Rapport général n° 115 (2022-2023) de M. Vincent CAPO-CANELLAS , fait au nom de la commission des finances, déposé le 17 novembre 2022

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N° 115

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2022-2023

Enregistré à la Présidence du Sénat le 17 novembre 2022

RAPPORT GÉNÉRAL

FAIT

au nom de la commission des finances (1) sur le projet de loi de finances , considéré comme adopté par l'Assemblée nationale en application de l'article 49, alinéa 3, de la Constitution, pour 2023 ,

Par M. Jean-François HUSSON,

Rapporteur général,

Sénateur

TOME III

LES MOYENS DES POLITIQUES PUBLIQUES ET DISPOSITIONS SPÉCIALES

(seconde partie de la loi de finances)

ANNEXE N° 11c

ÉCOLOGIE, DÉVELOPPEMENT ET MOBILITÉ DURABLES
(Programme 159 « Expertise, information géographique et météorologie »)

BUDGET ANNEXE : CONTRÔLE ET EXPLOITATION AÉRIENS

Rapporteur spécial : M. Vincent CAPO-CANELLAS

(1) Cette commission est composée de : M. Claude Raynal, président ; M. Jean-François Husson, rapporteur général ; MM. Éric Bocquet, Daniel Breuiller, Emmanuel Capus, Bernard Delcros, Vincent Éblé, Charles Guené, Mme Christine Lavarde, MM. Dominique de Legge, Albéric de Montgolfier, Didier Rambaud, Jean-Claude Requier, Mme Sylvie Vermeillet, vice-présidents ; MM. Jérôme Bascher, Rémi Féraud, Marc Laménie, Stéphane Sautarel, secrétaires ; MM. Jean-Michel Arnaud, Arnaud Bazin, Christian Bilhac, Jean-Baptiste Blanc, Mme Isabelle Briquet, MM. Michel Canévet, Vincent Capo-Canellas, Thierry Cozic, Vincent Delahaye, Philippe Dominati, Mme Frédérique Espagnac, MM. Éric Jeansannetas, Patrice Joly, Roger Karoutchi, Christian Klinger, Antoine Lefèvre, Gérard Longuet, Victorin Lurel, Hervé Maurey, Thierry Meignen, Sébastien Meurant, Jean- Marie Mizzon, Claude Nougein, Mme Vanina Paoli-Gagin, MM. Paul Toussaint Parigi, Georges Patient, Jean-François Rapin, Teva Rohfritsch, Pascal Savoldelli, Vincent Segouin, Jean Pierre Vogel.

Voir les numéros :

Assemblée nationale ( 16 ème législ.) : 273 , 285 , 286 rect., 292 , 337 , 341 , 364 , 369 , 374 , 386 et T.A. 26

Sénat : 114 et 115 à 121 (2022-2023)

L'ESSENTIEL

I. LE PROGRAMME 159 « EXPERTISE, INFORMATION GÉOGRAPHIQUE ET MÉTÉOROLOGIE » DE LA MISSION « ÉCOLOGIE, DÉVELOPPEMENT ET MOBILITÉ DURABLES »

Le programme 159 « Expertise, information géographique et météorologie » porte les subventions pour charges de service public (SCSP) du centre d'études et d'expertise pour les risques, l'environnement, la mobilité et l'aménagement (Céréma), de l'institut national de l'information géographique et forestière (IGN) et de Météo-France.

Après une décennie de diminution ininterrompue, la subvention pour charges de service public (SCSP) de Météo-France doit se stabiliser en 2023. La hausse constatée de 4 % vise à compenser l'effet de la revalorisation du point d'indice.

Évolution de la SCSP entre 2012 et 2023

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat d'après les documents budgétaires

En 2023, la SCSP de Météo-France doit être complétée par une dotation de 15,3 millions d'euros pour le financement des supercalculateurs mis en service en 2021. Cependant, depuis l'été 2022, l'équilibre financier des nouveaux supercalculateurs , très gourmands en énergie, a été complètement bouleversé par la crise des prix de l'électricité . L'opérateur estime que le surcoût pourrait dépasser les 7 millions d'euros en 2023. En 2023, pour la première fois depuis plus de dix ans, le schéma d'emploi de Météo-France sera positif à hauteur de 6 ETP. La stabilisation des moyens de Météo-France à compter de 2023 va dans le sens des recommandations qu'avait formulé le rapporteur spécial dans son rapport d'information de septembre 2021. En 2026, Météo-France doit renouveler sa puissance de calcul . Le coût cumulé de cet investissement est estimé à 350 millions d'euros .

Dans son rapport d'information publié au mois de novembre 2022, le rapporteur spécial a analysé les enjeux du renouvellement en cours du modèle économique de l'IGN . Mis sous tension par les bouleversements du paysage de la donnée géolocalisée, concurrencé par l'émergence de nouveaux acteurs, affecté par l'essor des démarches collaboratives, l'IGN était , il y a quelques années, remis en cause dans son identité et contesté dans sa légitimité. Le processus d'ouverture et de gratuité des données publiques implique une transformation du modèle économique d'un institut dont l'équilibre financier dépendait de la vente de ses données. Pour toutes ces raisons, l'IGN devait se transformer .

Assouplie et mise en cohérence avec le projet de transformation de l'IGN, sa nouvelle trajectoire budgétaire s'inscrit désormais dans le cadre d'un engagement pluriannuel d'objectifs et de moyens (EPOM) qui porte sur la période 2022-2024. En 2023, la SCSP de l'IGN progresse de près de 4 % pour prendre en compte les effets de la revalorisation du point d'indice. Cette évolution constitue une inflexion dans la mesure où la SCSP historique de l'institut présentait une tendance à la baisse continue depuis dix ans.

Évolution de la SCSP effectivement perçue par l'IGN
(2012-2022)

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat d'après les réponses au questionnaire de votre rapporteur spécial

Plus que la diminution de sa SCSP, c'est la baisse continue des effectifs de l'IGN qui constituait le principal obstacle à la réorganisation de l'établissement. L'assouplissement du schéma d'emplois rigoureux imposé à l'établissement était incontournable. Après dix années de diminution constante, le plafond d'emplois de l'IGN doit se stabiliser en 2023 à 1 387 ETPT.

Comme le rapporteur spécial a pu le mettre en évidence dans son rapport d'information de novembre 2022 précité, le nouveau modèle de l'établissement , fondé sur de grands projets d'accompagnement de politiques publiques, se traduit déjà dans ses comptes. Pour 2022, les recettes issues des grands projets doivent s'établir à 51,7 millions d'euros , contre 20,7 millions en 2019.

Évolution des recettes tirées des grands projets
(2016-2022)

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat d'après les réponses au questionnaire du rapporteur spécial

Si l'EPOM donne à l'établissement une visibilité budgétaire bienvenue d'ici 2024, la viabilité économique de moyen terme de son nouveau modèle sera mise à l'épreuve à partir de 2025 .

2023 marque une inflexion dans la tendance rigoureuse des trajectoires budgétaires du Cerema . Après retraitement de la prise en compte du coût du relèvement du point d'indice, sa SCSP est stabilisée .

Le plafond d'emplois du Cerema doit lui aussi se stabiliser à 2 495 ETPT et son schéma d'emplois, après des années de diminutions drastiques, est nul . Cette stabilisation des effectifs était devenue une nécessité pour préserver les capacités de l'établissement à répondre aux nouvelles sollicitations dont il fait l'objet. Le cas échéant, si le nouveau modèle de l'établissement rencontrait le succès escompté et que les demandes émanant des collectivités augmentaient dans des proportions importantes, pour éviter une trop forte tension sur les effectifs de l'opérateur et pour ne pas rester durablement dans une situation de « goulot d'étranglement », une augmentation des effectifs sous-plafond pourrait s'avérer nécessaire.

L'article 159 de la loi dite « 3DS », a ouvert la voie à une nouvelle ère et à un nouveau modèle économique pour l'opérateur. La loi prévoit de faire de l'établissement un outil partagé entre l'État et les collectivités territoriales à travers un dispositif juridique dit de « quasi-régie conjointe ». Fort de ce nouveau régime, l'établissement affiche un objectif ambitieux de multiplication par 2,6 des recettes en provenance des collectivités qui passeraient de 12 millions d'euros en 2021 à 31 millions d'euros en 2027.

II. LE BUDGET ANNEXE « CONTRÔLE ET EXPLOITATION AÉRIENS » DEVRAIT AMORCER SON DÉSENDETTEMENT EN 2023

Le budget annexe « Contrôle et exploitation aériens » (BACEA) est exclusivement financé par le secteur du transport aérien. Aussi, l'équilibre du budget annexe a été très sérieusement ébranlé par la crise sans précédent traversée par le transport aérien.

En 2022 , le secteur aérien amorce une tendance vers un retour à la normale , sans atteindre encore néanmoins les niveaux atteints de 2019. En France, pour l'année 2022, après un été très soutenu, la DGAC maintient une prévision de trafic à 80 % de son niveau d'avant crise . En cohérence avec le scénario médian des prévisions d'Eurocontrol, elle estime qu' en 2023 le trafic pourrait atteindre 95 % du niveau de 2019, le retour à la situation d'avant crise n'intervenant qu'en 2024. Cependant, encore convalescentes, les compagnies se trouvent désormais confrontées aux conséquences de la crise des prix de l'énergie et de la guerre menée par la Russie en Ukraine.

Pour 2023 , le projet annuel de performance du BACEA anticipe un rendement global des redevances de navigation aérienne de 1 747 millions d'euros , soit une augmentation de près de 34 % par rapport aux estimations inscrites en loi de finances initiale pour 2022. En 2023, du fait de l'incidence du mécanisme de lissage sur 7 ans du rattrapage des conséquences économiques de l'effondrement du trafic aérien au cours des années 2020 et 2021 (voir infra), qui est estimé par la DGAC à 250 millions d'euros annuels, les recettes tirées des redevances aériennes doivent ainsi atteindre un montant inédit et dépasser le niveau atteint en 2019 (1 590 millions d'euros).

Évolution des recettes tirées des redevances de navigation aérienne
(2010-2023)

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat, d'après les réponses au questionnaire budgétaire

En 2022, et pour la première fois depuis 2017, le schéma d'emplois de la DGAC était négatif de 76 ETP . Ce retournement de tendance s'expliquait par les conséquences de la crise et la diminution du recrutement de nouveaux contrôleurs aériens. En 2023, le schéma d'emploi de la DGAC redevient nul . Ce retour à une stabilisation des effectifs répond au phénomène de reprise du trafic ainsi qu'à l'anticipation d'une augmentation significative des départs à la retraite de contrôleurs.

Au début de l'année 2023, la DGAC a prévu de relancer les négociations avec les partenaires sociaux pour définir le cadre d'un nouveau protocole social . Le rapporteur spécial suivra avec attention le résultat de ces négociations. Au regard du coût du dernier protocole social et de ses résultats modestes en matière de performance, le rapporteur spécial ne manque pas de s'interroger sur l'efficacité de ce type de contractualisation . Selon lui, la logique initiale de « gagnant - gagnant » a été largement dévoyée et le résultat effectif a bien plus des airs de « gagnant - perdant » au détriment de la performance du contrôle aérien et in fine , de la compétitivité du transport aérien.

Pour parvenir à l'indispensable amélioration de ses performances, la DSNA doit enfin parvenir à mettre en oeuvre les grands programmes de modernisation de la navigation aérienne qui ont pris tant de retard et ont généré tant de surcoûts . Pour cela, il est nécessaire de sanctuariser les investissements consentis pour faire aboutir ces grands programmes.

Le rapporteur spécial suit avec intérêt l'exercice de révision de ses stratégies sectorielles qu'a engagé la DSNA en 2021. Nécessaire, cette révision consiste en un réexamen systématique de l'ensemble des projets d'investissement. Elle est centrée sur les programmes de modernisation des systèmes de gestion du trafic aérien. Si ce réexamen global , qui s'inscrit dans une dimension plus large de révision stratégique de la DSNA, n'a pas encore abouti, le rapporteur spécial considère que certaines de ses premières traductions vont dans le bon sens . Les nouvelles orientations prises sur certains programmes, notamment Sysat et 4-Flight, illustrent un souci de rationalisation et d'efficacité ainsi qu'un renoncement à des tendances historiques à la sur-spécification, à la diversification à outrance ainsi qu'à la volonté de systématiquement développer des projets propres uniques plutôt que des outils standards.

Après de nombreuses années de retard et d'importants surcoûts, le 5 avril 2022, le programme 4-Flight a enfin été déployé dans un premier centre en route à Reims. Désormais le calendrier de déploiement prévoit une mise en service dans le centre d'Aix-en-Provence le 6 décembre 2022, dans celui d'Athis-Mons avant la fin de l'année 2023 puis dans les centres de l'Ouest de la France d'ici 2026. Une version 2.0 du programme doit être développée au début de l'année 2023 . Cette version unique aura vocation à être déployée à l'identique dans l'ensemble des centres en route de la navigation aérienne (CRNA).

Les dépenses d'investissement de la DGAC depuis 2013

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat d'après les réponses au questionnaire budgétaire

Après une phase de désendettement de 5 années, le BACEA a vu son encours de dette exploser depuis 2020, jusqu'à 2,7 milliards d'euros au 31 décembre 2022 . En 2023 , du fait de la progression attendue de ses recettes, la dette du BACEA devrait amorcer son reflux . Selon les prévisions de trafic retenues à ce jour par la DGAC, le désendettement du BACEA devrait se poursuivre après 2023 pour se rétracter à 1,3 milliard d'euros en 2027 .

Évolution de l'endettement du budget annexe de 2008 à 2023

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat d'après les réponses au questionnaire budgétaire

Le rapporteur spécial regrette que le déficit de financement des missions régaliennes de sûreté et de sécurité aéroportuaires lié à la crise n'ait pas pu faire l'objet d'une subvention de l'État et il craint les effets sur la compétitivité des compagnies, des aéroports et sur la connectivité du territoire national des hausses du tarif de sûreté et de sécurité que cette situation engendrera dans les années à venir.

La baisse des recettes de taxe sur les nuisances sonores aériennes (TNSA) conduit à ne plus pouvoir financer les projets d'atténuation des nuisances sonores à proximité des aéroports. La dotation de 8 millions d'euros qui avait été allouée par l'État dans le deuxième PLFR pour 2021 était très insuffisante puisque le déficit pour les années 2020 à 2022 atteindrait plus de 80 millions d'euros.

Réunie le mercredi 16 novembre 2022, sous la présidence de M. Claude Raynal, président, la commission des finances a décidé de proposer au Sénat l'adoption des crédits de la mission « Écologie, développement et mobilité durables » tels que modifiés par ses amendements. Elle a également proposé d'adopter les crédits du budget annexe.

Réunie à nouveau le jeudi 17 novembre 2022, sous la présidence de M. Claude Raynal, président, la commission a confirmé ses décisions.

Au 10 octobre 2022, date limite fixée par la LOLF, 79 % des réponses au questionnaire budgétaire étaient parvenues au rapporteur spécial .

PROGRAMME 159
« EXPERTISE, INFORMATION GÉOGRAPHIQUE
ET MÉTÉOROLOGIE »

Le programme 159 « Expertise, information géographique et météorologie » regroupe les subventions pour charges de service public du Centre d'études et d'expertises pour les risques, l'environnement, la mobilité et l'aménagement (Céréma), de l'Institut national de l'information géographique et forestière (IGN) et de Météo-France.

I. CONFORMÉMENT AUX RECOMMANDATIONS FORMULÉES PAR LE RAPPORTEUR SPÉCIAL DANS SON RAPPORT DE CONTRÔLE PUBLIÉ EN 2021, LES MOYENS DE MÉTÉO FRANCE SE STABILISENT

Météo-France est un établissement public administratif sous tutelle du ministère chargé des transports. Ses missions sont précisées dans son décret de création n° 93-861 du 18 juin 1993. Le service météorologique national (SMN) français surveille les conditions météorologiques, les prévoit et diffuse les informations qui s'y rapportent. Il doit aussi conserver la mémoire des climats passés et prévoir les climats futurs. Pour cela il combine plusieurs métiers : l'observation qui constitue la base de la météorologie, la recherche, la prévision du temps ou encore l'expertise climatique qui tend à prendre une part de plus en plus essentielle dans les activités et les responsabilités de Météo-France.

La sensibilité des missions de Météo-France se trouve renforcée par les conséquences des dérèglements climatiques et la prévalence accrue de phénomènes météorologiques extrêmes toujours plus violents et localisés. Au premier rang de ces missions figure la sécurité météorologique des personnes et des biens symbolisée par la carte de vigilance de Météo-France. L'opérateur joue également un rôle hautement stratégique dans son appui aux forces armées. Il est en outre le prestataire de services météo exclusif à l'aviation civile en France et assume des missions de formation, de recherche et de simulation climatique à l'échelle de la planète.

En juillet 2021, le conseil d'administration de Météo-France a adopté un nouveau contrat d'objectifs et de performance (COP) qui doit couvrir la période 2022-2026 .

1. Alors qu'il devait profiter d'un allègement de la pression budgétaire qui s'exerçait sur lui depuis dix ans, Météo-France est rattrapé par la crise des prix de l'électricité

En 2022 la subvention pour charges de service public (SCSP) versée par l'État à Météo-France au titre de l'action 13 « Météorologie » du programme 159 devrait représenter 44 % de ses recettes . En retraitant la subvention destinée à la contribution de la France à l'organisation EUMETSAT qui ne fait que transiter par le budget de l'opérateur, cette dotation compte même pour plus de 50 % de ses ressources. Cette subvention correspond à la compensation des missions de service public de Météo-France :

- la fourniture d'informations nécessaires à assurer la sécurité météorologique des personnes et des biens dans un contexte où le territoire est de plus en plus régulièrement frappé par des phénomènes météorologiques extrêmes ;

- un travail de recherche pour améliorer les modèles de prévision et mieux appréhender le changement climatique, ses conséquences et les moyens de s'y adapter ;

- le soutien aux forces armées, notamment sur des théâtres d'opérations extérieures.

Après une décennie de diminution ininterrompue (- 17 % entre 2013 et 2022), la subvention pour charges de service public (SCSP) de Météo France doit se stabiliser en 2023 . La hausse constatée de 4 %, qui porte la subvention à 181,8 millions d'euros , doit être relativisée puisqu'elle doit servir à compenser, à hauteur de 5,9 millions d'euros, l'effet de la revalorisation du point d'indice. En neutralisant cette compensation, la SCSP historique de l'opérateur atteindrait 175,8 millions d'euros, soit une quasi stabilité par rapport à l'exercice 2022.

Évolution de la SCSP entre 2012 et 2023

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat d'après les documents budgétaires

Le rapporteur spécial se félicite de cette inflexion nécessaire dont il avait souligné le caractère absolument incontournable dans son rapport du 22 septembre 2021 « temps instable sur Météo-France : quand le refroidissement budgétaire se confronte au réchauffement climatique » 1 ( * ) . Compte-tenu de l'exacerbation des enjeux liés à la multiplication des phénomènes météorologiques extrêmes en lien avec les dérèglements climatiques et pour pouvoir mettre en oeuvre le nouveau contrat d'objectifs et de performance, le rapporteur spécial avait en effet émis la recommandation d'assouplir la contrainte budgétaire qui pesait depuis de nombreuses années sur l'opérateur en lui garantissant une stabilisation de ses moyens et de ses effectifs .

En 2023, la SCSP de Météo-France doit être complétée par une dotation de 15,3 millions d'euros consacrée au financement des supercalculateurs mis en service en 2021. Entre 2019 et 2022, le niveau de cette dotation annuelle était encadré par le contrat budgétaire qu'avait signé l'établissement avec la direction du budget. Dans son rapport de 2021 précité, le rapporteur spécial avait recommandé d'augmenter significativement cette dotation en 2023. Aussi constate-t-il avec satisfaction la hausse prévue par le présent projet de loi de finances qui est conforme aux projections de dépenses qui avaient été actualisées en début d'année 2022.

Évolution de la dotation complémentaire dédiée au financement
du supercalculateur 2019-2023

(en millions d'euros)

Source : commission des finances d'après les documents budgétaires

Cependant, depuis l'été 2022, l'équilibre financier des nouveaux supercalculateurs, très gourmands en énergie, a été complètement bouleversé par la crise des prix de l'électricité. L'opérateur estime que le surcoût pourrait dépasser les 7 millions d'euros en 2023 . Des négociations sont actuellement en cours entre Météo-France et la direction du budget pour trouver des solutions de financements à ce surcroît de dépenses imprévu.

Alors que la décision a été prise de prolonger d'un an, jusqu'en 2026, l'utilisation des supercalculateurs actuels , leur coût restant à financer jusqu'à cette date s'élève à plus de 85 millions d'euros et devrait se répartir tel que décrit dans le graphique ci-après.

Dépenses prévisionnelles liées aux capacités de calcul de l'établissement
entre 2019 et 2031

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat d'après les réponses de Météo-France au questionnaire du rapporteur spécial

Les dépenses récurrentes liées aux nouveaux supercalculateurs s'élèvent en moyenne à environ 23 millions d'euros par an . Pour couvrir les dépenses liées à l'exploitation des nouveaux supercalculateurs, l'opérateur évalue le montant des subventions de l'État nécessaires à 9,3 millions d'euros en 2024 puis 15 millions d'euros en 2025 du fait des premières dépenses liées au nouveau projet d'accroissement de la puissance de calcul prévu à horizon 2026 (voir infra ).

Afin d' éviter tout effet d'éviction sur les dépenses d'investissements « hors calcul » de l'opérateur, le rapporteur spécial rappelle qu'il est nécessaire que l'État lui garantisse l'attribution de dotations suffisantes pour sécuriser le financement de ses supercalculateurs.

Dans son rapport du 22 septembre 2021 précité, le rapporteur spécial a souligné l'effet ciseaux budgétaire du développement de l'ouverture des données publiques pour Météo-France. Au regard des perspectives de développement du volume de données mises en ligne, les coûts supplémentaires induits sont estimés par l'opérateur à environ 0,6 million d'euros annuels et 6 ETP . Les baisses de recettes résultant de l'extinction des redevances de réutilisation sont quant à elles estimées à environ 1,4 million d'euros . Le cumul des pertes de recettes et des hausses de dépenses pourrait ainsi dépasser les 2 millions d'euros à horizon 2025 .

En outre, 1,8 milliard d'euros de dépenses d'investissement sont nécessaires pour moderniser l'infrastructure informatique permettant de mettre en ligne, d'ici 2026, un volume de données 10 fois plus important qu'aujourd'hui.

Sans ressources complémentaires, Météo-France aura le plus grand mal à supporter ces coûts . Aussi, sans solution de financement, le niveau de service tendra à se dégrader , une saturation de la bande passante conduisant à des plantages et des temps de téléchargement rallongés.

Le 26 mai 2021, devant la commission des finances du Sénat , le Gouvernement, par la voix de sa ministre de la Transition écologique , avait alors ouvert la porte à une compensation financière au moins partielle des coûts induits par les développements de l'open data . Comme il l'a écrit dans son rapport précité, le rapporteur spécial plaide pour que l'État compense une partie de ces coûts . Le présent projet de loi de finances prévoit 2 ETP supplémentaires pour répondre à cet enjeu. Si ce premier signe est positif, il est loin de couvrir l'intégralité des besoins.

En plus des crédits relevant du programme 159, Météo-France doit également bénéficier en 2023, à l'instar des années précédentes, de 3,9 millions d'euros attribués par la direction générale de la prévention des risques (DGPR) à partir des crédits du programme 181 « Prévention des risques » pour participer à l'entretien du réseau d'observation hydrométéorologique.

Une subvention accordée par le ministère de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation et portée par le programme 193 « Recherche spatiale » transite par le budget de Météo-France. Elle correspond à la part principale de la contribution de la France à l'organisme européen EUMETSAT. Neutre pour le budget de Météo-France par lequel elle ne fait que transiter, elle devrait s'élever à 66 millions d'euros en 2023.

2. Des recettes commerciales stables à ce jour mais menacées par la concurrence à moyen-terme

Météo-France est le prestataire exclusif de l'assistance météorologique pour la navigation dans l'espace aérien français. La redevance versée par direction générale de l'aviation civile (DGAC) au titre des services météorologiques rendus à la navigation aérienne représente près du quart des ressources de Météo-France. Stable en euros courants depuis 2012, elle s'élève à 85,55 millions d'euros . Cette stabilité en euros courants signifie que cette ressource se dévalue chaque année du niveau de l'inflation . Ce phénomène est d'autant plus prononcé dans le contexte actuel d'évolution des prix.

Comme il l'a souligné dans son rapport précédemment cité, le rapporteur spécial estime que cette situation n'est pas satisfaisante et qu'il conviendrait de s'assurer que le montant de la redevance , figé depuis dix ans, couvre bien les coûts des prestations délivrés à la navigation aérienne. S'il s'avérait que ce n'est plus le cas, notamment car ces services se sont perfectionnés et même si dans le même temps des gains de productivité significatifs ont été réalisés, il conviendrait de réévaluer à la hausse le montant versé par la DGAC à l'opérateur.

Pour compenser la diminution de sa SCSP, l'opérateur était incité à dynamiser ses ressources propres pourtant naturellement tirées vers le bas par le déclin des services audiotel. Les efforts entrepris ont commencé à porter leurs fruits à compter de 2017 , année à partir de laquelle la trajectoire baissière a été enrayée. Depuis, ces recettes ont tendance à se stabiliser à un niveau légèrement supérieur à trente millions d'euros . Elles ont connu une chute en 2020 en raison des répercussions de la crise sanitaire. Elles représentent environ 8 % du total des ressources de l'opérateur.

En 2021 et 2022 les recettes commerciales de Météo-France ont été tirées vers le haut par les versements résultant du contrat signé avec la direction générale de l'énergie et du climat (DGEC) portant sur des études en vue de l'implantation de champs d'éoliennes au large. Cet effet doit s'estomper en 2023.

Évolution des recettes commerciales de Météo-France de 2012 à 2023

(en millions d'euros)

Source : Météo-France

Il y a encore dix ans, les services audiotel 2 ( * ) de Météo-France représentaient une part significative de ses recettes commerciales . La désuétude progressive de ces services a entraîné l'érosion régulière des ressources qu'ils généraient. Depuis 2012, ces ressources se sont rétractées de l'ordre de douze millions d'euros. Ce phénomène est la principale explication de la contraction des recettes commerciales constatée entre 2012 et 2016. En 2022 , elles devraient s'établir à 1,2 million d'euros contre 13 millions d'euros en 2012 .

Évolution des différentes composantes des recettes commerciales
de Météo-France (2012-2022)

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du sénat d'après les réponses de Météo-France au questionnaire du rapporteur spécial

L'ambition de reconquête de ses ressources commerciales par Météo-France a principalement porté sur le segment des professionnels dont les produits ont progressé de plus de 40 % entre 2016 et 2022. Ces dernières années, le dynamisme des recettes commerciales professionnelles a été porté par plusieurs contrats majeurs pour l'opérateur et notamment celui conclu avec la direction générale de l'énergie et du climat (DGEC) portant sur des études d'évaluation des risques météorologiques dans le cadre de l'implantation d'éoliennes au large. Les secteurs de l'aéronautique commerciale, des transports et des médias sont également porteurs. Compte-tenu notamment de l'émergence des enjeux liés au changement climatique et du fait que toujours plus d'activités présentent des « météo-sensibilités » fortes, de nouvelles perspectives doivent être explorées par l'opérateur.

Les recettes publicitaires , stimulées par la monétisation du site internet et de l'application mobile Météo-France, ont également participé à redresser le niveau de ses recettes commerciales. Entre 2015 et 2019 , à la veille de la crise, les recettes publicitaires ont progressé de près de 40 %. Après deux années marquées par les conséquences de la crise, les recettes publicitaires devraient retrouver en 2022 un niveau proche de celui qui avait été constaté en 2019 .

Du fait notamment de moyens et d'effectifs contraints , et malgré les opportunités évidentes en la matière, l'établissement prévoit une stabilité de ses recettes commerciales dans les prochaines années. Les nouvelles marges de manoeuvre à attendre du côté de ces ressources semblent contraintes même si les futurs services d'adaptation au changement climatique développés par l'opérateur pourraient les dynamiser.

Dans son rapport précité, le rapporteur spécial a également souligné la très vive concurrence à laquelle Météo-France devra faire face dans un avenir proche , notamment du fait du positionnement de géants du numérique sur le marché des services météorologiques. Le rapporteur spécial souligne que ces phénomènes pourraient conduire à une réduction notable des parts de marchés et des recettes commerciales de l'opérateur à moyen-terme. Pour rester dans la course, l'établissement doit absolument se positionner de façon très ambitieuse sur les technologies d'intelligence artificielle (IA).

3. Pour la première fois depuis 10 ans, les effectifs de Météo-France ne diminueront pas en 2023

Après une décrue constante depuis 10 ans (- 11 % entre 2013 et 2022), en raison des réductions d'effectifs, les charges de personnel de Météo-France devraient augmenter de 3 % et 8 millions d'euros en 2023, essentiellement du fait du relèvement du point d'indice de la fonction publique.

Évolution de la masse salariale de Météo-France de 2012 à 2023

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat d'après les réponses de Météo-France au questionnaire du rapporteur spécial

En 2023, le plafond d'emplois de Météo-France a fait l'objet d'un recalibrage technique conduisant à son augmentation de 10 ETPT . Ces 10 ETPT supplémentaires s'expliquent par une requalification de 10 emplois en cours qui étaient jusqu'alors comptabilisés dans l'enveloppe hors plafond.

Cette évolution, demandée par la direction du budget à Météo-France, s'appuie sur l'interprétation de la circulaire du 11 juillet 2010 qui encadre le recours aux contrats à durée déterminée (CDD) comptabilisés dans les effectifs hors plafond des opérateurs. La direction du budget considère que ces effectifs hors plafond ne peuvent concerner des contrats signés avec des personnes publiques sans mise en concurrence, c'est-à-dire des contrats dits en « quasi-régie » ou « in house ».

Évolution du plafond d'emplois de Météo-France de 2012 à 2023

(en ETPT)

Source : commission des finances du Sénat d'après les documents budgétaires

Les schémas d'emplois successifs demandés à l'établissement Météo-France ont été très exigeants ces dernières années . En moyenne, entre 2012 et 2022, l'établissement devait supprimer 78 ETP par an. Le contrat budgétaire 2018-2022 prévoyait un objectif de réduction cumulée des effectifs de Météo-France de 475 ETP sur la période, soit une moyenne annuelle de 95 suppressions. Le graphique ci-après expose les schémas d'emplois appliqués à Météo-France depuis 2012.

Schéma d'emplois notifié et réalisé depuis 2012

(en ETP)

Source : commission des finances du Sénat d'après les réponses de Météo-France au questionnaire du rapporteur spécial

Dans son rapport cité supra , le rapporteur spécial avait alerté sur le fait que le schéma d'emplois prévu par le contrat budgétaire en 2022 ne pourrait pas être réalisé . Il était devenu irréaliste et dangereux du fait de retard pris dans certaines opérations d'automatisation. Pour cette raison, le rapporteur spécial avait émis la recommandation d'ajuster le schéma d'emplois prévu en 2022 en conséquence.

Lors de l'examen de la loi de finances initiale pour 2022, il avait accueilli favorablement l'assouplissement indispensable du schéma d'emploi prévisionnel de Météo-France. Néanmoins, cet assouplissement devait à l'origine être rattrapé en 2023 ce qui aurait conduit, dans l'hypothèse d'une stabilisation du schéma d'emploi structurel, à une suppression de 35 ETP . Dans son rapport budgétaire portant sur le projet de loi de finances initiale pour 2022, le rapporteur avait rappelé sa ferme conviction quant à l'absolue nécessité de stabiliser les effectifs de l'opérateur sur la période du nouveau COP.

Le rapporteur spécial est satisfait de constater qu'en 2023, pour la première fois depuis plus de dix ans, et conformément au signal d'alerte qu'il avait tiré dans son rapport précité, le schéma d'emploi de Météo-France sera positif à hauteur de 6 ETP .

Du fait notamment du recalibrage du plafond d'emploi présenté supra, les effectifs hors plafond autorisés pour Météo-France en 2023 se replient de 5 ETP pour s'établir à 100 ETP.

Évolution du nombre d'emplois hors plafond de Météo-France
(2012-2023)

(en ETP)

Source : commission des finances du Sénat d'après les documents budgétaires

Historiquement, les emplois hors plafond concernent principalement les activités de recherche de l'établissement. Aujourd'hui, les appels d'offre de recherche sont de plus en plus nombreux et, pour y répondre, Météo-France a besoin de pouvoir recruter des contrats à durée déterminée (CDD). Pour préserver les capacités de l'établissement à contracter avec des institutions au titre de projets temporaires sur lesquels il peut apporter une vraie plus-value mais aussi et surtout pour qu'il puisse répondre aux appels d'offre de recherche qui constituent un enjeu absolument crucial pour son avenir, il apparaît nécessaire d'autoriser à Météo-France un contingent suffisant d'emplois hors plafond pour notamment concrétiser les ambitions de son COP .

4. En 2022, Météo-France a achevé la profonde restructuration de son réseau territorial tandis que le dispositif de départs volontaires qui l'accompagne, systématiquement sous-évalué, pèse toujours plus lourdement sur le budget de l'opérateur

Depuis plus de dix ans , Météo-France a entrepris une profonde restructuration de son réseau territorial . Cette évolution, réalisée dans le cadre d'évolutions scientifiques et techniques et pour accroître l'efficience de l'opérateur, a accompagné le mouvement de réduction de ses moyens financiers et humains.

Conduite entre 2012 et 2016 , une première phase de restructuration s'est traduite par la fermeture des anciens centres départementaux mais aussi par celle de près de 70 % des centres de rattachement aéronautique (CRA) qui sont passés de 41 en 2011 à 13. En 2022 , Météo-France dispose de 39 implantations territoriales en métropole 3 ( * ) contre 115 en 2011 , soit une réduction des deux tiers en dix ans .

Pour accompagner les transformations de l'établissement et tout particulièrement la restructuration de son réseau territorial, deux dispositifs de départ volontaire sont proposés aux agents de Météo-France. L'indemnité de départ volontaire (IDV) 4 ( * ) est proposée pendant quatre années, entre le 1 er janvier 2019 et le 31 décembre 2022. La rupture conventionnelle 5 ( * ) offre quant à elle une perspective de départ anticipé accompagné d'une indemnité pour les agents inéligibles au dispositif d'IDV.

Ces deux dispositifs rencontrent un succès qui dépasse largement les prévisions qui avaient été réalisées initialement, tout particulièrement s'agissant de l'IDV. Comme en 2021, en 2022 le coût du dispositif avait été sous-estimé d'environ 1 million d'euros et il devrait s'établir, selon les dernières prévisions, à 4,9 millions d'euros. Du fait de l'extinction prochaine du dispositif au 31 décembre 2022, 123 nouvelles demandes ont été enregistrées pour 2023 , année où le coût du dispositif devrait ainsi bondir à près de 12,5 millions d'euros , soit un quasi doublement par rapport à la prévision initiale et une majoration de 3,5 millions d'euros des dépenses assumées par l'opérateur au titre de cette indemnité. Le coût de ce dispositif est couvert à 50 % par une subvention du fonds d'accompagnement interministériel des ressources humaines (FAIRH).

Coût constaté ou prévisionnel des dispositifs d'IDV
et de rupture conventionnelle (2019-2023)

(en milliers d'euros)

Source : commission des finances du Sénat d'après les réponses de Météo-France au questionnaire du rapporteur spécial

5. Le futur projet de développement de la puissance de calcul de Météo-France coûtera près de 350 millions d'euros
a) Des dépenses d'investissement « hors calcul » à préserver impérativement

En 2022, les dépenses d'investissement de Météo-France devraient s'établir à un peu plus de 20 millions d'euros dont plus de 20 % dédiés aux supercalculateurs.

Évolution des dépenses d'investissement (2012-2023)

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat d'après les réponses de Météo-France au questionnaire du rapporteur spécial

D'après le budget prévisionnel de l'opérateur, les dépenses d'investissement devraient s'établir à 26 millions d'euros en 2022 dont 12 millions d'euros consacrés au calcul intensif.

Les dépenses relatives aux capacités de calcul intensif représentent une part significative du total des dépenses d'investissement . À chaque renouvellement des supercalculateurs, des dépenses d'investissement conséquentes sont engagées. On l'observe notamment sur les exercices 2019 et 2020 au cours desquels elles ont représenté respectivement 38 et 27 % des dépenses d'investissement totales.

Néanmoins, les dépenses d'investissement de Météo-France ne se limitent pas au calcul intensif. Tout aussi fondamentales, les autres dépenses d'investissement de l'opérateur ne doivent en aucun cas être mésestimées et servir de variable d'ajustement . Depuis 2012, elles sont relativement stables et oscillent entre 15 et 18 millions d'euros .

Les dépenses d'investissement « hors calcul » concernent aujourd'hui essentiellement les opérations de modernisation , de jouvence et de maintenance des infrastructures techniques .

Le rapporteur spécial considère que le niveau de ces dépenses apparaît dimensionné au minimum pour préserver la qualité des infrastructures techniques de l'opérateur et que sa remise en cause pourrait nuire à la qualité des services rendus . Aussi, dans son rapport précité de septembre 2021, le rapporteur spécial a-t-il recommandé de maintenir le montant d'investissements « hors calcul » à son niveau actuel pour ne pas dégrader l'état des infrastructures techniques et les capacités opérationnelles de Météo-France. Pour 2023, il regrette ainsi de constater que le montant prévisionnel des investissements hors calcul diminuerait à son plus bas niveau depuis plus de 10 ans, à environ 14 millions d'euros .

b) Le projet d'une nouvelle multiplication par six de la puissance de calcul de Météo-France en 2026 coûtera près de 350 millions d'euros, un montant 2,4 fois plus élevé que le coût des supercalculateurs actuels

Le projet « calcul 2020 » devait permettre à Météo-France de multiplier par cinq sa puissance de calcul intensif. L'objectif a été rempli puisqu'après la bascule de la production opérationnelle sur ses deux nouveaux supercalculateurs au mois de février 2021 , la capacité de calcul du SMN français a été multipliée par 5,5 . Le coût total du projet « Calcul 2020 » atteint 142 millions d'euros sur la période 2019-2026 . Il inclut le paiement de la redevance à la société ATOS pour les supercalculateurs, le coût de leur consommation électrique , ainsi que les dépenses connexes nécessaires au fonctionnement et à l'exploitation des données produites.

La course à la puissance de calcul continue de battre son plein entre services météorologiques. Les capacités de calcul intensif ont des traductions très concrètes sur la performance des modèles de prévision numérique du temps (PNT), elles sont incontournables pour permettre une prévision plus fine des phénomènes météorologiques extrêmes.

Ainsi, et alors même que les nouveaux supercalculateurs n'étaient pas encore pleinement opérationnels, Météo-France avait d'ores et déjà engagé une réflexion avec ses tutelles sur les besoins de renouvellement de sa capacité de calcul intensif à horizon 2025. Finalement, l'opérateur et ses tutelles ont décidé de repousser d'une année ce renouvellement et de prolonger l'utilisation de ses supercalculateurs actuels jusqu'en 2026.

Compte-tenu des évolutions technologiques, le coût de cet investissement devrait plus que doubler par rapport à celui du plan « calcul 2020 ». Le nouveau projet pourrait ainsi coûter près de 350 millions d'euros .

Comparaison du coût total de financement des supercalculateurs et des futurs supercalculateurs

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat d'après les réponses au questionnaire budgétaire

Une étude de la société Citizing de septembre 2021 portant sur « l'évaluation socioéconomique du renouvellement des supercalculateurs de Météo-France en 2025 » estime cependant qu'une nouvelle multiplication par six de la puissance de calcul pourrait générer des gains socio-économiques de l'ordre de 1,4 milliard d'euros pour une valeur actuelle nette d'environ 1,1 milliard d'euros, soit un retour sur investissement proche de cinq euros pour un euro investi.

Le rapporteur spécial estime que la perspective du renouvellement de la capacité de calcul de Météo-France à horizon 2026 est essentielle pour que l'opérateur français conserve son positionnement de référence au niveau international et améliore ses capacités de prévision des phénomènes météorologiques extrêmes .

Principaux gains attendus d'une multiplication par six de la puissance de calcul de Météo-France à horizon 2026

- Une amélioration significative de la prévision des phénomènes météorologiques dangereux jusque 4 jours d'échéance, en particulier les évènements méditerranéens de pluie intense.

- Une augmentation de 20 % du nombre de vigilance orange ou rouge anticipée avec un préavis d'au moins 6 heures.

- En Outre-Mer, une prévision plus fiable de la sévérité des cyclones tropicaux, avec une meilleure estimation de l'intensité probable du cyclone tropical prévu, ainsi que de l'intensité du scénario le plus pessimiste. Également de meilleures prévisions des évènements de pluie intense et crues qui affectent régulièrement ces territoires.

- Pour le secteur aérien : un saut significatif dans la qualité des prévisions aux échéances de la prévision immédiate (c'est-à-dire jusque 6 heures d'échéance), pour optimiser la gestion du trafic aérien, ainsi que les décisions « courantes » de gestion des aéroports.

- Pour nos forces armées : un apport est attendu en termes de prévision des vents dans les zones avec une topographie complexe et de représentation des aérosols pour les théâtres d'opérations extérieures impactant la visibilité dans les basses couches de l'atmosphère.

- Des prévisions affinées pour les risques côtiers de submersion marine et les avalanches en montagne, grâce à des modèles plus détaillés prévoyant l'évolution du manteau neigeux ou encore des vagues et les surcotes.

- Pour ce qui concerne le climat et les simulations climatiques, il sera possible d'estimer de façon plus précise l'évolution de la fréquence et la sévérité des évènements extrêmes, avec une fiabilité suffisante pour les évènements rares, typiquement ceux qui ne se produisent actuellement qu'une fois tous les 10 ans.

Source : Météo-France

II. ACTEUR DE RÉFÉRENCE DE LA DONNÉE GÉOLOCALISÉE SOUVERAINE, L'INSTITUT NATIONAL DE L'INFORMATION GÉOGRAPHIQUE ET FORESTIÈRE (IGN) SE TRANSFORME

Établissement public administratif placé sous la double tutelle des ministres chargés de l'écologie et des forêts, le nouvel IGN est issu de la fusion entre l'Institut géographique national et l'Inventaire forestier national (IFN) intervenue le 1 er janvier 2012 6 ( * ) .

Les missions de l'IGN se partagent entre des tâches que l'on peut qualifier de « traditionnelles » et des activités émergentes qui le poussent à se réformer. Missions traditionnelles par excellence, la collecte et la production de données géolocalisées souveraines dites « socles » constituent le coeur de ses missions de service public. Les géodonnées socles sont les données « primaires » de base qui servent de support à toute conception de services d'information géolocalisée. Par ailleurs, l'IGN conçoit et met à jour des référentiels géographiques publics à fort enjeu comme les différentes couches qui composent le référentiel à grande échelle (RGE), la base de données de précision décamétrique dite BD Carto, la base de données géodésique (BDG), la BD Topage, le registre parcellaire graphique (RPG) pour les besoins agricoles ou encore le fond cartographique au 1/25 000 e dit Scan 25. Enfin, il a en charge la réalisation de l'inventaire forestier.

Si l'image d'Épinal d'un IGN producteur de cartes papier demeure vivace, force est de constater que cette activité par laquelle il se fait connaître du grand public ne représente qu'une infime partie de ses missions, de plus en plus marquées par des activités émergentes telles que des activités d'expertise et de conseil, d'assistance à maîtrise d'ouvrage, d'agrégation de données produites par d'autres acteurs ou de diffusion et de valorisation de l'information géographique publique. Par ailleurs, et de plus en plus, l'IGN sera amené à l'avenir à jouer un rôle de référence et de pilote au sein de l'écosystème national de la donnée géolocalisée.

Dans son rapport d'information publié au mois de novembre 2022 et intitulé « acteur de référence de la donnée géolocalisée souveraine, l'IGN avance sur un chemin à baliser » 7 ( * ) , le rapporteur spécial a analysé les enjeux du renouvellement en cours du modèle économique de l'établissement . Mis sous tension par les bouleversements du paysage de la donnée géolocalisée, concurrencé par l'émergence d'acteurs publics comme privés, affecté par l'essor des démarches collaboratives, l'IGN était , il y a quelques années, remis en cause dans son identité et contesté dans sa légitimité . Le processus d'ouverture et de gratuité des données publiques, s'il lui ouvre de nouvelles perspectives de collaborations, implique une transformation du modèle économique d'un institut dont l'équilibre financier dépendait de la vente de ses données. Pour toutes ces raisons, l'IGN devait se transformer pour attirer et développer de nouvelles compétences, incorporer de nouvelles technologies et rester un opérateur d'excellence, référence nationale de l'information géographique.

En 2019, l'IGN a entrepris de refonder son modèle . D'une mission de production-diffusion d'information géographique, l'IGN évolue vers des rôles d'agrégateur de données, d'expert, de coordinateur ou de certificateur. Il recentre son action sur la production des données socles souveraines ainsi que sur le pilotage de vastes projets d'accompagnement de grandes politiques publiques directement financés par leurs commanditaires.

Comme il a pu le souligner dans son rapport de novembre 2022 précité, le rapporteur spécial tient à insister sur le fait qu'alors que nous vivons dans un « monde de la donnée », les informations qui décrivent le territoire sont des outils stratégiques indispensables à la décision publique. Pour préserver notre autonomie, les données géolocalisées qui fondent nos politiques publiques doivent présenter des garanties d'indépendance. L'emprise des GAFAM sur les géo données a rendu cet enjeu plus prégnant encore. L'IGN constitue à cet égard un outil indispensable pour garantir un exercice de la souveraineté nationale fondé sur des données géolocalisées indépendantes et maîtrisées.

1. Une dilatation budgétaire de l'IGN portée par son nouveau modèle et le recours à la sous-traitance

Dépenses et recettes effectives de l'IGN (2017-2022)

(en milliers d'euros)

Source : commission des finances du Sénat d'après les documents financiers de l'IGN

Portée par son nouveau modèle, l'activité de l'IGN est en croissance . Alors que son budget oscillait entre 150 et 160 millions d'euros jusqu'en 2020, celui-ci, moyennant le décalage entre la perception des recettes issues des financements des grands projets et l'exécution des dépenses pour leur réalisation effective, devrait se situer entre 170 et 180 millions d'euros jusqu'en 2024 . Cet accroissement d'activité à effectifs constants, et même en diminution, est permis par l'effet de levier procuré par le recours à la sous-traitance . Il signale aussi que la multiplication des projets auxquels contribue l'IGN a placé l'opérateur dans une situation de « saturation » de ses moyens humains.

2. Assouplie et mise en cohérence avec le projet de transformation de l'IGN, sa nouvelle trajectoire budgétaire s'inscrit désormais dans le cadre d'un engagement pluriannuel d'objectifs et de moyens (EPOM)

Après un premier assouplissement de la trajectoire budgétaire de l'institut décidé dans le cadre de la loi de finances initiale pour 2022 sous la forme d'un schéma d'emploi moins exigeant, l'IGN, ses autorités de tutelle et la direction du budget (DB) ont conclu, le 25 janvier 2022, un engagement pluriannuel d'objectifs et de moyens (EPOM) . Ce document correspond aux anciens contrats d'objectifs et de moyens et constitue le volet financier du contrat d'objectifs et de performance (COP) de l'IGN. Cet EPOM porte sur la période 2022-2024, en cohérence avec celle du COP 8 ( * ) , et formalise des engagements réciproques entre l'opérateur et l'État . Pour l'accompagner dans sa refondation , et plus particulièrement pour lui permettre d'engager un ambitieux programme de recrutement et de promotion de son attractivité, l'opérateur avait besoin d'un assouplissement de sa trajectoire budgétaire doublé d'une visibilité pluriannuelle .

Dans le cadre de cet EPOM, la DB a pris l'engagement de stabiliser jusqu'en 2024 la SCSP et d'assouplir le schéma d'emplois de l'opérateur. Nul en 2023, ce schéma doit cependant retrouver, dès 2024, sa trajectoire antérieure à 2022 avec une réduction de 35 ETP. Les engagements de l'IGN reposent notamment sur le respect d'une trajectoire d'évolution de sa masse salariale, le maintien d'un niveau de trésorerie prudentiel, le développement de ses partenariats financiers ou encore la concrétisation de son programme de recrutement.

Comme il a pu le souligner dans son rapport d'information de novembre 2022 précité, le rapporteur spécial se félicite de la conclusion de cet EPOM qui, jusqu'en 2024, donne à l'IGN les moyens budgétaires pour concrétiser sa transformation . Toutefois , et alors que le rythme rigoureux du schéma d'emploi doit reprendre dès 2024, la viabilité économique de moyen terme du nouveau modèle de l'IGN dépendra des équilibres budgétaires qui seront déterminés à l'issue de l'EPOM, en 2024 .

3. La subvention pour charges de service public de l'IGN progresse de près de 4 %

L'action 12 « Information géographique et cartographique » du programme 159 retrace la subvention pour charges de service public (SCSP) de l'IGN qui doit s'élever à 88,9 millions d'euros de crédits (AE=CP) en 2023, en augmentation de 3,9 % par rapport au montant inscrit en loi de finances initiale pour 2022 pour prendre en compte les effets de la revalorisation du point d'indice de la fonction publique. Cette évolution constitue une inflexion dans la mesure où la SCSP historique de l'institut présentait une tendance à la baisse continue depuis dix ans 9 ( * ) . Le graphique ci-après présente la SCSP réellement versée à l'IGN depuis 2016 10 ( * ) .

Évolution de la SCSP effectivement perçue par l'IGN (2012-2022)

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat d'après les réponses au questionnaire de votre rapporteur spécial

2021 a constitué un point de bascule dans la transition du modèle économique de l'établissement puisque, pour la première fois, ses ressources propres , tirées par les grands programmes, sont devenues majoritaires au sein du total de ses recettes. L'exercice 2022 doit confirmer ce renversement.

Évolution de la part de la SCSP dans les ressources de l'IGN (2016-2022)

Source : commission des finances du Sénat d'après les réponses au questionnaire de votre rapporteur spécial

En 2023, l'IGN doit recevoir un transfert de 1 million d'euros en AE et 1,1 million d'euros en CP du programme 113 « Paysages, eau et biodiversité » au titre de la gestion des risques naturels et de la connaissance de l'évolution de la biodiversité. Cette subvention est ainsi en diminution d'environ 800 000 euros par rapport au montant perçu les années précédentes.

En 2012, après la fusion de l'Institut géographique national avec l'Inventaire forestier national (IFN), le montant de la SCSP (11,9 millions d'euros) ainsi que les emplois autorisés de l'IFN ont été transférés du programme 149 « Forêt » vers le programme 159. D'après l'IGN, le coût de la réalisation de l'inventaire forestier, en hausse de 8 % depuis 2019, dépasserait le montant de SCSP attribué à l'établissement en 2012 lors de la fusion.

4. Les ressources propres de l'IGN sont portées par son nouveau modèle économique et les grands projets sur lesquels il repose

Essentiellement porté par la vente de cartes papier, le marché dit « grand public » s'est contracté de plus de 20 % depuis 2018 . La stabilisation observée à partir de 2019 autour de 8,5 millions d'euros s'explique notamment par des efforts entrepris par l'opérateur pour enrayer cette érosion, notamment la commercialisation de nouvelles cartes et atlas régionaux ou encore le développement du portail « IGN Rando ». L'EPOM anticipe néanmoins une nouvelle baisse de ce marché qui pourrait s'établir à 7,5 millions d'euros à horizon 2024.

L'érosion du marché dit « professionnel » est quant à elle appelée à se poursuivre . Elle s'explique en partie par la fin du cycle d'acquisition de données de grands acteurs privés mais elle est surtout la résultante du processus d'ouverture et de gratuité des données publiques. Les recettes de ce marché se sont ainsi taries de plus de 50 % depuis 2017 . Alors que l'IGN a pour objectif de les stabiliser autour de 5 millions d'euros à horizon 2027, l'EPOM anticipe des recettes de seulement 3,8 millions d'euros en 2024.

Le marché « défense-espace » présente quant à lui une dynamique positive qui s'explique par le partenariat de confiance historique noué entre le ministère des armées et l'IGN . L'EPOM anticipe un niveau de recettes de 18 millions d'euros en 2024.

Évolution du chiffre d'affaires de l'IGN (2017-2022)

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat d'après les réponses au questionnaire de votre rapporteur spécial

Comme le rapporteur spécial a pu le mettre en évidence dans son rapport d'information de novembre 2022 précité, le nouveau modèle de l'établissement, fondé sur de grands projets d'accompagnement de politiques publiques pris en charge par leurs commanditaires publics via des flux financiers distincts de la SCSP de l'institut, se traduit déjà de façon très concrète dans ses comptes . Pour 2022, les recettes issues de ses grands projets devraient s'établir à 51,7 millions d'euros , contre 20,7 millions d'euros perçus en 2019, soit une multiplication par 2,5 . Ce montant s'explique notamment par les 16 millions d'euros perçus dans le cadre du projet Lidar HD financé par une subvention du fonds pour la transformation de l'action publique (FTAP) et des crédits issus du plan de relance.

Évolution des recettes tirées des grands projets (2016-2022)

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat d'après les réponses au questionnaire du rapporteur spécial

Sur la période récente, les financements obtenus par l'IGN en provenance de grands fonds publics nationaux tels que le plan de relance, le fonds pour la transformation de l'action publique (FTAP) ou le fonds d'accompagnement interministériel des ressources humaines (FAIRH) ont été particulièrement significatifs . Ils se sont élevés à près de 64 millions d'euros 11 ( * ) , représentant environ 40 % d'une année de recettes de l'IGN. Le rapporteur spécial craint que le tarissement de ces sources de financement ne mette d'autant plus sous pression le modèle économique de l'IGN dans les années à venir .

S'agissant des prestations effectuées en faveur du ministère de l'agriculture et de l'alimentation, 12 millions d'euros sont attendus par l'opérateur en 2022 au titre de la mise à jour du référentiel parcellaire graphique (RPG). Les projets contractés auprès du ministère des armées représentent quant à eux 18 millions d'euros. Dans son rapport d'information précité, le rapporteur spécial a eu l'occasion de pointer du doigt les risques associés à la trop grande dépendance financière de l'IGN à ses deux principaux donneurs d'ordre que sont le ministère de l'agriculture et de l'alimentation et le ministère des armées. À eux deux, ils représentent environ un quart des recettes structurelles de l'établissement.

L'EPOM anticipe un tassement très net des recettes issues des grands projets , en 2023 et en 2024, en particulier dans un contexte de tarissement des crédits issus du plan de relance et du FTAP .

Financements obtenus par l'IGN
en provenance de grands fonds publics nationaux

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat d'après les réponses de l'IGN au questionnaire du rapporteur spécial

Si l'EPOM donne à l'établissement une visibilité budgétaire bienvenue d'ici 2024, la viabilité économique de moyen terme de son nouveau modèle sera mise à l'épreuve à partir de 2025.

Actuellement, l'analyse financière prospective qui fonde la viabilité du modèle de l'IGN repose sur plusieurs hypothèses fortes qui resteront à confirmer . Parmi ces hypothèses, l'IGN compte notamment sur un gel du schéma d'emplois et de sa SCSP . Elles supposent aussi de parvenir à boucler le financement du programme Lidar HD en réunissant 15 millions d'euros d'ici 2025 mais aussi de conclure de nouveaux marchés pour un montant de 100 millions d'euros sur la période 2024-2027, soit 25 millions d'euros de recettes annuelles. Ce nouveau modèle implique également de maintenir des flux financiers élevés en provenance de ses deux principaux « clients » que sont le ministère des armées et le ministère de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire.

Enfin, outre le déficit de financement de 15 millions d'euros sur le programme Lidar HD, aucun financement n'est à ce jour prévu pour l'actualisation de l'outil de suivi de l'occupation des sols (l'OCS GE). Le besoin est évalué à environ 2 millions d'euros par an entre 2025 et 2027.

5. La tendance à la diminution des effectifs de l'IGN était devenue incompatible avec sa transformation tandis que ses dépenses sont elles aussi marquées par le nouveau modèle
a) Une pause dans la réduction des effectifs de l'IGN pour lui permettre de réaliser l'ambitieux volet ressources humaines de sa transformation

Plus que la diminution de sa SCSP, c'est la baisse continue des effectifs de l'IGN qui constituait le principal obstacle à la réorganisation de l'établissement. L'assouplissement du schéma d'emplois rigoureux imposé à l'établissement était incontournable dans la mesure où il imposait une contrainte très forte sur le déploiement du programme de recrutement nécessaire à sa transformation. Après dix années de diminution constante, le plafond d'emplois de l'IGN doit se stabiliser en 2023 à 1 387 ETPT 12 ( * ) .

Évolution des plafonds d'emplois notifiés et exécutés (2012-2023)

(en ETPT)

Source : commission des finances du Sénat d'après les documents budgétaires

Entre 2017 et 2021, le schéma d'emplois exécuté par l'IGN représentait une baisse d'effectifs annuelle moyenne de plus de 35 ETP, soit 177 ETP sur l'ensemble de la période. En 2022 , alors qu'il était envisagé initialement à - 36 ETP , le schéma d'emplois de l'établissement a été ramené à - 10 ETP , s'inscrivant ainsi en rupture avec la trajectoire des années passées. À l'occasion de l'examen par le Parlement du projet de loi de finances initiale pour 2022, le rapporteur spécial avait salué cette inflexion indispensable pour que l'établissement puisse engager l'ambitieux programme de recrutement qui doit lui permettre d'acquérir les nouvelles compétences nécessaires à sa transformation. Conformément à l'EPOM présenté supra , le schéma d'emplois pour 2023 est nul .

Schémas d'emplois prévus et réalisés (2018-2023)

(en ETP)

Source : commission des finances du Sénat d'après les réponses au questionnaire du rapporteur spécial

L'autorisation s'agissant du nombre d'équivalents temps plein travaillé (ETPT) hors plafond devrait rester stable à 63 ETPT. Ces ETPT comprennent les emplois des agents sur contrat pour des projets de recherche, en particulier en réponse aux appels d'offre de l'Agence nationale de la recherche (ANR), ainsi que des agents sur contrats d'avenir pour la réalisation de la représentation parcellaire cadastrale unique (RPCU). 17 de ces 63 ETPT hors plafond concernent des contrats d'apprentissage.

Dans le cadre de son nouveau modèle, qui repose de plus en plus sur des conventions financières de partenariat, l'IGN accroit son recours aux emplois hors-plafond . Entre 2018 et 2021, ces derniers ont progressé de 16,3 ETP (+ 55 %). Alors que le recrutement de contractuels dans le cadre des conventions de financement des grands projets doit se poursuivre, l'IGN anticipe une nouvelle augmentation de ses effectifs hors-plafond dans les années à venir.

Effectifs hors-plafond de l'IGN (2018-2021)

(en ETP)

Source : commission des finances du Sénat d'après les réponses de l'IGN au questionnaire du rapporteur spécial

Les progrès technologiques dans le domaine de l'information géographique et la transformation de son modèle se traduisent par l'émergence de nouveaux besoins de compétences pour l'IGN. Aussi, en 2021, la direction de l'établissement a-t-elle annoncé un programme de recrutement et de formation ambitieux. Il vise à développer 150 nouveaux postes d'ici 2024 sur des compétences émergentes : intelligence artificielle, programmation agile, data science, altimétrie 3D, géovisualisation, gestion de projets innovants, animation de communautés, infrastructures et services numériques, etc . D'après la direction de l'établissement, à l'automne 2022, 63 des 150 postes ont déjà été pourvus. La réussite de ce programme de recrutement conditionnera l'aboutissement de la transition de l'opérateur. Les mesures qu'il suppose, notamment en matière d'attractivité, impliquent nécessairement une certaine inflation de la masse salariale de l'IGN.

Pour 2022 , le budget initial de l'IGN prévoit un montant de dépenses de personnel de 113 millions d'euros , en progression de 3 millions d'euros par rapport à 2021. Cette évolution ne prend pas en compte l'augmentation liée à la revalorisation du point d'indice qui est évaluée à 1,3 million d'euros pour 2022. Ce paramètre doit être intégré dans le budget rectificatif en cours de préparation.

Cette progression s'explique par plusieurs phénomènes :

- une hausse du coût moyen de rémunération des effectifs nécessaire pour attirer de nouveaux profils et de nouvelles compétences en lien avec les grands projets innovants portés par l'établissement et, d'autre part ;

- le coût du versement échelonné de la dette d'indemnité spéciale des personnels des corps techniques non versée au titre de l'exercice 2020 suite au passage au régime indemnitaire des fonctionnaires de l'État (RIFSEEP) de ces corps au 1 er janvier 2021 (le versement échelonné de cette dette de 5 millions d'euros doit être réalisé sur une période de six ans et pèsera à hauteur de 968 000 euros en 2022 sur les charges de personnel) ;

- une revalorisation du régime indemnitaire des ingénieurs des travaux géographiques et cartographiques de l'État (ITGCE) ;

- la prise en compte d' évolutions réglementaires concernant l'indemnité de télétravail et la prise en charge partielle de la mutuelle.

Évolution des dépenses de personnel (2016-2022)

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat d'après les réponses au questionnaire du rapporteur spécial

b) Les dépenses de l'IGN sont stimulées par les grands projets

Les dépenses de fonctionnement hors charges de personnel devraient atteindre 68,7 millions d'euros en 2022, soit une progression de 55 % par rapport à 2021.

Évolution des dépenses de fonctionnement hors personnel
(2016-2022)

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat d'après les réponses au questionnaire du rapporteur spécial

Cette progression spectaculaire des dépenses de fonctionnement s'explique là encore par le nouveau modèle de l'établissement qui se traduit par un accroissement sensible des dépenses de sous-traitance relatives aux grands projets .

Évolution des dépenses de fonctionnement
(2020-2022)

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat d'après les réponses au questionnaire du rapporteur spécial

Les besoins structurels d'investissements de l'IGN, pour maintenir et renouveler son appareil de production, se situent autour de 10 millions d'euros . Ces dernières années, les dépenses d'investissement se situaient à un niveau inférieur à cet étiage. La viabilité de son nouveau modèle ainsi que la capacité de l'IGN à rester un établissement de référence performant à la pointe des techniques géomatiques, dépendent aussi du maintien d'un niveau de dépenses d'investissement suffisant .

Le rapporteur spécial a ainsi pu souligner dans son rapport d'information précité qu'il serait dangereux pour la viabilité même de son modèle que les dépenses d'investissement de l'IGN viennent à être utilisées à terme comme une variable d'ajustement de son équilibre budgétaire. Pour cette raison, il espère que la hausse des dépenses d'investissement prévue en 2022 se confirmera dans les années à venir.

Évolution des dépenses d'investissement en CP
(2016-2022)

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat d'après les réponses au questionnaire de votre rapporteur spécial

En 2022, les dépenses d'investissement de l'opérateur portent sur le projet de « géoplateforme » (6,5 millions d'euros en AE et 5,2 millions d'euros en CP), l'achat d'un nouvel aéronef pour la flotte aérienne que l'établissement détient en propre (4,6 millions d'euros en AE et 1,7 million d'euros en CP) le « géoportail » (0,2 million d'euros en AE et en CP), l'acquisition de matériel scientifique et technique (0,5 million d'euros en AE et 1,7 million d'euros en CP) et de matériel informatique (2,9 millions d'euros en AE et en CP) ou encore sur l'immobilier et le parc de véhicules (3,5 millions d'euros en AE et 0,5 million d'euros en CP).

6. Un solde budgétaire annuel qui fluctue au gré du décalage entre les recettes et les dépenses des grands projets

Le nouveau modèle de l'IGN fondé sur de grands projets a une dimension fondamentalement pluriannuelle qui ne se prête pas aisément à une analyse budgétaire annuelle .

Solde budgétaire de l'IGN
(2017-2022)

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat d'après les documents financiers de l'IGN

Les décalages entre la perception par l'IGN des recettes destinées à financer ces grands projets et l'exécution effective des dépenses relatives à ces mêmes projets expliquent ainsi les fluctuations du solde budgétaire de l'établissement ou encore de sa trésorerie et de son fonds de roulement .

Fonds de roulement et trésorerie au 31 décembre de l'IGN
(2017-2022)

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat d'après les documents financiers de l'IGN

III. AVEC SON MODÈLE DE QUASI-RÉGIE CONJOINTE, LE CEREMA ENTRE DANS UNE NOUVELLE ÈRE

Le Centre d'études et d'expertise pour les risques, l'environnement, la mobilité et l'aménagement (Cérema) est un établissement public administratif qui résulte de la fusion au 1 er janvier 2014 de onze services de l'État. L'action 11 « Études et expertises en matière de développement durable » du programme 159 porte les crédits de la subvention pour charges de service public de cet opérateur.

1. 2023 marque une vraie inflexion dans la trajectoire budgétaire historiquement déflationniste du Cerema

Depuis sa création, le Cerema s'est vu imposer une réduction régulière et très sensible de sa subvention pour charges de service public et de ses effectifs.

Évolution en lois de finances initiales de la subvention pour charges de service public et du plafond d'emplois du Cérema depuis sa création

Subvention
pour charges
de service public
(en millions d'euros)

Variation annuelle

Plafond d'emplois
(en ETPT)

Variation annuelle

2014

228,8

-

3 155

-

2015

226,3

- 1,1 %

3 152

- 0,1 %

2016

217,6

- 3,8 %

3 024

- 4,1 %

2017

210,8

- 3,1 %

2 899

- 4,1 %

2018

206,0

- 2,3 %

2 796

- 3,6 %

2019

201,3

- 2,2 %

2 695

- 3,6 %

2020

196,7

- 2,3 %

2 594

- 3,7 %

2021

191,1

- 2,8 %

2 507

- 3,3 %

2022

189,0

- 1,1 %

2 495

- 0,5 %

2023

194,1

+ 2,7 %

2 495

-

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

De 2017 à 2022 l'opérateur a appliqué un plan budgétaire très rigoureux qui devait se traduire :

- par une baisse annuelle de son plafond d'emplois de 100 ETPT (soit un objectif de réduction de 17 %) dans la perspective d'atteindre 2 400 ETPT en 2022 :

Évolution du plafond d'emplois prévu et exécuté (2015-2023)

(en ETPT)

Source : commission des finances du Sénat, d'après les réponses au questionnaire budgétaire

- ainsi que par une contraction de sa SCSP d'environ 5 millions d'euros par an :

Évolution de la subvention pour charges de service public
effectivement versée au Cérema depuis sa création

(en euros)

Source : commission des finances du Sénat d'après les réponses au questionnaire budgétaire

2023 marque une nette inflexion dans la tendance rigoureuse des trajectoires budgétaires de l'établissement. La SCSP du Cerema doit progresser de plus de 5 millions d'euros pour s'établir à 194,1 millions d'euros avant application de la réserve de précaution. Il faut néanmoins noter que le coût pour l'établissement du relèvement du point d'indice représente 5 millions d'euros . Aussi, en retraitant cet effet, la SCSP du Cerema n'est que stabilisée en 2023 .

Le plafond d'emplois du Cerema doit lui aussi se stabiliser à 2 495 ETPT et son schéma d'emplois , après des années de diminutions drastiques, est nul . Cette stabilisation des effectifs était devenue une nécessité pour préserver les capacités de l'établissement à répondre aux nouvelles sollicitations dont il fait l'objet. Le cas échéant, si le nouveau modèle de l'établissement rencontrait le succès escompté et que les demandes émanant des collectivités augmentaient dans des proportions importantes, pour éviter une trop forte tension sur les effectifs de l'opérateur et pour ne pas rester durablement dans une situation de « goulot d'étranglement », une augmentation des effectifs sous-plafond pourrait s'avérer nécessaire. Le financement de ces nouveaux recrutements pourrait alors être couvert par les nouvelles ressources propres générées par l'établissement. La réussite du nouveau modèle du Cerema pourrait se traduire par un tel cercle vertueux. Dans cette hypothèse, l'État serait alors mal avisé de brider un tel développement en maintenant une contrainte trop forte sur le schéma d'emploi de l'opérateur.

Schémas d'emplois 2017-2023

(en ETP)

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

Parallèlement, les effectifs hors plafond de l'établissement progressent de façon sensible depuis plusieurs années et devraient encore augmenter en 2023 puisque la prévision a été rehaussée à 120 ETPT. Ces effectifs sont financés sur les ressources propres de l'opérateur.

Évolution des effectifs hors-plafond depuis 2017

(en ETPT)

Source : commission des finances du Sénat, d'après les réponses au questionnaire du rapporteur spécial

Les dépenses de personnel de l'établissement devraient s'établir à au moins 204 millions d'euros en 2022 , en augmentation de plus de 4 % par rapport à leur niveau de 2021. 2,5 millions d'euros de cette augmentation concernent l'effet du relèvement du point d'indice. En 2023 , les charges de personnel, également portées par les conséquences du relèvement du point d'indice (5 millions d'euros en année pleine), sont estimées à plus de 210 millions d'euros , soit une nouvelle progression de 3 %.

Évolution des dépenses de personnel depuis 2017

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat, d'après les réponses au questionnaire du rapporteur spécial

Les dépenses d'investissement de l'établissement sont historiquement très insuffisantes. Depuis 2017 elles oscillent entre 5 et 8 millions d'euros. Lors de son précédent rapport sur le projet de loi de finances initiale pour 2022, le rapporteur spécial avait tiré le signal d'alarme quant à cette situation intenable qui tendait à obérer gravement les capacités de production et les perspectives du Cerema. Il avait souligné le risque que l'obsolescence des outils techniques de l'établissement conduise à dégrader sa capacité d'expertise .

En juin 2021, un rapport de l'inspection générale de l'administration (IGA) et du conseil général de l'environnement et du développement durable (CGEDD) 13 ( * ) a dressé un constat particulièrement sombre des perspectives du Cérema, estimant que la trajectoire financière et budgétaire actuelle de l'établissement « engage son pronostic vital » . Le rapport avait notamment pointé ce déficit chronique d'investissement le jugeant « très préoccupant » et loin des 14 millions d'euros annuels qu'il estimait alors nécessaires pour préserver la capacité de production du Cérema et prévenir son déclassement technique.

Le dernier budget rectificatif de l'établissement pour 2022 prévoit des dépenses d'investissement à hauteur de 13,1 millions d'euros . Néanmoins, cette augmentation n'est qu' une hausse en « trompe l'oeil » puisqu'elle résulte d' une mesure exceptionnelle de 6 millions d'euros visant les laboratoires de l'opérateur financée au moyen de l'excédent dégagé sur l'exercice budgétaire 2021. Le niveau d'investissement ordinaire reste quant-à-lui à un niveau très insuffisant de 7 millions d'euros .

Évolution des dépenses d'investissements depuis 2017

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat, d'après les réponses au questionnaire du rapporteur spécial

2. Après avoir engagé une profonde réforme et repensé ses orientations stratégiques, le Cerema a adopté un nouveau modèle économique fondé sur une quasi-régie conjointe entre l'État et les collectivités locales

Depuis 2019 l'établissement s'est doté d'un projet stratégique baptisé « Cerem'Avenir » . Pour accompagner la mise en oeuvre de ce plan stratégique et les profondes restructurations conduites par le Cerema, celui-ci a bénéficié d'un financement de 12,3 millions d'euros sur 4 ans du fonds pour la transformation de l'action publique (FTAP). Pour mener à bien ses restructurations internes, l'établissement peut aussi s'appuyer sur une subvention du fonds d'accompagnement interministériel des ressources humaines (FAIRH).

Par ailleurs le conseil d'administration du Cerema avait adopté un projet stratégique pour la période 2021-2023 le 15 avril 2021 , puis un contrat d'objectifs et de performance (COP) le 7 octobre de la même année.

L'article 159 de loi relative à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l'action publique locale dit loi « 3DS » , a ouvert la voie à une nouvelle ère et à un nouveau modèle économique pour l'opérateur. La loi prévoit de faire de l'établissement un outil partagé entre l'État et les collectivités territoriales à travers un dispositif juridique dit de « quasi-régie conjointe » .

Ce modèle permet aux collectivités qui font le choix d'adhérer d'attribuer au Cerema des marchés publics par simple voie conventionnelle, sans application des obligations de publicité et de mise en concurrence exigées par le code de la commande publique. Les collectivités adhérentes s'engagent sur une durée de quatre ans et s'acquittent d'une cotisation selon leur démographie ou en fonction de leur type selon un barème délibéré en conseil d'administration. Le premier barème , dont le détail est présenté dans le tableau ci-après, vient d'être voté par le conseil d'administration du 6 octobre 2022 .

Barème de cotisations des collectivités adhérentes à la quasie-régie conjointe (conseil d'administration du Cerema du 6 octobre 2022)

Catégories de collectivités

Montant de la contribution en année pleine

Montant de la contribution au titre de l'année 2023

Communes et groupements de 10.000 habitants et moins

500 €

Abattement de 50 % sur le montant issu du barème applicable en année pleine

Communes et groupements de 10001 à 39999 habitants

0,05€ par habitant

Communes et groupements de plus de 40.000 habitants

2000 €

Départements

2 500 €

1 250 €

Régions

5 000 €

2 500 €

Source : réponses au questionnaire du rapporteur spécial

Le Cerema affiche des ambitions très optimistes (présentées dans le tableau ci-après) quant au déploiement de son nouveau modèle. Dès 2023, il estime que plus de 600 collectivités devraient adhérer à la quasi-régie et, à terme, en 2027, il en attend 2 000.

Objectifs affichés par le Cerema en termes de collectivités adhérentes
et de cotisations

Catégories de collectivités

Nombre total

Cible 2023

Cotisations 2023 demi-tarif

(en euros)

Cible 2027

Cotisations 2027

(en euros)

Communes et groupements < 10 000

34 780

50

25 000

400

200 000

Communes et groupements Commune entre 10 000 et 20 000

863

200

100 000

500

500 000

Communes et groupements Commune entre 20 000 et 50 000

803

200

150 000

500

750 000

Communes et groupements >50 000

410

100

100 000

300

600 000

Départements

101

101

125 000

101

252 500

Régions

18

15

37 500

18

90 000

Total

36 975

665

525 000

2 000

2 392 500

Source : réponses au questionnaire du rapporteur spécial

La progression des ressources propres perçues par l'établissement était déjà engagée avant l'instauration du régime de quasi-régie conjointe. Elle constitue un signe encourageant . Ces ressources devraient atteindre 46 millions d'euros en 2022 . Les objectifs ambitieux du Cerema en lien avec le déploiement de son nouveau modèle économique le conduisent à anticiper de nouvelles hausses sensibles de ces recettes jusqu'à ce qu'elles approchent la barre des 60 millions d'euros en 2027 .

Évolution des ressources propres constatées et prévisionnelles

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat, d'après les réponses au questionnaire du rapporteur spécial

En 2021 , le Cerema a réalisé des prestations rémunérées auprès de 419 collectivités pour des recettes de 12,1 millions d'euros , soit 30 % de son chiffre d'affaires . Les ressources propres de l'opérateur provenant des collectivités sont en progression depuis 2018 : + 14,5 % en 2019, + 5,4 % en 2020 et + 7 % en 2021.

Fort de son nouveau régime de quasi-régie, l'établissement public affiche un objectif ambitieux de multiplication par 2,6 des recettes en provenance des collectivités qui passeraient de 12 millions d'euros en 2021 à 31 millions d'euros en 2027. Ces projections optimistes conduiraient ces recettes à représenter plus de la moitié du chiffre d'affaires du Cerema.

Évolution prévisionnelle des ressources propres dont les recettes
provenant des collectivités territoriales

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat, d'après les réponses au questionnaire du rapporteur spécial

Le rapporteur spécial se félicite du renforcement des relations, y compris financières, entre le Cerema et les collectivités. Il a le sentiment que la quasi-régie conjointe semble pouvoir constituer une opportunité pour l'opérateur et qu'elle méritait d'être expérimentée. Néanmoins, il considère aussi que son efficacité, dépendante notamment du degré d'appétence des collectivités pour ce régime, restera à confirmer .

3. Le Cerema participe activement à plusieurs programmes du plan de relance
a) Le programme « ponts »

Le Cerema pilote « le programme national ponts » qui propose un appui en ingénierie aux communes . Dans le cadre de ce programme, les communes bénéficiaires disposent localement d'une visite de recensement de leurs ponts par un bureau d'études privé missionné par le Cerema et reçoivent un carnet de santé de chacun de leurs ouvrages. Une évaluation plus précise d'un panel d'ouvrages parmi les plus sensibles est également conduite. Grâce à ce programme, le Cerema pourra mettre à disposition une vision nationale du patrimoine d'ouvrages d'art des petites collectivités. Le Cerema accompagne également l'innovation par l'organisation de l'appel à projets « ponts connectés », également financé par le plan de relance. Le programme national ponts est financé à hauteur de 40 millions d'euros par le plan de relance.

Le programme a été lancé en 2021 , année au cours de laquelle le Cerema a engagé 15,4 millions d'euros et dépensé 4,6 millions d'euros pour sa mise en oeuvre. D'après les prévisions, à la fin de l'année 2022 , le Cerema doit avoir engagé 24 millions d'euros supplémentaires et dépensé 21 millions d'euros.

Au 6 septembre 2022, près de 9 000 communes ont bénéficié d'une visite de recensement, plus de 35 000 ouvrages ont été repérés et 10 000 carnets de santé adressés aux maires. Les recensements en métropole doivent être finalisés d'ici la fin de l'année. Un panel d'ouvrages parmi les plus sensibles va bénéficier d'une deuxième phase, avec des visites préalables et des inspections détaillées. Cette phase a été initiée en avril 2022. Le recensement des ouvrages dans les collectivités outre-mer a par ailleurs démarré à l'été 2022.

b) « France vue sur mer »

Le Cerema porte également le programme « France vue sur mer - sentier du littoral » financé à hauteur de 5 millions d'euros par le plan de relance. Il vise, pour le sentier du littoral à finaliser l'ouverture de tronçons manquants, à en restaurer certains, et à faciliter l'accès libre et gratuit aux littoraux en métropole et en Outre-mer.

À ce titre, le Cerema instruit les projets déposés par les collectivités territoriales maîtres d'ouvrage et verse les subventions décidées en comité de pilotage interministériel.

Compte tenu du succès rencontré, cette opération fait l'objet d'un abondement de 1 million d'euros en 2022 dans le cadre d'une convention avec la direction générale des affaires maritimes, de la pêche et de l'aquaculture (DGAMPA).

Concernant ce programme, 2,8 millions d'euros ont été engagés et 0,7 million d'euros versés en 2021. En 2022, 2,8 millions d'euros doivent à nouveau être engagés pour des versements effectifs de 2,5 millions d'euros . À l'été 2022, 65 dossiers ont reçu un avis favorable.

BUDGET ANNEXE
« CONTRÔLE ET EXPLOITATION AÉRIENS »

La direction générale de l'aviation civile (DGAC) , administration centrale de l'État, joue un triple rôle de prestataire de service , de prescripteur de règles et de régulateur du transport aérien en France :

- elle assure les services de la circulation aérienne auprès des compagnies aériennes, au moyen de ses centres de contrôle en route et de ses tours de contrôle ;

- elle veille au maintien de la sécurité et de la sûreté du transport aérien en assurant la surveillance des industriels, des opérateurs et des personnels navigants ;

- elle est le régulateur économique et social du secteur aérien (compagnies aériennes, industries aéronautiques et aéroports sous réserve des missions exercées par l'autorité de régulation des transports) ;

- elle lutte contre les nuisances , en particulier sonores et atmosphériques , générées par le transport aérien ;

- elle élabore et défend les positions de la France dans les instances internationales qui traitent de l'aviation civile ;

- elle favorise le développement de l'aviation légère.

C'est la mission « Contrôle et exploitation aériens » qui retrace, dans le cadre du présent budget annexe, dit « BACEA », les activités de production de biens et de prestation de services de la DGAC .

I. DANS LE SILLAGE DE LA REPRISE DU TRAFIC AÉRIEN, LES RECETTES DU BUDGET ANNEXE DEVRAIENT SE REDRESSER

Les recettes du budget annexe « Contrôle et exploitation aériens » (BACEA) dépendent du trafic aérien au départ et à l'arrivée des aéroports français mais également du trafic qui survole notre territoire. L'équilibre du budget annexe a ainsi été sérieusement ébranlé par la crise sans précédent traversée par le transport aérien à partir de 2020. Alors que la mobilité aérienne est en passe de revenir à des niveaux proches de ce qu'elle était en 2019, à la faveur d'une hausse sensible de ses recettes, le BACEA anticipe l'amorce d'une trajectoire de désendettement en 2023 .

A. APRÈS DES ANNÉES DE MISE À L'ÉPREUVE, LE SECTEUR AÉRIEN APPERÇOIT ENFIN LA SORTIE DU TUNNEL

1. En 2022, puis en 2023, le trafic aérien devrait se rapprocher de ses niveaux de 2019
a) En 2021, le trafic aérien restait très affecté par la crise

Après une décennie de croissance rapide, le transport aérien a subi, à partir de 2020, la pire crise de son histoire. Avec une baisse de 69,7 % en passagers kilomètres transportés (PKT), l'année 2020 a été la pire année de du transport aérien en Europe.

Évolution du trafic aérien (2010-2020)

(en passager kilomètres transportés ou PKT)

Source : réponses de la DGAC au questionnaire budgétaire du rapporteur spécial d'après les données de l'organisation de l'aviation civile internationale (OACI) et de l'association du transport aérien international (IATA)

Après une chute inédite en 2020, le trafic aérien européen en 2021 est resté inférieur de plus de 60 % à son niveau de 2019.

Évolution du trafic aérien par rapport au même mois en 2019
(février 2020 - juin 2022)

(en PKT)

Source : réponses de la DGAC au questionnaire budgétaire du rapporteur spécial

En France, après une diminution de 70 % en 2020, le trafic aérien en 2021 est demeuré inférieur de 61 % à son niveau de 2019, les vols domestiques ayant nettement mieux résisté (- 41 %) que les vols internationaux.

Comparaison des données de trafic et de taux de remplissage en France
entre l'année de référence 2019 et les années 2020 et 2021

Part du trafic 2019

Trafic 2020/2019

Trafic 2021/2019

Taux remplissage 2019

Taux remplissage 2021

Total

30%

39%

82%

67%

Domestique

18,1%

45%

59%

80%

71%

Europe

54,1%

27%

37%

81%

68%

Afrique

11,2%

32%

41%

80%

66%

Amérique

9,1%

22%

28%

88%

61%

Asie

7,5%

23%

19%

83%

52%

Source : réponses de la DGAC au questionnaire budgétaire du rapporteur spécial

b) Une nette reprise en 2022 et un retour au niveau de trafic de 2019 escompté d'ici 2024

En 2022, le secteur aérien amorce une véritable tendance vers un retour à la normale , sans atteindre encore néanmoins les niveaux atteints de 2019. En Europe, en juin 2022, le trafic, perturbé par le variant omicron en début d'année, avait atteint 79 % de son niveau de 2019.

Cependant, cette forte reprise du trafic s'est accompagnée de sérieux problèmes d'organisation, les gestionnaires d'aéroport, les assistants, les compagnies aériennes étant notamment confrontés à des difficultés de recrutement sur l'ensemble de la chaîne. Cette situation s'est traduite par de nombreux retards et annulations de vols. Si la France n'a pas échappé complètement à ce phénomène elle a néanmoins été nettement moins touchée que ses voisins européens.

Au premier semestre 2022 le trafic de passagers au départ de la France a augmenté de 190 % par rapport à celui de 2021, soit une augmentation de plus de 31 millions de passagers.

En France, pour l'année 2022 , après un été très soutenu, la DGAC maintient une prévision de trafic à 80 % de son niveau de 2019 . En cohérence avec le scénario médian des prévisions d'Eurocontrol, elle estime qu' en 2023 le trafic pourrait atteindre 95 % du niveau de 2019, le retour à la situation d'avant crise n'intervenant qu'en 2024.

Hypothèses d'évolution du trafic aérien réalisées en juin 2022 par Eurocontrol selon trois scénarios (haut, bas et médian)

(en millions de vols et % du trafic 2019)

Source : site internet d'Eurocontrol

Alors que dans un contexte de réduction drastique du trafic et de plus forte résilience des vols domestiques le pavillon français avait vu ses parts de marchés progresser fortement en 2021, celles-ci reviennent en 2022 à des pourcentages plus proches de leurs niveaux antérieurs. Ainsi, au cours du premier semestre 2022, la part du pavillon français en termes de passagers transportés diminue-t-elle de 15,8 points pour s'établir 42,4 %. Même constat s'agissant des PKT, où la part du pavillon français représente 57,3 %, en baisse de 11 points.

A long terme, l'Organisation de l'aviation civile internationale (OACI) anticipe désormais une croissance annuelle du trafic de 3,6 % par an en moyenne entre d'ici 2050 14 ( * ) , dont 3 % pour l'Europe.

2. Si sa situation s'améliore, le pavillon français est désormais exposé à la crise des prix de l'énergie

Le cumul des résultats nets des 17 compagnies françaises exploitant des appareils de plus de 20 places en 2021 fait apparaître une perte de 1,9 milliard d'euros (dont 1,7 milliard d'euros pour Air France) contre 5,5 milliards d'euros en 2020.

Encore convalescentes et pas tout à fait sortie des répercussions de la pandémie de Covid 19, les compagnies, comme de nombreux autres secteurs, se trouvent désormais confrontées aux conséquences de la crise des prix de l'énergie et de la guerre menée par la Russie en Ukraine. Les prix des billets d'avion ont connu une hausse sensible en 2022. Selon l'indice des prix du transport aérien de passager 15 ( * ) , en septembre 2022, en glissement annuel, l'évolution des prix des billets d'avion au départ de la France atteignait 20,4 %. Si les grandes compagnies avaient des politiques de couverture leur permettant d'être moins exposées aux variations des prix de l'énergie à court terme, toutes ne disposaient pas de telles politiques et une crise des prix prolongée finirait par se diffuser au sein de l'ensemble de la filière.

S'agissant du groupe Air-France, l'État actionnaire était intervenu dès 2020 pour lui octroyer des avances en compte courant d'actionnaire à hauteur de 3 milliards d'euros ainsi que des garanties de prêts (à 90 %) pour 4 milliards d'euros, un soutien assorti de contreparties en matières environnementale et de compétitivité.

En raison des difficultés du groupe, en avril 2021, l'État a participé, à hauteur de 593 millions d'euros, à une augmentation de capital de 1,036 milliard d'euros et a procédé à la conversion en quasi-fonds propres du prêt d'actionnaire accordé en 2020 (3 milliards d'euros).

En décembre 2021, Air France a ainsi pu rembourser 500 millions d'euros de son prêt de 4 milliards d'euros garanti par l'État.

En 2022, le groupe a poursuivi ses efforts pour renforcer sa trésorerie et ses capitaux propres en procédant, en juin, à une augmentation de capital de 2,256 milliards d'euros, dont 1,7 milliard d'euros a été consacré au remboursement de sa dette.

Les contreparties pour Air France en termes de compétitivité
et d'engagements environnementaux : l'élaboration et la mise en oeuvre d'un plan de transformation, de rebond et de transition écologique

Les soutiens publics en faveur d'Air France-KLM étaient conditionnés au respect de contreparties , en particulier s'agissant d'Air France.

Alors que la santé économique et financière de l'entreprise était fragile depuis de nombreuses années, sa direction s'est engagée à accélérer la mise en oeuvre du plan de transformation , destiné à améliorer la compétitivité du groupe, qu'elle avait annoncé au mois de novembre 2019.

Ce plan visait à doubler le bénéfice d'exploitation d'Air France-KLM d'ici à 2024 pour atteindre une marge opérationnelle de 7 % à 8 %, contre 4,8 % en 2019 (et 2,1 % seulement pour Air France).

Le volet social du programme de transformation n'était pas le moins profond. Le groupe a annoncé début juillet 2020 la suppression de 7 580 emplois d'ici fin 2022 pour Air France (16 % des effectifs) et sa filiale Hop ! (40 % des effectifs).

L'entreprise doit aussi réaliser d'importants efforts en matière environnementale , dans le but de réduire de 50 % les émissions de CO 2 de ses vols métropolitains à la fin de l'année 2024 .

Air-France s'est engagée à une restructuration complète de son réseau domestique d'ici 2023 . Aussi, avant que cette disposition soit adoptée dans le cadre de l'article 145 de la loi n° 2021-1104 du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets, Air France s'était-elle engagée à réduire ses vols intérieurs dès lors qu'il existe une alternative ferroviaire de moins de deux heures et demie.

L'entreprise va également devoir accélérer le renouvellement de sa flotte au profit d'aéronefs moins émetteurs de gaz à effet de serre.

Sur le long courrier, les Airbus A340 vont progressivement cesser d'être utilisés alors que vont être livrés des A350 qui consomment 25 % de carburant de moins. Sur le moyen-courrier, des Airbus A220 doivent remplacer des A318-319.

Enfin, la compagnie s'est vue fixer l'objectif d'une utilisation de 2 % de biocarburants à l'horizon 2025.

Source : commission des finances du Sénat

Dans le paysage de sortie de crise du transport aérien, les transporteurs à bas coût (TBC) ou « low-cost » , tirent indiscutablement leur épingle du jeu . D'après la note d'analyse d'août 2022 de la DGAC, en 2021 leur part de marché en France s'est élevée à 40 % du trafic soit 4 points de plus qu'en 2019 . Cette évolution s'explique par la plus grande agilité opérationnelle dont ont pu faire preuve ces compagnies pendant la crise mais aussi par leur plus faible exposition aux vols internationaux longs courriers qui ont été les plus affectés par les restrictions sanitaires et l'effondrement du trafic.

Sur le segment intérieur en métropole , le gain de parts de marchés des TBC est particulièrement significatif en 2021 puisqu'elles progressent de 14 points par rapport à 2019 pour s'élever à 42 % . Sur les vols internationaux, les TBC captent désormais plus de 50 % du trafic au départ de la France à destination du Portugal (73 %), de l'Espagne (69 %), de l'Italie (62 %) ou encore de la Grèce (53 %).

3. La transition écologique du transport aérien est soutenue par le plan de relance et le plan France 2030
a) Efficacement soutenue par les pouvoirs publics, l'industrie aéronautique est en phase de reprise accélérée

Au plus fort de la crise, les compagnies aériennes avaient dû décaler ou même annuler des prises de livraison d'appareils. Les commandes à l'industrie aéronautique en France s'étaient ainsi effondrées de 55 % à 28,2 milliards d'euros en 2020. Pour tenir compte de ces diminutions de commandes, les cadences de production des avionneurs avaient alors été drastiquement réduites .

Au-delà des grands donneurs d'ordre que sont Airbus, Safran ou Dassault, la France est le seul pays au monde avec les États-Unis à disposer d'une industrie complète de constructeurs et d'équipementiers, maîtrisant l'ensemble des compétences nécessaires à la conception et la construction d'un aéronef. Le risque était grand que l'intégrité de la supply chain soit menacée par la crise du transport aérien. Plusieurs dizaines de milliers d'emplois étaient menacés dans un secteur hautement stratégique et pourvoyeur d'excédent commercial pour le France.

Dans son rapport d'information sur le soutien public à la filière aéronautique publié en février 2022 à l'occasion de la présentation par la Cour des comptes d'une enquête commandée par la commission des finances du Sénat en application du 2° de l'article 58 de la loi organique relative aux lois de finances 16 ( * ) , le rapporteur spécial a dressé un bilan des concours exceptionnels apportés par les autorités publiques au secteur aéronautique pour l'aider à faire face à ce choc inédit.

Pour éviter une catastrophe, les pouvoirs publics ont déployé, en concertation avec l'ensemble des acteurs de la filière, des mesures de soutien . Les entreprises du secteur ont pu bénéficier des mesures transversales ouvertes à l'ensemble du tissu économique. En plus de ces mesures, des dispositifs spécifiquement dédiés à la filière aéronautique ont été mis en place. Les acteurs de la filière aéronautique ont très massivement recouru à ces dispositifs (prêts garantis par l'État, activité partielle de droit commun, activité partielle de longue durée, reports de prélèvements sociaux et fiscaux, etc .).

Ainsi, en mai 2021, les trois-quarts des entreprises du secteur avaient-elles recouru à un prêt garanti par l'État (PGE), pour un total avoisinant les 700 millions d'euros . Le recours aux PGE a été beaucoup plus systématique dans la filière aéronautique que pour les autres segments de l'économie nationale. Par ailleurs, ce dispositif a été spécifiquement adapté à la filière avec la création d'un « PGE aéronautique » aux conditions plus souples que celles du droit commun.

Le dispositif d' activité partielle a aussi été très massivement utilisé par le secteur, davantage que pour l'ensemble de l'industrie, pour des indemnisations qui avaient atteint 316 millions d'euros à la fin du mois d'août 2021. La filière aéronautique a également été l'une des plus concernées par le dispositif d' activité partielle de longue durée (APLD), pour un total de 7,4 millions d'heures indemnisées et plus de 110 millions d'euros à la fin du mois d'août 2021.

Le rapporteur spécial salue l'effort de concertation 17 ( * ) qui a présidé à la conception du plan de soutien spécifique au secteur présenté par l'État en juin 2020. Selon l'évaluation réalisée par la Cour des comptes, ce plan comportait 8,1 milliards d'euros dédiés à l'industrie aéronautique (7,2 milliards d'euros, soit 89 %, auraient déjà été engagés à la fin de l'année 2021), 5,3 milliards d'euros au titre de mesures de soutien conjoncturel et 2,8 milliards d'euros consacrés aux enjeux de la transformation structurelle de la filière.

Les mesures ciblées sur le seul secteur aéronautique ont pris différentes formes :

- un soutien renforcé aux exportations déployé par Bpifrance assurance export ;

- une accélération des commandes publiques , civiles mais surtout militaires, pour près de 830 millions d'euros ;

- des financements renforcés en faveur de la recherche dans le cadre du conseil pour la recherche aéronautique civile (Corac) portées à 1,5 milliard d'euros pour la période 2020-2022 et pilotées par la direction générale de l'aviation civile (DGAC) ;

- un fonds de modernisation et de diversification de 300 millions d'euros piloté par la direction générale des entreprises (DGE) ;

- un fonds de consolidation de la filière dans lequel l'État, via l'agence des participations de l'État (APE) et Bpifrance, a investi 200 millions d'euros.

L'efficacité des mesures de soutien peut notamment s'observer à l'aune des effets contenus de la crise sur l'emploi . En juin 2021, l'emploi dans le secteur aéronautique se situait à 92 % de son niveau de 2019, soit une baisse d'environ 8 points (pour une diminution globale de chiffre d'affaires de 30 % en 2020).

Ainsi, si l'industrie aéronautique a été plus exposée que les autres secteurs de l'économie, en France, l'emploi semble avoir été plus efficacement protégé qu'ailleurs si l'on en juge par les licenciements plus nombreux à l'étranger s'agissant des entreprises internationalisées. Le nombre de plans de sauvegarde de l'emploi ainsi que leur volume ont pu être contenus. Les conséquences sociales de la crise ont principalement affecté l'emploi temporaire (intérim et contrats à durée déterminée). Elles ont également davantage concerné les PME qui ont subi une baisse de l'emploi hors intérim d'environ 16 % , soit deux fois plus forte que pour l'ensemble de la filière.

Les chiffres de l'année 2021 démontrent une réelle reprise économique du secteur . Les commandes sont en forte augmentation et ont atteint un montant total supérieur à 50 milliards d'euros, en hausse de 68 % par rapport à 2020. Ce niveau reste néanmoins inférieur à celui de 2019 (62 milliards d'euros). Il permet pourtant au secteur d'être le plus important contributeur positif au solde commercial français, puisqu'il a dégagé à lui seul un solde commercial excédentaire de près de 20 milliards d'euros en 2021. Toujours en 2021, les sociétés adhérentes du groupement des industries françaises aéronautiques et spatiales, le GIFAS, ont enregistré un chiffre d'affaires de 55,2 milliards d'euros, en hausse de 7,2 % par rapport à 2020.

b) Le plan de relance a amplifié les soutiens publics à la décarbonation du secteur aérien

Le système de soutien de l'État à la R&D de l'industrie aéronautique repose principalement sur les aides sectorielles prévues par le programme 190 « Recherche dans les domaines de l'énergie, du développement et de la mobilité durable » de la mission « Recherche et enseignement supérieur » et qui sont gérées par la DGAC. En 2018 et 2019, le montant de ces aides s'était élevé à 135 millions d'euros par an.

Pour faire face à l'effondrement des commandes du secteur aéronautique provoqué par la crise, le plan de relance aéronautique annoncé par le Gouvernement le 9 juin 2020 a porté ce budget de soutien à la R&D de la filière aéronautique à 1,5 milliard d'euros sur trois ans, dont 300 millions d'euros en 2020, 1 014 millions d'euros en 2021 et 186 millions d'euros en 2022 . L'ensemble des autorisations d'engagement (AE) prévues ont bien été consommées selon le calendrier décrit dans le graphique ci-après.

Consommation des AE relatives au plan de soutien à la R&D aéronautique portées directement par le programme 190 ou transférées
vers ce programme depuis l'action 08 du programme 362
de la mission « Plan de relance »

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat d'après les réponses au questionnaire budgétaire

Cette aide, sous forme de subventions directes , soutient les projets de la filière aéronautique correspondant à la feuille de route technologique que l'État fixe avec les industriels français dans une démarche partenariale au sein du Conseil pour la recherche aéronautique civile (CORAC) .

L'ambition majeure de ce plan est de préparer la rupture environnementale de l'aviation tout en confortant et en transformant la majeure partie des capacités de toutes les composantes de la filière, pour :

- maîtriser dans moins d'une décennie l'intégration dans les aéronefs des technologies de rupture à même d'assurer la transition écologique du secteur . Il s'agit en particulier d'utiliser de nouvelles sources d'énergie vertes mais également de réduire massivement la consommation de carburant et la pollution émise par les avions . L'annonce la plus ambitieuse et emblématique faite en ce sens est le lancement par Airbus d'un programme visant à concevoir un avion utilisant exclusivement l'hydrogène à l'horizon 2035 ;

- gagner fortement en efficacité , ce qui rendra possible l'introduction de ces appareils verts à des coûts soutenables pour le marché .

Par ailleurs il est prévu de soutenir les projets destinés à produire , à l'échelle industrielle, des carburants durables (biocarburants avancés ou carburants synthétiques) destinés principalement à l'aéronautique. L'objectif est de permettre leur incorporation aux carburants aéronautiques de nature fossile à raison de 2 % en 2025 et de 5 % en 2030 . Ce soutien aux projets de production de carburants durables doit s'élever à 400 millions d'euros sur les années 2021 et 2022.

À la fin du mois de juillet 2022 , sur l'entièreté du périmètre du volet R&D du plan de soutien à l'aéronautique, 230 projets 18 ( * ) avaient été conventionnés représentant un total d'investissements de plus de 3 milliards d'euros . Le nombre de projets conventionnés est ainsi supérieur à l'objectif initial de 200 qui était poursuivi par la DGAC.

Si les AE du plan de soutien ont d'ores et déjà toutes été consommées, les derniers CP quant-à-eux continueront d'être décaissés en 2023, pour 494 millions d'euros , puis finalement en 2024, pour 26 millions d'euros . Le rythme de consommation prévisionnel des CP est présenté dans le graphique ci-après.

Consommation prévisionnelle des CP relatifs au plan d'aide
à la R&D aéronautique (2020-2023)

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat d'après les réponses au questionnaire budgétaire

c) Le volet aéronautique du plan France 2030 prend le relais du plan de relance aéronautique
(1) Le volet aéronautique du plan France 2030 est doté de 1,2 milliard d'euros

Le plan de relance aéronautique ne suffit pas à la réalisation des ambitions technologiques de la filière établies dans une perspective décennale avec pour objectif l'entrée en service des premiers appareils bas carbone à l'horizon 2030. Pour y parvenir, des investissements massifs en recherche technologique, de l'ordre de 6 milliards d'euros, devront être déployés d'ici 2030.

Comme il a pu le souligner dans son rapport d'information de février 2022 précité, compte-tenu des investissements considérables qu'induit la transition écologique de la filière aéronautique, le rapporteur spécial est convaincu qu'une inscription des concours publics dans le temps long est nécessaire . Au regard de l'ampleur de la transformation à accomplir et des enjeux en présence, il considère que ces financements devront s'établir à un niveau nettement plus élevé que les montants qui y étaient consacrés jusqu'en 2019 .

Le 7 octobre 2021, le Président de la république avait annoncé un plan d'investissement à horizon 2030, baptisé « France 2030 » qui comportait notamment un volet aéronautique. En loi de finances initiale pour 2022, 1,2 milliard d'euros d'autorisations d'engagement (AE) ont ainsi été ouvertes au titre de ce volet aéronautique sur le nouveau programme 424 « Financement des investissements stratégiques » de la mission « Investissements d'avenir » rebaptisée « Investir pour la France de 2030 ».

L'enveloppe de 1,2 milliard d'euros dédiée au volet aéronautique de plan France 2030 est répartie de la façon suivante :

- 800 millions d'euros ont vocation à alimenter la feuille de route partenariale du CORAC ;

- et 400 millions d'euros doivent être consacrés aux acteurs émergents de la filière aéronautique.

Répartition des financements du volet aéronautique
du plan d'investissement France 2030

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat d'après les réponses au questionnaire budgétaire

(2) Un volet CORAC doté de 800 millions d'euros et piloté par la DGAC

Pour le volet CORAC de l'enveloppe, opéré par la DGAC, les crédits déployés ont vocation à poursuivre la dynamique de recherche engagée dans le cadre du plan de relance aéronautique dans la perspective :

- d'avancer de quinze ans la mise en service d'un avion régional ou court et moyen-courrier bas carbone afin de positionner l'Europe et la France en leaders mondiaux sur ce marché ;

- de soutenir des démonstrateurs d'aéronefs répondant à des ambitions de ruptures technologiques majeures telles que l'ultra sobriété, la propulsion hydrogène ou l'hybridation électrique ;

- de soutenir la chaine d'approvisionnement aéronautique nationale pour assurer sa compétitivité et consolider les parts de marchés de l'industrie nationale dans les futurs programmes d'aéronefs à horizon 2030-2035.

En gestion, ces crédits seront transférés vers le programme 190 pour être mobilisés dans le cadre des programmes CORAC pilotés par la DGAC. En 2022, 300 millions d'euros de crédits doivent ainsi être transférés pour un décaissement de 75 millions d'euros de CP . En 2023 , le transfert doit également s'établir à 300 millions d'euros tandis que les 200 millions d'euros restants seront mobilisés en 2024 . Les crédits de paiements ont quant à eux vocation à être décaissés progressivement jusqu'en 2027.

Calendrier de transfert des crédits de l'enveloppe CORAC
vers le programme 190

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat d'après les réponses au questionnaire budgétaire

En 2022, concernant le CORAC, en additionnant les financements issus du plan de relance et du programme d'investissement France 2030, le total des crédits disponibles, devrait ainsi s'élever à 486 millions d'euros en AE et 520 millions d'euros en CP .

(3) Un volet « acteurs émergents » doté de 400 millions d'euros qui a commencé à être déployé à travers un premier appel à projet

Le volet « acteurs émergents » de l'enveloppe aéronautique du plan France 2030 vise quant à lui à accélérer le développement et le passage à l'échelle industrielle de solutions technologiques nouvelles, voire de rupture, sur les marchés de l'aéronef bas carbone et de la production de carburants d'aviation durables (CAD) par l'accompagnement de projets portés par de nouveaux acteurs innovants.

Dans le cadre de ce volet, un premier appel à projets (AAP) intitulé « Produire en France des aéronefs bas carbone », doté de 100 millions d'euros et opéré par Bpifrance, a été lancé en avril 2022. Cet APP vise à soutenir des innovations susceptibles d'alimenter rapidement le marché de l'aviation bas carbone (hors production de CAD), comme les avions légers électriques ou hybrides. Cet AAP concerne prioritairement les projets permettant un passage à l'échelle industrielle rapide en vue d'une production et d'une commercialisation à grande échelle d'ici 2030. Le calendrier de l'AAP prévoit la sélection d'une première vague de projets lauréats d'ici la fin de l'année 2022.

L'enveloppe résiduelle de 300 millions d'euros n'est pas encore allouée à ce jour. Ces crédits pourraient notamment être mobilisés pour amplifier le soutien de l'État à l'émergence d'une filière française de production de carburants d'aviation durables (CAD), dans le prolongement de l'appel à projet en cours lancé dans le cadre du PIA 4 et portant sur des démonstrateurs et des études préindustrielles.

(4) Dans le phasage des orientations technologiques de la décarbonation du transport aérien il est nécessaire à court terme de prioriser la voie des carburants d'aviation durables

Comme il a pu le signaler dans son rapport d'information de février 2022 précité, le rapporteur spécial insiste sur la nécessité d'ajuster de la façon la plus pragmatique et la plus efficace possible le phasage des choix des grandes orientations technologiques visant à aboutir à une décarbonation du secteur aérien.

Un défi aussi considérable que le développement de l'avion à hydrogène , véritable révolution qui implique notamment de revoir radicalement l'architecture des aéronefs, induit le choix d'une technologie de rupture et placera la France parmi les prescripteurs d'une nouvelle norme à l'échelle mondiale . Aujourd'hui, sur ce projet de propulsion hydrogène, la France et l'Europe sont sans doute pionnières, mais pourront difficilement prendre le risque de l'isolement. Compte-tenu des enjeux considérables d'une telle option stratégique, notamment en matière d'investissements, un tel choix suppose des étapes de validations intermédiaires.

Le rapporteur spécial considère qu' à court et moyen-terme, le développement de l'usage des carburants d'aviation durables (CAD) est une option technologiquement réaliste . Elle doit en effet permettre d'obtenir des résultats rapides en termes de réduction des émissions sans exiger pour autant d'investissements massifs dans les infrastructures d'approvisionnement. Inversement, l'option de l'hydrogène induit une transformation profonde du modèle et des infrastructures aéroportuaires.

La temporalité la plus adaptée pourrait conduire à privilégier les CAD à court et moyen-terme , puis , lorsque l'hypothèse apparaîtra réglementairement et technologiquement mature, d'envisager la faisabilité de l'avion à hydrogène.

Cependant, alors qu'ils constituent le meilleur levier pour avancer à court et moyen terme sur la voie de la décarbonation du transport aérien, le rapporteur spécial ne cache pas sa vive préoccupation face au déficit de capacité de production de CAD en France . Malgré les déclarations de bonnes intentions, depuis qu'une feuille de route nationale a été définie en 2020 puis un appel à projet en 2021, la situation n'a que très peu évolué et il n'existe toujours pas à ce jour de filière mature de production de masse . En 2024, la production de biocarburants aériens en France ne devrait représenter que 300 000 tonnes essentiellement fournies par le site de Grandpuits. En France, la production de carburants de synthèse 19 ( * ) n'en est encore qu'au stade de la recherche . Aussi, du fait de ce déficit de production, les carburants d'aviation durables sont à ce jour, selon les catégories, 3 à 10 fois plus chers que le kérosène classique .

Sur ce sujet déterminant pour la transition écologique du transport aérien, le rapporteur spécial considère que le statu quo n'est plus tenable . Il est urgent que l'ensemble des acteurs (énergéticiens, compagnies, aéroports, État, etc ) se réunissent pour partager les enjeux et les raisons des blocages actuels afin de fixer des orientations stratégiques, un plan d'action fait d'engagements réciproques et un calendrier de développement de la filière qui fasse l'objet d'un suivi régulier pour s'assurer de sa mise en oeuvre effective. Des dispositifs de soutien public complémentaire , d'une part, s'agissant de l'amont, pour amorcer le développement de la filière , et, d'autre part, s'agissant de l'aval, pour promouvoir la consommation des carburants d'aviation durables, pourraient s'avérer nécessaires pour sortir de l'impasse.

Alors que certains pays tels que les États-Unis ont déjà pris une longueur d'avance dans ce domaine, la compétitivité du pavillon français et notre souveraineté industrielle exigent que nous soyons au rendez-vous de la production de masse des carburants d'aviation durables.

4. Après la pandémie de Covid 19, l'équilibre économique des lignes d'aménagement du territoire (LAT) est mis à mal par la crise des prix de l'énergie

Les liaisons aériennes d'aménagement du territoire (LAT) sont essentielles au maintien de la connectivité, au désenclavement ainsi qu'au développement économique de certains territoires. En 2022, l'État finance l'exploitation de dix LAT en métropole, deux liaisons en Guyane ainsi que la desserte internationale de Saint-Pierre-et-Miquelon. Il participe également au financement de la desserte européenne de Strasbourg. Son intervention s'inscrit dans le cadre de conventions pluriannuelles de délégation de service public (DSP).

S'agissant de l'exploitation des LAT de métropole, la charge de la compensation financière est partagée entre l'État et les collectivités locales concernées. Le taux d'intervention de l'État est déterminé en fonction du degré d'enclavement de la destination et ne peut dépasser un pourcentage des recettes commerciales fixé entre 50 % et 80 %, selon l'enclavement du territoire desservi. En 2022, les financements consacrés par l'État à ces liaisons représentent environ 20 millions d'euros .

Le soutien financier des LAT par l'État en 2022

(en millions d'euros)

Liaison

Soutien financier de l'État en 2022

Aurillac - Paris

2,74

Brive - Paris

1,41

Castres - Paris

1,00

La Rochelle - Poitiers - Lyon

0,67

Le Puy - Paris

0,60

Limoges - Lyon

0,81

Limoges - Paris

0,71

Quimper - Paris

1,12

Rodez - Paris

1,32

Tarbes- Paris

0,77

Guyane

1,50

Saint-Pierre-et-Miquelon

3,22

Strasbourg - Amsterdam

2,80

Strasbourg - Madrid

1,56

Strasbourg - Munich

0,70

Total

20,93

Source : réponses de la DGAC au questionnaire budgétaire

En augmentation tendancielle jusqu'en 2010, les crédits consacrés aux LAT métropolitaines ont ensuite été progressivement réduits pour passer sous les 5 millions d'euros en 2017 et en 2018. L'objectif était alors de limiter la participation financière de l'État à quatre liaisons desservant des territoires particulièrement enclavés (Aurillac-Paris, Brive-Paris, Le Puy-Paris et Rodez-Paris), les autres liaisons sous délégation de service public devant être intégralement prises en charge par les collectivités territoriales.

En 2019, le Gouvernement a engagé une nouvelle politique de soutien aux LAT en s'appuyant sur les propositions et recommandations issues des Assises du transport aérien. 15 millions d'euros supplémentaires ont été alloués dès 2019 pour assurer le financement des liaisons existantes.

En 2020 puis en 2021, les répercussions de la pandémie de Covid-19 ont fragilisé le modèle économique des LAT . Des concertations entre les collectivités, l'État et les transporteurs ont permis d'ajuster les programmes de vols. Les accords ont notamment porté sur des réductions du nombre de rotations, sur l'exploitation d'appareils de moindre capacité ou, pour deux liaisons, sur l'attribution d'une surcompensation exceptionnelle.

En 2021, le premier renouvellement de DSP sur les liaisons métropolitaines depuis le début de la crise sanitaire a concerné la liaison Paris-Brive. La compensation demandée a significativement augmenté compte tenu de l'impact de la crise sur la demande et de la situation économique des transporteurs. En outre, l'État a augmenté sa contribution de 250 000 euros pour éviter la suppression de la ligne La Rochelle-Poitiers-Lyon, en complément d'un apport des collectivités à hauteur de 500 000 euros. En 2022, la DSP de la liaison Paris-Tarbes a été renouvelée et les services ont débuté en juillet. L'État y contribue pour les trois premières années. Par ailleurs, le renouvellement de la convention de DSP sur la ligne Le Puy-Paris est en cours.

Alors que la sortie de crise permettait de s'orienter vers un retour progressif aux programmes de vols nominaux, la hausse des coûts du carburant bouleverse de nouveau l'équilibre économique des LAT . Les transporteurs évaluent le surcoût à plusieurs centaines de milliers d'euros pour l'année d'exploitation en cours et sollicitent de l'État et des collectivités une augmentation de leurs compensations financières. Dans ce contexte le risque que ne surviennent des résiliations de conventions n'est pas exclu .

Le soutien financier des LAT par l'État en 2023

(en millions d'euros)

Liaison

Soutien financier de l'État en 2023

Aurillac - Paris

2,4

Brive - Paris

2,17

Castres - Paris

1,30

La Rochelle - Poitiers - Lyon

0,62

Le Puy - Paris

0,82

Limoges - Lyon

0,89

Limoges - Paris

0,85

Quimper - Paris

1,07

Rodez - Paris

1,46

Tarbes - Paris

1,65

Guyane

1,50

Saint-Pierre-et-Miquelon

3,37

Strasbourg - Amsterdam

4,85

Strasbourg - Madrid

1,95

Strasbourg - Munich

1,10

Total

26,03

Source : réponses de la DGAC au questionnaire budgétaire

B. CORRÉLÉES AU NIVEAU DE TRAFIC ET ACCRUES PAR LE MÉCANISME DE RATTRAPAGE DES ANNÉES DE CRISES, LES RECETTES DU BACEA DEVRAIENT SIGNIFICATIVEMENT PROGRESSER EN 2023

1. Stimulées par la revalorisation du point d'indice et les charges d'intérêt de sa dette, les dépenses du BACEA augmentent de plus de 4 %

Le budget annexe « Contrôle et exploitation aériens » (BACEA) se compose de trois programmes, qui se voient allouer en 2023 2 104 millions d'euros d'AE et 2 122 millions d'euros de CP , soit des augmentations d'un peu plus de 4 % par rapport à la loi de finances initiale pour 2022.

Si l'on ajoute les 19,4 millions d'euros de fonds de concours et d'attributions de produits estimés pour 2023, le montant total des crédits du BACEA devrait s'élever à 2 123,2 millions d'euros en AE et 2 141,2 millions d'euros en CP.

Évolution des crédits du BACEA 20 ( * ) en 2022 et 2023, et exécution 2021

(en millions d'euros)

Programme

Exécution 2021

LFI 2022

PLF 2023

Variation 2023/2022

(en %)

612 « Navigation aérienne »

AE

600,9

573,3

574,5

+0,2 %

CP

592,7

581,8

592,6

+1,9 %

613 « Soutien aux prestations de l'aviation civile »

AE

1 362,9

1 406,5

1 483,8

+5,5 %

CP

1 355,4

1 406,5

1 483,8

+5,5 %

614 « Transports aériens, surveillance et certification »

AE

45,0

45,1

45,5

+0,9 %

CP

43,5

45,1

45,5

+0,9 %

Total

AE

2 008,8

2 025,0

2 103,8

+3,9 %

CP

1 991,6

2 033,4

2 121,8

+4,3 %

Source : commission des finances du Sénat d'après les documents budgétaires

Les crédits du programme 612 « Navigation aérienne » sont en très légère augmentation en 2023 (+0,2 % en AE et +1,9 % en CP). Ces crédits, 575 millions d'euros en AE et 593 millions d'euros en CP , sont destinés au financement des activités de la direction des services de la navigation aérienne (DSNA) et notamment des dépenses d'investissement dans les grands programmes de modernisation des outils de navigation aérienne.

Le programme 613 « Soutien aux prestations de l'aviation civile », porte les crédits des fonctions supports de la DGAC. Un changement de périmètre modifie significativement leur montant à compter de 2023 . La nouvelle rédaction de l'article 18 de la loi organique relative aux lois de finances (LOLF) adoptée dans le cadre de la loi organique n° 2021-1836 du 28 décembre 2021 relative à la modernisation de la gestion des finances publiques prévoit notamment qu'à compter du projet de loi de finances initiale pour 2023, à l'instar de la distinction opérée pour le budget général, et pour revenir sur une spécificité propre aux budgets annexes, les opérations en capital de la dette du BACEA sont désormais considérées comme des opérations de trésorerie et ne sont plus retracées parmi les crédits budgétaires du programme 613. En 2022, 348 millions d'euros avaient ainsi été inscrits en crédits budgétaires sur le programme 613 au titre des opérations en capital de la dette. En 2023, les remboursements en capital de la dette du BACEA devraient s'élever à 368 millions d'euros .

Après retraitement de cet effet de périmètre, il apparaît qu' en 2023, les crédits du programme 613 doivent augmenter de 5,5 %. Cette hausse s'explique par plusieurs facteurs. Les charges de personnel sont tirées vers le haut (+ 68 millions d'euros) par la revalorisation du point d'indice ainsi que les dépenses anticipées dans le cadre du prochain protocole social dont les négociations doivent reprendre au début de l'année 2023. Les charges d'intérêts de la dette augmentent quant-à-elles de près de 20 millions d'euros en raison de la progression très sensible de l'endettement du BACEA depuis 2020.

Ce programme retrace aussi la subvention pour charges de service public (SCSP) et les subventions d'investissement que la DGAC verse à l'école nationale de l'aviation civile (ENAC). Ces dotations doivent légèrement augmenter en 2023 (+ 0,8 million d'euros) afin de tenir compte de la revalorisation du point d'indice de la fonction publique. Elles s'établiront ainsi à 97,8 millions d'euros .

Les crédits du programme 614 « Transports aériens, surveillance et certification » sont consacrés à aux missions exercées par la DGAC dans les domaines de la régulation économique, du développement durable et du respect par l'ensemble des acteurs des règles qui leur sont applicables, notamment en termes de sécurité et de sûreté. Ces crédits, en très légère progression par rapport à la loi de finances initiale pour 2022, devraient atteindre 45,5 millions d'euros en 2023.

2. Portées par la reprise du trafic et le mécanisme européen de compensation des années de crise, les recettes d'exploitation du BACEA doivent dépasser en 2023 leur niveau de 2019

Avant la crise, au cours de l'année 2019, en période de fort dynamisme du trafic aérien, le BACEA avait perçu 2 231,6 millions d'euros de recettes d'exploitation.

Si les recettes d'exploitation enregistrées en 2021 avaient progressé de 26 % sur un an pour s'établir à 1 034,8 millions d'euros, elles étaient toujours nettement inférieures (de plus de 50 % et 1 milliard d'euros) à leur niveau de 2019.

Variation des recettes d'exploitation du BACEA entre 2018 et 2023

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat d'après les documents budgétaires

Cet effondrement des recettes du BACEA avait pour origine la chute vertigineuse du trafic aérien mais également des décisions prises par l'État de reporter le paiement de taxes et de redevances acquittées par les compagnies aériennes.

Les recettes d'exploitation du BACEA en 2023 sont estimées à 2 230 millions d'euros , en augmentation de près de 34 % et plus de 560 millions d'euros par rapport à la prévision initiale pour 2022. Leur montant dépasserait donc le niveau atteint en 2019 , avant le déclenchement de la crise.

Évolution des recettes d'exploitation du BACEA 2020-2023

(en millions d'euros)

Recettes (M€)

Exécution 2020

Exécution 2021

Variation exécution 2021 / exécution 2020

LFI 2022

PLF 2023

Variation PLF 2023 / LFI 2022

Redevances de navigation aériennes

645,9

779,8

+20,7 %

1 307,0

1 746,6

+33,6 %

Redevances de surveillance et de certification

23,8

28,7

+20,6 %

24,1

25,5

+5,8 %

Taxe d'aviation civile 21 ( * )

124,2

206,3

+66,1 %

330,8

444,3

+34,3 %

Autres recettes

27,5

20,0

-27,3 %

8,0

14,0

+75 %

Total recettes exploitation

821,4

1 034,8

+26,0 %

1 669,9

2 230,4

+33,6 %

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

a) En raison de la reprise du trafic et du mécanisme de rattrapage des années de crise, en 2023, les redevances de navigation aérienne doivent atteindre un montant supérieur à leur niveau de 2019

Les redevances de navigation aérienne regroupent la redevance de route (RR), la redevance pour services terminaux de circulation aérienne métropole (RSTCA-M) et les redevances de navigation aérienne outre-mer, la redevance océanique (ROC) et la redevance pour services terminaux de la circulation aérienne outre-mer (RSTCA-OM). L'évolution de leurs recettes est déterminée par l'évolution des tarifs des taux unitaires inscrits en RP3 22 ( * ) et pris en application des règlements Ciel unique II, ainsi que des prévisions de trafic (voir infra ).

Pour 2023 , le projet annuel de performance du BACEA anticipe un rendement global des redevances de navigation aérienne de 1 747 millions d'euros , soit une augmentation de près de 34 % par rapport aux estimations inscrites en loi de finances initiale pour 2022. En 2023, du fait de l'incidence du mécanisme de lissage sur 7 ans du rattrapage des conséquences économiques de l'effondrement du trafic aérien au cours des années 2020 et 2021 (voir infra ), qui est estimé par la DGAC à 250 millions d'euros annuels, les recettes tirées des redevances aériennes doivent ainsi atteindre un montant inédit et dépasser le niveau atteint en 2019 (1 590 millions d'euros).

L'augmentation des redevances aériennes s'explique principalement par la progression du rendement de la redevance de route (RR). Son rendement prévisionnel est attendu à 1 482 millions d'euros en 2023, en hausse de 395 millions d'euros et 36 % par rapport à 2022.

Évolution des recettes tirées des redevances de navigation aérienne
(2010-2023)

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat, d'après les réponses au questionnaire budgétaire

La redevance pour services terminaux de circulation aérienne métropole (RSTCA-M) devrait également voir son rendement progresser de 30 millions d'euros , soit 21,2 % , pour s'établir à 230 millions d'euros en 2023. En 2023, le rendement prévisionnel des redevances de navigation aérienne outre-mer , s'établit quant à lui à 34 millions d'euros , en progression de 14 % .

Comme il avait déjà eu l'occasion de le signaler lors de l'examen du projet de loi de finances initiale pour 2022, le rapporteur spécial rappelle que l'enjeu de la compétitivité des compagnies ne doit pas être occulté de l'équation globale et que la progression des redevances aériennes, certes encadrée par les normes européennes, n'est pas sans affecter la rentabilité du secteur.

b) Le rendement des redevances de surveillance et de certification progresserait de 6 %

Les redevances de surveillance et de certification 23 ( * ) viennent financer en partie la surveillance des acteurs de l'aviation civile, la délivrance d'agréments et d'autorisations, de licences ou de certificats nécessaires aux opérateurs (constructeurs, ateliers d'entretien, compagnies aériennes, aéroports, personnels, organismes de sûreté, opérateurs de navigation aérienne). Ces différentes activités sont principalement prises en charge par la direction de la sécurité de l'aviation civile (DSAC) au sein de la DGAC. Pour 2023, le rendement de ces redevances est attendu à 25,5 millions d'euros , en progression de 1,4 million d'euros et 6 % par rapport à la loi de finances initiale pour 2022.

Évolution détaillée des redevances de surveillance et de certification
depuis 2017

(en millions d'euros)

Source : réponses de la DGAC au questionnaire budgétaire

c) Si le tarif de l'aviation civile de la taxe sur le transport aérien de passagers (l'ancienne taxe de l'aviation civile) n'évoluera pas en 2022, son rendement devrait progresser de 35 % en raison de la reprise attendue du trafic et de l'inflation

La création du nouveau code des impositions sur les biens et services (CIBS) au 1 er janvier 2022 a conduit à un réaménagement de la fiscalité des transports et notamment de la fiscalité sur le transport aérien . L'ancienne taxe de l'aviation civile (TAC), qui était prévue à l'article 302 bis K du code général des impôts (CGI) a ainsi été renommée en « tarif de l'aviation civile », intégré à la taxe sur le transport aérien de passagers . Ce tarif de l'aviation civile est prévu à l'article L. 422-20 du CIBS et son tarif est établi à l'article L. 422-21 du même code qui précise qu'il est indexé sur l'inflation.

Tableau de l'article L. 422-21 du CIBS

Destination finale

Tarif en euros

Europe ou assimilée

4,66

Tierce

8,37

Source : article L. 422-21 du CIBS

Le projet annuel de performance 2023 du BACEA estime le rendement du tarif de l'aviation civile pour l'année à venir à 444,3 millions d'euros , soit une progression de plus de 35 % par rapport aux projections de la loi de finances initiale pour 2022.

Évolution des recettes issues du tarif de l'aviation civile depuis 2009 24 ( * )

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat d'après les réponses au questionnaire budgétaire

Dans la mesure où le tarif de l'aviation civile ne doit pas augmenter en 2023 , si ce n'est de la revalorisation légale à concurrence du taux prévisionnel de croissance de l'indice des prix à la consommation, hors tabac, cette appréciation attendue de son rendement s'explique par l'inflation et les prévisions de reprise du trafic aérien en 2023 .

Les recettes issues de la « taxe Bâle-Mulhouse » 25 ( * ) devraient quant à elles s'établir à 5,6 millions d'euros en 2022, un niveau proche de la prévision présentée en loi de finances initiale pour 2022 (5,4 millions d'euros).

d) L'État aurait dû faire davantage pour compenser les pertes de recettes de taxe d'aéroport et de taxe sur les nuisances sonores aériennes

La DGAC est chargée de l'établissement de l'assiette, du recouvrement et du contrôle des tarifs de solidarité (l'ancienne taxe de solidarité sur les billets d'avion qui était prévue au VI de l'article 302 bis K du code général des impôts), et de sûreté et de sécurité (l'ancienne taxe d'aéroport qui était prévue à l'article 1609 quatervicies du code général des impôts) de la taxe sur le transport aérien de passagers ainsi que de la taxe sur les nuisances sonores aériennes (TNSA) 26 ( * ) Le produit de ces taxes est ensuite reversé à des tiers. La recette attendue par le BACEA en 2023 au titre des frais de gestion 27 ( * ) de ces trois taxes est établie à 5,1 millions d'euros , contre 4,5 millions d'euros prévus en loi de finances initiale pour 2022.

(1) Le rendement du tarif de solidarité progresse et pourrait permettre d'approcher le niveau du plafond de la fraction affectée à l'agence de financement des infrastructures de transport de France en 2023

Suite à la création du code des impositions sur les biens et services (CIBS), l'ancienne taxe de solidarité sur les billets d'avion a été rebaptisée « tarif de solidarité » de la taxe sur le transport aérien de passagers . Elle est prévue à l'article L. 422-20 du CIBS et son montant établi à l'article L. 422-22 du même code.

Depuis sa création, le produit de ce tarif de solidarité (TS) participe au financement de l'aide au développement dans le domaine de la santé en abondant le fonds de solidarité pour le développement (FSD) géré par l'agence française pour le développement (AFD).

Ses montants avaient été majorés dans le cadre de l'« écocontribution » prévue à l'article 72 du projet de loi de finances pour 2020, si bien qu'il était censé rapporter 210 millions d'euros au FSD et 230 millions d'euros à l'Agence de financement des infrastructures de transport de France (AFITF) en 2020.

En 2020, comme en 2021 , le plafond de l'affectation au FSD n'avait pas été atteint et aucune recette n'a été reversée à l'AFITF . En 2020, le rendement du tarif n'a atteint que 91,8 millions d'euros et en 2021, 150,4 millions d'euros. En 2022, le plafond de 210 millions d'euros sera atteint pour la première fois depuis 2020. Le rendement pourrait atteindre 367 millions d'euros, pour un reversement de 157 millions d'euros à l'AFITF . À ce stade, la DGAC anticipe des recettes situées entre 405 millions d'euros et 425 millions d'euros pour 2023 ce qui pourrait permettre d'approcher le plafond de la fraction affectée à l'AFITF.

Le rapporteur spécial note cependant que le tome I de l'annexe au projet de loi de finances sur l'évaluation des voies et moyens est moins optimiste que les hypothèses de la DGAC et prévoit un rendement de 373 millions d'euros en 2023.

(2) L'État devrait participer à la compensation du déficit de financement des dépenses de sûreté et sécurité aéroportuaires lié à la crise en convertissant en subventions une partie des avances remboursables versées aux aéroports.

Le tarif de sûreté et de sécurité est mentionné à l'article L. 422-20 du code des impositions sur les biens et services (CIBS) en tant que partie intégrante 28 ( * ) de la taxe sur le transport aérien de passager . Le régime juridique de ce tarif, qui correspond à l'ancienne taxe d'aéroport 29 ( * ) , est déterminé à l'article L. 422-23 du même code .

Conformément à l'article L. 6328-3 du code des transports , les recettes résultant de ce tarif sont affectées aux exploitants d'aérodromes pour financer les missions d'intérêt général qui leur sont confiées en matière de sécurité-incendie-sauvetage, de sûreté, de lutte contre le péril animalier et de mesures effectuées dans le cadre des contrôles environnementaux.

L'effondrement du trafic aérien a brisé une tendance qui s'orientait vers le retour à un quasi équilibre du financement des missions de sûreté et de sécurité aéroportuaires. Fin 2019, le déficit cumulé des aéroports n'était plus que de 16,5 millions d'euros. La crise a mis un coup d'arrêt brutal à cet élan et le déficit des aéroports a franchi les 400 millions d'euros en 2020.

En urgence, l'État a ainsi alloué aux aéroports des avances remboursables pour un montant cumulé de 700 millions d'euros entre 2020 et 2022. Une première avance de 300 millions d'euros a été votée en 2020 30 ( * ) , une deuxième de 250 millions d'euros en 2021 31 ( * ) , puis enfin une troisième de 150 millions d'euros en 2022 32 ( * ) . Ces avances sont suivies sur le programme 826 « avances aux exploitants d'aéroports touchés par la crise de covid-19 au titre des dépenses de sûreté-sécurité » au sein du compte de concours financiers « Avances à divers services de l'État ou organismes gérant des services publics ».

Avances remboursables versées aux aéroports depuis 2020

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat

Les différés de remboursement de ces avances ont été fixés à deux ans, pour le dispositif de 2020, à trois ans, pour le dispositif de 2021 et à quatre ans pour les avances accordées en 2022, avec un échéancier de remboursement de sept ans. Aussi, les échéances de remboursement s'étaleront de 2024 à 2032 . Ces remboursements d'avance entreront dans le périmètre des coûts de sûreté-sécurité . Par conséquent, à compter de 2024, les échéances de remboursement des avances se traduiront par des augmentations du tarif de sûreté et de sécurité.

Selon la direction générale de l'aviation civile (DGAC), le déficit de financement cumulé des missions de sûreté et de sécurité aéroportuaires devrait avoisiner les 140 millions d'euros à la fin de l'année 2022 et les 280 millions d'euros en 2023 .

Déficit cumulé du financement des missions de sûreté
et de sécurité aéroportuaires depuis 2020

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat d'après les données de la DGAC

Principalement dû à l'effondrement du trafic aérien et du rendement de l'ancienne taxe d'aéroport, ce déficit a également pour origine une certaine inflation des dépenses de sûreté et de sécurité liée au contexte d'inflation, à un décalage de dépenses d'investissements lié à la crise, à des renégociations de contrats de sous-traitance, à des revalorisations salariales ou encore à des évolutions réglementaires.

L'article 117 de la loi n° 2021-1900 du 30 décembre 2021 de finances pour 2022 a procédé à une augmentation de un euro , à compter du 1 er avril 2022, du plafond du tarif applicable aux aéroports de catégorie 3 , catégorie pour laquelle le déficit de financement des missions de sûreté et sécurité était le plus prononcé et alors que le tarif de la plupart des aéroports de cette classe atteignait déjà le niveau plafond de 14 euros par passager.

L'article 9 quater du présent projet de loi de finances pour 2023, issu d'un amendement du Gouvernement retenu en première lecture à l'Assemblée nationale dans le cadre du texte sur lequel il a engagé sa responsabilité en application de l'article 49, alinéa 3 de la Constitution, prévoit d'augmenter de un euro supplémentaire les plafonds des tarifs applicables aux aéroports de catégorie 1 et 3 .

Le rapporteur spécial considère que l'État aurait pu envisager de prendre à sa charge, au moins pour partie, le déficit de financement exceptionnel, lié à la crise sanitaire, de ces dépenses régaliennes par excellence .

Cette hypothèse se justifiait d'autant plus que les aéroports sont toujours plus exposés à la concurrence de leurs homologues européens (notamment du sud de l'Europe) à l'heure où les choix des compagnies peuvent dépendre de différences de coûts parfois modestes . Cette réalité est même de plus en plus prégnante à mesure que les transporteurs à bas coût (TBC) gagnent des parts de marchés . Aujourd'hui 38 aéroports métropolitains accueillent du trafic TBC. Dans ce contexte, la compétitivité des plateformes aéroportuaires devient un enjeu de plus en plus prégnant et des risques accrus émergent en termes de connectivité du territoire national . Face à cette menace, il convient de suivre avec la plus grande attention la compétitivité des coûts de touchée . Les données issues des travaux de l'observatoire des coûts de touchée doivent ainsi être mises à jour avec régularité et systématiquement prises en considération par les pouvoirs publics.

(3) L'État doit impérativement prendre au sérieux le déficit de financement des opérations d'insonorisation des logements riverains des aéroports

Le produit de la taxe sur les nuisances sonores aériennes (TNSA), acquittée par les compagnies aériennes, est reversé aux exploitants d'aéroports pour financer les aides accordées aux riverains pour l'atténuation des nuisances sonores ou le remboursement à des personnes publiques des avances consenties pour financer des travaux de réduction des nuisances sonores.

Alors que le rendement de la taxe a connu une très forte diminution depuis 2020, les prévisions de recettes jusqu'en 2023 sont également en forte baisse par rapport aux projections réalisées avant la crise . En 2020, le rendement de la taxe ne s'est établi qu'à 26 millions d'euros, en retrait de 28 millions d'euros par rapport à la prévision initiale de 54 millions d'euros. En 2021, le montant des recettes n'a atteint que 23,6 millions d'euros pour une prévision initiale de 54,4 millions d'euros, soit un écart de 31 millions d'euros. D'après les projections réalisées par la DGAC et comme l'illustre le graphique ci-après, cette situation devrait se poursuivre en 2022 puis en 2023.

Comparaison entre la trajectoire de rendement prévisionnelle réalisée
avant la crise et les recettes de TNSA constatées ou anticipées
entre 2020 et 2023

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat d'après les réponses au questionnaire budgétaire

Ainsi, la perte de financement cumulée pour le dispositif d'aide à l'insonorisation des riverains d'aéroports entre 2020 et 2023 pourrait s'élever à plus de 80 millions d'euros .

Dans le cadre de la loi n° 2021-1549 du 1 er décembre 2021 de finances rectificative pour 2021, le Parlement a voté 8 millions d'euros de crédits budgétaires sur le programme 203 « Infrastructures et services de transports » de la mission « Écologie, développement et mobilité durables » au titre d'un dispositif de compensation exceptionnel d'une partie de la baisse de rendement de la TSNA. Toutefois, comme avait pu le signaler le rapporteur spécial lors de l'examen du projet de loi de finances initiale pour 2022, cette mesure est bien loin du compte .

En application l'article 226 de la loi de finances initiale pour 2021, en mars 2022, le Gouvernement a présenté un rapport au Parlement concernant les impacts de la crise sur le dispositif d'aide à l'insonorisation pour la période 2020-2021. Ce rapport comporte des pistes de mesures correctrices et notamment l'éventualité d'une compensation totale ou partielle du déficit de rendement de la TNSA lié à la crise sous la forme de subventions ou d'avances de l'État.

Reversements de TNSA aux exploitants d'aérodromes (2021-2023)

Source : réponses au questionnaire budgétaire

D'après l'Autorité de contrôle des nuisances aéroportuaires (ACNUSA), ce déficit de financement ralentit les travaux d'insonorisation. Des dossiers dont la programmation avait été prévue restent en attente faute de financements. En 2020, toutes plateformes aéroportuaires confondues, le montant des travaux validés en commission avait été réduit des deux tiers en 2020 passant de 35 millions d'euros à seulement 14 millions d'euros. Toujours d'après l'ACNUSA, « le nombre d'années nécessaires pour insonoriser potentiellement la totalité des locaux n'a pas diminué au cours des trois dernières années comme cela aurait dû être le cas. Il s'est au contraire allongé depuis la pandémie, passant, selon l'administration, de 11,4 années à 12,3 années entre décembre 2019 et décembre 2020 » .

3. Un budget annexe dont les tarifs de redevance et les objectifs de performance sont étroitement encadrés par le droit européen, dans le cadre de la construction du ciel unique européen
a) La France, acteur central de la construction du Ciel unique européen au sein du FABEC

Depuis 2004, la France participe à la construction du Ciel unique européen, dont l'objectif est d'assurer par les services de la navigation aérienne une gestion de l'espace aérien européen plus intégrée, de sorte que les frontières nationales cessent de constituer des contraintes pour les acteurs du transport aérien. Les principaux objectifs de cette démarche sont d'améliorer la sécurité, les capacités et l'efficacité économique des vols en Europe tout en réduisant leur empreinte environnementale.

Les pays européens sont regroupés au sein de huit blocs fonctionnels d'espace aérien (FABs) intégrés. Depuis 2010, la France est un membre du bloc fonctionnel d'espace aérien « Europe centrale » (FABEC) avec l'Allemagne, la Belgique, le Luxembourg, les Pays-Bas et la Suisse, soit environ 50 % du trafic aérien européen.

Le Ciel unique européen s'appuie notamment sur le programme SESAR (Single european sky ATM research ) qui doit accompagner le développement et le déploiement d'une nouvelle génération de système de gestion du trafic, un domaine dans lequel la France a pris un retard considérable.

b) Le déploiement de la période de référence 2020-2024 dite « RP3 » a été bouleversé par la crise du secteur aérien

Le règlement européen n° 1070/2009 « Ciel unique 2 » a mis en place un système européen de régulation de la performance des services de navigation aérienne , piloté par la Commission européenne, qui fixe à chaque pays membre des objectifs en termes de sécurité, de capacité (réduction des retards) et d'efficacité économique (coût unitaire des services) et environnementale (réduction des distances parcourues) des vols. Les performances contrastées de la direction des services de la navigation aérienne (DSNA) doivent être analysées au regard de ces objectifs, méthode employée par le rapporteur spécial dans son rapport d'information « Retards du contrôle aérien : la France décroche en Europe » publié le 13 juin 2018 33 ( * ) .

En 2016, la Commission européenne avait lancé le cycle de préparation de la nouvelle période de référence 2020-2024, dite « RP3 ». Les objectifs européens pour la période avaient été déterminés par la décision d'exécution (UE) 2019/903 du 29 mai 2019 et les plans de performance nationaux avaient été transmis à la Commission à la fin du mois de septembre 2019. Les objectifs européens qui étaient prévus pour la période RP3 devaient conduire à une diminution moyenne annuelle de 1,9 % en euros constants des coûts unitaires pour les services en route. La dernière étape du processus avait même été engagée, à savoir l'évaluation et l'approbation par la Commission, après avis de l'organe d'évaluation de la performance (PRB) placé auprès d'elle, des plans de performance et des objectifs locaux au regard de leur compatibilité avec les objectifs fixés au niveau européen.

La survenue de la crise sanitaire et ses répercussions sur le transport aérien ont percuté la procédure et rendu les plans de performance obsolètes . De plus, l'application du mécanisme d'ajustement des taux unitaires des redevances en fonction du trafic prévu par le règlement (UE) 2019/317 devait conduire à une majoration de taux unitaires considérable en 2022 (de l'ordre de 100 %), et en 2023, par rapport aux taux unitaires appliqués en 2020 et résultant des prévisions réalisées en 2019. Cette perspective était inenvisageable et insoutenable économiquement pour des compagnies déjà très affectées par les conséquences de la crise. Le système devait être adapté à la crise que vivait le secteur aérien. C'est ainsi que le règlement (UE) 2020/1627 du 3 novembre 2020 a été adopté après approbation du comité du Ciel unique. Ce règlement prévoit notamment :

- la possibilité pour les États de lisser le mécanisme d'ajustement des taux de redevances au volume de trafic réellement constaté sur une durée de cinq à sept ans à compter de l'année 2023, c'est-à-dire jusqu'en 2027 ou en 2029 ;

- la suspension, en 2020 et 2021 du mécanisme d'incitation financière à la performance dans la mesure où le faible niveau de trafic s'accompagne d'une forte diminution des retards dus à des régulations de trafic sans mérite notoire pour les prestataires de services de navigation aérienne ;

- de faire bénéficier les compagnies aériennes des économies qui auront été réalisées par les prestataires de services de navigation aérienne en 2020 et 2021 ;

- de fixer, pour les années 2022 à 2024, de nouveaux objectifs de coûts unitaires et de performances opérationnelles au niveau de l'Union et de relancer une planification au niveau local sur la base de nouvelles prévisions de trafic ;

- la possibilité pour les États de subventionner le prestataire de services de navigation aérienne pour limiter les augmentations de taux unitaires de redevances liées à la crise (article 29.6).

Des objectifs de performance révisés au niveau de l'Union ont été adoptés par décision (UE) 2021/891 de la Commission. Les objectifs de coûts unitaires se fondent sur l'hypothèse selon laquelle les coûts fixés à l'échelle de l'Union pour les années 2020 et 2021 ne dépasseront pas, en moyenne, 97 % des coûts réels enregistrés pour 2019 et les coûts fixés pour les années 2022, 2023 et 2024 ne dépasseront pas, respectivement, 94 %, 96 % et 97 % des coûts réels enregistrés à l'échelle de l'Union pour 2019.

En octobre 2021 la France et ses homologues du FABEC ont transmis à la Commission un plan de performance révisé . Cependant, au début de l'année 2022, celle-ci a rejeté ce plan en raison de la non-conformité des objectifs d'efficacité économique du plan proposé par la Belgique . La Belgique a transmis en juillet 2022 une nouvelle proposition révisée qui a été elle-même rejetée . À ce jour, la validation du plan de performance français et donc la hausse des taux unitaires de redevances qu'il prévoit pour 2023 reste soumise à la validation par l'Union européenne du plan commun du FABEC.

(1) Après une forte augmentation des taux unitaires de redevance de route en 2022, ils devraient se stabiliser en 2023 avant de diminuer en 2024

Dans ce cadre, les taux unitaires des redevances aéronautiques des États européens sont construits sur des hypothèses de coûts et de trafics fixées pour plusieurs années. En 2022 , en raison de la baisse des prévisions de trafic par rapport à la situation d'avant crise (les conséquences économiques de l'effondrement du trafic en 2020 et 2021 faisant l'objet d'un mécanisme de lissage pluriannuel à compter de 2023), les taux unitaires des redevances de navigation aérienne ont très fortement augmentés . La hausse a atteint 24 % pour le taux unitaire de la redevance de route , relevé de 59,16 euros à 73,24 euros. Cette hausse s'est néanmoins révélée inférieure aux premières hypothèses présentées aux compagnies aériennes au début du mois de novembre 2021, notamment car la DGAC a décidé d'affecter dès l'année 2022 l'essentiel des ajustements en faveur des compagnies découlant de l'exécution du plan RP2 de la période 2015-2019.

Taux unitaire de la redevance de route en France de 2015 à 2022

2015

2016

2017

2018

2019

2020

2021

2022

70,00 €

67,54 €

67,00 €

63,61 €

60,95 €

58,82 €

59,16 €

73,24 €

Source : direction générale de l'aviation civile (DGAC)

Après cette hausse très sensible susceptible de fragiliser la compétitivité des compagnies, en 2023, les taux unitaires , notamment de la redevance en route, devraient se stabiliser. L'effet inflationniste du début du mécanisme de lissage sur 7 années des pertes liées aux années 2020 et 2021 (environ 250 millions d'euros par an attendues par la DGAC) étant contrebalancé par l'amélioration des prévisions de trafic . Les taux unitaires prévisionnels pour 2023 ont été présentés aux compagnies dans le cadre d'une première phase de consultation au cours de l'été 2022, mais des ajustements sont attendus avant la fin de l'année.

À ce stade, compte tenu de l'amélioration attendue du trafic, la DGAC estime que les taux unitaires devraient baisser à compter de 2024 . En 2024 seront établies les prévisions de coûts et de trafic 2025-2029, pour déterminer les paramètres du quatrième cycle du système européen de performance RP 4.

(2) La DSNA doit impérativement gagner en performance pour réduire les retards causés par les services de contrôle aérien

Le principal indicateur de performance des services de la navigation aérienne est celui des minutes de retards générées par les régulations de trafic attribuables aux centres en route. Alors qu'ils avaient beaucoup augmenté en 2018 pour atteindre près de 2 minutes par vol contrôlé, les retards de la DSNA avaient diminué en 2019 pour atteindre 1,33 minute par vol. En 2020 et en 2021 l'amélioration de l'indicateur à respectivement 0,7 minute et 0,5 minute est bien sûr en trompe l'oeil et liée à l'effondrement du trafic aérien.

Au cours des 7 premiers mois de l'année 2022, et à mesure de la reprise du trafic, les minutes de retards causées par le contrôle aérien ont retrouvé des niveaux proches de ceux constatés en 2019 , année de référence. Toutefois, et comme l'illustre le graphique ci-après, la phase de déploiement du nouvel outil de gestion du trafic aérien 4-Flight au centre en route de la navigation aérienne (CRNA) de Reims a généré de nombreux retards (760 000 minutes au total). À terme, ce nouvel outil doit au contraire permettre d'améliorer significativement la performance des services de navigation aérienne. Un gain de capacité des secteurs de contrôle concernés de l'ordre de 25 % est ainsi escompté dès 2023.

Retards imputables au contrôle aérien de janvier à juillet 2022 34 ( * )

Source : réponses de la DGAC au questionnaire budgétaire

Un pic de retards a notamment été constaté à compter du mois d'avril avec une hausse très significative en juin et en juillet. Outre la reprise du trafic, plusieurs déterminants expliquent cette évolution :

- des passages orageux exceptionnels ont occasionné 250 000 minutes de retards ;

- un mouvement de grève au centre en route d'Aix-en-Provence les 25 et 26 juin a provoqué 100 000 minutes de délais.

Par ailleurs, le problème structurel du manque de flexibilité dans l'organisation du temps de travail des contrôleurs aériens est générateur de retards. En juillet, alors que le niveau de trafic était élevé, le centre en route d'Aix-en-Provence a par exemple souffert d'un déficit de capacité l'empêchant de faire passer efficacement le trafic, en particulier au cours des week-ends estivaux.

Le besoin de flexibilité de la capacité de contrôle aérien est d'autant plus exacerbé que la reprise du trafic ne se fait pas dans les mêmes conditions que la situation qui prévalait avant la crise. Les pointes et les creux de trafic se trouvent nettement plus accentuées qu'en 2019.

Le rapporteur spécial réitère sa conviction selon laquelle la productivité insuffisante des ingénieurs du contrôle de la navigation aérienne (ICNA) doit être améliorée grâce à des adaptations de leurs horaires de travail. Il considère que la conclusion d'un contrat de type contrat d'objectifs et de performance pourrait être un bon moyen de formaliser des objectifs et des indicateurs pluriannuels précis en la matière qui pourraient faire l'objet d'un suivi et d'une évaluation quantifiable .

Au-delà des déclarations et des bonnes intentions affichées, le rapporteur spécial considère qu'il est grand temps que les promesses de gains de performance des prestations de contrôle de la navigation aérienne se matérialisent concrètement .

II. UNE MODERNISATION À POURSUIVRE, DES ENJEUX DE RESSOURCES HUMAINES RÉAFFIRMÉS ET UNE DETTE CONSIDÉRABLE QUI DEVRAIT COMMENCER SON LENT REFLUX

A. ALORS QUE LA DGAC S'APPRÊTE À RELANCER LES NÉGOCIATIONS D'UN NOUVEAU PROTOCOLE SOCIAL, ELLE DOIT DÉJÀ ANTICIPER UN MUR DE DÉPARTS À LA RETRAITE DE CONTRÔLEURS

1. Une trajectoire pluriannuelle anticipée des effectifs pour répondre à l'enjeu du mur de départs à la retraite des ICNA

En 2022 , du fait de la baisse de trafic due à la crise, le schéma d'emplois de la DGAC avait été fixé à - 72 ETP en raison d'une réduction des recrutements d'ingénieurs du contrôle de la navigation aérienne (ICNA) qui s'est manifestée par la passage de quatre promotions en 2020, à deux en 2021 puis à l'équivalent d'une seule en 2022.

Le total des flux prévus au 31 décembre 2022 devrait s'élever à 362 ETP en entrées et 434 ETP en sorties. Les corps techniques, et les ICNA en premier lieu (avec - 57 ETP), ont été les effectifs les plus affectés par le schéma d'emploi négatif de l'année 2022. La synthèse des mouvements d'effectifs prévisionnels pour 2022 est décrite dans le tableau ci-après.

Mouvements prévisionnels d'effectifs en 2022

(en ETP)

Source : réponses de la DGAC au questionnaire budgétaire

En 2022, la DGAC a engagé une réorganisation de ses fonctions supports fondée sur une logique de mutualisation et devant générer des gains de productivité. En 2022 c'est la catégorie des ouvriers qui a été la plus concernée par les effets de cette réorganisation.

Pour 2023 , le projet de loi de finances prévoit un plafond d'emploi de la DGAC 35 ( * ) de 10 421 ETPT , en baisse de 30 ETPT par rapport à 2022 pour un schéma d'emplois nul en ETP . La baisse du plafond d'emploi constatée en 2023 s'explique par l'extension en année pleine de l'application du schéma d'emploi 2022.

Les emplois rémunérés de l'école nationale de l'aviation civile (ENAC) sont fixés à 931 ETPT dont 791 sous plafond, contre 795 en 2021, et 140 hors plafond. Comme en 2022, le schéma d'emplois de l'ENAC est négatif de 4 ETP en 2022.

Détail du schéma d'emplois 2023 de la DGAC

Départ

Arrivées

Schéma d'emploi

Administratifs/cadres

87

92

+5

ICNA

85

92

+7

IESSA-TSEAC

125

122

-3

Ouvriers

21

12

-9

Total

318

318

0

Source : réponses au questionnaire de votre rapporteur spécial

Ce retour à une logique de stabilisation des effectifs répond à la reprise du trafic aérien et au besoin de recruter de nouveaux ICNA (+ 7 ETP attendus en 2023). Ainsi, trois nouvelles promotions d'ICNA doivent-elles être recrutées en 2023. Dans la mesure où la formation des contrôleurs aériens s'étale sur cinq années , il est indispensable d'anticiper les besoins et les recrutements pour ne pas se retrouver en situation de manque de capacités.

Dans son rapport précité de 2018, le rapporteur spécial avait notamment mis en exergue cet enjeu et les répercussions particulièrement dommageables sur les retards du déficit de capacité de la DSNA . Or, les projections laissent présager de nombreux départs à la retraite à la fin de la décennie 2030. Aussi, pour disposer des capacités suffisantes afin de parvenir à faire passer le trafic aérien à cet horizon, la DGAC a-t-elle pu négocier avec la direction du budget une trajectoire pluriannuelle d'évolution de ses effectifs compatible avec cet enjeu. Le nombre de nouvelles promotions d'ICNA a ainsi vocation à progresser de trois à cinq par an afin de répondre à cet enjeu. Cette trajectoire prévisionnelle aura vocation à être ajustée en fonction notamment de l'affinement des prévisions de trafic. Considérant que l'anticipation en la matière est absolument incontournable, le rapporteur spécial se félicite qu'un tel programme de moyen - long terme ait pu être défini .

La poursuite de la réorganisation des fonctions supports devrait quant à elle se traduire par une nouvelle baisse des effectifs de la catégorie des ouvriers (- 9 ETP attendus).

2. Contrairement aux précédents, le nouveau protocole social ne devra pas aboutir à un accord « donnant - perdant »

En 2023, la masse salariale de la DGAC, le principal poste de dépenses du budget annexe, devrait progresser de 57 millions d'euros et 6,1 % par rapport à 2022 et s'établir à 988 millions d'euros .

Les dépenses de personnel représentent au total, une fois incluses les cotisations sociales employeurs, les prestations sociales et l'action sociale, un montant de 1 282 millions d'euros, en hausse de 68 millions d'euros et 5,6 % par rapport à 2022. Cette augmentation s'explique principalement par la revalorisation du point d'indice, les mesures catégorielles décidées suite au mouvement de grève des contrôleurs aériens du mois de septembre 2022 ainsi que par les sommes provisionnées pour financer le futur protocole social.

Au cours des dernières années, le rapporteur spécial s'est penché sur l'application par la DGAC du protocole social 2016-2019 signé le 19 juillet 2016 36 ( * ) . La vocation d'origine de ces protocoles repose sur une logique de « donnant - donnant ». Ainsi, l'un des principaux objets de cet accord était de permettre une plus grande flexibilité des horaires des ingénieurs du contrôle de la navigation aérienne (ICNA) pour une meilleure adaptation des tours de services à un trafic de plus en plus concentré sur les périodes de pointe . Cette exigence de flexibilité prend aujourd'hui plus d'acuité encore en raison des évolutions du trafic constatées en sortie de crise. Ce trafic se trouve être beaucoup plus fluctuant avec une accentuation des creux et des pointes , exigeant une agilité accrue des capacités de contrôle aérien.

En contrepartie des efforts demandés au personnel, des mesures catégorielles avaient été prévues pour un montant prévisionnel de 55 millions d'euros. Sur cette enveloppe, 15 millions d'euros devaient être consacrés aux expérimentations de nouvelles organisations du temps de travail des contrôleurs aériens.

Coût du protocole social 2016-2019

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat d'après les réponses de la DGAC au questionnaire budgétaire

D'après les éléments transmis par la DGAC au rapporteur spécial, le coût global du protocole 2016-2019 s'est finalement établi à 47,5 millions d'euros, une somme qui reste très significativement supérieure au coût de 27,4 millions d'euros correspondant aux mesures sociales du précédent protocole prévu sur la période 2013-2015.

Les conséquences de la crise sanitaire sur le trafic aérien avaient conduit la DGAC à suspendre les négociations du nouveau protocole social, initialement prévu sur la période 2020-2024 . Au début de l'année 2023, la DGAC a prévu de relancer les négociations avec les partenaires sociaux pour définir le cadre d'un nouveau protocole social .

Le rapporteur spécial suivra avec attention le résultat de ces négociations . Au regard du coût du dernier protocole social et de ses résultats modestes en matière de performance, le rapporteur spécial ne manque pas de s'interroger sur l'efficacité de ce type de contractualisation. Selon lui, la logique initiale de « gagnant - gagnant » a été largement dévoyée et le résultat effectif a bien plus des airs de « gagnant - perdant » au détriment de la performance du contrôle aérien et in fine , de la compétitivité du transport aérien qui finance les services de la navigation aérienne. Le futur protocole doit cette fois se traduire par de véritables gains de productivité qui permettent de rendre plus efficientes les prestations délivrées par la DSNA.

Le 17 septembre 2021, la Cour des comptes avait publié un rapport 37 ( * ) particulièrement critique concernant la pratique des protocoles sociaux de la DGAC . Elle recommandait notamment de « redéfinir le contenu des protocoles sociaux afin qu'ils ne se soldent pas par l'octroi continu d'avantages catégoriels supplémentaires » . Le rapporteur spécial partage largement ce point de vue .

B. LES GRANDS PROGRAMMES DE MODERNISATION DE LA NAVIGATION AÉRIENNE : UNE NOUVELLE APPROCHE PLUS PRAGMATIQUE QUI DOIT ÊTRE SOUTENUE PAR UNE DYNAMIQUE D'INVESTISSEMENTS SOUTENUE

Après 2008 et du fait des conséquences de la crise financière sur le trafic aérien et ses recettes, la DGAC a mobilisé ses dépenses d'investissements comme variable d'ajustement. Celles-ci s'étaient ainsi rétractées à 150 millions d'euros en 2010, un montant très insuffisant pour engager les programmes indispensables à la modernisation d'outils de navigation aérienne hors d'âge. Après cette date, les dépenses ont amorcé une lente progression. Le développement des grands programmes de modernisation de la navigation aérienne a conduit la DGAC à augmenter ces dépenses.

Les choix effectués lors de la crise sanitaire ont été différents, la DGAC prenant le parti de maintenir à un niveau élevé ses dépenses d'investissement. Compte-tenu des enjeux éminents liés à la modernisation des outils de navigation aérienne, le rapporteur spécial se félicite que les dépenses d'investissements du BACEA n'aient pas servi cette fois ci de variable d'ajustement pour limiter les déséquilibres financiers liés aux répercussions de la pandémie de Covid 19.

Après une augmentation de 10,2 millions d'euros en 2022, dont 7,5 millions d'euros sur les seuls grands programmes de modernisation des outils de la navigation aérienne, les dépenses d'investissements du BACEA doivent se rétracter de 4 millions d'euros en 2023 (- 1,2 %) pour s'établir à 319 millions d'euros .

Les dépenses d'investissement de la DGAC depuis 2013

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat d'après les réponses au questionnaire budgétaire

1. Une nouvelle approche stratégique plus pragmatique pourrait enfin permettre à la DSNA de déployer ses programmes de modernisation sans nouveaux délais ni surcoûts

Le programme 612 « Navigation aérienne » représente à lui seul environ 85 % des dépenses d'investissement du BACEA, avec 253,8 millions d'euros en AE et 271,8 millions d'euros en CP . 12 millions d'euros de fonds de concours et d'attributions de produits sont par ailleurs attendus en 2023 en faveur du contrôle aérien. Sur les exercices 2024 et 2025, selon les prévisions, les niveaux de dépenses devraient se maintenir au-dessus de 260 millions d'euros par an. En consolidant ses efforts d'investissement, la DSNA entend parvenir à mettre à niveau des équipements datés afin de pouvoir, à l'avenir, faire passer le trafic dans de meilleures conditions .

Évolution des CP inscrits en loi de finances initiale
sur le programme 612

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat d'après les réponses au questionnaire budgétaire

Pour parvenir à cet objectif, la DSNA doit résoudre les difficultés soulevées par le rapporteur spécial dans son rapport d'information du 13 juin 2018 « Retards du contrôle aérien : la France décroche en Europe », et notamment :

- l'augmentation des retards provoquée par le manque de capacités du contrôle aérien français, qui coûtait, avant la crise, 300 millions d'euros par an aux compagnies aériennes ;

- l'obsolescence des systèmes de la DSNA, qui tend à faire d'eux un « facteur bloquant » pour la modernisation technologique du ciel unique européen .

Le rapporteur spécial suit avec intérêt l'exercice de révision de ses stratégies sectorielles qu'a engagé la DSNA en 2021 . Nécessaire, cette révision consiste en un réexamen systématique de l'ensemble des projets d'investissement . Elle est centrée sur les programmes de modernisation des systèmes de gestion du trafic aérien. Si ce réexamen global qui s'inscrit dans une dimension plus large de révision stratégique de la DSNA, n'a pas encore abouti, le rapporteur spécial considère que certaines de ses premières traductions vont dans le bon sens . Les nouvelles orientations prises sur certains programmes illustrent un souci de rationalisation et d'efficacité ainsi qu'un renoncement à des tendances historiques à la sur-spécification, à la diversification à outrance ainsi qu' à la volonté de systématiquement développer des projets propres uniques plutôt que des outils standards .

2. Des grands programmes dont le coût représente plus de deux milliards d'euros

Dans la perspective d'améliorer ses performances, la DSNA poursuit plusieurs grands programmes techniques destinés à modifier en profondeur le travail des contrôleurs aériens dans les centres en route, les centres d'approche et les tours de contrôle des aérodromes. Le coût total de ces programmes dépasse les deux milliards d'euros. La durée de conception de ces programmes s'avère particulièrement longue.

Coût des programmes techniques de modernisation
du contrôle de la navigation aérienne

(en millions d'euros)

Programme

Durée du programme

Coût total fin 2021

Coût 2022

Coût total programme après 2022

Coût total programme

4-Flight

2011-2027

686,5

96,0

102,7

885,2

Coflight

2003-2027

259,2

30,3

70,2

359,7

Sysat

2012-2032

113,7

27,3

289,0

430,0

Data Link

2006-2021

34,0

-

-

34,0

Autres programmes

-

178,0

24,5

109,4

311,9

Total

-

1 271,4

178,1

571,3

2 020,8

Source : commission des finances, d'après les réponses au questionnaire budgétaire

Ces programmes, dont certains ont été lancés au début des années 2000, avaient pris un retard considérable qui entrave aujourd'hui la performance délivrée par les services de la navigation aérienne. 4-Flight , nouveau système de contrôle, devait être livré en 2015 . Or, la DSNA n'a finalement commencé à le déployer qu'au printemps dernier, dans le centre en route de Reims . Il doit être déployé dans le centre d'Aix-en-Provence en décembre prochain, à Athis-Mons en 2023 puis dans les centres de Bordeaux et de Brest d'ici 2026, soit avec plus de dix ans de retard sur le calendrier initial.

Ces programmes se sont aussi traduits par d'importants surcoûts dont plus de 300 millions d'euros (+ 52 %) pour 4-Flight ou 163 millions d'euros (+ 105 %) pour Coflight .

Coût et durée des trois principaux programmes de la DSNA

Programme

Au lancement

Actualisation

Écarts

4-Flight

Coût total (en million d'euros)

582,9

885,2

+ 51,9 %

Durée totale (en mois)

180

192

+ 6,7 %

Cofligt

Coût total (en million d'euros)

175,1

359,7

+ 105,4 %

Durée totale (en mois)

156

276

+ 76,9

Sysat

Coût total (en million d'euros)

500,0

430,0

- 14,0 %

Durée totale (en mois)

228

202

- 11,4 %

Source : projet annuel de performances pour 2023

3. Déployé pour la première fois dans le centre en route de Reims, le programme 4-Flight vient de connaître une augmentation de 35 millions d'euros de son coût global

À la suite de la parution du rapport précité du rapporteur spécial, la DSNA avait finalisé en novembre 2018 pour un coût de 121 millions d'euros TTC la signature d'un avenant avec Thalès sur 4-Flight portant sur le complément de développement, le partage des surcoûts et les premières mises en services opérationnelles. Cet avenant était supposé enfin garantir l'achèvement du projet dans les délais prévus. Néanmoins, en janvier 2020 de nouvelles difficultés avaient été identifiées ce qui avait occasionné une nouvelle dérive des délais de mise en service.

Le 5 avril 2022, le programme 4-Flight a enfin été déployé dans un premier centre en route à Reims. Après une phase de tests, la mise en service opérationnelle a été prononcée le 13 juin 2022. Un nombre significatif d'anomalies et de dysfonctionnements a été relevé à l'occasion de la phase de déploiement. Leur résolution a fait l'objet d' un plan d'action élaboré avec l'industriel Thalès.

En 2022, le coût total du programme 4-Flight a subi une nouvelle dérive de 35 millions d'euros , passant de 850,2 millions d'euros à 885,2 millions d'euros. La DGAC explique cette augmentation par les coûts non prévus induits par la mise en service opérationnelle réalisée au centre de Reims, par l'accélération du calendrier de déploiement, par la convergence sur une seule version ainsi que par le contexte d'inflation.

Désormais le calendrier de déploiement prévoit une mise en service dans le centre d'Aix-en-Provence le 6 décembre 2022, dans celui d'Athis-Mons avant la fin de l'année 2023 puis dans les centres de l'Ouest de la France d'ici 2026.

Une version 2.0 du programme doit être développée au début de l'année 2023. Cette version unique aura vocation à être déployée à l'identique dans l'ensemble des centres en route de la navigation aérienne. Ce choix pragmatique apparaît comme un effort de rationalisation salutaire par rapport à la situation qui prévalait jusqu'ici, la trop grande diversité de spécifications pour chaque centre se traduisant par des coûts supplémentaires et par une performance sous-optimale des services de la navigation aérienne.

S'il regrette de constater un nouveau dérapage financier du programme, le rapporteur spécial accueille avec soulagement les débuts tant attendus du déploiement de 4-Flight. Il craint néanmoins que les difficultés liées au programme Coflight neutralisent une bonne partie des apports attendus de l'outil 4-Flight.

Le rapporteur spécial se félicite par ailleurs de la nouvelle approche pragmatique adoptée par la DSNA et visant à réduire au minimum les spécifications parfois superfétatoires et propres à chaque centre en route. Cet effort de rationalisation semble s'inscrire plus généralement dans une nouvelle stratégie d'investissements de la DSNA qui vise à aboutir rapidement à des résultats tangibles et à des gains de performance effectifs. Une logique similaire a semblé prévaloir quant à la réorganisation du programme Sysat.

4. Le programme Sysat a été profondément réorganisé et opportunément rationalisé

Le programme Sysat G1 consiste en une modernisation des systèmes de contrôle de la navigation aérienne ou ATM (pour air traffic management ) des tours de contrôle des aéroports ainsi que des centres d'approche de la région parisienne.

Dans le cadre de l'exercice de réexamen global des investissements de la DSNA et face aux difficultés rencontrées par l'industriel SAAB-CS pour livrer à temps et simultanément les dispositifs prévus pour les aéroports de Roissy-Charles-de-Gaule et Orly, le programme Sysat a été profondément remanié.

Cette réorganisation s'est traduite par une approche dissociée pour les deux aéroports et par une rationalisation du projet. La DSNA a demandé à l'industriel de se concentrer sur le seul aéroport d'Orly pour mettre en service, d'ici aux jeux olympiques de 2024, le système standard I-ATS déjà opérationnel sur d'autres plateformes aéroportuaires telles que Dublin, Stockholm ou encore Istanbul.

Concernant l'aéroport Roissy-Charles-de-Gaulle, face au constat d'impasse de la précédente approche, il a été décidé à court terme de revoir le programme à la baisse pour ne poursuivre qu'un objectif de sécurisation du système actuel de surveillance au sol, là encore d'ici aux jeux olympiques de 2024.

Compte-tenu de cette réorganisation profonde du projet, sa trajectoire de financement et son coût global sont en cours de révision .

Si le rapporteur spécial regrette qu'il ait été nécessaire d'en arriver là, il considère que les choix effectués par la DSNA sont rationnels et nécessaires. Il se félicite également de sa nouvelle approche stratégique qui la conduit désormais à faire le choix de systèmes « sur étagères », robustes , qui ont fait leur preuve ailleurs et qui sont prêts à être déployés dans des délais raisonnables plutôt que la conception de projets propres, aux spécifications multiples, sources de dérives des coûts et des délais ainsi que d'une fiabilité moins garantie.

C. LA DETTE CONSIDÉRABLE ACCUMULÉE PAR LE BACEA DEVRAIT AMORCER SA DIMINUTION EN 2023

En raison de la baisse du trafic provoquée par la crise financière, la dette du BACEA avait culminé à 1,3 milliard d'euros en 2014. Après une phase de désendettement, celle-ci était retombée à 667,4 millions d'euros au 31 décembre 2019. En raison de l'effondrement du trafic aérien provoqué par la pandémie de Covid 19, la dette du BACEA s'est non seulement reconstituée mais elle a atteint des proportions inédites. Au 31 décembre 2021, elle avait ainsi atteint 2,7 milliards d'euros.

En loi de finances initiale pour 2022, la prévision de recours à l'emprunt qui avait été retenue pour le BACEA s'élevait à 709,5 millions d'euros . Les besoins du budget annexe devraient finalement être bien moindres et, après deux tirages déjà réalisés pour un montant total de 352 millions d'euros, il ne devrait plus avoir à recourir à l'emprunt d'ici la fin de l'année. L'encours de dette prévisionnel du BACEA à la fin de l'année 2022 devrait ainsi se stabiliser à 2,7 milliards d'euros contre une prévision initiale de 3 milliards d'euros en loi de finances initiale pour 2022.

La DGAC estime à ce stade que le BACEA pourrait devoir emprunter 256,6 millions d'euros en 2023.

Au regard des remboursements d'emprunts prévus, d'après les estimations de la DGAC, l'encours de dette du BACEA pourrait ainsi se replier à 2,6 milliards d'euros au 31 décembre 2023 .

Évolution de l'endettement du budget annexe de 2008 à 2023

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat d'après les réponses au questionnaire budgétaire

Selon les prévisions de trafic retenues à ce jour par la DGAC, le désendettement du BACEA devrait se poursuivre après 2023 pour se rétracter à 1,3 milliard d'euros en 2027 .

Prévisions de désendettement du BACEA d'après l'analyse prospective
de la DGAC (2022 et 2027)

(en millions d'euros)

Source : réponses au questionnaire budgétaire

LES MODIFICATIONS CONSIDÉRÉES COMME ADOPTÉES PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE EN APPLICATION DE L'ARTICLE 49, ALINÉA 3 DE LA CONSTITUTION

Les crédits du programme « Expertise, information géographique et météorologie » de la mission « Écologie, développement et mobilité durables » et ceux du budget annexe « Contrôle et exploitation aériens » n'ont pas été modifiés par le texte sur lequel le Gouvernement a engagé sa responsabilité en application de l'article 49 alinéa 3 de la Constitution.

EXAMEN EN COMMISSION

Réunie le mercredi 16 novembre 2022, sous la présidence de M. Claude Raynal, président, la commission des finances a procédé à l'examen des crédits consacrés aux transports terrestres et au transport aérien de la mission « Écologie, développement et mobilité durables » et du budget annexe « Contrôle et exploitation aériens »

M. Hervé Maurey , rapporteur spécial de la mission « Écologie, développement et mobilités durables » sur les programmes « Infrastructures et services de transports », « Affaires maritimes, pêche et aquaculture » et « Charge de la dette de SNCF Réseau reprise par l'État » . - Nous allons vous présenter, à deux voix, les programmes 203 « Infrastructures et services de transports », 205 « Affaires maritimes, pêche et aquaculture » et 355 « Charge de la dette de SNCF Réseau reprise par l'État » de la mission « Écologie, développement et mobilité durables ».

En règle générale, les programmes budgétaires que nous vous présentons aujourd'hui affichent une grande continuité.

Cela pourrait sembler cohérent et même rassurant, dans la mesure où les investissements dans les infrastructures de transport sont, par nature, des opérations pluriannuelles de longue haleine, systématiques, qui exigent de la constance. Et pourtant, cette situation nous inquiète, car nos travaux, au cours de nos missions de contrôle ou lors de l'examen des lois de finances, nous ont permis de constater à quel point les besoins d'investissements dans les infrastructures de transport sont criants, et à quel point ces infrastructures sont dégradées. Nous sommes d'autant plus préoccupés que cette situation tend à s'aggraver, le réseau ferroviaire en est le meilleur, ou devrais-je dire, le pire des exemples.

Le Gouvernement avait annoncé un signe sur les infrastructures ferroviaires et en avait même fait mention, mais nous l'avons cherché en vain. Pire, le ministre a annoncé devant la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable un objectif bien modeste quand on connaît l'état de dégradation du réseau : son maintien au niveau actuel dans les prochaines années. Cet objectif se révèle de surcroît assez improbable et inatteignable en raison de l'impact de l'inflation, dont nous reparlerons.

Le Gouvernement nous renvoie à l'année prochaine, dans l'attente des travaux du Conseil d'orientation des infrastructures (COI) qui devront conduire à une nouvelle programmation de financement présentée au Parlement d'ici au milieu de l'année 2023 comme l'impose la loi d'orientation des mobilités (LOM). Les travaux du COI seront déterminants, mais on sait déjà qu'ils impliqueront un véritable exercice de confrontation à la réalité : celle d'un mur d'investissements colossal, un mur qu'il nous faudra gravir, car nous n'aurons pas d'alternative.

Cette nouvelle programmation devra répondre aux engagements environnementaux et climatiques.

À cet égard, il est déjà clair que l'enveloppe qui avait été prévue par la LOM pour la période 2023-2027 est nettement insuffisante. Aussi, pour soutenir les projets des collectivités dans le cadre des CPER, la direction générale des infrastructures, des transports et de la mer (DGITM) nous a clairement affirmé que l'enveloppe financière qui avait été envisagée était loin de répondre aux besoins.

Enfin, cette continuité apparente nous préoccupe d'autant plus dans une période actuelle d'inflation où les coûts des chantiers explosent. Le maintien des trajectoires de financements en euros courants serait une catastrophe notamment pour la régénération du réseau ferroviaire. Alors que les investissements sont déjà notoirement insuffisants, les conséquences de l'inflation pourraient se chiffrer à 500 millions d'euros en année pleine.

Dans le rapport que nous vous avions présenté en février dernier, nous vous avions dit tout le mal que l'on pensait du contrat de performance de SNCF Réseau, que nous avions qualifié de « contrat de contre-performance ». Depuis, ce contrat a été signé en catimini en avril dernier. S'il n'est pas révisé en urgence, notre réseau ferroviaire pourrait se déliter et les ralentissements récurrents que l'on observe jusqu'ici principalement sur les petites lignes qui avaient été délaissées par l'État pourraient se diffuser sur les lignes les plus empruntées, selon le président de la SNCF lui-même.

Comme vous le savez, les investissements dans les infrastructures de transports et le respect des trajectoires fixées par la LOM dépendent très largement du budget de l'Agence de financement des infrastructures de transport de France (Afitf).

Cette agence continue de pâtir du décalage manifeste qui existe entre le caractère certain de ses dépenses, par nature pluriannuelles, et la grande volatilité de certaines de ses recettes, au premier rang desquelles les amendes radars. Cette année le problème se pose avec moins d'acuité qu'au coeur de la crise sanitaire et le projet de loi de finances rectificative (PLFR) actuellement en discussion ne prévoit de majorer les recettes de l'Afitf qu'à hauteur de 7 millions d'euros. Par ailleurs, l'augmentation de 660 millions d'euros du plafond d'affectation d'accise sur les produits énergétiques, l'ancienne taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE), va dans le bon sens et consolide le panier de recettes de l'agence.

Par contre, comme nous vous l'avons déjà signalé l'an dernier, nous sommes scandalisés par l'attitude des sociétés d'autoroute qui, parce qu'elles sont en conflit avec l'État sur l'indexation de la taxe d'aménagement du territoire, refusent de verser une contribution annuelle de 60 millions d'euros qu'elles doivent à Afitf. Malheureusement, tout indique que les contentieux en cours ne seront pas réglés en 2023 et que le budget de l'agence sera à nouveau amputé de cette somme.

Par ailleurs, nous avons été très surpris d'apprendre que, cette année, l'Afitf n'a pas été limitée par ses recettes, mais bien par sa capacité à dépenser les crédits qui lui sont alloués. Cette situation est ubuesque au regard des besoins d'investissements dans les infrastructures de transports : alors que nous avons des besoins phénoménaux, nous ne parvenons même pas à employer tous les crédits dont nous disposons.

Les crédits du plan de relance sont les plus touchés, et pas les moins essentiels, puisque le taux de sous-consommation des investissements dans la rénovation des lignes capillaires de fret est le plus impressionnant. Sur les projets relevant du plan de relance, il apparaît évident que de nombreux maîtres d'ouvrages ont présenté des calendriers beaucoup trop optimistes, voire irréalistes. Ce phénomène nous conduit à cette situation tout à fait regrettable et frustrante à laquelle il faudra absolument remédier à l'avenir.

Il faut également noter que, depuis 2020, ce sont les crédits du plan de relance qui permettent de respecter bon an mal an les trajectoires prévues par la LOM, car ils permettent notamment d'apporter les financements nécessaires à des opérations qui ne faisaient pas partie du périmètre envisagé par la LOM. Il s'agit en particulier du canal Seine-Nord Europe et de la ligne ferroviaire Lyon-Turin qui aurait dû être financée à moyen constant, et donc au détriment de la trajectoire d'investissement prévue par la LOM.

En 2023, grâce aux crédits du plan de relance, le montant prévisionnel des dépenses de l'Afitf sera certes inédit, puisqu'il atteindrait 3,8 milliards d'euros, mais, compte tenu des révisions à la baisse qui interviennent de façon récurrente au fils des budgets rectificatifs chaque année, et tout particulièrement du dernier d'entre eux, nous préférons rester à ce stade au moins prudents, si ce n'est circonspects. Par ailleurs nous avons appris que l'État contribuera à hauteur d'au moins 282 millions d'euros aux surcoûts du projet ÉOLE, une somme imprévue qui pèsera sur les engagements de l'Afitf.

M. Stéphane Sautarel , rapporteur spécial de la mission « Écologie, développement et mobilités durables » sur les programmes « Infrastructures et services de transports », « Affaires maritimes, pêche et aquaculture » et « Charge de la dette de SNCF Réseau reprise par l'État » . - En dehors de quelques effets de périmètres, les crédits du programme 203 devraient rester très stables en 2023. Les financements dédiés à l'entretien du réseau routier national poursuivent leur progression et permettront de respecter l'objectif de la LOM.

Une nouvelle convention d'exploitation des trains intercités a été signée en avril dernier, pour un montant total de 1,7 milliard d'euros et l'État devrait verser 288 millions d'euros en 2023 à la SNCF au titre de l'exploitation des lignes pour lesquelles il est l'autorité organisatrice.

S'agissant des trains de nuit, les financements, notamment pour le renouvellement des matériels roulants, ne sont pas à la hauteur des enjeux.

Le projet de loi de finances pour 2023 maintient les nouvelles aides d'exploitation en faveur du fret ferroviaire qui avaient été instaurées en 2021. C'est heureux, car sans ces aides, nous n'atteindrons jamais l'objectif que l'on s'est fixé : doubler la part modale du fret ferroviaire d'ici à 2030, ce qui n'est pas garanti pour autant.

Cependant, les opérateurs de fret sont aujourd'hui directement menacés par le péril de la crise des prix de l'énergie. L'an dernier, une aide exceptionnelle de 26 millions d'euros avait permis de couvrir la moitié de leurs surcoûts. En 2023, selon toute vraisemblance, ces surcoûts devraient quadrupler pour atteindre 400 millions d'euros. Cette situation intenable pourrait mettre en péril le secteur. Aucune aide n'est prévue dans le projet de loi de finances (PLF) à ce stade, mais nous avons appris que le ministère des transports et le secteur échangent actuellement pour concevoir un dispositif qui aurait vocation à être mis en oeuvre au cours de l'année 2023.

Par ailleurs, les aides à l'exploitation ne suffiront pas pour atteindre l'objectif de doublement d'ici à 2030. L'enjeu majeur est celui de l'investissement dans les infrastructures. Environ 10 milliards d'euros sont nécessaires d'ici à cette date. Malheureusement, le contrat de performance de SNCF Réseau est très minimaliste, c'est le moins que l'on puisse dire, sur ce sujet, et nous avons appris que les projets de rénovation des lignes capillaires de fret, prévus dans le cadre du plan de relance, sont ceux qui souffrent des retards les plus prononcés.

Nous vous avons déjà fait part de notre profonde inquiétude s'agissant de la régénération du réseau ferroviaire compte tenu de son état de dégradation, inquiétude renforcée par l'effet de l'inflation. Mais au-delà, nous ne comprenons toujours pas qu'aucun financement ne soit prévu pour moderniser notre réseau. Nous parlons des programmes de commande centralisée du réseau et de l'équipement du système européen de gestion du trafic ferroviaire (ERTMS - European Rail Traffic Management System - ), deux innovations qui sont source de gains de performance considérables et que la plupart de nos voisins européens ont déjà déployées. Sans vouloir nous acharner, le contrat de performance de SNCF Réseau est parfaitement désarmant sur ce sujet puisqu'il indique que la modernisation du réseau ne sera accélérée que si des solutions de financement se présentent. Or le réseau ferroviaire français est aujourd'hui qualifié de point noir par nos voisins européens.

Depuis que la deuxième partie de la reprise de la dette de SNCF Réseau a été réalisée au 1 er janvier 2022, le programme 355 est passé en rythme de croisière et ne présente plus d'enjeux particuliers, notamment car la quasi-intégralité de la dette reprise est à taux fixe et non indexée sur l'inflation.

Le programme 205 est marqué cette année par une évolution de périmètre, puisqu'il intègre désormais les crédits relatifs aux pêches maritimes et à l'aquaculture. Cette évolution est la traduction budgétaire de la fusion entre la direction des affaires maritimes (DAM) et la direction des pêches maritimes et de l'aquaculture (DPMA). Cette fusion a donné naissance à la direction générale des affaires maritimes, de la pêche et de l'aquaculture (DGAMPA). En dehors de cette évolution, les crédits inscrits en 2023 présentent, là encore, une grande stabilité si ce n'est que le fonds d'intervention maritime (FIM), créé en 2022, est désormais isolé au sein d'une nouvelle action. En 2023, il sera doté de 15 millions d'euros.

Pour donner corps aux engagements pris dans le cadre du Fontenoy du maritime, et notamment l'objectif de doublement des promotions d'officiers navigants d'ici à 2027, les moyens de l'École nationale supérieure maritime (ENSM) continuent de progresser.

Le financement des exonérations de charges sociales patronales des entreprises d'armement représente près de 40 % des dépenses du programme. L'aide exceptionnelle aux ferries, instaurée en 2021 dans le cadre de la crise sanitaire, a été pérennisée sous la forme d'un soutien aux entreprises d'armement maritime (SEAM). Les crédits relatifs à la pêche et à l'aquaculture sont stables à 50 millions d'euros. Ils sont majoritairement composés des cofinancements nationaux dans le cadre des projets éligibles au Fonds européen pour les affaires maritimes, la pêche et l'aquaculture (Feampa).

En conclusion, même si les programmes dont nous avons la charge du suivi peuvent en apparence sembler satisfaisants, la réalité est tout autre puisqu'ils ne préparent en rien l'avenir et ignorent complètement le choc inflationniste.

Aussi, nous sommes défavorables aux crédits des programmes 203, 205 et 355 que nous vous avons présentés. S'agissant des autres programmes de la mission « Écologie, développement et mobilité durables », nous nous en remettons à nos collègues rapporteurs spéciaux.

M. Claude Raynal , président . - Il faut rappeler que cette présentation fait suite à plusieurs missions de contrôle des rapporteurs spéciaux qui ont été très relayées dans le débat public.

M. Philippe Tabarot , rapporteur pour avis de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable . - Les rapporteurs spéciaux ont eu des mots forts et justes. Notre commission est absolument en accord avec le constat qu'ils ont dressé dans leur rapport, qui se résume par cette phrase : « du fait d'investissements très insuffisants, et gravement menacés par l'inflation, l'avenir du réseau ferroviaire national est plus que jamais préoccupant. » Je pose maintenant la question suivante : que fait-on sur la base de ce constat ? Notre commission présentera un certain nombre d'amendements, que vous examinerez, je l'espère, avec bienveillance.

M. Vincent Capo-Canellas , rapporteur spécial de la mission « Écologie, développement et mobilités durables » sur le programme « Expertise, information géographique et météorologie » et le budget annexe « Contrôle et exploitations aériens » . - Je vais vous présenter le programme 159 « Expertise, information géographique et météorologie », qui inclut le Cerema, l'Institut national de l'information géographique et forestière (IGN) et Météo-France, ainsi que le budget annexe « Contrôle et exploitation aériens », c'est-à-dire les crédits de la direction générale de l'aviation civile (DGAC).

Le programme 159 regroupe les subventions pour charges de service public du Cerema, de l'IGN et de Météo-France.

Depuis des années j'avais pris l'habitude de vous réciter une litanie de baisses d'effectifs et de moyens financiers pour ces trois opérateurs. Cette tendance s'est prolongée de façon ininterrompue depuis plus de dix ans, de façon très préoccupante. Si je suis loin d'être optimiste, quelques éléments sont néanmoins positifs : la commission des finances a peut-être été entendue, c'est en tout cas ce que m'a affirmé le ministre Christophe Béchu. Ainsi l'IGN et Météo-France bénéficient d'un petit bol d'air frais. S'agissant du Cerema, un rapport du Conseil général de l'environnement et du développement durable (CGEDD) publié en 2021 avait livré une analyse pour le moins alarmiste sur les tendances à l'oeuvre au sein de l'opérateur. Une stabilisation budgétaire est à l'oeuvre, il en est de même pour les emplois.

Des trois opérateurs du programme, Météo-France est le plus affecté par la crise des prix de l'énergie car ses supercalculateurs sont particulièrement gourmands en électricité. L'opérateur pourrait ainsi constater un surcoût de 7 millions d'euros en 2023 au titre des tarifs de l'électricité. Je vous avais parlé d'un nouveau projet de supercalculateur l'année dernière : Météo-France a lancé ce projet qui devrait se concrétiser en 2026. Le coût total devrait approcher les 350 millions d'euros, soit 2,5 fois plus que le coût du précédent projet. Ce projet s'inscrit dans une véritable course à l'investissement informatique mais Météo-France a choisi de le décaler d'un an.

Le mois dernier, je vous ai présenté la mue qu'est en train de réaliser l'IGN. L'établissement devait se transformer pour ne pas être marginalisé, voire disparaître. Il est en train de se transformer dans un sens qui paraît adapté : les tutelles semblent avoir compris qu'il fallait desserrer un peu la contrainte budgétaire, et en particulier s'agissant des effectifs. C'est le cas pour ce PLF et je m'en félicite, même si ces tendances sont fluctuantes. L'IGN a d'ailleurs pu sécuriser sa trajectoire budgétaire jusqu'en 2024, en signant un engagement pluriannuel d'objectifs et de moyens (Epom) avec la direction du budget. Le nouveau modèle économique de l'IGN, parce qu'il repose sur l'obtention de grands contrats d'accompagnement de politiques publiques, n'est pourtant pas sans risque, et il nous faudra en évaluer la viabilité.

J'ai été impressionné de voir l'évolution du Cerema ces dernières années, sa résilience et sa capacité à surmonter les crises. Si sa situation est loin d'être idéale, il revient indiscutablement de loin. Il a retrouvé une dynamique positive et se projette à nouveau, notamment dans son nouveau modèle de quasi-régie conjointe entre l'État et les collectivités prévu par la loi relative à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l'action publique locale (3DS). Ce nouveau modèle doit permettre au Cerema d'avoir un partenariat avec les collectivités locales - il faudra suivre au printemps ce mouvement positif bien engagé. Dans ce cadre, le Cerema aura sans doute besoin de renforts d'effectifs, et il faudra peut-être décorréler le plafond d'effectifs du plafond de la subvention pour charges de service public, si toutefois cette stratégie est possible.

J'en viens à présent au budget annexe « Contrôle et exploitation aériens » (Bacea). Dans la mesure où il est exclusivement financé par le secteur du transport aérien, vous comprendrez que son équilibre budgétaire a pu être quelque peu malmené ces dernières années avec la crise du covid.

Si la tendance à la reprise du trafic se fait sentir, cette année, celui-ci pourrait néanmoins rester inférieur de 20 % à son niveau d'avant-crise. Ainsi, l'impact sur les recettes n'est pas à minimiser. Il faut garder à l'esprit qu'il existe un dispositif de rattrapage, lissé sur sept ans, des conséquences de la crise sur le trafic. Ainsi, les redevances de navigation aérienne ont été gelées lors de la baisse du trafic, mais il ne s'agissait que d'un gel : le rattrapage a bien lieu. Je pense que l'État aurait pu considérer que les compagnies n'avaient quasiment pas utilisé les services de la direction des services de la navigation aérienne (DSNA) et aurait pu prendre en charge une partie des coûts fixes du contrôle aérien. Mais il n'en est rien. Un sujet existe donc en matière de compétitivité des compagnies : celles-ci doivent payer davantage aujourd'hui, alors que le trafic n'est pas totalement rétabli et que le coût de l'énergie est en hausse. J'ai d'ailleurs le même avis s'agissant du financement des missions, régaliennes s'il en est, de sûreté et de sécurité aéroportuaires.

L'amélioration de la qualité du service délivré par la DSNA passera avant tout par l'aboutissement des grands programmes de modernisation de la navigation aérienne. Ainsi, le programme 4-Flight, qui va permettre de moderniser l'ancien système Cautra, a été mis en place depuis le mois d'avril dans l'un des cinq centres en route de la navigation aérienne (CRNA). Ce système doit permettre de nous mettre à niveau par rapport à nos voisins européens, et de faire naviguer davantage d'avions en même temps. Si la DGAC a peu communiqué sur le sujet, on m'a annoncé une visite symbolique du ministre d'ici la fin du mois. Une version 2 du programme 4-Flight, corrigée des petits problèmes identifiés dans la phase de déploiement, sera probablement mise en oeuvre pendant le premier trimestre de l'année 2023.

Par ailleurs, le programme Coflight, qui rassemble beaucoup d'attentes, doit également permettre de gérer les plans de vol. Or ce programme connaît actuellement des difficultés, empêchant ainsi 4-Flight de prendre toute sa mesure. Il faut néanmoins souligner la qualité du travail de la DGAC dans le cadre de la gestion de ces programmes.

S'agissant des ressources humaines, la DGAC va relancer, au début de l'année 2023, les négociations pour un nouveau protocole social. Les protocoles qu'elle met en place depuis plusieurs années sont censés être de type « gagnant-gagnant ». Si d'un côté des mesures catégorielles sont accordées aux contrôleurs, ces programmes doivent aussi générer des gains de productivité ainsi qu'une plus grande flexibilité dans l'organisation du travail, une évolution d'autant plus nécessaire que le flux de trafic est devenu plus irréguliers avec des creux et des pointes accentués. Ces protocoles sont coûteux, et je ne suis pas certain qu'il faille employer ce modèle qui relève bien d'avantage d'un accord « gagnant-perdant », au détriment de l'État. Nous serons très vigilants sur ce point lors de la négociation qui aura lieu au début de l'année 2023.

Ce n'est finalement pas cette crise qui fera passer la dette du Bacea au-delà des 3 milliards d'euros, sauf si le trafic se dégrade à nouveau. Cette dette commencera vraisemblablement à décroître en 2023, mais ce sujet reste incertain.

Enfin, je ne peux faire abstraction aujourd'hui du défi de la transition écologique du secteur aérien. Vous savez que le Conseil pour la recherche aéronautique civile (Corac) a la particularité de réunir les industriels, les grands donneurs d'ordre et les pouvoirs publics. Ce conseil opère des choix technologiques et finance des programmes de longue durée. La Cour des comptes l'a souligné dans le rapport qu'elle nous a présenté en février dernier au titre de l'article 58-2 de la loi organique relative aux lois de finances (LOLF) : des financements publics conséquents sont nécessaires sur le long terme. Or il semble, d'après les premières projections, que les moyens du Corac retomberaient à leur niveau d'avant la crise dès l'année 2025. Il faudra que nous étudiions les moyens d'outiller ce secteur.

Par ailleurs, je veux insister sur un point essentiel. Si à long terme des ruptures technologiques peuvent apporter des solutions, à court et moyen terme, seuls les carburants durables d'aviation (« SAF » en anglais pour sustainable aviation fuel ), nous permettront de réduire sensiblement les émissions du secteur aérien. Ainsi, avec ces carburants et les appareils dernier cri, nous sommes capables de réduire les émissions de 80 %. Je m'étonne donc que la France ne mette pas plus de moyens pour produire des carburants d'aviations durables, notamment les plus prometteurs d'entre-eux, les carburants synthétiques.

Ce PLF prévoit notamment de renforcer le dispositif de la taxe incitative relative à l'incorporation d'énergie renouvelable dans les transports (Tiruert) pour l'aérien quand bien même la filière de SAF nationale n'est pas mature. Ce choix pose question, mais dans ce contexte, revoir la trajectoire de la Tiruert serait un très mauvais signal et je suis plutôt favorable à inciter les compagnies et à travailler à développer la filière des carburants durables.

Puisqu'ils permettent notamment de maintenir l'effort indispensable visant à mettre en oeuvre les grands programmes de modernisation de la navigation aérienne, je souhaite que la commission propose au Sénat d'adopter les crédits du budget annexe.

En ce qui concerne le programme 159, je suis favorable à l'adoption des crédits de la mission « Écologie, développement et mobilité durables ».

M. Jean-François Husson , rapporteur général . - S'agissant du rapport des rapporteurs spéciaux Hervé Maurey et Stéphane Sautarel, le sujet du gaspillage de l'argent public revient sur la table. Il faut souligner que le Parlement a également pointé des insuffisances qui concernent les opérateurs publics et l'État : le problème de l'état du réseau ferroviaire, la nécessité de sa modernisation. Tous ces constats révèlent une absence de choix et de vision stratégique : il faut mettre des moyens pour que les lignes régulières et les autres dites capillaires soient suffisamment entretenues pour ne pas créer de blocage sur le réseau. Quelles sont les solutions à court terme pour inverser cette tendance ?

En ce qui concerne le rapport du rapporteur spécial Vincent Capo-Canellas, s'il semble que nous ayons été entendus sur le sujet de Météo-France, il s'agit en réalité peut-être d'un effet a posteriori car ce sont les faits qui ont donné raison à ce rapport.

M. Michel Canévet . - Quel est l'intérêt de conserver l'Afitf, sinon de débudgétiser les crédits ? Le fonds d'intervention maritime (FIM) est-il suffisamment doté pour accompagner les nécessaires projets de décarbonation des navires de pêche ?

M. Marc Laménie . - S'agissant de Voies navigables de France (VNF), qu'en est-il des effectifs et des moyens humains ? Le trafic des péniches est de moins en moins important sur les petits réseaux, en dehors du tourisme fluvial.

Par ailleurs, en ce qui concerne le rapport d'information sur la situation de la SNCF et ses perspectives, qui a été présenté le 9 mars 2022, qu'en est-il des dix-neuf recommandations que vous aviez émises ? Si le ministre délégué se veut rassurant sur la question du ferroviaire, vos recommandations portaient notamment sur la complexité du partenariat SNCF Réseau, SNCF Mobilités et SNCF Gares et Connexions. Je m'interroge toujours sur le financement, qui émane certes de l'État, mais aussi des régions, des départements, des intercommunalités, voire des communes. On peut également questionner les ouvrages d'art, le fret capillaire dans le contexte d'inflation.

M. Jean-Marie Mizzon . - Je m'étonne de la sous-consommation des crédits d'engagement. La crise a pu avoir des effets sur la réalisation des opérations, mais a-t-elle eu des impacts sur les projets ?

M. Jean-Claude Requier . - S'agissant du programme 4-Flight, j'ai noté que le système a été déployé à Reims et qu'il doit l'être, le 6 décembre, à Aix-en-Provence. Or cette ville représente une forme de noyau dur qui résiste aux évolutions du point de vue du contrôle aérien. Qu'est-il exactement prévu dans ce contexte ?

M. Jérôme Bascher . - J'avais compris que la SNCF prévoyait ses travaux entre deux et quatre ans à l'avance, ce qui permet d'anticiper la programmation financière. Ainsi, comment peut-on arriver à un décalage de 500 millions d'euros alors que tout est programmé d'avance ?

Mme Christine Lavarde , rapporteur spécial . - S'agissant de Météo-France, et concernant la mesure de l'évolution de l'hydratation des sols, un aspect déterminant dans le cadre de la couverture du risque retrait-gonflement des argiles (RGA) nous avons aujourd'hui un système qui donne des informations sur un trop grand rayon, ce qui nuit à la précision. Cette maille est trop grande pour disposer d'informations suffisamment précises dans le cadre de la procédure de reconnaissance d'une commune en situation de catastrophe naturelle. Est-ce que Météo-France réfléchit à améliorer son dispositif ?

Par ailleurs, on constate un véritable engorgement des aéroports pour leur partie gérée par Aéroports de Paris. En effet, les effectifs ne sont pas revenus à leur niveau antérieur à la crise du covid. Comment l'État peut-il agir sur ce sujet ?

M. Hervé Maurey , rapporteur spécial . - Comme l'a sous-entendu le rapporteur général, la situation se répète effectivement et s'aggrave du fait de l'inflation et des objectifs du Gouvernement de moins en moins ambitieux. Nous allons essayer de maintenir le niveau des infrastructures dans les cinq années qui viennent, alors que nous savons que celles-ci sont deux fois plus vieilles en moyenne que celles de nos principaux partenaires. Il s'agit d'un point très inquiétant. Il a été ainsi estimé que la modernisation du réseau pourrait être effective à l'horizon de l'année 2070, ce qui est peu encourageant.

Dans ce contexte, que peut-on faire ? Il faudrait être en capacité d'abonder les crédits à hauteur de 1 milliard d'euros par an pour la SNCF. Ce chiffre rejoint l'appel des présidents de régions et du président de la SNCF. Néanmoins, cela ne suffirait pas pour financer la modernisation, qui est évaluée à 35 milliards d'euros. Mais nous avions noté dans notre rapport un retour sur investissement indiscutable.

S'agissant de l'Afitf, qui reçoit souvent des critiques, notamment de la part de la Cour des comptes qui pointe son manque de rigueur budgétaire, il faut souligner que l'agence a le mérite de sanctuariser des crédits sur l'investissement.

En ce qui concerne nos recommandations émises dans le rapport d'information, nous avons le sentiment, monsieur Laménie, que, malheureusement, celles-ci n'ont pas été prises en compte. Le ministre avait évoqué la possibilité d'un effort pour le système ferroviaire, mais, comme nous l'avons dit, nous n'avons rien trouvé en ce sens dans le PLF.

Monsieur Mizzon, le décalage sur les autorisations d'engagement est lié essentiellement aux appels à projets qui sont restés sans réponse. Sur le sujet des paiements, monsieur Bascher, il apparaît que les factures envoyées par les collectivités tardent à arriver. Nous avons suggéré que ces envois soient davantage contraints, afin de donner à l'Afitf une meilleure lisibilité de ses dépenses.

M. Stéphane Sautarel , rapporteur spécial . - Je compléterai en signalant que nous avons découvert, dans le cadre des auditions, que l'Afitf remboursait ces dernières années une dette en direction de SNCF Réseau, ce qui explique la bonne exécution des exercices précédents et l'exécution de son budget à 100 %. Mais cette dette est désormais apurée. De plus, s'agissant de l'externalisation de la dépense, il existe effectivement un enjeu lié à l'affectation de ressources pérennes pour sortir de l'annualité budgétaire. Cet objectif de l'Afitf n'est d'ailleurs pas totalement rempli par rapport à certains aléas sur ses ressources.

En ce qui concerne les possibilités de financement de la modernisation évoquées par le rapporteur général, nous pourrions réfléchir à des innovations dans le montage d'investissements, notamment pour ceux qui permettent un retour rapide sur investissement.

Monsieur Laménie, VNF est confronté à un problème d'effectifs : la structure de la pyramide des âges engendre des départs que l'on compense par des emplois en contrats à durée déterminée (CDD). Néanmoins, seules 20 personnes en CDD ont été autorisées en 2023, contre les 60 CDD demandés.

S'agissant du FIM, il faut dire que si celui-ci a surtout pour objectif de répondre à des projets territoriaux, grâce à une enveloppe d'environ 15 millions d'euros, il n'est pas directement dédié à la transition énergique du parc, même s'il peut y contribuer. De plus, les difficultés manifestes portent avant tout sur les alternatives sur un plan technique pour la transition énergétique du parc de bateaux.

M. Vincent Capo-Canellas , rapporteur spécial . - Je resterai modeste quant à la prise en compte de nos recommandations. S'agissant du programme 159, le ministère avait fait porter le poids des réductions budgétaires sur ce programme durant des années, pour enfin, le revaloriser aujourd'hui. De plus, les crises climatiques, à l'image de celles qui sont survenues en Corse, ont contribué à cette prise de conscience. Néanmoins, il faut rester vigilant.

Comment Météo-France contribue-t-elle à l'objectivation du phénomène de retrait-gonflements des sols et à la précision de la déclaration de catastrophe naturelle ? J'avoue ne pas avoir étudié de près cette question - j'interrogerai Météo-France sur ce point.

S'agissant des contrôleurs aériens et du déploiement du programme 4-Flight à Aix-en-Provence, je me réjouis de ce démarrage le 6 décembre prochain malgré la conflictualité évoquée. L'objectif d'harmonisation des programmes entre les centres facilitera grandement la gestion, le suivi et la maintenance. Ce programme devrait donner la possibilité de tracer des routes aériennes plus droites permettant de réduire les émissions de CO 2 et d'éviter les retards.

Par ailleurs, la situation à l'aéroport de Paris-Charles-de-Gaulle est effectivement très critique. L'effectif des fonctionnaires de la direction centrale de la police aux frontières (DCPAF) est nettement inférieur à ce qu'il était avant la crise du covid. J'ai d'ailleurs proposé au président Claude Raynal de demander au ministère de l'intérieur le rapport portant sur l'évolution du nombre de fonctionnaires de la DCPAF. Nous devons y voir plus clair, notamment dans la perspective de la Coupe du monde de rugby et des jeux Olympiques et Paralympiques.

J'ajoute enfin qu'un système d'automatisation des contrôles de passagers, appelé système d'entrée-sortie (EES), doit être mis en place. Ce système pose un problème de délai traitement et risque donc de complexifier un peu plus la situation ; nous interrogerons le ministère de l'intérieur sur ce point.

Mme Christine Lavarde , rapporteur spécial . - Les amendements de crédits II-11 et II-12 concernent d'une part la réduction de 250 millions d'euros sur les subventions pour charges de service public au sein du programme 345, afin de tenir compte de la réévaluation des charges de service public de l'énergie par la Commission de régulation de l'énergie (CRE) dans sa délibération du 3 novembre 2022 ; et d'autre part, la réduction de 500 millions d'euros au sein du programme 174 porte sur les crédits relatifs au bonus et à la prime à la conversion. L'objectif est d'attendre que l'industrie européenne, et surtout française, soit en ordre de marche, ce qui sera le cas à la fin de l'année 2023 ou au début de l'année 2024.

L'amendement II-11 a été adopté.

L'amendement II-12 a été adopté.

M. Hervé Maurey , rapporteur spécial. - S'agissant des crédits de la mission « Écologie, développement et mobilités durables », avec mon collègue Stéphane Sautarel, nous nous abstenons.

M. Vincent Capo-Canellas , rapporteur spécial . - Je suis favorable à l'adoption des crédits de la mission en raison de l'amélioration relative du programme dont je suis chargé.

La commission a décidé de proposer au Sénat d'adopter les crédits de la mission « Écologie, développement et mobilités durables », sous réserve de l'adoption de ses amendements.

La commission a décidé de proposer au Sénat d'adopter les crédits du budget annexe « Contrôle et exploitation aériens ».

*

* *

Réunie à nouveau le jeudi 17 novembre 2022, sous la présidence de M. Claude Raynal, président, la commission a confirmé ses décisions.

LISTE DES PERSONNES ENTENDUES

Direction du budget - 4ème sous-direction

- M. Laurent PICHARD, sous-directeur ;

- Mme Élisabeth de COUËSSIN, adjointe de la cheffe du bureau du développement durable ;

- M. Nicolas FIEVET, adjoint du chef du bureau des transports.

Direction générale de l'aviation civile (DGAC)

- M. Damien CAZÉ, directeur général de l'aviation civile ;

- M. Marc BOREL, directeur général adjoint, directeur du transport aérien ;

- Mme Marie-Claire DISSLER, secrétaire générale ;

- Mme Géraldine CECCONI, sous-directrice des affaires financières et du contrôle de gestion au secrétariat général ;

- M. Edouard GAUCI, adjoint à la secrétaire générale ;

- M. Frédéric GUIGNIER, directeur de la stratégie et des ressources à la DSNA ;

- M. Jean GOUADAIN, directeur de cabinet du directeur général.

Air France - KLM

- Mme Anne-Marie COUDERC, présidente du conseil d'administration ;

- Mme Marianne SIEG de MAINTENANT, directrice des affaires institutionnelles et internationales ;

- M. Aurélien GOMEZ, directeur des affaires parlementaires et territoriales.

Groupe Aéroports de Paris (ADP)

- M. Augustin de ROMANET, président directeur général ;

- M. Mathieu CUIP, directeur des affaires publiques.

Météo-France

- Mme Virgine SCHWARZ, présidente directrice générale ;

- M. Philippe GONZALEZ, secrétaire général.

Autorité de contrôle des nuisances aéroportuaires (ACNUSA)

- M. Gilles LEBLANC, président ;

- M. Philippe GABOULEAUD, secrétaire général.

Union des aéroports français (UAF)

- M. Thomas JUIN, président ;

- M. Nicolas PAULISSEN, délégué général.

Fédération nationale de l'aviation et de ses métiers (FNAM)

- M. Alain BATTISTI, président ;

- M. Laurent TIMSIT, délégué général.

Centre d'études et d'expertise sur les risques, l'environnement, la mobilité et l'aménagement (CEREMA)

- M. Pascal BERTEAUD, directeur général.

LA LOI EN CONSTRUCTION

Pour naviguer dans les rédactions successives du texte, le tableau synoptique de la loi en construction est disponible sur le site du Sénat à l'adresse suivante :

http://www.senat.fr/dossier-legislatif/pjlf2023.html


* 1 Rapport d'information n° 840 (2020-2021) de M. Vincent Capo-Canellas, fait au nom de la commission des finances, déposé le 22 septembre 2021.

* 2 Le numéro de téléphone payant d'information météorologique.

* 3 Tous types confondus.

* 4 Régie par le décret n° 2008-368 du 17 avril 2008.

* 5 Institué à titre expérimental pendant cinq ans par la loi de transformation de la fonction publique n° 2019-828 du 6 août 2019 et précisé par le décret n° 2019-1593 du 31 décembre 2019.

* 6 Le décret n° 2011-1371 du 27 octobre 2011 précise les statuts et le fonctionnement de cet établissement public administratif.

* 7 Rapport d'information n° 17 (2022-2023) de M. Vincent Capo-Canellas, fait au nom de la commission des finances, novembre 2022.

* 8 De 2020 à 2024.

* 9 En 2021, la SCSP historique a été complétée d'une dotation exceptionnelle de 2,9 millions d'euros pour compenser la migration informatique du géoportail, portant ainsi les crédits affectés à l'IGN depuis le programme 159 à 87,9 millions d'euros.

* 10 C'est-à-dire, en tenant compte de la réserve de précaution.

* 11 Dont 36,2 millions d'euros pour le FTAP et 27,1 millions d'euros pour le plan de relance.

* 12 Sans compter les 60 ETPT qui contribuent temporairement à la mission « RPG îlots » du ministère de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire.

* 13 « Le rôle du Cérema en matière d'appui aux collectivités territoriales : renforcer son activité au bénéfice des collectivités locales », juin 2021.

* 14 Les prévisions étaient de 4,2 % par an avant la crise.

* 15 En ligne sur le site internet du ministère de la transition écologique et de la cohésion des territoires.

* 16 Soutien public à la filière aéronautique : des aides d'urgence efficaces, une transformation à accélérer, rapport d'information de M. Vincent Capo-Canellas, fait au nom de la commission des finances n° 538 (2021-2022), 23 février 2022.

* 17 Le GIFAS ayant été associé à l'élaboration du plan.

* 18 Concernant plus de 170 équipementiers, ETI et PME et 34 organismes de recherche.

* 19 Aussi appelés e-fuel ou power-to-liquid.

* 20 À périmètre constant, c'est-à-dire après retraitement des opérations en capital de la dette qui, conformément aux dispositions de l'article 18 de la loi organique relative aux lois de finances (LOLF) adoptée dans le cadre de la loi organique n° 2021-1836 du 28 décembre 2021 relative à la modernisation de la gestion des finances publiques, sont considérées comme des opérations de trésorerie et ne sont plus retracées parmi les crédits budgétaire du programme 613.

* 21 Désormais dénommée tarif de l'aviation civile de la taxe sur le transport aérien de passager (article L. 422-20 du code des impositions sur les biens et services).

* 22 Troisième période de référence.

* 23 Ces redevances ont été instaurées par l'article 120 de la loi n° 2004-1485 du 30 décembre 2004 de finances rectificative pour 2004 codifié à l'article L. 611-5 du code de l'aviation civile.

* 24 Depuis le 1 er janvier 2016, les recettes de TAC sont intégralement affectées au BACEA.

* 25 Destinée à couvrir le coût des missions d'intérêt général assurées sur l'aéroport franco-suisse de Bâle-Mulhouse par la DGAC, cette taxe est acquittée par les passagers et le fret à l'arrivée et au départ de cette plateforme.

* 26 Prévue à la section 4 du chapitre II du titre II du livre IV de la partie législative du code des impositions sur les biens et services (CIBS).

* 27 Le niveau des frais de gestion correspond à 0,5% du produit des taxes concernées.

* 28 Au même titre que les tarifs de l'aviation civile, de solidarité et de péréquation aéroportuaire.

* 29 Dont le régime juridique était prévu à l'article 1609 quatervicies du code général des impôts.

* 30 Dans le cadre de la loi n° 2020-935 du 30 juillet 2020 de finances rectificative pour 2020.

* 31 Par la loi n° 2020-1721 du 29 décembre 2020 de finances pour 2021.

* 32 Dans le cadre de la loi n° 2021-1900 du 30 décembre 2021 de finances pour 2022.

* 33 Retards du contrôle aérien, la France décroche en Europe, rapport d'information n° 568 (2017-2018) réalisé au nom de la commission des finances du Sénat par Vincent Capo-Canellas, rapporteur spécial du budget annexe « Contrôle et exploitation aériens ».

* 34 La courbe rouge représente les retards constatés en 2019 (année de référence), la courbe bleue les retards constatés au cours des 7 premiers mois de 2022 et la courbe verte les retards constatés au cours des 7 premiers mois de l'année 2022 retraités des conséquences du déploiement de 4-Flight au centre en route de Reims.

* 35 Plus de 70 % des agents de la DGAC appartiennent à la filière technique et opérationnelle : ingénieurs du contrôle de la navigation aérienne (ICNA), ingénieurs électroniciens des systèmes de la sécurité aérienne (IESSA) et techniciens des études et d'exploitation de l'aviation civile (TSEEAC). La DGAC comprend également, entre autres, des adjoints d'administration, des ouvriers d'État ou bien encore des ingénieurs des études et d'exploitation de l'aviation civile (IEEAC).

* 36 Ce protocole avait été signé par quatre organisations syndicales représentatives (UNSA-DD, SNCTA, SPAC-CFDT et FEETS-FO) représentant 72 % des personnels de la DGAC.

* 37 Consacré à « la politique RH de la direction générale de l'aviation civile (DGAC) ».

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