B. UN ÉCLATEMENT INÉGALÉ JUSQU'À PRÉSENT DES CRÉDITS DÉDIÉS À LA RECHERCHE

1. La persistance de débudgétisations importantes au sein de la mission « Plan de relance »

Comme en 2021, une partie significative des crédits destinés au Mesri seront financés par la mission « Relance ».

a) La mesure de préservation de l'emploi de R&D : une mise en oeuvre plus lente et moins ambitieuse que prévu

En premier lieu, l'action 02 « Souveraineté technologique et résilience » du programme 364 prévoit l'ouverture d'une enveloppe de 172 millions d'euros en CP en 2022, venant compléter les 128 millions d'euros de crédits votés en 2021 afin de soutenir l'embauche des chercheurs dans le contexte de la crise sanitaire.

La mesure de « préservation de l'emploi R&D » propose plusieurs dispositifs à destination de 2 500 chercheurs par an , répartis en trois catégories :

- des personnels de R&D privée , qui pourront soit être mis à disposition de manière temporaire , pour une durée allant de 12 à 24 mois, dans des laboratoires publics, leur salaire étant pris en charge à 80 % par l'État, soit effectuer une thèse en partenariat avec un laboratoire public ;

- des jeunes diplômés , qui pourront être accueillis dans des laboratoires publics et mis à disposition des entreprises, leur salaire étant pris en charge à 80 % par l'État ;

- des jeunes docteurs , qui seront financés à 80 % par l'État dans le cadre d'une collaboration entre un laboratoire public et une entreprise.

Si cette mesure participe d'une intention louable, force est néanmoins de constater que sa mise en oeuvre opérationnelle s'est révélée plus longue que prévue ; dans ce contexte, selon les informations transmises au rapporteur spécial, l'engouement des entreprises pour le dispositif serait progressivement retombé, avec pour conséquence un moindre effectif de chercheurs mis à disposition dans les laboratoires publics.

b) Une débudgétisation toujours aussi contestable des crédits dédiés à la recherche duale

L'action 2 du programme 364 portera à nouveau, en 2022, les crédits dédiés à la recherche duale , habituellement inscrits sur le programme 191 « Recherche duale (civile et militaire) » de la mission « Recherche ».

Rattaché au ministère de la défense, ce programme est intégralement consacré aux subventions et dotations versées à deux opérateurs, le Commissariat à l'énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA) et le Centre national d'études spatiales (CNES) .

Depuis 2015, ce programme a subi une attrition considérable de son budget. Après trois années de relative stabilité, un nouveau palier a été franchi en 2020, avec une baisse substantielle de 25,5 millions d'euros de la subvention versée au titre de la recherche duale, cette évolution correspondant à un recentrage des projets financés sur des projets duaux intéressant directement la défense .

En 2022, les montants consacrés à la recherche duale s'élèveraient à 140 millions d'euros en AE et CP, dont 118,7 millions d'euros de subvention versée au CNES et 21,3 millions d'euros alloués au CEA.

Le choix de rattacher ces subventions à la mission « Plan de relance », relativement incongru, aurait pu augurer d'une revalorisation de l'enveloppe afférente, ou à tout le moins, la sanctuarisation de ces crédits. Tel n'est cependant pas le cas, et le rapporteur spécial regrette vivement que cette débudgétisation supplémentaire s'accompagne d'une nouvelle coupe budgétaire en 2022.

Ce procédé laisse par ailleurs planer un doute - qu'il conviendra de lever - quant à la pérennité des crédits dédiés à la recherche duale.

c) Un soutien ciblé en faveur de certains opérateurs

En 2022, il sera également ouvert un montant de 365 millions d'euros en AE et 200 millions d'euros en CP afin de soutenir les entreprises du secteur spatial en trésorerie et en fonds propres, et de stimuler la recherche et l'innovation des entreprises du spatial, leur capacité d'autofinancement ayant été réduite par la crise sanitaire. Il s'agira ainsi d'améliorer la compétitivité du secteur, de maintenir leurs compétences critiques et de les accompagner dans la transition numérique et environnementale.

Par ailleurs, comme évoqué précédemment, le plan de relance prévoit une hausse des crédits dédiés à l'Agence nationale de la recherche de l'ordre de 142 millions d'euros en 2022 .

Au total, en 2022, le plan de relance abondera le budget de la recherche à hauteur de 743 millions d'euros en CP .

Mesures du plan de relance dédiées à la recherche

(en millions d'euros)

CP 2021

CP 2022

Programme 363 « Compétitivité »

Action 02 « Souveraineté technologique et résilience »

Préservation de l'emploi R&D

128

172

Recherche duale

150

140

Soutien à la filière spatiale

200

165

Action 04 « Mise à niveau numérique de l'État, des territoires et des entreprises»

Préfiguration du futur « Campus Val-de-Grâce »

45

0

Programme 364 « Cohésion »

Action 05 « Recherche »

Agence nationale de la recherche

286

142

Programme 362 « Écologie »

Action 02 « Rénovation énergétique »

Projets Mesri en faveur des bâtiments dédiés à la recherche

/

124

Total

809

743

Source : commission des finances, à partir des documents budgétaires

Pour le rapporteur spécial, ces enveloppes supplémentaires sont bien évidemment appréciables. Néanmoins, l'émiettement des crédits sur plusieurs actions et programmes de la mission « Plan de relance » se révèle problématique, et engendre un déficit de lisibilité fortement préjudiciable .

Dans ce contexte, il eut été préférable de regrouper les mesures destinées à la recherche au sein d'une seule action, voire de créer une ligne budgétaire dédiée au sein de la mission « Recherche et enseignement supérieur » .

2. Un financement conséquent, par le biais de la mission « Investissements d'avenir », de l'écosystème de recherche

Initié en 2021, le quatrième programme d'investissements d'avenir (PIA 4) prévoit un abondement significatif du budget dédié à la recherche sur 5 ans.

Ainsi, le programme 425 de la mission « Investissements d'avenir », doté de 4,063 milliards d'euros en AE, entend répondre à deux critiques récurrentes adressées aux programmes d'investissements d'avenir, à savoir l'éclatement entre plusieurs programmes des sources de financement de l'innovation et de la recherche, et la fluctuation des moyens alloués aux différents dispositifs.

Partant, ce programme se décompose en deux actions.

L'action 01 « Financement de l'écosystème ESRI et valorisation », bénéficie de 1,25 milliard d'euros sur 5 ans, auxquels s'ajouteront les intérêts des dotations non consomptibles issus des PIA 1 et 2 pour un montant de 3 milliards d'euros entre 2021 et 2025 , afin de financer les structures de l'enseignement supérieur et de la recherche issues des précédents PIA (Idex, ISite, Labex, Equipex, Instituts de recherche technologique, Instituts pour la transition énergétiques, Sociétés d'accélération et de transfert technologique, etc.).

En parallèle, l'action 02 « Aides à l'innovation Bottom-up », pour laquelle 2,812 milliards d'euros sont inscrits, vise à centraliser les aides publiques aux entreprises innovantes , initialement portées par différents instruments - à savoir le PIA 3, le programme 192 et les intérêts du Fonds pour l'innovation et l'industrie. À cette dotation s'ajoutent les intérêts annuels du FII, pour un montant de 87,5 millions d'euros par an 34 ( * ) .

Ainsi, en ne comptabilisant que les montants inscrits au programme 425 , le budget de la recherche devrait bénéficier de 1 184 millions d'euros en provenance du PIA 4 en 2022 .

Pour le rapporteur spécial, il est regrettable que les structures initialement financées par les PIA 1 et 2 mais désormais pleinement opérationnelles ne soient pas à présent financées directement par le Mesri. La rebudgétisation des crédits destinés au financement pérenne de ces structures présenterait l'avantage de la cohérence et de la lisibilité, permettant d'appréhender plus aisément les moyens consacrés à la recherche en France .

De la même manière, il serait à terme pertinent de rattacher l'ensemble des aides publiques à l'innovation au programme 192 « Recherche et enseignement supérieur en matière économique et industrielle », dont c'est la vocation initiale. En réalité, le rattachement de ces aides à la mission « Investissements d'avenir » traduit la volonté d'en sanctuariser les montants, en contournant l'autorisation budgétaire annuelle votée par le Parlement.

En tout état de cause, le rapporteur spécial note que, s'il est habituellement laborieux de consolider l'ensemble des crédits destinés au financement de la politique de recherche en France, le caractère parcellaire des éléments transmis à la représentation nationale rend cette année ce travail particulièrement hasardeux.

En effet, il faudrait tenir compte des crédits en provenance du programme 424 de la mission « Investissements d'avenir », dont les crédits sont largement orientés vers la recherche. Ainsi, les actions 01 « Programmes et équipements prioritaires de recherche » et 02 « Maturation de technologies, R&D, valorisation de la recherche » de ce programme 424 devraient respectivement bénéficier de 300 millions d'euros et 150 millions d'euros de CP en 2022. Néanmoins , le rapporteur spécial note que la répartition de ces crédits demeure à ce jour largement inaboutie , ce qui obère toute tentative de consolidation du budget de la recherche .

De la même manière, le plan d'investissement « France 2030 », pour la mise en oeuvre duquel 3,5 milliards d'euros de CP seront ouverts en 2022, devrait très largement abonder le budget de la recherche ; selon les informations transmises au rapporteur spécial, la quasi-totalité des organismes de recherche seraient ainsi concernés par un ou plusieurs des dix axes stratégiques retenus, et pourraient donc bénéficier à ce titre de dotations significatives dans les années à venir.

De manière très approximative, en réitérant le raisonnement précédemment exposé - c'est-à-dire en ne comptabilisant que les enveloppes allouées aux actions 01 et 02 du programme 424 et aux actions 01 et 02 du programme 425 - le plan France 2030 se traduirait en 2022 par une hausse de 490 millions d'euros du budget de la recherche .

In fine , en 2022, les 11,94 milliards d'euros (en CP) des programmes recherche bénéficieront d'un abondement de 2,866 milliards d'euros en provenance d'autres missions budgétaires. Ainsi, en dépit de son caractère interministériel, près de 20 % des crédits dédiés à la recherche ne seront pas inscrits au sein de la mission « Recherche et enseignement supérieur » .

Estimation des crédits extra-budgétaires
en faveur de la recherche

(en millions d'euros)

Source : commission des finances, à partir des documents budgétaires


* 34 Il s'agit ici de la partie nominale du Fonds, qui n'est pas issue du dividende des participations de l'État.

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