B. LA CONVENTION FIXE DE NOUVELLES RÈGLES DE PARTAGE DES IMPOSITIONS ET D'ÉLIMINATION DES DOUBLES IMPOSITIONS CONFORMES À LA PRATIQUE CONVENTIONNELLE FRANÇAISE

1. La convention s'aligne sur la pratique conventionnelle française s'agissant du partage des impositions
a) Un abaissement des taux de retenue à la source sur les revenus passifs

La convention du 15 juin 2022 fixe les règles de partage d'imposition pour les revenus passifs que sont les dividendes, intérêts et redevances. La France a obtenu, au cours des négociations, un abaissement des taux de retenue à la source sur ces revenus.

S'agissant des dividendes, l'article 10 de la convention prévoit un principe d'imposition partagée de ce type de revenus. Il fixe un taux de retenue à la source plafonné à 10 % du montant brut de ces revenus. Ce taux est cependant abaissé à 5 % si le bénéficiaire effectif des dividendes est une société qui détient directement au moins 10 % du capital de la société qui paie les dividendes tout au long d'une période de 365 jours. Cette dernière stipulation vise les paiements au sein d'un groupe dans le cadre du régime « mère-fille ».

Concrètement, le plafonnement à 10 % du taux de retenue à la source sur les dividendes devrait permettre :

- pour un résident moldave percevant des dividendes de source française, de voir son taux de retenue à la source abaissé à 10 %, le taux de droit commun actuellement applicable étant supérieur à ce plafond ;

- pour un résident français percevant des dividendes de source moldave, de continuer à se voir appliquer le taux de retenue à la source de 6 % prévu en droit interne moldave.

S'agissant des intérêts, l'article 11 prévoit également un principe d'imposition partagé. Il fixe un plafond de 5 % pour le taux de retenue à la source applicable aux intérêts. Actuellement, les intérêts perçus par des résidents français font l'objet d'une retenue à la source de 12 % en Moldavie. Le paragraphe 3 de ce même article fixe cependant un principe d'imposition exclusive dans l'État de résidence des intérêts :

- selon la qualité du bénéficiaire, à savoir lorsque la personne qui perçoit les intérêts est l'un des États contractants, une de ses collectivités territoriales ou personnes morales de droit public ou la Banque centrale de l'un des États parties ;

- selon la nature de l'opération, c'est-à-dire lorsque les intérêts concernés sont payés au titre de créances ou prêts garantis, assurés ou financés par un État contractant.

Cette exemption du taux conventionnel de retenue à la source sur les intérêts vise notamment les investissements réalisés ou garantis par les personnes publiques. Dans le cas de la France, il s'agirait des divers prêts et dispositifs d'assistance financière accordés ces dernières années à la Moldavie.

Par ailleurs, conformément à la pratique conventionnelle française, le protocole annexé à la convention stipule à son point 2 que les organismes de placement collectif peuvent bénéficier du plafonnement des taux de retenue à la source sur les dividendes et les intérêts prévus aux articles 10 et 11 de la convention. Une telle stipulation, également présente dans les conventions avec le Luxembourg, le Danemark ou la Grèce bénéficie aux porteurs de parts et permet de favoriser les investissements issus de la gestion d'actifs en France.

S'agissant des redevances, l'article 12 fixe, comme pour les intérêts et les dividendes, un principe d'imposition partagée des redevances. Le taux de retenue à la source est plafonné à 5 % contre 12 % actuellement dans le droit interne moldave.

À noter que les redevances font l'objet, dans la présente convention, et conformément au modèle de l'OCDE, d'une définition restrictive.

Compte tenu du déséquilibre dans la répartition des investissements entre la France et la Moldavie, il en résultera un partage plus avantageux des recettes fiscales pour le Trésor public français. En effet, la retenue à la source est éliminée par l'État de résidence8(*), qui vient minorer l'impôt perçu sur ces mêmes revenus.

Si le modèle de convention de l'OCDE prévoit une suppression des retenues à la source sur les intérêts et les redevances, la plupart des conventions passées avec des pays moins développés comportent un partage d'imposition sur ce type de revenus.

b) Les autres revenus

S'agissant des autres catégories de revenus, la convention s'aligne sur le modèle OCDE et sur l'instrument multilatéral. Plusieurs éléments peuvent toutefois être soulignés.

Premièrement, s'agissant des rémunérations et pensions de source publique, la France a obtenu l'application d'un principe d'imposition exclusive dans l'État de source de ces revenus, inscrite à l'article 21 de la convention. Une exception à ce principe est toutefois prévue, conformément à la pratique conventionnelle française. Ainsi, un principe d'imposition exclusive dans l'État de résidence s'applique si les rémunérations publiques sont versées par l'État A à un résident de l'État B, dont il possède la nationalité, pour des activités exercées dans cet État.

À noter que l'article 21 de la convention vient déroger, pour les pensions publiques, au principe d'imposition exclusive des pensions dans l'État de résidence du bénéficiaire, prévu à l'article 17.

Deuxièmement et en cohérence avec la pratique conventionnelle de la France, le protocole annexé à la convention comporte un point 3 qui aligne le régime des personnes effectuant un volontariat international en entreprise (VIE) sur celui des étudiants, apprentis et stagiaires prévu à l'article 19, qui exonère ces derniers d'imposition.

Troisièmement, l'article 16 de la convention diffère en deux points du modèle OCDE, selon la volonté de la France. D'une part, le paragraphe 1 de cet article prévoit une imposition dans l'État de source des revenus qu'un contribuable tire de ses activités de mannequins, au même titre qu'en tant qu'artiste ou sportif. D'autre part, ce même article stipule que les revenus correspondant à des prestations non indépendantes de sa notoriété professionnelle sont imposés dans l'État d'exercice de ces activités.

2. La convention clarifie les règles d'élimination des doubles impositions

Pour rappel, le modèle de convention fiscale de l'OCDE concernant le revenu et la fortune propose deux modèles pour éliminer les doubles impositions :

la méthode dite d'exonération ou d'exemption (article 23 A du modèle). Si le résident de l'État A perçoit ou possède des revenus imposables dans l'État B, l'État A exempte d'impôt ces revenus. Il peut toutefois les prendre en compte pour déterminer le montant de l'impôt à percevoir sur le reste des revenus ;

la méthode d'imputation, via une déduction d'impôt (article 23 B). Si le résident de l'État A perçoit ou possède des revenus imposables dans l'État B, l'État A accorde, sur l'impôt qu'il perçoit du contribuable et calculé sur la base du montant total des revenus, une déduction d'un montant égal à l'impôt sur le revenu payé dans l'État B.

En l'état actuel du droit et en l'absence de convention bilatérale, les deux États appliquent concurremment leur droit fiscal interne.

Concernant la France, l'établissement de l'impôt ne prend généralement pas en compte les revenus d'activités d'une entreprise opérant hors de France, en application du principe de territorialité restreinte de l'impôt sur les sociétés9(*). De plus, il n'est pas prévu de crédit d'impôt pour les impôts payés à l'étranger sur les revenus passifs dont bénéficient les entreprises résidentes en France. Toutefois, les impositions prélevées par des pays non-couverts par notre réseau conventionnel sont déductibles du résultat imposable, au même titre que les autres dépenses10(*).

S'agissant des personnes physiques, les résidents sont imposés sur leurs revenus mondiaux. Notre droit fiscal ne prévoit pas de dispositions visant à éliminer les doubles impositions en l'absence de convention bilatérale.

Concernant la Moldavie, conformément au droit interne, les résidents sont assujettis à l'impôt sur une base mondiale. En l'absence de cadre conventionnel, l'administration fiscale accorde, sous certaines conditions, un crédit d'impôt pour les impôts sur le revenu acquittés à l'étranger. Le montant de ce crédit d'impôt est plafonné au montant de l'impôt national sur ces mêmes revenus.

À la connaissance du rapporteur, aucune situation de double imposition ou difficultés issues des règles de partage des impositions et concernant des ressortissants des deux États n'a été signalée aux autorités françaises dans le cadre actuel. En cela, la convention franco-moldave se distingue des conventions signées avec la Grèce et le Danemark qui avaient notamment pour objectifs de mettre fin à des situations particulières11(*).

À l'occasion de la négociation de la convention du 15 juin 2022, la France a opté pour la méthode d'imputation. Cette dernière présente, par rapport à l'exemption, plusieurs avantages. Ainsi, l'imputation permet un maintien de l'équité fiscale entre les contribuables percevant uniquement des revenus de source française et les contribuables percevant des revenus issus d'un État étranger. Elle garantit que les revenus de source moldave soient pris en compte de la même manière que les revenus de source française dans la détermination du taux marginal d'imposition. De plus, la méthode de l'imputation permet d'éviter les situations de double exonération, correspondant à un impôt nul dans l'État de source du revenu.

Par ailleurs, le choix de la méthode d'imputation est cohérent avec la pratique conventionnelle française depuis les années 1990 et se retrouve au sein des conventions récemment négociées ou renouvelées par la France.

Par conséquent, l'article 21 de la convention prévoit que la France octroie un crédit d'impôt imputable sur l'impôt français pour éliminer les cas de double imposition. Ce crédit d'impôt est :

- soit égal à l'impôt étranger plafonné à l'impôt français, pour les revenus soumis à l'impôt sur les sociétés, les dividendes, les intérêts, les redevances, les gains en capital ainsi que pour les rémunérations des administrateurs de sociétés et revenus des artistes, sportifs et mannequins ;

- soit égal à l'impôt français, pour les autres types de revenus, notamment les salaires. Dans ce cas, les revenus concernés sont intégrés dans l'assiette taxable, dans l'objectif de préserver la progressivité de l'impôt.

Du côté moldave, la convention prévoit également l'application de la méthode de l'exemption pour les revenus faisant l'objet d'une imposition partagée. Le paragraphe 2 de l'article 21 stipule ainsi que la Moldavie accorde une déduction d'impôt d'un montant égal à l'impôt français mais plafonné à l'impôt moldave pour les revenus faisant l'objet d'une imposition partagée entre les deux États.

Néanmoins, l'article 21 ne mentionne pas le traitement des revenus faisant l'objet d'une imposition exclusive en France. Dans le silence de la convention, l'exposé des motifs du présent projet de loi indique que la Moldavie accorde, sur ces revenus, une exemption totale d'impôt.


* 8 Dans le cas de la France, généralement par la voie d'un crédit d'impôt.

* 9 Défini à l'article 209 du code général des impôts.

* 10 Article 39 du code général des impôts.

* 11 Cf. le rapport n° 35 (2023-2024) de M. Vincent DELAHAYE, déposé le 18 octobre 2023, au nom de la commission des finances sur le projet de loi autorisant l'approbation de la convention entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Royaume du Danemark pour l'élimination de la double imposition en matière d'impôts sur le revenu et la prévention de l'évasion et de la fraude fiscales et la ratification de la convention entre la République française et la République hellénique pour l'élimination de la double imposition en matière d'impôts sur le revenu et pour la prévention de l'évasion et de la fraude fiscales.

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