B. LA POLITIQUE DE LA VILLE EST UNE POLITIQUE INTERMINISTÉRIELLE, DONT LES RÉSULTATS RESTENT MITIGÉS

Au-delà des crédits portés par le programme 147, le document de politique transversale relatif à la politique de la ville permet de dresser un panorama , certes incomplet et dont le chiffrage est incertain, des dispositifs des différents ministères en faveur de la politique de la ville et de leur impact financier.

L'ensemble de ces dispositifs n'a toutefois qu'un effet limité sur l'amélioration de la situation des quartiers , comme le montrent les indicateurs de performance du programme 147 ou un rapport récent de la Cour des comptes sur l'attractivité de quartiers de la politique de la ville.

1. Une politique interministérielle multiforme

Comme beaucoup de politiques territoriales, la politique de la ville est interministérielle par nature. Selon l'article 1 er de la loi de programmation pour la ville et la cohésion urbaine 55 ( * ) , elle « mobilise et adapte, en premier lieu, les actions relevant des politiques publiques de droit commun et, lorsque la nature des difficultés le nécessite, met en oeuvre les instruments qui lui sont propres ».

Le document de politique transversale « Ville » identifie pas moins de 37 programmes du budget général contribuant à la politique de la ville, et propose un chiffrage des crédits qu'ils y consacrent pour 27 d'entre eux, pour un montant total de 7,0 milliards d'euros en 2022.

Principaux programmes contributeurs à la politique de la ville

(en millions d'euros)

Source : commission des finances, à partir du document de politique transversale « Ville »

Les crédits du programme 147 ne représentent que 7,9 % de ce montant, les deux principales politiques concernées étant la police nationale (25,7 %) et l'enseignement scolaire public du premier degré (23,5 %).

Ces chiffrages doivent être pris comme un ordre de grandeur : les actions des ministères ne font pas l'objet d'une territorialisation systématique et il est bien souvent difficile d'identifier précisément les crédits destinés à des QPV.

Les crédits du programme 176 « Police nationale » comptabilisés ici correspondent par exemple, d'une part, à des dépenses (notamment de personnel) portant sur les dispositifs spécifiquement dédiés à la politique de la ville (quartiers de reconquête républicaine, centre de loisirs jeunes et opérations « Ville-vie-vacances », vidéoprotection...) et, d'autre part, une partie des crédits consacrés à la sécurité et la paix publiques au prorata de la population résidente dans les QPV. Quant aux moyens de l'enseignement public du premier degré, ils correspondent principalement aux moyens consacrés aux réseaux d'éducation prioritaire (REP) et d'éducation prioritaire renforcée (REP+), dont la géographie est proche de celle des quartiers prioritaires de la politique de la ville.

Afin d'avoir une vision plus complète des financements d'État consacrés à la politique de la ville, on peut y ajouter, pour près de 3 milliards d'euros par an :

- les dépenses fiscales précitées, pour 235 millions d'euros en 2021 ;

- la dotation de solidarité urbaine (526 des 695 communes éligibles de plus de 10 000 habitants ont une partie de leur population résidant dans un QPV, et plus de la moitié des communes éligibles de 5 000 à 9 999 habitants), pour un montant de 2,5 milliards d'euros en 2021 ;

- la dotation « politique de la ville » (DPV), d'un montant de 133,2 millions d'euros en 2022.

Un financement européen est également apporté à travers le fonds européen de développement régional (FEDER), pour plus d'un milliard d'euros sur la période de programmation 2014-2020.

Enfin, au cours de la période 2014-2020, la Caisse des dépôts a consacré 100 millions d'euros de crédits d'ingénierie et de co-financements en soutien des projets menés par les collectivités locales, en particulier dans le cadre du NPNRU, tout en assurant une part prépondérante du financement de ces projets en accordant 9,5 milliards d'euros de prêts aux maîtres d'ouvrages que sont les bailleurs sociaux et les collectivités locales.

2. Si la rénovation urbaine améliore l'habitat et le cadre de vie des quartiers, les problèmes de fond persistent

La politique transversale décrite dans le document de politique transversale est accompagnée d'un dispositif de performance spécifique , doté d'indicateurs qui portent par exemple sur l'évolution du nombre de crimes et délits dans les communes comptant au moins un QPV. Ces éléments ne sont toutefois guère utilisables pour une évaluation de la politique de la ville, car aucune cible n'est fixée et la seule indication donnée est que leur valeur est « en baisse » en 2019, sans chiffrage précis.

Un travail d'évaluation plus approfondi a été mené par la Cour des comptes en décembre 2020 56 ( * ) . Sa principale conclusion est que l'attractivité des quartiers étudiés , dont l'amélioration constitue l'un des objectifs de la politique de la ville, a peu progressé sur la décennie 2008-2018.

Ainsi, les nouveaux résidents présentent des profils sociaux, économiques et familiaux plus précaires que ceux qui quittent les quartiers. Le programme national de rénovation urbaine (PNRU) a permis d'améliorer le cadre et les conditions de vie des habitants de certains quartiers, sans que cela améliore nécessairement l'image des quartiers, affectée par la permanence de problèmes de sécurité. Les résultats scolaires dans les établissements d'éducation prioritaire demeurent inférieurs à ceux constatés dans les académies de rattachement et des dispositifs de développement peu efficaces n'ont pas permis de freiner la dévitalisation économique des quartiers.

Les quartiers prioritaires sont pourtant plutôt bien dotés en équipements publics, mais les habitants n'en ont pas nécessairement conscience, en particulier parce que les services publics sont souvent mal adaptés à leurs spécificités. Et la Cour note d'une manière générale la difficulté que représente, pour toute évolution des quartiers, la pression des trafics et de l'économie parallèle.

Ces constats , résultant d'une enquête d'évaluation approfondie, rejoignent ainsi par bien des aspects ceux faits par Jean-Louis Borloo qui notait, dans son rapport « Vivre ensemble, vivre en grand » de 2018 sur la politique de la ville, que « l'inefficacité, l'éparpillement, l'absence de définition claire de stratégie et de méthode créent de l'incompréhension, faisant croire à des dépenses avec peu de résultats ».

Dans ces conditions, la quasi-interruption de la rénovation urbaine entre 2014 et 2020, également dénoncée par Jean-Louis-Borloo, ne constitue pas un signal positif.


* 55 Loi n° 2014-173 du 21 février 2014 de programmation pour la ville et la cohésion urbaine.

* 56 Cour des comptes, L'évaluation de l'attractivité des quartiers prioritaires , rapport public thématique, décembre 2020.

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