B. POUR 2023, UNE RÉPONSE SANS COMMUNE MESURE AVEC LES BESOINS DE LA MISSION

1. Alors que l'administration territoriale de l'État devra faire face à des enjeux majeurs au cours de la prochaine décennie...

Dans son rapport sur les effectifs de l'État territorial, la Cour des comptes 14 ( * ) considère que l'administration territoriale de l'État se trouve aujourd'hui à un tournant de son histoire. En effet, les dix dernières années ont été l'occasion d'une réduction continue des effectifs, avec une perte de 11 000 ETPT, soit 14 % de l'effectif initial (passant de 83 027 ETPT en 2012 à 70 608 ETPT en 2020). La Cour insiste sur le besoin de fiabilisation de ces données, alors que le ministère de l'Intérieur n'est pas en mesure de présenter des données fiables.

Parmi les principaux risques identifiés par la Cour, la vacance de postes. En effet, alors que les effectifs de l'ATE sont vieillissants, les services de certains territoires peu attractifs ont du mal à recruter : « dans certaines préfectures, plus des trois quarts des postes ouverts ne bénéficient d'aucune candidature (Ariège : 80 %, Loir-et-Cher : 77,8 %). Toutes les préfectures visitées se plaignent de postes durablement vacants, notamment dans les SIDSIC . » Cette difficulté est d'autant plus importante que l'âge moyen au sein des préfectures était en 2020 de 48,6 ans, soit une moyenne élevée au regard de la moyenne de la fonction publique d'État, qui se situe à 42,9 ans.

Pyramide des âges des agents en préfecture,
au 31 décembre 2020

Source : Cour des comptes, Les effectifs de l'administration territoriale de l'État , mai 2022

La Cour considère que les suppressions de postes de ces dernières années « n'ont pas été réalistes » au sein des préfectures, qui « ne fonctionnent qu'au moyen de contrats courts qui précarisent leurs titulaires et désorganisent les services . »

En effet, « le plan préfectures nouvelle génération (PPNG) de 2016 a en réalité été conçu pour adapter les missions aux réductions d'effectifs, et non l'inverse. [...] En dix ans, le programme 307/354 a réalisé un schéma d'emplois (soit un objectif de suppressions de postes) cumulé de -- 4748 ETP, soit plus de 16% des emplois de 2010. »

Par ailleurs, la Cour des comptes relève que « la ventilation des schémas d'emplois n'a visé qu'à préserver les équilibres historiques, sans rapport avec l'évolution de la population ou de l'activité . »

Ainsi, il est urgent de revenir sur cette absence de réflexion sur les besoins respectifs des territoires, au profit d'une approche tenant compte de l'évolution des besoins de la population et de l'activité.

2. ... les avancées en termes de répartition des effectifs entre préfectures sont à ce stade très limitées

D'après le rapport annuel de performance de la mission pour 2023, « conformément aux recommandations de la Cour des comptes dans son rapport sur l'évolution des effectifs de l'administration territoriale de l'État et sur le fondement d'un modèle d'allocation des moyens, un rééquilibrage de la répartition des emplois entre préfectures sera par ailleurs progressivement mis en oeuvre, afin de prendre en compte la réalité des besoins de territoires exposés à des enjeux particuliers »

À ce stade, les engagements du Gouvernement en termes de redéploiement mériteraient d'être clarifiés . En effet, si certaines régions sont visées 15 ( * ) , ainsi que plusieurs départements « ayant un taux d'administration dégradé » 16 ( * ) , la grille sur laquelle seront fondés les redéploiements, ainsi que les « enjeux particuliers » ne sont pas précisés à ce stade.

Alors que les schémas d'emplois ont souvent été répartis entre départements en fonction du pouvoir de négociation des préfets, la rapporteure spéciale salue l'annonce d'une rationalisation des effectifs en fonction des besoins réels des territoires.

Cependant, il semble essentiel de mettre en place des critères objectifs de répartition des effectifs entre préfectures. Ces critères pourront comprendre le taux d'administration, les dynamiques démographiques et les services en tension (comme par exemple les services d'accueil des étrangers).

En tout état de cause, la rapporteure spéciale considère qu'il faudra que les critères de répartition soient établis de manière transparente. En effet, si des situations locales spécifiques pourront justifier des dérogations, l'absence de règle de répartition clairement établie en amont risque de perpétuer la pratique de négociations sur les schémas d'emplois entre les préfets.

Pour ce faire, il est urgent de renforcer les outils de suivi du ministère de l'intérieur . En effet, si l'ANEF comprend un volet suivi de l'activité d'accueil des étrangers des préfectures, il semble urgent d'étendre ce travail de fiabilisation des remontées sur les différentes missions du réseau préfectoral et ainsi de disposer d'une vision précise de temps consacré par les agents sur les différentes missions.

Alors que les difficultés sont les plus flagrantes au sein des plus grosses préfectures, les besoins au sein de ces structures doivent impérativement être objectivés.

D'après les magistrats de la Cour des comptes, « le ministère de l'intérieur a lui-même des difficultés à réaliser le suivi de ses effectifs . »


* 14 Les effectifs de l'État territorial, Cour des comptes, mai 2022.

* 15 Mayotte, Nord, Corse.

* 16 Landes, Manche, Pyrénées-Orientales, Tarn, Savoie, Eure-et-Loir, Dordogne, Charente, Deux-Sèvres.

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