DEUXIÈME PARTIE - LES ORIENTATIONS DU PROJET DE BUDGET EUROPÉEN POUR 2018

Le budget européen pour 2018 est l e cinquième du cadre financier pluriannuel 2014-2020 , défini pour une durée de sept ans. S'il se situe dans la continuité des années précédentes, il tient compte des ajustements opérés lors de la révision à mi-parcours du cadre financier et confirme la montée en charge des paiements au titre des principaux programmes européens.

I. LE CADRE FINANCIER 2014-2020 : UNE RÉVISION A MINIMA

Établi pour une période d'au moins cinq années, le cadre financier pluriannuel est adopté par le Conseil de l'Union européenne à l'unanimité. Selon l'article 312 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (TFUE), « le cadre financier pluriannuel vise à assurer l'évolution ordonnée des dépenses de l'Union dans la limite de ses ressources propres . [...] Le budget annuel de l'Union respecte le cadre financier pluriannuel ». Il établit ainsi une programmation financière afin de donner une vision à long terme aux États membres et aux bénéficiaires potentiels des fonds européens et fixe des plafonds annuels maximaux de dépenses juridiquement contraignants.

Les plafonds de dépenses du cadre financier pluriannuel

Le cadre financier pluriannuel définit deux types de plafonds de dépenses :

- un plafond annuel pour chacune des six rubriques thématiques du budget, exprimé en crédits d'engagement ;

- un plafond annuel global pour les crédits d'engagement , correspondant à la somme des plafonds de toutes les rubriques, et un plafond annuel global pour les crédits de paiement , qui correspond au montant pouvant effectivement être décaissé au cours d'un exercice.

Le cadre financier 2014-2020 11 ( * ) , adopté en décembre 2013, prévoit un plafond global de dépenses de 1 026 milliards d'euros 12 ( * ) en crédits de paiement, ce qui correspond à 0,99 % du RNB de l'Union.

Source : Commission européenne

Par souci de flexibilité, la différence entre les crédits de paiement budgétisés et le plafond de paiement annuel - la « marge » - peut être mobilisée pour couvrir les besoins imprévus et les situations d'urgence . Il en est de même pour la marge entre les crédits d'engagement budgétisés et le plafond de dépenses par rubrique. Les marges laissées disponibles à l'issue de l'exécution peuvent également être réaffectées aux plafonds des années suivantes du cadre financier, sous certaines conditions 13 ( * ) .

Face à nouveaux besoins découlant de la crise économique, de la crise migratoire et des attaques terroristes, ce cadre financier s'est avéré trop rigide et ce malgré le recours aux marges et à divers instruments de flexibilité. Par conséquent, la Commission européenne a présenté, le 14 septembre 2016, une révision à mi-parcours du cadre financier 2014-2020 , conformément à la demande du Parlement européen 14 ( * ) . Ce texte a fait l'objet d'un accord unanime du Conseil le 20 juin 2017 15 ( * ) , après avoir obtenu l'approbation du Parlement européen.

1. 3,5 milliards d'euros de dépenses supplémentaires d'ici 2020

La révision à mi-parcours a permis d'augmenter les crédits d'engagement disponibles en faveur de certains programmes pour la période restante du cadre financier à hauteur de 3,5 milliards d'euros, dont 900 millions d'euros devront être issus de redéploiements . Ces hausses de crédits d'engagement (« top-ups ») bénéficieront aux programmes et politiques suivants :

- l' Initiative pour l'emploi des jeunes (+ 1,2 milliard d'euros entre 2017 et 2020) ;

- le « volet externe » de la réponse à la crise migratoire à travers la conclusion de partenariats avec les pays tiers , destinés à soutenir le développement local et à prévenir le départ de migrants économiques vers l'Europe et l'abondement du fonds européen de développement durable (+ 1,4 milliard d'euros ) ;

- divers programmes en faveur de la croissance qui, selon la Commission européenne, ont rencontré un succès important : la prolongation du plan d'investissement « Juncker » (+ 150 millions d'euros), le mécanisme pour l'interconnexion en Europe ( MIE ) en faveur des transports (+ 300 millions d'euros), le programme de recherche et d'innovation Horizon 2020 (+ 200 millions d'euros), le programme de soutien aux petites et moyennes entreprises COSME (+ 100 millions d'euros) ainsi que l' initiative WiFi4EU qui soutient la mise en place d'équipements wifi de pointe dans les espaces publics (+ 25 millions d'euros) ;

- et enfin, le programme Erasmus+ qui donne la possibilité aux jeunes de moins de 30 ans, diplômés ou non, de séjourner à l'étranger pour suivre un enseignement ou une formation (+ 100 millions d'euros).

Ces dépenses supplémentaires sont relativement modestes : elles représentent seulement 2,2 % de l'ensemble des crédits d'engagement prévus pour 2018 . Le montant global des « top-ups » est, en outre, inférieur de 325 millions d'euros (9 %) à celui initialement proposé par la Commission européenne.

Hausses de crédits d'engagement prévues par la révision du cadre financier pluriannuel 2014-2020

Source : commission des finances du Sénat (à partir des données de la Commission européenne)

Il convient de noter que la Commission européenne inclut dans le champ des « top-ups » 2,5 milliards d'euros alloués à la politique de sécurité et la gestion des flux migratoires à l'intérieur de l'Union (création du corps de garde-frontières et de garde-côtes, nouvelle agence européenne pour l'asile, mise en place du système régulant les entrées et sorties dans l'espace Schengen et moyens accrus attribués à Europol). Toutefois, les autorités françaises considèrent que ces dépenses, décidées antérieurement à la proposition de révision, ne doivent pas être comptabilisées dans le cadre de la révision à mi-parcours. Ainsi, la hausse réelle de crédits d'engagement est estimée à 3,5 milliards d'euros et non 6 milliards d'euros .

Enfin, ces ajustements par rubrique du cadre financier ne remettent pas en cause les plafonds globaux de dépenses agréés en 2013 pour les sept années du cadre financier et ne modifient donc pas l'équilibre politique général de ce dernier.

Programmation financière actualisée de l'Union européenne 2014-2020

(aux prix courants, en milliards d'euros)

Source : Commission européenne

2. Une nouvelle tentative pour accroître la flexibilité du cadre financier

La révision à mi-parcours du cadre financier 2014-2020 a également eu pour objet de renforcer les mesures de flexibilité et les instruments d'urgence existants afin de dégager des marges de manoeuvre suffisantes pour les dernières années du cadre financier.

Selon la Commission européenne, en l'absence de nouvelles mesures, le financement de dépenses imprévues en matière migratoire, de sécurité ou encore de réponse à une catastrophe naturelle ne pourrait s'effectuer qu'au prix d'une réduction des marges de crédits disponibles dans les autres domaines politiques, comme par exemple l'agriculture 16 ( * ) .

Par conséquent, il a été décidé d' accroître la capacité financière des mécanismes de flexibilité existants . En particulier, le cadre financier révisé prévoit de relever les montants des ajustements pouvant intervenir au titre de la marge globale pour les paiements . À titre d'illustration, le plafond annuel des paiements de l'exercice 2019 pourra être relevé de 11 millions d'euros et non de 9 millions d'euros si la différence entre les paiements exécutés et le plafond de l'exercice 2018 le permet. Pour mémoire, la Commission européenne proposait initialement de supprimer les montants maximaux d'ajustement.

Les mécanismes de flexibilité du budget européen

Les mesures de flexibilité

- la marge globale pour les paiements : « Chaque année, à partir de 2015, dans le cadre des ajustements techniques [...], la Commission ajuste à la hausse les plafonds des paiements pour les années 2015 à 2020 d'un montant correspondant à la différence entre les paiements exécutés et le plafond des paiements fixés dans le cadre financier pour l'exercice n-1. » (article 5 du règlement n° 1311/2013)

- la marge globale pour des engagements en faveur de la croissance et de l'emploi : « Les marges laissées disponibles sous les plafonds du cadre financier pour les crédits d'engagement pour les années 2014-2017 constituent une marge globale du cadre financier en engagements, à mobiliser au-delà des plafonds établis dans le cadre financier pour les années 2016 à 2020 afin d'atteindre les objectifs des politiques liées à la croissance et à l'emploi, en particulier celui des jeunes. » (article 14 du règlement n° 1311/2013) ;

- la flexibilité spécifique pour faire face au chômage des jeunes et renforcer la recherche : « Un montant pouvant atteindre 2 543 millions d'euros (aux prix de 2011) peut être concentré en début de période en 2014 et en 2015, dans le cadre de la procédure budgétaire annuelle, pour atteindre les objectifs spécifiques des politiques liées à l'emploi des jeunes, à la recherche, à ERASMUS - notamment en ce qui concerne les apprentissages - et aux petites et moyennes entreprises. » (article 15 du règlement n° 1311/2013) ;

- la marge pour imprévus : « Une marge pour imprévus pouvant atteindre 0,03 % du revenu national brut de l'Union est constituée en dehors des plafonds du cadre financier, en tant que dernier recours face à des circonstances imprévues. Elle peut être mobilisée uniquement dans le cadre d'un budget rectificatif ou d'un budget annuel . » (article 13 du règlement n° 1311/2013).

Les instruments spéciaux

- la réserve pour aides d'urgence : elle doit permettre de « répondre rapidement à des besoins d'aide de pays tiers spécifiques, à la suite d'événements qui n'étaient pas prévisibles lors de l'établissement du budget, en priorité pour des actions à caractère humanitaire, mais aussi pour la gestion civile d'une crise et la protection civile, et pour des situations dans lesquelles les flux migratoires exercent une pression particulière aux frontières extérieures de l'Union lorsque les circonstances l'exigent » (article 9 du règlement n° 1311/2013). Elle est dotée de 300 millions d'euros et peut être utilisée jusqu'à l'exercice n+1.

- le fonds de solidarité de l'Union européenne (FSUE) : il est destiné à permettre l'octroi d'une aide financière en cas de catastrophe majeure survenant sur le territoire d'un État membre ou d'un pays candidat (article 10 du règlement n° 1311/2013). Créé en 2002, en réponse aux graves inondations ayant touché l'Europe centrale, il est intervenu dans 76 cas de catastrophes naturelles, en faveur de 24 pays européens, pour un montant total de plus de 5 milliards d'euros.

- l'instrument de flexibilité (IF) : il est destiné à « permettre le financement, pour un exercice budgétaire donné, de dépenses précisément identifiées qui ne pourraient être financées dans les limites des plafonds disponibles de l'une ou plusieurs des autres rubriques » (article 11 du règlement n° 1311/2013). Le plafond du montant annuel disponible pour l'instrument de flexibilité a été relevé de 471 millions d'euros à 600 millions d'euros (aux prix de 2011).

- le fonds européen d'ajustement à la mondialisation (FEM) : il a vocation à aider les personnes ayant perdu leur emploi à la suite de changements structurels majeurs survenus dans le commerce international en raison de la mondialisation ou du fait de la crise économique et financière (article 12 du règlement n° 1311/2013). Doté d'un budget annuel maximum de 150 millions d'euros pour la période 2014-2020, il n'intervient que dans les cas où plus de 500 salariés ont été licenciés par une même entreprise.

L'accord intervenu en juin 2017 prévoit également de renforcer la réserve pour aides d'urgence et l'instrument de flexibilité , notamment en permettant que les montants non utilisés du Fonds de solidarité de l'Union européenne et du Fonds européen d'ajustement à la mondialisation puissent être mis à la disposition de l'instrument de flexibilité.

En revanche, aucun compromis n'a été trouvé au sujet de la comptabilisation des crédits de paiement des instruments spéciaux en deçà ou au-delà des plafonds de paiements . Il existe sur ce point une divergence d'interprétation entre les institutions : la Commission et le Parlement européen considèrent que les instruments spéciaux ont vocation à être mobilisés au-dessus des plafonds en crédits d'engagement comme en crédits de paiement. Le service juridique du Conseil a quant à lui estimé qu' « il reviendra à l'autorité budgétaire de décider au cas par cas, chaque fois qu'un instrument spécial est mobilisé, si une partie ou la totalité des paiements correspondants doit être calculée au-delà des plafonds du cadre financier pluriannuel » 17 ( * ) . Cette question, certes technique, emporte des enjeux budgétaires importants dans la mesure où elle pourrait conduire à majorer les crédits de paiement de 10 milliards d'euros d'ici 2020. Du point de vue du Conseil, et plus particulièrement des États membres contributeurs nets, ceci pourrait mettre à mal la soutenabilité du cadre financier.

Au total, la révision à mi-parcours du cadre financier pluriannuel acceptée par le Conseil est moins ambitieuse que la proposition initiale de la Commission européenne , tant du point de vue des nouvelles dépenses autorisées que des marges de flexibilité. Malgré les ajustements prévus dans le cadre de la révision, la Cour des comptes européenne a souligné, dans son dernier rapport annuel sur les comptes de l'Union, que « la flexibilité encore autorisée dans les limites des plafonds du cadre financier pluriannuel risque d'être insuffisante pour financer la réponse de l'UE à tout événement imprévu » 18 ( * ) .


* 11 Règlement n° 1311/2013 du Conseil du 2 décembre 2013 fixant le cadre financier pluriannuel pour la période 2014-2020.

* 12 Montant révisé aux prix courants.

* 13 Articles 5 et 14 du règlement n° 1311/2013 précité.

* 14 Article 2 du règlement n° 1311/2013 précité : « avant la fin de 2016 au plus tard, la Commission présente un réexamen du fonctionnement du cadre financier, en tenant pleinement compte de la situation économique qui existera à ce moment-là ainsi que des projections macroéconomiques les plus récentes ».

* 15 Règlement (UE, Euratom) 2017/1123 du Conseil du 20 juin 2017 modifiant le règlement (UE, Euratom) n° 1211/2013 fixant le cadre financier pluriannuel pour la période 2014-2020.

* 16 Commission européenne, communication au Parlement européen et au Conseil sur les conséquences sur le budget de l'Union pour 2018 et au-delà en cas de non-adoption de la révision à mi-parcours du cadre financier pluriannuel 2014-2020.

* 17 Déclaration du Conseil du 6 mars 2017 sur les paiements relatifs aux instruments spéciaux.

* 18 Cour des comptes européennes, rapport annuel sur les comptes de l'UE 2016, JOUE du 28 septembre 2017, p. 44.

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