AVANT-PROPOS

Mesdames, Messieurs,

Le Sénat est saisi du projet de loi autorisant la ratification de la convention multilatérale pour la mise en oeuvre des mesures relatives aux conventions fiscales pour prévenir l'érosion de la base d'imposition et le transfert de bénéfices.

Cette convention, signée à Paris le 7 juin 2017 par 67 États couvrant 68 territoires et réunissant désormais 78 États, marque, selon le Secrétaire général de l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) Angel Gurria, « un tournant dans l'histoire des traités fiscaux ».

L'accord multilatéral vise à assurer la mise en oeuvre effective des recommandations du projet « Base Erosion and Profit Shifting » (BEPS). Réaliser cette adaptation selon la méthode bilatérale traditionnelle aurait nécessité plusieurs décennies de renégociation des conventions fiscales, obérant de facto la portée de la démarche.

C'est pourquoi l'action 14 du projet BEPS envisageait l'élaboration d'un instrument multilatéral avec la création, en février 2015, d'un groupe ad hoc réunissant 99 pays et placés sur un pied d'égalité.

Les négociations ont abouti plus de vingt mois plus tard, le 24 novembre 2016, à la convention multilatérale dont le présent projet de loi propose d'autoriser la ratification. La convention elle-même entre en vigueur le 1 er juillet 2018.

Cette convention multilatérale traduit une démarche inédite en matière fiscale . Quoiqu'instrument multilatéral, la convention préserve la souveraineté des États et le caractère bilatéral des relations fiscales. En effet, seules les conventions fiscales de deux États parties à la convention multilatérale et ayant décidé mutuellement de couvrir la convention les liant seront modifiées. Encore, seules les stipulations de ces conventions ayant été notifiées par les deux États, et pour lesquelles les réserves et options qu'ils ont formulées correspondront, seront effectivement concernées.

En tant qu'« accélérateur » juridique concrétisant les progrès issus du projet BEPS, l'objectif de cette convention mérite d'être salué .

En tant qu' instrument venant bouleverser l'équilibre d'un nombre important de conventions fiscales bilatérales négociées en fonction des intérêts économiques respectifs de deux États, cette convention a une portée de grande ampleur et doit donc faire l'objet d'un examen particulièrement attentif.

Son caractère inédit s'accompagne en outre d'un certain nombre d'incertitudes qu'il importe de prendre en compte en amont de la ratification. Deux d'entre elles sont majeures , et peuvent en particulier ainsi être relevées.

D'une part, les modalités de son articulation avec les conventions fiscales bilatérales couvertes sont source de complexité et d'insécurité juridique.

La complexité résulte en particulier de la lecture parallèle qui devra être faite de la convention bilatérale et des modifications qui lui sont apportées par l'instrument multilatéral. L'insécurité juridique naît des risques d'interprétation divergente des stipulations fiscales en vigueur qui pourraient en résulter.

D'autre part, véritable convention « à la carte », la convention multilatérale comporte un nombre élevé de réserves et d'options possibles. Sa portée est donc difficile à évaluer à l'heure de sa ratification , et est susceptible d'évoluer au gré des conventions fiscales notifiées par la suite et des évolutions de réserves et d'options par la France et ses partenaires.

En autorisant la ratification de la convention multilatérale, le Parlement permet donc l'introduction dans la hiérarchie des normes d'un instrument « vivant » , dont les effets seront amenés à évoluer.

Aussi importe-t-il d'effectuer des choix initiaux prudents , et d' assurer l'information du Législateur sur l'évolution des modifications ultérieures apportées par cet instrument aux conventions fiscales bilatérales.

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