B. DES RÈGLES D'URBANISME QUI NE PRENNENT PAS TOUJOURS SUFFISAMMENT EN CONSIDÉRATION LA RURALITÉ

Les dernières lois en matière d'urbanisme ont eu pour objectif principal la limitation de l'étalement urbain, passant notamment par un principe de « gestion économe de l'espace », en ce qui concerne les schémas de cohérence territoriaux (SCoT), et de « modération » de consommation de l'espace concernant les plans locaux d'urbanisme (PLU).

Ainsi, depuis la loi n° 2010-788 du 12 juillet 2010 portant engagement national pour l'environnement, les exigences des SCoT et des PLU en matière environnementale ont été fortement renforcées. Ces documents doivent désormais fixer dans leur projet d'aménagement et de développement durable (PADD) des objectifs relatifs à la protection des ressources naturelles et la préservation et la restauration des continuités écologiques. Concernant plus spécifiquement la consommation d'espace, les SCoT, à travers leur document d'orientation et de programmation, doivent fixer des objectifs chiffrés de limitation de cette consommation, éventuellement ventilés par secteurs géographiques. De même, les PLU sont tenus de présenter au sein de leur rapport de présentation une analyse de la consommation d'espaces naturels, agricoles et forestiers et de justifier leur projet d'aménagement et de développement durables au regard des objectifs de consommation de l'espace fixés par le SCoT. Leur PADD fixe des objectifs chiffrés de modération de la consommation de l'espace et de lutte contre l'étalement urbain.

La loi n° 2014-366 du 24 mars 2014 pour l'accès au logement et un urbanisme rénové (ALUR) est venue consolider les dispositions relatives à la lutte contre l'étalement urbain. Ainsi, SCoT et PLU comportent désormais une étude de la densification dans leurs rapports de présentation. En particulier, le rapport de présentation du PLU analyse la capacité de densification et de mutation de l'ensemble des espaces bâtis, en tenant compte des formes urbaines et architecturales. Il expose les dispositions qui favorisent la densification de ces espaces ainsi que la limitation de la consommation des espaces naturels, agricoles ou forestiers. Rappelons également que la loi ALUR a fortement restreint l'usage des secteurs de taille et de capacité d'accueil limitées (STECAL) dans les zones A (agricoles) et N (naturelles), en prévoyant qu'ils ne puissent être délimités qu'à titre exceptionnel.

Cet objectif de modération de consommation de l'espace est incontestablement nécessaire. Ainsi que l'ont rappelé les représentants de la Fédération nationale des Sociétés d'aménagement foncier et d'établissement rural (SAFER) lors des auditions conduites par votre rapporteur, cet objectif a permis de réduire le rythme de l'artificialisation des sols qui, au cours des années 2008-2009, a atteint 90 000 hectares par an pour revenir à une surface de l'ordre de 50 000 hectares par an.

Néanmoins, l'interprétation souvent stricte de ces notions par les directions territoriales de l'État conduit à pénaliser particulièrement les communes rurales ou les communes de montagne, dans lesquelles les ouvertures à l'urbanisation et le nombre d'autorisations de construire délivré depuis plusieurs décennies sont déjà significativement bas. On en vient alors souvent, au nom des principes précités, à imposer à ces communes de limiter plus encore leurs possibilités de construire, réduisant parfois à néant toute perspective de développement.

Certes, pendant l'examen de la loi ALUR et dans les textes qui ont suivi, plusieurs assouplissements ont été adoptés avec le souci de ne pas étouffer complètement le développement du milieu rural. La loi ALUR a assoupli les possibilités de changement de destination dans les zones agricoles des PLU et a introduit une possibilité limitée d'extension des bâtiments - en dehors des STECAL. La loi du 13 octobre 2014 d'avenir pour l'agriculture, l'alimentation et la forêt, a de nouveau assoupli les possibilités d'extension. Enfin, la loi du 6 août 2015 pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques a procédé un nouvel assouplissement en autorisant les annexes.

Toutefois, le compte n'y est pas . D'une part, parce que les territoires ruraux ne sont pas tous couverts par des PLU : il faut donc bien aussi se préoccuper d'apporter des perspectives de développement aux communes soumises au règlement national d'urbanisme (RNU) ou couvertes par des cartes communales. D'autre part, parce que, même quand le droit n'interdit pas toute construction, il continue à poser des contraintes parfois excessives. Ainsi en est-il des règles qui autorisent certes les constructions nécessaires à l'exploitation agricole, mais qui sont trop strictes pour permettre la diversification de l'activité, sans laquelle nombre d'exploitations ne pourront survivre. Le caractère conforme de certains avis des commissions départementales de préservation des espaces naturels, agricoles et forestiers (CDPENAF) est une autre illustration de ces rigidités.

Votre rapporteur est conscient de la nécessité de préserver l'espace agricole et forestier français, plus encore dans un contexte mondial de pénurie d'espaces cultivables. Pour autant, cette préservation doit pouvoir se concilier avec l'indispensable développement économique et démographique de territoires ruraux qui se meurent.

En outre, la réglementation sur les constructions nouvelles - applicable sur l'ensemble du territoire national - peut conduire à des situations ubuesques. Ainsi que l'a relevé lors de son audition au titre de représentant de l'Assemblée permanente des chambres d'agriculture, M. André Bertrand, président de la chambre départementale d'agriculture (APCA) du Vaucluse, il est des situations où il est plus facile à un nouveau résident de s'implanter dans une commune rurale que pour un exploitant agricole retraité, qui a cédé sa ferme, de rester sur ses terres en aménageant certains locaux à usage agricole pour en faire son habitation principale.

Sur le terrain, le faible nombre de permis de construire dans les départements les plus ruraux illustre la situation de blocage que connaissent ces territoires. Ainsi, en moyenne, entre 2013 et 2015, sur les 280 217 permis de construire délivrés annuellement, le nombre de permis délivrés dans les départements les plus ruraux ne dépasse guère 1 600.

Permis de construire délivrés par départements (2013-2015)

Départements

2013

2014

2015

Moyenne

001

4142

3066

2470

3226

002

2227

1841

1741

1936

003

2120

1786

1695

1867

004

1265

1101

966

1111

005

1317

1086

1098

1167

006

2286

2120

2057

2154

007

2686

2387

2304

2459

008

1133

1025

950

1036

009

1153

920

1003

1025

010

1460

1288

1198

1315

011

2587

2201

1921

2236

012

2313

1946

1958

2072

013

5486

4720

4761

4989

014

4081

3564

3386

3677

015

1290

1144

1152

1195

016

2569

2183

2143

2298

017

6057

4952

4177

5062

018

1837

1500

1287

1541

019

1993

1487

1418

1633

021

2505

2243

2216

2321

022

5105

4437

4409

4650

023

1009

882

844

912

024

3796

3284

3013

3364

025

3268

2903

2810

2994

026

3466

3065

2509

3013

027

4023

3223

3165

3470

028

2094

1902

1716

1904

029

6035

5217

5431

5561

02A

1396

1155

1149

1233

02B

1315

1237

1094

1215

030

4309

3692

3306

3769

031

7013

6169

5668

6283

032

1751

1406

1285

1481

033

10563

8913

8841

9439

034

5600

4747

4549

4965

035

7127

6291

5706

6375

036

1261

1115

1057

1144

037

3078

2525

2528

2710

038

5673

5078

4459

5070

039

1811

1627

1608

1682

040

4239

3613

3730

3861

041

2050

1651

1700

1800

Départements

2013

2014

2015

Moyenne

042

3825

3058

2861

3248

043

1841

1559

1595

1665

044

9241

8161

8558

8653

045

3465

2826

2791

3027

046

1821

1620

1383

1608

047

2321

2107

1854

2094

048

869

661

727

752

049

4731

4049

3842

4207

050

4042

3327

3412

3594

051

2216

2094

1969

2093

052

876

718

711

768

053

2129

2035

1970

2045

054

2118

1824

1695

1879

055

922

760

670

784

056

6244

5378

5226

5616

057

3958

3249

3280

3496

058

1051

867

920

946

059

6777

5577

5300

5885

060

2894

2526

2468

2629

061

1786

1520

1476

1594

062

5801

4703

4622

5042

063

4070

3412

3476

3653

064

4565

3927

3812

4101

065

1677

1498

1376

1517

066

2799

2345

2456

2533

067

4282

4155

4057

4165

068

3085

2679

2688

2817

069

4708

3995

3423

4042

070

1589

1369

1376

1445

071

3164

2760

2687

2870

072

3288

2657

2664

2870

073

2693

2491

2178

2454

074

4413

3993

3909

4105

075

715

793

846

785

076

5402

4897

4739

5013

077

3796

3673

3931

3800

078

3053

2830

2782

2888

079

2528

2130

2039

2232

080

2736

2194

2314

2415

081

2802

2298

2158

2419

082

1897

1634

1364

1632

083

5252

4887

4951

5030

084

3099

2829

2588

2839

085

7452

6261

6530

6748

086

2979

2369

2319

2556

087

1861

1732

1677

1757

088

2283

1840

1694

1939

Départements

2013

2014

2015

Moyenne

089

1684

1252

1179

1372

090

557

455

421

478

091

2632

2372

1976

2327

092

1294

1218

1329

1280

093

1479

1382

1374

1412

094

1296

1239

1239

1258

095

1906

1635

1501

1681

971

2306

2256

1893

2152

972

1696

1402

1331

1476

973

539

376

332

416

974

4321

3924

3956

4067

976

958

793

743

831

TOTAL

312 273

269 263

259 116

280 217

Source : ministère de l'environnement, de l'énergie et de la mer ; base Sitadel.

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