N° 22

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SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 1995-1996

Annexe au procès-verbal de la séance du 11 octobre 1995

RAPPORT

FAIT

au nom de la commission des Affaires étrangères, de la défense et des forces armées (1) sur le projet de loi autorisant la ratification du protocole n° 11 à la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, portant restructuration du mécanisme de contrôle établi par la convention (ensemble une annexe).

Par M. Gérard GAUD,

Sénateur

(1) Cette commission est composée de : MM. Xavier de Villepin, président ; Yvon Bourges, Guy Penne, Jean Clouet, François Abadie, vice-présidents ; Mme Danielle Bidard-Reydet, Michel Alloncle, Jacques Genton, Jean-Luc Mélenchon, secrétaires ; Nicolas About, Jean-Michel Baylet, Jean-Luc Bécart, Mme Monique ben Guiga, MM. Daniel Bernardet, Didier Borotra, André Boyer, Mme Paulette Brisepierre, MM. Michel Caldaguès, Robert Calmejane, Jean-Paul Chambriard, Charles-Henri de Cossé-Brissac, Pierre Croze, Marcel Debarge, Bertrand Delanoë, Jean-Pierre Demerliat, Xavier Dugoin, André Dulait, Hubert Durand-Chastel, Claude Estier, Hubert Falco, Jean Faure, Gérard Gaud, Jean-Claude Gaudin, Philippe de Gaulle, Daniel Goulet , Yves Guéna, Jacques Habert, Marcel Henry, Christian de La Malène, Edouard Le Jeune, Maurice Lombard, Philippe Madrelle, Pierre Mauroy, Paul d'Ornano, Charles Pasqua, Alain Peyrefitte, Bernard Plasait, Jean-Pierre Raffarin, Michel Rocard, André Rouvière, Robert-Paul Vigouroux, Serge Vinçon.

INTRODUCTION

Mesdames, Messieurs,

La Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, également appelée Convention européenne des droits de l'homme, a été signée à Rome le 4 novembre 1950 et est entrée en vigueur le 3 septembre 1953. Depuis lors, le texte original a été complété par dix protocoles additionnels. Le présent projet de loi tend à autoriser la ratification d'un 11e protocole, qui se propose de refondre, assez substantiellement, les modalités de contrôle du respect de la convention et les instances qui en sont chargées, lesquelles depuis l'origine, siègent à Strasbourg.

Après avoir rappelé l'économie générale de la convention et également précisé les conditions dans lesquelles eut lieu l'adhésion -tardive- de notre pays à cet instrument, votre rapporteur précisera la portée du protocole n° 11 et les modalités nouvelles de contrôle qu'il se propose de mettre en oeuvre.

PREMIÈRE PARTIE- LA CONVENTION EUROPÉENNE DES DROITS DE L'HOMME : UN OUTIL ORIGINAL ET EFFICACE DE PROTECTION DES DROITS INDIVIDUELS

I. UN INSTRUMENT INTERNATIONAL QUI DÉROGE AUX RÈGLES TRADITIONNELLES DES TRAITÉS

A. UN SYSTÈME DE PROTECTION DES DROITS INDIVIDUELS QUI TRANSCENDE LES PRÉROGATIVES HABITUELLES DES ÉTATS

A la différence des autres traités multilatéraux qui créent des obligations entre Etats, lesquelles sont conditionnées par leur observation réciproque, la Convention européenne des droits de l'homme impose à tout Etat partie des obligations à l'égard des particuliers. Ces obligations ont un caractère quasi absolu dans la mesure où le non-respect par un Etat ne dispense pas les autres d'exécuter les dispositions de la convention ; bien plus, il leur donne le droit -droit d'action étatique- d'attaquer l'Etat qui manquerait au respect des dispositions protectrices.

Au surplus, les droits énoncés dans la convention et ses divers protocoles additionnels sont considérés comme étant directement applicables, sans qu'il soit nécessaire qu'intervienne une modalité spécifique de transposition dans le droit interne des Etats, sous réserve toutefois des modalités constitutionnelles propres à chaque Etat en la matière.

Les modalités concrètes de recours contre un manquement, par un Etat, à ses obligations renforcent l'aspect contraignant de la Convention européenne à l'égard des principes traditionnels de souveraineté et de non-ingérence. Ces modalités sont de deux ordres : le droit d'action étatique, le droit de recours individuel.

- le droit d'action étatique : en vertu de cette disposition, tout Etat partie à la convention peut saisir la Commission pour tout manquement à la convention par un autre Etat partie indépendamment de la nationalité de l'individu concerné. Ainsi, comme le relève M. Frédéric Sudre 1 ( * ) , tout Etat partie "peut engager contre une autre partie, au bénéfice de ses propres ressortissants comme au bénéfice d'individus qui ne le sont pas, une procédure relative à la violation d'une obligation conventionnelle par cet Etat". Ainsi, est-il créé un "droit de regard" sur la politique pratiquée par les autres Etats en matière de droits de l'homme. Cela étant, la pratique démontre que cette modalité d'action est assez peu utilisée par les Etats, puisque seulement six requêtes de ce type ont été examinées depuis l'origine. Il n'en va pas de même de la seconde voie de défense des intérêts et des droits protégés.

- le recours individuel : l'article 25 de la convention ouvre à chaque individu la possibilité de saisir la Commission européenne des droits de l'homme (et non la Cour); d'une requête relative à la violation par l'un des Etats parties d'un des droits consacrés par la convention.

Originale dans son principe 2 ( * ) , cette modalité de défense des droits énumérés par la convention et ses divers protocoles l'est également par son efficacité puisqu'elle aboutit éventuellement à une décision ayant un caractère obligatoire, revêtue de l'autorité de la chose jugée.

Ainsi les Etats parties à la convention acceptent-ils, par leur décision d'adhésion, qu'il soit dérogé, d'une façon significative, aux principes qui régissent habituellement les rapports internationaux. Pour autant, la convention ménage-t-elle, par diverses dispositions, la souveraineté des Etats.

* 1 la convention européenne des droits de l'homme, PUF

* 2 A l'exception de la Convention américaine, la plupart des autres instruments internationaux des droits de l'homme n'offrent pas une telle protection.

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