnés

La coordination des dispositifs conventionnels de maîtrise des dépenses est essentielle à leur légitimité et à leur efficacité.

Certes, l'on peut se montrer réservé face à l'idée, évoquée par certains, d'une coordination des objectifs par les professions de santé réunies à cette fin, cette coordination risquant de résulter plus du rapport de force entre professions que de la définition d'une véritable politique de santé.

Mais il est vrai que l'édifice actuel n'est pas satisfaisant non plus.

D'abord, l'État n'a jamais fixé d'objectifs de politique de santé annuels ou pluriannuels qui auraient pu se traduire par des objectifs de dépenses par profession, complémentaires et coordonnés. La détermination de ces objectifs de dépenses n'a jamais été légitimée par une politique cohérente et affichée. Bien au contraire, leurs fondements sont demeurés fort peu transparents.

Ensuite, l'édifice des dispositifs de maîtrise est tel que ce ne sont pas les mêmes autorités qui ont déterminé ces objectifs.

Ainsi, alors que les objectifs des médecins sont déterminés par les seuls partenaires conventionnels, la fixation de l'objectif de dépenses de biologie résulte d'un accord à trois entre les caisses, la profession et l'État.

Pour le médicament, ce sont l'État et l'industrie, sans les caisses, qui fixent l'objectif (si l'on comprend aisément les raisons d'un tel dispositif -aspects industriels de la politique du médicament, il faut bien constater que l'officine n'est en rien associée à la maîtrise des dépenses pharmaceutiques).

Certes, la tutelle de l'État sur les caisses de sécurité sociale fait que, s'il n'est pas signataire de la plupart des accords tarifaires, l'État est toujours présent et rien ne se fait sans son approbation. Mais il serait plus cohérent et efficace que les dispositifs soient officiellement coordonnés et qu'ils résultent d'une politique clairement exprimée.

- C. LES DISPOSITIFS CONVENTIONNELS NE MAÎTRISENT PAS L'ÉVOLUTION DE L'OFFRE DE SOINS

L'évolution des dépenses de santé est en partie déterminée par celle de l'offre de soins. Or, les dispositifs conventionnels, à l'exception de la convention nationale infirmière, ne maîtrisent pas le volume de l'offre de soins.

1. La convention nationale des infirmiers prévoit une règle vertueuse

La convention nationale des infirmiers, approuvée le 18 janvier 1994 a prévu dans son article 9 des conditions à l'exercice libéral sous convention.

Il dispose que « la qualité des soins dispensés à titre libéral par les professionnelles relevant de la présente convention ou leurs remplaçantes est garantie dès lors qu'elles justifient d'une expérience professionnelle en équipe de soins généraux au sein d'un service organisé sous la responsabilité d'une infirmière-cadre ou d'un médecin ».

La règle générale, prévue par le paragraphe I de cet article 9, est celle d'une expérience professionnelle minimale de trois ans au cours des six ans précédant la demande d'installation en libéral sous convention.

Une telle disposition est triplement légitime.

D'une part, elle est garante de la qualité des soins infirmiers en libéral, dans la mesure où elle interdit à des infirmières débutantes de s'installer en exercice libéral conventionné.

D'autre part, elle participe d'une volonté de doter les établissements de santé et des équipes de soins des personnels infirmiers indispensables à

l'exercice de leur mission.

Enfin, dans la mesure où l'économie de la santé est, pour une large part, une économie d'offre, elle contribue à maîtriser l'évolution de la dépense d'assurance maladie en soins infirmiers.

2. Il n'existe pas, pour les médecins, de mécanisme suffisant pour maîtriser l'évolution de l'offre de soins

Les bases légales de la convention nationale des médecins permettent à cette dernière de stipuler des dispositions tendant à maîtriser le volume de l'offre de soins médicaux.

Ainsi, l'article L. 162-5 du code de la sécurité sociale indique que la convention prévoira, « le cas échéant, les modalités de financement et d'organisation de la reconversion professionnelle des médecins exerçant à titre libéral et les conditions d'attribution d'une aide à la reconversion. Le même article indique que la convention peut subordonner cette aide à l'engagement du médecin à renoncer à tout exercice de la médecine.

Pour sa part, la convention a consacré son titre IX à la régulation de la démographie médicale. Elle reconnaît en effet que la régulation médicalisée de l'évolution des dépenses de santé doit s'accompagner de la maîtrise de la démographie médicale.

A cette fin, elle prévoit que les partenaires conventionnels proposeront des mesures susceptibles d'optimiser la répartition des filières d'internat en fixant notamment le nombre de postes offerts par spécialités et par régions en fonction des besoins et de la démographie médicale.

Elle prévoit aussi que les partenaires conventionnels participent à la définition d'une politique de réorientation et tenteront de promouvoir la cessation anticipée d'activité et la reconversion des médecins.

Mais l'aide financière à la reconversion qu'elle met en place est subordonnée au renoncement à l'exercice de toute profession médicale : elle ne peut donc pas bénéficier aux médecins libéraux qui souhaiteraient s'orienter vers la médecine du travail, la médecine scolaire ou la médecine préventive.

La convention a donc utilisé à minima la base législative qui lui était offerte par le code de la sécurité sociale pour mieux réguler la démographie médicale.

II. LES RÉFORMES PROPOSÉES PAR LE PREMIER MINISTRE

Les réformes annoncées par le Premier ministre comprennent deux volets :

- d'une part, elles visent à instituer de nouvelles relations entre l'État, les caisses et les professions ;

- d'autre part, elle prévoient différentes mesures destinées à mieux maîtriser l'évolution des dépenses de santé.

- A. LES NOUVELLES RELATIONS ENTRE L'ÉTAT, LES CAISSES ET LES PROFESSIONS

Le plan annoncé par le Premier ministre dessine une nouvelle architecture des rapports entre l'État, les caisses et les professions de santé.

Celle-ci permettra :

- la définition d'une politique de l'assurance maladie et de sa traduction financière par le Parlement ;

- la coordination concertée des objectifs de dépenses.

1. Le Parlement sera appelé à définir les orientations de la politique d'assurance maladie et à garantir l'équilibre du système

Dans le cadre du plan de réforme annoncé par M. Alain Juppé, le Parlement sera appelé, chaque année, à fixer :

« - les orientations générales et les objectifs des politiques de protection sociale ;

- les ressources de l'assurance maladie financées par l'impôt ;

- le taux d'évolution de l'ensemble des dépenses qui permettra de garantir l'équilibre du système ;

- les critères de répartition des objectifs quantifiés nationaux ainsi arrêtés ».

Cette réforme, qui n'entre pas dans le cadre du projet de loi d'habilitation et qui ne sera réalisée qu'au terme d'une révision de la Constitution, doit cependant être exposée pour comprendre la logique et le contenu des nouvelles relations entre l'assurance maladie et les professions de santé.

Elle va jusqu'au bout du chemin qui avait été tracé par votre commission dans sa proposition de loi organique et par la loi du 25 juillet 1994 réformant la sécurité sociale.

Votre commission souhaite que cette réforme soit réalisée de telle manière que le Parlement dispose des compétences nécessaires en matière de recettes et de dépenses de sécurité sociale et qu'il ne soit pas amené à prendre la responsabilité, par son vote, de décisions qui auraient été prises ailleurs.

2. Les objectifs de dépenses seront fixés de manière coordonnée et concertée et l'objectif des dépenses médicales de viendra opposable

a) La fixation des objectifs

Après le vote du Parlement, qui aura fixé un objectif de dépenses pour l'assurance maladie (si l'on comprend bien l'annonce du Premier ministre), des conventions entre le Gouvernement et les caisses déclineront ces objectifs « par grands secteurs ».

Ces conventions n'interviendront qu'après consultation d'une « conférence annuelle de la santé », dont elle peut penser qu'elle réunira toutes les professions de santé et les représentants des établissements.

Si, là aussi, on comprend bien la déclaration du Premier ministre, ces conventions préciseront, par exemple, les objectifs de dépenses pour l'hôpital et la médecine de ville, au niveau national et régional.

Ce sont ensuite des conventions entre les caisses et les professions qui déclineront les objectifs par profession, qu'ils soient nationaux ou par régions.

On aurait donc, jusqu'à plus ample informé, l'architecture suivante :

Parlement : objectif d'évolution des dépenses

d'assurance maladie

Convention : objectifs par secteurs (ville, hôpital),

Gouvernement-CNAM nationaux et régionaux

Conventions : objectifs par profession, nationaux

CNAM-professions et régionaux

Elle suscite deux observations :

ï les conventions Gouvernement-CNAM détermineront des objectifs à la fois très larges (« grands secteurs ») et très précis (objectifs régionaux par grands secteurs).

ï Le Premier ministre n'a pas précisé comment sera fixé l'objectif d'évolution des dépenses hospitalières. Si l'on en reste à une fixation par arrêté ministériel, on ne voit pas quelle serait la répartition « par grands secteurs » qui serait soumise à l'avis de la Conférence annuelle de la santé...

b) Un objectif de dépenses médicales opposable

Le Premier ministre a annoncé la mise en place d'un dispositif d'ajustement automatique des rémunérations des médecins en fonction du respect des objectifs : les revalorisations tarifaires a-t-il dit, seront désormais conditionnelles et temporaires.

Très clairement, ceci veut dire que les hausses tarifaires seront subordonnées au respect des objectifs et qu'elles pourront être suspendues en cas de dépassement.

Deux questions se posent cependant :

ï les sanctions tarifaires seront-elles collectives ou individuelles ?

ï si elles sont collectives, la fixation d'objectifs régionaux supposé-telle que, dans certaines régions « vertueuses » la rémunération des médecins soit différente de celle qui sera pratiquée dans des régions où les objectifs auraient été dépassés ?

Votre commission souligne la nécessité, pour que le dispositif proposé soit applicable, de mieux définir la notion d'« objectif de dépenses médicales » telle qu'elle existe aujourd'hui dans la loi.

Elle estime que, certes, par principe, les sanctions individuelles sont toujours préférables aux sanctions collectives, qui peuvent apparaître injustes. A quelles conditions les sanctions individuelles peuvent-elles être efficaces ? A quelles instances en confier la responsabilité ?

La mesure proposée par le Gouvernement sera efficace car elle permettra de conjuguer les effets de maîtrise des dépenses résultant de l'application par les médecins des références médicales et ceux qu'induisent leurs efforts en matière de volumes d'actes et de prescriptions. Cette efficacité sera renforcée par les nouveaux moyens de contrôle que le Premier ministre veut instituer. Il a en effet annoncé la création, au niveau régional, d'unions régionales de caisses d'assurance maladie qui auront la responsabilité de gérer les objectifs quantifiés régionaux et de renforcer le contrôle médical. Cette dernière mesure sera prise conformément à l'habilitation donnée par le Parlement dans le cadre du 6° de l'article premier du présent projet de loi.

- B. LES AUTRES MESURES TENDANT À MAÎTRISER L'ÉVOLUTION DES DÉPENSES DE L'ASSURANCE MALADIE

Certaines mesures annoncées par le Premier ministre ne nécessitent pas de modification de la loi, soit parce que le cadre législatif actuel les prévoit déjà, soit parce qu'elles entrent dans le champ réglementaire. Elles n'entrent donc pas a priori dans le champ d'habilitation.

Il s'agit :

ï de la mise en oeuvre effective du codage des actes et des pathologies (prévue par la loi) ;

ï de la modification de la nomenclature des actes professionnels (pas du domaine de la loi) ;

ï de l'extension des références médicales opposables aux médecins (prévue par la loi) ;

ï de l'aide à la reconversion des médecins (prévue par la loi) ;

ï de l'expérimentation de nouvelles formes de prise en charge des patients avec incitation à consulter un médecin généraliste avant de consulter un spécialiste, ou rémunération forfaitaire de la prise en charge de certaines pathologies lourdes (prévue par la loi, article L. 162-31 du code de la sécurité sociale) ;

ï le paiement par avance des frais d'hospitalisation programmée par les étrangers non-résidents (pas du domaine de la loi) ;

ï la généralisation du dossier médical (prévue par la loi) ;

ï la réforme de la formation initiale des médecins (domaine réglementaire) ;

ï le renforcement des mécanismes de contrôle et de sanction des références médicales opposables (domaine réglementaire ou conventionnel) ;

ï le développement des médicaments génériques (pas du domaine de la loi) ;

ï la possibilité de déconditionner les médicaments (déjà prévue par la loi au 4° de l'article L. 511-1) ;

ï la mise en place d'une photo d'identité sur les cartes d'assurés sociaux (pas du domaine de la loi).

En revanche, justifient la modification de la loi et, donc, l'habilitation du Gouvernement à légiférer par ordonnances :

- l'institution d'une formation continue obligatoire pour les professions de santé et les professions de santé et les modalités de sanction de cette obligation ;

- l'institution d'une contribution des médecins pour alimenter un fonds d'information ;

- l'institution d'un objectif de dépenses opposable aux médecins ;

- la pérennisation des références médicales.

Bien entendu, nous commenterons l'ensemble de ces mesures qui forment un tout cohérent, qu'elles nécessitent ou non une modification de la loi.

Ces mesures concernent :

- les relations entre les médecins et les caisses ;

- l'exercice des professions de santé ;

- les relations entre médecins et malades ;

- le médicament ;

- la gestion assurés sociaux par les caisses de sécurité sociale.

1. Les relations entre les médecins et les caisses

La réforme annoncée par le Premier ministre modifie les relations entre les médecins et les caisses : elle concerne à la fois des instruments de maîtrise (objectif d'évolution des dépenses et références médicales) et la protection sociale des médecins.

a) Les instruments de maîtrise


L'objectif de dépenses

Nous l'avons vu, le Premier ministre souhaite rendre opposable aux médecins un objectif de dépenses, négocié annuellement avec la profession après qu'auront été fixées par le Parlement les orientations de dépenses de l'assurance maladie.

Cette mesure ne peut qu'avoir des effets positifs sur l'évolution des dépenses de l'assurance maladie : grâce à elle, l'assurance maladie ne fonctionnera plus « à guichet ouvert » pour les grandes masses de dépenses par profession.

Afin de permettre un redressement rapide des comptes de la sécurité sociale, le Premier ministre a annoncé que l'objectif serait fixé, pour l'ensemble des dépenses, à 2,1 % en 1996.

Une étude réalisée par la CNAM citée par le journal « Le quotidien du médecin » indique que, pour obtenir un tel résultat, la croissance des honoraires devra être limitée à 1,6 % et celle des prescriptions à 2,3 %, ce qui est très inférieur aux évolutions spontanées qu'auraient pu connaître ces deux composantes des dépenses médicales en 1996 (2,6 % pour les honoraires, 5 % pour les prescriptions). L'effort à réaliser sera donc de 1,1 % pour les honoraires et de 2,5 % pour les prescriptions. En ce qui les concerne, l'effort devra porter en priorité sur les médicaments, dont la progression des dépenses a été de 8,5 % en 1995 selon la Commission des comptes.


Les références médicales

Le Premier ministre a annoncé l'extension et la pérennisation des références médicales opposables aux médecins.

Si l'extension des références est prévue par la convention, leur « pérennisation » nécessite une modification de la loi.

Dans le droit en vigueur, en effet, la maîtrise médicalisée des dépenses, qui repose largement sur les références médicales, est chaque année à la merci d'un désaccord entre partenaires conventionnels.

Le code de la sécurité sociale prévoit en effet qu'en cas d'un tel désaccord, le Gouvernement pourra reconduire les tarifs et fixer un objectif de dépenses pour l'année suivante. Mais le code ne prévoit pas que le Gouvernement pourra reconduire les références...

Aussi, chaque année, les médecins disposent d'une position privilégiée dans les négociations avec les caisses et le Gouvernement pour fixer l'objectif de dépenses de l'année suivante : en cas de désaccord, c'est tout le système de maîtrise qui s'écroule.


Le codage des actes

Le Gouvernement a annoncé la généralisation du codage des actes et des pathologies. L'on peut penser que cette mesure, indispensable et urgente, n'entre pas dans le champ de l'habilitation, dans la mesure où elle est prévue par la loi depuis 1993...


L'information des cabinets médicaux

Le Gouvernement souhaite accélérer l'information des cabinets médicaux, qui doit être réalisée très rapidement pour que le codage puisse être généralisé.

Plutôt que de poser le principe de l'informatisation comme une condition du conventionnement, ce qui aurait été peut-être mal perçu, mais légitime, le Gouvernement a choisi de créer un Fonds de mutualisation qui sera alimenté par une contribution des médecins (1 franc par feuille de soins).

Le rendement de cette contribution devrait être inférieur à celui qui est attendu par le Gouvernement (900 millions de francs) dans la mesure où, sur les 900 millions de feuilles de soins remplies chaque année, on estime qu'environ un tiers est rempli par d'autres professionnels de santé que les médecins.

b) La protection sociale des médecins

Dans le cadre des mesures de sauvegarde annoncées pour 1996, le Premier ministre a prévu deux mesures qui concernent la protection sociale des médecins : un effort supplémentaire sera demandé aux médecins du secteur 1 pour leur protection sociale, et les médecins du secteur 2 devront obligatoirement s'affilier à la CNAM.

L'effort supplémentaire demandé aux médecins concerne la suspension « partielle » (sans plus de précision) de la prise en charge par la sécurité sociale d'une fraction des cotisations d'allocations familiales dues par les médecins. Compte tenu du rendement annoncé pour cette mesure (480 millions de francs) et du nombre de médecins libéraux du secteur I (75.000 selon le Gouvernement), l'effort demandé aux médecins serait de 530 francs par mois.

Dans la mesure où le nombre de médecins du secteur I n'est pas 75.000, mais plutôt 85.000, l'on peut penser que, soit l'effort demandé à chaque médecin sera inférieur (si le taux d'effort individuel est calculé par rapport au rendement attendu), soit que le rendement de la mesure sera supérieur à 480 millions de francs (si le Gouvernement a déjà fixé le taux...).

Le Premier ministre a également annoncé que les praticiens exerçant en secteur 2 devront s'affilier à la CNAM.

Dans le droit en vigueur, les médecins du secteur 2 ont le choix entre l'adhésion à la CNAM et à la CANAM, régime qui bénéficie de leur préférence majoritaire en raison du montant plus faible des cotisations qu'il exige.

S'ils perdent cette faculté de choix, les médecins actuellement affiliés à la CANAM devront consentir un effort d'environ 1.600 F de cotisations supplémentaires chaque mois.

On ne peut croire que le Gouvernement ait annoncé cette mesure en raison de son seul rendement financier pour la CNAM (entre 400 millions et 1 milliard de francs), même si les sommes gagnées pour le régime général ne seront pas toutes des sommes perdues par la CNAM (car son taux de cotisation est inférieur à celui de la CNAM). En outre, la CANAM perdra encore une fois une « bonne » catégorie de cotisants, au revenu supérieur à celui de la moyenne de ses ressortissants.

L'on peut penser que cette unification de la protection sociale des médecins est un préalable à une unification, au moins partielle, des modes de relation entre les médecins des secteurs 1 et 2 et les caisses. Dans la mesure où les médecins du secteur 1 bénéficient d'une prise en charge partielle de leurs cotisations par les caisses, cette mesure diminue en outre l'avantage relatif dont bénéficiaient les médecins du secteur 2 par rapport à ceux qui sont en secteur 1.

2. L'exercice des professions de santé

Plusieurs mesures annoncées par le Premier ministre tendent à réformer les conditions d'exercice des professionnels de santé ; elles concernent la formation initiale et continue et la reconversion de certains médecins libéraux.


La formation des médecins

Si le Premier ministre a annoncé une réforme de la formation initiale tendant à intensifier l'enseignement de l'économie de la santé au cours des études médicales, la mesure essentielle consiste en la mise en place d'une formation continue obligatoire.

Votre commission est tout à fait favorable à une telle mesure.

Dans le droit en vigueur, les médecins sont libres de participer ou non à des actions de formation continue, même si le code de déontologie et les dispositions conventionnelles sont de fortes incitations.

Le nouveau code de déontologie (décret n° 95-1000 du 6 septembre 1995) a renforcé, à cet égard, les obligations déontologiques prévues par le précédent code en disposant dans son article 11 que « tout médecin doit entretenir et perfectionner ses connaissances : il doit prendre toutes dispositions nécessaires pour participer à des actions de formation continue ».

Les dispositifs conventionnels prévoient pour leur part des aides aux médecins qui acceptent de suivre des actions de formation médicale continue conventionnelles. Les médecins perçoivent ainsi une indemnisation de 15C par jour (pour un maximum de dix jours) au titre de la convention qui dispose que « la formation médicale continue est un élément essentiel de la qualité et du bon usage des soins ».

L'institution d'une formation médicale continue obligatoire pose cependant les problèmes de la qualité de cette formation, qui doit être améliorée et contrôlée, et de la sanction de l'obligation, qui doit être effective.


La réorientation de médecins libéraux

Nous avons vu que la convention médicale n'a utilisé qu'a minima les possibilités qui lui étaient offertes par le code de la sécurité sociale en ne prévoyant d'aide à la reconversion que pour les médecins qui renoncent à l'exercice de cette profession.

Le Premier ministre a été plus ambitieux. Il propose en effet, non seulement une réorientation d'assez grande ampleur, mais aussi une réorientation vers des secteurs tels que la médecine préventive, la médecine du travail qui sont assurés actuellement par un trop petit nombre de médecins.

Votre commission approuve sans réserve une telle mesure qui réduira l'excédent de l'offre de soins libéraux (que l'on estime généralement à 15 % de l'effectif des médecins libéraux) tout en respectant les aspirations des médecins à continuer à exercer et en assurant une meilleure satisfaction des besoins de la population.

Votre commission souhaite, à cet égard, formuler deux remarques :

- elle souhaite que le dispositif mis en place soit particulièrement incitatif pour les médecins spécialistes ;

- elle observe que les crédits budgétaires nécessaires à une réorientation des médecins d'ampleur significative n'ont pas encore été ouverts.

3. Les relations entre médecins et malades

Les mesures annoncées concernent le dossier médical et des expérimentations de nouveaux modes de prise en charge.


La généralisation du dossier médical

Votre commission approuve cette généralisation, déjà prévue par la loi comme devant être réalisée par décret en Conseil d'État. Elle a cependant quelques interrogations sur les bases juridiques de cette généralisation et estime qu'elle ne pourra se faire dans les conditions financières qui ont été jusqu'ici consenties aux médecins (rémunération de 2C pour l'examen de synthèse annuel des personnes bénéficiaires du dossier).


• L'expérimentation de nouveaux modes de prise en charge

Le Premier ministre a annoncé deux expérimentations.

La première concerne la prise en charge forfaitaire de certaines pathologies lourdes, telles que le cancer ou le Sida. Votre commission y est très favorable, que ce soit pour les objectifs de santé publique d'une telle mesure ou pour ses effets attendus sur les finances de l'assurance maladie.

La seconde mesure viserait à inciter les patients à consulter un généraliste avant de s'adresser à un spécialiste. Votre commission comprend bien les objectifs d'une telle mesure. Mais elle estime que, sauf à être généralisée et surtout accompagnée d'une suppression totale du paiement à l'acte, elle ne peut que coûter plus cher à l'assurance maladie qu'une prise en charge traditionnelle. Il est toutefois utile de l'expérimenter pour s'en assurer.

4. Le médicament

Le Premier ministre a annoncé deux mesures visant à mieux maîtriser l'évolution des dépenses de médicaments : il s'agit du développement des médicaments génériques et de la possibilité offerte aux pharmaciens de déconditionner les médicaments.

Concernant la première mesure, votre commission y est favorable sous réserve qu'elle s'inscrive dans une politique de prix globale qui satisfasse à la fois un objectif de dépenses d'assurance maladie et l'objectif de développement industriel.

Elle est très réservée sur la seconde mesure, estimait qu'elle est en contradiction avec l'objectif d'informatisation et de codage et qu'elle n'entraînera pas d'économies pour l'assurance maladie.

5. Les économies de l'assurance maladie

Le Premier ministre a annoncé que les étrangers non résidents devraient désormais régler à l'avance les factures hospitalières concernant des opérations qui ne sont pas pratiquées en urgence.

Votre commission y est très favorable. Elle est beaucoup plus réservée sur l'idée de modifier les cartes d'assurés sociaux pour y apposer la photo des bénéficiaires, sauf à renoncer à l'objectif de généralisation de la carte informatisée d'assuré social en 1997 qui est aussi annoncée par le plan Juppé...

Article premier 4°- « instituant des prélèvements faisant contribuer au financement de la protection sociale et à l'équilibre financier des organismes qui y concourent les entreprises exploitant des spécialités pharmaceutiques, celles qui effectuent des versements au profit de leurs salariés au titre de la prévoyance et les débiteurs des organismes de sécurité sociale, au titre des frais engagés pour le recouvrement des sommes dues »

Cet alinéa concerne les prélèvements visant les entreprises appelées à contribuer au rééquilibrage des comptes sociaux.

Trois mesures sont ainsi prévues : une contribution exceptionnelle à la charge de l'industrie pharmaceutique, un prélèvement sur les primes d'assurance de groupe et la prise en charge des frais engagés pour le recouvrement des sommes dues aux organismes de sécurité sociale.

I. UNE CONTRIBUTION EXCEPTIONNELLE À LA CHARGE DE L'INDUSTRIE PHARMACEUTIQUE

Le Premier ministre a annoncé dès le 15 novembre dernier que le secteur pharmaceutique serait mis à contribution à hauteur de 2,5 milliards selon des modalités qui pourront être négociées avec elle. Cette mesure est pour l'instant limitée dans le temps.

Elle a été mis en rapport avec l'augmentation, importante, du chiffre d'affaires de ce secteur qui a crû de 12 % entre septembre 1994 et septembre 1995.

Elle n'est sans doute pas sans lien non plus avec le « dérapage » des dépenses de médicaments remboursés. Selon la commission des comptes de la sécurité sociale, ces dépenses devraient augmenter de 8,5 % en 1995 pour la branche maladie du régime général alors que le taux d'évolution de l'ensemble des dépenses de médecine de ville a été fixé à 3 % par la convention médicale.

L'industrie pharmaceutique est appelée périodiquement à contribuer « de façon exceptionnelle » au redressement de la branche maladie. On peut noter en particulier qu'elle devra en 1996 acquitter environ 1,7 milliard au titre de la publicité pharmaceutique.

Votre commission constate donc que nombre de mesures prises à titre exceptionnel ont été par la suite pérennisées. De plus, elle appelle l'attention du Gouvernement afin que l'effort effectué par ces entreprises en faveur de la recherche ne soit pas pénalisé.

Elle souhaite que la négociation prévue par le Gouvernement s'engage de manière ouverte et permette une appréciation, au cas par cas, de la situation des entreprises concernées en concertation, par exemple, avec le Comité économique du médicament.

II. LE PRÉLÈVEMENT SUR LES PRIMES D'ASSURANCE DE GROUPE

Les versements des entreprises au profit de leurs salariés, réalisés dans le cadre de contrats supplémentaires de prévoyance et maladie résultant d'accords collectifs, bénéficient d'une exonération totale de cotisations sociales, dans la limite de 85 % du plafond de la sécurité sociale.

Les primes versées annuellement au titre de ces contrats sont estimées à environ 52 milliards de francs, dont 25 milliards de francs pour l'assurance maladie complémentaire et 27 milliards de francs pour l'assurance complémentaire prévoyance. La part des primes à la charge des entreprises est estimée à environ 80 % de ces montants.

Cette exonération de prélèvements sociaux crée une inégalité de traitement en matière de protection sociale complémentaire au profit des salariés des entreprises qui souscrivent des contrats collectifs et au détriment des salariés ou non salariés qui ne peuvent souscrire qu'à des compléments de couverture sociale facultatifs, sans part patronale et donc assujettis à prélèvements fiscaux et sociaux.

De plus, les contrats collectifs d'assurance maladie complémentaire favorisent la consommation de biens médicaux sans que ceux-ci participent aucunement au financement de notre système de protection sociale.

Afin de remédier partiellement à cette situation, le Gouvernement propose d'instituer, au profit du Fonds de Solidarité Vieillesse, un prélèvement de 6 %, à la charge des entreprises, assis sur la part patronale des contrats complémentaires de prévoyance et de maladie souscrits auprès des sociétés d'assurance, mutuelles et institutions de prévoyance complémentaire.

Le produit de cette mesure est estimé à 2,5 milliards en 1996. toutefois, ce montant paraît un peu « optimiste » car les entreprises ne financeraient, selon certaines sources, qu'environ 60 % des couvertures de prévoyance collective, le reste étant assumé par les salariés eux-mêmes.

Votre commission appelle l'attention sur le risque de voir les entreprises concernées répercuter le coût de cette mesure sur les salariés par exemple en réduisant les garanties offertes aux salariés dans le cadre de ses contrats ou par une baisse de leur participation financière. Il ne faudrait pas que cette mesure se traduise par ailleurs par un désengagement des entreprises vis-à-vis de la prévoyance collective complémentaire.

Votre commission s'interroge sur les risques d'aggravation des inégalités de couvertures entre les différentes catégories de salariés : on observe en effet de façon générale, que les cadres sont mieux couverts que les employés et les ouvriers. Ils pâtiraient donc, en premier lieu, de la mesure du fait du retrait des entreprises ou du coup d'arrêt porté au développement de la couverture conventionnelle de ces risques chez les non cadres.

Elle appelle par ailleurs l'attention sur la complexité du dispositif en résultant. Plutôt que de créer une nouvelle taxe qui se superpose aux dispositifs existants, il eut peut-être été plus simple de réduire ou de supprimer l'exonération actuelle de cotisations sociales en matière de prévoyance (au-delà de 85 % du SMIC).

III. LE PRÉLÈVEMENT POUR LE RECOUVREMENT DES SOMMES DUES PAR LES DÉBITEURS DES ORGANISMES DE SÉCURITÉ SOCIALE

Les recours contre tiers visent à permettre aux branches maladie et accident du travail de récupérer les frais médicaux engagés par les victimes d'accidents, sur les responsables de ces accidents. Le nombre de recours contre tiers dans le régime général est de 337.000 environ, y compris les accidents du travail. Ces recours représentent actuellement 4,8 milliards de francs de « refacturation » (dont 3,2 milliards de francs pour la branche maladie).

Les compagnies d'assurance versent l'essentiel de ces sommes car les accidents sont généralement couverts par une police d'assurance (assurance automobile, habitation ou scolaire pour les particuliers, assurances des professionnels et des entreprises, etc.).

Pour autant, les branches concernées ne refacturent pas les coûts de gestion et de procédure (frais d'avocats, dépens...) dans les procédures de recours contre tiers. Les cotisations des assurés supportent donc ces coûts qui devraient être logiquement à la charge des responsables d'accident.

La mesure arrêtée consiste à facturer, en sus des frais médicaux, un forfait de 5.000 francs, pour frais de recours, lors de l'ouverture d'un dossier.

Le rendement de cette mesure est évalué à 1 milliard pour la branche maladie et à 0,5 milliard pour la branche accidents du travail dès 1996.

Votre commission s'interroge, comme la commission des Affaires culturelles, familiales et sociales de l'Assemblée nationale, sur le caractère un peu ambigu de la rédaction retenue, notamment sur la référence aux sommes dues qui pourraient être assimilées au produit des cotisations sociales. Mais elle ne conteste pas la pertinence de la mesure compte tenu de l'importance des sommes en jeu.

Article premier 5°- « modifiant la législation relative à l'organisation et à l'équipement sanitaires ainsi que celle relative à l'organisation, en fonctionnement et aux modalités de financement et de contrôle des établissements de santé, en vue d'assurer, en créant le cas échéant de nouvelles instances de décision, une répartition plus adaptée des responsabilités, une attribution plus efficace des moyens de ces établissements et une meilleure maîtrise des coûts »

Votre commission ne reviendra pas sur l'analyse de la crise de l'hôpital public qu'elle a réalisée dans le cadre de l'examen des crédits ouverts au titre de la santé et de l'assurance maladie par le projet de loi de finances pour 1996.

Elle consacrera son propos à l'examen des annonces faites par le Premier ministre concernant la réforme hospitalière, non sans observer qu'elles sont beaucoup moins précises que celles qui ont été faites au sujet de la médecine de ville, par exemple, ce qui explique la moindre longueur de ses commentaires.

Votre commission réaffirme ici tout particulièrement son souci de voir le Parlement convenablement associé à la préparation des ordonnances.

I. ANALYSE DES PROPOSITIONS DU RAPPORT DEVULDER

Au mois de juin dernier, le Gouvernement a installé un Haut Conseil de la Réforme Hospitalière ayant pour mission d'étudier les moyens propres à améliorer l'adaptation des structures de soins publiques et privées aux besoins quantitatifs et qualitatifs de la population et les modalités de financement et de fonctionnement de ces structures.

Votre commission n'a pu avoir connaissance des propositions du Haut Conseil, présidé par M. le Professeur Devulder. Elle s'étonne du contraste entre les conditions de publicité qui ont entouré l'installation du Haut Comité et la remise des conclusions, dont elle ne sait si elle est ou non réalisée tant la presse s'est fait l'écho des propositions contenues dans le rapport.

C'est donc, faute de mieux ( ( * )10) , à partir des articles de presse que votre commission présente ici, sous réserve et au conditionnel, les conclusions du Haut Conseil de la Réforme Hospitalière.

Le rapport du Haut Conseil prévoirait d'instituer une véritable organisation régionale sanitaire et sociale.

Dans chaque région serait en effet créée une instance rassemblant l'État, l'assurance maladie, les collectivités territoriales et des représentants des personnels et des professions de santé.

Cette instance aurait pour mission d'élaborer les schémas régionaux de l'organisation sanitaire et sociale.

Une commission exécutive régionale de l'hospitalisation, présidée par le Préfet ou un haut fonctionnaire, rassemblerait pour sa part les services de l'État et de l'assurance maladie. Elle aurait pour mission d'agréer les structures hospitalières et de conclure des contrats d'objectifs avec les établissements de santé. A titre dérogatoire, ces contrats pourraient être conclus avec les services hospitaliers agréés.

Votre commission estime qu'il ne peut être question que les services hospitaliers concluent directement des contrats d'objectifs avec la commission exécutive. Une telle possibilité ferait courir un risque d'éclatement des établissements de santé et serait en outre fortement préjudiciable à la maîtrise des dépenses hospitalières.

En ce qui concerne l'agrément, le projet du Haut Conseil prévoirait qu'il ne peut être accordé qu'aux structures accréditées par une agence indépendante et dont les réponses à un appel d'offres régional auront été retenues.

Les propositions du Haut Conseil prévoiraient en effet de transformer l'ANDEM afin qu'elle puisse évaluer, sur le plan médical et économique, les structures hospitalières.

Jusqu'à plus ample informée, votre commission ne peut se prononcer sur l'opportunité d'un dispositif aussi lourd qui remet en cause l'ensemble de la planification sanitaire actuelle, et notamment les autorisations accordées par l'État.

Elle a beaucoup de mal à apprécier la cohérence entre :

- les réponses aux appels d'offres de soins présentées par les médecins ;

- les contrats pluriannuels conclus entre l'instance régionale et les établissements ;

- les contrats d'objectifs conclus entre cette instance et les établissements ;

- les contrats d'objectifs conclus entre cette même instance et les services.

Le projet prévoirait aussi, à notre connaissance, la création de structures spécifiques au niveau du secteur ou de la région chargées de gérer les personnels non médicaux des établissements de santé. Elles seraient notamment chargées, d'organiser les concours de recrutement. Là aussi, votre commission, en l'absence d'informations plus précises, ne peut apprécier quelle serait l'utilité de la création de ces nouvelles structures.

II. LA RÉFORME ANNONCÉE PAR LE PREMIER MINISTRE

Même si la réforme hospitalière annoncée par le Premier ministre doit être précisée pour en apprécier la portée, votre commission en approuve les orientations générales. Elles sont en effet, non seulement justifiées mais aussi relativement consensuelles, dans la mesure où elles reprennent les propositions formulées par de nombreux rapports au cours de ces dernières années.

Elles reposent sur quatre piliers :

- la régionalisation du financement de l'hospitalisation publique et privée ;

- l'accréditation et l'évaluation des services hospitaliers, en fonction de normes de qualité et de coût, par une institution indépendante ;

- la contractualisation entre des agences régionales pour le financement de l'hospitalisation publique et privée et les structures hospitalières ;

- la coordination sur une base volontaire de l'hospitalisation publique et de l'hospitalisation privée grâce à la mise en place de structures de coopération au plan local.

Le Premier ministre a également annoncé deux mesures qui ont trait à l'organisation générale des établissements de santé, à savoir la suppression de la présidence des conseils d'administration des hôpitaux par les seuls élus et la nomination de nouveaux directeurs de CHU en Conseil des ministres.

1. La régionalisation du financement de l'hôpital public et des établissements privés de santé

Votre commission approuve une telle orientation, déjà engagée depuis deux ans. Des agences régionales de financement de l'hospitalisation, dont on peut penser qu'elles seraient constituées de représentants de l'assurance maladie et des services de l'État, alloueraient des ressources aux établissements. On peut également penser que ces ressources seront globalement accordées aux agences après la répartition régionale de l'enveloppe globale de l'hospitalisation déterminée en fonction de la loi sociale votée par le Parlement.

Votre commission s'interroge sur les relations qui pourront exister entre les nombreuses instances, telles que les DRASS, les CRAM, les CROSS, les agences régionales et les unions régionales de l'assurance maladie, qui existeront désormais au niveau régional.

2. L'accréditation et l'évaluation des services hospitaliers

Votre commission estime que l'accréditation des services hospitaliers en fonction de critères sanitaires est une bonne chose.

Elle devra cependant être réalisée en fonction de critères fiables, consensuels et uniformes, par une agence indépendante.

Votre commission s'interroge cependant sur les liens qui seront établis entre l'accréditation et la planification sanitaire.

Peut-on, dans les faits, accréditer un service mais ne pas l'autoriser à fonctionner pour des raisons de planification sanitaire ?

Votre commission n'émet pas de telles réserves sur l'évaluation de l'activité des établissements et des services hospitaliers, dont elle estime qu'elle doit avoir des conséquences budgétaires et qu'elle doit pouvoir conduire à remettre en cause, le cas échéant, une accréditation.

3. La contractualisation entre les agences régionales et les

structures hospitalières

Les relations entre structures hospitalières et l'agence régionale seront désormais contractualisées. Ces contrats seront le support d'un projet et de sa traduction budgétaire : des contrats devront donc être conclus chaque année.

L'on ne sait pas encore si ces contrats concerneront également les établissements privés de santé : il serait en effet hautement souhaitable que les modalités de financement des établissements publics et privés soient harmonisées.

Votre commission souhaite que la conclusion des contrats soit réservée aux seuls établissements de santé, à l'exclusion des services hospitaliers. En effet, le discours du Premier ministre, qui a évoqué « les structures hospitalières », ne permet malheureusement pas de dissiper toute ambiguïté.

Comme il a été dit plus haut, la faculté offerte aux services de contracter directement avec les agences régionale remettrait en cause, non seulement la cohérence, mais peut-être l'existence des établissements de santé. Un tel système ne serait probablement pas non plus générateur d'économies pour l'assurance maladie.

4. La coordination, sur une base volontaire, de l'hospitalisation publique et de l'hospitalisation privée

Votre commission est tout à fait favorable à la coordination entre établissement publics et privés annoncée par le Premier ministre.

Elle estime qu'une harmonisation des financements la rendrait plus facile et plus efficace.

Elle souhaite que le dispositif mis en place, bien que reposant sur le volontariat, soit accompagné de mécanismes incitatifs, à l'image de ce qui avait été prévu par l'article 40 de la loi n° 94-43 du 18 janvier 1994 relative à la santé publique et à la protection sociale. Voté à l'initiative du Sénat, et toujours dépourvu de décret d'application, cet article prévoit un « retour sur investissement » accordé aux établissements publics de santé qui acceptent de coopérer et dont la coopération se traduit par des économies pour l'assurance maladie.

Comme elle l'a fait à l'occasion de l'examen du budget, votre commission regrette que cet article, introduit par le Sénat, soit en pratique dépourvu de portée du fait des lenteurs ou de l'inertie administrative.

5. La nomination de certains directeurs de CHU en Conseil des ministres.

Le Premier ministre a annoncé que les directeurs de certains centres hospitalo-universitaires seront désormais nommés en Conseil des ministres.

A l'heure actuelle, seuls les directeurs généraux des Assistances publiques de Paris, Lyon et Marseille sont nommés selon cette procédure.

6. La suppression de la présidence des maires

Le code de la santé publique, en son article L. 714-2, prévoit que la présidence du conseil d'administration des établissements publics de santé communaux est assurée par le maire, et celle du conseil d'administration des établissements départementaux par le président du conseil général. Toutefois, sur proposition du président du conseil général ou du maire, la présidence est dévolue à un représentant élu désigné par le conseil général ou le conseil municipal.

La réforme annoncée par le Premier ministre tend à supprimer cette automaticité.

Votre commission est très réservée sur cette mesure, sauf à réformer très largement la composition des conseils.

En effet, la majorité des membres actuels des conseils d'administration serait placée, en tant que président, dans une position de juge et partie, ce qui n'est pas souhaitable. Et les personnalités qualifiées, jusqu'ici, n'ont pas été choisies dans la perspective de devenir présidents. Si la présidence était réservée aux personnalités qualifiées, il faut bien savoir que, dans la mesure où celles-ci sont désignées par le préfet, les établissements de santé seraient demain dirigés par un directeur et un président de conseil d'administration nommés par l'État.

Votre commission estime que, plus que la modification des instances dirigeantes des conseils d'administration, la réforme devrait concerner, en premier lieu, les compétences des conseils d'administration.

Article premier 6°- « modifiant les dispositions relatives à l'organisation, au fonctionnement, au champ d'application et aux relations mutuelles des institutions, régimes et branches de sécurité sociale, afin d'en simplifier et d'en rationaliser les structures et la gestion »

Cet alinéa concerne le volet institutionnel de la réforme de la protection sociale et vise notamment l'organisation et le fonctionnement des caisses.

Dans sa déclaration du 15 novembre dernier, le Premier ministre a indiqué que son objectif était de clarifier les responsabilités.

Ainsi, l'organisation générale des caisses sera revue pour les rendre plus efficaces et plus resserrées :

- au niveau national, la composition des conseils d'administration sera revue de sorte que syndicats, patronat et personnalités qualifiées y trouvent leur place. Les administrateurs ne seront plus élus mais désignés. Les pouvoirs du directeur général seront renforcés de sorte qu'il puisse notamment nommer les directeurs des caisses locales. Un Conseil de surveillance comprenant des parlementaires en particulier sera institué auprès de chaque caisse nationale.

- au niveau local, le réseau des caisses du régime général sera réorganisé avec l'objectif de constituer un seul organisme par département et par branche sans pour autant diminuer le nombre de services de proximité.

S'agissant plus précisément de l'assurance maladie, il a annoncé un dispositif plus complet avec l'intervention d'une Conférence annuelle de la santé chargée de donner un avis sur les taux d'évolution des dépenses par grands secteurs, fixées par les conventions d'objectifs et de gestion qui interviendront, sur la base des délibérations de la représentation nationale.

Il a également précisé qu'une nouvelle organisation sera mise en place au plan régional tant vis-à-vis des hôpitaux que de la médecine de ville.

S'agissant des hôpitaux, il est prévu de créer des agences régionales de financement de l'hospitalisation publique et privée. Ces agences seront chargées de répartir les crédits limitativement alloués au plan régional par le Gouvernement en fonction des priorités de santé publique et en application du vote du Parlement. Par ailleurs, une « institution indépendante sera chargée de l'accréditation et de l'évaluation des services hospitaliers ».

S'agissant de la médecine de ville, il sera créé des unions régionales de caisses d'assurance maladie qui auront la responsabilité de gérer les objectifs quantifiés régionaux, de coordonner et de renforcer le contrôle médical.

Il convient donc de distinguer les réformes concernant l'organisation générale des caisses de celles visant les structures qui seront propres à l'assurance maladie. Ces dernières seront étudiées dans le cadre des commentaires 3° et 5° de cet article.

Au plan national, s'agissant du retour à la désignation des administrateurs, on peut noter qu'aucune élection n'ayant pu être organisée depuis 1983. L'abandon de ce mode de désignation ne fait que traduire sa caducité dans les faits. Ceci met fin, en outre, à la longue série de prolongations de mandats, toujours à titre provisoire, et généralement prévus par « DDOS » (projet de loi portant diverses dispositions d'ordre social) qui donnait un côté « surréaliste » aux mandats électifs actuels. De plus, il convient de souligner que le Gouvernement s'est engagé à demander aux partenaires sociaux de proposer leurs représentants au Gouvernement qui les nommera. Il n'y aura donc pas de rupture brutale entre les deux systèmes et ceci garantit une désignation de personnes impliquées dans la gestion partenariale. Au-delà, votre commission ne pense pas qu'il faille modifier la composition des conseils d'administration qui devrait rester fondée sur le paritarisme.

Sur la création d'un conseil de surveillance composé notamment de Parlementaires et de personnalités qualifiées, votre commission est favorable à un tel rééquilibrage qui semble s'inspirer d'un dispositif (le comité de surveillance) qu'elle avait elle-même institué par amendement à la loi du 22 juillet 1993 auprès du conseil d'administration du Fonds de solidarité vieillesse. Celui-ci, actuellement présidé par notre collègue Alain Vasselle, exerce un rôle de contrôle et de proposition sur les activités en FSV et se réunit au moins une fois par an.

Votre commission souhaite que ce conseil de surveillance puisse jouer un rôle « d'interface » entre les parlementaires, qui seront également au point de départ des décisions concernant la protection sociale à l'issue de la révision constitutionnelle, et les gestionnaires des régimes sociaux qui ne devront pas être exclus de ces structures.

Elle espère, par ailleurs, que cette innovation permettra d'assurer enfin la représentation des autres acteurs du système de protection sociale, actuellement absents du conseil d'administration, comme par exemple les professions de santé, les associations familiales ou de retraités.

En ce qui concerne la contractualisation des rapports entre l'État et les caisses nationales de sécurité sociale, elle approuve la recherche d'une clarification des responsabilités et la définition d'objectifs communs desquelles devrait ressortir plus d'efficacité.

Enfin, contrairement à ce que semble indiquer le rapport du rapporteur du présent projet de loi à l'Assemblée nationale, M. Daniel Mandon, votre commission considère que les règles relatives à la tutelle exercée par l'État sur ces caisses pourront être visées par les ordonnances afin de les rendre compatibles avec les objectifs définis ci-dessus.

Sur le plan local, les trois mesures principales, à savoir la rationalisation de la répartition sur le territoire national des caisses locales de sécurité sociale, l'élargissement de la composition des conseils d'administration et le renforcement des responsabilités des directeurs qui seront désormais nommés par les directeurs de caisses nationales apparaissent cohérentes avec les objectifs de clarification et d'efficacité assignés à la réforme.

Toutefois, votre commission appelle l'attention sur le fait que la rationalisation des caisses ne doit pas remettre en cause les conditions d'accueil du public et estime même qu'une rationalisation judicieuse devrait se traduire par une amélioration de celui-ci notamment au plan qualitatif.

Quant à la responsabilité des directeurs locaux, elle attend en effet un renforcement de la cohérence de la pyramide des décisions et des responsabilités entre les échelons nationaux et locaux mais s'interroge également sur les risques d'une trop forte centralisation du dispositif qui serait contraire aux objectifs annoncés.

Article premier 7°- « définissant, sans empiéter sur le domaine exclusif de la loi de finances, les modalités de consolidation et d'apurement de la dette accumulée au 31 décembre 1995 par le régime général de sécurité sociale et par le régime d'assurance maladie des travailleurs non salariés des professions non agricoles, ainsi que du déficit prévisionnel de l'exercice 1996 de ces régimes, et instituant les organismes et les ressources, notamment fiscales, nécessaires à cet effet »

Cet alinéa concerne le traitement qui sera réservé à la dette sociale accumulée. On a rappelé dans l'exposé général que celle-ci s'établira à environ 230 milliards fin 1995 pour le seul régime général.

L'opération de reprise des déficits cumulés à la fin de l'année par l'État à hauteur de 110 milliards n'a pas empêché ce régime général de connaître en 1994 et 1995 des déficits considérables.

Ces déficits pèsent lourdement sur les comptes du régime général.

Ainsi, les charges d'intérêts du régime ont crû fortement sous l'effet du déséquilibre entre les dépenses et les recettes : atteignant 4,5 milliards de francs en 1995, elles se seraient élevées, sans mesures de redressement, à 8,2 milliards de francs en 1996.

C'est pourquoi la sauvegarde de notre protection sociale rend indispensable d'accompagner les mesures structurelles de réforme du régime général de l'apurement des déficits accumulés depuis 1994, soit près de 120 milliards de francs.

Au-delà de l'apurement de la dette cumulée, cette opération doit permettre de reconstituer le fonds de roulement du régime général, afin de lui garantir, une fois l'équilibre restauré, une situation de trésorerie satisfaisante.

I. LES MODALITÉS DE CONSOLIDATION D'APUREMENT DE LA DETTE SOCIALE ACCUMULÉE

Un établissement public national, à caractère administratif, sera créé à cet effet et autorisé à reprendre la dette du régime général dès la fin de l'année.

Cet établissement se verra affecter, par ailleurs, le patrimoine immobilier locatif des caisses nationales de sécurité sociale. Il recevra également le produit des remboursements par les États étrangers des dettes sanitaires qu'ils ont contractées auprès des établissements hospitaliers publics français ; les dettes non soldées viendront en déduction des concours mis en place par la France au titre de l'aide publique au développement.

En outre, dans un souci de clarification, le Gouvernement réservera le Fonds solidarité de Vieillesse à la seule prise en charge des prestations non contributives de solidarité servies aux personnes âgées.

Dans cette perspective, le Fonds de Solidarité Vieillesse sera libéré des dépenses exceptionnelles correspondant à la prise en charge de la dette de 110 milliards de francs accumulée à la fin de l'année 1993. Cette opération permettra de renforcer les transferts de solidarité au profit du régime général d'assurance vieillesse.

Le financement des charges correspondant à la reprise de l'intégralité de la dette du régime général à la fin de l'année 1995 sera assuré par une contribution relevée sur l'ensemble des revenus des Français et dont le taux sera fixé à 0,5 point. Son rendement est évalué à 25 milliards en 1996.

Cette contribution, exceptionnelle et temporaire, couvrira la période amortissement de la dette , soit une durée de 13 ans.

II. LES OBSERVATIONS DE VOTRE COMMISSION

Votre commission tient à relever les éléments positifs de cette démarche :

1. Les conditions de la reprise de la dette

La reprise de dette ainsi opérée s'effectue dans des conditions de clarté plus satisfaisantes que la précédente opération mise à la charge du FSV.

Sur le plan des principes, la commission avait souligné dès l'origine le risque de confusion qu'entraînait la reprise de dette par le FSV par rapport à sa vocation « naturelle » : la prise en charge du non-contributif vieillesse. C'est d'ailleurs la raison pour laquelle, elle avait prévu par amendement à la loi du 22 juillet 1993 de préciser que le FSV a une mission à titre permanent correspondant à sa vocation fondamentale et une mission à caractère temporaire, celle de rembourser les avances faites à l'ACOSS par l'État jusqu'au 31 décembre 1993. Il faut préciser que les dépenses du FSV font également, à la suite d'un amendement de votre commission, l'objet de deux sections distinctes correspondant à ces deux missions.

De plus, en 1993, l'opération de reprise de dette ne s'était pas effectuée dans des conditions de grande transparence. Comme l'a souligné le rapport de la Cour des comptes sur la sécurité sociale de 1995, la dette réelle a été surévaluée, pour des raisons techniques, d'environ 16,7 milliards, les déficits cumulés finalement constatés ayant représenté moins de 94 milliards. Ce reliquat a été un moment considéré dans son ensemble comme un fonds de roulement utile pour les différentes branches, une fois apurés les comptes des organismes bénéficiaires. Mais de cette somme a été retranché le montant nécessaire au financement de la majoration exceptionnelle de l'allocation de rentrée scolaire pour l'année 1993. En définitive, seuls 10,9 milliards ont été réservés à ce fonds de roulement, soit 3,6 milliards à chaque branche.

Cet objectif de transparence conduit votre commission à souhaiter que la gestion de cette nouvelle caisse d'amortissement de la dette sociale ne soit pas seulement confiée à des représentants des ministères concernés et des grands corps de l'État mais fasse également une place aux caisses nationales concernées par la reprise des dettes.

2. La question du déficit prévisionnel pour 1996

Il s'agit d'une opération globale qui se présente comme « solde de tout compte ».

En effet, non seulement elle concerne la dette constatée fin 1993 déjà en cours d'amortissement mais elle intègre par anticipation le déficit prévisionnel pour 1996 estimé à 17 milliards.

Cette modalité est cohérente avec le projet de « refondation du système », selon l'expression du Premier ministre, qui se traduit donc ainsi par l'apurement de la situation passée pour reconstruire sur des bases nouvelles. Votre commission mesure l'importance et le courage de l'engagement ainsi pris par le Gouvernement.

Elle considère que pour optimiser cette opération, il est essentiel que la reprise de dettes prenne réellement effet au 1er janvier 1996 pour éviter que l'ACOSS (Agence centrale des organismes de sécurité sociale) ait à supporter des frais financiers excessifs. Ceci justifie notamment les dispositions rétroactives de l'article 2.

Elle s'interroge néanmoins sur les modalités d'une reprise par anticipation du déficit prévisionnel pour 1996 compte tenu des incertitudes qui pèsent sur sa prévision.

3. Un objectif d'équité

Il faut souligner que le financement sera assuré dans des conditions d'équité.

En effet, il sera essentiellement constitué par un nouveau prélèvement appelé RDS, remboursement de la dette sociale. Celui-ci aura une assiette très large à savoir tous les revenus, à l'exception des minima sociaux, des pensions militaires d'invalidité, des rentes d'accidents du travail et de revenus des livrets d'épargne exonérés (livret A et assimilés).

Votre commission suggère que son champ d'application concernant les personnes visées soit de préférence lié au critère de l'existence d'une couverture sociale en France, plutôt qu'au critère du domicile fiscal de façon à en faciliter la gestion. Cette distinction permettrait ainsi de viser plusieurs milliers de travailleurs frontaliers.

Au taux retenu, volontairement modéré, de 0,5 %, ce prélèvement devrait rapporter 25 milliards de recettes à cette caisse, par ailleurs alimentée par le produit des cessions immobilières des caisses et le remboursement de leurs dettes de sécurité sociale par les pays étrangers.

A cet égard, le dernier rapport de la commission des comptes de la sécurité sociale comporte des développements très intéressants sur le patrimoine des régimes de base de sécurité sociale.

Comme l'indique ce rapport, il peut paraître étonnant, en effet, que des caisses en quasi état de cession de paiement puissent conserver un important patrimoine de rapport, sous forme notamment de biens immobiliers. Le rapport précise que sont principalement concernées deux caisses du régime général (la CNAVTS et la CNAMTS) et la Caisse nationale de sécurité sociale dans les Mines (CANSSM).

Le patrimoine de la CNAVTS provient des anciennes caisses de capitalisation et est évalué à environ 1,4 milliard de francs. Celui de la CNAMTS est estimé à environ 2,5 milliards. Celui de la CANSSM, enfin, avoisinerait environ 2,5 milliards. Au total, selon le rapport de la Commission des comptes, l'ensemble peut être estimé à 6,5 milliards dont environ 4 milliards au titre du régime général.

Ce patrimoine bénéficie d'une rentabilité assez faible que le rapport impute notamment aux retards constatés dans la mise en oeuvre d'une politique volontariste de revalorisation des loyers.

Toutefois, votre commission estime que l'état actuel du marché immobilier, notamment dans la région parisienne, n'est guère propice à la cession dans les meilleures conditions financières, d'importants actifs immobiliers et que la valeur réelle de ce patrimoine est peut-être surévaluée. Par ailleurs, elle relève que l'affectation de produit de la vente du patrimoine de la CANSSM soulève des problèmes juridiques puisqu'il est de nature privé.

Au-delà de ces observations générales, votre commission s'interroge sur certains aspects de cette opération, notamment :

- sur la reprise de la dette des régimes des non salariés non agricoles. Celle-ci est limitée au déficit de la branche maladie à travers la Caisse autonome d'assurance maladie des travailleurs indépendants alors que les deux principales caisses d'assurance vieillesse enregistrent également de sérieux problèmes de trésorerie liés à des découverts croissants, notamment la caisse ORGANIC concernant les professions industrielles et commerciales. Le fait que le texte soumis au Parlement ne comporte plus de condition pour la reprise de la dette de la CANAM (suppression des termes « le cas échéant » qui figuraient dans la version initiale du projet de loi) constitue néanmoins une garantie pour les ressortissants de ce régime que votre commission approuve ;

- sur les liens entre le RDS et la « CSG élargie ». Le Gouvernement a annoncé une réforme du financement de la protection sociale passant par l'élargissement de l'assiette de la CSG, le basculement progressif d'une partie des cotisations maladie des salariés sur la CSG ainsi élargie et, enfin, une réforme des cotisations patronales dont l'assiette pourra être diversifiée, en intégrant par exemple la notion de valeur ajoutée de l'entreprise. Mais, votre commission appelle l'attention sur la nécessité d'éviter d'introduire durablement pour les employeurs une « troisième assiette sociale » (cotisations, CSG, RDS) impliquant une énième rubrique déclarative et alourdissant les risques d'évasion et de fraude.

Article premier 8°- « modifiant, sous la même réserve, les dispositions relatives au fonds de solidarité vieillesse pour recentrer ses missions sur le financement des prestations relevant de la solidarité nationale tout en préservant, par les ressources mentionnées au 7° ci-dessus, la neutralité de cette mesure pour le budget de l'État »

Cet alinéa concerne les missions du Fonds de solidarité vieillesse. Il indique que celles-ci seront « recentrées » sur la prise en charge des prestations relevant de la solidarité nationale sous réserve d'une part de respecter le domaine exclusif de la loi de finances, d'autre part de rester neutre vis-à-vis du budget de l'État.

I. LES MISSIONS DU FSV

Le Fonds de solidarité vieillesse a été institué par la loi n° 93-936 du 22 juillet 1993 et est régi par le décret n° 93-1354 du 30 décembre 1993. C'est un établissement public de l'État à caractère administratif placé sous la tutelle du ministre chargé de la sécurité sociale et du ministre chargé du budget.

Deux missions lui ont été assignées : d'une part, à titre permanent, le financement d'avantages d'assurance à caractère non contributif relevant de la solidarité nationale ; d'autre part, à titre exceptionnel, le remboursement du capital et des intérêts des dettes du régime général envers la Caisse des dépôts et consignations au 31 décembre 1993 prises en charge par l'État dans la limite de 110 milliards de francs.

Ses recettes sont constituées du produit de la majoration de 1,3 point de la CSG instituée à compter du 1er juillet 1993 et de l'essentiel des droits sur les alcools et les boissons non alcoolisées. En 1995, celles-ci devraient atteindre 65,8 milliards et pour 1996 les estimations s'établissent (avant le plan gouvernemental) à 68 milliards.

Ses dépenses peuvent être réparties entre trois postes essentiels : les prestations prises en charge, telles que le minimum vieillesse et les majorations de pension pour enfants à charge, soit un total de 33 milliards, les cotisations correspondant à des validations gratuites de périodes d'affiliation soit environ 22,8 milliards et le remboursement des dettes constatées au 31 décembre 1993 soit 6,7 milliards (chiffres pour 1995).

(1) Avant le plan gouvernemental.

Le FSV verse sur ce total environ 60 % au régime général, soit 39 milliards en 1994 et 42,6 milliards en 1995. Le solde se répartit entre les régimes autonomes alignés (CANCAVA, ORGANIC, salariés agricoles), le régime d'assurance vieillesse des professions libérales (CNAVPL) et le régime des exploitants agricoles.

Cette prépondérance du régime général résulte notamment du poids de la prise en charge des périodes d'assurance chômage et de service et des majorations pour enfants à charge.

Il convient de noter qu'à compter de 1996, le FSV aurait dû commencer à rembourser non plus seulement les intérêts liés à la dette du régime général prise en charge par l'État au 1er janvier 1994 mais également le capital. L'annuité afférente à cette opération serait passée ainsi de 6,8 milliards de francs en 1995 à 12,5 milliards en 1996.

Mais comme le souligne chaque année le rapport de la Commission des comptes depuis la création du FSV, aucun texte, qu'il soit de nature législative, réglementaire ou contractuelle, ne détermine les obligations du FSV en ce qui concerne le remboursement de cette dette. Seul, l'exposé des motifs de l'article 105 de la loi de finances pour 1994, sans valeur juridique prévoyait un tel dispositif étalé sur quinze ans.

II. LES MODIFICATIONS ENVISAGÉES ET LEURS EFFETS

Le plan gouvernemental prévoit que l'intégralité de la dette accumulée jusqu'en 1993 devra faire l'objet d'un transfert du FSV à la nouvelle caisse d'amortissement de la dette sociale. Celui-ci va donc se trouver déchargé du poids d'un versement qui à partir de 1996 devait s'établir à 12,5 milliards par an.

Comme par ailleurs, le Premier ministre a annoncé que l'entrée en vigueur de la prestation d'autonomie serait retardée d'un an, les ressources libérées par l'externalisation de la dette vont pouvoir être réemployées au profit de la mission permanente du FSV : la prise en charge des prestations à caractère non contributif relevant de la solidarité nationale.

L'habilitation demandée au Parlement dans le cadre du 8° de l'article premier répond donc précisément à l'orientation définie ainsi par le Premier ministre le 15 novembre dernier : « Il n'est pas sain que le remboursement de cette dette pèse sur l'équilibre des branches. Il n'est pas normal que les ressources du Fonds de solidarité vieillesse soient amputées de 12,5 milliards de francs pour financer l'annuité de la dette des années 92 et 93. L'argent du FSV doit aller à de vraies dépenses de solidarité, pas à l'apurement du passé. Le Gouvernement souhaite clarifier une fois pour toutes la situation. »

Le Gouvernement envisage donc de réaffecter les 12,5 milliards susmentionnés au rééquilibrage de la branche vieillesse. Ceci prendra la forme d'un accroissement de la prise en charge par le FSV de la validation des périodes de chômage. En effet, les contributions versées par le FSV au titre de cette validation sont calculées sur une base forfaitaire définie par décret. Le salaire de référence actuellement pris en compte est équivalent à 60 % de la valeur du SMIC. Ce pourcentage devrait être porté à 90 % du SMIC selon les indications qui ont été fournies à votre commission. Cette augmentation correspond effectivement à une charge pour le FSV évaluée à 11 milliards de francs pour les exercices 1996 et 1997.

Parallèlement, à côté de cette nouvelle dépense, le FSV bénéficiera d'une nouvelle recette : le prélèvement de 6 % à la charge des entreprises, assis sur la part patronale des contrats complémentaires de prévoyance et de maladie souscrits auprès des sociétés d'assurance, mutuelles et institutions de prévoyance complémentaire. Son rendement est réévalué à 2,5 milliards de francs en 1996 et 1997.

Il convient de rappeler qu'actuellement ce type de versement des entreprises au profit de leurs salariés est totalement exonéré de cotisations sociales, dans la limite de 85 % du plafond de la sécurité sociale. Les primes versées annuellement au titre de ces contrats sont estimées à 52 milliards dont 25 milliards pour l'assurance maladie complémentaire et 27 milliards pour l'assurance complémentaire prévoyance.

L'habilitation demandée au Parlement concernant le FSV appelle donc plusieurs remarques.

1. Le recentrage des missions du FSV

L'annonce d'un recentrage des missions du FSV constitue un indéniable progrès dans le sens de la clarification souhaitée par le Gouvernement. Elle n'élimine toutefois pas toute ambiguïté.

En premier lieu, votre commission se félicite de la volonté du Gouvernement d'opérer une clarification et de mettre un terme à la mission rattachée initialement à titre exceptionnel au FSV. Dès l'origine, votre commission avait souligné les risques de confusion liés à l'existence de deux missions d'une portée radicalement différente.

Le rapporteur du projet de loi qui a institué ce Fonds notait ( ( * )11) ainsi que le projet de loi lui confiait le soin « de régler deux problèmes de nature et de portée très différentes, au risque de créer une confusion préjudiciable à la réussite des objectifs de ce texte.

En effet, d'une part, il vise à répondre à un problème de nature structurelle qui est celui de la nécessité de clarifier le domaine du non-contributif par rapport au contributif afin d'engager les réformes évoquées précédemment : financement distinct, remise en ordre des avantages redistributifs, responsabilisation des partenaires sociaux à l'égard de l'évolution des dépenses d'assurance vieillesse.

Mais, d'autre part, le projet prévoit également que le fonds devra régler, et ceci avec les mêmes ressources, un problème qui est davantage conjoncturel et de trésorerie, à savoir, l'équilibre financier du régime général d'ici la fin de l'année 1993. »

Votre commission ne peut donc qu'approuver la demande gouvernementale tendant à réserver les ressources du FSV au financement des prestations relevant de la solidarité nationale.

Toutefois, elle s'interroge sur l'emploi du verbe « recentrer » qui pourrait laisser entendre que la mission rappelée ci-dessus ne serait pas exclusive mais serait seulement la principale, du point de vue financier par exemple.

Cette crainte est d'autant plus vive que votre commission constate qu'à l'issue des modifications annoncées par le Gouvernement le FSV pourrait se retrouver en « suréquilibre » d'environ 4 milliards de francs en fonds de roulement.

Si ces sommes sont mises en réserve pour le financement de la future prestation d'autonomie, votre commission ne saurait que louer cette sage précaution mais il ne faudrait pas que l'excédent ainsi dégagé en 1996 soit absorbé par de nouvelles charges permanentes qui compromettraient d'autant l'équilibre financier à venir du FSV.

2. Sa portée juridique

Une partie seulement des mesures envisagées par le Gouvernement relève du domaine législatif.

En effet, l'accroissement des versements en faveur de la CNAVTS à travers le changement de la base forfaitaire relève du domaine réglementaire, l'article L. 135-2 précisant que celle-ci est déterminée après avis des conseils d'administration des caisses des régimes d'assurance vieillesse concernées et dans des conditions fixées par décret en Conseil d'État.

En revanche, l'élargissement des recettes du FSV au produit du prélèvement sur les primes d'assurance de groupe et le resserrement des missions ainsi que des dépenses requièrent des dispositions législatives modifiant les articles L. 135-1 et L. 135-2 du code de la sécurité sociale.

3. Les limites de l'habilitation

Les conditions fixées par le 8° de l'article premier (respect du domaine exclusif de la loi de finances et neutralité vis-à-vis du budget de l'État) traduisent la prise en compte de la jurisprudence récente du Conseil constitutionnel.

Il existe en effet un domaine exclusif des lois de finances, et le juge constitutionnel a eu l'occasion de le rappeler notamment dans sa décision du 29 décembre 1994. A propos de la mise à la charge du FSV du montant des bonifications de pensions pour enfant à charge le Conseil a ainsi réaffirmé que

« Considérant que le respect des règles d'unité et d'universalité budgétaires ainsi énoncées s'impose au législateur ; que ces règles fondamentales font obstacle à ce que les dépenses qui, s'agissant des agents de l'État, présentent pour lui par nature un caractère permanent ne soient pas prises en charge par le budget ou soient financées par des ressources que celui-ci ne détermine pas ; qu'il en va ainsi notamment du financement des majorations de pensions, lesquelles constituent des prestations sociales légales dues par l'État à ses agents retraités ;

Considérant en outre que les règles énoncées ci-dessus s'appliquent aux budgets annexes, dont les dépenses d'exploitation suivent les mêmes règles que les dépenses ordinaires du budget, en vertu de l'article 21 de l'ordonnance du 2 janvier 1959 ;

Considérant qu'aux termes de l'article 1003-4 du code rural, le budget annexe des prestations sociales agricoles (BAPSA) comporte en dépenses notamment les versements destinés au paiement par les caisses... « des prestations de l'assurance vieillesse des non-salariés agricoles ... » ;

Considérant que, par suite, en prévoyant la prise en compte dans les dépenses du fonds de solidarité vieillesse d'une dépense à caractère permanent incombant au budget annexe des prestations sociales agricoles, l'article 34 de la loi déférée a méconnu le principe d'universalité susvisé ; »

Votre commission note cependant que dans le projet de loi de finances initiale pour 1996, cette jurisprudence ne semble pas avoir été prise en compte et qu'une même opération visant à « débudgétiser » les majorations de pension pour enfant à charge du régime agricole figurant au BAPSA a été prévue.

Sous le bénéfice de ces observations, votre commission vous demande d'adopter l'ensemble de cet article sans modification.

Art. 2 - Entrée en vigueur des ordonnances

Cet article vise à permettre de donner un effet rétroactif aux ordonnances comportant des mesures de financement, d'économie ou de trésorerie nécessaires à la réduction du déficit prévisionnel des régimes obligatoires de base de sécurité sociale pour 1996, à l'exception de celles qui concernent les établissements de santé visées par le 5° de l'article premier. Cette rétroactivité serait, en tout état de cause, limitée puisque l'article 2 prévoit qu'elle prendrait effet au plus tôt le 1er janvier 1996.

Il s'agit d'une précaution nécessaire et justifiée, dans la mesure où il n'est pas sûr que les ordonnances seront promulguées effectivement avant le 31 décembre. Il convient en particulier de tenir compte de l'éventualité d'une saisine du Conseil Constitutionnel et des délais inhérents à l'élaboration de textes particulièrement techniques et importants. Or, l'entrée en vigueur de nouvelles règles, en cours d'année et même au milieu d'un mois civil, soulève de sérieuses difficultés, tout particulièrement lorsqu'il s'agit de mesures financières.

Il convient de souligner, par ailleurs, que cette rétroactivité sera strictement encadrée. D'une part, le champ de la rétroactivité ne s'étend pas aux dispositions relatives aux établissements de santé et ne concerne que les mesures ayant une incidence financière afin d'éviter les difficultés comptables.

D'autre part, l'article 2 fait explicitement référence à la nécessité de respecter les principes de valeur constitutionnelle. Un tel rappel n'était pas indispensable dans la mesure où le juge constitutionnel se réserve en effet, s'il est saisi, la possibilité de contrôler la conformité des ordonnances à l'occasion de l'examen des lois de ratification.

En effet, le contrôle de la constitutionnalité d'une loi de ratification conduit le juge constitutionnel à apprécier la constitutionnalité des ordonnances. Dans une décision n° 83-156 DC du 28 mai 1983, le Conseil Constitutionnel, saisi d'une loi de ratification, a examiné la constitutionnalité de ce texte, en se référant tantôt à la loi, tantôt à l'ordonnance ratifiée. De même, dans une décision n° 84-176 DC du 4 juin 1984, le Conseil a apprécié, par le biais de la loi la ratifiant, la constitutionnalité d'une ordonnance.

Mais c'est au regard des seuls principes et règles à valeur constitutionnelle, que le Conseil se prononce et non par rapport à la loi d'habilitation qui reste un texte de valeur législative.

La précision apportée par l'article 2 est surtout significative de la volonté du Gouvernement d'agir dans le strict respect de notre Constitution et : la jurisprudence du Conseil Constitutionnel.

L'Assemblée nationale a adopté un amendement de portée essentiellement rédactionnelle sur cet article afin d'en clarifier l'énoncé.

Votre commission vous propose d'adopter cet article sans modification.

Art. 3 - Délai de ratification

Cet article fixe la date du dépôt du projet de loi portant ratification les ordonnances qui seront prises, en vertu de l'article premier, au plus tard le 1 mai 1996.

Ce délai marque là encore, par sa relative brièveté, la détermination au Gouvernement d'agir vite tout en préservant les droits du Parlement. Ainsi, : projet de loi sera déposé un mois environ après l'adoption des dernières ordonnances, si le présent projet de loi est bien voté avant la fin du mois de décembre prochain.

A défaut de dépôt avant le délai imparti, l'article 38 de la Constitution indique que les ordonnances prises sur la base de l'habilitation législative deviennent caduques. Celui-ci est donc particulièrement important pour assurer la pérennité des mesures qui seront mises en oeuvre par le Gouvernement dans le cadre desdites ordonnances.

Il convient de préciser cependant trois particularités concernant la procédure de ratification. Premièrement, si la Constitution impose la fixation un délai pour déposer le projet de loi de ratification, elle n'oblige pas à révoir la délibération et le vote de ce projet. Les termes de l'article 38, en effet, ont été interprétés au sens strict par le Conseil Constitutionnel comme visant la procédure formelle.

Deuxièmement, on distingue les ratifications explicites, c'est-à-dire faisant l'objet d'un projet de loi de ratification à part entière et les ratifications implicites, c'est-à-dire intervenant selon d'autres procédures.

Ainsi, dans sa décision n° 72-732 du 29 février 1972 relative à l'ordonnance n° 67-693 du 17 août 1967 concernant la participation des salariés aux fruits de l'expansion, le Conseil Constitutionnel a admis que à l ' article 38 de la Constitution ne fait pas obstacle à ce qu'une ratification intervienne selon d'autres modalités que celles de l'adoption du projet de loi de ratification ; elle peut résulter d'une manifestation de volonté implicitement mais clairement exprimée par le Parlement » .

Une ratification implicite peut intervenir, par exemple, à l'occasion de la modification législative d'une disposition d'une ordonnance.

Enfin, la ratification a pour effet de réintégrer le contenu des ordonnances dans le domaine législatif. Dans ce cas, le Conseil Constitutionnel considère qu'aucun recours administratif ne peut plus être exercé contre elles.

Les voies de recours concernant des ordonnances sont donc les suivantes :

1° A l'égard d'ordonnances non ratifiées, des recours devant les juridictions administratives peuvent être formés dans le délai de deux mois à compter de la publication de l'ordonnance ;

2° Lorsque les ordonnances sont ratifiées (explicitement ou implicitement), elles ne peuvent plus faire l'objet de recours. Le Conseil Constitutionnel peut seulement se prononcer sur la conformité à la Constitution de la loi de ratification des ordonnances dans le cas où cette loi serait votée par le Parlement et serait déférée au Conseil dans les conditions prévues par l'article 61 de la Constitution.

Votre commission manifeste évidemment sa préférence pour que le Gouvernement fasse, le moment venu, le choix d'une ratification explicite afin d'organiser un vrai débat sur l'action du Gouvernement dans le cadre de l'habilitation accordée et de permettre un contrôle approfondi du Parlement sur le contenu des ordonnances. C'est d'ailleurs ce qu'a évoqué le Premier ministre le 15 novembre 1995 en prévoyant un « débat de ratification avant l'été 1996 ».

Sous le bénéfice de cette observation, elle vous demande d'adopter cet article sans modification.

C'est pour tous ces motifs que votre commission vous demande d'adopter le présent projet de loi sans le modifier.

TRAVAUX DE LA COMMISSION

I. AUDITION DU MINISTRE

La commission des Affaires sociales s'est réunie le jeudi 30 novembre 1995 sous la présidence de M. Jean-Pierre Fourcade, président, afin de procéder à l'audition de M. Jacques Barrot, ministre du travail et des affaires sociales, sur le projet de loi autorisant le Gouvernement, par application de l'article 38 de la Constitution, à réformer la protection sociale.

M. Jacques Barrot a indiqué que le projet de loi d'habilitation était conforme au plan de réformes sur la protection sociale proposé par le Premier ministre mais ne prédéterminait pas dans le détail le contenu des ordonnances qui seraient préparées en concertation avec les commissions compétentes du Parlement.

Il a précisé d'emblée que les régimes spéciaux n'étaient pas concernés par les ordonnances, contrairement à certaines rumeurs. Une commission présidée par M. Dominique Le Vert venait d'être chargée de faire des propositions dans le délai de quatre mois sur leur adaptation afin de préserver leur avenir.

Puis, il a rappelé les grandes lignes du plan de réforme en mettant l'accent sur l'importance de la réforme constitutionnelle visant à renforcer le rôle du Parlement, véritable « clé de voûte » du nouveau système de protection sociale et dont le texte a déjà été transmis au Conseil d'État.

Il a confirmé que le projet de loi d'habilitation sur les ordonnances serait examiné le 7 décembre à l'Assemblée nationale et le 14 décembre au Sénat. Quant aux ordonnances, les deux premières, relatives au remboursement de la dette sociale et aux mesures immédiates de rééquilibrage financier, interviendraient entre la fin du mois de décembre et le début du mois de janvier, les trois autres concernant la réforme hospitalière, les mesures de maîtrise médicalisée et l'organisation des caisses seraient adoptées avant la fin du mois d'avril.

Il a rappelé à cet égard qu'il viendrait présenter chacune d'entre elles aux membres de la commission et recueillir ainsi leurs suggestions.

La réforme constitutionnelle, qui devrait venir à l'ordre du jour du conseil des ministres du 13 décembre prochain, pourrait être examinée par le Parlement dès le mois de janvier.

Il a évoqué également les trois projets de loi qui devraient être déposés au cours du premier semestre 1996 concernant respectivement le régime universel d'assurance maladie, le développement de l'épargne retraite et la réforme fiscale sur les prélèvements obligatoires.

Puis, M. Jean-Pierre Fourcade, président, a demandé s'il y aurait un projet de loi sur les régimes spéciaux à l'issue des travaux de la commission Le Vert. Il a obtenu une réponse positive du ministre sur ce point.

M. Charles Descours a interrogé notamment le ministre sur les modalités de consultation de la commission des Affaires sociales sur les ordonnances, sur l'apparente contradiction entre les objectifs définis par le Premier ministre et l'ouverture de crédits par le projet de loi de finances pour 1996 qui ont eu pour effet d'anticiper de cinq ans le départ à la retraite des personnels des services pénitentiaires ; sur le plafond de revenus des mesures prenant en compte « la situation matérielle » des familles, ainsi que sur le champ d'application et la portée des contrats d'objectifs dans le domaine sanitaire ; sur le décalage entre la volonté de décentralisation du système sanitaire et la nouvelle chaîne des responsabilités étroitement dépendante de l'État ; sur les raisons de l'élargissement des mesures d'apurement de la dette sociale à la Caisse nationale d'assurance maladie des non salariés (CANAM) ; sur les différences entre la contribution au remboursement de la dette sociale (RDS) et la contribution sociale généralisée (CSG) après l'élargissement de son assiette, et enfin, sur la portée de l'article 2.

M. Jacques Barrot, ministre, a indiqué que la mesure concernant les personnels pénitentiaires répond à un engagement visant à permettre l'alignement de la situation de ces derniers sur celle des policiers et qu'elle relevait du code des pensions civiles et militaires. Il a estimé prématuré de répondre aux questions relatives au système de santé tant que le dispositif des agences régionales n'aurait pas été arrêté tout en insistant sur la nature contractuelle des liens qui devraient unir les différentes structures et la nécessité de procéder à une réflexion en profondeur afin de ne pas superposer celles-ci. Il a admis que les conseils d'administration des hôpitaux devraient peut-être avoir des compétences élargies et qu'il faudrait éviter une organisation trop pyramidale des pouvoirs. Sur l'allocation parentale pour jeune enfant (APJE), il a rappelé que le plafond de ressources existait au-delà de l'âge de trois mois et que le Gouvernement prévoyait seulement de l'étendre à la période allant du troisième mois de grossesse au troisième mois suivant la naissance. Le rééquilibrage permettra par ailleurs l'accélération de l'application de la loi famille et le renforcement de l'action sociale des caisses. Il a justifié l'élargissement de l'apurement financier au régime d'assurance maladie des non salariés non agricoles par sa situation de trésorerie. Il a enfin indiqué que l'article 2 garantirait la date d'effet de certaines mesures, notamment financières, au 1er janvier 1996 quels que soient les délais d'adoption de la loi d'habilitation.

A cet égard, M. Hervé Gaymard, secrétaire d'État chargé de la santé et de la sécurité sociale, a souligné que le Sénat pourrait améliorer la rédaction de cet article.

M. Jean Chérioux s'est félicité que le plan de réforme de la protection sociale ne prévoit pas de placer les allocations familiales sous conditions de ressources. Il a vivement regretté que le Gouvernement n'adopte pas la même position au sujet de l'allocation pour jeune enfant, qui est une prestation à visée démographique. Il a interrogé le ministre sur les modalités de fiscalisation des allocations familiales ainsi que sur la représentation des familles au sein des conseils d'administration des caisses vieillesse et d'assurance maladie.

Il a observé que, si le projet de loi de finances tendait à aligner le régime de retraite des personnels pénitentiaires sur celui des policiers, rien n'excluait que la réforme de la protection sociale modifie dans quelques mois ce même régime des policiers.

M. Jacques Barrot, ministre du travail et des affaires sociales, a

indiqué que l'allocation pour jeune enfant n'était dispensée sans condition de ressources qu'avant l'âge de trois ans. Il a accepté de mieux examiner les plafonds de ressources prévus par la réforme.

Il a indiqué que l'assujettissement à l'impôt des allocations familiales serait réalisé dans le cadre de la réforme fiscale. Il a rappelé que les familles modestes seraient épargnées et que cet assujettissement ne pourrait avoir pour effet de rendre imposables des familles qui ne l'étaient pas actuellement. Il a aussi rappelé que le produit de l'imposition des allocations familiales serait affecté à la branche famille.

Il a envisagé l'éventualité de demander un rapport annuel préparé par l'Union nationale des associations familiales pour permettre de faire le point sur ces questions.

Il a rappelé que les grandes réformes de la sécurité sociale avaient été réalisées par ordonnances. Il a justifié cette méthode par la volonté de prendre des mesures courageuses, nombreuses et audacieuses.

M. Roland Huguet lui a fait part de son incompréhension totale sur la procédure des ordonnances puisqu'il y aurait quand même consultation des commissions parlementaires. Il l'a interrogé sur le coût de l'assujettissement des allocations familiales à l'impôt sur le revenu et a déploré le report de la mise en place de la prestation d'autonomie.

Il a estimé à six milliards de francs le produit de la fiscalisation des allocations familiales : trois milliards de francs seraient utilisés afin d'aménager le barème de l'impôt, les trois autres milliards étant affectés à la branche famille.

Il a indiqué qu'il ne connaissait pas encore le calendrier d'examen par le Parlement du projet de loi sur la prestation autonomie. Il a estimé qu'un examen au cours du premier semestre permettrait à la fois de respecter les orientations fixées par le Premier ministre, de faire une réforme de grande ampleur instituant une prestation aussi bien pour le maintien à domicile que pour l'hébergement en établissement, et de donner aux départements le temps nécessaire pour s'adapter à cette nouvelle donne.

M. Alain Vasselle a affirmé que la réforme fiscale ne devrait pas pénaliser les classes moyennes. Il a rappelé que de nombreux jeunes ménages issus des classes moyennes hésitaient aujourd'hui à avoir des enfants, pour des raisons économiques.

Il a interrogé le ministre sur l'opportunité de maintenir dans le projet de loi d'habilitation la précision selon laquelle le déficit de la CANAM ne serait inclus que « le cas échéant » dans la dette isolée dans la caisse d'amortissement.

Il a demandé au ministre de préciser les intentions du Gouvernement en ce qui concernait le fonds de solidarité vieillesse (FSV).

M. Jacques Barrot, ministre du travail et des affaires sociales, a fait siens les propos tenus par M. Alain Vasselle au sujet des classes moyennes. Il a indiqué que le fonds de solidarité vieillesse devait être consacré exclusivement à la prise en charge de prestations de solidarité. Il a observé qu'il existait cependant d'autres tentations au sein d'un autre ministère, mais qu'il convenait de n'y pas céder.

M. Jean-Louis Lorrain a indiqué au ministre que le régime d'Alsace-Moselle était équilibré et que l'on s'orientait vers une baisse des cotisations. Il lui a demandé si la sécurité sociale ne pourrait pas s'inspirer de cet exemple.

M. Jacques Barrot, ministre du travail et des Affaires sociales, a

estimé que M. Jean-Louis Lorrain avait raison. Quand des institutions ont fait leurs preuves, il faut en effet s'y référer. Il a souhaité, à cet égard, que des expérimentations soient mises en place.

Mme Michelle Demessine s'est insurgée contre la méthode autoritaire du Gouvernement qui l'amenait à recourir aux ordonnances. Elle a estimé inconcevable que celui-ci refuse d'écouter des millions de Français en grève et s'attaque aux chômeurs et aux plus démunis. Elle a indiqué que la taxation du capital au même taux que celui qui est actuellement appliqué aux revenus du travail permettrait de dégager plus de 70 milliards de francs.

Elle a estimé que l'assujettissement des allocations familiales à l'impôt sur le revenu aboutissait, de fait, à soumettre leur bénéfice à des conditions de ressources.

Elle a regretté de n'avoir pu entendre, en commission, le ministre du travail et des affaires sociales au sujet des crédits de son ministère.

Elle a enfin rappelé que de nombreuses personnes bénéficiaires d'un contrat emploi-solidarité seraient confrontées au problème de son renouvellement compte tenu des restrictions budgétaires et que l'État remettait en cause sa prise en charge du dispositif.

M. Jacques Barrot, ministre du travail et des affaires sociales, a

indiqué à Mme Michelle Demessine que l'assiette de la nouvelle contribution RDS (remboursement de la dette sociale) comprendrait les revenus du patrimoine à hauteur de 20 % alors que la contribution sociale généralisée (CSG) ne les intégrait qu'à hauteur de 7 %. Aller au-delà serait prendre des risques majeurs pour l'avenir de l'épargne.

Il a regretté de n'avoir pas pu présenter à la commission les crédits du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle et que les peurs des citoyens face à la réforme de la sécurité sociale soient alimentées par des fausses rumeurs ou des éléments de désinformation délibérée.

Évoquant les contrats emploi-solidarité, il a déclaré que des problèmes importants auraient pu naître en l'absence de la « rallonge » de 35.000 contrats supplémentaires qui avait été accordée. Il a indiqué que le projet de loi contre l'exclusion irait plus loin, grâce notamment à « l'activation » des dépenses du RMI.

M. Dominique Leclerc a indiqué que la réforme de la sécurité sociale était urgente. Il a estimé qu'il fallait absolument lutter contre les abus, sans montrer du doigt telle ou telle catégorie.

M. Jacques Machet a encouragé le ministre en lui disant que « quand on est dans le même bateau, il faut que l'on s'aide ».

M. Louis Boyer a estimé que la réforme se heurtait à la conjonction des égoïsmes. Il a regretté que les conducteurs de train d'aujourd'hui, qui ne vivent pas une vie aussi difficile que les conducteurs d'anciennes machines, souhaitent cependant bénéficier des mêmes avantages que leurs aînés.

Il a jugé nécessaire une meilleure évaluation des activités hospitalières, indiquant que la densité en personnels de services hospitaliers ayant une activité identique allait du simple au double. Il a estimé qu'une réflexion tendant à résoudre ces anomalies était au moins aussi urgente que celle qui était menée sur la composition des conseils d'administration.

M. Jacques Barrot, ministre du travail et des affaires sociales, a fait siens les propos des trois derniers orateurs.

II. AUDITIONS DIVERSES

La commission des Affaires sociales s'est réunie le vendredi 1er décembre 1995, sous la présidence de M. Jean-Pierre Fourcade, président, afin de commencer les auditions sur le projet de loi autorisant le Gouvernement, par application de l'article 38 de la Constitution, à réformer la protection sociale.

La commission a tout d'abord procédé à l'audition de M. Jean-Paul Probst, secrétaire général adjoint de la Confédération française des travailleurs chrétiens (CFTC).

M. Jean-Paul Probst a déclaré, au préalable, que la CFTC avait exprimé un accord global, assorti de quelques nuances, sur l'architecture générale du dispositif de réforme de la sécurité sociale qui lui avait été soumis.

Il a approuvé les dispositions relatives à l'assurance vieillesse qui prévoient un transfert financier entre le fonds de solidarité vieillesse (FSV) et la caisse nationale d'assurance vieillesse (CNAV) pour assurer l'équilibre financier des régimes de base. Concernant les prestations familiales, il a exprimé son accord sur les mesures tendant à confier à la caisse nationale d'allocations familiales (CNAF) la charge de gérer, directement ou indirectement, toutes les prestations servies en matière de politique familiale.

Il a estimé que, dans un premier temps, les modalités actuelles de gestion des prélèvements au titre de la branche famille pourraient être maintenues et a envisagé, à terme, la généralisation de la cotisation sur les salaires de 5,4 % applicable aujourd'hui dans le secteur privé.

Il a estimé que la simplification du régime des prestations familiales garantirait une meilleure lisibilité du système et une meilleure information des usagers.

Concernant les dépenses de santé, il a indiqué que la CFTC, qui réclame depuis longtemps une réforme du système, approuvait la mise en place d'un dispositif de régulation des dépenses sur le plan régional, ainsi que la deuxième étape du processus visant à mieux déterminer le comportement des acteurs sur le terrain afin de les contraindre au respect des objectifs prévisionnels. Il a estimé, à cet égard, que chaque médecin devrait signer la convention régionale et être informé de ses droits et de ses devoirs.

Il a souhaité une concertation préalable avec le comité technique des institutions de prévoyance (CTIP) en ce qui concerne les prélèvements qui seraient appliqués aux versements effectués par les entreprises, pour le compte de leurs salariés, au titre de la prévoyance.

S'agissant de la réforme de l'organisation sanitaire et des établissements de santé, il s'est déclaré favorable à la création d'instances régionales, à la condition qu'elles assurent la représentation tripartite de l'État, des partenaires sociaux et des « partenaires médicaux » désignés parmi les directeurs d'hôpitaux ou par le conseil de l'ordre des médecins.

Il a émis un avis favorable aux mesures envisagées pour simplifier et rationaliser les structures et la gestion de la sécurité sociale, qui doivent concerner notamment l'assurance maladie.

S'agissant des modalités de consolidation et d'apurement de la dette, il a approuvé le principe de l'apurement d'un montant de dettes cumulé de 110 milliards de francs pour 1992 et 1993 au sein des charges du FSV ainsi que de la réintégration de cette dette dans une caisse d'amortissement spécifique, en soulignant que cette mesure de clarification permettrait de faire prendre en charge par le FSV les dépenses de solidarité non contributives.

En revanche, il a souhaité que les allocations familiales soient exonérées du prélèvement au titre du remboursement de la dette sociale (RDS).

M. Charles Descours a demandé si la CFTC partageait la crainte, exprimée par certains syndicats, que l'intervention accrue du Parlement dans le système de protection sociale ne conduise à une dépossession des partenaires sociaux et si les mesures d'apurement de la dette du régime général couvriraient aussi la caisse nationale d'assurance maladie (CNAM). Il s'est interrogé sur l'exception au principe de l'application de la réforme au 1er janvier 1996 prévue en faveur des hôpitaux, sur la modification des plafonds de ressources pour le versement de l'allocation pour jeune enfant (APJE) et sur la non déductibilité du RDS au titre de l'impôt sur le revenu.

En réponse, M. Jean-Paul Probst a indiqué que la CFTC ne voyait pas d'inconvénients à ce que le Parlement définisse chaque année les « grands paramètres de fonctionnement » de la protection sociale en matière de recettes et de dépenses et qu'il était normal que les parlementaires disposent d'un droit de suivi sur les résultats ainsi que d'un droit d'impulsion sur les grandes lignes de la politique sociale à suivre.

Soulignant que les relations avec les parlementaires ne « posaient pas de problèmes », il a estimé souhaitable que les gestionnaires des organismes de sécurité sociale viennent expliquer les enjeux de la protection sociale devant la représentation nationale.

Toutefois, il a vivement souhaité que les conseils d'administration des caisses nationales ne soient pas limités à un rôle de « figurant » ou de « caution » de la politique décidée par le Gouvernement.

Il a estimé à cet égard que chaque caisse nationale pourrait être investie, dans le domaine qui la concerne, d'un rôle de proposition au Parlement, après avis motivé du Gouvernement, sur les mesures d'économie ou les dépenses nouvelles, éventuellement gagées, à mettre en oeuvre.

S'agissant du retour à l'équilibre, il a souligné que si le déficit de l'assurance vieillesse pouvait être réduit de 10 milliards de francs et si celui de la CNAF pouvait être abaissé de moitié pour être ramené à 6 milliards de francs, le déficit de la branche de l'assurance maladie était le problème le plus important et le plus difficile à résoudre.

Concernant l'application des mesures d'urgence aux hôpitaux, il a estimé souhaitable d'inclure ces établissements dans le droit commun de l'application de la réforme au 1er janvier 1996, à la condition de revoir à la hausse l'objectif d'une progression de 2,1 % des dépenses en 1996, qu'il a considéré comme irréaliste pour le secteur hospitalier.

Concernant l'APJE, versée après le troisième mois de grossesse, il a rappelé que le versement était effectué sans condition de ressources jusqu'au troisième mois après la naissance, et sous conditions de ressources, jusqu'aux trois ans de l'enfant. Il a précisé que le projet d'appliquer la condition de ressources à l'ensemble de la prestation serait une erreur car cela pénaliserait les jeunes ménages dont le salaire d'embauche demeure modeste en niveau relatif.

S'agissant de la déductibilité fiscale du RDS, il a rappelé qu'en tout état de cause, quel que soit le régime de déductibilité adopté, il conviendrait, dans un souci de clarté, d'harmoniser le régime du RDS avec celui de la contribution sociale généralisée (CSG).

M. Jean Chérioux a demandé si la CFTC était toujours favorable à l'unification du régime des retraites accompagnée d'une généralisation du calcul du point de pension.

M. Claude Huriet s'est interrogé sur les modalités pratiques de régulation des dépenses de santé au niveau régional.

Mme Marie-Madeleine Dieulangard s'est interrogée sur les nuances ou les réserves émises par la CFTC sur la réforme de la protection sociale, sur l'imprécision des mesures proposées en matière de maîtrise des dépenses de santé et sur le recours aux fonds de pension en matière de retraite.

En réponse, M. Jean-Paul Probst a reconnu la complexité du système actuel de calcul des retraites et a appelé de ses voeux une simplification qui permettrait, en outre, de mieux prendre en compte la situation des chômeurs et des mères de famille ayant arrêté de travailler.

Concernant les accords régionaux sur l'évolution des dépenses de santé, il a estimé que ceux-ci pourraient prendre la forme de conventions régionales, auxquelles les médecins devraient être associés, fixant des objectifs de progression des dépenses, des procédures d'évaluation des résultats ainsi que des mécanismes correcteurs et de contrainte.

M. Jean-Pierre Fourcade, président, a souhaité un dispositif de conventions infra-régionales pour les régions les plus importantes.

Puis, M. Jean-Paul Probst a souligné que le dispositif de réforme de la protection sociale n'aurait de sens que s'il permettait d'assurer une réelle maîtrise des dépenses de santé en relevant que le projet de texte ne présentait pas de garantie claire en ce domaine.

Il a indiqué par ailleurs que la CFTC souhaitait que les familles comptant des enfants âgés de plus de 18 ans soient mieux soutenues.

Enfin, concernant les fonds de pension, il a souligné qu'il serait politiquement dangereux d'avancer sur cette voie tant que les autres problèmes de la protection sociale n'auraient pas été résolus.

La commission a ensuite procédé à l'audition de M. Didier Hotte, chargé de la protection sociale à la Confédération générale du travail-Force ouvrière (CGT-FO).

M. Didier Hotte a tout d'abord rappelé qu'en matière de financement de la protection sociale, la position classique de la CGT-FO découlait de sa conception initiale sur le salaire et sur la nature de ce dernier. Il a expliqué que le salarié, en contrepartie de son travail, devait recevoir un salaire direct et un salaire différé (par le biais des cotisations sociales d'assurance maladie, de vieillesse, de famille...) d'une nature différente de l'impôt. Le rôle du syndicat étant de négocier le salaire, il a donc estimé logique que le financement de la protection sociale du régime général et des régimes spéciaux relève directement de la compétence des partenaires sociaux..

Il a jugé que la réforme de la protection sociale devait s'effectuer dans le cadre d'une clarification des responsabilités entre l'État et les gestionnaires sociaux, afin d'établir précisément les champs de compétences ressortissant du domaine de l'État et ceux ressortissant des régimes de protection sociale obligatoire.

Il a souligné que l'on ne pouvait imputer aux partenaires sociaux, gestionnaires des régimes obligatoires, les déficits, qui ont servi de déclencheur des réformes en cours. Il a rappelé qu'une partie des recettes dues aux régimes obligatoires n'avait pas été versée et que nombre des dépenses mises à la charge de ces mêmes régimes n'avaient pas été compensées par des recettes nouvelles.

Il a exprimé son émotion sur ce qu'il estime être un transfert intégral de la protection sociale des salariés vers l'État par la mise en tutelle des caisses nationales des régimes obligatoires, par le contingentement sous forme d'objectifs quantifiés de l'activité des caisses et par la nomination des directeurs des organismes par l'administration elle-même. Il a déploré également le transfert de la totalité du financement de la protection sociale à l'impôt par le biais du RDS.

Il s'est inquiété de cette modification considérable du système français de protection sociale, qui ne laisse aux partenaires sociaux qu'un rôle très limité.

A M. Jean-Pierre Fourcade, président, qui lui signalait que la réforme actuellement engagée ne pouvait concerner, dans l'immédiat, le régime de retraite des fonctionnaires, puisque la Commission Le Vert ne rendrait ses conclusions qu'à la fin du délai d'habilitation, M. Didier Hotte a constaté que certains points de l'article premier du projet de loi d'habilitation pouvaient laisser penser le contraire.

Il a indiqué que le statut général des fonctionnaires et le code des pensions civiles et militaires étaient deux éléments fondamentaux du statut de la fonction publique et que la création d'une caisse de retraite autonome des fonctionnaires était extrêmement délicate.

Il a rappelé qu'à son sens, s'affirmant ainsi quelque peu provocateur, la pension était une dette que se reconnaissait l'État vis-à-vis de ses agents et non la contrepartie des cotisations qu'ils auraient pu verser eux-mêmes. Il a reconnu que s'il en allait autrement, le régime des fonctionnaires serait d'ores et déjà déséquilibré et que toutes mesures pour résoudre ce Problème (hausse des cotisations, diminution des pensions) seraient difficiles à mettre en place.

Il a expliqué que l'exemple de la caisse nationale de retraite des collectivités locales (CNRACL) qui, largement excédentaire à sa création s'était vu spoliée de ses réserves et voyait aujourd'hui son existence même remise en cause, n'incitait pas les fonctionnaires de l'État à accepter volontiers l'institution d'une caisse autonome.

Il a ensuite exprimé son inquiétude sur la régionalisation de la protection sociale. Rappelant que l'exemple du régime d'Alsace-Moselle de protection sociale ne pouvait être avancé compte tenu de la situation particulièrement favorable de cette région en matière économique et de son niveau de chômage, inférieur de moitié à la moyenne nationale, il s'est profondément interrogé sur les effets pervers d'une telle mesure.

Enfin il s'est étonné d'une volonté grandissante de « renationalisation » de la sécurité sociale, à l'heure de la privatisation de pans entiers du secteur public.

En réponse à M. Charles Descours, M. Didier Hotte a précisé que la CGT-FO n'était pas hostile au régime universel d'assurance maladie mais qu'en fait celui-ci était déjà réalisé à quelques exceptions près. Il a toutefois souligné que s'il était favorable au principe, il était tout à fait réfractaire à l'unification du régime. Selon lui, il serait impossible de garantir une cotisation équitable entre les salariés dont les revenus sont parfaitement identifiables et les travailleurs non salariés aux revenus plus difficiles à cerner.

M. Didier Hotte a également répondu, concernant l'élargissement de l'assiette des cotisations, qu'il existait encore une grande incertitude sur les revenus concernés. Prenant l'exemple de la taxation de la valeur ajoutée des entreprises, il a noté que, pour être juste, cette taxation devrait se réaliser sur le montant des investissements, sur les placements financiers, sur les amortissements, sur la valeur des équipements... Il a fait remarquer que, dans un tel contexte, les entreprises de haute technologie, moteurs de l'activité économique de notre pays, seraient pénalisées.

A une question de M. Charles Descours sur la régionalisation des dépenses de santé, il a rappelé que le régime actuel permettait une très grande mobilité, puisque, quelle que soit la région, les Français pouvaient être assurés d'un même taux de remboursement et de prestations.

Il s'est fortement ému en évoquant la perspective d'une différenciation des droits et de la fiscalité en fonction des régions. Elle constituerait, selon lui, un facteur d'instabilité.

Répondant aux questions de MM. Jean Chérioux et Claude Huriet, M. Didier Hotte s'est dit favorable à une meilleure information des contribuables sur le régime de retraite des fonctionnaires comme sur la gestion de la protection sociale.

Il a rappelé que le calcul de la cotisation fictive versée aux régimes « favorisés » vers les régimes « perdants » au titre de la compensation, se fondait sur le niveau de prestations le plus bas versé par les régimes compensés.

Il s'est alors interrogé pour savoir si, dans un système universel, ce niveau serait celui retenu pour le montant des prestations ou si le Gouvernement envisageait de dégager les ressources propres à relever le niveau moyen de ces prestations.

Enfin, il s'est déclaré favorable à une modulation des enveloppes régionales des dépenses de santé. Toutefois, il a noté que les modalités d'accréditation auraient pour conséquence la suppression à terme de 60.000 lits d'hôpitaux, soit 15 % des capacités d'hospitalisation française, en Parfaite contradiction avec une bonne politique d'aménagement du territoire.

La commission a ensuite entendu M. Jean Gandois, président du Conseil national du patronat français (CNPF).

M. Jean Gandois a déclaré, à titre liminaire, que le CNPF considérait depuis longtemps comme une nécessité la réforme de la sécurité sociale. C'est pourquoi il soutenait les orientations définies par le Premier ministre, sans cependant vouloir préjuger des modalités, encore imprécises, notamment en ce qui concerne la réforme des hôpitaux et la réorganisation des caisses de sécurité sociale. Sur les points connus du plan de réforme, M . Jean Gandois a précisé qu'il n'avait pas d'observation majeure à formuler, ni de critiques particulières.

En réponse à M. Charles Descours, rapporteur, qui l'avait interrogé sur le rôle du Parlement, l'élargissement de l'assiette des prélèvements, l'incidence du plan de maîtrise des dépenses de santé sur les industries pharmaceutiques et sur la régionalisation de la gestion des régimes de sécurité sociale, M. Jean Gandois a tout d'abord déclaré qu'il lui semblait naturel que le Parlement intervienne en matière de sécurité sociale, de politique de la santé et de politique familiale.

Il a cependant nuancé son propos en précisant qu'il convenait de placer les régimes contractuels de retraite et le régime d'assurance chômage hors du domaine d'intervention du Parlement. Il ne lui paraît en effet pas opportun que le Parlement se prononce sur l'enveloppe de ces régimes ; ce point n'ayant pas encore été clairement explicité, M. Jean Gandois a souligné la nécessité de lever rapidement toute ambiguïté à cet égard. Cela n'empêchera d'ailleurs pas les régimes contractuels de fonctionner, notamment dans leurs rapports avec les fonds de pensions, dans la plus complète transparence.

M. Jean-Pierre Fourcade, président, a évoqué le projet de réforme constitutionnelle qui confierait au Parlement le soin de voter annuellement une loi d'équilibre de la protection sociale et d'en déterminer les objectifs globaux.

M. Jean Gandois s'est déclaré favorable à un élargissement de l'assiette du financement de la sécurité sociale. Il a toutefois souhaité que l'on procède avec prudence car tout transfert des cotisations de l'assiette des salaires sur une autre assiette au sein de l'entreprise aurait sans doute des incidences favorables sur l'emploi, mais serait susceptible de générer de nombreux effets pervers. Seule, une expérimentation devrait permettre de déterminer quelle masse de cotisations pourrait être transférée.

A propos de l'industrie pharmaceutique, il a reconnu qu'il n'était pas possible de tenir deux discours différents, l'un sur la maîtrise des dépenses de santé et de médecine ambulatoire, et l'autre sur la nécessité, pour prendre en compte les contraintes de cette industrie, de l'exclure du plan de maîtrise. Il a toutefois souligné que la maîtrise des dépenses devait être traitée dans un cadre conventionnel afin que toute précaution soit prise pour éviter de handicaper une industrie déjà fragilisée. En conséquence, il s'est étonné qu'un chiffre de 2,5 milliards à la charge de l'industrie pharmaceutique ait déjà été avancé.

Observant que beaucoup d'erreurs étaient dites à propos du plan de réforme, M. Jean-Pierre Fourcade, président, a souhaité que chacun explique clairement que la réforme des régimes spéciaux de retraite n'en faisait pas partie.

A propos du projet de gestion décentralisée des caisses, M. Jean Gandois a indiqué qu'à la situation actuelle caractérisée par le désordre et l'absence de contrôle, il préférait que les méthodes soient définies au plan national et qu'elles soient ensuite appliquées au plan régional en tenant compte des situations particulières.

En réponse à M. Claude Huriet, qui s'interrogeait sur les moyens de responsabiliser l'échelon régional, M. Jean Gandois a souligné la nécessité de relations permanentes entre les niveaux de décision national et régional, relations qui supposaient au préalable une restructuration de l'ensemble du système de soins.

A propos de la gestion des hôpitaux publics, il a souligné que la dualité de pouvoirs entre l'administration et les médecins ne pouvait donner de bons résultats. Il convenait donc d'inciter les médecins à prendre en compte la dimension économique de la médecine.

Puis, la commission a entendu Mme Jacqueline Léonard, secrétaire confédéral de la Confédération générale du travail (CGT), accompagnée de M. Donat-Decisier.

Après avoir rappelé que les grèves actuelles traduisaient le rejet, par le monde du travail, du « Plan Juppé » de réforme de la politique sociale, Mme Jacqueline Léonard a exposé les positions de la CGT.

Pour la confédération, le plan de réforme aboutira à amputer les revenus des familles et à rationner les soins. Ainsi, le gel des allocations familiales et leur fiscalisation, qui auront pour conséquence de supprimer le droit à un certain nombre de prestations telles que l'allocation pour jeune enfant ou l'allocation logement, auront des incidences sur la natalité et l'endettement des ménages.

Mme Jacqueline Léonard a ensuite contesté toute idée de dérapage des dépenses de santé, les chiffres présentés par la commission des comptes de la sécurité sociale montrant au contraire une décélération de la hausse. Cette analyse l'a conduite à rejeter l'instauration d'une maîtrise comptable des dépenses. Comme pour la hausse du forfait hospitalier à 70 francs, la conséquence en serait, en effet, un rationnement des soins. Un tel rationnement conduirait à la dégradation sanitaire du pays.

Mme Jacqueline Léonard s'est également déclarée inquiète de la création d'une agence régionale pour la gestion des hôpitaux. Par ailleurs, l'objectif de réduction de 3.300 millions de francs des dépenses d'assurance maladie aura pour conséquence d'augmenter les cotisations des retraités et des chômeurs. Parallèlement, le relèvement de la durée de cotisation au régime retraite réduira le recrutement des jeunes.

Mme Jacqueline Léonard a ensuite contesté l'instauration d'un troisième échelon de cotisation avec le RDS, institué pour combler un déficit dont la responsabilité incombait à l'État et au patronat bénéficiaires d'exonérations de charges sociales.

Pour Mme Jacqueline Léonard, la réforme des structures de la sécurité sociale est contradictoire avec celle de son financement. Selon la confédération, en effet, le financement de la sécurité sociale doit être assis sur des cotisations sociales. En le transférant sur l'impôt, la réforme constitue une rupture qui exonère les entreprises de toute contribution au nom de la compétitivité économique et de l'emploi. Mais, dans les faits, la réforme des organismes de sécurité sociale aura pour conséquence la suppression de milliers d'emplois et une réduction de la qualité de service. Le mode de gestion actuel, fondé sur le financement social, est donc plutôt une chance pour l'avenir.

Par ailleurs, la gestion actuelle a un fondement démocratique alors que la réforme proposée, qui élargit la composition des conseils d'administration et fait appel à des personnes nommées, affaiblira la représentation syndicale et aura pour conséquence d'éloigner les gestionnaires des assurés.

Enfin, le financement du système par la fiscalité aboutira à une réduction de la couverture sociale, ce qui obligera à recourir à une couverture complémentaire, génératrice de nouvelles exclusions.

En conclusion, Mme Jacqueline Léonard a préconisé l'instauration d'un système de sécurité sociale plus axé sur la prévention, attentif aux maladies nouvelles, à la recherche médicale, à la dépendance des personnes âgées et aux besoins de la famille, avec un financement assis sur l'ensemble des richesses produites par les entreprises.

En réponse à M. Charles Descours, qui l'interrogeait sur la mise en place d'un régime d'assurance maladie universel et sur les raisons qui autoriseraient les partenaires sociaux à gérer des ressources assises sur les revenus du capital, Mme Jacqueline Léonard a tout d'abord distingué le droit à la protection sociale pour toute la population, éminemment souhaitable, de l'instauration d'un régime unique qui ferait disparaître les régimes existants et conduirait à une baisse généralisée de la protection. Elle a indiqué que la CGT, en réclamant l'élargissement de l'assiette à l'ensemble des richesses créées par l'entreprise, incluait notamment les revenus du capital ; la modicité des prélèvements sur ces revenus, au regard de l'ensemble des financements, ne justifiait pas que ceux-ci soient soustraits à la gestion des partenaires sociaux.

En réponse à une question de M. Louis Boyer sur la tendance des retraités de 50 ans à reprendre un emploi au lieu de laisser la place à un jeune, Mme Jacqueline Léonard en a rejeté la responsabilité sur le patronat et l'État qui embauchent ces personnes, et sur le faible montant des retraites qui les oblige à retravailler.

Elle a souhaité que le Parlement entende l'appel des salariés, plutôt que de chercher à encadrer l'ensemble du système de protection sociale.

M. Jean-Pierre Fourcade, président, a rappelé que la protection sociale reposait aussi sur les collectivités territoriales, qu'elle constituait un tout complexe où les interférences étaient nombreuses, et que seul le Parlement avait la légitimité nécessaire pour en définir les grandes orientations.

Puis la commission a entendu M. Pierre Gilson, vice-président de la Confédération des petites et moyennes entreprises (CG-PME), chargé des affaires sociales, accompagné de MM. Georges Tissié et Veysset.

M. Pierre Gilson s'est d'emblée déclaré très satisfait du plan de réforme du Premier ministre, qui correspond à une revendication ancienne de la CG-PME. Selon lui, 90 % du plan reprennent des propositions formulées par la CG-PME depuis près de 15 ans.

Pour M. Pierre Gilson, le succès de la réforme est fondamental pour le pays et les salariés. Mais l'effort demandé aux contribuables pour rembourser la dette sociale suppose que soit conduite avec fermeté une politique de maîtrise des dépenses à tous les niveaux ; à cet égard, le projet de l'État de verser 37 milliards à la société nationale des chemins de fer (SNCF) lui est apparu mal venu, alors que de nombreuses promesses contenues dans le plan PME-PMI (petites et moyennes entreprises-petites et moyennes industries), présenté récemment par le Premier ministre, ne pouvant être financées, étaient reportées à une date ultérieure. Il a regretté que la fragilité et la spécificité du secteur des PME-PMI ne soient pas prises en compte.

M. Pierre Gilson a souhaité que soit fixé un calendrier de réformes précis, avec des dates butoirs pour mettre en oeuvre le carnet médical, qui devrait mettre un terme aux fraudes et contraindre les médecins à vérifier l'inscription du paiement à la sécurité sociale. Il a également souhaité que les pays étrangers soient appelés à régler rapidement leurs dettes à la sécurité sociale.

Enfin, il a suggéré la suppression des lits excédentaires hospitaliers, ou leur reconversion en faveur des personnes âgées dépendantes ou d'autres catégories de bénéficiaires.

En réponse à M. Jean-Pierre Fourcade, président, qui lui demandait si certains chefs d'entreprise de la confédération accepteraient de siéger dans les conseils d'administration des hôpitaux, M. Pierre Gilson a indiqué que cela ne créerait pas de difficulté.

M. Veysset est revenu sur la nécessité de généraliser le carnet de santé, sur la reconversion des lits inutiles et sur la régulation des effectifs du corps médical, suggérant de pousser certains médecins à se reconvertir vers la médecine du travail, qu'il convient de redéfinir, et vers la médecine scolaire.

M. Charles Descours a justifié le versement par l'État de 3 7 milliards à la SNCF par l'insuffisance de sa participation aux investissements et a interrogé le représentant de la CG-PME sur l'élargissement de l'assiette des contributions de sécurité sociale à la valeur ajoutée.

M. Pierre Gilson a admis qu'il était juste que tout le monde participe au financement, la seule limite étant la préservation de l'emploi. Il a regretté, à ce propos, la complexité de la réglementation du travail qui transforme des créateurs d'entreprises motivés en gestionnaires. Il a, à ce sujet, rappelé les préjudices que le développement actuel des grèves faisait subir aux entreprises.

A propos de l'extension de l'assiette des financements à la valeur ajoutée, il a craint qu'une réforme brutale ne mène à la faillite des entreprises performantes, mais encore fragiles.

En réponse à Mme Marie-Madeleine Dieulangard, qui avait relevé l'inquiétude de la CG-PME sur la possibilité de maîtriser les dépenses de santé, et l'avait interrogé sur sa position à propos du projet de régionalisation des caisses de sécurité sociale, M. Georges Tissié a souligné le caractère essentiel de la maîtrise des dépenses de santé qui devrait être concomitante de la réforme du financement.

Il a ajouté ne pas avoir d'idées préconçues sur les projets de réformes structurelles, à condition cependant que ces réformes soient conduites rapidement. Il a craint, à cet égard, que la réforme hospitalière, en faisant appel à des instances régionales et nationales, se révèle lourde et complexe à mettre en oeuvre.

En réponse à M. Claude Huriet qui l'interrogeait sur les propositions de la CG-PME en ce domaine, il a suggéré de recourir aux programmes médicaux de systèmes informatisés (PMSI), bien connus et rapides à mettre en oeuvre.

M. Louis Boyer a rappelé que 40 % des postes d'hôpitaux n'étaient pas pourvus et qu'il convenait d'y être attentif avant de pousser les médecins à la reconversion

M. Veysset a justifié le nécessaire redéploiement des médecins en comparant le taux de médicalisation français avec celui d'autres pays.

La commission a ensuite procédé à l'audition de MM. Jean-Luc Cazette, secrétaire national chargé de la protection sociale et M. François Fatoux, chef du service de la protection sociale, représentants de la Confédération française de l'encadrement (CFE-CGC).

A titre liminaire, M. Jean-Luc Cazette a indiqué que la confédération qu'il représentait approuvait les grandes lignes du projet de réforme de la protection sociale. Estimant que pour la première fois un plan global était proposé, il a rappelé que celui-ci rejoignait une bonne partie des préoccupations de la CFE-CGC. Il a reconnu notamment la nécessité de réorganiser la sécurité sociale et de maîtriser les dépenses de santé.

M. Jean-Luc Cazette a ensuite fait part des regrets que suscitait le déséquilibre entre ce qui était exigé des ménages et ce qui était demandé aux entreprises. Il a souligné que la CFE-CGC approuvait les propositions de modification de l'assiette des cotisations patronales et le statut de « cotisation à part entière » de la CSG. Il a toutefois rappelé l'attachement de la CFE-CGC à la déductibilité de cette dernière.

M. Jean-Luc Cazette a regretté le traitement réservé aux familles en dénonçant notamment la non revalorisation des prestations familiales en 1996.

Il a souhaité que la réforme de la protection sociale soit l'occasion de procéder à une harmonisation des cotisations maladie dues par les retraités au titre de leur régime de base (1,4 %) et des régimes complémentaires (2,4 %). Soulignant que les régimes complémentaires n'avaient pas revalorisé la valeur du point depuis deux ans, afin de maîtriser l'évolution des dépenses, M. Jean-Luc Cazette a alors suggéré une augmentation modulée des deux cotisations permettant ainsi d'arriver à un même taux de 3,8 % sur l'ensemble des prestations.

Mme Marie-Madeleine Dieulangard a demandé si le plan de réforme de la protection sociale ne concernait que les régimes de base.

M. Jean-Luc Cazette lui a répondu que si les propos du Premier ministre n'étaient pas clairs, les chiffres proposés semblaient indiquer que l'ensemble des régimes était visé.

Puis, il a considéré que la cotisation supplémentaire de 6 % sur les primes d'assurance groupe souscrites par les entreprises risquait de bloquer la négociation en matière de prévoyance et de renoncer au caractère obligatoire des contrats.

M. François Fatoux a précisé que dans certains cas, pour les petites entreprises, le coût du recouvrement de cette cotisation serait supérieur au rendement et que le coût final serait supporté par les salariés.

M. Jean-Luc Cazette a ensuite exprimé la position de la CFE-CGC sur la réforme de l'organisation de la sécurité sociale. Il s'est notamment interrogé sur les modalités du retour à la désignation des administrateurs, sur les conseils de surveillance et la nature des relations que ces derniers entretiendront avec les conseils d'administration.

M. Jean-Luc Cazette a également fait part des réserves que suscitaient les conditions de désignation des personnalités qualifiées et l'élargissement des conseils d'administration. Il a estimé que cet élargissement conduirait à une dilution des responsabilités et à une difficulté de plus en plus grande pour parvenir à des majorités de gestion.

Il s'est inquiété de la modification proposée pour le mode de nomination des directeurs et a craint que ces derniers n'entrent, de ce fait, en conflit avec leur conseil d'administration. Il a alors précisé qu'un projet de décret, élaboré avant la présentation de la réforme, confiait à un comité de sélection composé des quatre directeurs des caisses nationales, d'un représentant de l'inspection générale des affaires sociales (IGAS) et d'un autre du ministère, le soin de retenir trois noms parmi les listes qui lui auraient été soumises, le conseil d'administration devant choisir le directeur parmi ces trois noms. M. Jean-Luc Cazette a rappelé que ce dispositif, souple, avait été accueilli favorablement.

M. Jean-Luc Cazette s'est interrogé sur une éventuelle fiscalisation des majorations familiales des retraites. Il a considéré que cette mesure, cohérente avec la fiscalisation des allocations familiales, rapporterait 3 milliards de francs et permettrait de revaloriser les prestations familiales au 1er janvier 1996.

M. Jean-Pierre Fourcade, président, a invité à la plus grande prudence sur ce dernier point, en rappelant à cette occasion ses réserves sur la fiscalisation des prestations familiales.

M. Jean-Luc Cazette a fait part de la réflexion engagée par la CFE-CGC, dans le cadre des régimes complémentaires, sur l'extension de l'assiette des cotisations aux éléments annexes du salaire (plan épargne d'entreprise, stock-options, distribution d'actions gratuites).

M. Charles Descours a demandé si la CFE-CGC -fonction publique-était favorable à l'intégration des primes dans les éléments annexes du salaire.

M. Jean-Luc Cazette a répondu que cette intégration était envisageable dans la mesure où les primes entreraient dans la base de calcul de la retraite.

M. Jean-Pierre Fourcade, président, a estimé que le débat sur la reforme des retraites dans la fonction publique devrait porter également sur les primes.

En réponse à M. Charles Descours, M. Jean-Luc Cazette a rappelé que la CFE-CGC était favorable aux dispositions du projet de réforme, relatives au rôle du Parlement, sous réserve que les caisses nationales soient consultées au préalable sur le montant des enveloppes financières.

M. Jean-Pierre Fourcade, président, a indiqué que cette disposition devrait être précisée dans le cadre de la loi organique.

M. François Fatoux a enfin précisé que la CFE-CGC était favorable à la départementalisation des caisses sous réserve que cette dernière ne se traduise pas par des suppressions d'emplois et la remise en cause de la qualité de l'accueil du public.

Ensuite, la commission a procédé à l'audition de M. Daniel Giron, président de l'Union professionnelle artisanale (UPA).

M. Daniel Giron s'est d'abord déclaré favorable à la modification de la Constitution, dont l'objet est de permettre au Parlement de se prononcer sur l'évolution des recettes et des dépenses des régimes obligatoires de sécurité sociale.

Puis, il s'est réjoui du retour à la désignation des administrateurs des caisses de sécurité sociale, permettant ainsi de remédier à l'absence de représentation de l'UPA.

M. Daniel Giron a souligné que s'il était favorable à la réforme et à la rationalisation de la répartition territoriale des caisses locales de sécurité sociale, il estimait toutefois qu'il fallait veiller à ce que cette démarche n'ait pas pour effet d'introduire des inégalités géographiques.

Il a ensuite rappelé que l'instauration d'un régime universel d'assurance maladie répondait à une revendication de l'UPA. Il a souhaité qu'une concertation s'engage avec les organisations concernées sur les modalités de sa mise en oeuvre et que les caisses professionnelles continuent d'être chargées de la gestion du système.

M. Daniel Giron a estimé qu'il était nécessaire d'entreprendre une réforme de l'hôpital tout en souhaitant que celui-ci ne se substitue pas aux maisons médicalisées pour l'accueil des personnes âgées.

Il s'est également prononcé en faveur de la maîtrise médicalisée des dépenses de santé.

M. Daniel Giron s'est interrogé sur les conséquences, pour la caisse autonome nationale de compensation de l'assurance vieillesse des artisans (CANCAVA), en terme de fuite d'effectifs, de l'unification des régimes de protection sociale des professions de santé.

Il s'est inquiété de l'incidence du mode de calcul des durées d'activité sur les droits des personnes ayant cotisé dans plusieurs régimes.

Il a rappelé l'attachement de l'UPA au maintien du régime par répartition, en souhaitant une harmonisation des contributions, des prestations et des durées d'activité.

Répondant aux questions de MM. Jean-Pierre Fourcade, président, Charles Descours et Mme Marie-Madeleine Dieulangard, M. Daniel Giron a

souhaité une modification du calcul de l'assiette de la CSG. Il a constaté que les chefs d'entreprise individuelle devaient réintégrer dans leur bénéfice 40 % de charges sociales alors que, dans le même temps, les salariés n'en ajoutaient que 20 % à leur rémunération nette. Il a souhaité que la contribution du RDS repose sur des bases plus équitables.

Il a enfin fait remarquer qu'une partie des ressources de la CANCAVA provenait d'autres régimes, les artisans ayant, avant de le devenir, le plus souvent cotisé auprès du régime général de nombreuses années en tant que salariés.

Le mardi S décembre 1995, sous la présidence de M. Jean-Pierre Fourcade, président, la commission a, tout d'abord, procédé à l'audition de M. Jean-Claude Mallet, président de la Caisse nationale d'assurance maladie des travailleurs salariés (CNAMTS), sur le projet de loi autorisant le Gouvernement par application de l'article 38 de la Constitution, à réformer la protection sociale.

Mme Joëlle Dusseau s'est étonnée du fait que M. Devulder, professeur au centre hospitalier universitaire (CHU) de Lille, président du Haut Conseil de la Réforme hospitalière et qui devait être auditionné par la commission, n'ait pas déféré à la convocation de celle-ci. Elle a regretté cette absence dans la mesure où la réforme hospitalière lui semblait être un volet important du projet présenté par le Premier ministre.

M. Jean-Pierre Fourcade, président, a précisé que le professeur Devulder n'a pas cru devoir surmonter les contraintes liées aux mouvements sociaux pour venir s'exprimer devant les Assemblées parlementaires.

M. Charles Descours a ajouté que, en revanche, M. Devulder avait jugé expédient de s'exprimer devant les journalistes.

M. Jacques Machet a souligné le regret unanime que provoquait l'absence du professeur Devulder.

M. Jean-Claude Mallet, président de la CNAMTS, à titre liminaire, a rappelé la complexité du contexte et a souligné que le Conseil d'administration qu'il préside n'avait pas été appelé à se prononcer sur le projet de loi d'habilitation, mais seulement sur la déclaration du Premier ministre.

Il a tenu, ensuite, à remarquer que le système français avait ses qualités et ses défauts. Prenant l'exemple du Royaume-Uni dont le système de santé est à la fois étatisé et fiscalisé, il s'est demandé si un tel système fonctionnait mieux que le système français. Il s'est interrogé sur les conséquences d'une telle étatisation en France et sur le rôle que pouvaient jouer les partenaires sociaux. Il a constaté qu'actuellement le système français se caractérisait plutôt par « le flou de l'irresponsabilité ».

Puis, M. Jean-Claude Mallet a estimé que personne ne pouvait se prétendre choqué par les dispositions contenues dans le plan du 15 novembre 1995 concernant tant la maîtrise médicalisée des dépenses de santé, le dossier médical que le codage des actes, dans la mesure où ces dispositions se trouvaient au coeur des négociations d'octobre 1993. Il a regretté, de ce fait, que deux années aient ainsi été perdues pour la mise en oeuvre de la maîtrise médicalisée des dépenses de santé et a rappelé que la caisse qu'il présidait réclamait depuis sept années déjà le codage des actes. Il s'est, alors, interrogé sur la pertinence de laisser aux Assemblées parlementaires le soin de fixer le taux d'évolution des dépenses de santé en fonction de celle des prix et s'est prononcé en faveur de la fixation de ce taux par les partenaires sociaux. Rappelant l'exemple du secteur hospitalier, il s'est demandé si ce taux serait véritablement respecté par les médecins et s'il était possible de le rendre opposable région par région. Prenant pour exemple le « C flottant », il s'est interrogé sur la différence de montant qu'il représenterait selon les régions et sur les difficultés de gestion consécutives à la mobilité des populations.

M. Charles Descours, rapporteur, a remarqué que, si la CNAMTS engageait les dépenses, elle ne fixait pas ses recettes.

M. Jean-Claude Mallet a démontré combien l'État, en instituant, par exemple, une obligation de vaccination contre l'hépatite B, pouvait alourdir les dépenses de l'assurance maladie. Il a donc souhaité que la réforme de l'assurance maladie se fasse dans la clarté. Il s'est interrogé sur la capacité des présidents des conseils d'administration d'hôpitaux à résister aux pressions, citant un article récent, paru dans la presse, évoquant les taux très élevés d'augmentation des budgets hospitaliers.

M. Jean-Pierre Fourcade, président, s'est, alors, demandé pourquoi les représentants de l'assurance maladie ne votaient pas contre l'adoption de budgets comportant de telles hausses.

M. Jean-Claude Mallet a déclaré que tel avait été le cas pour un certain nombre d'hôpitaux dont celui de Bordeaux pour lequel la hausse avait atteint plus de 10%. Concernant le secteur 2, il a souligné l'inégalité existant entre les médecins conventionnés qui auraient des pénalités et ceux non conventionnés qui n'en auraient pas. Il a déclaré qu'à son sens l'ouverture du secteur 2 serait une revendication de la majorité des médecins.

M. Charles Descours, rapporteur, s'est déclaré en accord avec M. Jean-Claude Mallet sur le constat du mauvais fonctionnement des conseils d'administration des hôpitaux. Il a évoqué, concernant les contraintes qu'impose l'État à l'assurance maladie, la possibilité d'instaurer un système équivalent à celui posé par la loi du 25 juillet 1994 relative à la sécurité sociale sur la compensation automatique par la puissance publique des exonérations de cotisations sociales qu'elle accorde aux entreprises. Il a reconnu que le paritarisme fonctionnait bien pour l'UNEDIC et pour les régimes complémentaires de retraite. Il a regretté que l'État et le conseil d'administration de la CNAMTS se rejettent l'un l'autre la responsabilité des décisions. Il a rappelé que Mme Elisabeth Hubert, ancien ministre de la santé publique et de l'assurance maladie, avait souhaité que, dans ce domaine également, soient séparés le « contributif » et le « non contributif ». Il a estimé, en effet, qu'à son sens, ce n'était pas à l'assurance maladie de gérer ce qui était du ressort de la solidarité nationale. Il a considéré qu'il avait été opportun de bloquer l'accès au secteur 2. Il s'est, enfin, interrogé sur plusieurs points : l'existence « d'un pilote » dans ce domaine, celle d'outils pour mener à bien la maîtrise médicalisée des dépenses, le problème de la zone frontière pour le « C flottant », l'application de sanctions, en cas de non-respect de cette maîtrise, qui ne pouvait porter, selon lui, que sur les honoraires et le contenu du rôle du Parlement.

M. Jean-Claude Mollet a souligné le fait que, pendant la campagne Présidentielle, le futur président de la République avait fort bien fait la différence entre la solidarité nationale et la politique de santé publique. Il a estimé qu'il n'y avait pas de véritable politique de santé publique clairement définie. Il a souligné qu'actuellement un certain nombre de personnes, soit 110.000 selon le Centre de recherches, d'études et de documentation en économie de la santé (CREDES), n'étaient pas couvertes par l'assurance maladie et que ceci était du ressort de la solidarité nationale. Il a attiré l'attention de la commission sur une certaine ambiguïté du plan du 15 novembre 1995 sur ce point dans la mesure où étaient mêlés les termes de régime universel d'assurance maladie, qui doit concerner l'ensemble de la population et la couverture universelle qui impliquerait, selon lui, la mise au même niveau de toutes les prestations servies dans ce domaine. Il s'est interrogé sur la pertinence d'une telle disposition dans la mesure où agriculteurs et commerçants n'avaient pas les mêmes taux de cotisations que les salariés et où les revenus des non-salariés étaient connus avec moins d'exactitude.

M. Jean-Pierre Fourcade, président, a argué du fait que la gestion serait globalement simplifiée et que la différence d'appréhension sur le plan fiscal entre revenus salariés et non salariés était de moins en moins pertinente dans la mesure où désormais 83 % de la population active était salariée.

M. Jean-Claude Mallet a, cependant, tenu à remarquer que l'évasion fiscale était évaluée à 85 milliards de francs. Il a estimé les charges indûment supportées par l'assurance maladie à 50 milliards de francs, sur les 500 milliards de francs qu'elle acquitte. Il a précisé qu'il ne comptait pas, dans cette estimation, les 27 milliards de francs imputables à la gestion administrative, ni la compensation des exonérations de cotisations sociales.

Mme Joëlle Dusseau s'est alors interrogée sur le rôle des départements.

M. Jean-Claude Mallet s'est prononcé en faveur d'une convention individuelle pour les médecins et non pour un « C flottant ». Il s'est, à cet égard, interrogé sur la sanction à mettre en oeuvre, lorsqu'un seul département, dans une région, ne respecterait pas le taux prévu. Il a déclaré que, selon lui, une sanction ne pouvait être qu'individuelle et au premier franc. Il a considéré qu'il y avait pléthore en matière d'offre, soit au moins 30.000 médecins de trop, conformément au rapport dit « Lazare ».

Compte tenu de ce constat, il a fait état de ses difficultés à créer un fonds de reconversion pour, notamment, permettre la création de postes de médecins conseil.

M. Claude Huriet a constaté que les dispositions prévues n'avaient de régionales que le nom. Il s'est interrogé sur la pertinence du « C flottant ». Il a demandé, enfin, à M. Jean-Claude Mallet son sentiment sur le régime d'Alsace-Moselle.

Mme Joëlle Dusseau a tenu à remarquer combien les taux de remboursement en matière d'assurance maladie étaient relativement faibles en France par rapport à ses partenaires européens et combien les indices en matière de santé publique y étaient médiocres, notamment pour la tuberculose, la malnutrition, la mortalité infantile et la surveillance gynécologique.

M. Jean-Claude Mallet s'est déclaré en accord avec les différents intervenants pour clarifier et maîtriser les dépenses mais il s'est interrogé sur les effets réels de la gestion du système par le Parlement. Il s'est étonné que les experts, qui trouvaient il y a peu d'années encore le système de santé français excellent le jugent désormais inefficace.

M. Jean-Pierre Fourcade, président, a alors estimé que c'était un argument supplémentaire en faveur d'une prise de responsabilité par le Parlement dans ce domaine.

M. Jean-Claude Mallet a considéré que la régionalisation lui apparaissait plutôt une position de recul que de progrès dans la mesure où, selon lui, la maîtrise médicalisée devait se faire au plus près des acteurs, au niveau départemental. A cet égard, il a souligné le fait que la Mutualité sociale agricole établissait son contrôle au niveau du canton. Il a, enfin, tenu à remarquer que, compte tenu du fait qu'il y avait 30.000 médecins en trop, il ne lui apparaissait pas normal que la possibilité de convention soit automatique pour un médecin dès son installation. Il a, à cet égard, insisté sur la nécessité de réguler le nombre de médecins et d'accroître les contrôles.

La commission a, ensuite, procédé à l'audition de M. Jean-Paul Probst, président de la Caisse nationale des allocations familiales (CNAF), sur le projet de loi autorisant le Gouvernement, par application de l'article 38 de la Constitution, à réformer la protection sociale.

A titre liminaire, M. Jean-Paul Probst, président de la CNAF, a

souhaité limiter le cadre de son analyse aux dispositions traitant de la famille contenues dans le projet de loi d'habilitation. Rappelant les termes du 2° de l'article premier du projet de loi précité, il a considéré qu'ils étaient « complets » et même « trop complets » dans la mesure où cela permettait au Gouvernement d'adapter la nature et le montant des prestations familiales à la situation matérielle des familles. Il a estimé que cela donnait, en quelque sorte, les « mains libres » au Gouvernement et a appelé la commission à une certaine vigilance dans ce domaine.

M. Jean-Paul Probst a, ensuite, évoqué l'autre disposition du projet de loi d'habilitation qui avait des conséquences pour la branche famille, à savoir la modification de l'organisation et du fonctionnement des branches de sécurité sociale pour en simplifier et rationaliser les structures et la gestion. Il a accepté l'idée de modifier le conseil d'administration de la CNAF dans la mesure où ce dernier pourrait jouer un rôle plus intéressant et proposer, une fois par an, au Parlement des modifications dans le domaine des prestations familiales. Il s'est, par ailleurs, interrogé sur les conditions du renforcement du pouvoir des directeurs de caisse.

M. Charles Descours, rapporteur, a, tout d'abord, interrogé M. Jean-Paul Probst sur le mode de nomination des directeurs des caisses avec, notamment, l'instauration d'une liste d'aptitude. Il a, ensuite, rappelé que les prestations familiales ne supporteraient pas le remboursement de la dette sociale (RDS). Il a également évoqué les réserves de son interlocuteur à propos de la mise sous condition de ressources totale de l'allocation pour jeune enfant (APJE).

En réponse, M. Jean-Paul Probst a proposé, concernant la nomination des directeurs de caisses locales, que celle-ci s'effectue à partir d'une liste d'aptitude ou d'une évaluation réalisée par l'Inspection générale des affaires sociales (IGAS) et que soit mise en oeuvre une procédure de recours en cas de contestation. Il a, en effet, souhaité que ces nominations s'effectuent dans la plus grande transparence. Il a estimé normal, étant donné que les prestations familiales ne seraient pas revalorisées en 1996, que celles-ci ne soient pas concernées par le remboursement de la dette sociale. Réaffirmant sa plus vive réserve à la mise sous condition de ressources de l'APJE, il a remarqué que nombre de syndicats patronaux et de salariés partageaient ce même point de vue. Il a évoqué les effets néfastes d'une telle disposition pour les familles, surtout concernant le premier enfant, et il s'est inquiété des conséquences, sur la politique familiale, d'un éventuel blocage du plafond de revenu fixé pour l'obtention de cette prestation pendant plusieurs années.

M. Jean-Pierre Fourcade, président, a remarqué combien la rédaction du projet de loi d'habilitation portait en germe la mise sous condition de ressources de l'ensemble des prestations familiales. Il a suggéré, à cet égard, le principe du dépôt d'un amendement visant à lever toute ambiguïté.

Mme Joëlle Dusseau a, alors, demandé à M. Jean-Paul Probst quelle disposition lui semblait la moins néfaste entre la fiscalisation et le placement des prestations sous condition de ressources.

M. Jean-Paul Probst, en réponse, a précisé qu'il préférait encore la fiscalisation, mais après l'intervention d'une profonde réforme fiscale, à l'instauration de conditions de ressources qui lui semblait une dénaturation de la politique familiale qui n'avait pas à devenir, selon lui, une politique sociale.

M. Claude Huriet s'est enquis des risques d'effets pervers induits par la fiscalisation et notamment des effets de seuil. Il a évoqué le principe de dispositions gouvernementales correctrices afin que de telles conséquences soient évitées.

M. Jean-Paul Probst a déclaré que la CNAF était en mesure de faire des simulations de manière à évaluer le nombre des familles rendues imposables du fait de la fiscalisation des allocations familiales. Il a également souligné le fait que la fiscalisation n'était pas neutre au regard des allocations de logement. Il a évoqué la possibilité de contacter différents services techniques afin d'évaluer tous les effets de la fiscalisation sur la situation des familles.

M. Jean-Pierre Fourcade, président, a souligné la nécessité de prendre contact avec l'association des maires de France (AMF), car nombre de prestations servies par les communes dépendaient de la non-imposition des familles.

M. Jacques Machet a remarqué qu'il y avait longtemps que l'on ne parlait plus de la famille et que l'on ne faisait état de son existence que lorsque se posait un problème financier.

M. Jean-Paul Probst a estimé que l'on ne pouvait se contenter de déplorer la faiblesse du taux de natalité stabilisé à 1,65 enfant par femme. Il a souhaité, en effet, que ce dernier croisse à nouveau.

Mme Marie-Madeleine Dieulangard a noté qu'il était effectivement important que les services concernés se concertent afin d'éviter les effets pervers dus à la fiscalisation. Elle a estimé que, par rapport à la fiscalisation, la mise sous condition de ressources des prestations lui semblait plus aisée à mettre en oeuvre et profiter avant tout aux familles les plus démunies. Elle s'est également interrogée sur le financement total de la politique familiale par le budget de l'État.

En réponse, M. Jean-Paul Probst a précisé, concernant la mise sous condition de ressources des prestations familiales et sa supposée simplicité que, chaque mois, il fallait modifier 10 % du fichier des allocataires compte tenu de leur changement de situation. Il a fait remarquer que les justificatifs des ressources obtenus correspondaient à l'année précédente, soit 1994, ou même à l'année antérieure, soit 1993, ce qui impliquait un réel décalage entre les besoins immédiats des familles et les preuves qu'elles pouvaient apporter auprès de la CNAF. Il a rappelé l'origine patronale des prestations familiales, avec l'instauration, à la fin du XIX ème siècle, de caisses de compensation des charges de famille. Il a donc souhaité que la politique familiale ne soit pas intégralement financée par l'État mais que subsistent des cotisations résiduelles. Il a, en effet, souligné les risques, selon lui, du financement par le budget de l'État dans la mesure où, à son sens, ce dernier n'avait pas de vision à moyen et long terme, ce qui s'avérait en revanche nécessaire pour la politique familiale.

M. Louis Souvet a déclaré mal distinguer les difficultés qui empêchaient, à son sens, la politique familiale d'évoluer. Il a constaté, à cet égard, que, pour les familles avec de hauts revenus, les allocations familiales représentaient un faible montant.

En réponse, M. Jean-Paul Probst a mis en exergue le fait que 80 % des cadres gagnaient moins de 26.000 francs en brut et que si l'on supprimait pour eux le bénéfice des allocations familiales la branche famille n'économiserait que « quelques dizaines » de millions de francs. Il s'est, de plus, inquiété des conséquences d'un éventuel blocage pendant plusieurs années du plafond de versement des allocations familiales.

Puis la commission a procédé à l'audition de MM. Pierre Le Mauff, président de la conférence des directeurs généraux des centres hospitaliers et universitaires (CHU) et Bernard Grandjean, président de la conférence des centres hospitaliers généraux (CHG).

M. Pierre Le Mauff, président de la conférence des directeurs généraux de CHU, a tout d'abord rappelé que par délibération en date du 20 juillet dernier, la conférence avait exposé ses vues sur la réforme hospitalière qui demeuraient valables malgré les changements dus à l'actualité.

Il a exprimé son accord global avec les propositions du Premier ministre relatives à l'hôpital en considérant qu'en raison de leur importance les hôpitaux, en particulier les CHU, ne pouvaient rester à l'écart du mouvement de réforme de la gestion du système de soins. Il a souligné toutefois l'effort de modération des dépenses que les hôpitaux avaient entrepris depuis plusieurs années.

Il a rappelé à cet égard que le taux de progression des dépenses hospitalières, qui était de 20 % au début des années 80, était passé à 15 % puis à 10 % au cours de la décennie pour atteindre 4 % en 1994, même si ce taux de progression devrait s'élever entre 5 % et 6 % en 1995.

Il s'est déclaré favorable à la fixation de l'évolution des dépenses de santé par le Parlement dans un cadre annuel ou pluriannuel.

S'agissant de la régionalisation, il a estimé que la solution retenue par le Gouvernement était conforme à la logique souhaitée par la conférence des directeurs de CHU, qui s'était prononcée en faveur d'une répartition équitable des crédits alloués entre les régions.

Concernant la création d'agences régionales de financement de l'hospitalisation, s'il a rappelé les réticences exprimées, dans un premier temps, à {'encontre de la création d'agences techniques régionales qui auraient joué le rôle d'« assistances publiques régionales », il a approuvé le dispositif gouvernemental qui confie seulement aux agences régionales une mission de péréquation financière, en soulignant toutefois que l'État ne devait pas se défausser de ses responsabilités.

Il a considéré que les agences régionales devraient fonctionner, non pas comme des « électrons libres » du service public ou des démembrements de l'administration, mais comme des administrations de mission sans personnalité morale ni autonomie financière, rattachées à l'administration du ministère de la santé.

Il a souhaité, pour éviter la répartition aléatoire des crédits d'une année sur l'autre, que la mission des agences régionales de financement soit étendue à la planification financière.

Concernant la composition de ces agences, il a considéré que le président de l'exécutif de l'agence devait être assisté par un secrétariat général confié au directeur régional des affaires sanitaires et sociales.

Il a souhaité que les fonctionnaires des caisses régionales d'assurance maladie (CRAM) et des directions régionales des affaires sanitaires et sociales (DRASS) soient associés au fonctionnement de l'agence régionale et qu'un comité consultatif sanitaire régional, composé d'élus, soit rattaché à chaque agence.

Concernant l'accréditation des services hospitaliers, dont il a souligné qu'elle ne constituait que l'un des aspects de la notion d'évaluation, il a estimé qu'elle devrait être confiée à un organisme national ayant le statut d'autorité administrative indépendante et dotée d'échelons au niveau régional pour assurer l'exécution de ses décisions.

Soulignant que la notion d'accréditation devrait être clarifiée, il a rejeté l'idée d'une « accréditation-agrément » pour lui préférer celle de « l'accréditation-notation » consistant à porter une appréciation sur la qualité de fonctionnement d'une structure hospitalière et la sécurité des Prestations fournies.

Considérant que le montant de l'allocation budgétaire fixé par l'agence régionale de financement (ARF) ne devait aucunement être dépendant de l'accréditation, il a souhaité que l'agence nationale d'accréditation définisse un système de normes référentielles au niveau national permettant aux établissements sanitaires de pratiquer une autoévaluation avant de procéder à une demande d'accréditation.

Il a souligné, en tout état de cause, que la qualité et la sécurité des soins devraient être assurées quelles que soient la taille de la structure sanitaire et la nature de son activité.

Concernant la réforme des conseils d'administration, il s'est prononcé en faveur du maintien de la présidence de droit du maire à la tête du conseil d'administration de l'hôpital en soulignant son caractère traditionnel et le fait que le maire était le seul à pouvoir représenter l'intérêt général.

Il a considéré que si le président du conseil d'administration de l'hôpital devait être élu au sein de celui-ci, il conviendrait, à tout le moins, que le maire puisse toujours être élu par le conseil et que les incompatibilités de fonction soient renforcées. Il s'est inquiété de l'hypothèse d'un appel à la population lancé par un maire, qui, privé de la présidence du conseil d'administration, serait plus libre d'exprimer son désaccord avec les décisions prises par ce dernier.

S'il ne s'est opposé à la nomination des directeurs de CHU, à l'instar des assistances publiques de Paris, Lyon et Marseille, par décret en Conseil des Ministres, il a souhaité que ces directeurs soient obligatoirement choisis parmi les anciens élèves de l'école nationale de la santé publique.

M. Bernard Grandjean, président de la conférence des directeurs

des CHU, a précisé que la conférence était globalement en accord avec les réformes de structure préparées pour les établissements de santé. Il a insisté sur la nécessité que les contrats de financement soient passés au niveau régional en jugeant en outre, qu'il était pertinent de ne pas créer des « assistances publiques régionales ».

Il a fait part de son accord avec les mesures envisagées en matière d'accréditation et d'évaluation des services hospitaliers.

M. Charles Descours, rapporteur, s'est interrogé sur la déconnexion entre la procédure d'accréditation et la répartition des enveloppes financières en soulignant le problème posé par les établissements de soins qui ne seraient pas accrédités. Il s'est interrogé également sur la coordination de l'hospitalisation publique et de l'hospitalisation privée et sur le statut des directeurs des services médicaux.

En réponse, M. Bernard Grandjean a souligné que si les responsables des équipes médicales étaient comptables de la qualité des soins, le directeur de l'hôpital devait bien être en charge de l'exécution du contrat de financement passé avec l'agence régionale et a souhaité le renforcement du rôle de la conférence médicale d'établissement.

M. Pierre Le Mauff, président de la conférence des directeurs des CHG, a distingué la dimension interne du contrat d'objectif propre à introduire une logique d'intéressement et de participation au sein de l'équipe soignante et sa dimension externe destinée à clarifier les relations entre le chef d'établissement et l'agence régionale de financement.

M. Jean-Pierre Fourcade, président, a admis la nécessité d'éviter une « balkanisation » des établissements de santé qui pourrait naître d'une régionalisation mal comprise du financement et s'est interrogé sur le lien qui serait établi entre l'accréditation et l'allocation de moyens.

M. Pierre Le Mauff a souligné que l'accréditation de qualité ne devait pas déboucher sur la fermeture de certains établissements et que l'agence régionale de financement devrait, en tout état de cause, être informée des procédures d'accréditation pour l'attribution des crédits.

Il a estimé que l'agence régionale de financement pourrait favoriser la coordination de l'hospitalisation publique et privée, qui resterait toutefois difficile à mettre en oeuvre.

M. Claude Huriet s'est interrogé sur le programme de médicalisation des systèmes d'information (PMSI), sur les conséquences d'un dépassement de l'enveloppe régionale de financement ainsi que sur les garanties pluriannuelles qui seraient apportées quant aux moyens mis à disposition dans le cadre des contrats d'objectifs.

Mme Joëlle Dusseau s'est interrogé sur les effets pervers de la représentation des usagers au sein des conseils d'administration des hôpitaux.

M. Georges Mazars a rappelé que le conseil d'administration pouvait être présidé par un autre élu que le maire sur délégation de celui-ci.

En réponse, M. Bernard Grandjean a indiqué que le PMSI était un outil perfectible, qui avait « le mérite d'exister » et qu'il demeurerait un outil quantitatif dont l'évaluation serait le corollaire sur le plan qualitatif.

Rappelant qu'il était proposé que les conseils d'administration des hôpitaux soient composés de manière tripartite de représentants du personnel, des médecins et des usagers, il s'est interrogé sur le caractère « incantatoire » de la notion de représentation des usagers dont il a souligné l'imprécision.

M. Pierre Le Mauff a souligné par ailleurs qu'en raison du principe de l'annualité budgétaire, les contrats de financement seraient annuels, tout en admettant la nécessité d'une planification pluriannuelle.

M. Jean-Pierre Fourcade, président, s'est interrogé sur la prise en compte, pour le financement des CHU, des activités de recherche et d'enseignement, assurées conjointement avec les activités hospitalières classiques.

M. Pierre Le Mauff a indiqué que l'activité d'enseignement représentait 15 % du budget des CHU et que les activités de recherche pourraient s'autofinancer dans le cadre des contrats passés avec le centre national de la recherche scientifique (CNRS).

La commission a alors procédé à l' audition conjointe de M. le docteur Olivier Joyeux, président de la conférence des présidents de commissions médicales d'établissement des centres hospitaliers généraux (CHG), de M. le docteur Michel Potencier, président de la conférence des présidents de commissions médicales d'établissement des centres hospitaliers spécialisés (CHS), de M. le docteur Philippe Hecketsweiler, de la conférence des présidents de commissions médicales d'établissement des centres hospitaliers et universitaires (CHU).

M. Philippe Hecketsweiler, prenant d'abord la parole a, en préambule, réaffirmé que les commissions médicales d'établissement (CME) étaient les structures les plus représentatives des médecins hospitaliers. En effet, a-t-il précisé, leur mode d'élection permet non seulement la représentation de toutes les catégories médicales mais également, grâce à un renouvellement régulier, donne aux CME des CHU une forte représentativité. Il a également évoqué le problème de la formation des médecins qui valorise certes la responsabilité individuelle vis-à-vis du patient mais néglige la responsabilité du praticien vis-à-vis de la société.

Concernant le « plan Juppé », il a déclaré que la conférence avait transmis une contribution au Haut Conseil de la réforme hospitalière intitulé « la France doit réformer en profondeur son système de santé » et qu'elle se reconnaissait pleinement dans les propos de M. le Premier ministre. Il a considéré que la France n'avait pas construit un véritable système de santé équitable et rationnel mais un système de remboursement des soins. Selon lui, les réformes de structure doivent être fondées sur deux axes : la construction d'un système de santé adapté aux besoins de la population et une promotion de la stratégie de proximité.

S'agissant du système de santé, M. Philippe Hecketsweiler a regretté qu'il soit construit autour des offreurs de soins et noté qu'il était temps de construire une organisation sanitaire du territoire adaptée aux besoins de la population et à des objectifs de santé publique.

Il a souligné l'importance d'un décloisonnement des quatre grands secteurs du système de santé -hospitalisation publique, privée, médecine de ville et médecine préventive et sociale- et la nécessité de placer ces secteurs sous une même tutelle, les compétences respectives de l'État, des collectivités territoriales, des diverses structures de l'assurance maladie devant être précisées.

M. Philippe Hecketsweiler a expliqué que le niveau régional lui semblait le moins mal adapté à une bonne organisation de l'espace sanitaire et social. Reprenant l'idée séduisante d'une agence regroupant les compétences aujourd'hui séparées et généralement opposées des Directions régionales de l'action sanitaire et sociale (DRASS) et des caisses régionales d'assurance maladie (CRAM), il a annoncé que la conférence avait proposé au Haut Conseil de la réforme hospitalière un modèle associant un exécutif, une instance représentative de concertation permanente et une instance de recours et d'arbitrage. Il a insisté pour que cette instance soit chargée de la planification, de l'accréditation conformément à des normes nationales, de l'évaluation, de la régulation et du financement du système régional de santé.

Au niveau infra-régional, il a préconisé la création de districts sanitaires et sociaux à l'échelle de 200.000 à 500.000 habitants -unités élémentaires d'organisation du domaine sanitaire et social-. Il s'est dit absolument convaincu de la nécessité de regrouper, dans une entité juridique unique, tous les établissements hospitaliers publics d'un même district et ce, afin de prendre en considération non pas leur propre développement mais les besoins réels de la population. Il a ajouté qu'un tel regroupement devait concerner également les hôpitaux psychiatriques, les centres anticancéreux et toutes les structures hospitalières parapubliques permettant des économies et une cohérence organisationnelle, réforme débouchant sur une remise en cause du rattachement des hôpitaux publics à la commune.

Répondant au souci de M. Jean-Pierre Fourcade, président, de savoir à quelle entité juridique il rattachait alors les hôpitaux, M. Philippe Hecketsweiler a suggéré que la présidence des conseils d'administration des hôpitaux publics puisse être confiée aux présidents des Syndicats intercommunaux à vocation multiple (SIVOM) ou aux présidents des conseils régionaux.

Il a poursuivi son propos en notant l'importance de la promotion d'une pratique de soins primaire ou médecine « communautaire » offrant à une population définie une réponse sanitaire de proximité globale et responsable.

Il a précisé la nécessité d'un développement volontariste de l'évaluation des soins au sein des hôpitaux publics ainsi que de la promotion d'une médecine économe. Il a alors suggéré que la liberté d'installation des praticiens était peut être aujourd'hui révolue.

Entamant la deuxième partie de son propos, il a réaffirmé l'importance d'une répartition territoriale des offres de soins privilégiant la proximité, tout en précisant qu'une déconcentration de la gestion des hôpitaux était indispensable. Il s'est dit navré du retard apporté au développement des « budgets de service » et de la comptabilité analytique. Enfin, sans remettre en cause le statut des établissements publics de santé, ni le statut de leurs personnels, il a souhaité que s'instaure une gestion plus responsable, plus adaptée à un « esprit d'entreprise ».

Abordant la réforme des CHU, il a insisté sur l'intégration hospitalo-universitaire dans un établissement public universitaire et de santé plus cohérent, permettant une dynamique partagée.

Il a souhaité privilégier l'adaptation de l'enseignement et de la recherche aux besoins réels, notamment par le développement de certaines disciplines : épidémiologie clinique, évaluation et gestion des structures ou des systèmes de santé...

En conclusion, M. Philippe Hecketsweiler a déclaré que le statut hospitalo-universitaire unique de l'ordonnance de 1958 était dépassé et que la diversité des CHU imposait une diversification des statuts médicaux.

La parole a ensuite été donnée à M. Olivier Joyeux, président de la conférence des présidents des CME des centres hospitaliers généraux.

Celui-ci a rappelé au préalable que la conférence s'était fixée comme but de promouvoir la qualité et l'efficience des centres hospitaliers (CH) en respectant la mission de santé publique. Il a souligné que les 500 CH avaient une philosophie commune de la pratique en hôpital général : prise en charge globale du malade dans un hôpital de dimension humaine, spécialisation pondérée, soins de proximité, contacts directs avec la population...

Il a admis que les très grands ensembles hospitaliers posaient le problème des masses critiques supérieures avec les difficultés inhérentes à la communication, à la hiérarchisation, et donc avec une perte d'efficience et de rentabilité. Il a proposé que ces grands ensembles fassent l'objet d'organisations spécifiques et situé la bonne dimension, pour une efficience correcte, entre 300 et 600 lits actifs MCO (médecine, chirurgie, obstétrique).

Il a ensuite développé les cinq axes de la réflexion de la conférence sur la réforme hospitalière de 1991. Abordant la maîtrise financière, il a fait remarquer toutefois que les 2/3 des activités MCO de l'hôpital public étaient réalisés en CH. Il a noté que les disparités inter et infra-régionales faisaient que la dotation financière de santé pouvait varier par individu de 1 à 3 et que ces disparités justifiaient, d'une part, une maîtrise des dépenses dans chaque hôpital, et, d'autre part, des correctifs régionaux et inter-régionaux.

M. Olivier Joyeux a ensuite précisé que, dans une logique de réponse aux besoins de la population et de soins de proximité, les connaissances de terrain, les analyses et confrontations au niveau des conférences de secteur sanitaire qu'impliquaient les schémas d'organisation sanitaire et sociale (SROSS) restaient des données incontournables et pragmatiques.

Il a affirmé que seule une évaluation permettrait d'apporter une contribution scientifique à la qualité des soins. Il a alors fait part d'une enquête de l'IFOP de mars 1995 auprès des usagers des hôpitaux plaçant à 89 % les CH au premier rang.

Rappelant enfin que la mission de santé publique était la raison d'être des hôpitaux et de leur répartition géographique, il a noté qu'il était indispensable de concilier rationalité économique et cohérence sociale.

M. Olivier Joyeux s'est dit prêt pour une réforme fondée sur une meilleure coordination.

Coordination d'abord au niveau de l'hôpital, notamment par une modification du statut des médecins, par leur meilleure formation à la gestion médicale hospitalière, et par une meilleure mobilité, dans une logique de travail inter-hospitalier. Dans le même sens, il a proposé une organisation médicale en unités, services, fédérations de services, départements, permettant un large choix, une évolution de la formation continue tant au plan de la gestion que des connaissances médicales. Il s'est dit totalement hostile à un bouleversement des différentes instances et, notamment, il a réaffirmé la légitimité de l'appartenance des maires aux conseils d'administration des hôpitaux.

Selon M. Olivier Joyeux, la deuxième coordination devra être interhospitalière et justifiera la constitution de réseaux. Il a précisé que de nombreuses conventions liaient déjà entre eux les CH pour des activités et des compétences partagées.

M. Olivier Joyeux a proposé de « donner une âme au secteur sanitaire », par la création d'une nouvelle entité juridique unique mais physiquement éclatée, permettant une meilleure coordination des soins, une meilleure efficience en assurant une cohérence sur un territoire défini de population (de 200.000 à 400.000 habitants en général). Cette entité justifierait aussi des instances dont la composition pourrait être calquée sur celles existant dans les hôpitaux.

Enfin, il a souhaité une meilleure répartition des budgets, effectuée au niveau de la CME.

Il a rappelé que l'hôpital avait été le berceau du programme de médicalisation du système d'information (PMSI) et que si celui-ci était toujours perfectible, il avait permis une première analyse comparative aboutissant à la définition des points indicateurs de niveau de dépenses.

M. Olivier Joyeux a aussi fait remarquer que les contrats d'objectifs et de moyens n'auraient de succès qu'à la condition d'associer médecins et agents administratifs autour d'un projet d'établissement et d'évaluer leurs effets.

Il s'est dit formellement opposé à l'assistance publique régionale, structure de taille trop considérable pour être efficace. Une commission régionale de répartition budgétaire réunissant les représentants de l'État, de l'assurance maladie et des établissements hospitaliers apparaissait une solution plus acceptable et réaliste.

En conclusion, M. Olivier Joyeux a souhaité une coordination au plus haut niveau, à savoir État-assurance maladie, nécessaire pour clarifier les rôles et les prérogatives respectifs.

Enfin, la commission a entendu le docteur Michel Potencier, président de la conférence des présidents des CME des centres hospitaliers spécialisés.

Il a tout d'abord annoncé que la conférence des présidents de CME des CHS partageait en grande partie les propositions faites par le plan dit « Juppé ». Il a notamment insisté sur sa volonté de défendre un système de santé situant le malade au centre du dispositif de soins.

Le docteur Michel Potencier a expliqué que la psychiatrie publique était d'autant mieux placée pour formuler des observations sur le fonctionnement de l'hôpital qu'elle avait sans doute été, de toutes les disciplines hospitalières, celle qui avait fait la révolution sectorielle la plus importante dans son mode d'organisation et son fonctionnement.

Il a noté que les notions de réseau, de proximité et de synergie apparaissant actuellement comme synonymes de perspective de progression dans l'organisation des soins de santé publique, étaient depuis longtemps développées en psychiatrie avec efficacité. Habitués depuis longtemps à l'exercice de la psychiatrie institutionnelle, à la gestion et à l'organisation des équipes de soins, les psychiatres publics étaient certainement plus sensibles au malaise profond de l'organisation de l'hôpital et de ses personnels.

Il a rappelé que, pour l'essentiel, la conférence considérait que l'hôpital devait se recentrer sur les besoins du malade dans une démarche médicalisée.

Le corps médical hospitalier a pris conscience qu'il était l'acteur principal de la maîtrise des coûts, tout en étant le garant de la qualité des soins.

Si la réforme hospitalière actuelle -issue de la loi de 1991- est fondée sur une organisation centrée sur les structures de soins (services ou secteurs pour la psychiatrie) avec, comme responsable, un médecin hospitalier chargé de l'organisation des soins, il a noté que de nombreux textes législatifs et réglementaires étaient venus peu à peu modifier ce système et avaient entraîné des dysfonctionnements à l'hôpital avec des conséquences sur l'organisation et la qualité des soins.

Illustrant son propos, il a développé l'exemple du directeur des soins infirmiers disposant, entre autres pouvoirs, de celui de nommer le personnel non médical et de l'affecter dans les services médicaux.

Il a ajouté que ce directeur pouvait s'opposer à la venue d'une infirmière ou de tout autre personnel paramédical contre l'avis du médecin-chef de service.

Citant alors les propos de M. Jean-Marie Clément, il a signifié que les prérogatives du directeur des soins infirmiers pouvaient aller à l'encontre du pouvoir médical, renforçant ainsi celui de l'administration.

A cet égard, il a noté que la volonté de revaloriser certains coûts ne devait pas gêner l'organisation des soins.

Il a réaffirmé que l'intérêt du malade exigeait que les structures de soins, quelles qu'elles soient, soient obligatoirement placées sous la responsabilité d'un praticien hospitalier qui avait, seul, les compétences et les connaissances professionnelles médicales pour assurer l'organisation des soins. Ce praticien hospitalier devait être recruté par un concours national organisé par le ministère de la santé, respectant ainsi un haut niveau de compétences et d'homogénéité de la qualité des médecins hospitaliers sur l'ensemble du territoire français.

Il a expliqué qu'en psychiatrie, tout particulièrement, le praticien, garant de la loi de juin 1990 réglementant les modes d'hospitalisation des malades mentaux, devait être soustrait à toute pression locale.

M. Michel Potencier a souligné que la conférence serait très vigilante sur la composition de l'agence régionale chargée de la répartition des moyens afin que tous les établissements puissent équitablement faire valoir leurs besoins.

Il s'est dit fermement opposé à la création d'assistances publiques régionales (APR) qui ne pourraient qu'alourdir la gestion sans apporter d'amélioration à l'organisation et à la qualité des soins. La conférence, a-t-il ajouté, est très attachée aux contrats d'objectifs.

Le Docteur Michel Potencier a confirmé la convergence de ses idées avec celles de la conférence de M. Olivier Joyeux concernant la CME et la commission d'évaluation.

Il a expliqué que l'accréditation des services hospitaliers en fonction des normes de qualité ne pouvait pas être refusée.

Il a souhaité que la commission d'accréditation puisse se fonder sur une appréciation sûre des critères des services hospitaliers et soit donc composée de scientifiques.

Il a fait part de l'émotion que lui avait inspiré le fait qu'à l'occasion du dernier recrutement de médecins hospitaliers, et tout particulièrement en psychiatrie, pour 220 postes offerts au concours de recrutement national au mois de novembre, seuls 150 candidats se soient présentés.

Il s'est interrogé sur le désintérêt des jeunes médecins pour l'hôpital public, certainement lié à des problèmes de statut et de rémunération, mais aussi à la place du médecin à l'hôpital public.

Répondant à M. Claude Huriet, il a noté que le nombre des médecins étrangers dans les hôpitaux publics psychiatriques était infime.

Rappelant les difficultés que ne manquera pas de provoquer l'application du projet de loi portant diverses mesures d'ordre social (DMOS) au I er janvier prochain, il s'est fait l'interprète de ses jeunes collègues qui ne comprennent pas l'importance du numerus clausus, tant en première année d'étude qu'au moment de l'entrée en internat.

Il a regretté à nouveau la défection des jeunes praticiens pour l'hôpital public.

A. M. Jean-Pierre Fourcade, président, qui s'étonnait de sa critique virulente de la direction des soins infirmiers, M. Michel Potencier a rappelé que ce problème était capital, en psychiatrie notamment. Il a rappelé qu'en matière psychiatrique la relation « personnel médical et malade » était essentielle, qu'il ne fallait pas confondre gestion d'accords et organisation des soins.

M. Olivier Joyeux est alors intervenu pour regretter également le manque d'effectifs, rappelant la double faillite de la formation des médecins en France.

Il a développé ensuite les propositions propres à attirer les médecins et les chirurgiens dans les hôpitaux généraux. Il a tout d'abord préconisé la rupture de la solitude des praticiens, notamment par la création d'un réseau au niveau du secteur sanitaire. Il a confié également la nécessité d'une formation continue tant au plan médical qu'au plan de la gestion et, enfin, il a dénoncé la pesanteur administrative dans les hôpitaux publics.

Comme M. Michel Potencier, il a avancé que le nombre de médecins étrangers dans les hôpitaux publics était infime (deux à trois praticiens pour des ensembles de 500 à 600 lits environ).

Répondant à Mme Marie-Madeleine Dieulangard qui s'émouvait de la forte contestation du renforcement du pouvoir de l'infirmière générale dans les hôpitaux, M. Philippe Hecketsweiler lui a expliqué qu'il y avait une rupture de l'harmonie générale dans la hiérarchie infirmière. Il a constaté que la directrice des soins n'était plus perçue comme une infirmière, mais uniquement comme un cadre dirigeant.

A M. Jean-Louis Lorrain qui lui demandait comment les praticiens pouvaient faire face à la diminution massive du nombre de lits dans les hôpitaux publics, M. Michel Potencier a reconnu la nécessité d'une grande mutation dont sa propre conférence avait été un des promoteurs.

En conclusion, M. Michel Potencier a exprimé le souhait de redonner au secteur psychiatrique le moyen d'organiser les soins sans qu'il y ait d'interférence d'organisation transversale.

Le lundi 11 décembre 1995, réunie sous la présidence de M. Jean-Pierre Fourcade, président, puis celle de M. Claude Huriet, vice-président, la commission a, tout d'abord procédé à l'audition de M. Jean-Marie Spaeth, président de la Caisse nationale d'assurance vieillesse des travailleurs salariés (CNAVTS), sur le projet de loi autorisant le Gouvernement, par application de l'article 38 de la Constitution, à réformer la protection sociale.

A titre liminaire, M. Jean-Marie Spaeth, président de la CNAVTS, a

souhaité distinguer ce qui, dans son propos, serait dit au nom de la CNAVTS de ce qu'il déclarerait au nom de la Confédération française démocratique du travail (CFDT) dont il est secrétaire national et responsable des politiques de protection sociale.

En tant que président de la CNAVTS, il a souhaité aborder deux thèmes : le fonds de solidarité vieillesse (FSV) et la prestation d'autonomie. Il s'est, tout d'abord, déclaré en accord avec les projets du Gouvernement qui visent à clarifier les missions du FSV. Il s'est félicité que cet organisme soit dédié, dans l'avenir, à la seule prise en charge, à titre permanent, des avantages non contributifs versés aux personnes âgées et qui relèvent, selon lui, de la solidarité nationale. Il a estimé que les ressources ainsi dégagées pourraient permettre le renforcement des transferts de solidarité du Fonds au profit de la CNAVTS. A cet égard, il a considéré comme une bonne mesure la décision du Gouvernement d'accroître les contributions versées par le FSV à l'assurance vieillesse en portant de 60 % à 90 % du SMIC le salaire de référence pour le calcul de la prise en charge de la validation des périodes de chômage. Il a rappelé que cette disposition devrait augmenter les recettes de la CNAVTS d'environ 11 milliards de francs.

M. Jean-Marie Spaeth a, à cet égard, estimé que la logique qui avait présidé à la création du FSV devait être menée jusqu'à son terme. Dans cette optique, il a souhaité que le FSV prenne également en charge les validations des périodes de perception des indemnités journalières, des pensions d'invalidité et des rentes d'accidents du travail qui ne donnent lieu, actuellement, à aucune compensation financière.

Concernant la prestation d'autonomie, il a fait part à la commission de ses suggestions, soulignant le fait que le retrait du texte pourrait être mis à profit pour en améliorer les dispositions.

Rappelant, en premier lieu, la part prise par la CNAVTS dans la mise en oeuvre des expérimentations en matière de dépendance et les résultats encourageants de ces dernières, il a insisté sur la nécessité de recourir à un opérateur national dans ce domaine, capable de mobiliser rapidement des données homogènes et fiables. Soulignant le fait que les conventions qui avaient permis la mise en oeuvre de ces expérimentations en 1995 étaient d'une durée d'un an renouvelable, il a souhaité que cette initiative soit reconduite en 1996. Il a précisé que les premiers résultats de ces expérimentations, évalués par le Centre de recherche et de documentation sur la consommation (CREDOC), seraient actualisés grâce à une enquête qui devrait être achevée au mois de mai prochain.

M. Jean-Pierre Fourcade, président, a alors demandé que la commission puisse disposer d'un rapport de synthèse sur les expérimentations dans un délai relativement court.

M. Jean-Marie Spaeth a proposé de faire parvenir cette synthèse d'ici à la fin du mois de décembre. Il a précisé que les expérimentations s'étaient jusqu'à présent bien déroulées sauf dans deux départements qui connaissaient quelques problèmes : la Haute-Vienne et la Charente. Il a, enfin, précisé que, selon lui, l'articulation entre le domicile et l'établissement devrait être revue dans le cadre du texte relatif à la prestation d'autonomie.

En tant que représentant de la CFDT, M. Jean-Marie Spaeth a, ensuite, considéré qu'il fallait « défonctionnariser » la sécurité sociale qui était actuellement, selon lui, non pas « gérée » mais « administrée ». Il a souhaité que le Parlement puisse débattre de la politique de santé publique et que les partenaires sociaux soient rétablis dans leur rôle de gestionnaires. Il a. insisté sur la nécessité de prévoir une conférence de la santé qui ne serait pas annuelle mais triennale. Il a, également, démontré l'utilité d'une convention entre l'État et la sécurité sociale - l'État étant le stratège et la sécurité sociale mettant en oeuvre les dispositions décidées- ainsi que celle d'une suppression des contrôles a posteriori.

Il a considéré le conseil de surveillance comme une interface où se retrouveraient à la fois les gestionnaires et les parlementaires. Il a estimé que la CFDT avait un point de désaccord avec le Gouvernement dans la mesure où il lui était apparu nécessaire que les futures agences puissent intégrer à la fois le secteur hospitalier et la médecine ambulatoire. S'agissant du remboursement de la dette sociale (RDS), il a précisé qu'à son sens, les 0,5 % de prélèvement devaient concerner l'ensemble des revenus, y compris notamment les sommes consacrées à l'assurance vie et les stock-options.

M. Jean-Pierre Fourcade, président, a, alors demandé à M. Jean-Marie Spaeth s'il incluait dans ces revenus les intérêts du livret de Caisse d'Epargne tandis que M. Jean Chérioux a souhaité savoir si les montants consacrés à l'intéressement étaient également concernés.

Même s'il a considéré que le livret A ne concernait pas uniquement l'épargne populaire, M. Jean-Marie Spaeth a précisé que, selon lui, celui-ci ne devrait pas être concerné par le remboursement de la dette sociale, au contraire des sommes consacrées à l'intéressement. Il s'est prononcé en faveur du financement de l'assurance maladie par l'ensemble des revenus dans la mesure où il a remarqué que, désormais, 62 % seulement des revenus des ménages provenaient du travail contre 80 % vingt ans plus tôt. Il a souhaité qu'un point de cotisation maladie soit remplacé par l'équivalent en contribution sociale généralisée (CSG) et que cette dernière devienne déductible comme une cotisation sociale. Sur la question de la progressivité, il a considéré que celle-ci relevait de la fiscalité et de la réforme de cette dernière. A cet égard, il a estimé que ce qui était du domaine de l'État devait faire l'objet d'un mode de financement permettant la progressivité tandis que ce qui relevait du social devait être financé par les cotisations sociales.

Concernant les régimes spéciaux, M. Jean-Marie Spaeth a déclaré ne pas s'opposer à une certaine « remise à plat », à l'intérieur de chaque entreprise concernée, qui devrait s'effectuer dans la transparence.

M. Jean-Pierre Fourcade, président, a considéré, concernant les régimes spéciaux, que le problème qui se posait était surtout celui de leur équilibre futur.

M. Jean-Marie Spaeth, toujours à propos des régimes spéciaux, a évoqué l'intérêt de la cessation progressive d'activité. Concernant les régimes gérés par les partenaires sociaux, il a déclaré que l'Association des régimes de retraites complémentaires (ARRCO) se portait bien tandis que l'Association générale des institutions de retraite des cadres (AGIRC) connaissait des difficultés dans la mesure où l'on constatait une modification de la structure des revenus des cadres. Il a rappelé que 20 % de ces derniers avaient des revenus inférieurs au plafond de la sécurité sociale et que l'on embauchait désormais des cadres à un niveau de salaire moins élevé. Il a souligné combien ce régime était structurellement trop petit par rapport au nombre de retraités et a attiré l'attention de la commission sur une nécessaire réflexion relative à la mise en oeuvre, à terme, d'un grand régime complémentaire. Il a, enfin, noté que le taux de cotisation des cadres était inférieur de deux points à celui des non-cadres.

M. Jean Chérioux, lui a alors demandé son sentiment sur l'instauration d'un régime par point pour les régimes spéciaux.

M. Jean-Marie Spaeth s'est déclaré opposé à un régime de base par point, dans la mesure où cela supprimait, selon lui, la solidarité et intégrait la totalité de la rémunération. Il s'est interrogé, à cet égard, sur le moindre coût d'un tel régime par rapport au système actuel qui n'intègre pas les primes. Il a, toutefois, souhaité que la comparaison soit faite afin que l'on puisse juger en toute connaissance de cause. Il a estimé, concernant le régime des mines, et sa situation démographique, « qu'il fallait assumer le passé ».

Sur la famille, M. Jean-Marie Spaeth a remarqué que la Caisse nationale des allocations familiales (CNAF) servait à peu près 60 milliards de francs de prestations sans condition de ressources, 60 milliards sous condition de ressources, alors que l'État, par le biais du quotient familial, octroyait aux familles également 60 milliards de francs. Il a souligné les cas où les familles modestes étaient relativement peu aidées : familles avec un seul enfant, familles avec deux enfants non imposables. Il a déclaré rechercher l'équité et a estimé qu'aujourd'hui les aides aux familles lui semblaient discriminatoires.

M. Jean-Pierre Fourcade, président, s'est déclaré en accord avec le diagnostic de M. Jean-Marie Spaeth sur la relative faiblesse des aides à destination des familles de deux enfants non imposables et a précisé que ces familles ne bénéficiaient pas non plus de la revalorisation des aides locatives.

S'agissant de la loi du 25 juillet relative à la famille, M. Jean-Marie Spaeth a rappelé l'urgence de mettre en oeuvre les dispositions relatives aux jeunes adultes. Il a, par ailleurs, remarqué que le problème d'une politique familiale, qu'il a qualifiée de moderne, restait posé et qu'une telle politique ne devait pas se borner à octroyer des prestations mais à améliorer la conciliation entre l'activité professionnelle et la vie familiale.

M. Jean Chérioux a, alors, évoqué la question de l'allocation parentale de libre-choix.

Souhaitant que les femmes ne soient pas pénalisées sur le plan professionnel, M. Jean-Marie Spaeth a proposé que soit instaurée une suspension du contrat de travail pour celles qui élèvent leurs enfants, comme c'est le cas pour le congé maternité.

M. Charles Descours, rapporteur, a interrogé M. Jean-Marie Spaeth sur la place qui devrait, selon la CFDT, être réservée aux médecins au sein des conseils de surveillance.

M. Jean-Marie Spaeth a estimé que cela dépendrait du rôle qui serait dévolu au conseil de surveillance. Si ce dernier, à l'instar de ce qui se passe dans le secteur privé, a une réelle fonction de surveillance, il a déclaré ne pas s'opposer à la présence des médecins.

M. Charles Descours, rapporteur, après avoir rappelé les quatre acteurs de ce système -Gouvernement, Parlement, partenaires sociaux et médecins- a regretté « l'empilement des pouvoirs régionaux » et a interrogé M. Jean-Marie Spaeth sur la possibilité de fusion entre les directions régionales des affaires sanitaires et sociales (DRASS) et les caisses régionales d'assurance maladie (CRAM).

M. Jean-Marie Spaeth a estimé que, où il y avait deux pouvoirs au même niveau, il y avait une impossibilité de fonctionnement. Il a souligné à nouveau combien il lui semblait essentiel que la politique hospitalière ne soit pas déconnectée de la politique régionale en matière de soins ambulatoires. Il a souhaité que les CRAM deviennent de véritables acteurs.

M. Charles Descours, rapporteur, a souhaité connaître l'opinion de M. Jean-Marie Spaeth concernant le « contributif » et le « non contributif » en matière d'assurance maladie.

En réponse, M. Jean-Marie Spaeth a déclaré cette distinction non opératoire et a souhaité qu'il n'y ait plus véritablement de cotisation maladie sauf pour les indemnités journalières, mais une CSG destinée à financer l'assurance maladie. Il a estimé qu'en matière de maladie, la notion de salaire différé n'était plus pertinente. En matière de dépenses d'assurance maladie, il a rappelé que jusqu'en 1957-58, plus de 50 % de ces sommes étaient destinées au paiement des indemnités journalières. Il a précisé qu'aujourd'hui les indemnités journalières ne constituaient plus que 4 % de ces dépenses d'assurance maladie. Il a souligné également que c'était en 1971-72 que l'espérance de vie avait dépassé 65 ans et que désormais la vie se partageait entre 40 ans d'activité professionnelle et 40 ans d'inactivité. Il a rappelé que le niveau des retraites s'était accru. Il a estimé qu'il fallait tirer les conséquences de cet état de fait. Il s'est alors prononcé en faveur de l'affiliation à l'assurance maladie de toute personne résidant légalement sur notre territoire, du fait de son existence même et non de son emploi et d'un régime universel financé par la CSG.

M. Jean-Marie Spaeth a rappelé qu'aujourd'hui les revenus des ménages étaient constitués à 27 % de revenus de transfert et à 62 % de revenus du travail, contre 80 % vingt ans plus tôt. Il a noté que l'obligation scolaire à 16 ans datait de 1951, et que les premiers salariés qui avaient été concernés par celle-ci n'arriveraient à la retraite qu'en 2011. Il a souhaité que l'État ne se mette pas à sélectionner les risques pour les financer par l'impôt.

M. Claude Huriet s'est demandé si le système catégoriel n'existait pas déjà et a évoqué le régime d'Alsace-Moselle.

M. Jean-Morte Spaeth a craint qu'avec la séparation des risques, on n'aboutisse à un système dual, avec, d'un côté, ce qu'il a appelé le « gros risque » et le secteur hospitalier et, de l'autre, ce que d'aucuns estiment être du confort et l'ambulatoire. Il a rappelé que le régime en vigueur en Alsace-Moselle était un système de mutualisation collective obligatoire.

Puis la commission a procédé à l'audition de MM. François Peigné, président de l'intersyndicat national des praticiens hospitaliers (INPH) et Claude Degos, président du syndicat national des médecins, chirurgiens spécialistes et biologistes des hôpitaux publics (SNAM-HP).

M. François Peigné, président de l'INPH, a approuvé le principe du recours à une loi d'habilitation et la nécessité d'une réforme de la protection sociale tout en souhaitant qu'une véritable concertation s'engage avec le Parlement et les représentants des différentes catégories du personnel hospitalier sur ce sujet.

Il s'est déclaré favorable aux orientations définies par le Premier ministre dans sa déclaration de politique générale du 15 novembre dernier tout en faisant part de sa « réticence » à l'égard des propositions de M. Devulder dont il a estimé qu'elles étaient irréalistes, complexes et pratiquement très difficiles à mettre en application.

Concernant la réforme hospitalière, il a considéré qu'elle devrait répondre à deux conditions : tout d'abord, ne pas bouleverser la loi du 31 juillet 1991 qui commence seulement à entrer en application et dont les résultats doivent être analysés ; ensuite, s'appuyer sur les outils opérationnels existants, c'est-à-dire la médicalisation des systèmes d'information, l'évaluation comparative des structures et services hospitaliers et la comptabilité analytique des hôpitaux.

Il a approuvé la régionalisation fondée sur une instance régionale de planification et de financement chargée d'attribuer les enveloppes régionales de financement votées par le Parlement, tout en s'interrogeant sur la composition de ces agences et de leurs instances de décision et en souhaitant que ces agences soient aussi indépendantes que possible.

S'agissant de l'accréditation et de l'évaluation, il a souhaité que ces missions soient assurées par des institutions véritablement habilitées à définir, avec l'aide d'experts, des références et à fixer des critères d'évaluation avant de donner un avis sur l'accréditation des structures hospitalières.

Il a souhaité que les organes d'évaluation soient véritablement composés de professionnels à l'image de ce qui existe dans les milieux anglo-saxons.

Concernant la contractualisation, il a estimé qu'elle devrait conduire à la signature de contrats d'objectifs entre l'agence régionale et les établissements hospitaliers ou des groupements d'établissements et a souligné qu'il serait « utopique » de conclure de tels contrats avec les services hospitaliers eux-mêmes.

Il a précisé que les contrats devraient prévoir les objectifs internes et les moyens alloués aux structures hospitalières accréditées ainsi que des mécanismes d'intéressement et de sanctions pour les équipes hospitalières.

S'agissant de la coordination, sur une base volontaire, des structures d'hospitalisation publiques et privées, il a estimé que le regroupement des établissements publics de soins par bassin de population d'environ 200.000 personnes devrait être favorisé, en coordination avec les cliniques privées qui pourraient être associées aux contrats d'objectifs pour créer un véritable réseau de soins.

Concernant les conseils d'administration des hôpitaux, il a souhaité que leur composition actuelle soit revue tout en souhaitant que le président soit au moins élu par le conseil.

S'agissant de la formation médicale continue, il a souhaité qu'elle soit rendue obligatoire aussi bien pour les médecins libéraux que pour les praticiens hospitaliers tout en reconnaissant que le problème du financement restait entier.

Soulignant une certaine insuffisance de la concertation préalable, il a mis l'accent sur la nécessité de négocier, de discuter et de se concerter pour que la réforme soit véritablement applicable.

Enfin, il a relevé que les observations du rapport du professeur Devulder sur l'assouplissement des conditions dans lesquelles les praticiens hospitaliers pourraient exercer des activités d'enseignement ou de recherche allaient « dans le bon sens », même si les modalités d'application étaient complexes à définir.

M. Claude Degos, président du SNAM-HP, a indiqué au préalable que l'accord de son syndicat avec l'INPH sur de nombreux points de la réforme entraînait une grande convergence dans les positions exprimées par chacune des deux instances.

Évoquant le recours à la procédure des ordonnances, il a estimé qu'il n'appartenait pas à une organisation syndicale de juger une procédure qui relevait de l'appréciation des autorités politiques.

Il s'est déclaré favorable à la régionalisation, que le SNAM-HP appelait de ses voeux depuis longtemps et qui permettrait de rapprocher les instances décisionnelles des personnels des établissements de soins.

Il s'est prononcé en faveur du découpage de la région en secteurs hospitaliers permettant le regroupement d'hôpitaux dont chacun pourrait se spécialiser tout en accomplissant sa mission de médecine générale et d'urgence.

Il a souhaité, pour éviter la dissémination des établissements, que chaque centre de responsabilité, d'une taille suffisamment importante, soit doté d'un budget prévisionnel d'activités et d'une comptabilité analytique, chaque service conservant sa « physionomie » propre à l'échelon d'une spécialité.

Concernant l'accréditation, il s'est interrogé sur les instances compétentes et les techniques utilisées, tout en mettant l'accent sur le rôle nécessaire des praticiens en ce domaine.

S'agissant de l'évaluation, il a regretté que le programme de médicalisation des systèmes d'information (PMSI) ne prenne pas en compte les activités de consultation au sein des hôpitaux et a souligné que les PMSI ne devaient pas être transformés en instrument comptable.

Concernant la contractualisation, il a considéré que les « contrats d'objectifs et de moyens » devraient impérativement être conclus à l'échelon de l'établissement de soins et non pas des équipes hospitalières, afin d'assurer la programmation pluriannuelle des moyens et la coordination entre les différents services.

S'agissant de la coordination entre l'hospitalisation publique et l'hospitalisation privée, il a estimé qu'elle permettrait, dans le cadre de la contractualisation, de mieux déterminer le rôle de l'hospitalisation privée dans les réseaux de soins.

Rappelant que les hôpitaux représentaient près de 50 % des dépenses de l'assurance maladie, il a souligné que la dépense hospitalière recouvrait le coût de diverses activités annexes liées à l'entretien des bâtiments, la blanchisserie et la restauration, lesquelles expliquaient largement le surcoût observé par rapport aux dépenses des cliniques privées.

Il s'est déclaré favorable à la formation médicale continue obligatoire à l'instar des svstèmes existants en Suisse et en Belsique.

Il a souhaité que l'établissement public hospitalier subsiste sous sa forme actuelle en soulignant la nécessité d'une réforme de la composition du conseil d'administration.

Il a insisté sur le caractère fondamental d'une concertation préalable sur les conclusions du rapport du professeur Devulder avant une éventuelle mise en application.

M. Charles Descours, rapporteur, s'est interrogé sur la lenteur de la mise en application de la loi du 31 juillet 1991 et de la médicalisation des systèmes d'information, sur l'intervention exclusive des « professionnels » en matière d'accréditation et sur les difficultés de la mise en oeuvre de la spécialisation des hôpitaux.

M. Jean-Pierre Fourcade, président, s'est interrogé sur la redéfinition de la carte hospitalière et a souligné que l'accréditation devrait être opérée sur des critères objectifs à partir des coûts de financement et des résultats.

M. Claude Huriet a rappelé que la distinction entre les frais liés au « plateau technique » et ceux liés à la fonction hôtelière dans l'hôpital, demandée depuis longtemps, était devenue de plus en plus complexe à effectuer et s'est interrogé sur la nécessité du recours aux ordonnances sur ce dossier.

En réponse, M. Claude Degos, président du SNAM-HP, a souligné que si le PMSI avait pris beaucoup de retard à l'Assistance publique des Hôpitaux de Paris (AP-HP), il n'en était pas de même en province où ce dispositif était quasiment opérationnel.

Concernant la restructuration des établissements de soins, il a estimé que jamais un syndicat responsable n'avait jusqu'ici refusé « de manière catégorique et aveugle » le principe d'une restructuration, tout en soulignant que si cette dernière était conduite en-dehors du corps médical, les risques d'échec étaient grands.

Il a fait valoir les économies en dépenses d'investissement lourd qui résulteraient de la détermination de 4 à 5 secteurs de spécialisation au sein d'une même région.

M. François Peigné, président de l'INPH, a souligné que, tant en matière de médicalisation des systèmes d'information que d'évaluation des résultats des services, la mise au point des outils analytiques était quasiment terminée

Il a insisté sur la nécessité d'une diversification des sources de financement de l'hôpital auprès des universités, des organismes de recherche et des collectivités locales en soulignant que l'activité médicale devrait demeurer à la charge exclusive de l'assurance maladie.

Puis, la commission a procédé à l'audition de MM. Georges Mallard, président de la Fédération nationale des praticiens des hôpitaux généraux (FNAP), M. Louis Ducreux, représentant du syndicat des médecins anesthésistes réanimateurs des hôpitaux non universitaires (SMARHNU), Mme Gaudeau-Toussaint, présidente du syndicat national des biologistes des hôpitaux (SNBH) et M. Skurnik, représentant de la coordination syndicale des médecins, biologistes et pharmaciens des hôpitaux publics (CSMBP-HP).

M. Georges Mallard, président de la FNAP, a indiqué que s'il comprenait l'urgence et le bien-fondé d'une réforme en profondeur de la protection sociale, il n'approuvait pas que le Gouvernement soit habilité à légiférer par ordonnances sur l'organisation et l'équipement sanitaires ainsi que sur le fonctionnement et les modalités de financement et de contrôle des établissements de santé, dans la plus grande rapidité, sans concertation avec les professionnels, sur les bases du rapport de M. Devulder, qui n'a pas encore été rendu public.

Rappelant que de nombreuses dispositions de la loi du 31 juillet 1991 portant réforme hospitalière, qui avait fait l'objet d'un long débat parlementaire, demeuraient encore inappliquées, il s'est demandé si le secteur hospitalier était prêt à « assimiler sans sourciller » une réforme s apparentant à un véritable « chambardement » et imposant aux établissements de soins une référence unique et impérative sur les plans comptable, économique et budgétaire.

Il a donc souligné d'emblée que la FNAP n'était pas favorable à une nouvelle réforme et qu'elle estimait préférable de modifier et de compléter la loi du 31 juillet 1991.

Il a rappelé que l'hôpital général exerçait une mission de service public et qu'à ce titre, il assurait la prise en charge médicale des malades dans le cadre d'une démarche pluridisciplinaire globale, la prise en charge médico-sociale de certains patients et, enfin, une mission de « veille sanitaire » en matière d'urgence.

Il a précisé que l'hôpital assumait en outre la fonction d'observatoire.

Il a souligné que l'hôpital était en mesure de former convenablement 90 % des futurs médecins n'exerçant pas d'activités « de pointe » dans la recherche ou l'enseignement et qu'il était, en outre, le seul établissement capable d'assurer l'enseignement de la médecine générale quotidienne et de sensibiliser le futur médecin généraliste au coût de certains modes d'investigation clinique sophistiqués.

Il a souhaité que les projets de réforme ne visent pas « sournoisement » à « mettre en pièces » ou à « déstabiliser » l'hôpital qui devait conserver sa vocation d'établissement généraliste à dimension humaine.

Il a exprimé la crainte que, même si l'ensemble des établissements d'hospitalisation publique et privée étaient concernés par la réforme, les mesures envisagées en matière de suppression de lits, de transformation de lits ou de fermeture d'établissements de soins ne portaient ni sur les centres hospitaliers et universitaires (CHU) ni sur les établissements d'hospitalisation privés.

Concernant l'organisation territoriale des établissements de soins, il a estimé que si les services spécialisés des CHU devaient demeurer en tant que structures de recours, les autres services devraient être regroupés au sein d'une structure analogue à celle de l'hôpital général. Il a souhaité que les fonctions universitaires soient exercées sur une durée déterminée et parfois rendues accessibles à des praticiens exerçant en honoraire libre, tout en estimant que le nombre de professeurs devrait être revu à la baisse.

S'agissant des hôpitaux généraux, il a estimé qu'en dehors des départements où étaient déjà implantés plusieurs hôpitaux généraux, il conviendrait de prévoir un établissement de 400 à 600 lits pour chaque zone sanitaire, correspondant à un bassin de population de 250.000 à 400.000 habitants.

Il a souligné que le CHU n'avait nulle compétence pour organiser ou contrôler la planification hospitalière générale et s'est déclaré totalement opposé à la création « d'assistances publiques régionales », y compris sous forme déguisée à travers la répartition d'enveloppes budgétaires au niveau régional.

Il a indiqué que la FNAP souhaitait, en matière d'offre de soins, la reconnaissance officielle du secteur sanitaire comme pivot de l'organisation territoriale, l'encouragement au développement d'une politique de soins coordonnée en réseau et l'intensification des relations de complémentarité entre le secteur public et le secteur privé, telles qu'elles existaient déjà pour la rentabilisation des équipements lourds.

Il a estimé que la complémentarité avec le secteur privé concernant les activités médicales ne pourrait être mise en oeuvre que progressivement en raison du principe du libre-choix par le malade de son établissement d'hospitalisation et, en tout état de cause, a souhaité que l'hôpital public ne devienne pas la « voiture-balai » du système de santé.

Concernant la planification, il a souligné que la fédération n'était pas opposée à la régionalisation des budgets hospitaliers mais qu'elle était circonspecte à l'égard de la création d'une « commission exécutive régionale » chargée de répartir les budgets.

Estimant que l'État jouerait un rôle dominant au sein de ces commissions, il a exprimé la crainte que les budgets des établissements ne soient attribués de manière autoritaire et sans concertation.

Il s'est prononcé en faveur d'un dispositif où l'Institut régional d'organisation sanitaire et sociale (IROSS) lancerait tous les cinq ans un appel d'offre « d'activité hospitalière cohérente ». Les projets présentés devraient être conformes au schéma régional d'organisation sanitaire et sociale (SROSS) pour être agréés par l'instance régionale exécutive après avoir été accrédités par une instance nationale décentralisée. Il a souligné que les SROSS étaient d'ores et déjà opérationnels.

Concernant l'évaluation et l'accréditation, M. Louis Ducreux, président du syndicat des médecins anesthésistes réanimateurs des hôpitaux non universitaires (SMARHNU) a rappelé qu'il approuvait la mise en oeuvre de l'évaluation, à la condition que celle-ci soit assurée par une instance de réflexion scientifique et médicale et que des outils d'évaluation « dignes de ce nom » soient mis au point.

S'agissant de l'accréditation, il a souligné que par analogie avec ce qui existait en Grande-Bretagne, les règles d'accréditation devaient être définies à l'avance pour permettre aux établissements de s'auto-évaluer avant de demander leur accréditation.

Concernant le financement des établissements d'hospitalisation, M. Georges Mallard, président de la FNAP, a tout d'abord rappelé que les hôpitaux généraux qui soignaient les deux tiers des patients ne consommaient que 38,6 % de l'ensemble des budgets hospitaliers publics et privés.

Il a souligné les déviations et le caractère sclérosant de la maîtrise comptable des dépenses hospitalières résultant de la mise en oeuvre du budget global depuis 1985.

Il a constaté que l'assurance maladie finançait des prestations que des dépenses indues en matière d'enseignement et de recherche dans les CHU qui devraient être prises en charge par les ministères compétents en faisant état d'une étude menée en Languedoc-Roussillon qui montrait, à activité comparable, une « surdotation » systématique des CHU.

Observant que, depuis quelques années, la généralisation des enveloppes régionales compensait légèrement la rigueur du budget global, il a constaté que les groupements homogènes de malades (GHM) issus du programme de médicalisation des systèmes d'information (PMSI) permettait d'envisager qu'une fraction de la dotation budgétaire repose sur les performances et la rentabilité. Il a déclaré ne pas s'opposer à cette réforme sous réserve d'expérimentations préalables.

Il s'est déclaré favorable aux contrats d'objectifs sous réserve d'un rééquilibrage préalable des budgets hospitaliers à partir du PMSI et que les contrats soient cosignés par les équipes soignantes.

Refusant que les enveloppes budgétaires soient affectées à des regroupements de service, il a demandé que soit alloué un budget par service hospitalier, ce dernier devant être considéré comme le véritable centre de responsabilité.

Pour que les médecins soient mieux responsabilisés, il s'est prononcé en faveur de formules d'intéressement plutôt collectives qu'individuelles.

Concernant l'organisation interne des hôpitaux, il s'est opposé au regroupement forcé de services en superstructures et a souhaité le maintien de la souplesse ouverte par la loi du 31 décembre 1991.

Il a estimé que le Ministre devait continuer de nommer les praticiens et a souhaité que l'autorité des chefs de service sur le personnel hospitalier soit restaurée.

Il a considéré que la commission médicale d'établissement (CME) devait conserver son pouvoir de décision dans les choix médicaux et s'est opposé au projet de création de « conseils de direction ».

Il a souhaité une « médicalisation » des équipes de direction par la participation du président de la CME aux réunions de direction hebdomadaires et par une représentation croisée entre la CME et la direction de l'hôpital.

S'agissant de la réforme des conseils d'administration, il s'est félicité que le maire demeure présidentiable en soulignant que cet élu était le mieux placé pour connaître et évaluer les besoins de sa ville et de son secteur hospitalier.

Il a regretté la diminution régulière du nombre d'internes et de praticiens hospitaliers en s'interrogeant sur les conséquences de

l'interdiction de recruter des médecins étrangers à compter du 1er janvier 1996.

Concernant l'organisation territoriale des urgences, il a fait part de son opposition au décret du 7 mai 1995 et a demandé que tout centre hospitalier dispose d'un service d'urgence intégré dans un réseau coordonné de soins urgents.

M. Skurnik, représentant de la CSMBP-HP, a rappelé que son organisation représentait 30 % du corps des internes et des chefs de clinique.

Il s'est inquiété du risque d'une « démédicalisation » croissante des hôpitaux en soulignant que les médecins compétents et de haut niveau ne souhaitaient plus travailler à l'hôpital et qu'il manquait environ 3.000 médecins dans les hôpitaux généraux.

Il a désapprouvé les fermetures de lits hospitaliers en soulignant les conséquences négatives en matière de lutte contre l'exclusion et le coût des places ouvertes dans des structures extra-hospitalières.

Il a souhaité que le service demeure l'unité de base de l'hôpital.

Concernant l'accréditation, il s'est inquiété des conséquences qui seraient tirées de cette procédure sur le plan financier et a regretté l'absence de contrepoids « scientifique et démocratique » en souhaitant l'intervention dans la procédure de représentants élus des syndicats et des associations médicales ainsi que de représentants des sociétés savantes.

M. Charles Descours, rapporteur, s'est interrogé sur l'évaluation en matière hospitalière, sur le PMSI et sur l'éventualité d'un recours accru au travail à temps partiel pour les praticiens hospitaliers.

En réponse, M. Georges Mallard, président de la FNAP, a déclaré qu'il n'était pas opposé à l'évaluation et a estimé que le PMSI était un outil quantitatif qui avait le mérite d'exister.

S'agissant des médecins exerçant à temps partiel à l'hôpital, il a rappelé les inconvénients déontologiques de cette solution.

M. Skurnik a estimé que l'écart de rentabilité entre l'activité hospitalière et l'activité libérale était trop important pour rendre possible le développement du recours au temps partiel.

Un débat s'est alors engagé entre Mme Gaudeau-Toussaint, MM. Louis Ducreux, Georges Mallard, Charles Descours, rapporteur et Jean-Pierre Fourcade, président, sur les conséquences du développement du travail à temps partiel dans les hôpitaux.

Puis, la commission a procédé à l'audition de M. Jacques Coz, président du syndicat national des cadres hospitaliers (SNCH).

M. Jacques Coz, président du SNCH, a tout d'abord indiqué que son syndicat avait réagi positivement à la déclaration du Premier ministre du 15 novembre dernier.

Il a approuvé le principe de l'instauration du régime universel d'assurance maladie ainsi que du rôle accru du Parlement en matière de protection sociale.

S'agissant de la régionalisation des dépenses hospitalières, il a approuvé cette mesure que le SNCH appelait de ses voeux depuis longtemps en soulignant qu'il appartiendrait à l'État d'arrêter le schéma d'aménagement sanitaire et social du territoire et aux agences régionales de gérer le schéma au niveau local.

Il a souhaité que la direction des agences régionales de financement (ARF) ne soit pas confiée aux préfets, pour éviter le reproche de « nationalisation rampante » de la sécurité sociale.

Concernant l'évaluation, il a estimé que celle-ci serait le gage à la fois de l'efficacité, de la qualité et de la sécurité de l'activité hospitalière en souhaitant que celle-ci soit mise en place de manière « volontariste », afin d'éviter les retards constatés lors de la mise en place du programme de médicalisation du système d'information (PMSI).

S'agissant de l'accréditation, il a demandé qu'elle soit réalisée par un organisme autonome indépendant et non pas par l'État.

Évoquant les conclusions du rapport du professeur Steg, il a estimé urgent que les schémas régionaux d'organisation sanitaire entrent en application.

S'agissant de la contractualisation, il a souhaité qu'elle revête un caractère obligatoire et qu'elle ne s'effectue qu'entre les agences régionales et les établissements hospitaliers autonomes.

Il a rejeté l'idée de la contractualisation entre les agences régionales et les équipes soignantes susceptibles d'entraîner la « balkanisation » du secteur hospitalier.

S'agissant de la coordination de l'hospitalisation publique et de l'hospitalisation privée, il a souligné qu'il convenait de privilégier une approche en réseau de soins et a souhaité la mise en place d'incitations au regroupement des établissements hospitaliers et aux formules de coopération entre le secteur public et le secteur privé telles que les groupements d'intérêt public (GIP) ou les groupements d'intérêt économique (GIE).

Il a approuvé globalement la réforme hospitalière proposée en estimant que le retrait du plan de réforme de la protection sociale serait « catastrophique ».

M. Charles Descours, rapporteur, a confirmé l'importance de la mise en place des schémas des urgences et s'est interrogé sur les mesures relatives aux conseils d'administration des hôpitaux.

M. Jean Chérioux s'est interrogé sur le rôle respectif du conseil d'administration et du directeur de l'hôpital.

M. Claude Huriet s'est interrogé sur le choix du directeur de l'agence régionale de financement et le rôle respectif de l'accréditation et de l'évaluation.

En réponse, M. Jacques Coz, président du SNCH, tout en n'émettant pas d'objection au principe de l'élection du président du conseil d'administration, s'est interrogé sur la composition envisagée pour cette instance et a estimé que la présidence devrait être assurée, en tout état de cause, par le maire ou par un élu municipal.

Il a précisé que le conseil d'administration avait une compétence d'attribution et que le directeur d'hôpital avait une compétence générale et d'exécution.

Il a souhaité que les directeur des ARF soient des hauts fonctionnaires nommés par l'État, comme il est de règle pour les établissements publics.

Il a considéré que l'accréditation devrait porter sur les structures hospitalières tandis que l'évaluation porterait sur les aspects professionnels et qualitatifs de l'activité hospitalière et a précisé que l'évaluation devrait être l'un des éléments pris en compte pour l'accréditation.

La commission a, enfin, procédé à l'audition de M. Jean-Louis Buhl, directeur de l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale (ACOSS) sur le projet de loi autorisant le Gouvernement, par application de l'article 38 de la Constitution, à réformer la protection sociale.

A titre liminaire, M. Jean-Louis Buhl, directeur de l'Agence Centrale des organismes de sécurité sociale (ACOSS) a estimé que cet organisme était concerné par la loi d'habilitation et les ordonnances en cours de préparation à travers trois aspects essentiels : l'amortissement de la dette sociale, les mesures de rééquilibrage financier qui devraient faire l'objet des deux premières ordonnances et la réforme de l'organisation des caisses. Il a estimé que d'autres aspects du plan du 15 novembre 1995, comme l'évolution de la CSG, la prise en compte de la valeur ajoutée dans les cotisations, la création d'un régime universel d'assurance maladie intéressaient également l'ACOSS mais ne relevaient pas de la procédure des ordonnances. Il a présenté les observations de l'organisme dont il était le directeur comme procédant de la préservation des intérêts financiers de la trésorerie du régime général, ainsi que du souci de l'applicabilité, de la lisibilité et de la simplicité des mesures à mettre en oeuvre. Il a souhaité qu'un heureux compromis soit trouvé entre les impératifs d'équité et de simplification.

Concernant l'amortissement de la dette, M. Jean-Louis Buhl a estimé que la création de la Caisse d'amortissement de la dette sociale (CADES) apparaissait comme un dispositif plus transparent que celui retenu en 1993, dans la mesure où il y aurait individualisation financière et budgétaire, clarification des missions du Fonds de solidarité vieillesse (FSV) et participation aux frais de recouvrement des ressources. Il a souhaité toutefois que cet objectif de transparence soit mené jusqu'à son terme en confiant l'administration de cette caisse non seulement aux représentants des ministres concernés et des grands corps de l'État mais également à ceux des grandes caisses nationales.

M. Jean-Louis Buhl a remarqué, par ailleurs, que les modalités de reprise de la dette s'avéraient proches de celles retenues fin 1993, un relais de la Caisse des dépôts et consignations étant assuré par un contrat souscrit début décembre et plafonné à 137 milliards de francs, soit 120 milliards de francs plus 17 milliards, ce dernier chiffre étant le déficit prévisionnel pour 1996. Il a souhaité préciser, à cet égard, combien il lui semblait important que la reprise de la dette de la CADES prenne réellement effet au 1er janvier 1996, afin d'éviter que l'ACOSS n'ait à supporter des frais financiers, compte tenu du délai de mise en oeuvre. Ensuite, il s'est interrogé sur le bien-fondé d'une reprise par anticipation du déficit prévisionnel pour 1996, compte tenu des incertitudes relatives à la prévision de celui-ci.

Concernant les ressources de la CADES, M. Jean-Louis Buhl a souhaité que soient clarifiés le mode d'adéquation des recettes et des charges ainsi que le traitement des excédents et des découverts dans la mesure où certaines de ces recettes paraissaient affectées d'aléas. Il a cité, à cet égard, le cas des dettes des étrangers et les cessions de patrimoines. Il a demandé à ce que soient prévues les modalités de fin de gestion de la CADES.

A propos de la contribution exceptionnelle pour le remboursement de la dette sociale (RDS), M. Jean-Louis Buhl a observé que son champ d'application devrait être lié au bénéfice d'une couverture sociale en France pour les personnes plutôt qu'au domicile fiscal dans la mesure où seraient ainsi mieux appréhendés les frontaliers qui sont, selon lui, plusieurs dizaines de milliers. Il a, également, attiré l'attention de la commission sur la complexité supplémentaire qui serait introduite pendant une durée non négligeable (13 ans), pour les employeurs et notamment les petites entreprises, par la création d'une troisième assiette de cotisation, après celle des cotisations sociales et celle de la CSG. Il a noté que la création d'une nouvelle rubrique dans la fiche de paie serait une occasion supplémentaire d'erreur ou de fraude. Il a estimé qu'à terme l'assiette de la CSG serait modifiée pour être alignée sur celle du RDS.

Sur les mesures de rééquilibrage financier, M. Jean-Louis Buhl a estimé que l'ACOSS était notamment concernée, d'une part, par la suppression de la prise en charge par l'assurance maladie des cotisations d'allocations familiales des médecins du secteur 1 et, d'autre part, par l'affiliation des médecins du secteur 2 qu'il a souhaitée à partir du 1er mai et non du 1er avril comme cela était prévu afin de respecter la période traditionnelle de référence en matière d'assiette, soit du 1 er mai au 30 avril.

Concernant la nouvelle taxe de 6 % sur le financement par les entreprises de prestations complémentaires de prévoyance et de maladie pour leurs employés et qui sera affectée au FSV, M. Jean-Louis Buhl s'est interrogé sur l'opportunité de sa création qui se superposera aux dispositifs existants. Selon lui, il aurait été plus simple de réduire ou de supprimer l'exonération actuelle de cotisations sociales qui existe en matière de prévoyance conformément au Sème alinéa de l'article L. 242-1 du code de la sécurité sociale. Il a également estimé que la nouvelle contribution exceptionnelle à la charge de l'industrie pharmaceutique pourrait s'inscrire dans le champ des recettes directement encaissées par l'ACOSS. En revanche, il a souhaité que la redevance de 1 franc par feuille de soins, destinée à financer le fonds d'incitation à l'informatisation des cabinets médicaux soit traitée par la Caisse nationale d'assurance maladie (CNAM) par le biais des Caisses primaires d'assurance maladie (CPAM), sans mobiliser de véritable recouvrement.

Concernant la simplification et la rationalisation des structures, M. Jean-Louis Buhl a souhaité faire trois types de remarques. Tout d'abord, il a rappelé que, depuis plusieurs années, le conseil d'administration de l'ACOSS se préoccupait des inconvénients résultant de l'inadaptation actuelle des structures de recouvrement dont les effectifs varient de 1 à 100 selon les endroits. Il a souligné, en particulier, les difficultés de gestion que cela engendrait. Il a donc précisé que le conseil d'administration de l'ACOSS s'était prononcé en faveur de l'unicité départementale des URSSAF, tout en ne négligeant pas la coopération régionale entre organismes. Il a également mentionné que, à son sens, la constitution des entités départementales devait être progressive, avec un plan de convergence sur trois à cinq ans, afin d'optimiser les moyens, sans créer trop d'inquiétude parmi les personnels.

A propos de la gestion des directeurs et des agents de direction, M. Jean-Louis Buhl a constaté que celle-ci souffrait d'une absence de régulation au plan national des nominations et des carrières, ce qui nuit, selon lui, à la mobilité et à la motivation de nombreux agents ainsi qu'à l'adéquation des profils aux postes. A son sens, il est donc apparu important de mettre en place une régulation nationale de l'accès aux emplois de directeur, à condition qu'il y ait une véritable possibilité de mobilité entre les branches et que le président puisse également donner son avis sur la nomination de son directeur.

Par ailleurs, M. Jean-Louis Buhl a estimé que la composition du Conseil d'Administration de l'ACOSS n'était plus adaptée aux missions de cette dernière et qu'il convenait de faire une place aux administrateurs des URSSAF. Il s'est également interrogé sur l'intérêt de la création d'un conseil de surveillance pour les caisses.

M. Charles Descours, rapporteur, a mentionné qu'un tel type de conseil existait bien à la caisse des dépôts et consignations.

M. Jean-Louis Buhl a remarqué que ce conseil de surveillance pourrait suivre la trésorerie mais que, si l'on examinait sa composition telle qu'elle était prévue, il y avait risque ou opportunité de retrouver celle de la commission des comptes de la sécurité sociale.

M. Claude Huriet, président, a mis en exergue le fait que, dans la mesure où la composition des deux organismes était proche, l'un des deux risquait d'apparaître superfétatoire.

M. Jean-Louis Buhl a remarqué que l'instauration d'un régime universel d'assurance maladie devrait, à son sens, entraîner la suppression, en tant que telles, des compensations généralisées et bilatérales et une certaine intégration financière des institutions concernées. Il a souhaité, à cet égard, que l'ACOSS puisse mettre son savoir-faire en matière de gestion de trésorerie au service de ce régime universel.

M. Charles Descours, rapporteur, a souligné combien ce nouveau système mettrait fin à une certaine compensation démographique et a fait observer que, si les cotisations étaient remplacées par une CSG élargie, l'intégration financière serait faite.

M. Jean-Louis Buhl a précisé, qu'à son sens, il y aurait, à terme, une gestion de trésorerie unique. Concernant l'intégration de la valeur ajoutée dans le calcul des cotisations, il a rappelé qu'une telle suggestion avait donné lieu à de nombreuses études, de la part du Commissariat général au plan et de la Cour des comptes notamment, pour en analyser les difficultés de mise en oeuvre. Selon lui, il apparaîtrait plus expédient d'appliquer un coefficient correcteur par secteur, voire par entreprise, aux cotisations actuelles.

M. Claude Huriet, président, s'est interrogé sur les possibilités de remédier à l'inconvénient de l'existence de trois assiettes différentes en matière de cotisation.

M. Jean-Louis Buhl a souhaité que pour échapper, en partie, à cette complexité, qui allait pénaliser les petites entreprises, la CSG et le remboursement de la dette sociale aient la même assiette.

MM. Claude Huriet, président et Charles Descours, rapporteur, ont

convenu que la multiplication des assiettes et la complexité qui en résulterait pour les petites entreprises leur avaient été, jusqu'alors, insuffisamment.

La commission s'est réunie le mardi 12 décembre 1995, sous la présidence de M. Claude Huriet, vice-président, pour entendre M. Dinorino Cabrera représentant le syndicat des médecins libéraux (SML) sur le projet de loi autorisant le Gouvernement, par application de l'article 38 de la Constitution, à réformer la protection sociale.

M. Dinorino Cabrera a commencé par indiquer que le « plan Juppé » contenait des dispositions jugées positives par son syndicat et d'autres inacceptables. Il a rappelé que le syndicat des médecins libéraux s'était engagé dans le processus de maîtrise des dépenses médicales en signant les deux dernières conventions et qu'il était favorable aux références médicales opposables (RMO) ; il avait d'ailleurs lancé l'idée du carnet médical.

En revanche, son syndicat n'acceptait pas les mesures de culpabilisation prises à l'encontre du corps médical sous le prétexte que l'augmentation des dépenses de médecine libérale avait dépassé l'objectif de 3 % prévu pour 1995.

M. Dinorino Cabrera a observé qu'en 1994 l'augmentation s'était située entre 1,6 et 1,9 %, donc à un niveau inférieur à celui prévu et que si l'augmentation se situait en 1995 entre 5 et 6%, cela était dû en grande partie à l'augmentation du prix des médicaments et à la prise en charge de la vaccination contre l'hépatite B. Pourtant, des sanctions, d'une portée rétroactive avaient été prises, ce qu'il a jugé inadmissible.

M. Dinorino Cabrera a également indiqué que son syndicat rejetait tout objectif quantifié basé sur l'indice des prix et a souhaité que le Parlement se prononce sur le taux d'augmentation prévisionnel des dépenses d'assurance maladie après concertation avec les professions de santé. Il a également demandé que soit précisément défini le champ des dépenses couvert par l'enveloppe ainsi déterminée.

En réponse à M. Charles Descours, rapporteur, qui l'interrogeait sur la possibilité de maîtriser les dépenses de santé sans prévoir des sanctions, M. Dinorino Cabrera a souligné que le taux de progression des dépenses devait être prévisionnel. Dans la mesure où il ne s'agissait pas d'un taux directeur, son dépassement ne devait pas donner lieu à des sanctions, mais à des mesures correctives pour l'avenir. Il a toutefois fait observer que le blocage des honoraires aboutissait à sanctionner les médecins respectueux des objectifs comme ceux qui ne l'étaient pas.

M. Jean Chérioux ayant souligné que la prévision était faite pour être respectée, M. Dinorino Cabrera a insisté sur le fait que son syndicat avait signé des conventions qui ne contenaient pas d'objectifs quantifiés contraignants, mais des objectifs prévisionnels.

Il s'est en outre déclaré opposé au conventionnement individuel, préférant que l'on recherche d'autres mécanismes. Il a rappelé que son syndicat avait proposé que les médecins confirment individuellement leur adhésion à la convention et a reconnu que le système de références médicales obligatoires autorisait des cas de dépassements, peut-être trop nombreux, qu'il conviendrait de réduire.

Il a également indiqué que c'était en raison du blocage d'un syndicat que les instances conventionnelles n'avaient pas fonctionné. Il serait donc souhaitable que la prochaine convention contienne des dispositions permettant d'exclure les syndicats signataires devenus réfractaires à son application.

En réponse à M. Charles Descours, rapporteur, qui s'était interrogé sur la place des professions de santé dans les organes de gestion de l'assurance maladie, M. Dinorino Cabrera s'est déclaré défavorable à leur présence dans les conseils d'administration de l'assurance maladie, mais a accepté leur participation au conseil de surveillance, ce qui leur permettrait de faire entendre leurs voix sans être associés à une décision dont ils ne seraient pas maîtres.

M. Charles Descours, rapporteur, ayant fait observer qu'il devrait être possible d'écarter du régime de sanctions les causes du dépassement (par exemple la vaccination contre l'hépatite B) était extérieure au champ initial couvert, M. Dinorino Cabrera a indiqué qu'à l'expérience la discussion se révélait difficile, car elle débouchait toujours sur une critique de l'attitude des médecins.

En réponse à M. Claude Huriet, président, qui l'interrogeait sur le niveau, national ou régional, auquel devaient être prises les mesures de maîtrise des dépenses, M. Dinorino Cabrera s'est déclaré favorable à la régionalisation. Il a reconnu que la régionalisation serait favorable aux médecins libéraux à condition toutefois de ne pas fixer, comme pour l'hôpital, une dotation globale qui pénaliserait les régions « vertueuses » et favoriserait les régions qui le sont moins.

En réponse à M. Charles Descours, rapporteur, qui évoquait l'inquiétude soulevée par l'obligation de s'adresser à un généraliste avant de consulter un spécialiste, M. Dinorino Cabrera s'est déclaré opposé à une consacraient plus de temps à leurs patients que les médecins étrangers. Il a cependant reconnu que le nombre des médecins était excessif et qu'il convenait d'en inciter un certain nombre à se reconvertir.

M. Jean Chérioux ayant observé que le passage obligatoire par le généraliste condamnait un certain nombre de spécialistes, M. Dinorino Cabrera a répondu qu'en tout état de cause, il y aurait toujours une consultation médicale et a suggéré que cette consultation, qu'elle concerne le généraliste ou le spécialiste, soit remboursée sur la même base, le spécialiste ayant la liberté de ses honoraires.

En réponse à M. Claude Huriet, président, qui l'interrogeait sur l'articulation entre les niveaux régional et national, M. Dinorino Cabrera a suggéré que la convention nationale fixe les références et les grandes lignes de la maîtrise des dépenses et que celles-ci fassent l'objet d'adaptations locales.

A MM. Jean Chérioux et Louis Souvet, qui évoquaient la pénurie de praticiens hospitaliers, M. Dinorino Cabrera a tout d'abord indiqué qu'il existait trop de lits hospitaliers, d'ailleurs souvent occupés à tort. Il a suggéré que les médecins libéraux assistent les « juniors » afin de les aider à déterminer s'il convenait d'hospitaliser les personnes se présentant aux urgences, ce qui permettrait de limiter cette pratique. Il a observé que la reconversion des médecins libéraux pouvait se faire pour partie vers l'hôpital, tout en reconnaissant que des solutions devaient être trouvées pour y rendre les rémunérations plus attractives. Les économies faites sur le nombre de lits pourrait y participer.

M. Charles Descours, rapporteur, a observé qu'il était difficile de toucher à la grille de la fonction publique et s'est interrogé avec M. Pierre Lagourgue sur le recours au temps partiel.

En réponse, M. Dinorino Cabrera s'est déclaré favorable à une interpénétration de la médecine de ville et de la médecine hospitalière, à condition cependant d'éviter les excès auxquels cela avait pu donner lieu dans le passé.

Puis la commission a procédé à l'audition de M. Philippe Sopéna, premier vice-président du syndicat M. G. France.

M. Philippe Sopéna, premier vice-président de M.G. France, a tout d'abord indiqué que son syndicat, qui a recueilli environ les deux tiers des voix des médecins généralistes aux dernières élections professionnelles, soutenait la « logique » du plan de réforme du Premier ministre.

Il a souligné que la « non-gestion » de l'assurance maladie au cours de ces dernières années avait conduit à ce que le niveau des dépenses de santé soit supérieur en France à celui des pays comparables, alors que le taux de remboursement de ces dépenses est inférieur à celui de nos voisins.

Il a mis l'accent sur l'injustice sociale qui résultait de cette situation et le caractère choquant du fait que, selon de récentes enquêtes, certaines personnes reportent des dépenses de soins pour des raisons d'économie.

Il a refusé la logique consistant à augmenter les cotisations sociales et à réduire le niveau des remboursements, mise en oeuvre, selon lui, sous l'impulsion conjointe de Force ouvrière, du syndicat national des industries pharmaceutiques et de la Confédération des syndicats médicaux de France, à une époque où les dépenses de santé étaient considérées comme le moteur de la croissance.

Il a souhaité un « découplage » des dépenses de l'assurance maladie, des salaires et de l'emploi, par la fiscalisation des ressources dont il a souligné qu'elle entraînerait nécessairement une intervention accrue du Parlement.

S'agissant de la maîtrise de la dépense d'assurance maladie, il a constaté que la régulation par le marché n'était pas adaptable aux dépenses de santé, dans la mesure où, pour l'individu, les périodes de forte concentration de la dépense étaient trop courtes par rapport à la durée de la vie humaine pour permettre un comportement économiquement rationnel.

Il a donc estimé inéluctable la régulation par la planification des dépenses, sous l'autorité du Parlement, en remarquant que celle-ci serait incompatible avec le maintien d'un « droit de tirage illimité » des professionnels et des usagers sur le système de santé.

Il a précisé que la logique tendant à attribuer des enveloppes financières prédéterminées aux acteurs du système médical nécessitait de savoir clairement « qui fait quoi et pour qui » pour éviter l'apparition d'effets pervers.

Soulignant, par exemple, l'aspect déstabilisant pour le budget d'un petit hôpital de la prise en charge d'un grave malade chronique, il a constaté la tendance à « l'externalisation » des dépenses dans un système de planification a priori. Il a donc insisté sur la nécessité de mieux connaître la « production » du système de santé en soulignant les insuffisances de l'appareil statistique actuel en ce domaine.

Il a mis l'accent sur la mise en place d'un codage généralisé des actes assorti d'un système de transmission de données auprès d'une instance médicale professionnelle et neutre qui serait considérée comme l'interlocuteur des caisses d'assurance maladie.

M. Charles Descours, rapporteur, s'est interrogé sur la démographie médicale.

M. Jacques Machet a demandé des précisions sur la mise en place du carnet de santé.

En réponse, M. Philippe Sopéna, a estimé que la question du nombre de médecins se posait plus en termes de stock que de flux, puisque le taux de progression annuelle de 0,6 % des effectifs médicaux était proche de celui de la population générale.

Il a considéré que le problème n'était pas de savoir si les médecins étaient trop nombreux mais celui de leur utilité et de leur répartition sur le territoire national en soulignant le sureffectif des médecins spécialistes dans le secteur libéral par rapport au secteur hospitalier.

Il a rappelé que le syndicat M.G. France ne revendiquait pas de numerus clausus en faisant valoir la grande stabilité du nombre d'actes prescrits par médecin et par an depuis quinze ans.

Il a souhaité que les médecins soient incités à consacrer une plus grande partie de leur « temps » professionnel à des activités d'enseignement, de formation, de prévention et d'information, plutôt qu'à se reconvertir vers la « médecine administrative » pour laquelle, au demeurant, les volontaires sont peu nombreux.

S'agissant du carnet de suivi médical, il a rappelé les problèmes éthiques posés par la généralisation du carnet de santé pour les jeunes enfants au début des années 1950 et a insisté sur la nécessaire confidentialité des informations contenues dans le dossier médical.

Il a estimé que le futur carnet de suivi médical devrait permettre au médecin d'accéder plus directement et plus rapidement aux données médicales aujourd'hui dispersées concernant son patient.

Il a considéré que l'informatisation des cabinets médicaux serait d'autant plus rapide qu'elle serait perçue, non pas comme une contrainte administrative nouvelle, mais comme une réponse à un besoin de simplification pour les usagers.

Souhaitant que l'accent soit mis en priorité sur la modernisation de la gestion du système de santé, il a souligné que l'on ne réformerait pas celui-ci par décret.

M. Jean Chérioux a estimé qu'il convenait d'éviter les reproches concernant l'apparition d'une médecine « à deux vitesses ».

M. Claude Huriet, président, s'est interrogé sur les limites de la priorité donnée aux besoins de l'usager.

La commission a ensuite procédé à l'audition de M. Henri Campillo, de la Fédération hospitalière de France (FHF).

A titre liminaire, M. Henri Campillo a précisé que son exposé serait scindé en deux parties avec, dans un premier temps, le financement de l'assurance maladie et, dans un deuxième temps, la réforme de l'hôpital.

Rappelant que la sécurité sociale venait de fêter son cinquantenaire, dans un contexte démographique, social, culturel, totalement différent de celui qui l'avait vu naître, il a constaté que cette situation justifiait une nécessaire adaptation, sans doute trop longtemps différée, mais que ladite adaptation devait se faire, selon la Fédération hospitalière de France, dans le respect des cinq principes fondateurs, à savoir la solidarité nationale, la mutualisation des ressources, l'égalité de tous devant la maladie, le libre accès pour tous aux soins et la stricte compétence et la responsabilité de l'État dans la définition et les moyens à consacrer à une politique de santé.

Selon la Fédération hospitalière de France, l'adaptation du système de sécurité sociale devrait porter sur trois points, la clarification des compétences et des charges entre l'État et la sécurité sociale, en mettant un terme aux transferts de charges indues, la revalorisation des ressources et la maîtrise des dépenses.

S'agissant des charges indues, M. Henri Campillo a estimé celles-ci à environ 70 à 90 milliards de francs en 1995, dont 40 à 45 milliards mis directement à la charge de la sécurité sociale et 30 à 45 milliards de charges indues supportées par cette dernière via les hôpitaux.

Concernant ce qu'il a appelé la revalorisation des ressources, M. Henri Campillo a souhaité que soient redéfinis les financements, qui sont actuellement établis sur un système qu'il a considéré à la fois comme dépassé puisque fondé sur la seule masse salariale-, dangereux -dans la mesure où il pénalise les entreprises de main d'oeuvre et incite à la destruction des emplois-, insuffisant -car il ne tient pas compte des gains de productivité-, et inégalitaire -dans la mesure où il favorise les productions délocalisées et les importations de pays à très bas coûts salariaux-. De même, il s'est prononcé en faveur d'une clarification des compensations entre les régimes et a estimé que la part contributive, à revenus comparables, devait être identique dans tous les régimes. Il a, également, souhaité que les bases des cotisations soient élargies, afin, notamment, de mieux harmoniser les efforts contributifs des différentes catégories de bénéficiaires.

A propos de la maîtrise des dépenses, M. Henri Campillo a orienté son propos dans deux directions. Tout d'abord, concernant la question de l'offre de soins, il a estimé que déréguler engendrerait des désordres et des gaspillages des moyens, voire même des inégalités en matière d'accès aux soins. Il a donc souhaité que la coopération et la complémentarité soient organisées au travers de réseaux coordonnés de soins.

Afin d'optimiser la gestion des moyens, M. Henri Campillo a suggéré trois séries de pistes. En premier lieu, il a proposé d'harmoniser le financement des établissements de santé publics et privés dans le cadre d'un objectif quantifié et sur la base de budgets négociés par objectif d'activités et de moyens. En deuxième lieu, il a souhaité que soit confortée la maîtrise médicalisée de la médecine de ville, dans le cadre de conventions d'objectifs quantifiés. Il a estimé que la rémunération à l'acte ne pouvait continuer à se justifier que si elle était assortie d'une régulation de l'activité individuelle en nombre et valeur d'actes. En troisième et dernier lieu, il s'est déclaré en faveur du renforcement de la qualité des prestations, qu'il s'agisse de l'hospitalisation ou de la médecine de ville. Pour ce faire, il a énuméré un certain nombre de dispositions comme la généralisation du carnet de santé afin d'éviter les actes redondants, le renforcement de l'évaluation des pratiques médicales, le développement des références médicales et l'adoption d'une législation relative à l'aléa thérapeutique.

Dans la deuxième partie de son exposé, M. Henri Campillo a abordé l'analyse faite par la Fédération hospitalière de France des propositions du haut conseil de la réforme hospitalière. Il s'est déclaré en accord avec la proposition de permettre au Parlement d'adopter les objectifs en matière de politique de santé et les moyens financiers destinés à les mettre en oeuvre. Toutefois, il a estimé, dans la mesure où pour toutes décisions nouvelles du Gouvernement cela nécessiterait un nouveau vote du Parlement, que cela alourdirait les procédures. Concernant la conférence permanente de la santé, il a regretté que ne soient précisés ni sa composition, ni ses missions ni ses pouvoirs. Il a craint un double emploi avec la commission des comptes de la sécurité sociale et la commission des comptes de la santé. Il s'est interrogé sur la régionalisation, la considérant au mieux comme « une déconcentration régionale » au pire « comme une étatisation larvée ». Il a jugé que le système retenu semblait compliqué et dispendieux du fait de la multiplication des instances.

M. Charles Descours, rapporteur, a alors précisé que le professeur Devulder, président du haut conseil de la réforme hospitalière, n'avait pas déféré à la convocation de la commission et qu'en conséquence, celle-ci ne connaissait pas le détail des propositions du rapport du haut conseil.

M. Claude Huriet, président, a souhaité que M. Henri Campillo ne réagisse que par rapport au plan du 15 novembre 1995.

M. Henri Campillo a souligné que sa fédération était favorable à l'évaluation, à condition que celle-ci soit établie par un organisme indépendant, sur des bases reconnues par la profession, et qu'elle restait attachée à la procédure d'autorisation. S'agissant de l'accréditation, il a souhaité que celle-ci soit une démarche volontaire des établissements pour faire mesurer leur « conformité à des référentiels de qualité » par une structure de professionnels indépendants et qu'elle soit indépendante de l'autorisation. Il s'est déclaré défavorable à une procédure d'appel d'offres de soins. En revanche, il s'est prononcé en faveur des contrats d'objectifs et de moyens et des réseaux coordonnés des soins hospitaliers et de médecine de ville. Il a estimé qu'actuellement les outils juridiques pour ce faire étaient suffisants mais que les obstacles provenaient, notamment, de l'assurance maladie. Il s'est étonné de la mise en oeuvre de deux objectifs quantifiés différents, l'un pour les établissements publics de santé, l'autre pour les établissements de santé privés et s'est prononcé pour la création d'un seul objectif quantifié, par mission, dans le cadre de contrats d'objectifs. Il s'est également interrogé sur la création « d'une communauté hospitalière et universitaire » dans le cadre de la formation initiale et continue.

A propos de la suppression de la présidence de droit des maires des établissements hospitaliers, M. Henri Campillo a estimé que c'était une erreur d'appréciation et une faute stratégique. Il a, enfin, attiré l'attention de la commission sur les risques engendrés par le projet de nomination des directeurs d'hôpitaux importants en Conseil des ministres. A son sens, il s'agirait d'une « étatisation qui ne dirait pas son nom ». Il a fait part à la commission de sa crainte de voir les choix effectués en fonction de critères essentiellement politiques au profit de candidats extérieurs à la profession, ce qui porterait, selon lui, une grave atteinte au profil de carrière des cadres de direction des hôpitaux issus de l'Ecole nationale de la santé publique alors qu'actuellement les perspectives d'avancement pour ces personnels étaient déjà extrêmement limitées.

M. Charles Descours a alors demandé à M. Henri Campillo son sentiment sur le manque de médecins dans les hôpitaux, en particulier généraux, sur l'articulation accréditation/autorisation, et sur la comptabilité analytique.

M. Henri Campillo a estimé que le manque de praticiens dans les établissements hospitaliers publics datait des années quatre-vingt et que cela provenait en partie du manque d'attractivité de leur statut, notamment en début de carrière. Il a suggéré, à cet égard, de mettre en oeuvre une dotation de 300 millions de francs, afin de contribuer à résoudre ce problème. Il a également proposé de réexaminer la protection sociale des praticiens hospitaliers en s'inspirant de la fonction publique hospitalière. Il a souhaité que se développe aussi en zone urbaine le mode de fonctionnement des hôpitaux locaux, pour que les médecins libéraux puissent aussi pratiquer à l'hôpital et que l'on recrée l'honoraire d'assistance opératoire, supprimé au début des années 70. Il s'est également prononcé en faveur de la possibilité de temps partiel pour les praticiens.

Il a précisé que, pour lui, concernant la deuxième question de M. Charles Descours, rapporteur, il ne fallait pas assimiler accréditation et autorisation.

M. Charles Descours, rapporteur, s'est alors interrogé sur les conséquences de la non-accréditation.

M. Henri Campillo a précisé que le service non accrédité devrait se reconvertir et que l'accréditation était une procédure de sélection. Concernant la comptabilité analytique, il a estimé que cette réforme avait été mise en oeuvre ces dernières années.

M. Jacques Machet a interrogé M. Henri Campillo sur les conséquences du carnet de santé et de la carte santé.

M. Henri Campillo s'est déclaré favorable à ces dispositifs pour éviter les actes redondants et a souhaité qu'ils soient mis en oeuvre tant en ambulatoire qu'à l'hôpital.

M. Claude Huriet, président, a souhaité connaître les conséquences de l'application de la loi du 18 janvier 1994 pour les médecins étrangers.

M. Henri Campillo a évoqué, sur ce point, l'inquiétude engendrée par la date butoir du 1er janvier 1996 et sur la possibilité ou non de maintenir ces médecins. A long terme, en revanche, il s'est déclaré favorable à la vérification des diplômes.

Puis, sous la présidence de M. Jean-Pierre Fourcade, président, la commission a procédé à l'audition de M. Claude Maffioli, président de la Confédération des syndicats médicaux de France (CSMF).

M. Jean-Pierre Fourcade, président, a souhaité que M. Claude Maffioli présente les observations de sa confédération sur l'ensemble du texte et ses modalités d'application.

A titre liminaire, M. Claude Maffioli, président de la confédération des syndicats médicaux de France (CSMF) a souhaité exprimer trois considérations d'ordre général, à savoir l'attachement de sa confédération au système de protection sociale actuel, qui permet un égal accès aux soins à chacun, un tout aussi réel attachement au système conventionnel tel qu'il existe depuis 23 ans, et la nécessité de donner au Parlement la possibilité de se prononcer sur la politique de la santé.

M. Jean-Pierre Fourcade, président, a confirmé cette nécessité pour les assemblées de voter sur les grandes orientations dans ce domaine.

M. Claude Maffioli a précisé que, compte tenu du contexte économique actuel, il était favorable à l'élargissement du financement de l'assurance maladie par le biais de la CSG. Concernant ce qu'il a appelé la maîtrise médico-économique des dépenses de santé pour laquelle, a-t-il tenu à rappeler, il militait depuis deux ans, il a souhaité que les taux soient réellement négociés avec les médecins. Il s'est déclaré défavorable à ce qu'il a qualifié de « maîtrise budgétaire ». Il a reconnu que le taux arrêté par le Gouvernement, soit 2,1 % était relativement large. Mais il a mentionné son désaccord de principe par rapport à un taux arrêté en fonction de motivations budgétaires et qui serait opposable aux médecins. Il a souhaité qu'une véritable maîtrise puisse être mise en oeuvre avec des outils efficaces, une opposabilité et des sanctions individuelles.

M. Jean-Pierre Fourcade, président, s'est alors interrogé sur l'identité de l'autorité qui devrait prendre la sanction.

M. Claude Maffioli a précisé que c'étaient l'assurance maladie et les instances conventionnelles. Il a imputé l'échec de cette procédure, en 1995, à l'arrivée dans lesdites instances d'un syndicat qui avait cherché, selon lui, à en bloquer le fonctionnement. Il a souhaité également la mise en place du codage des actes pour avoir une véritable appréciation de l'activité des médecins. Il a mentionné, toutefois, qu'un véritable codage exhaustif nécessiterait quinze ans mais qu'un codage par spécialité non exhaustif pourrait être mené à bien en trois mois. Il s'est, cependant, demandé si l'assurance maladie nourrait véritablement le mettre en oeuvre.

M. Jean-Pierre Fourcade, président, a demandé à M. Claude Maffioli quelle était la spécialité la plus en retard en matière de codage.

M. Claude Maffioli a déclaré que c'était la médecine générale. Il a estimé qu'il fallait, à cet égard, faire un codage sur un symptôme d'appel. Il s'est déclaré favorable à ce que les unions professionnelles, plutôt que l'assurance maladie, puissent mettre en oeuvre ce codage. Il a souhaité que la coordination du système de santé soit accrue et s'est prononcé en faveur du carnet de santé et du dossier médical tenu par le généraliste, ce qui éviterait, selon lui, les examens médicaux redondants. Il a regretté que le décret de mars 1995 ne rende pas ce type de document obligatoire.

Il a estimé, par ailleurs, que le nomadisme médical n'avait jamais été démontré. Il a rappelé que la seule étude existant dans ce domaine, celle de la Mutualité sociale agricole, concluait à l'inexistence d'un nomadisme pour ses ressortissants. Il s'est déclaré opposé au passage obligatoire pour le patient devant un généraliste dans la mesure où, dans un système de paiement à l'acte, cela lui semblait inflationniste. Il a fait observer qu'une telle disposition ne pouvait fonctionner que dans le cadre d'un système par capitation. Il a attiré l'attention de la commission sur le fait qu'à partir du moment où, par le dossier médical, le médecin généraliste bénéficierait de toute l'information relative au patient, il y aurait, de facto, une revalorisation de son rôle.

M. Jean-Pierre Fourcade, président, a demandé qui tiendrait, du pédiatre ou du généraliste, le carnet médical de suivi pour les enfants.

M. Claude Maffioli a estimé que, dans le cas des enfants, ce pourrait être le pédiatre. Il a précisé que, concrètement, pour les patients, le carnet médical se présenterait sous la forme d'une disquette.

M. Charles Descours, rapporteur, a observé que la généralisation d'un tel système prendrait du temps.

M. Claude Maffioli a précisé qu'une expérimentation sur ce point se déroulait à Charleville-Mézières et a souhaité que l'informatisation des cabinets soit facilitée. Il s'est déclaré favorable à un plan de reconversion gouvernemental pour les médecins et au retrait de plus de spécialistes que de généralistes. Il a estimé à 20.000 le nombre de médecins qu'il conviendrait de « retirer ». Il a remarqué qu'en diminuant l'offre, l'hôpital privé avait tenu ses engagements et a approuvé la pratique du temps partiel. Il a souligné le fait que les étudiants s'installaient leurs études finies, autour de leur faculté, ce qui accroissait considérablement l'offre.

M. Charles Descours, rapporteur, a demandé à M. Claude Maffioli s'il était favorable à une incitation à l'installation..

M. Jean-Pierre Fourcade, président, a évoqué le cas du Canada où existaient des primes variables selon l'endroit où le médecin s'installait.

M. Claude Maffioli a estimé que l'ensemble des dispositions évoquées pouvait se mettre en place rapidement. Il a rappelé que 1994 avait été une année de maîtrise et que 1995 ne serait pas bonne sur ce point, notamment du fait de l'obligation instituée par l'État de vacciner contre l'hépatite B. Il a déclaré que, compte tenu des résultats médiocres de la première moitié de l'année, il avait relancé une campagne de maîtrise des dépenses en septembre et qu'il avait été, semble-t-il, entendu puisque les dépenses de médecine de ville avaient baissé de 0,1 % en octobre. Il s'est, à cet égard, déclaré défavorable à l'instauration d'un taux directeur avec des sanctions collectives.

M. Jean-Pierre Fourcade, président, a estimé qu'à son sens, des sanctions collectives pour les professions libérales n'étaient pas acceptables.

M. Charles Descours, rapporteur, a demandé à M. Claude Maffioli quelle serait, selon lui, la place des professionnels de santé dans l'assurance maladie.

M. Claude Maffioli a déclaré qu'il fallait conserver le système conventionnel et qu'il était très favorable à l'instauration d'une conférence permanente, et non annuelle, de la santé.

M. Jean-Pierre Fourcade, président, a soulevé le problème du nombre des organisations qui y seraient représentées.

M. Claude Maffioli a précisé qu'il y avait quatre syndicats de médecins et un centre national des professions de santé. Il a également déclaré que les médecins souhaitaient être représentés dans les agences régionales.

M. Pierre Lagourgue a constaté que les attitudes des patients avaient évolué. Il s'est demandé si la médecine pratiquée par le généraliste n'allait pas être cantonnée à la médecine d'urgence.

M. Claude Maffioli a rappelé qu'on formait aujourd'hui plus de spécialistes que de généralistes et qu'il souhaitait que, dès cette année, cette tendance soit inversée. Il a souligné que ceci posait le problème de l'internat et que tant que la médecine générale ne deviendrait pas une spécialité, cette question resterait sans solution.

M. Charles Descours, rapporteur, s'est demandé si cela n'accroîtrait pas d'autant le prix de la consultation d'un généraliste.

M. Jean-Louis Lorrain, se référant à son expérience personnelle, s'est interrogé sur la mise en oeuvre de la proposition de M. Claude Maffioli. Il a souligné combien pour réussir une véritable « labellisation », il fallait inciter l'ensemble de la profession.

M. Claude Maffioli a convenu qu'il fallait modifier la perception du généraliste qui ne devait plus être « celui qui a raté l'internat ». Il a rappelé qu'il avait tenté de promouvoir un secteur optionnel.

M. Jean-Pierre Fourcade, président, a constaté que cette tentative en faveur de l'instauration d'un secteur nouveau, qu'il a qualifié de 2 bis, n'avait pas connu le succès escompté.

La commission a alors procédé à l'audition de MM. François Delafosse, président et Daniel Frachon, directeur général, de la Fédération des établissements hospitaliers et d'assistance privés à but non lucratif (FEHAP), et de M. Alain Coulomb, délégué général de l'Union hospitalière privée (UHP).

M. François Delafosse, président de la FEHAP, a fait trois observations liminaires : l'attachement de sa fédération au pluralisme du système de santé, la nécessité d'éviter une approche trop réductrice qui serait soit trop économique, soit trop centrée sur l'hôpital et l'obligation de tenir compte de la dimension sociale de l'activité hospitalière avec, par exemple, l'opportunité d'une articulation plus pertinente des structures hospitalières avec les besoins d'accueil des personnes âgées ou handicapées.

Il a approuvé les trois principes sur lesquels devrait se fonder la réforme hospitalière, tout en soulignant l'imprécision de leur contenu.

Rappelant que le cadre régional est déjà pris en compte depuis la loi hospitalière de 1991 à travers les schémas régionaux d'organisation sanitaire et sociale (SROSS), il a, en effet, estimé que la régionalisation était souhaitable. Au-delà, il s'est interrogé sur les intentions précises du Gouvernement, notamment en ce qui concernait les Agences régionales, qui ne doivent pas constituer un échelon administratif supplémentaire.

Si la contractualisation est un principe positif encore faut-il savoir qui contracte et pour quoi faire. Surtout, il faut éviter une « balkanisation » des moyens dans le secteur hospitalier.

Enfin, l'accréditation est une garantie de qualité, qui doit aller au-delà d'une approche purement médicale.

Toutefois, il a regretté l'absence de précisions quant aux aspects financiers de ces mesures. Pour sa part, la FEHAP est favorable à une répartition des moyens en fonction des besoins réels et à la plus grande transparence.

En réponse à une question de M. Jacques Machet, M. François

Delafosse a précisé que sa Fédération était globalement d'accord sur le projet de réforme en mettant l'accent sur la nécessité d'une complémentarité et d'une évaluation des établissements de santé.

M. Alain Coulomb, délégué général à l'UHP, est alors intervenu. Après avoir rappelé que son organisme représentait 14.000 établissements, 32.000 médecins libéraux et 17 milliards d'honoraires médicaux, il a souligné le caractère positif du Plan Juppé qui sort de la logique habituelle des relèvements de cotisations ou des réductions de remboursement. Il a précisé ensuite les points d'accord avec le projet gouvernemental : le régime universel d'assurance maladie, l'élargissement de l'assiette des cotisations, le renforcement du rôle du Parlement, la réforme des conseils d'administration des hôpitaux et la nécessité de sortir du taux directeur global qui s'avère une rente pour certains et un carcan insupportable pour d'autres.

M. Alain Coulomb est ensuite revenu sur les grands principes de la réforme hospitalière. S'agissant de la régionalisation, il a indiqué préférer l'idée d'une régulation des dépenses d'assurance maladie au niveau régional ; sur la contractualisation, il a souligné la faiblesse des instruments d'évaluation mais a souhaité une clarification des objectifs ; sur l'accréditation il a insisté sur la nécessité de créer une instance d'accréditation indépendante de l'État et de l'assurance maladie, ce qui suppose une multiplicité de financeurs.

Enfin, sur la coordination, il s'est dit convaincu de l'importance des gisements de productivité, y compris au sein des établissements publics. Il a estimé à 20 % le nombre de patients se situant dans l'attente d'une structure correspondant à leurs besoins réels.

Il a enfin considéré que l'objectif essentiel devait être celui de l'efficacité médicale qui concilierait les principes suivants : un haut degré de qualité, la maîtrise des dépenses, la diffusion du progrès médical et une juste rémunération des professionnels et des structures.

Il a conclu en souhaitant être associé, en tant que fédération, aux textes qui entreraient en application.

A une question de M. Charles Descours, rapporteur, il a précisé que les services pourraient faire sans difficultés l'objet d'accréditation.

M. Daniel Frachon est intervenu pour indiquer qu'il devait y avoir une distinction entre l'autorisation de fonctionnement et l'évaluation de la qualité des services.

M. Jean-Louis Lorrain a appelé l'attention sur la dimension sociale de l'hôpital.

M. François Delafosse a répondu que c'est la raison pour laquelle il refusait une « balkanisation » des services au nom du principe de complémentarité.

M. Alain Coulomb a admis l'existence de gaspillages financiers et de pratiques peu rigoureuses de certains établissements ou services.

M. Daniel Frachon a souligné la difficulté d'évaluer la « fonction sociale » de l'hôpital, dont il a admis qu'il fallait en effet en tenir compte.

Répondant à M. Alain Vasselle, M. François Delafosse a admis l'existence de surcapacités mais a indiqué qu'il fallait raisonner en termes d'activités et non de lits excédentaires.

M. Alain Coulomb a estimé que l'hospitalisation privée était exemplaire à cet égard, en raison de l'ampleur des regroupements opérés, soit 205 opérations pour la seule année 1994, principalement pour des motifs financiers. Les services de proximité se conçoivent davantage pour les soins courants que pour les services de « haute technologie », d'où la nécessité de rechercher des instruments de coopération entre les professionnels de la santé.

Puis, sous la présidence de M. Jacques Machet, vice-président, la commission a procédé à l'audition de M. Jean Gras, président de la Fédération des Médecins de France (FMF).

M. Jean Gras, président de la FMF, a indiqué que la fédération avait pris acte des mesures annoncées par le Premier ministre le 15 novembre dernier concernant le remboursement de la dette sociale et les mesures structurelles de réforme de la protection sociale.

Il a souligné que les mesures annoncées étaient parfois « un peu trop brutales ».

Il a indiqué qu'il ne s'opposait pas à l'institution d'un régime universel d'assurance maladie qui permettrait la mise en oeuvre du principe « à cotisations égales, prestations égales » réclamée par la fédération depuis longtemps.

Il a noté, à cet égard, que le régime de la retraite des médecins conventionnés étant un régime spécial entrant dans le champ de la réforme, il n'était pas hostile aux mesures nécessaires à l'équilibre financier de ce régime.

Concernant la politique familiale, il a regretté le report de l'allocation parentale de libre-choix (APLC) aussi bien du point de vue du resserrement des liens familiaux que des effets bénéfiques attendus pour l'emploi.

Il a exprimé son accord avec les mesures annoncées en matière de financement de la protection sociale en estimant qu'il serait toujours nécessaire pour l'avenir de différencier plus clairement ce qui relevait de l'assurance de ce qui relevait de l'appel à la solidarité nationale.

Il a précisé que le gel de l'évolution des dépenses de médecine fixé à 2,1 %, soit au niveau prévisionnel de la hausse des prix, avait suscité une certaine émotion dans les milieux médicaux d'autant plus que la décision n'avait été soumise préalablement à aucune instance consultative.

Il a souhaité que la mesure de gel n'ait qu'un caractère exceptionnel et que, dès la fin de 1996, la possibilité soit ouverte de négocier un avenant avec les partenaires sociaux, au vu des résultats constatés.

Concernant la création d'unions régionales des caisses d'assurance maladie, il s'est déclaré favorable à ce mouvement de régionalisation qui répond au besoin d'une déconcentration des dépenses de santé.

Afin de mieux responsabiliser les intervenants, il a souhaité que les conseils d'administration des caisses d'assurance maladie puissent être « mis en mesure » de choisir leur directeur de caisse afin de garantir la mise en oeuvre des efforts de maîtrise des dépenses de santé.

Il s'est félicité que le Premier ministre ait déclaré que « la qualité des soins n'était pas et ne devait pas être négociable » ainsi que son refus « d'entrer dans la voix du rationnement des soins ou de la réduction des remboursements ».

S'agissant de la réforme hospitalière, il a indiqué que les quatre points forts de la réforme, c'est-à-dire, régionalisation, évaluation contractualisation et coordination, n'appelaient aucune objection de sa part.

En revanche, s'agissant de la réforme des conseils d'administration des hôpitaux, il a regretté que le Premier ministre ait proposé de retirer aux maires leur présidence de droit.

Estimant que les maires n'avaient pas démérité, il a souhaité en tout état de cause que les conseils d'administration des hôpitaux soient effectivement présidés.

Concernant la médecine de ville, il a souhaité plus d'explications sur le dispositif d'ajustement automatique de la rémunération des médecins en fonction du respect d'objectifs et fondé sur des revalorisations tarifaires « conditionnelles et temporaires ».

S'agissant des instruments de la pratique médicale, il a approuvé l'extension et la pérennisation des références médicales opposables (RMO).

Concernant l'informatisation des cabinets médicaux financée par une contribution des médecins équivalent à un franc par feuille de soins, il s'est interrogé sur les autorités responsables de la gestion du futur fonds de mutualisation et a soulevé le problème des médecins ayant déjà mis en place leur informatisation.

Il a approuvé la réforme de la formation initiale des médecins en rappelant que la fédération aurait souhaité qu'elle intervienne plus vite et plus tôt.

Concernant la formation continue obligatoire, il s'est interrogé sur les sanctions envisagées pour les médecins qui ne respecteraient pas cette obligation et le financement de cette mesure dont le coût, selon certaines évaluations, est estimé à 3,5 milliards de francs.

S'agissant du carnet de suivi médical, il s'est demandé s'il s'agissait d'une extension du dossier médical ou d'un nouveau document et a approuvé cette mesure tout en soulignant l'importance du respect du secret médical.

Il a approuvé le développement des médicaments génériques et, concernant le déconditionnement des médicaments, s'est interrogé sur les problèmes d'identification des médicaments par les personnes âgées qui en résulteraient.

Il a exprimé son accord à la mise en place d'une photo sur les cartes d'assurés sociaux, en remarquant toutefois que le médecin ne saurait avoir pour obligation d'exiger la présentation de la carte d'identité de son patient.

Pour conclure, il a tout d'abord exprimé son opposition « très ferme » à la contribution des médecins d'un franc par feuille des soins, à la suspension partielle pour 1996 de la prise en charge par l'assurance maladie des cotisations familiales des médecins du secteur I et à l'affiliation obligatoire de tous les professionnels de la santé à la caisse nationale d'assurance maladie des travailleurs salariés (CNAMTS).

Sur ce dernier point, il a précisé qu'il aurait préféré la généralisation de l'adhésion des médecins à la caisse nationale d'assurance maladie et maternité des travailleurs non salariés des professions non agricoles (CANAM) et a souhaité que les mesures de hausse des cotisations sociales résultant de la réforme soient étalées dans le temps.

Par ailleurs, il a appelé de ses voeux un réel effort de maîtrise de l'évolution des frais de gestion des caisses d'assurance maladie.

Il s'est interrogé sur les modifications des textes conventionnels en matière de dépense de médecine qui résulteraient des ordonnances, en soulignant qu'aucune partie prenante n'aurait intérêt à ce que la convention soit résiliée.

Il a estimé, enfin, que la réforme « précisait les responsabilités » mais s'est demandé si elle « responsabilisait les partenaires ».

M. Charles Descours, rapporteur, a constaté la multiplicité des réserves émises par la fédération et s'est interrogé sur les conséquences de la modification de l'assiette de financement des dépenses de l'assurance maladie et la nécessité d'une responsabilisation des assurés.

En réponse, M. Jean Gras, président de la FMF, a précisé qu'il approuvait les mesures d'élargissement progressif de l'assiette des prélèvements au titre de la sécurité sociale annoncées par le Premier ministre tout en souhaitant que chaque assuré demeure conscient que la protection sociale était « le fruit de son travail » et que l'on n'aboutisse pas à une étatisation de la protection sociale.

Il a estimé que l'instauration du carnet de suivi médical irait dans le sens de la responsabilisation de l'usager et a souligné, en tout état de cause que « l'irresponsabilité » était largement répandue dans le système actuel.

III. EXAMEN DU RAPPORT

Réunie le mercredi 13 décembre 1995, sous la présidence de M. Jean-Pierre Fourcade, président, la commission a procédé à l'examen du rapport de M. Charles Descours, rapporteur, sur le projet de loi n° 128 (1995-1996) autorisant le Gouvernement, par application de l'article 38 de la Constitution, à réformer la protection sociale.

M. Charles Descours, rapporteur, a estimé que le projet de loi d'habilitation était la première étape de la mise en oeuvre du plan de réformes de la protection sociale présenté le 15 novembre dernier par le Premier ministre à l'occasion de sa déclaration de politique générale. Ce projet vise à autoriser le Gouvernement à recourir aux ordonnances prévues à l'article 38 de la Constitution dans huit domaines particuliers énumérés à l'article premier de ce texte et dans un délai de 4 mois.

Il a d'abord exposé les raisons qui justifient le recours aux ordonnances.

Il a indiqué que notre système de protection sociale traversait une crise d'une exceptionnelle gravité, d'un point de vue financier mais également au plan de ses structures, qui imposait des mesures d'une ampleur sans précédent.

Il a estimé que le projet de loi d'habilitation traduisait la volonté du Gouvernement d'agir en ce sens au plus vite. Le texte a été soumis au Parlement moins d'un mois après l'annonce des objectifs et de la méthode que le Gouvernement s'est fixés. M. Charles Descours, rapporteur, a observé que le délai de promulgation des ordonnances (quatre mois) représentait presque la moitié de la durée moyenne des précédentes habilitations qui s'établissaient entre 6 mois et 1 an. Le délai de ratification prévu est également relativement rapproché puisque celle-ci devrait intervenir avant le 30 mai 1996.

M. Charles Descours, rapporteur, a estimé que la procédure retenue apparaissait également pertinente du point de vue de l'efficacité.

Elle permet en effet au Gouvernement une unité et une cohérence dans l'action qui est un atout dans des domaines comme la protection sociale où les dispositions à caractère réglementaire et celles à caractère législatif sont fortement imbriquées. C'est d'ailleurs la raison pour laquelle les grandes réformes en matière sociale ont quasiment toutes été menées par voie d'ordonnances, que ce soit en 1967 ou en 1982.

Surtout, cette procédure permet de surmonter les corporatismes d'où qu'ils viennent.

Enfin, le recours aux ordonnances n'impliquera pas un effacement du Parlement. Non seulement l'habilitation est de courte durée, mais le Gouvernement s'est engagé à consulter les commissions parlementaires tout au long de la période de mise au point des ordonnances, ce qui est rendu possible grâce à la session unique.

M. Charles Descours, rapporteur, a ensuite indiqué que le contenu du projet de loi était conforme au programme annoncé et qu'à l'issue de son examen par l'Assemblée nationale, il était beaucoup plus précis.

Concernant l'assurance vieillesse, la rédaction initiale a été, à juste titre, amendée à l'Assemblée nationale pour ne viser que les deux mesures directement concernées, à savoir, d'une part, la modification du mode de revalorisation des pensions de retraite et d'invalidité servies par le régime général et les régimes alignés et, d'autre part, l'harmonisation des conditions de prise en compte des durées d'assurance pour le calcul des pensions. Ces deux mesures devraient rapporter 700 millions en 1996 et environ 800 millions en 1997.

Concernant la branche famille, l'Assemblée nationale a également sensiblement modifié la rédaction initiale du texte qui, là encore trop générale, laissait la possibilité au Gouvernement de placer sous condition de ressources l'ensemble des prestations familiales.

Elle a ainsi substitué à la rédaction contestée par le président Jean-Pierre Fourcade, des dispositions plus précises et conformes au contenu du plan du 15 novembre comme l'élargissement de l'assiette des revenus pris en compte pour l'attribution des prestations sous condition de ressources, la mise en oeuvre de condition de ressources pendant toute la durée d'octroi de certaines prestations -une seule allocation est en fait concernée : l'allocation pour jeune enfant (APJE)- et l'harmonisation des délais de prescription. Enfin, l'expression « simplifier les modalités de gestion » des prestations familiales, qui correspond en fait au transfert à la CNAF de la gestion de ces prestations encore servies à leurs personnels par l'État et certaines entreprises publiques, a été substituée à celle d'une portée plus vaste prévoyant de « simplifier le régime desdites prestations ».

Concernant la médecine de ville, M. Charles Descours, rapporteur

a observé que le champ de l'habilitation était très large, puisqu'il incluait professions de santé et les assurés sociaux, mais aussi l'exercice des professions médicales.

Il a rappelé que les dispositifs législatifs et conventionnels applicables aux professions de santé ne s'étaient pas avérés suffisants pour garantir la maîtrise de dépenses de l'assurance maladie et la qualité de soins.

Les réformes annoncées par le Premier ministre comprennent deux volets : l'institution de nouvelles relations entre l'État, les caisses et les professions et l'amélioration de la maîtrise des dépenses de santé.

M. Charles Descours, rapporteur, a évoqué le dispositif d'ajustement automatique des rémunérations des médecins en fonction du respect des objectifs annoncé par le Premier ministre. Il a estimé qu'il était probablement inévitable et qu'il serait efficace. En effet, il permettra de conjuguer les effets de maîtrise des dépenses résultant de l'application par les médecins des références médicales et ceux qu'induisent leurs efforts en matière de volumes d'actes et de prescriptions.

Il s'est ensuite déclaré favorable à l'institution d'une formation médicale continue obligatoire ainsi qu'au projet de favoriser la réorientation de médecins libéraux vers la médecine préventive, la médecine scolaire ou la médecine du travail. Elle contribuera à réduire l'excédent de l'offre de soins libéraux tout en respectant les aspirations des médecins à continuer à exercer et en assurant une meilleure satisfaction des besoins de la population.

Il a émis une réserve sur l'expérimentation du passage obligé par le médecin généraliste avant de consulter un spécialiste : sauf à supprimer le paiement à l'acte, cette mesure ne devrait pas être génératrice d'économies. Mais il a estimé qu'il était tout de même utile de l'expérimenter.

M. Charles Descours, rapporteur, a ensuite évoqué les prélèvements visant les entreprises appelées à contribuer au rééquilibrage des comptes sociaux.

Il a souhaité que le prélèvement sur l'industrie pharmaceutique instauré « à titre exceptionnel » ne soit pas prorogé à moyen terme sous peine de compromettre, par exemple, certains investissements en faveur de la recherche et a estimé que les modalités de ce prélèvement devraient être négociées.

Il a attiré également l'attention sur la complexité du dispositif résultant du prélèvement sur les contrats de prévoyance collective. Plutôt que de créer une nouvelle taxe de 6% qui se superpose aux dispositifs existants, il eût été plus simple de réduire ou de supprimer l'exonération actuelle de cotisations sociales en matière de prévoyance.

M. Charles Descours, rapporteur, a ensuite évoqué la réforme hospitalière, dont il a approuvé les orientations générales, qu'il s'agisse de la contractualisation du financement ou de l'accréditation des structures hospitalières, émettant toutefois une réserve sur l'idée de supprimer la présidence des maires.

Évoquant l'organisation et le fonctionnement des caisses, M. Charles Descours, rapporteur, a estimé que les orientations de la réforme allaient dans le bon sens.

En effet, s'agissant du retour à la nomination des administrateurs, il a observé que la suppression de la désignation par élection ne faisait que traduire sa caducité dans les faits. Il a estimé qu'il ne fallait pas modifier la composition des conseils d'administration qui devait rester fondée sur le paritarisme.

Sur la création d'un conseil de surveillance composé notamment de parlementaires et de personnalités qualifiées, il s'est déclaré favorable à un tel rééquilibrage qui semblait s'inspirer d'un dispositif qu'elle avait elle-même institué par amendement à la loi du 22 juillet 1993 auprès du conseil d'administration du Fonds de solidarité vieillesse.

Il a souhaité que ce conseil permette d'assurer enfin la représentation des autres acteurs du système de protection sociale, actuellement absents du conseil d'administration, comme par exemple les professions de santé, les associations familiales ou de retraités.

Évoquant le traitement qui sera réservé à la dette sociale accumulée, il a estimé que la création de la caisse d'amortissement de la dette sociale apparaissait comme un dispositif plus clair et doté d'une plus grande transparence que celui mis en oeuvre en 1993.

Il a regretté que la reprise de la dette des régimes des non-salariés non agricoles reste limitée au déficit de la branche maladie à travers la dette de la CANAM alors que les deux principales caisses d'assurance vieillesse enregistrent également de sérieux problèmes de trésorerie. Il a estimé que le fait que le texte soumis au Parlement ne comporte plus de condition à la reprise de la dette de la CANAM constituait néanmoins déjà une garantie importante pour ces professions.

A l'occasion de la création du remboursement de la dette sociale(RDS), il a estimé nécessaire d'éviter une triple assiette (cotisations, CSG et RDS) impliquant une nouvelle rubrique déclarative et augmentant les risques d'évasion et de fraude.

Enfin, concernant les missions du FSV, M. Charles Descours, rapporteur, s'est félicité de la clarification annoncée dans les mesures du Fonds de solidarité vieillesse et souhaitée dès l'origine par la commission, même s'il a souligné que la notion de recentrage était ambiguë : elle pourrait, en effet, laisser entendre que le financement des prestations de solidarité sera la principale mission, mais peut-être pas la seule.

M. Charles Descours, rapporteur, a proposé à la commission de ne pas amender le projet de loi.

M. Jean-Pierre Fourcade, président, a remercié le rapporteur pour son exposé clair et précis et a souligné que les amendements utiles avaient déjà été adoptés par l'Assemblée nationale, avec le rapporteur de laquelle M. Charles Descours a été en rapport permanent.

M. Roland Huguet a félicité le rapporteur de la clarté de son travail, tout en estimant que son rapport ne justifiait pas, sur la forme, le recours aux ordonnances.

Il a estimé que rien n'empêchait le Gouvernement de recourir à la procédure législative normale, d'autant que la session parlementaire avait été allongée et qu'en tout état de cause le Parlement serait conduit à ratifier les ordonnances.

Il a souligné en outre que, rapporté au déficit budgétaire de l'État, fixé à 287 milliards de francs dans le projet de loi de finances pour 1996, le déficit de la sécurité sociale s'élevait seulement à 60 milliards de francs, ce qui conduisait à en relativiser l'importance. Il a indiqué, enfin, que le groupe socialiste voterait contre le projet de loi d'habilitation.

M. Claude Huriet, après avoir félicité le rapporteur, a estimé qu'une hiérarchie pouvait être établie dans le degré d'urgence des différents sujets abordés dans la réforme et a estimé, que si l'urgence des dispositions à caractère financier apparaissait clairement, l'opportunité du recours aux ordonnances semblait moins évidente pour ce qui concerne les relations entre les professions médicales et les caisses de sécurité sociale en vue d'améliorer la qualité des soins et la maîtrise des dépenses de santé d'une part, et la réforme hospitalière d'autre part.

Indiquant que le groupe de l'Union centriste voterait le projet de loi, il a souligné que sa démarche ne visait pas à défendre des intérêts corporatistes mais à éviter que le Gouvernement ne se heurte aux mêmes pesanteurs que celles qui avaient déjà ralenti la mise en oeuvre des réformes précédentes, et en particulier de la loi du 31 juillet 1991, en raison de l'insuffisance de concertation préalable et de l'incapacité de certaines parties prenantes à faire face à leurs obligations conventionnelles.

Il s 'est interrogé sur les conditions dans lesquelles interviendrait la concertation sur le contenu des ordonnances promise par le Gouvernement.

Il s'est demandé, à cet égard, si le Gouvernement prendrait en compte les observations faites au cours du débat en séance publique sur le projet de loi d'habilitation ou si la concertation interviendrait en aval, avec les commissions des affaires sociales des deux assemblées et, dans ce cas, selon quelle procédure et quel calendrier.

En réponse, M. Charles Descours, rapporteur, a tout d'abord rappelé qu'en 1982 le Gouvernement avait recouru aux ordonnances en matière sociale, et a estimé qu'au-delà des aspects financiers, l'importance des corporatismes en matière de protection sociale justifiait cette procédure.

Sur le plan financier, il a souligné l'importance des frais financiers générée par le déficit de la sécurité sociale, le caractère spécifique et ancien du déficit du budget de l'État qui fait l'objet de procédures de financement appropriées et, enfin, la forte aggravation du déficit de la sécurité sociale observée depuis 1990.

Il a rappelé par ailleurs que le Parlement examinerait selon la procédure habituelle la création du régime universel d'assurance maladie et la réforme des prélèvements obligatoires.

S'agissant du secteur de la santé, il a souligné que, dès lors que le Gouvernement demandait un effort d'urgence aux entreprises et aux ménages, il n'aurait pas été compréhensible, dans cette logique globale, que les professions médicales ne soient pas concernées, d'autant que les corporatismes sont particulièrement importants en ce domaine.

Reconnaissant que le contenu des ordonnances sur ce sujet appellerait un examen attentif, il a estimé que le débat sur le projet de loi d'habilitation n'était pas le lieu pour fixer le contenu des ordonnances, lesquelles, concernant le secteur de la santé, seraient prises après le 1er janvier 1996.

M. Jean-Pierre Fourcade, président, après avoir félicité le rapporteur de la qualité de son travail, a souligné que le projet de loi d'habilitation ne devait pas être dissocié du projet de révision constitutionnelle qui permettrait au Parlement de se prononcer chaque année sur l'équilibre de la sécurité sociale et de fixer les objectifs de dépenses des différents régimes.

M. Roland Hughet, estimant paradoxal de considérer que le recours aux ordonnances conduirait à revaloriser le rôle du Parlement, s'est interrogé sur les compétences respectives de la commission des finances et de la commission dans le cadre de la nouvelle procédure.

M. Jean-Pierre Fourcade, président, a souligné que les amendements adoptés par l'Assemblée nationale apportaient les améliorations nécessaires et que le rapporteur ne proposait donc pas de nouveaux amendements à ce texte.

Il a invité la commission à voter sans le modifier, conformément aux conclusions du rapporteur, le projet de loi transmis par l'Assemblée nationale, en indiquant par avance que, compte tenu de cette position, la commission ne pourrait donner un avis favorable à aucun amendement extérieur.

S'agissant de la préparation des ordonnances, il a indiqué que si les dispositions d'ordre financier devaient être prises avant la fin de l'année 1995, le Parlement pourrait être consulté en février et mars 1996 sur les ordonnances relatives à la médecine de ville, à la réforme hospitalière et à la nouvelle organisation institutionnelle du système de la protection sociale.

A cet égard, il a souligné que le calendrier très complet d'auditions de la commission, préparé à sa demande, avait d'ores et déjà permis de faire apparaître les divergences de vue des acteurs du secteur hospitalier et la perception par les médecins du caractère injuste d'une sanction collective en cas de dépassement des objectifs de dépense.

Enfin, M. Jean-Pierre Fourcade, président, a présenté le calendrier prévisionnel des débats en séance publique en soulignant que, à sa demande, la durée de la discussion générale avait été portée de cinq heures à sept heures afin de permettre à chacun « d'aller au fond des choses » et en précisant qu'une réunion avait été prévue, le samedi 16 décembre au soir, entre le Président du Sénat, le ministre chargé des relations avec le Parlement et lui-même afin de faire le point sur l'état d'avancement de la discussion.

Puis, la commission a adopté sans le modifier le projet de loi autorisant le Gouvernement, par application de l'article 38 de la Constitution, à réformer la protection sociale.

* (2) Commission des comptes de la sécurité sociale - Octobre 1995

* (3) imputables principalement à la prise en charge de la validation des périodes de chômage

* (4) Chiffres cités par le rapport du gouvernement au Parlement sur la protection sociale d'octobre 1995

* (5) Revue française de droit administratif. Septembre/octobre 1987

* (5) le compte rendu de cette audition figure en annexe (tome II)

* (6) vingt-quatrième rapport sur la situation démographique de la France p. 7

* (7) Ceci est repris dans une lettre ministérielle du 19 mars 1990

* (8) Cela signifie que les allocations familiales ne bénéficieront pas de la déduction de 20 % octroyée aux salariés pour leurs revenus

* (9) Le plafond de ressources pour l'APJE varie ainsi, conformément à l'article R. 531-9 du Code de la sécurité sociale, au 1er juillet de chaque année, par utilisation de l'indice d'évolution des salaires nets pour l'année civile précédant la date de revalorisation du plafond figurant dans le rapport de printemps des comptes de la Nation

* (10) et d'avoir pu entendre le professeur Devulder qui n'a pas pu se rendre à l'invitation de commission.

* (11) Rapport Sénat n° 370 (1992/1993).

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