EXAMEN EN COMMISSION

Réunie le mardi 21 novembre 2017, sous la présidence de M. Vincent Eblé, président, la commission a procédé à l'examen du rapport de M. Sylvie Vermeillet, rapporteure spéciale sur la mission « Régimes sociaux et de retraite » et sur le compte d'affectation spéciale « Pensions ».

M. Vincent Éblé , président . - Nous allons maintenant examiner les crédits de la mission « Régimes sociaux et de retraite » et le CAS « Pensions ». Je salue la présence parmi nous de M. René-Paul Savary, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales.

Mme Sylvie Vermeillet , rapporteure spéciale sur la mission « Régimes sociaux et de retraite » et sur le compte d'affectation spéciale « Pensions » . - Je relève le défi de Gérard Longuet la semaine dernière pour tenter de vous présenter un rapport de 65 milliards d'euros en moins de 10 minutes : tout d'abord 58,4 milliards d'euros pour le compte d'affectation spéciale « Pensions » qui finance les pensions civiles et militaires auxquels s'ajoutent 6,3 milliards d'euros versés par l'État pour équilibrer certains de nos régimes spéciaux de retraite, comme ceux de la SNCF, de la RATP, des marins, des mineurs, etc. Il s'agit de la mission « Régimes sociaux et de retraite ».

Concernant les régimes spéciaux, le nombre de cotisants étant très inférieur au nombre de retraités, la contribution de l'État pour en assurer l'équilibre a fortement augmenté entre 2006 et 2012, puis baissé entre 2015 et 2017. En 2018, la contribution augmenterait de 0,4 % sous l'effet notamment, en année pleine, de la revalorisation des pensions au 1 er octobre 2017. Le ratio démographique de la SNCF et de la RATP se dégrade encore et le déficit sera supérieur aux économies des régimes fermés mais sans tenir compte d'un éventuel retour de croissance. La subvention d'équilibre de l'État représente aujourd'hui 68 % du financement des retraites des régimes spéciaux, soit 6,332 milliards d'euros sur environ 9,2 milliards d'euros.

Pour mémoire, il n'y a plus que trois cotisants à la Seita pour plus de 8 000 pensionnés et 82 pensionnés à l'ORTF.

À la SNCF, il y avait 400 000 cotisants pour 316 000 pensionnés en 1947 : aujourd'hui, il y a 137 000 cotisants pour 258 000 pensionnés.

En 2018, l'ensemble des régimes spéciaux comptera 500 000 actifs pour 1 100 000 pensionnés, alors que le régime général comprendra 21,8 millions d'actifs pour 15 millions de pensionnés.

Cependant, la singularité des régimes spéciaux ne s'explique pas seulement par le déséquilibre démographique : les différences institutionnelles et économiques persistent. Ainsi, l'âge de départ en retraite a été fixé à 50 ans puis à 52 ans pour le personnel roulant SNCF et RATP et il passera prochainement de 55 ans à 57 ans pour la plupart des autres personnels RATP et SNCF alors que l'âge légal est de 62 ans.

Les systèmes de bonification, la prise en compte des six derniers mois de salaire pour la SNCF contre la moyenne des 25 meilleures années pour le régime général et des revalorisations différentes font que le système pose des problèmes d'équilibre par rapport aux autres retraités.

Sans les réformes de 2008 et de 2010, le déséquilibre des régimes spéciaux se serait quand même réduit : pour la SNCF, il serait passé de 4 milliards à 2,7 milliards d'euros annuels d'ici 2050 mais, quoi qu'il en soit, les déficits perdurent. On peut estimer le besoin cumulé pour la SNCF d'ici 2050 à 87 milliards d'euros. Dans tous les cas, l'appel à la solidarité nationale est nécessaire. A l'occasion de la prochaine réforme, la SNCF devra relever le défi de l'ouverture à la concurrence : elle devra réduire ses frais de structure et accroître sa productivité.

Le CAS « Pensions » est doté de 58,4 milliards d'euros, dont 93,5 % pour les pensions civiles (Fonction publique d'État, fonction hospitalière et collectivités) et militaires, 3,3 % pour les ouvriers des établissements industriels de l'État et 3,2 % pour les pensions militaires d'invalidité et les victimes de guerre et du terrorisme. Ce compte est passé de 19,1 milliards d'euros en 1990 à 58,4 milliards d'euros en 2018. Le nombre de bénéficiaires a doublé. Le niveau des pensions des entrants est globalement supérieur aux pensions en cours, mais le taux de remplacement tend à baisser sous l'effet des réformes successives.

Pour 2018, le Gouvernement prévoit une année blanche au titre de la revalorisation des pensions, soit une économie de 137 millions d'euros représentant 0,25 % de la masse des pensions. En cas d'inflation et de croissance plus fortes, l'économie sera encore supérieure. Les pensionnés vont donc perdre en pouvoir d'achat, d'autant que la CSG va augmenter. Pour les seuls fonctionnaires de l'État, cela pourrait représenter 1 milliard d'euros. Au passage, si le gel indiciaire décidé par l'État va soulager la masse salariale, il se traduira par moins de recettes pour le CAS du fait d'une moindre assiette et donc de moins de cotisations. À elle seule, la suspension du protocole PPCR susciterait une perte de recettes de 243 millions d'euros. Même si les cotisations salariales tendent à augmenter conformément au programme de convergence avec le régime général, j'observe la relative dégressivité des prélèvements à partir d'un certain niveau de salaire.

Le solde excédentaire cumulé du CAS atteindrait 7,6 milliards d'euros fin 2018, très supérieur aux besoins de trésorerie. Rappelons que la Cour des Comptes le trouvait excessif dès 1,6 milliard d'euros. Le ministère des finances ne prétend plus qu'il s'agit de financer les déficits prévisionnels à court terme puisque le solde cumulé devrait atteindre plus de 25 milliards en 2030. Faut-il continuer de sur-financer le CAS en abaissant le niveau de vie des retraités par rapport au reste de la population et valider une baisse significative des taux de remplacement ?

La nécessaire réforme des retraites mérite de réviser la politique des ressources humaines de l'État. À cet égard, il conviendrait sans doute de délier les conditions d'affiliation des conditions de service pour les étapes de fin de carrière. Mais il faudrait aussi veiller à ce que certaines pratiques salariales plutôt sélectives et discrétionnaires ne viennent pas confisquer les efforts de ceux qui n'en bénéficient pas et subissent des baisses substantielles du rendement de leurs contributions.

Enfin, un processus de réforme est en cours : souhaitons que le Parlement soit pleinement informé des avancées des travaux du haut-commissaire à la réforme des retraites, Jean-Paul Delevoye. L'idée d'une égalisation des rendements des cotisations est certes populaire. Globalement, elle a beaucoup progressé si l'on compare les différentes générations. Les écarts qui demeurent sont principalement liés à des conditions de travail inégales. Je note par exemple que alors qu'on demande beaucoup d'efforts aux militaires et aux gendarmes, cette future réforme est particulièrement anxiogène.

Pour conclure, il sera compliqué de vouloir un rendement de cotisations égal pour un effort presque nécessairement inégal. Compte tenu du nécessaire équilibre du CAS « Pensions » et des actuels besoins de la mission « Régimes sociaux et de Retraite », je vous propose un vote positif.

M. René-Paul Savary , rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales . - La commission des affaires sociales n'a pas encore examiné ce rapport, mais je partage les remarques qui viennent d'être faites.

Alors que se profile une nouvelle réforme des retraites, il faudra tenir compte des observations et propositions du Conseil d'orientation des retraites (COR) et du Comité de suivi des retraites. Jusqu'à 2040, la trajectoire sera déficitaire et la branche vieillesse sera l' « homme malade » de la sécurité sociale, avec un déficit prévisionnel de 0,5 % du PIB.

Certes, il existe des différences entre le régime privé et le régime des fonctionnaires en ce qui concerne la participation salariale, et le principe de la réforme veut qu'un euro cotisé conduise au même rendement. Mais les cotisations patronales sont totalement différentes entre public et privé : 74 % pour la fonction publique d'État, 36 % pour la fonction publique territoriale et hospitalière et 16 % pour le secteur privé. Il faudra donc tenir compte de l'effort de l'État.

Comme en 2017, la commission des affaires sociales rappellera que les régimes spéciaux, notamment SNCF et RATP, imposent une contribution nationale importante : il est temps de rattraper les déséquilibres en augmentant les âges de départ. Dans le cadre du rapprochement, il faudra réaliser des avancées dans ce domaine, si l'on veut parvenir à un régime universel. Nous devrons aussi tenir compte des spécificités du régime des militaires pour lequel la contribution de l'État atteint 126 % du traitement indiciaire.

À l'issue de ce débat, la commission a décidé de proposer au Sénat l'adoption, sans modification, des crédits de la mission « Régimes sociaux et de retraite » et du compte d'affectation spéciale « Pensions » .

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Réunie à nouveau le jeudi 23 novembre 2017, sous la présidence de M. Vincent Éblé, président, la commission des finances a confirmé sa décision de proposer au Sénat l'adoption, sans modification, des crédits de la mission « Régimes sociaux et de retraite » et du compte d'affectation spéciale « Pensions » .

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