II. L'AIDE ALIMENTAIRE : UNE SITUATION CRITIQUE, UN SOUTIEN NÉCESSAIRE

A. LES ASSOCIATIONS D'AIDE ALIMENTAIRE FACE À UNE « ÉQUATION INSOLUBLE » ALORS QUE LA FRANCE CONNAÎT UNE HAUSSE PRÉOCCUPANTE DE L'INSÉCURITÉ ALIMENTAIRE

Dans la période récente, on assiste à une forte aggravation de la précarité alimentaire en France. Dès 2017, l'Agence nationale de sécurité sanitaire, de l'alimentation, de l'environnement et du travail (Anses) estimait que 11 % de la population se trouvait en situation d'insécurité alimentaire, soit 7 à 8 millions de personnes18(*).

Insécurité alimentaire, lutte contre la précarité alimentaire
et aide alimentaire

L'insécurité alimentaire est une notion utilisée dans les enquêtes statistiques. Elle renvoie au manque de moyens pour acheter de la nourriture, pour faire des repas équilibrés, pour manger à sa faim, ou encore à l'obligation de sauter des repas ou de manger moins par manque d'argent. Toutes les personnes en situation d'insécurité alimentaire ne font pas systématiquement appel à l'aide alimentaire.

La lutte contre la précarité alimentaire, au sens de l'article L. 266-1 du code de l'action sociale et des familles, vise à favoriser l'accès à une alimentation sûre, diversifiée, de bonne qualité et en quantité suffisante aux personnes en situation de vulnérabilité économique ou sociale. Elle mobilise l'État et ses établissements publics, les collectivités territoriales, les acteurs économiques, les associations, dans le cadre de leur objet ou projet associatif, ainsi que les centres communaux et intercommunaux d'action sociale, en y associant les personnes concernées. L'aide alimentaire constitue le principal dispositif de lutte contre la précarité alimentaire.

L'aide alimentaire, au sens de l'article L. 266-2 du même code a pour objet la fourniture de denrées alimentaires aux personnes en situation de vulnérabilité économique ou sociale, assortie de la proposition d'un accompagnement. Elle est principalement mise en oeuvre par des associations habilitées ainsi que par les épiceries sociales. Le fonctionnement de ces structures repose sur des moyens privés (dons en nature et numéraires des particuliers et entreprises), des financements publics (aides européennes, dépenses budgétaires de l'État et des collectivités territoriales, dépenses fiscales), et l'action bénévole de leurs membres.

Source : commission des finances du Sénat

L'augmentation de l'insécurité alimentaire, principalement due au renchérissement du coût de la vie durant la crise inflationniste, place les associations d'aide alimentaire dans une situation qu'elles qualifient parfois « d'équation insoluble »19(*).

Ce véritable noeud gordien résulte de la confluence de trois facteurs.

Tout d'abord, on constate un accroissement des besoins en matière d'aide alimentaire. L'inflation sur les dépenses alimentaires touchant davantages les ménages les plus modestes20(*), un nombre plus important d'entre eux peut basculer dans la précarité alimentaire et recourir plus fortement à l'aide alimentaire. Cette situation a été confirmée par les associations « têtes de réseau » entendues par les rapporteurs spéciaux : les Restaurants du Coeur ont ainsi enregistré une augmentation de 25 % de leurs files actives, et la Fédération française des banques alimentaires (FFBA) enregistre de son côté une hausse de la demande d'aide alimentaire avec plus de 200 000 personnes supplémentaires accueillies par les associations.

Ensuite, le coût des denrées ne cesse de croître. Selon l'Insee, les prix de l'alimentation ont augmenté sur un an de 13,7 % en juin 2023, après avoir atteint + 14,3 % en mai 2022. Cette évolution impacte particulièrement les associations dont l'approvisionnement s'appuie sur une part d'achat importante, ce qui est particulièrement le cas des Restos du coeur dont le budget d'achats alimentaires, qui était de moins de 54 millions d'euros sur l'exercice budgétaire 2021-2022 est quasiment multiplié par deux pour la période 2023-2024.

Enfin, on observe également une attrition des ressources collectées par les associations d'aide alimentaire par l'intermédiaire du don, en particulier auprès de la grande distribution qui dispose de moins de surplus en conséquence des actions de lutte contre le gaspillage. On constate en l'espèce une baisse drastique des quantités de produits frais disponibles au don, due en partie à la mise en place de stratégies d'optimisation des stocks et de vente de produits à bas prix.

Plus inquiétant encore, alors que l'augmentation des besoins affectait auparavant les plus fragiles -jeunes, familles monoparentales, travailleurs précaires - le dernier baromètre de la FFBA indique que parmi les actifs demandant le bénéfice de l'aide alimentaire, 60 % sont des salariés en contrat à durée indéterminée (CDI). De plus, alors que l'alimentation était encore récemment le quatrième poste de dépenses des ménages, il est aujourd'hui le deuxième, traduisant, selon les rapporteurs spéciaux, une précarisation inédite des nos concitoyens.


* 18 Anses, Étude individuelle nationale des consommations alimentaires 3 (INCA 3), juillet 2017.

* 19 « Conventions entre l'État et les associations : des relations à rééquilibrer », rapport d'information fait par MM. Arnaud Bazin et Eric Bocquet, n° 757 (session 2022-2023) - 21 juin 2023.

* 20 Note de conjoncture INSEE : « L'alimentation - comme l'ensemble des dépenses peu compressibles - pèse davantage dans le budget des ménages les plus modestes (18 à 19 % du budget pour les 40 % des ménages les plus modestes) que dans celui des plus aisés (14 % du budget pour les 20 % des ménages les plus aisés), et ce quelles que soient leurs autres caractéristiques sociodémographiques. »

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