B. APERÇUS SUR QUELQUES ÉLÉMENTS RELATIFS À L'ÉQUITÉ DU RÉGIME

La problématique de l'équité des régimes de retraite est au coeur de la réforme appelée à établir un système de retraite universel fondé sur une uniformité des rendements contributifs, le principe « un euro cotisé donne les mêmes droits pour tous » .

Les discussions ont tendu à se polariser sur les différences entre les régimes. Il convient d'y ajouter l'examen de différences internes à chaque régime, pouvant ne pas se trouver justifiées par des motifs d'équité.

D'emblée, il y a lieu de considérer que toute différence de situation n'équivaut pas à une rupture d'équité. Au demeurant, le principe de justice recommande, au contraire, d'introduire des différences de traitement proportionnées aux compensations qu'on souhaite mettre en oeuvre pour rétablir une certaine justice.

C'est sans doute la raison pour laquelle l e principe « 1 euro cotisé vaut les mêmes droits pour tous » n'est pas compris à cet instant du processus d'élaboration de la réforme comme pouvant être inversé. Il ne signifie pas « 1 euro de prestation égale les mêmes cotisations pour tous » .

Au demeurant, alors qu'en application de la loi du 20 janvier 2014 garantissant l'avenir et la justice du système de retraites, le comité de suivi des retraites (CSR) est chargé chaque année d'émettre des recommandations au Gouvernement, au Parlement, et aux gestionnaires des régimes de retraite afin d'assurer le respect d'un traitement équitable des assurés « au regard de la durée de leur retraite comme du montant de leur pension, quels que soient leur sexe, leurs activités et parcours professionnels passés, leur espérance de vie en bonne santé, les régimes dont ils relèvent et la génération à laquelle ils appartiennent », et suit, de ce fait, des indicateurs diversifiés , le comité a régulièrement insisté sur le fait que la mesure de l'équité du système de retraite entre les différents régimes est sans doute la plus délicate à mener .

En effet, elle conduit à comparer des régimes qui présentent des différences importantes aussi bien au regard de leurs paramètres (les règles de cotisation et de liquidation différent parfois sensiblement) qu'au regard des déroulements de carrière de leurs assurés .

Sans surprise, il existe bien une interdépendance entre les conditions particulières de l'activité professionnelle et de sa rémunération et les conditions prévues pour régler les droits à retraite.

De façon générale, les rendements intra-générationnels sont dispersés.

Des écarts importants existent entre les assurés, le graphique ci-dessous en illustrant l'ampleur pour un critère particulier, à savoir le sexe.

On relève ainsi l'existence d'écarts par sexe considérables, qui, couplés avec le constat de la faiblesse des niveaux de pensions servies aux femmes sont certainement un obstacle à une égalisation complète des taux notionnels des régimes de retraite

Taux de rendement interne
par génération quinquennale et par sexe

Champ : générations 1950 à 1985, salariés du secteur privé vivants à 60 ans. Législation 2014

Source : Destinie 2 (Insee)

Mais, ce qui est observé pour le critère du sexe l'est aussi pour d'autres critères, sans toutefois que l'hétérogénéité des rendements contributifs ne soit documentée avec toute la précision qu'il faudrait.

Cette situation de pénurie informationnelle déjà regrettable en régime de croisière est particulièrement anormale dans une période de réforme poursuivant un objectif d'égalisation des rendements contributifs.

Il ne devrait pas être hors de portée de construire une information statistique sur ce point et l'on n'imagine pas que les simulations qui ont été effectuées dans le cadre de la réforme n'y aient pas pourvu. Quoi qu'il en soit, elles n'ont pas été mises à la disposition de l'opinion publique, ni de la rapporteure spéciale, ce qui tend à égaliser le traitement des différentes modalités de la démocratie, qu'elles soient participative ou représentative.

Incidemment, le graphique ci-dessus illustre également les écarts de rendement entre générations.

Les données passées étant plus robustes que celles correspondant à des prévisions, on observera qu'après une réduction significative des taux de rendement interne des contributions sociales de retraite, une stabilisation des taux implicites servis par le régime des salariés privés s'est installée pour les générations les plus récentes sur un niveau peu éloigné du taux de croissance économique potentiel, conduisant à réduire l'urgence d'une réforme radicale des régimes.

De fait, le taux de rendement interne est assez proche du taux de croissance potentiel de l'économie, critère non suffisant mais fondamental de l'appréciation de la soutenabilité d'un régime.

1. Les forts contrastes apparents entre les taux de contribution nécessaires au financement des différents régimes de retraite et ceux couverts par le CAS « Pensions » ne sont pas équivalents à des écarts de générosité entre les régimes

La comparaison entre les régimes couverts par le CAS « Pensions » et les autres régimes tend fréquemment à se fonder sur le constat d'écart entre les contributions permettant de financer les dépenses des régimes de la fonction publique d'État et ce qui est constaté dans les autres régimes.

On en infère trop hâtivement des différences de « générosité ».

Or, il convient pour rendre comparables les taux de contribution de procéder à différentes corrections.

La comparaison des contributions d'équilibre entre régimes révèle souvent l'impact de particularités concernant les régimes eux-mêmes (certains sont intégrés, prenant en charge la totalité des revenus de remplacement servis aux retraités, d'autres n'en assumant qu'une partie), leurs situations démographiques respectives marquées par des différences très significatives des rapports démographiques, ou encore des structures de financement très différenciées recourant plus ou moins à des transferts entre caisses ou à des affectations de taxes.

Ces facteurs de différenciation méritent attention particulièrement dans le cadre d'un processus de réforme des retraites qui repose sur l'annonce d'une uniformisation des contributions prélevées pour financer les dépenses de retraite et qui, constituerait, de surcroît, le cadre dans lequel les points de retraite, variables importantes d'un futur régime en points, seraient désormais acquis.

Il est regrettable que la publication d'un exposé systématique analysant les différences de situation entre les régimes n'ait pas accompagné le processus de réforme à ce stade.

En ce qui concerne la comparaison entre les régimes, il y a lieu de renvoyer ici au rapport de la Cour des comptes sur les pensions publiques, rapport publié en octobre 2016, qui malgré des données déjà un peu anciennes, propose des analyses globales encore valides.

À ce stade, il offre l'un des rares documents permettant d'apprécier les efforts contributifs comparés entre le régime des fonctionnaires et le régime général.

On relèvera encore que le conseil d'orientation des retraites est revenu sur cette question en 2017.

À l'issue des corrections appliquées, les écarts apparents entre les taux de contribution nécessaires pour équilibrer les régimes, qui dessinent le panorama de régimes très diversement « généreux », sont considérablement réduits, de sorte que l'image d'une forte hétérogénéité des régimes sous l'angle des droits ouverts tend à laisser la place à celle de régimes assez proches entre eux de ce point de vue.

D'un écart apparent de plus de 40 % pour la fonction publique civile, on passe à un écart compris entre 2,9 et 4 points selon les estimations.

Écarts des taux d'effort contributif des régimes de la fonction publique
avec ceux du secteur privé selon l'indicateur considéré

Source : COR, réunion du Conseil du 31 mai 2017

Le taux de cotisation permettant d'équilibrer les prestations versées par les régimes de retraite s'élevait à 23,1 % en 2016 selon les calculs du COR avec des écarts à cette moyenne par régime nettement plus modérés que les écarts, très marqués de leur côté, entre les taux apparents correspondants pour chaque régime, qui ne rendent pas compte de la pression financière exercée par les différents régimes de retraite.

Taux de cotisation harmonisés et taux de prélèvement
d'équilibre des régimes en 2016

Le détail des corrections nécessaires est récapitulé ci-dessous.

Détail des corrections nécessaires pour rendre les efforts contributifs
des régimes de fonctionnaires et de salariés plus comparables

La première contribution à la réduction des écarts apparents est attribuable à la neutralisation des différences d'assiette de cotisation . Plus l'assiette est étroite, plus le taux de cotisation doit être élevé. La réduction de l'écart entre taux apparent des salariés privés et taux des fonctionnaires civils atteint alors 30 points. C'est ici principalement la question des primes exclues de l'assiette de cotisation dans la fonction publique qui est en cause.

Une deuxième opération conduit à neutraliser les effets des financements nécessités par les avantages non contributifs des régimes autres que ceux de la fonction publique, pour lesquels les taux de contribution sont fixés, dans les régimes de la fonction publique, à un niveau permettant de les financer. On aboutit à un taux de prélèvement d'équilibre qui rapporte les masses de dépenses des régimes à la masse des rémunérations des affiliés. Cette correction permet de réduire l'écart apparent des taux de contribution d'équilibre des salariés et des fonctionnaires civils pour le porter à 15 points. Les cotisations des salariés devraient être augmentées si elles étaient appelées à financer ces avantages tandis que les contributions nécessaires à l'équilibre du régime des fonctionnaires civils de l'État seraient légèrement réduites.

Enfin, les différences de situation démographique des régimes peuvent expliquer des écarts de taux de contribution. Des différences dans les ratios de cotisants sur les prestataires supposent qu'un régime où ce ratio est comparativement faible doit avoir un taux de contribution supérieur.

La correction démographique peut emprunter deux voies selon qu'on souhaite prendre en compte les écarts provenant de conditions d'ouverture des droits différentes (que ce soit pour des raisons institutionnelles ou du fait de choix personnels des pensionnés). Le niveau encore relativement élevé des départs précoces dans la fonction publique aboutit à estimer un taux d'équilibre corrigé du fait démographique plus important quand on impute à ces régimes les charges correspondantes.

Sans correction des conditions particulières d'ouverture des droits, la différence entre les taux d'équilibre des salariés et des fonctionnaires civils n'est plus que de 4,2 points. Le nombre plus élevé de fonctionnaires à la retraite précoce porte cet écart à 4,3 points. Le besoin de financement des pensions précoces aboutit dans les deux cas à relever le taux de contribution d'équilibre, de 3,1 points pour les salariés du privé et de 3,2 points pour les fonctionnaires civils.

Ces corrections ne sont pas parfaites 32 ( * ) , mais elles offrent une image plus fidèle que celle dessinée à partir des taux de contribution apparents des efforts contributifs comparés dans les régimes.

Selon l'actualisation proposée par le rapport du COR en 2019, le taux de prélèvement d'équilibre corrigé du ratio démographique était de 21,9 % en 2017 (en baisse par rapport aux estimations antérieures), celui nécessaire à l'équilibre du régime des fonctionnaires civils de 19,6 % assez proche de la situation du secteur privé salarié (16,7 %).

Taux de cotisation harmonisés et taux de prélèvement d'équilibre
en 2017

Source : rapport du COR, 2019

Il demeure un écart de l'ordre de 2,9 points, qui pour n'être pas négligeable, correspond à un peu moins de 2 milliards d'euros de prélèvements supplémentaires.

Celui-ci suggère que si les prélèvements au profit des régimes de retraite des fonctionnaires devaient être calés sur ceux du régime général, les pensions des fonctionnaires civils de l'État devraient être réduites de l'ordre de 2 milliards d'euros.

Cependant, cette conclusion conserve quelques fragilités, dans la mesure où les différences structurelles entre les emplois des deux régimes peuvent contribuer à des écarts résiduels à l'ampleur aujourd'hui mal appréhendable.

2. Malgré une révision de la méthode d'estimation, le poids des dépenses de solidarité est comparable entre les régimes de fonctionnaires et ceux des salariés mais leur structure est très différente, les départs précoces jouant beaucoup plus dans la fonction publique

Il est intéressant de cerner les dépenses non contributives des régimes couverts par le CAS « Pensions » afin de mesurer leur degré de « solidarité » et dans la perspective de comparaisons entre régimes, ces comparaisons ne devant toutefois pas être considérées indépendamment des conditions de toutes natures qui peuvent intervenir lorsqu'on ambitionne d'étalonner l'équité d'un système de retraite.

L'estimation des avantages non contributifs et plus encore celle des droits ouverts aux affiliés d'un régime de retraite au titre de la solidarité est plus difficile qu'on n'est tenté de l'imaginer de prime abord.

Les évolutions intervenues sur ce point en témoignent.

Une nouvelle analyse de la part des dépenses de solidarité, qui ne concerne que les dépenses de solidarité explicites et non les dépenses de solidarité implicites logées dans le coeur même des régimes de retraite, débouchant sur des révisions importantes, a été proposée par la DREES au début de 2020 après une précédente analyse datant de 2012.

Dans celle-ci, la part des dépenses de pension relevant de transferts de solidarité 33 ( * ) apparaissait légèrement supérieure dans les régimes de la fonction publique, constat partagé par le COR.

Part des dispositifs de solidarité dans les montants de pension de droit direct servies par les régimes de retraite de la fonction publique et des salariés
(régimes de base et complémentaires)

Source : rapport du COR, 2019

On renvoie au rapport présenté l'an dernier par la rapporteure spéciale.

Dans la nouvelle publication de la DREES, les avantages de solidarité ressortent comme beaucoup plus important dans les régimes de la fonction publique que dans ceux du secteur privé.

Cependant, des nuances doivent être apportées, en particulier pour le principal des régimes couverts par le CAS « Pensions », celui des fonctionnaires civils de l'État.

L'étude évalue à 43,8 milliards d'euros les droits de solidarité « au sens strict » versés par le système de retraite en 2016 et à 60,9 milliards d'euros une fois adoptée une approche plus « large ».

Structure des dépenses de retraite en 2016

Source : DREES, 2020

Évolution de la composition du poids des dispositifs de solidarité
dans les prestations de droit direct entre 2012 et 2016

Source : DREES, 2020

Dans ce contexte, la part des dispositifs explicites de solidarité serait de 22,1 % dans les régimes de la fonction publique et de 13,3 % dans les régimes de salariés lorsque l'on ne prend en compte que les droits de solidarité « au sens strict ».

Il existerait toutefois des différences prononcées entre les régimes de la fonction publique. La fonction publique civile d'État apparaît comme offrant des droits de solidarité proches du secteur privé.

Répartition des masses financières des pensions de retraite
dans le régime de la fonction publique d'État

Source : DREES, 2020

Le régime des militaires serait nettement plus favorable sous cet angle.

Les droits de solidarité dans différents régimes

Source : DREES, 2020

La révision des estimations entre les deux études de la DREES apparaît très significative.

Mais, elle passe largement par une convention qui consiste à scinder les dispositifs de solidarité explicites en deux catégories (« stricte » et « large »).

Il faut reconnaître que la détermination de ce qui relève de la solidarité est en partie conventionnelle.

On observe qu'une fois pris en compte l'impact sur le taux de liquidation de la pension de trimestres non cotisés (solidarité « au sens large »), les écarts entre le secteur privé et le secteur public, tout particulièrement pour la fonction publique d'État civile, tendent à se refermer.

En toute hypothèse, il n'y a pas d'équivalence évidente entre ces avantages de solidarité, les uns permettant de compenser des trajectoires professionnelles « heurtées », les autres de compenser des conditions de travail considérées comme particulièrement difficiles.

La composition des avantages de solidarité diffère entre les deux catégories , les avantages au titre des départs anticipés représentant 11,2 % des pensions directes dans la fonction publique contre une part nettement plus modeste dans le secteur privé pour lequel prédominent les validations de trimestre au titre de l'inactivité.

Les régimes de la fonction publique réservent ainsi davantage de droits au titre de la pénibilité du travail à travers les statuts réservés aux personnels de la catégorie active que les régimes de salariés ainsi que le confirment les données ci-dessous transmises à la rapporteure spéciale.

Selon ces données, les dépenses de solidarité auraient été de 14,34 milliards d'euros en 2018 (9,23 milliards d'euros pour les civils ; 5,11 milliards d'euros pour les militaires) , soit environ 26 % des dépenses du programme 741 ( 9,6 milliards d'euros hors réversion , la réversion représentant un tiers des dépenses de solidarité).

Ces données auxquelles il faudrait ajouter la considération des engagements constitués au titre des dépenses de solidarité (non encore mises en paiement 34 ( * ) ) doivent être gardées à l'esprit dans la perspective de l'analyse des impacts de la réforme des retraites envisagée par le Gouvernement.

Dépenses non contributives des régimes des fonctions publiques d' É tat
civile et militaire en 2018

(en milliards d'euros)

Source : réponse au questionnaire de la rapporteure spéciale

Dans son rapport précité, la Cour des comptes avait exploré l'impact d'un alignement des statuts actif et sédentaire sur ce dernier, ce scenario recouvrant en partie les préconisations du rapport du haut-commissaire à la réforme des retraites et les perspectives ouvertes par le projet de loi instaurant un système universel de retraite.

Il est donc justifié de s'intéresser à ces populations.

Le nombre des pensions servies à des personnels actifs de la fonction publique civile d'État est de 461 543 à fin 2019 ; il peut être mis en regard du nombre des pensions civiles sédentaires, de 787 750 unités à la même date.

Effectif des pensions par catégorie d'emploi des actifs

Catégorie d'emploi

Nouvelles pensions civiles de droit direct avec un départ d'actif en 2019

Effectif des pensions en stock au 31 décembre 2019 avec un départ pour actif

Instituteur

4 988

236 902

Ex-PTT

2 807

96 168

Police

1 834

80 188

Pénitentiaire

468

11 153

Équipement

362

20 122

Douane

295

6 747

Agriculture

165

3 466

ICNA

75

2 212

Finance hors douane

73

1 952

Justice hors pénitentiaire

68

1 734

Autres actifs

29

899

Total

11 164

461 543

Champ : Nouvelles pensions civiles de droit direct de l'année 2019 et pensions civiles de droit direct en stock au 31 décembre 2019, départ à la retraite pour actif.

Source : réponse au questionnaire de la rapporteure spéciale

Les pensions servies à d'anciens actifs représentent ainsi 37 % du total des pensions en stock issues de la fonction publique d'État civile. Au 31 décembre 2018, les femmes représentaient 39 % des pensions au titre de la catégorie active, et plus de 9 femmes sur 10 de la catégorie active sont des institutrices ou des professeures des écoles.

La proportion des pensions servies à des actifs devrait diminuer à législation constante dans les années à venir.

Le nombre d'affiliés au régime de retraite de la fonction publique d'État civile ayant constitué des droits au titre de la catégorie active est de 277 723, dont moins de 100 000 ont atteint la durée nécessaire à la liquidation d'une pension au titre des catégories actives.

Effectif des affiliés non retraités civils ayant acquis des droits d'actifs
au 1 er janvier 2020

Catégorie d'actif

Affiliés ayant des droits d'actifs

Dont ayant atteint leur durée d'actif

Police

115 144

19 796

Instituteur

72 881

49 723

Pénitentiaire

30 970

3 876

Ex-PTT

22 924

10 593

Douane

11 486

3 567

Équipement

11 193

4 793

Justice hors pénitentiaire

5 802

931

ICNA

3 730

1 980

Agriculture

2 720

1 179

Finances hors douane

826

229

Autres actifs

47

19

Total

277 723

96 686

Source : réponse au questionnaire de la rapporteure spéciale

Le nombre des fonctionnaires civils occupant des emplois entrant dans la catégorie active est, quant à lui, de 158 184 personnes.

Effectif des affiliés non retraités civils occupant un emploi d'actif
au 1 er janvier 2020

Catégorie d'actif

Affiliés occupant un emploi d'actif

Dont ayant atteint leur durée d'actif

Police

109 963

19 565

Pénitentiaire

26 881

3 812

Douane

8 071

2 872

Équipement

7 192

3 272

ICNA

3 651

1 969

Instituteur

1 325

1 188

Ex-PTT

1 068

991

Justice hors pénitentiaire

18

3

Agriculture

9

9

Autres actifs

6

5

Total

158 184

33 686

Source : réponse au questionnaire de la rapporteure spéciale

Ces éléments permettent de cerner l'horizon des possibles en ce qui concerne les liquidations de pensions d'actifs à l'avenir, un seuil minimum d'une centaine de milliers de liquidation représentant une forte réduction de la part des pensionnés ex actifs dans la fonction publique.

Quant aux personnes ayant constitué des droits dans la catégorie active, les 277 723 personnes identifiées représentent 15 % des fonctionnaires civils.

Plus des deux tiers des civils ayant acquis des droits actifs relèvent des effectifs de police et de l'enseignement scolaire. Quant aux fonctionnaires exerçant des activités leur donnant accès à la catégorie active, ils sont principalement policiers (69 %) et personnels de la pénitentiaire (17,1 %). Il reste assez peu d'instituteurs en ce cas, la plupart ayant opté pour l'intégration au corps des professeurs des écoles. Il n'en demeure pas moins que de l'ordre de 50 000 fonctionnaires avaient acquis une ancienneté d'actif suffisante au moment de leur intégration dans ce corps de sorte qu'aux personnels ayant conservé le statut actif, relativement résiduels, il faut les ajouter quand on envisage les perspectives de liquidation des retraites en tant qu'actifs.

Les conditions de liquidation de pensions des fonctionnaires actifs peuvent être comparées avec celles des sédentaires et il en ressort un bilan très positif pour les actifs à la retraite par rapport aux sédentaires.

Comparaison entre les départs pour motif « actif » et « sédentaire »
des nouvelles pensions civiles de droit direct de 2019 (flux)

Indicateurs

Actif

Sédentaire

Effectif de pensions

11 164

30 508

Âge moyen à la date d'effet de la pension initiale

59,7

63,5

Montant mensuel brut moyen en euros courants

2 252

2 240

Taux de liquidation en % après décote ou surcote (1)

70,3

68,6

Part en % des pensions ayant un taux de liquidation après décote ou surcote supérieur ou égal à 75 % (1)

41

44

Indice moyen de liquidation (1)

669

683

Durée moyenne en trimestres des services retenus pour la liquidation

147

139

Durée moyenne en trimestres des bonifications retenues pour la liquidation

7,7

4,5

Durée moyenne en trimestres d'assurance tous régimes

170

173

Part en % des pensions avec décote (1)

24,6

15,1

Taux moyen de décote en % (1)

10

11

Perte mensuelle moyenne en euros liée à la décote (1)

194

174

Part en % des pensions avec surcote (1)

14

50

Taux moyen de surcote en % (1)

9,7

9,3

Gain mensuel moyen en euros lié à la surcote (1)

234

229

Effectif des pensions portées au minimum garanti

160

1307

Part en % des pensions portées au minimum garanti

1

4

Montant mensuel brut moyen en euros courants des pensions portées au minimum garanti

985

889

Champ : Nouvelles pensions civiles de droit direct de l'année 2019 ayant un départ d'actif ou de sédentaire.

(1) : hors pensions élevées au minimum garanti.

Source : réponse au questionnaire de la rapporteure spéciale

Non seulement les actifs liquident-ils leur retraite plus précocement que les sédentaires (trois ans et huit mois plus tôt) mais encore, malgré un indice de liquidation inférieur et des pensions plus fréquemment décotées et moins souvent surcotées, obtiennent-ils une pension en moyenne supérieure à celle des sédentaires.

Si, par certains côtés, leur situation s'est dégradée, elle s'est moins détériorée que pour les sédentaires et a connu, globalement, une certaine amélioration alors que, pour les fonctionnaires ne relevant pas des catégories actives, la situation moyenne est devenue moins bonne, le niveau des nouvelles pensions étant plus faible que pour la pension moyenne du stock, malgré des bases liquidatives liées à la carrière professionnelle théoriquement meilleures.

Comparaison entre les départs pour motif « actif » et « sédentaire » des pensions civiles de droit direct en stock en 2019

Indicateurs

Actif

Sédentaire

Effectif de pensions

461 543

787 750

Âge moyen à la date d'effet de la pension initiale

56,6

61,5

Montant mensuel brut moyen en euros courants

2 130

2 270

Taux de liquidation en % après décote ou surcote (1)

71,8

71,6

Part en % des pensions ayant un taux de liquidation après décote ou surcote supérieur ou égal à 75 % (1)

44,0

53,8

Indice moyen de liquidation (1)

581

655

Durée moyenne en trimestres des services retenus pour la liquidation

137,8

135,2

Durée moyenne en trimestres des bonifications retenues pour la liquidation

8,1

5,0

Durée moyenne en trimestres d'assurance tous régimes

159,8

167,4

Part en % des pensions avec décote (1)

12,1

8,1

Taux moyen de décote en % (1)

4,9

5,4

Perte mensuelle moyenne en euros liée à la décote (1)

91

96

Part en % des pensions avec surcote (1)

3,9

30,8

Taux moyen de surcote en % (1)

9,0

7,8

Gain mensuel moyen en euros lié à la surcote (1)

220

203

Effectif des pensions portées au minimum garanti

16 661

78 165

Part en % des pensions portées au minimum garanti

3,6

9,9

Montant mensuel brut moyen en euros courants des pensions portées au minimum garanti

1 079

962

Champ : Pensions civiles de droit direct en stock au 31 décembre 2019 ayant un départ d'actif ou de sédentaire.

(1) : hors pensions élevées au minimum garanti

Source : réponse au questionnaire de la rapporteure spéciale

En 2019, la pension mensuelle moyenne (montant principal et accessoires) s'élève à 2 130 euros pour un actif parti au titre de l'ancienneté contre 2 270 euros pour un sédentaire parti au titre de l'ancienneté.

La part des dépenses correspondant aux pensionnés ex-actifs en retraite avant 63 ans (âge moyen des liquidations des sédentaires et des salariés) n'est pas identifiable mais la majeure partie des 60 000 pensions versées à des titulaires de pensions civiles de droit direct de moins de 60 ans provient sans doute des catégories actives, contingent auquel il faut ajouter une partie de 227 578 pensions versées à des fonctionnaires civils entre 60 et 64 ans.

Ainsi sur la base de la valeur unitaire des nouvelles pensions liquidées à ce titre en 2019 et d'une estimation selon laquelle la moitié des pensionnés d'un âge compris entre 60 et 64 ans seraient d'anciens fonctionnaires de la catégorie active, le montant des pensions de droit direct correspondant aux fonctionnaires de ces catégories serait de l'ordre de 5 milliards d'euros (estimation qui semble confirmée par les données supra ) pour les civils et les militaires confondus.

Une estimation complémentaire, qui ne porte que sur les pensions des actifs touchées perçues avant l'âge de 62 ans avait pu être avancée, le service des retraites de l'État proposant un chiffrage à 2,3 milliards d'euros pour les gains en 2020 d'une suppression de la possibilité de départ anticipé en 2015, dont 1,4 milliard d'euros pour la fonction publique d'État et 900 millions d'euros pour la CNRACL.

Caractéristiques comparées des pensions en stock
pour les actifs et pour les sédentaires

Pension avec un motif de départ pour ancienneté

Actif

Sédentaire

Durée moyenne en trimestre des services retenus

137,5

134,9

Durée moyenne en trimestre des services acquis

138,4

137,8

Durée moyenne en trimestre des bonifications retenues

8,1

5,0

Durée moyenne en trimestre des bonifications acquises

9,4

5,9

Part en % des pensions avec décote

11,5

7,7

Part en % des pensions avec surcote

3,6

29,5

Source : réponse au questionnaire de la rapporteure spéciale

Au cours de l'année 2019, il y a eu 11 164 pensions nouvelles au titre de la catégorie active avec un motif de départ pour ancienneté. La catégorie active représente ainsi 27 % des départs au titre de l'ancienneté. Les instituteurs et professeurs des écoles concentrent 44 % des départs des actifs en 2018, le personnel d'Orange et la Poste 26 % et les policiers 15 %. Les femmes représentent 37 % des départs du flux d'actifs en 2018.

Pour les pensions nouvelles de 2019, le montant mensuel moyen (montant principal et accessoires) s'élève à 2 252 euros pour un actif parti au titre de l'ancienneté, montant moyen légèrement supérieur à celui d'un sédentaire parti au titre de l'ancienneté (2 240 euros).

L'importance relative des pensions d'actifs liquidées provient à la fois d'un taux de liquidation relatif élevé (du fait de diverses bonifications) et d'une durée de service supérieure en moyenne à celle des sédentaires.

Ainsi les actifs cumulent une durée de service de la pension et un niveau de pension supérieurs à ces derniers, qui ne peut être expliqué par un effort contributif supérieur.

Caractéristiques comparées des pensions nouvellement liquidées en 2018
pour les actifs et pour les sédentaires

Pension avec un motif de départ pour ancienneté

Actif

Sédentaire

Durée moyenne en trimestre des services retenus

147,1

139,0

Durée moyenne en trimestre des services acquis

148,4

140,6

Durée moyenne en trimestre des bonifications retenues

7,7

4,4

Durée moyenne en trimestre des bonifications acquises

9,2

5,3

Part en % des pensions avec décote

24,5

14,7

Part en % des pensions avec surcote

12,0

47,9

Source : réponse au questionnaire de la rapporteure spéciale

Les caractéristiques des populations concernées offrent davantage d'explications de même que la particulière difficulté des métiers exercés est appelée à renforcer son pouvoir explicatif.

Au 31 décembre 2019, il y avait près de 277 723 assurés ayant réuni des droits d'actifs, mais seulement 158 184 assurés en situation d'actifs.

Cette proportion est nettement inférieure à celle constatée pour les retraités (29 %), traduisant le fait notamment que deux corps d'actifs, les instituteurs/professeurs des écoles d'une part et les actifs de la Poste et Orange d'autre part, sont en extinction. Au demeurant, les nouvelles liquidations au titre du motif « actif » actuellement de 20 % du total des liquidations annuelles devraient être ramenées à 16 % en 2025.

Pour les instituteurs et professeurs des écoles, c'est à partir de la génération 1972 que ce corps va entrer en extinction. Les actifs d'Orange et la Poste vont fortement décroître à partir de la génération 1965 et vont entrer en extinction à partir de la génération 1971. La part des actifs parmi les affiliés non retraités civils, culmine avec la génération 1963 (20 %) avant de se situer autour de 11 % avec la génération 1970 et 15 % pour la génération 1975. Au 31 décembre 2018, les policiers représentent la première population des actifs (46 %), devant les instituteurs et professeurs des écoles (24 %) et les surveillants de la pénitentiaire (11 %).

La recomposition de la population des actifs de la fonction publique laisse présager une réduction progressive des engagements financiers de l'État à ce titre.

Les engagements de retraite de l'État au 31 décembre à l'égard de la catégorie active sont estimés à 414 milliards d'euros, soit un quart des engagements civils de droit direct. Ils se répartissent pour 64 % en engagements auprès des retraités actuels et 36 % envers les affiliés non-retraités ayant acquis des droits dans le régime.

Détail des engagements de retraite de l' É tat au regard des actifs
au 31 décembre 2019

Population

Engagements au 31/12/2019 en milliards d'euros

Montant

Répartition

Civils de droit direct

1 672

69 %

dont catégorie active

414

17 %

dont retraités

267

11 %

dont catégorie sédentaire

1 258

52 %

dont retraités

515

21 %

Civils de droit dérivé

189

8 %

Militaires

544

23 %

Ensemble

2 405

100 %

Source : réponse au questionnaire de la rapporteure spéciale

En se limitant à considérer les engagements déjà constatés, sans acquisition de nouveaux droits , la catégorie active engendrerait des dépenses jusqu'à l'année 2100 environ. Si pour les sédentaires les dépenses continueraient d'augmenter jusqu'en 2034 (32,7 milliards d'euros) avant de diminuer sous l'effet du papy boom, le recul des dépenses pour la catégorie active interviendrait plus rapidement : quasi-stables dans les prochaines années, les sommes engagées en faveur de cette catégorie amorceraient leur baisse dès 2024 avec un maximum à 13,9 milliards d'euros.

Évolution des engagements de retraite de l'État selon l'appartenance à la catégorie active ou sédentaire

(en milliards d'euros)

Source : réponse au questionnaire de la rapporteure spéciale

Actuellement, les actifs avec une date d'ouverture des droits à 52 ans sont majoritaires parmi les actifs et ce phénomène va se renforcer au fil du temps .

À partir de la génération 1974, plus de 90 % des actifs seront des actifs avec une date d'ouverture des droits à 52 ans, c'est-à-dire des personnels exerçant des missions particulièrement difficiles.

Dans ces conditions, il peut apparaître quelque peu réducteur de fonder une appréciation du caractère équitable du statut réservé aux effectifs de la catégorie active sur des critères exclusivement financiers.

Au demeurant, ces derniers mériteraient d'être identifiés.

Si la jouissance d'une pension précoce est un avantage qui tend à offrir aux personnels dont s'agit un taux de rendement de leurs contributions sur le cycle de vie 35 ( * ) relativement élevé par rapport à d'autres situations, appréhender le supplément de pension retiré sur le cycle de vie du fait de l'âge plus précoce de liquidation pour un actif, imposerait de comparer la situation constatée avec une hypothèse alternative en considérant que la personne concernée parte à la retraite en tant que sédentaire.

Le ministère de l'action et des comptes publics ne dispose pas d'éléments tangibles sur ce point.

Il estime qu'il faudrait construire un scénario alternatif, avec une nouvelle date de départ à la retraite mais aussi avec un nouveau montant de pension à la liquidation.

Il est très regrettable que ce scenario ne soit pas disponible alors même que la réforme des retraites en cours d'élaboration repose dans ses équilibres sur une banalisation du statut reconnu aux catégories actives et superactives.

Ce nouveau montant de pension à la liquidation tiendrait compte d'une durée de services plus importante et, éventuellement, de la suppression de certaines bonifications liées à la catégorie active, bonification du cinquième notamment.

Les économies seraient moindres que celles estimées comptablement.

On peut cependant mentionner ici que, selon une étude de la DREES 36 ( * ) publiée en 2014 comportant une simulation de l'affiliation des fonctionnaires de différentes générations aux régimes du secteur privé , les impacts de cette dernière sur la pension des fonctionnaires, qui seraient globalement limités et non univoques , affecteraient profondément les fonctionnaires des catégories actives comme le montre le tableau ci-dessous.

Écart de pension pour les fonctionnaires de trois générations après application des règles du secteur privé (par rapport à la pension moyenne)

Sources : échantillon inter-régimes des cotisants 2009, Trajectoire, CALIPER, DREES

En outre, comme selon le ministère de l'action et des comptes publics, il n'est actuellement pas possible d'établir une ventilation des cotisations versées entre la catégorie active et la catégorie sédentaire, une difficulté sérieuse existe pour appréhender les équilibres finaux d'une réforme de ces catégories.

3. Un taux de remplacement proche de celui des salariés, une grande variabilité selon les fonctionnaires
a) Des différences de conditions de liquidation entre les régimes de la fonction publique et les régimes des salariés qui se compensent les unes les autres

Les conditions de liquidation des pensions dans la fonction publique diffèrent de celles du régime général des salariés, mais sans que cette différence souvent présentée comme favorable aux fonctionnaires ne leur offre, en réalité, des avantages en soi. Cette propriété du mécanisme de liquidation ne se vérifie que sous réserve de conditions qui ne sont globalement plus réunies ces dernières années, ce qui n'empêche pas certains affiliés pour lesquelles elles sont vérifiées de tirer un bénéfice du système de liquidation.

Au sein de la fonction publique, la base liquidative correspond à la valeur moyenne des six derniers mois de traitement indiciaire ; pour le régime de base des salariés, la CNAV applique le taux de liquidation aux 25 meilleures années de la carrière mais moyennant une revalorisation « des salaires portés au compte » comme l'inflation. Par ailleurs, les salariés du privé sont affiliés à des régimes complémentaires en points, qui englobent jusqu'à 8 fois le plafond annuel de la sécurité sociale les salaires assurables, cette assiette n'étant accessible qu'à peu de salariés mais à encore moins de fonctionnaires (l'exclusion des primes pouvant alors compter).

A priori la différence entre les régimes de liquidation des salariés au régime général et des fonctionnaires de l'État (les liquidations de pensions des régimes spéciaux suivant également ce dernier mécanisme) offre aux fonctionnaires une plus forte protection contre les effets du décrochage des assiettes de liquidation par rapport à la croissance économique, appelé à jouer plus fortement dans le régime général où l'assiette de cotisation sur les 25 meilleures années de la carrière, revalorisée comme l'inflation et non comme la croissance économique, implique un décrochage plus fort de l'assiette de liquidation.

Au demeurant, des simulations réalisées sur des données anciennes montrent que plus la période de référence utilisée pour calculer les pensions est longue, moins la base liquidative de ces dernières est élevée.

Ainsi, le passage d'une référence à la moyenne salariale des 10 meilleures années à celle des 25 meilleures années dans le régime général s'est traduit par une réduction de la valeur relative de la base de liquidation des pensions qu'illustrent les deux graphiques ci-dessous.

Si dans tous les cas, un revenu estimé sur une partie seulement de la carrière considérée comme la plus favorable est supérieur à un revenu moyen de carrière, cette propriété est normalement d'autant plus vérifiée que la fraction de la carrière retenue est plus sélective.

Ainsi, entre un mécanisme de détermination du revenu moyen calculé sur les 10 meilleures années d'activité et un mécanisme basé sur les 25 meilleures années d'activité, le rapport entre le revenu moyen et le revenu moyen d'activité estimé sur les 40 meilleures années, s'il demeure positif, se trouve considérablement réduit.

Ratios du revenu d'activité moyen calculé sur les 10 ou 25 meilleures années d'activité par rapport au revenu d'activité moyen des 40 meilleures années

Source : « Les conséquences des profils individuels des revenus d'activité au long de la carrière sur les niveaux des pensions de retraite », Patrick Aubert, Cindy Duc, Économie et statistique, n°441-442-2011, INSEE

Cependant, le différentiel des dynamiques du salaire moyen servant à la base liquidative dans la fonction publique et dans les régimes de salariés ne joue à la faveur des premiers que si les revenus indiciaires des fonctionnaires connaissent sur la dernière partie de leurs carrières (pour simplifier sur les 12,5 dernières années de celle-ci) une revalorisation supérieure à l'inflation, qui, dans le régime général fait l'objet d'une correction 37 ( * ) .

Or, le gel de la valeur du point d'indice tend à neutraliser les impacts de la meilleure prise en compte des progressions salariales des fonctionnaires, d'ailleurs ralenties en moyenne dans les fins de carrière, de sorte que les différences règlementaires concernant la base liquidative des pensions exercent alors des effets mineurs, voire paradoxaux.

Évolution du point d'indice de la fonction publique
et des prix à la consommation depuis 1970

Source : Rapport annuel sur l'état de la fonction publique 2018, DGAFP

Dans ces conditions, le taux de remplacement instantané (en pourcentage du salaire de fin de carrière) offert par les régimes des salariés tend à être supérieur à celui des régimes de la fonction publique.

Taux de remplacement médian par génération pour les carrières complètes
pour différents champs d'assurance vieillesse

b) Dans la fonction publique, des taux de rendement des contributions plus élevés pour les carrières ascendantes

Au sein même de la fonction publique, la règle de calcul de la base liquidative sur les six derniers mois de traitement indiciaire est susceptible d'impliquer des effets asymétriques, dynamisant le taux de rendement des cotisants bénéficiant de rémunérations ascendantes, que cela provienne de « coups de pouce » ou du déroulement normal des carrières.

Or, les pentes des carrières sont fortement différenciées comme une étude distribuée lors de la séance plénière du COR du 12 avril 2018 le confirme globalement, qui permet, en outre d'observer, à partir de quatre cas-types de fonctionnaires (fonctionnaires de la génération 1950), que l'influence des primes sur les profils salariaux 38 ( * ) est assez nettement contrastée selon les appartenances catégorielles et fonctionnelles des fonctionnaires.

Les quatre cas-types de fonctionnaires

Les quatre cas-types envisagés par le COR se distinguent par l'appartenance catégorielle des fonctionnaires et par le taux de prime :

- le cas-type n° 5 est celui d'un fonctionnaire sédentaire de catégorie B avec un taux de prime moyen ;

- le cas-type n° 6 est celui d'un fonctionnaire de catégorie A (enseignant) avec une part de primes relativement faible ;

- le cas-type n° 7 est celui d'un fonctionnaire de catégorie A + pour lequel le taux de prime est comparativement élevé ;

- le cas-type n° 8 est celui d'un fonctionnaire de catégorie active (policier) avec un taux de prime relativement élevé.

Au total, la différenciation des taux de rendement des cotisations associée aux profils de carrière joue à l'avantage des catégories supérieures de la fonction publique excepté pour certains personnels de l'enseignement.

La règle de liquidation tend ainsi à exercer des effets contre redistributifs.

Cas-type n° 5 (catégorie B)

Source : COR

Cas-type n° 6 (catégorie A- professeur)

Source : COR

Cas-type n° 7 (catégorie A +)

Source : COR

Cas-type n° 8 (Catégorie active - policier)

Source : COR

Il existe ainsi une grande variété des pentes salariales entre les catégories étudiées. En outre, la part des primes dans la rémunération totale évolue assez sensiblement mais différemment selon les personnels.

Les fonctionnaires de catégorie A connaissent une progression de leur carrière beaucoup plus nette que ceux des autres catégories.

Toutefois, les cas-types confirment également tous que les carrières salariales relatives ne progressent pas en fin de carrière, s'aplatissant au mieux (cas -types 7 et 8) et allant même jusqu'à décliner pour les cas-types 5 et 6. Pour les cas-type 5 (B sédentaire) cette inflexion serait encore plus forte si les taux de prime suivaient les évolutions indiciaires.

Pour les professeurs, c'est, au contraire, la baisse du taux de prime après 45 ans (à partir d'un taux de prime déjà comparativement faible) qui induit une réduction du salaire relatif de fin de carrière.

À l'inverse, la forte élévation du taux de prime permet de consolider la progression du salaire relatif des personnels de catégorie A+, le salaire relatif des policiers suivant un profil plat assez précocement dans leur carrière, à l'image du profil de leur taux de prime, comparativement fort.

Les deux caractéristiques mises en évidence ci-dessus (part des primes et profil de versement des primes pendant la carrière) doivent être gardées à l'esprit à l'heure où la réforme des retraites en cours d'élaboration prévoit l'intégration des primes des fonctionnaires dans l'assiette des pensions.

Cette intégration produira des effets asymétriques dès lors que la réforme entend s'inscrire sous une contrainte budgétaire inchangée.

Pour ce qui est de la différenciation des taux de primes ses propriétés asymétriques sont évidentes.

Mais il faut également tenir compte de la séquence temporelle, et de la pente coïncidente, suivies par les primes dans la rémunération des agents. En effet, compte tenu de l'indexation des points, servant de base au futur système universel de retraites sur le salaire moyen par tête, le profil temporel des primes, variable selon les agents, conduira à différencier leur profil d'accumulation de droits.

Il serait souhaitable de disposer, comme sur de nombreuses autres dimensions de la réforme, d'éléments d'appréciation sur ce point.

c) L'exclusion des primes de la base liquidative des pensions modère le « sur rendement » associé aux carrières ascendantes et réduit le taux de remplacement offert par leurs régimes aux fonctionnaires par rapport aux salariés du secteur privé

Les évolutions contrastées exposées ci-dessus tendent à suggérer que dans de nombreux cas, c'est la progression des primes qui assure un certain dynamisme aux revenus de fin d'activité.

La non intégration des primes dans le traitement de liquidation conduit ainsi à réduire l'avantage tiré de la pente des carrières propre aux fonctionnaires des catégories supérieures.

De ce point de vue, la situation des enseignants pour lesquels la baisse de la part des primes, déjà faible, réduit les salaires relatifs en fin de carrière, apparaît atypique.

Cumulée avec un taux de primes moins élevé que dans le reste de la fonction publique (voir infra), cette caractéristique devrait tendre à réduire les pensions des personnels de l'éducation nationale.

C'est la raison pour laquelle, le Gouvernement a annoncé son intention de revaloriser les primes de ces personnels

Quoi qu'il en soit, en l'état, l'empreinte du régime de retraite est plus ou moins forte selon la structure des rémunérations.

Sur la période récente, la part des primes dans les rémunérations perçues par les fonctionnaires n'a cessé de s'alourdir. Elle a gagné 1,6 point depuis 2009, l'année 2016 marquant une pause du fait de la revalorisation du point d'indice intervenue au 1 er juillet de l'année.

La situation des fonctionnaires au regard de la structure de leurs rémunérations est très hétérogène en fonction de quelques critères discriminants.

La part des primes varie assez nettement selon le sexe . Les hommes employés dans la fonction publique d'État occupent des fonctions qui ouvrent à des primes proportionnellement plus élevées que les femmes. L'écart est très net puisqu'il atteint 5,5 points.

Un autre facteur discriminant très accusé réside dans l'appartenance catégorielle. Les catégories supérieures de la fonction publique d'État disposent d'un taux de prime plus fort que les autres et particulièrement élevé en général. Les fonctionnaires de catégorie A+ ont un taux de prime de 42,3 %, soit 22,3 points de plus que la moyenne.

Parmi les fonctionnaires des catégories supérieures, les enseignants représentent une exception. Leur taux de prime est plus faible que pour la moyenne de la fonction publique (de 7,4 points) .

Enfin, le tableau ci-dessous montre l'influence des fonctions opérationnelles.

Les catégories actives et superactives bénéficient généralement de plus de primes que les fonctionnaires sédentaires.

Part moyenne des primes dans la fonction publique de l'État de 2009 à 2016

Source : COR, rapport 2019

Ces différences jouent en soi sur les taux de remplacement des fonctionnaires, qui sont plus faibles que dans le privé et varient selon les fonctionnaires.


* 32 En particulier, la neutralisation des différences entre les assiettes de cotisation aboutit à des résultats sans doute un peu excessifs dans la mesure où la limitation des assiettes de cotisation aux éléments indiciaires dans le secteur public a son pendant dans des règles de liquidation des pensions sur la base des seuls traitements indiciaires. Il est vrai qu'au total les taux de remplacement offerts par les régimes sont analogues mais au terme de mécanismes complexes qui incluent le jeu de l'ensemble des paramètres des régimes de retraite accessibles aux différentes populations d'affiliés.

* 33 Hors pensions de réversion qui pour représenter des avantages non contributifs ne sont généralement pas considérées comme relevant de droits de solidarité, cette exclusion étant contestable.

* 34 Ces engagements n'ont été rendus accessibles que pour les dépenses correspondant aux fonctionnaires civils de catégorie active (voir infra).

* 35 Il convient de distinguer le taux de rendement instantané, appréhendé au moment de la liquidation de la pension et un taux de rendement sur le cycle de vie, qui, notamment, conduit à tenir compte de la duration de service des pensions.

* 36 Note DREES n° 14-22, simulation des règles CNAV-AGIRC-ARRCO sur les carrières de fonctionnaires, COR séance plénière du 10 avril 2014 sur « les carrières salariales et retraites dans les secteurs privé et public ».

* 37 Elle se cumule avec les gains salariaux acquis au cours de la carrière, gains auxquels on peut assimiler les progressions sur les échelles indiciaires des fonctionnaires.

* 38 Les profils salariaux sont dessinés à partir des salaires relatifs des individus rapportés au salaire moyen par tête.

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