B. UNE DIFFICULTÉ À SUIVRE LES PROGRÈS RÉALISÉS GRÂCE AUX PROGRAMMES DE LA MISSION : L'EXEMPLE EMBLÉMATIQUE DU PROGRAMME 348

1. Des indicateurs de performance lacunaires et au faible contenu informatif : l'exemple emblématique du programme 348

Sur le programme 348, dédié à la rénovation des cités administratives, les indicateurs de performance se contentent de retranscrire le niveau des économies d'énergie et de surface attendues, ainsi que le coût du kilowatt (kWh/EP) économisé . Les trois cibles sont définies à partir des données transmises dans les dossiers présentés par les préfets de département et les résultats ne seront donc constatés qu'une fois les travaux achevés : ils n'engagent que les gestionnaires du programme. Il n'y a donc pas de mesure en cours de projets ou de processus de suivi des travaux, pour une information par conséquent quasi-nulle du Parlement.

Les indicateurs ne répondent donc que très partiellement aux exigences organiques 75 ( * ) , aux termes desquelles les indicateurs de performance doivent permettre, en sus des résultats attendus, de mesurer les coûts associés à chacune des actions ainsi que les résultats obtenus .

Les responsables du programme se défendent en arguant que les indicateurs de performance n'ont pas à rendre compte du pilotage et de l'avancement du programme. Ce raisonnement est non seulement erroné, mais témoigne également de la faible attention portée aux solutions visant à remédier aux difficultés constatées en cours d'exécution et de gestion . Sur un programme pluriannuel doté de plus de 1 milliard d'euros, il semble tout à fait raisonnable de disposer d'informations sur les avancées des projets , en particulier quand la passation des marchés a duré plus d'un an et demi et que les délais de livraison des travaux sont d'ores et déjà dépassés de deux ans. Les rapporteurs spéciaux reprennent ici la première recommandation de leurs travaux de contrôle sur cette mission 76 ( * ) , et appellent de nouveau à réviser les indicateurs de performance du programme.

En 2022, l'abaissement de la cible prévisionnelle pour les économies d'énergie réalisées grâce à la rénovation des cités administratives - de 139 000 kWh à 132 500 kWh - provient de la décision de ne pas réallouer à un nouveau dossier les crédits originellement attribués au projet de Melun, arrêté. Cette décision s'explique par la nécessité de couvrir, à enveloppe constante (un milliard d'euros), la hausse du prix des matériaux constatée depuis le début de l'année 2021 77 ( * ) . Il est certainement dommage que cette contrainte sur les coûts, aggravée par le retard de mise en oeuvre des travaux, empêche la réallocation des crédits vers une autre cité administrative , 52 dossiers avaient été déposés par les préfets lors de l'appel à candidature, pour 39 sélectionnés.

Quant à l'appréciation a posteriori, le comité d'évaluation du plan France Relance, dans son rapport intermédiaire sur l'exécution du plan de relance 78 ( * ) et, plus particulièrement, des crédits alloués à la rénovation des bâtiments publics (4,3 milliards d'euros) 79 ( * ) , propose plusieurs pistes pour mieux évaluer les effets de cette action, au-delà de la prévision du montant des économies d'énergie escomptées (235 000 kwH). Les rapporteurs spéciaux considèrent que la direction de l'immobilier de l'État, responsable du programme 348, pourrait s'en inspirer. Il s'agit notamment de :

- comparer la trajectoire de consommation d'énergie après les travaux de rénovation à celle qui aurait été réalisée sans l'intervention des travaux (trajectoire contrefactuelle) ;

- inclure dans les évaluations des travaux de rénovation des cités administratives les conséquences socio-économiques sur le bien-être des agents comme des usagers ;

- mesurer l'empreinte environnementale des projets, en estimant les coûts d'abattement 80 ( * ) pour la rénovation thermique des cités administratives en les comparant d'une part à ceux obtenus sur l'action 01 du programme 302 de la mission « Plan de relance » pour l'ensemble des bâtiments publics, et d'autre part, à ceux observés dans le cadre du soutien à la rénovation des bâtiments privés.

2. Des efforts sur les indicateurs dédiés aux fonds de transformation

Dans le cadre du présent projet de loi de finances, la direction interministérielle de la transformation publique apporte deux évolutions positives aux indicateurs de performance : le taux de produits achevés sera indiqué (45 % en prévision pour 2022, contre 5 % seulement en 2021) et le montant du retour sur investissement ne sera plus celui prévu par le porteur de projet, mais bien celui constaté . Ces évolutions s'inscrivent dans la lignée des recommandations des rapporteurs spéciaux, qui constatent donc que ces données sont disponibles et répondent aux exigences organiques relatives aux indicateurs de performance.

Autre point à souligner, la prévision de retour sur investissement a été revue à la hausse, de 1 euro à 1,5 euro pour 2021 et 2022 . Il faut s'en satisfaire : face à un recours au FTAP en deçà des attentes en 2019 et 2020, le ministère de l'action et des comptes publics, alors chargé du programme, avait annoncé que le critère d'un euro investi pour un euro d'économie pérenne avait été assoupli, remettant par là en question la justification même du programme 349 et du FTAP.


* 75 Article 51 de la loi organique n° 2001-692 du 1 août 2001 relative aux lois de finances .

* 76 Rapport n° 743, tome II, annexe 15, volume 1 (2020-2021) de MM. Albéric de MONTGOLFIER et Claude NOUGEIN, déposé le 7 juillet 2021 : Gestion des finances publiques et des ressources humaines - Crédits non répartis - Action et transformation publiques, dans le cadre de l'examen par la commission des finances de la loi de règlement du budget et d'approbation des comptes de l'année 2020. Se reporter également à la communication en commission des rapporteurs spéciaux, en date du 7 juillet 2021.

* 77 À noter que la direction de l'immobilier de l'État, responsable du programme, avait opportunément déjà prévu de provisionner un montant de plusieurs millions d'euros destiné à couvrir les révisions du prix des matières premières.

* 78 Comité d'évaluation du plan France Relance, Premier rapport , octobre 2021.

* 79 Action 01 « Rénovation énergétique » du programme 302 « Écologie » de la mission « Plan de relance ».

* 80 Le coût d'abattement désigne, dans pour les différentes solutions de décarbonation, le rapport entre le coût du projet et le volume des émissions évités grâce à ce projet.

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