B. LA PRÉSERVATION DES SOUVERAINETÉS ÉTATIQUES

La convention préserve tout d'abord la faculté d'émettre des réserves à la convention, ou de formuler des déclarations interprétatives. Plusieurs Etats ont eu recours à cette faculté qui a concerné plus particulièrement l'article 6 de la convention, relatif au droit à un procès équitable ou le droit à l'instruction prévu par le premier protocole.

En second lieu, la convention permet aux Etats parties de ne pas reconnaître la compétence obligatoire de la Cour : ce sont les clauses facultatives d'acceptation de la compétence de la Commission et de la Cour. Le droit de recours individuel, évoqué plus haut, fait ainsi l'objet d'une telle clause facultative d'acceptation qui, dans un premier temps, en a atténué la portée. Aujourd'hui, la totalité des Etats parties reconnaissent la compétence de la Commission en la matière ainsi, que, d'ailleurs, d'une manière générale, celle de la Cour.

Enfin, certains des droits énumérés par la convention et ses protocoles peuvent faire l'objet d'une application modulée en fonction des circonstances : ces droits dits "conditionnels" peuvent faire l'objet de restrictions ou de dérogations, si l'ordre public se trouve menacé par exemple, ou lorsque l'Etat considéré est confronté à des circonstances exceptionnelles. Certaines conditions sont cependant posées : une dérogation à l'exercice normal des droits ne peut intervenir que s'il existe véritablement une situation de crise ou un danger exceptionnel menaçant la survie de l'Etat. Les restrictions doivent être absolument nécessaires et ne pas affecter les droits considérés comme intangibles.

C. LE CONTENU DE LA CONVENTION : UNE ÉNUMÉRATION ÉVOLUTIVE DE DROITS QUI CONSTITUE UN SOCLE COMMUN EUROPÉEN DES DROITS ET LIBERTÉS FONDAMENTALES

Le titre premier de la convention et ses premiers articles sont consacrés aux droits que les Etats parties se devront de respecter.

Cette liste a été successivement enrichie lors de l'adoption de divers protocoles, notamment les protocoles 1, 4, 6 et 7. Il s'agit ainsi du droit à la vie (article 2) ; l'interdiction de la torture (article 3) ; l'interdiction de l'esclavage et du travail forcé (article 4) ; le droit à la liberté et à la sûreté (article 5) ; le droit à un procès équitable (article 6) ; le principe de la légalité des délits et des peines (article 7) ; le droit au respect de la vie privée et familiale (article 8) ; le droit à la liberté de pensée, de conscience et de religion (article 9) ; à la liberté d'expression (article 10) ; la liberté de réunion et d'association (article 11) ; le droit au mariage (article 12) et le droit à un recours officiel (article 13).

Les protocoles ultérieurs ont enrichi cette énumération originelle : le protocole n° 1 a ainsi consacré le droit de la propriété, le droit à l'instruction, le droit à des élections libres. Le protocole n° 4 a proscrit l'emprisonnement pour dette, consacré la liberté de circulation, posé l'interdiction de l'expulsion des nationaux ou l'interdiction des expulsions collectives d'étrangers, principe complété par le protocole n° 7 qui énumère des garanties procédurales spécifiques en cas d'expulsion d'étrangers. Surtout, le protocole n° 6 a posé le principe de l'abolition de la peine de mort.

Comme votre rapporteur l'a déjà évoqué, une certaine hiérarchie est établie entre ces divers droits et libertés : certains ont un caractère absolu, et ne sont pas susceptibles d'être restreints - "dans des mesures nécessaires, dans une société démocratique, à la sécurité publique, à la protection de l'ordre, de la santé ou de la morale publics ou à la protection et libertés d'autrui" - : ces droits non restrictibles sont le droit à un procès équitable, le droit à la liberté et à la sûreté .

Plus encore, certains des droits énumérés ne peuvent faire l'objet d'aucune dérogation , en application de l'article 15 de la convention prévoyant qu'en cas de circonstances exceptionnelles -guerre ou autre danger public menaçant la vie de la nation-, un Etat partie peut déroger aux obligations prévues par la convention. Ces droits sont le droit à la vie , le droit à ne pas être soumis à la torture ou à des peines ou traitements inhumains et dégradants, le droit à ne pas être tenu en esclavage ou astreint au travail forcé, la non-rétroactivité de la loi pénale et enfin le droit à ne pas être condamné à la peine de mort 3 ( * ) .

Tous les autres droits énoncés peuvent faire l'objet -sous réserve que des conditions précises affinées par la jurisprudence de la cour soient remplies-, de restrictions ou de dérogations.

* 3 à l'exception de la peine de mort prononcée, en application de la loi, pour des actes commis en temps de guerre ou de danger imminent de guerre.

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