DEUXIÈME PARTIE
L'ENSEIGNEMENT SUPÉRIEUR
(RAPPORTEUR SPÉCIAL : VANINA PAOLI-GAGIN)

Les programmes 150 « Formations supérieures et recherche universitaire » et 231 « Vie étudiante » bénéficient, cette année encore et quoique dans une proportion inférieure à celle de l'année précédente, d'une hausse importante.

En effet, ces deux programmes représentent au total 18,5 milliards d'euros de CP, soit une progression de 2,6 % (+ 469 millions d'euros) par rapport à 2023. Cette hausse s'ajoute à celle de 748 millions d'euros accordée l'année précédente.

Si, en 2023, le programme 150 regroupait l'essentiel des moyens supplémentaires, en PLF 2024 l'augmentation bénéficierait également largement au le programme 231, du fait principalement de la réforme des bourses sur critères sociaux.

Évolution des crédits de paiement alloués
aux programmes « Enseignement supérieur »

(en % et en milliards d'euros)

Source : commission des finances du Sénat, à partir des documents budgétaires

I. LE PROGRAMME 150 « FORMATIONS SUPÉRIEURES ET RECHERCHE UNIVERSITAIRE »

A. UNE STABILISATION DES MOYENS ALLOUÉS À L'ENSEIGNEMENT SUPÉRIEUR PAR RAPPORT À 2023

Le présent programme regroupe 15,180 milliards d'euros pour 2024 (en CP), en hausse de 272,99 millions d'euros par rapport à l'année précédente. Les moyens du programme 150 se stabilisent donc, après une forte progression de 4,68 % (+ 690 millions d'euros) entre 2022 et 2023. Par rapport à 2022, les crédits ont augmenté de plus d'un milliard d'euros.

Évolution des crédits par action du programme 150 à périmètre courant

(en millions d'euros)

   

LFI 2022

PLF 2023

PLF 2024

Évolution PLF 2024 / LFI 2023 (volume)

Évolution PLF 2024 / LFI 2023 (%)

Évolution PLF 2024 / LFI 2022 (%)

Action 01

Formation initiale et continue du baccalauréat à la licence

AE

3 706,40

3 882,89

3920,78

37,89

1,0 %

5,8 %

CP

3 706,40

3 882,89

3920,78

37,89

1,0 %

5,8 %

Action 02

Formation initiale et continue de niveau master

AE

2 539,19

2 675,50

2696,35

20,85

0,8 %

6,2 %

CP

2 539,19

2 675,60

2696,35

20,75

0,8 %

6,2 %

Action 03

Formation initiale et continue de niveau doctorat

AE

401,89

453,58

494,28

40,7

9,0 %

23,0 %

CP

401,89

453,50

494,28

40,78

9,0 %

23,0 %

Action 04

Établissements d'enseignement privés

AE

93,90

94,90

94,90

0

0,0 %

1,1 %

CP

93,90

94,90

94,90

0

0,0 %

1,1 %

Action 05

Bibliothèques et documentation

AE

461,21

474,60

481,84

7,24

1,5 %

4,5 %

CP

461,21

474,60

481,84

7,24

1,5 %

4,5 %

Action 13

Diffusion des savoirs et musées

AE

128,89

131,135

133,67

2,535

1,9 %

3,7 %

CP

128,89

131,135

133,67

2,535

1,9 %

3,7 %

Action 14

Immobilier

AE

1 144,93

1 543,90

1368,91

- 174,99

- 11,3 %

19,6 %

CP

1 197,55

1 245,19

1272,64

27,45

2,2 %

6,3 %

Action 15

Pilotage et support du programme

AE

1 626,65

1 726,66

1769,70

43,04

2,5 %

8,8 %

CP

1 626,65

1 726,66

1769,70

43,04

2,5 %

8,8 %

Action 17

Recherche

AE

4 054,66

4 223,27

4316,63

93,36

2,2 %

6,5 %

CP

4 054,66

4 223,27

4316,63

93,36

2,2 %

6,5 %

Total programme 150

AE

14 157,72

15 205, 81

15 277,06

71,25

0,5 %

7,9 %

CP

14 210,33

14 907,80

15 180,79

272,99

1,8 %

6,8 %

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

1. Les deux principaux facteurs d'évolution : la loi de programmation de la recherche et les mesures « fonction publique »

L'évolution des crédits alloués à l'enseignement supérieur en 2024 reflète en grande partie la hausse tendancielle de la masse salariale, résultant notamment des mesures de revalorisation des rémunérations de la fonction publique.

Une enveloppe de 164 millions d'euros (dont 7 millions au titre du CAS « Pensions ») est ouverte pour financer pour 2024 les mesures salariales annoncées en juin 2023 et en premier lieu la revalorisation d'1,5 % du point d'indice.

Comme pour les autres opérateurs de la mission, les mesures de revalorisation « fonction publique » ne sont donc compensées qu'à moitié. Le coût total des mesures de revalorisation est estimé à 254 millions d'euros pour les opérateurs du programme. Les 90 millions d'euros non compensés sur 2024, ainsi que le prorata sur l'année 2023, devraient être absorbés par les opérateurs en mobilisant leurs fonds propres. Les documents budgétaires indiquent ainsi que « compte tenu de leurs réserves financières, les établissements seront également appelés à un effort de responsabilité ».

Les fonds de roulement des universités

Le fonds de roulement s'élève en 2023 à 1,8 milliard d'euros pour l'ensemble des universités, même si ces données demeurent prévisionnelles dans l'attente du compte financier.

Évolution des fonds de roulement des universités

(en millions d'euros)

Source : commission des finances d'après les réponses au questionnaire budgétaire

En 2022, le fonds de roulement net s'établit à 623 millions d'euros, soit 17 jours de dépenses de fonctionnement décaissables.

Environ 77,6 % du fonds de roulement brut des universités est en effet préempté par les opérations pluriannuelles d'investissement (1 039 millions d'euros), les provisions pour risques et charges (y compris dépréciations, 278 millions d'euros), les fonds de roulement des structures autonomes (243 millions d'euros), les emprunts et dettes assimilées (140 millions d'euros), les excédents relatifs à la formation continue (79 millions d'euros) et les créances non provisionnées supérieures à deux ans (38 millions d'euros).

Les prévisions 2023 montrent une diminution de près de 1 milliard d'euros du fonds de roulement brut des universités. Néanmoins, les budgets sont généralement très prudentiels et difficiles à établir sur des bases solides dans le contexte économique actuel. L'exécution se révèle ainsi très souvent plus favorable que les prévisions.

Afin de préserver la capacité des établissements d'enseignement supérieur à mener à bien les projets et investissements en cours, il convient de s'assurer que la compensation des hausses de prix et du point d'indice en 2022et 2023 ne s'effectuent pas sur la part « projet », mais uniquement sur la part de charges mobilisables.

D'après les informations recueillies en audition, une mission de l'Inspection générale des finances devrait mener des travaux au cours des prochains mois sur les fonds de roulement des universités et leur utilisation. Le rapporteur spécial sera particulièrement attentif aux conclusions de cette analyse.

Source : commission des finances

Par ailleurs, la poursuite de la mise en oeuvre de la LPR constitue l'autre facteur principal de croissance du programme, pour 144,3 millions d'euros.

Décomposition des moyens nouveaux demandés pour 2024

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

La trajectoire adoptée dans le cadre de la loi de programmation pour la recherche prévoyait, pour 2024, une hausse de 144 millions d'euros du budget du programme 150 par rapport à l'année 2023.

Le rapporteur spécial se félicite que le budget 2024 respecte de nouveau cet engagement, puisqu'il comprend, à périmètre courant, 144,3 millions d'euros de moyens nouveaux au titre de la LPR.

Incidence de la loi de programmation sur le programme 150

(en millions d'euros)

Source : commission des finances

Les crédits accordés au programme 150 au titre de la LPR financent :

- des mesures indemnitaires : revalorisation des primes des personnels enseignants du second degré travaillant dans le supérieur (ESAS) pour 2,5 millions d'euros ;

- des mesures portant sur les contrats doctoraux : augmentation progressive du nombre de contrats doctoraux ;

- une augmentation du budget de recherche des universités.

Un signal inquiétant : la baisse du nombre de doctorants

La LPR prévoit un accroissement de 20 % du nombre de contrats doctoraux financés par le ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche, soit 700 contrats supplémentaires par an et une revalorisation de chaque contrat de 30 % entre 2021 et 2023.

Ces ambitions tranchent pourtant avec les dernières données sur le nombre d'inscrits en doctorat. D'après les dernières études du ministère, l'effectif de primo-inscrits en doctorat au cours de l'année universitaire 2022-2023 diminue de 4 % par rapport à celui de l'année précédente. Si depuis 2012, le nombre de docteurs diplômés chaque année diminue de 0,7 % en moyenne par an, cette tendance s'est accélérée les dernières années : entre 2012 et 2017, ce nombre est resté quasiment stable (- 0,2 % par an) ; entre 2017 et 2022, il a baissé de 1,2 % par an en moyenne.

À terme, il est à craindre que le vivier d'enseignants chercheurs ne se tarisse dans certaines filières. Le rapporteur spécial trouve donc particulièrement intéressant à ce titre le développement du doctorat en apprentissage en entreprise. Les universités ont indiqué être en négociation avec les branches professionnelles sur ce sujet, et il serait souhaitable qu'elles puissent déboucher sur une avancée.

Source : commission des finances

Ces crédits sont essentiellement à destination des personnels, puisqu'ils regroupent à la fois des dispositions statutaires et indemnitaires de revalorisation salariale et d'élargissement des voies de recrutement et des mesures d'accroissement des moyens affectés à la recherche. Conformément à la LPR, un schéma d'emplois de + 525 ETPT autorise le recrutement de nouveaux doctorants (représentant 430 ETP) et titulaires de chaires de professeurs junior (pour 130 ETP).

Les universités ayant désormais accédé aux responsabilités et compétences élargies (RCE), les emplois et dépenses de masse salariale afférentes à ces opérateurs6(*) ont, pour la plupart d'entre eux, été transférés du titre 2 au titre 3 au cours des dernières années.

Ces dépenses sont donc dorénavant couvertes par les subventions pour charges de service public versées aux opérateurs. Par conséquent, les emplois du ministère sont, à 97 %, budgétairement localisés dans les opérateurs.

Les opérateurs autonomes sont libres de procéder, sous réserve du respect de leur plafond d'emplois et de masse salariale, aux créations, transformations et suppressions qu'ils estiment nécessaires. En parallèle, les emplois des opérateurs n'ayant pas accédé aux responsabilités et compétences élargies (« opérateurs non RCE ») demeurent financés par le titre 2 du programme 150.

Il convient donc de distinguer :

- les emplois sous-plafond d'État du programme, portés par le titre 2 et rémunérés sur crédits budgétaires, destinés aux opérateurs non RCE ;

- les emplois sous-plafond d'État des opérateurs RCE, portés par le titre 3 et rémunérés par les opérateurs sur crédits budgétaires ;

- les emplois hors-plafond des opérateurs, rémunérés par les opérateurs à l'aide de leurs ressources propres.

Évolution des dépenses de personnel du programme 150

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

Les crédits du programme 150 augmentent de manière plus importante en AE. Les montants immobiliers sont en effet en hausse de 146,1 millions d'euros en AE et 60,5 millions d'euros CP en 2024, afin de financer notamment la montée en charge des contrats de plan État-Régions (CPER) 2021-2027 ainsi que le projet de centre hospitalo-universitaire du Grand Paris Nord.

2. Une persistance des enjeux énergétiques dans le budget des établissements

Du fait de la taille de leur patrimoine immobilier et des infrastructures de recherche qu'ils hébergent, les établissements d'enseignement supérieur ont été particulièrement touchés par la crise énergétique et les surcoûts liés à l'augmentation des tarifs de l'énergie qui en découlent. D'après les données de France universités, le surcoût énergétique s'élèverait à 300 millions d'euros en 2023 par rapport à 2022, avec un impact très variable selon les établissements.

Un « fonds de compensation du surcoût de l'énergie » a donc été mis en place en loi de finances rectificative pour 2022, dont les crédits devaient s'élever à 275 millions d'euros, répartis entre les établissements d'enseignement supérieur et de recherche. Un premier versement de 100 millions d'euros a été effectué fin 2022 et réparti entre les établissements. L'aide a été versée au prorata des surcoûts aux opérateurs en fonction de la situation financière particulière de chacun d'entre eux, du poids relatif de l'énergie dans leurs dépenses et des surcoûts effectivement constatés.

Un second versement, également d'un montant total de 100 millions d'euros, est prévu en fin de gestion 2023.


* 6 Quelques autres établissements disposent également de ce statut et des communautés d'universités et d'établissements (COMUE) commencent, à leur tour, à passer aux responsabilités et compétences élargies (RCE).

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