C. UNE UTILISATION DES CRÉDITS PERFECTIBLE

1. Des crédits toujours insuffisamment mobilisés

Le retard pris dans le décaissement des crédits européens constitue un sujet récurrent, en particulier s'agissant de ceux accordés dans le cadre de la politique de cohésion. De fait, un retard au démarrage d'un nouveau cadre financier pluriannuel (CFP) a des répercussions sur l'ensemble de la période de programmation. Observée à l'échelle de l'Union, la lenteur d'absorption des financements provenant des fonds structurels et d'investissement européens (fonds ESI) au titre du CFP 2014-2020, l'est notamment en France, qui, avec un taux d'absorption des crédits de 66 %, se situe à peine dans la moyenne européenne.

Remarque : Les chiffres incluent l'allocation de ressources supplémentaires en faveur du Feader.

Source : Cour de comptes européenne, sur la base de données provenant de la Commission et plus précisément de sa page intitulée ESIF 2014-202 EU payments (daily upadate)

Le changement d'autorités de gestion nationales au début de l'application du CFP ainsi que les autres facteurs techniques (changement de logiciel) ou administratifs ont déjà été soulignés.

Pour la période 2014-2020, la France bénéficiait d'une enveloppe globale de 27,5 milliards d'euros de crédits au titre des FEDER, FSE, FEADER et FEAMP. Cette enveloppe doit être consommée avant fin 2023 . Une enveloppe supplémentaire de FEADER a été allouée à la France, au titre des crédits de transition, pour les années 2021-2022, d'un montant de 5,2 milliards d'euros, dont 866 millions d'euros au titre de la relance. Dans le cadre du plan de relance européen Next Generation EU (cf. examen détaillé pages 24 et suivantes), une enveloppe complémentaire de FEDER-FSE-FEAD - REACT-EU - a été allouée à la France à hauteur de 3,9 milliards d'euros et doit également être consommée avant fin 2023.

Au 30 juin 2022, selon les chiffres de l'Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT), les montants restant à programmer étaient respectivement de 194 millions d'euros pour le FEDER, 20 millions d'euros pour le FSE-IEJ, 3,3 milliards d'euros pour le FEADER , auxquels s'ajoutaient 47 millions d'euros à engager au titre du FEAMP. Globalement, au 31 décembre 2021, 80 % des fonds du FEADER avaient été engagés et 67 % payés. Ces chiffres globaux masquent de fortes disparités selon les régions, les taux d'exécution étant particulièrement faibles outre-mer et, dans une moindre mesure, s'agissant des paiements effectués, dans les Hauts-de-France.

2. Les restes à liquider : une donnée structurelle

L'allongement du décalage entre l'engagement des dépenses et le versement des crédits de paiement se traduit par une augmentation progressive du reste-à-liquider (RAL) du budget européen. Au cours de la période 2014-2020, les engagements avaient été nettement supérieurs aux paiements, d'où une augmentation des RAL de 105,9 milliards d'euros. Cependant, après le pic observé en 2020, les RAL liés aux engagements du budget de l'Union ont connu une forte diminution en 2021 ; mais le montant des RAL sur Next Generation EU a représenté plus de la moitié du total, compte tenu de l'écart entre engagements (près de 144 milliards d'euros) et versements aux États membres (environ 54 milliards d'euros).

(en milliards d'euros)

Sur la base des dernières estimations disponibles de la Commission (c'est-à-dire à fin 2021), la Cour des comptes européenne, dans son rapport sur l'exécution du budget de l'Union relatif à l'exercice 2021, a prévu « que les engagements restant à liquider cumulés (budget de l'UE et NextGenerationEU) grimpent à 460 milliards d'euros en 2023, avant de redescendre ensuite ». Les RAL liés au budget de l'Union seraient désormais quasiment stabilisés, preuve d'un écart plus faible entre crédits d'engagement et de paiement au titre du CFP 2021-2027. Alors que les RAL avaient déjà atteint un pic historique à la fin de 2021, à 341,6 milliards d'euros, ils devraient sans doute dépasser 460 milliards d'euros en 2023, avant de diminuer à nouveau, à mesure que Next Generation EU approchera de sa clôture.

Cependant, le montant des RAL équivaut désormais aux crédits de paiement de deux exercices complets, ce qui n'est pas soutenable dans le contexte budgétaire actuel. Sur le terrain, plusieurs facteurs ont simultanément contribué à créer une complexité supplémentaire pour tous les organismes chargés de gérer et de contrôler les fonds :

- la lenteur de la mise en oeuvre de la plupart des fonds en gestion partagée dans le cadre du nouveau CFP ;

- la gestion des RAL des fonds structurels et d'investissement européens (ESI) relevant du précédent CFP ;

- la concrétisation de Next Generation EU ;

- la mise en oeuvre des mesures budgétaires qui seraient éventuellement prises en réponse à la guerre en Ukraine.

Le suivi de la consommation des crédits européens restera donc un point de vigilance dans les années à venir, d'autant que le niveau élevé du stock des RAL engendrera pour plusieurs années un besoin important de crédits de paiement, ce qui pèsera sur le montant du prélèvement sur recettes.

(en milliards d'euros)

Si la France était en 2020 le troisième contributeur net au budget de l'Union européenne, derrière l'Allemagne et le Royaume-Uni, elle continue d'être l'un des principaux bénéficiaires en volume des dépenses de l'Union européenne. En 2020, les dépenses réalisées en France se sont élevées à 15,8 milliards d'euros , soit près de 11 % des dépenses totales de l'Union européenne, en hausse de 5,4 % par rapport à 2019 . 60 % des dépenses européennes réalisées en France concernent la politique agricole commune (PAC), pour un montant de 9,6 milliards d'euros 5 ( * ) .


* 5 L'annexe au projet de loi de finances relatif aux relations financières avec l'Union européenne ne comporte aucune indication concernant 2021. « En l'absence de données actualisées par la Commission à temps pour la publication de ce Jaune au titre de l'année 2021, l'ensemble des données [...] s'arrêtent au dernier exercice du précédent cadre 2014-2020. Les données 2021 seront retracées dans le Jaune annexé au projet de loi de finances 2024 ».

Page mise à jour le

Partager cette page