II. LE PROJET DE BUDGET EUROPÉEN POUR 2018

Le 30 mai 2017, la Commission européenne a présenté le projet de budget général de l'Union pour l'exercice 2018. Celui-ci s'établit à :

- 160,6 millions d'euros en crédits d'engagement (+ 1,4 % par rapport au budget 2017 et + 2,1 % par rapport à l'exécution 2016) ;

- 145,4 milliards d'euros en crédits de paiement (+ 8,1 % par rapport au budget 2017 et + 9,8 % par rapport à l'exécution 2016).

Comparaison du budget 2017 et du projet de budget 2018
de l'Union européenne

(en millions d'euros)

Budget 2017*

PB 2018 - Commission

Évolution PB 2018 / Budget 2017

CE

CP

CE

CP

CE

CP

Rubrique 1 : Croissance intelligente et inclusive

75 399

56 521

77 249

66 846

2,5 %

18,3 %

Sous-rubrique 1a : Compétitivité pour la croissance et l'emploi

21 312

19 321

21 841

20 082

2,5 %

3,9 %

Sous-rubrique 1b : Cohésion économique, sociale et territoriale

54 087

37 201

55 408

46 764

2,4 %

25,7 %

Rubrique 2 : Croissance durable - ressources naturelles

58 584

54 914

59 554

56 360

1,7 %

2,6 %

dont paiements directs et dépenses de marché

42 613

42 563

43 518

43 473

2,1 %

2,1 %

Rubrique 3 : Sécurité et citoyenneté

4 284

3 787

3 473

2 964

- 18,9 %

- 21,7 %

Rubrique 4 : L'Europe dans le monde

10 162

9 483

9 593

8 951

-5,6%

- 5,6 %

Rubrique 5 : Administration

9 395

9 395

9 682

9 685

3,1%

3,1 %

dont dépenses administratives des institutions

7 419

7 419

7 591

7 594

2,3%

2,4 %

Instruments spéciaux

604

460

1 091

620

80,6 %

34,8 %

TOTAL

158 428

134 490

160 642

145 425

1,4 %

8,1 %

Montant en % du RNB

1,04 %

0,89 %

1,02 %

0,93 %

* Hors budgets rectificatifs.

Source : Commission européenne

Après plusieurs années de sous-exécution des crédits de paiement en raison du très lent démarrage des programmes européens de la politique de cohésion, le projet de budget de l'Union pour 2018 prévoit une hausse de près de 11 milliards d'euros des crédits de paiement , concentrée sur la rubrique 1b « Cohésion économique, sociale et territoriale » (+ 26 %).

Le Conseil a adopté, en juillet, une position commune prévoyant une baisse de 1,7 milliard d'euros en crédits d'engagement et de 1,4 milliard d'euros en crédits de paiement . Ces coupes sont principalement concentrées sur la sous-rubrique 1a « Compétitivité pour la croissance et l'emploi ».

À l'inverse, la commission des budgets du Parlement européen a voté, le 28 septembre 2017, en faveur d'une révision à la hausse du budget proposé par la Commission européenne (+ 2,1 milliards d'euros en engagements et + 1,2 milliard d'euros en paiements). Au-delà des divergences sur les montants de crédits accordés à l'Initiative pour l'emploi des jeunes ou au Mécanisme pour l'interconnexion en Europe, les positions des deux branches de l'autorité budgétaire européenne sont relativement proches.

L'accord final entre le Parlement européen et le Conseil, conclu le 18 novembre 2017, fixe le montant des crédits d'engagement à 160,1 milliards d'euros et le montant de crédits de paiement à 144,7 milliards d'euros (respectivement - 0,5 milliard d'euros et - 0,7 milliard d'euros par rapport à la proposition de la Commission européenne).

1. La montée en charge des programmes de la politique de cohésion

Dans le projet de budget général de l'Union pour 2018, la Commission européenne relève que « les programmes de la politique de cohésion pour 2014-2020 devraient atteindre leur vitesse de croisière au cours de la cinquième année de la période de programmation actuelle » 19 ( * ) .

La Commission européenne souligne également que « les autorités de gestion et de certification chargées de l'ensemble des programmes [seront] désignées au plus tard avant la fin de l'année 2017, ce qui permettra un flux plus régulier dans la présentation des demandes de paiement » 20 ( * ) . Par conséquent, une hausse de près de 10 milliards d'euros (+ 18 %) des crédits de paiement de la rubrique 1 , consacrée aux deux tiers à la politique de cohésion, est prévue en 2018.

Évolution des crédits de paiements par rubrique
du budget de l'UE

(en milliards d'euros)

Source : commission des finances du Sénat (à partir des données de la Commission européenne)

L' année 2016 a été marquée par une sous-exécution importante : malgré une réduction de 7,3 milliards d'euros en cours d'exercice, les crédits de paiement ont dépassé les besoins ; le taux de consommation des crédits de paiement s'établit à 92 %.

Les retards observés dans la mise en oeuvre des programmes de la politique de cohésion sont la principale cause de cette sous-exécution . Celle-ci est particulièrement prononcée concernant le Fonds social européen et l'Initiative pour l'emploi des jeunes, pour lesquels les taux de crédits ouverts consommés atteignent respectivement 79 % et 33 % en 2016. Au total, l'écart entre la prévision initiale et la consommation effective de crédits de paiement au titre de la politique de cohésion s'est élevé à 11 milliards d'euros en 2016, ce qui représente 23 % des crédits de paiement initialement prévus.

Les retards de mise en oeuvre de la politique de cohésion expliquent également le faible niveau de crédits de paiement ouverts en 2017. Ainsi, à la mi-2017, moins de 10 % des crédits d'engagement de la programmation 2014-2020 avaient donné lieu à des paiements .

Selon la Commission européenne, le très faible niveau des demandes de paiement transmises par les États membres au titre de la politique de cohésion - 9,5 milliards d'euros en 2016 pour un montant initialement prévu de 18,4 milliards d'euros - résulte de différents facteurs :

- la répercussion des retards significatifs déjà constatés dans la mise en oeuvre des programmes relevant de la période 2007-2013 ;

- l' adoption tardive des bases juridiques des programmes de la période 2014-2020 ;

- les retards accusés par les États membres dans la désignation des autorités nationales de gestion des fonds et dans la notification de leurs coordonnées à la Commission européenne. L'année passée, mon prédécesseur en tant que rapporteur spécial, François Marc, relevait que seules 48 % des autorités de gestion relevant de la politique de cohésion avaient été désignées dans l'Union au 31 août 2016. Ainsi, plus de la moitié des autorités de gestion ne pouvaient pas encore faire remonter de demandes de remboursement. Au 31 août 2017, le taux de désignation des autorités de gestion était de 87 % ;

- le temps nécessaire pour s'adapter aux nouvelles règles régissant les programmes de la période 2014-2020 ;

- la prolongation du « dégagement d'office » de deux à trois ans permettant ainsi aux États membres de disposer d'une année supplémentaire pour effectuer les paiements par rapport aux engagements (règle n+3) 21 ( * ) .

En France , certains points appellent une vigilance particulière dans le suivi de la mise en oeuvre de la politique de cohésion . Tout d'abord, le processus de désignation des autorités de gestion n'est, à ce jour, pas achevé : au 1 er octobre, 91 % des autorités de gestion avaient été désignées.

Ensuite, si le taux de programmation des fonds structurels et d'investissement est relativement satisfaisant, il masque de fortes disparités d'une région à l'autre : au 31 mars 2017, le taux de programmation moyen, tous fonds confondus (Fonds européen de développement régional (FEDER), Fond social européen (FSE) et Initiative pour l'emploi des jeunes (IEJ)) était de 31 % au niveau national mais atteignait seulement 12 % en Martinique, 14 % en Guadeloupe et 15 % en Corse. À la même date, le taux de programmation du FEDER en Auvergne s'élevait à 37 % contre 8 % en Bourgogne.

Enfin, les données publiées par la Commission européenne en mai 2017 22 ( * ) indiquent que la France accuse un certain retard en matière de transmission des demandes de paiement par rapport à d'autres États membres. Fin 2016, le taux d'exécution des paiements au titre de la période 2014-2020 s'élevait à 8,2 % du montant total des fonds structurels et d'investissement alloués à la France, contre 9,2 % en moyenne dans l' ensemble de l'Union européenne.

La lente résorption des retards de versement des aides agricoles
au niveau national

La mise en oeuvre de la nouvelle politique agricole commune (PAC) 2014-2020 s'est révélée plus difficile qu'anticipé. En effet, la France a dû effectuer une revue intégrale de son registre parcellaire graphique avant de procéder au paiement des aides à la surface des premier et deuxième piliers. En raison des retards importants pris dans l'instruction des dossiers et, partant, dans le paiement des aides, celles-ci n'ont pu être payées entre le 16 octobre et la fin décembre 2015, comme c'est habituellement le cas. Se sont également ajoutés des dysfonctionnements du logiciel Osiris de gestion utilisé pour la gestion du fonds européen agricole pour le développement durable (FEADER).

Un système d'avance de trésorerie remboursable (ATR) a été mis en place au niveau national pour compenser les effets de ces retards sur la trésorerie des exploitations agricoles. Celui-ci a été reconduit pour la campagne PAC 2016 et la campagne PAC 2017, qui débute le 15 octobre 2017 .

Compte tenu des retards de versement, les organismes ont versé 7,89 milliards d'euros au titre de l'exercice financier agricole 2016 (16 octobre 2015 - 15 octobre 2016), soit 13 % de moins qu'en 2015 . En particulier, environ 700 millions d'euros d'indemnité de compensation des handicaps naturels (ICHN) et 200 millions d'euros d'aides relatives aux mesures agro-environnementales et à l'agriculture biologique n'ont pas pu être payées.

Selon le ministère de l'agriculture et de l'alimentation, en juillet 2017, 95 % des paiements directs de la campagne PAC 2016 et la majeure partie de l'ICHN avaient été versés. Le reliquat de l'ICHN 2016 devrait être versé fin 2017.

S'agissant des mesures agro-environnementales et climatiques (MAEC) , les paiements de la campagne 2015 devraient être soldés d'ici la fin de l'année 2017, les MAEC de la campagne 2016 seraient payées en mars 2018 et les MAEC 2017 d'ici la fin de l'année 2018.

Source : annexe au projet de loi de finances pour 2018 « Relations financières avec l'Union européenne »

2. Une volonté de soutenir l'emploi des jeunes et de répondre « aux défis géopolitiques »

Si la politique agricole commune et la politique de cohésion représentent environ 70 % du budget européen, la Commission européenne a souhaité orienter davantage le projet de budget européen pour 2018 vers le soutien à l'emploi et à l'investissement, tout en poursuivant les efforts en faveur de la politique migratoire et de la sécurité entamés ces dernières années. Ainsi que l'a souligné le commissaire européen au budget, Günther Oettinger, il s'agit de « trouver le juste équilibre entre le respect de nos engagements antérieurs concernant les grands programmes de l'UE et la capacité à faire face à de nouveaux défis, tout en renforçant la valeur ajoutée de l'UE » 23 ( * ) .

Grâce aux marges de manoeuvre dégagées par la révision à mi-parcours du cadre financier pluriannuel, la Commission européenne propose d'accorder 233 millions d'euros 24 ( * ) à l'Initiative pour l'emploi des jeunes (IEJ) et de financer le nouveau corps européen de solidarité , proposant des offres de bénévolat, de stages et d'emplois aux jeunes, à hauteur de 89 millions d'euros 25 ( * ) .

Afin de prolonger le Fonds européen pour les investissements stratégiques (FEIS) , qui constitue le principal volet du « plan Juncker », la Commission européenne proposer d'augmenter de 150 millions d'euros les crédits destinés au fonds de garantie du FEIS, portant ainsi le montant alloué en 2018 à 2 milliards d'euros . Comme les années passées, le fonds de garantie du FEIS bénéficie de redéploiements de crédits issus du Mécanisme pour l'interconnexion en Europe pour les transports et du programme Horizon 2020 (à hauteur de 2,2 milliards d'euros chacun entre 2015 et 2020). Le FEIS sera abondé de 9,1 milliards d'euros au total d'ici 2020 .

La baisse d'environ 20 % des crédits de la rubrique 3 « Sécurité et citoyenneté » apparaît, de prime abord, contradictoire avec la volonté de la Commission européenne de « faire face aux nouveaux défis découlant des tensions géopolitiques » 26 ( * ) . Toutefois, elle découle en grande partie du report de 2018 à 2019 des coûts liés à la relocalisation des réfugiés, financée par le fonds « asile, migration, intégration » (FAMI), et ce en raison du retard pris dans l'adoption de la révision du règlement « Dublin » relatif au traitement des demandes d'asile. De plus, les crédits d'engagement prévus pour 2018 sont supérieurs de 30 % au plafond initialement fixé par le cadre financier pluriannuel . Les crédits dévolus aux agences, au premier rang desquelles l'Agence européenne de garde-côtes et garde-frontières (Frontex), l'Office européen de police (Europol) et l'Agence pour la gestion opérationnelle des systèmes d'information à grande échelle au sein de l'espace de liberté, de sécurité et de justice (eu-LISA), augmentent de 8 % en 2018.

La baisse des crédits de la rubrique 4 « L'Europe dans le monde » (- 5 % environ) s'explique essentiellement par la hausse ponctuelle de 400 millions d'euros enregistrée en 2017 afin de financer la facilité pour les réfugiés en Turquie. En neutralisant cette contribution, les dépenses de la rubrique 4 diminueraient de 1,5 % en 2018. Conformément aux engagements pris par l'Union lors de la conférence de Bruxelles, 560 millions d'euros d'aide humanitaire en faveur de la population et des réfugiés syriens sont prévus en 2018.

Par ailleurs, le projet de budget européen pour 2018 inclut 40 millions d'euros 27 ( * ) au titre de l' action préparatoire pour la défense et la sécurité afin de financer des projets de recherche dans ces domaines. Il s'agit d'une préfiguration du futur Fonds européen de défense, annoncé par la Commission européenne en juin dernier.

3. Des dépenses administratives dynamiques

Selon le projet de budget présenté par la Commission européenne, les crédits de la rubrique 5, regroupant les dépenses administratives des institutions, les pensions de retraite et les subventions aux écoles européennes augmenteraient de 3,1 % en 2018 (+ 290 millions d'euros),

Le dynamisme des dépenses de pensions soulève des enjeux de soutenabilité à moyen et long termes pour le budget européen. En 2018, le montant des pensions versées aux fonctionnaires et autres agents de l'Union atteindrait 1,9 milliard d'euros, soit une progression de 6,1 % par rapport au budget adopté en 2017, tandis que les engagements du régime représentaient 67 milliards d'euros fin 2016 28 ( * ) .

Structure des dépenses administratives
de l'Union prévues en 2018

Source : commission des finances du Sénat (à partir des données de la Commission européenne)

Les dépenses administratives des institutions progresseraient de 2,3 % en 2018 pour atteindre 7,6 milliards d'euros . La Commission européenne, qui représente à elle seule 37 % des dépenses de la rubrique (3,6 milliards d'euros), verrait ses dépenses de personnel augmenter de 75 millions d'euros, notamment sous l'effet de la revalorisation de 2 % des rémunérations des personnels fin 2018 .

Les dépenses de fonctionnement et de personnel des agences décentralisées de l'Union européenne - qui ne sont pas comptabilisées dans la rubrique 5 - progresseraient quant à elles de 3,8 % en 2018.

À l'occasion de la révision à mi-parcours du cadre financier pluriannuel, le Conseil de l'Union européenne a pris acte des efforts réalisés pour parvenir à l'objectif de réduction de 5 % des effectifs des institutions européennes entre 2013 et 2017 29 ( * ) , tout en exigeant la réalisation d'une évaluation indépendante par la Cour des comptes européenne.

Selon la Commission européenne, les personnels figurant au tableau des effectifs des institutions ont été réduits de 4,7 % (-1 871 postes) entre 2013 et 2017. Cependant, le tableau des effectifs exclut les agents contractuels, experts nationaux détachés et intérimaires ainsi que les effectifs liés à l'adhésion de la Croatie ou encore les traducteurs de langue irlandaise. Or les effectifs des personnels « externes » des institutions ont progressé de 2,5 % (+ 443 postes) entre 2012 et 2018, tandis que ceux des agences décentralisées ont augmenté de 14,5 % sur la même période 30 ( * ) . Ainsi, le nombre d'agents travaillant effectivement dans les institutions européennes , mesuré par le nombre de cotisants au régime de retraite de l'Union, aurait en réalité progressé de 9 % entre 2012 et 2016 31 ( * ) .

De plus, l'accord institutionnel de réduction des effectifs n'a pas permis de ralentir la progression de la masse salariale : les dépenses de personnel de l'ensemble des institutions, hors agences décentralisées, ont augmenté de 17 % entre 2012 et 2018 , notamment sous l'effet des revalorisations salariales (+ 3,3 % en 2016).


* 19 Commission européenne, projet de budget général de l'Union européenne pour l'exercice 2018, COM(2017) 400, p. 32.

* 20 Ibid.

* 21 Commission européenne, rapport sur la gestion budgétaire et financière pour l'exercice 2016, pp. 44-45.

* 22 Commission européenne, Analyse de l'exécution budgétaire des fonds européens structurels et d'investissement en 2016, mai 2017.

* 23 Communiqué de presse de la Commission européenne, 30 mai 2017.

* 24 Sur une enveloppe de 1,2 milliard d'euros alloués pour la période 2014-2020.

* 25 Sur une enveloppe de 342 millions d'euros entre 2018 et 2020.

* 26 Commission européenne, projet de budget général 2018, p. 7.

* 27 Au sein de la sous-rubrique 1a du budget général, sur une enveloppe totale de 90 millions d'euros au cours de la période 2017-2019.

* 28 À titre indicatif, en France, les engagements du régime de retraite des fonctionnaires civils et militaires de l'État représentaient 2 139 milliards d'euros fin 2016.

* 29 Point 27 de l'accord interinstitutionnel du 2 décembre 2013.

* 30 Annexe au projet de loi de finances pour 2018 « Relations financières avec l'Union européenne », p. 137.

* 31 Ibid.

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