E. LE SUCCÈS DU MODÈLE DE L'ENSEIGNEMENT SECONDAIRE AGRICOLE

L'enseignement technique agricole ne représente que 2 % des crédits de la mission « Enseignement scolaire » mais constitue, pourtant, un enjeu central tant du point de vue éducatif que de la transmission d'un savoir-faire exceptionnel ou du maintien de la France en pays chef de file en matière de sécurité sanitaire ou de développement d'une agriculture et d'un élevage plus respectueux de la nature et des attentes des consommateurs. Le rapporteur spécial partage sur ce point les conclusions de la mission d'information du Sénat sur l'enseignement agricole rendues récemment.

Évolution des crédits par action du programme 143

(en millions d'euros et en %)

LFI 2021

PLF 2022

Évolution PLF 2022 / LFI 2021 (volume)

Évolution PLF 2022 / LFI 2021 (%)

01 - Mise en oeuvre de l'enseignement dans les établissements publics

AE

790,2

809,1

+ 18,8

+ 2,4 %

CP

790,2

809,1

+ 18,8

+ 2,4 %

02 - Mise en oeuvre des enseignements dans les établissements privés

AE

590,4

598,8

+ 8,4

+ 1,4 %

CP

590,4

598,8

+ 8,4

+ 1,4 %

03 - Aide sociale aux élèves (enseignement public et privé)

AE

92,2

108,4

+ 16,2

+ 17,6 %

CP

92,2

108,5

+ 16,3

+ 17,6 %

04 - Évolution des compétences et dynamique territoriale

AE

4,6

4,6

0,0

0,0 %

CP

4,6

4,6

0,0

0,0 %

05 - Moyens communs à l'enseignement technique agricole, public et privé

AE

6,1

6,2

+ 0,1

+ 1,1 %

CP

6,1

6,2

+ 0,1

+ 1,1 %

Total programme 143

AE

1 483,6

1 527,1

+ 43,5

+ 2,9 %

CP

1 483,6

1 527,2

+ 43,5

+ 2,9 %

FDC et ADP : fonds de concours et attributions de produits

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

Les crédits du programme 143 enregistrent une hausse de 2,9 % en AE et en CP (+ 43,55 millions d'euros) en 2022 , dont une augmentation des crédits hors personnel de 4,2 % en AE=CP (+ 21,34 millions d'euros) et une augmentation des crédits de personnel de 2,3 % (+ 22,21 millions d'euros).

Le programme a bénéficié d'un transfert de + 7,05 millions d'euros correspondant à la part du ministère de l'agriculture et de l'alimentation dans le Grenelle de l'éducation, c'est-à-dire la prime d'attractivité pour 5,25 millions d'euros et la prime d'équipement informatique pour 1,72 million d'euros.

1. Une réduction moins importante que prévue des personnels de l'enseignement agricole, souhaitable afin de maintenir l'attractivité de l'enseignement auprès des élèves
a) Une réduction souhaitable du schéma d'emploi négatif initialement prévu

On observe depuis 2018 une baisse continue du nombre d'enseignants dans les collèges et lycées agricoles . Le PLF pour 2022 prévoit cette année encore une diminution de 16 ETP , soit une baisse de près de 250 emplois en 5 ans.

Évolution des effectifs du programme 143 (en ETP)

Source : commission des finances d'après les documents budgétaires

Le plafond d'emplois évolue de 15 266 ETPT en 2021 à 15 229 ETPT en 2022. Cette baisse de 37 ETPT se décompose entre une diminution de 32 ETPT au titre de l'extension en année pleine du schéma d'emplois de 2021 et 5 ETPT au titre de l'impact du schéma d'emplois 2022. En 2022, 15 229 emplois sont rémunérés sur le programme, dont 12 699 enseignants et 1 252 assistants d'éducation.

Cette réduction est inférieure à celle anticipée dans la trajectoire initiale, où elle devait d'établir à -110 ETPT . Dans la mesure où cette trajectoire aurait été difficilement soutenable, le rapporteur spécial se félicite grandement de la réduction du schéma d'emploi négatif.

Une partie de la hausse prévue en 2022 est à destination des élèves en situation de handicap, pour lesquels une enveloppe de 19,06 millions d'euros est prévue, en progression de 12 % par rapport à 2021 .

b) Des effectifs orientés à la hausse, reconnaissance de la qualité de l'enseignement agricole français

À la rentrée 2020, les établissements de l'enseignement technique agricole ont accueilli 197 909 élèves et étudiants par la voie scolaire ou l'apprentissage, contre 158 677 en 2019-2020, soit une hausse de 2,8 %.

En 2019, le nombre d'élèves était en hausse pour la première fois depuis une décennie, et cette tendance semble globalement se prolonger, ce dont le rapporteur spécial se félicite.

Ces évolutions sont toutefois fortement contrastées selon les niveaux d'enseignement et les types d'établissements, la hausse globale étant tirée par la forte croissance des effectifs d'apprentis.

Les établissements publics ont ainsi accueilli 87 423 élèves et étudiants pour l'année scolaire 2020-2021, soit 44 % des effectifs de l'enseignement technique agricole. Les établissements privés accueillent quant à eux 110 486 élèves et étudiants, soit 56 % des effectifs de l'enseignement technique agricole. Les effectifs augmentent par ailleurs plus rapidement dans l'enseignement privé (+ 2,8 %) que dans le public (+ 1 ,8 %).

Évolution des effectifs d'élèves dans l'enseignement technique agricole

Niveau

Évolution 2019-2020 / 2020-2021

Premier cycle - collège

- 4 %

Second cycle professionnel (voie scolaire)

- 2,3 %

Second cycle professionnel (voie par apprentissage)

+ 19 %

Second cycle général et technologique

- 1,8 %

Total

+ 2,8 %

Source : commission des finances d'après les réponses au questionnaire budgétaire

Dans le second cycle général et technologique, les effectifs continuent de baisser en 2020. À la rentrée 2020, on constate de nouveau 1,8 % d'élèves en moins, soit une baisse identique à celle de 2019 par rapport à 2018. Cette baisse est surtout due à la diminution des effectifs dans la filière technologique (- 463 élèves). Les élèves en seconde générale et technologique augmentent sensiblement (+ 162) tandis que les effectifs globaux en première et terminale baissent (- 110 élèves).

Le bilan net des ouvertures et fermetures de classes est à la rentrée 2022 de + 40 équivalent classes, dont 8 créations dans le public et 32 dans le privé.

Le rapporteur spécial rejoint les préconisations de la mission d'information concernant la valorisation de l'enseignement agricole dans les temps dédiés à l'orientation des élèves . Il serait utile de renforcer l'information des enseignants sur les contenus proposés par l'enseignement agricole, notamment en valorisant les aspects de l'enseignement agricole au-delà de la seule agriculture, notamment concernant l'agro-développement.

2. Une analyse des coûts qui doit être approfondie au niveau de l'établissement
a) Une spécificité de l'enseignement agricole en termes de coûts

Comme indiqué par la mission d'information, le coût de formation par élève pour l'État dans l'enseignement agricole a progressé de manière significative : en euros constants, le secteur public a ainsi enregistré une hausse de sa subvention par élève de 8,4 % entre 2011 et 2019 ; quant au secteur privé, la hausse atteint 12,5 % pour le plein temps et 10,1 % pour les établissements dits « du rythme approprié ».

Toutefois, l'augmentation des crédits accordés à l'enseignement agricole est tendanciellement largement inférieure au reste de la mission « enseignement scolaire ». Au cours des 10 dernières années, les crédits ont ainsi augmenté de près de 15 % pour les autres lignes budgétaires de la mission comparables à l'enseignement technique agricole.

En outre, le coût de l'enseignement agricole est déterminé par un certain nombre de facteurs qui lui sont propres, notamment un taux d'encadrement très inférieur à l'enseignement scolaire : à la rentrée 2020, les classes de l'enseignement technique agricole comptaient en moyenne 20,2 élèves (21,5 pour les établissements publics et 19,4 pour les établissements privés).

La Cour des comptes a récemment souligné le déficit d'objectivation - et donc de pilotage - du coût de l'enseignement technique agricole 33 ( * ) . Elle a souligné que le niveau de la subvention publique aux établissements agricoles privés repose sur une méthodologie décorrélée de la dépense réelle des établissements et sans distinction des coûts de chaque niveau de formation.

b) Dans un contexte de fragilisation de la situation financière des établissements agricoles accrue par la crise sanitaire

La moitié des établissements étant classés en crise ou dans une situation financière inquiétante en 2015, la DGER a décidé d'accompagner les directions régionales de l'Alimentation, de l'Agriculture et de la Forêt (DRAAF) et les établissements dans l'élaboration d'un plan de redressement. Cette politique a permis de diminuer significativement la part des établissements en crise avérée. Les établissements ayant une situation financière saine en 2015 ne représentaient que 19 % des établissements, contre 29 % aujourd'hui.

Part des établissements publics locaux d'enseignement et de formation professionnelle agricole en situation de crise financière

Situation financière

2015

2016

2017

2018

2019

2020

Crise potentielle ou avérée

29 %

21 %

16 %

19 %

20 %

19 %

Inquiétudes

21 %

31 %

30 %

27 %

27 %

24 %

Situation saine mais avec légères inquiétudes

31 %

28 %

32 %

30 %

28 %

29 %

Situation financière saine

19 %

20 %

22 %

24 %

25 %

28 %

Source : commission des finances d'après les réponses au questionnaire budgétaire

D'après les informations transmises au rapporteur spécial, 33 établissements sur 173 étaient en situation de crise financière en 2020 , soit 3 de moins qu'en 2019. Les établissements ayant une situation globalement saine (deux dernières catégories) représentent 98 établissements.

La situation financière des établissements publics a été fragilisée par la crise sanitaire, du fait notamment de la perte de recettes des centres d'exploitations agricoles (EA) et ateliers technologique ; du surcoût pour les CFPPA du fait de l'absence de prise en charge du chômage partiel des agents contractuels de droit public sur le budget (ACB) des établissements et des coûts engagés par les établissements pour assurer la continuité pédagogique.

Le rapporteur spécial se félicite de la trajectoire positive à l'échelle de l'ensemble des établissements, mais il n'en demeure pas moins qu'un peu moins de la moitié des établissements restent dans une situation difficile ou de crise. Ce constat inquiétant doit impliquer un suivi attentif.

c) Des différences de rémunération avec le personnel de l'éducation nationale qui doivent être mieux analysées pour maintenir l'attractivité de l'enseignement agricole

Sur la période 2017-2021, le programme 143 a bénéficié de 23,1 millions d'euros dont 17,2 millions d'euros au titre du protocole « parcours professionnels, carrières et rémunérations ».

Un plan pluriannuel de requalification au bénéfice des agents de catégorie C a également été mis en oeuvre, ainsi qu'une revalorisation des agents contractuels de l'enseignement public agricole depuis le 1 er septembre 2018. S'agissant de ces derniers, la revalorisation a conduit à un gain moyen de 19 points d'indice par agent, afin de parvenir à un rapprochement avec la grille de rémunération appliquée par le ministère de l'éducation nationale.

La mission d'information a cependant indiqué qu'un « écart subsiste toutefois par rapport aux conditions de rémunération dans l'Éducation nationale et, en outre, certaines catégories d'emplois semblent avoir été « oubliées » ou négligées ». La prise en compte de ces écarts doit être une priorité pour le ministère de l'agriculture, afin de préserver l'attractivité, déjà en érosion, des carrières de l'enseignement agricole .


* 33 Cour des Comptes, Relevé d'observations définitives, « Les coûts et la performance de l'enseignement technique agricole », juin 2021.

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