EXAMEN EN COMMISSION

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MERCREDI 4 NOVEMBRE 2015

M. François Pillet , vice-président . - Nous en venons maintenant à la proposition de M. Pierre-Yves Collombat sur la protection des forêts contre l'incendie dans les départements sensibles, sur le rapport de Mme Catherine Troendlé. Protégeons nos forêts !

Mme Catherine Troendlé , rapporteur . - Depuis une dizaine d'années, le bilan annuel de la campagne « feux de forêts » permet de constater une réduction constante des surfaces brûlées, ce qui est une bonne chose : alors que, pour les années 1994-2003, la moyenne décennale s'établissait à 26 600 hectares incendiés, elle était abaissée à 10 700 hectares pour la décennie suivante. Le nombre global de feux a diminué avec une augmentation significative de l'extinction des feux naissants.

Cette évolution positive ne tient pas du hasard même si elle peut, selon les années, être renforcée par des conditions météorologiques favorables. Les efforts conjugués de l'État et des collectivités locales pour prévenir les incendies de forêt contribuent significativement à réduire le nombre d'hectares brûlés.

Le code forestier organise en effet la défense et la lutte contre les incendies de forêt en modulant ses prescriptions selon l'intensité du risque constatée sur le terrain : certaines mesures sont applicables sur l'ensemble du territoire national, d'autres ne le sont qu'aux bois et forêts classés à « risque d'incendie » par le préfet tandis que les territoires « réputés particulièrement exposés aux risques d'incendie » font l'objet d'un traitement particulier. La contrainte des obligations imposées aux propriétaires forestiers et à l'aménagement du territoire croit avec le danger.

Sont classées dans la troisième zone les forêts situées dans les régions Aquitaine, Corse, Languedoc-Roussillon, Midi-Pyrénées, Poitou-Charentes, Provence-Alpes-Côte d'Azur et les départements de l'Ardèche et de la Drôme, à l'exclusion de celles situées dans des massifs forestiers à moindres risques figurant sur une liste arrêtée par le préfet.

Sur ces territoires, un plan départemental ou interdépartemental de protection des forêts contre l'incendie est élaboré sous l'autorité du préfet, pour assurer la cohérence des actions conduites sur le terrain par les différents acteurs dont les collectivités territoriales et leurs établissements publics, les services de l'État mais aussi les propriétaires fonciers. Le plan, soumis pour avis aux collectivités concernées et à leurs groupements, définit des priorités par territoire constitué de massifs ou de parties de massif forestier dans l'objectif de diminuer le nombre de départs de feux, de réduire les surfaces brûlées, de diminuer les risques d'incendie et d'en limiter les conséquences.

L'action des collectivités locales s'établit à deux niveaux :

- d'une part, elle s'inscrit dans le dispositif général de défense et de lutte contre les feux de forêt ;

- d'autre part, elle est formalisée, pour les territoires concernés, dans le cadre de l'Entente pour la forêt méditerranéenne.

Les collectivités locales des régions particulièrement exposées au feu contribuent à prévenir les incendies par différentes initiatives : l'aménagement des massifs forestiers ; la mise en place de patrouilles de surveillance avec les forestiers-sapeurs ; l'information du public grâce notamment aux bénévoles des comités communaux. Vous trouverez dans mon rapport une liste recensant une grande partie des actions menées en la matière.

L'Entente pour la forêt méditerranéenne, quant à elle, est un outil dédié par les collectivités locales à la protection de la forêt méditerranéenne. C'est un établissement public local auquel peuvent adhérer les régions, les départements, les établissements publics de coopération intercommunale et les services départementaux d'incendie et de secours territorialement concernés. Elle regroupe aujourd'hui 29 collectivités dont 14 départements et services départementaux d'incendie et de secours.

Hors le cadre de l'Entente, la compétence des départements reposait sur leur habilitation à agir dans tout domaine d'intérêt départemental dès lors que cette matière n'avait pas été attribuée de manière exclusive à une autre collectivité.

Ainsi, en supprimant la clause de compétence générale des départements, l'article 94 de la loi du 7 août 2015 portant nouvelle organisation territoriale de la République remet en cause leur capacité juridique à poursuivre désormais les actions conduites pour la protection des forêts. Ils ne peuvent dorénavant intervenir que dans les domaines de compétences que la loi leur attribue, ce qui n'est pas le cas en l'espèce.

C'est pourquoi, afin de préserver les actions conduites par les départements, notre collègue Pierre-Yves Collombat a déposé la présente proposition de loi. Celle-ci prévoit explicitement la faculté, pour les départements, d'intervenir dans la défense des forêts contre l'incendie.

À cette fin, son article 1er crée la compétence correspondante au sein du code général des collectivités territoriales. Le nouvel article L. 3232-5 ainsi proposé vise deux catégories de départements :

- d'une part, ceux dont les territoires, au nombre de 32, sont, aux termes de l'article L. 133-1 du code forestier, « réputés particulièrement exposés au risque d'incendie » ;

- d'autre part, ceux sur le territoire desquels sont situés des bois et forêts classés « à risque d'incendie » par le préfet en application de l'article L. 132-1 du code forestier.

Ces départements seraient habilités à financer ou à mettre en oeuvre des actions d'aménagement, d'équipement et de surveillance des forêts dans un double objectif, comme précédemment : prévenir les incendies et faciliter les opérations de lutte, d'une part ; reconstituer les forêts, d'autre part. Les actions ainsi entreprises devraient s'inscrire dans le cadre des plans départementaux ou interdépartementaux de protection des forêts contre l'incendie afin d'en garantir la cohérence.

L'article 2 constitue le gage destiné à assurer la recevabilité financière de la présente proposition de loi.

Sous la réserve d'un amendement de clarification rédactionnelle, je vous proposerai d'adopter ce texte qui n'institue qu'une simple faculté pour les départements. Le support juridique proposé est cependant indispensable - j'insiste sur ce point - pour permettre aux conseils départementaux de poursuivre leur politique en matière de lutte contre les feux de forêts.

Notre collègue aurait pu être toutefois plus ambitieux en élargissant cette faculté à l'ensemble des départements de France .... Il s'agit d'un point de vue personnel.

M. François Pillet , vice-président . - Nous vous remercions pour cette intervention très claire.

M. Pierre-Yves Collombat . - Il s'agit d'une proposition de loi à laquelle le Gouvernement n'est pas totalement étranger, ainsi qu'en atteste l'amendement de suppression du gage financier qu'il a déposé.

Cette proposition de loi est la première rustine à la loi portant nouvelle organisation territoriale de la République. On se rend compte, à la suite de la suppression de la clause de compétence générale, que les départements du Sud-Est ont mis en place des politiques actives de prévention contre les incendies de forêts. Certains incendies ont détruit par le passé 40 000 hectares de forêts. Les risques d'incendies de forêt sont aujourd'hui passés au second plan en raison de la recrudescence des inondations. Toutefois, une politique active est menée depuis plusieurs années via des dispositifs de surveillance, d'alerte, des opérations d'entretien des forêts ou l'utilisation de pare-feu.

L'objet de ma proposition de loi vise donc à permettre à ces départements de pouvoir continuer à agir en la matière. Même si une grande partie de ces actions est assumée par les communes, le département est un acteur indispensable pour le financement de ces politiques. Il en est de même pour les régions, en particulier Provence-Alpes-Côte d'Azur, qui subventionnent des équipements ou des dispositifs de surveillance.

Le fait qu'il s'agisse d'une compétence facultative me paraît répondre à cette problématique. En séance publique, je déposerai un amendement pour que cette faculté puisse s'appliquer à l'ensemble des départements, pour permettre à ceux qui ne poursuivent pas ou peu d'actions en la matière puissent en avoir la possibilité à l'avenir. J'en profiterai pour poser la question de la compétence des régions et avoir une réponse officielle du Gouvernement. Celui-ci estime qu'elles peuvent toujours participer au financement de ces actions dans le cadre de leurs compétences en matière d'environnement.

Si ce texte n'est pas rapidement adopté, toutes ces politiques ne seront plus financées. Il y a donc le feu au lac ! Je compte donc sur votre soutien, à la fois pour améliorer la loi Notre - ce qui sera pour moi un grand plaisir - et permettre la protection des forêts et la lutte contre les incendies.

M. François Pillet , vice-président . - Je ne doute pas que cette rustine portée à la loi Notre ne fasse réagir l'un de ses rapporteurs....

M. René Vandierendonck . - Il est amusant qu'au cours de la même réunion de commission, je sois nommé co-rapporteur de la mission de suivi des dernières lois de réforme territoriale, et notamment la loi Notre, et que nous discutions de cette proposition de loi.

Celle-ci reflète l'honnêteté intellectuelle de M. Collombat, qui nous a avoué qu'elle n'était pas d'inspiration parlementaire. Tout le monde a compris qu'il s'agissait d'une initiative gouvernementale, « relookée » en proposition de loi, afin d'éviter la rédaction d'une étude d'impact. Elle démontre que les départements disposent de savoir-faire en matière de protection des forêts. Il convient dès lors de sécuriser juridiquement ces actions, fragilisées par la suppression de la clause de compétence générale. Il me paraît important que cette compétence demeure facultative. Je ne m'opposerai donc pas à cette proposition de loi.

Nous sommes toutefois dans une situation paradoxale : souvenez-vous des velléités initiales de dévitaliser les départements. Aujourd'hui, ces derniers sont en train de se revitaliser au hasard de ces ajustements.

M. Jean-Pierre Sueur . - C'est surtout grâce aux grandes régions !

Mme Catherine Troendlé , rapporteur . - Je souhaiterais apporter deux précisions. Comme l'a rappelé M. Collombat, il y a urgence à légiférer en la matière, avant l'été prochain. J'ai également la faiblesse de croire que M. Collombat, élu d'une région très investie en matière de lutte contre les incendies et de protection des forêts, ait pu être inspiré en même temps que le Gouvernement sur cette question....

EXAMEN DES AMENDEMENTS

Article 1 er

Mme Catherine Troendlé , rapporteur . - Mon amendement COM-2 apporte une clarification rédactionnelle.

L'amendement COM-2 est adopté.

Article 2

L'amendement COM-1 de suppression est adopté.

La proposition de loi est adoptée dans la rédaction issue des travaux de la commission.

Le sort des amendements examinés par la commission est retracé dans le tableau suivant :

Auteur

Objet

Sort de l'amendement

Article 1 er
Compétence des départements
en matière de défense des forêts contre l'incendie

Mme TROENDLÉ, rapporteur

2

Précision rédactionnelle

Adopté

Article 2
Gage financier

Le Gouvernement

1

Suppression de l'article

Adopté

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