Rapport n° 17 (2014-2015) de M. Yves POZZO di BORGO , fait au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, déposé le 15 octobre 2014

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N° 17

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2014-2015

Enregistré à la Présidence du Sénat le 15 octobre 2014

RAPPORT

FAIT

au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées (1) sur le projet de loi autorisant l' approbation du protocole additionnel à la convention entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République italienne relative au tunnel routier sous le Mont-Blanc ,

Par M. Yves POZZO di BORGO,

Sénateur

(1) Cette commission est composée de : M. Jean-Pierre Raffarin , président ; MM. Christian Cambon, Daniel Reiner, Jacques Gautier, Aymeri de Montesquiou, Mmes Josette Durrieu, Michelle Demessine, MM. Xavier Pintat, Gilbert Roger, Robert Hue, Mme Leila Aïchi , vice-présidents ; M. André Trillard, Mmes Hélène Conway-Mouret, Joëlle Garriaud-Maylam, MM. Joël Guerriau, Alain Néri , secrétaires ; MM. Michel Billout, Jean-Marie Bockel, Michel Boutant, Jean-Pierre Cantegrit, Bernard Cazeau, Pierre Charon, Robert del Picchia, Jean-Paul Emorine, Philippe Esnol, Hubert Falco, Bernard Fournier, Jean-Paul Fournier, Jacques Gillot, Mme Éliane Giraud, M. Gaëtan Gorce, Mme Nathalie Goulet, M. Alain Gournac, Mme Sylvie Goy-Chavent, MM. Jean-Pierre Grand, Jean-Noël Guérini, Didier Guillaume, Mme Gisèle Jourda, M. Alain Joyandet, Mme Christiane Kammermann, M. Antoine Karam, Mme Bariza Khiari, MM. Robert Laufoaulu, Jacques Legendre, Jeanny Lorgeoux, Claude Malhuret, Jean-Pierre Masseret, Rachel Mazuir, Christian Namy, Claude Nougein, Philippe Paul, Mme Marie-Françoise Perol-Dumont, MM. Cédric Perrin, Jean-Vincent Placé, Yves Pozzo di Borgo, Henri de Raincourt, Alex Türk .

Voir le(s) numéro(s) :

Sénat :

518 (2012-2013) et 18 (2014-2015)

INTRODUCTION

Mesdames, Messieurs,

Le projet de loi de ratification dont nous sommes saisis aujourd'hui concerne un Protocole additionnel, signé en octobre 2011 à Rome entre la France et l'Italie, et relatif aux modalités d'imposition des bénéfices de l'exploitation du tunnel du Mont-Blanc.

Il vient mettre fin à une difficulté d'interprétation en matière fiscale de la Convention de Lucques (2006) relative à ce tunnel routier, qui en avait profondément modifié la gouvernance, tirant les leçons de la terrible catastrophe de mars 1999.

De portée limitée, clarifiant le cadre fiscal, ce protocole apporte des précisions bienvenues. Votre commission vous propose de l'adopter, et de l'examiner en séance publique sous la forme simplifiée.

I. LE CONTEXTE : UNE GOUVERNANCE UNIFIÉE DU TUNNEL DU MONT-BLANC TIRANT LES CONSÉQUENCES DU TERRIBLE ACCIDENT DU 24 MARS 1999

A. LE TUNNEL DU MONT-BLANC RELIANT LA FRANCE À L'ITALIE DEPUIS 1965

En 1953, la République italienne et la République française signaient, à Paris, la « Convention entre l'Italie et la France relative à la construction et à l'exploitation d'un tunnel routier à travers le Mont-Blanc ».

En 1957, deux sociétés furent créées pour construire et ensuite exploiter l'ouvrage ; en France, la STMB « Société du Tunnel du Mont-Blanc », qui deviendra en 1996 ATMB « Autoroutes et Tunnel du Mont-Blanc », et en Italie la SITMB «S ocietà Italiana per Azioni per il Traforo del Monte Bianco S.p.A .».

Le 19 juillet 1965, le tunnel fut officiellement inauguré et ouvert au trafic. Reliant la vallée de Chamonix et le val d'Aoste, d'une longueur totale de 11,6 km (dont 7,6 km en territoire français), il est constitué d'un tube unique à double sens de circulation , avec une chaussée de 7 mètres, relativement étroite par rapport aux tunnels bidirectionnels plus récents.

Les installations du tunnel comprennent également des plates-formes d'accès, les parties terminales des rampes d'accès, ainsi que deux aires de régulation des poids lourds, celle d'Aoste, côté italien, et celle de Passy-Le Fayet, côté français.

FICHE TECHNIQUE DU TUNNEL DU MONT-BLANC

Date d'ouverture au public : 19 juillet 1965

Longueur : 11,6 km

Largeur de la chaussée : 7 mètres

Altitude d'entrée : 1274 m côté français et 1381 côté italien

Altitude maximale : 1395 mètres

Épaisseur de la roche à la verticale : supérieure à 2000 mètres

Durée de la traversée : 12 minutes (à 60 km/h)

Source : www.tunnelmb.net

En 2013, cet ouvrage était fréquenté par 1 783 964 véhicules.

B. LES ENSEIGNEMENTS DE LA TERRIBLE CATASTROPHE DU 24 MARS 1999

L'incendie survenu dans le tunnel dans la matinée du 24 mars 1999 s'est révélé d' une ampleur et une gravité exceptionnelles .

L'accès aux entrées du tunnel, à environ 1 300 mètres d'altitude, s'effectue par de longues et fortes rampes : de ce fait, les risques de débuts d'incendie sur des véhicules, notamment les poids lourds, y sont plus élevés que pour des tunnels de plaine.

Ce jour-là 1 ( * ) , un camion frigorifique semi-remorque belge transportant de la farine et de la margarine a pris feu, 6 km après l'entrée française du tunnel, c'est-à-dire dans la zone la plus éloignée des deux têtes de l'ouvrage. L'incendie s'est très rapidement propagé. En outre, une utilisation défaillante du système de ventilation côté italien a aggravé le sinistre. L'action des secours provenant de France et d'Italie s'est avérée très difficile. Du fait des fumées, les secours n'ont pu atteindre le camion. L'incendie n'a été circonscrit que dans l'après-midi du 26 mars, après que 24 poids lourds, 9 véhicules légers, une moto et deux véhicules de secours eurent été détruits.

Le bilan définitif de l'incendie, particulièrement lourd, s'élève à 39 morts.

La catastrophe a donné lieu à des poursuites judiciaires et le 27 juillet 2005, le tribunal correctionnel de Bonneville (Haute-Savoie) prononçait treize condamnations frappant à des degrés divers des responsables ou dirigeants des deux sociétés concessionnaires, française et italienne, ainsi que ces sociétés elles-mêmes. Également condamné par le tribunal de Bonneville au motif d'une défaillance dans l'exercice de ses pouvoirs de police, le maire de Chamonix a été relaxé par la Cour d'appel de Chambéry le 14 juin 2007.

Deux missions administratives d'expertise , l'une française 2 ( * ) et l'autre italienne, ont été mises en place par chacun des deux gouvernements dans les jours qui ont suivi la catastrophe. Ayant échangé leurs constatations et analyses, les deux missions ont rendu le 6 juillet 1999 un rapport commun détaillant les circonstances de la catastrophe et énonçant 41 recommandations , au vu notamment des insuffisances ou déficiences constatées.

Une première série de recommandations portait sur l' organisation institutionnelle . Le rapport proposait diverses mesures destinées à améliorer le fonctionnement de la commission intergouvernementale de contrôle, ainsi que la création auprès d'elle d'un comité technique de sécurité assurant le suivi permanent des questions de sécurité dans le tunnel. Il rappelait que la convention franco-italienne du 14 mars 1953 avait prévu de confier la gestion du tunnel à une société unique , dont le capital aurait été réparti pour moitié entre les deux concessionnaires. Constatant que cette société commune n'avait jamais vu le jour et, qu'en outre, deux directions d'exploitation distinctes avaient perduré, le rapport demandait la constitution d'une structure de gestion unique .

En ce qui concerne les installations de sécurité et d'exploitation , le rapport préconisait certains travaux de génie civil (notamment le doublement du nombre des refuges), ainsi que la modernisation et le renforcement des équipements (mise en place d'une salle de commande unique, au lieu des deux salles existantes, remise à niveau des dispositifs de mesure de données relatives à la sécurité, amélioration du réseau électrique, amélioration de la signalisation, réfection profonde du système de ventilation pour accroître le débit d'extraction de l'air vicié).

Le rapport commun franco-italien recommandait également de revoir l' organisation des moyens de secours . Il préconisait la mise en place par l'exploitant d'un service de première intervention permanent, à chaque entrée du tunnel, et l'élaboration d'un plan de secours binational unique, se substituant aux plans de secours français et italien qui n'étaient pas identiques jusqu'en 1999.

Enfin, le rapport soulignait la nécessité d'améliorer l'information des usagers et de durcir la réglementation des véhicules autorisés à emprunter le tunnel.

C. LA « CONVENTION DE LUCQUES » DE 2006 ET LA CLARIFICATION DU CADRE JURIDIQUE ET SÉCURITAIRE

1. Une refonte totale du cadre juridique

De nombreux travaux de réparation et de renforcement de la sécurité ont donc été réalisés préalablement à la réouverture progressive du tunnel à compter de 2002.

Les gouvernements français et italien ont également voulu tirer tous les enseignements de cette catastrophe en ce qui concerne le cadre juridique applicable au tunnel et à son exploitation. Un accord intergouvernemental du 14 avril 2000 a ainsi approuvé la constitution entre les deux sociétés concessionnaires, française et italienne, d'un groupement européen d'intérêt économique (GEIE) du Tunnel du Mont-Blanc. Celui-ci est devenu, depuis lors, la structure unique en charge de l'entretien, de l'exploitation et de la sécurité de l'ouvrage.

Par ce même accord du 14 avril 2000, les deux gouvernements s'engageaient à mener des négociations en vue de conclure le plus rapidement possible une nouvelle convention appelée à remplacer celle de 1953, afin d'adapter le cadre juridique applicable au tunnel, notamment dans la perspective d'en améliorer la sécurité.

La convention du 24 novembre 2006, dite « Convention de Lucques » approuvée par le Parlement en 2008 3 ( * ) , constitue l'aboutissement de cette démarche. Se substituant à la convention initiale de 1953 et aux accords qui l'avaient complétée, elle consacre le principe d'une structure unique en charge de l'exploitation du tunnel. Elle précise les attributions de la commission intergouvernementale franco-italienne et du comité de sécurité qui lui est adjoint. Elle définit les conditions d'exercice de la police de la circulation dans le tunnel.

2. Une gouvernance rassemblée par la création d'un groupement européen d'intérêt économique (GEIE)

L' article 7 de la convention de 1953 stipulait initialement que les sociétés concessionnaires française et italienne confieraient l'exploitation du tunnel « à une société anonyme dont elles souscriront chacune la moitié du capital et dont le conseil d'administration comprendra un nombre égal de représentants de chacune d'elles ».

Cette disposition n'a jamais été mise en oeuvre, et les rapports d'expertise ont mis en cause la dualité des exploitants pour un même ouvrage dans les difficultés rencontrées pour assurer la sécurité de l'ouvrage.

EXTRAIT DU RAPPORT DUFFÉ -MAREC DE 1999

« Cette dualité d'exploitants pour un même ouvrage est à l'origine de diverses difficultés qui ont une grande importance pour la sécurité de l'ouvrage. Les deux sociétés ont des accords pour se partager les recettes et les dépenses courantes d'entretien et de fonctionnement mais les dépenses d'investissement sont totalement indépendantes, de sorte que des modifications des installations sur des points touchant à la sécurité, notamment la ventilation, ont été faites par les deux sociétés de façon peu concertée. (...) Ce qui paraît plus grave c'est que l'exploitation des deux moitiés du tunnel n'est que partiellement coordonnée entre les deux sociétés, chacun des régulateurs n'ayant pas une connaissance complète dans la partie du tunnel exploitée par l'autre société. »

Comme l'a également estimé le rapport d'expertise franco-italien de juillet 1999 4 ( * ) , « ce compromis institutionnel, proche dans les faits d'un bicéphalisme, a été à l'origine, depuis 1965, de difficultés dans la coordination des travaux de modernisation dans le tunnel », les investissements ayant souvent été réalisés par chaque société à des dates différentes et avec un contenu technique différent. Aussi le rapport d'expertise avait-il préconisé de réaliser l'unicité d'exploitation prévue dès l'origine, quitte utiliser une autre formule que celle de la société pour contourner les obstacles juridiques qu'elle impliquait.

C'est donc sous la forme d'un groupement européen d'intérêt économique (GEIE), constitué le 18 mai 2000, qu'a été réalisée cette unicité d'exploitation. Le GEIE Tunnel du Mont-Blanc est une structure juridique du droit communautaire associant les deux concessionnaires. Il est inscrit au registre du commerce d'Aoste, son siège principal est à Courmayeur sur la plate-forme italienne du Tunnel, et il dispose d'un établissement sur le territoire français. Depuis le 9 mars 2002, il est responsable de toutes les activités liées à la gestion opérationnelle du tunnel et des deux aires de régulation du trafic poids lourds d'Aoste versant italien, et de Passy-Le Fayet versant français. Il perçoit les péages, il intervient sur les projets qui concernent la sécurité et il assure la maîtrise d'ouvrage de tous les travaux d'entretien, des grosses réparations et des améliorations, des infrastructures et des installations techniques spécifiques du tunnel. Il est dirigé par un conseil de surveillance constitué de 10 membres nommés paritairement par les deux sociétés concessionnaires.

L'article 3 de la convention de Lucques consacre ce principe de l'unicité fonctionnelle . Il stipule que « l'exploitation, l'entretien, le renouvellement et la modernisation de l'ouvrage sont confiés en commun aux sociétés concessionnaires » et qu'en vue « d'atteindre l'unicité fonctionnelle de l'ensemble de ces activités, elles sont exercées par l'exploitant » pour le compte de ces sociétés. L'exploitant est défini comme « la structure dotée de la capacité juridique, telle que le groupement européen d'intérêt économique du tunnel du Mont-Blanc, mise en place par les sociétés concessionnaires pendant la durée de leurs concessions aux fins exclusives d'exploiter, d'entretenir, de renouveler et de moderniser le tunnel et ses annexes ».

La nouvelle Convention internationale entre Italie et France entra en vigueur le 1er octobre 2008, après la ratification du Parlement italien par la loi 166 du 27 septembre 2007 et celle du Parlement français par la loi 2008-575 du 19 juin 2008.

Plus précisément, le GEIE du tunnel du Mont-Blanc est chargé, pour le compte d'ATMB et de SITMB, qui en sont membres à parts égales, d'exécuter les opérations suivantes : gestion et sécurité du trafic ; exploitation et entretien de l'ouvrage ; maîtrise d'ouvrage pour les travaux de maintenance extraordinaire et d'amélioration de l'infrastructure et de ses équipements ; contrôle de la bonne exécution du service d'intervention immédiate anti-incendie (confié à une entreprise externe) ; perception des péages ; information des clients et des médias ; gestion du personnel détaché par les sociétés concessionnaires ou employé directement ; gestion générale.

3. Une sécurité renforcée

L'exploitation du tunnel du Mont-Blanc est désormais soumise à deux textes : la directive européenne 2004/54/CE concernant les exigences de sécurité minimales applicables aux tunnels du réseau routier transeuropéen et l'accord européen relatif au transport international de marchandises dangereuses par route (dit « accord ADR »), en particulier les dispositions spécifiques aux tunnels routiers. Les dispositions actuellement en vigueur au tunnel du Mont-Blanc ont été avalisées par un Comité de Sécurité et une Commission Intergouvernementale. D'après les informations recueillies par votre rapporteur, à ce jour, le tunnel est conforme aux exigences de la directive européenne.

La Commission intergouvernementale, la CIG, composée de représentants des Gouvernements français et italien, fixe en effet les règles de sécurité du tunnel. C'est la CIG qui a approuvé le programme de restructuration et de modernisation réalisé aux cours des années 1999 à 2002. La CIG s'appuie sur un Comité de sécurité composé d'experts, qui sont consultés sur toute question relative à la sécurité et à l'exploitation de l'ouvrage. L'instrument principal permettant de garantir la sécurité de la clientèle est le règlement de circulation, dont l'élaboration a été lancée à l'occasion du sommet franco-italien du 29 janvier 2001 et dont le texte définitif, qui a été approuvé par la CIG en janvier 2002, est constamment mis à jour.

Parmi ces règles figure l'interdiction d'accès au tunnel pour certaines catégories de véhicules : les poids lourds classés dans les catégories de pollution Euro 0 (immatriculés avant le 1 er octobre 1993), Euro 1 (immatriculés entre le 1 er octobre 1993 et le 30 septembre 1996) et, depuis le 1 er novembre 2012, Euro 2 (immatriculés entre le 1 er octobre 1996 et le 30 septembre 2001), et les véhicules qui transportent des matières dangereuses (le tunnel du Mont-Blanc est classé dans les tunnels de catégorie «E»). Outre ces dispositions, les préfectures italienne et française ont interdit la circulation des véhicules qui transportent des matières dangereuses sur les itinéraires d'accès au tunnel.

Une autorisation d'accès préalable a été mise en place pour certaines catégories de véhicules (véhicules exceptionnels et autres véhicules exigeant une escorte, comme les camions frigorifiques).

Des règles de circulation particulières ont été imposées comme se maintenir en permanence pendant tout le trajet à l'écoute de la radio sur la bande FM, respecter les limites de vitesse (minimum de 50 km/h et maximum de 70 km/h), respecter les règles de l'inter-distance : 150 m entre chaque véhicule, 300 m entre un autobus et le poids lourd qui le précède, 1200 m entre deux autobus. Le respect de l'inter-distance entre deux véhicules est très important : à l'intérieur du tunnel, un système de signalisation avec des lumières bleues réparties tous les 150 m aide le conducteur à maintenir la distance prescrite, et le flux du trafic est cadencé aux péages grâce à une gestion informatisée du départ de chaque véhicule.

Les comportements à adopter en cas d'évènement sont indiqués sur une fiche de sécurité distribuée systématiquement à chaque utilisateur accédant au tunnel : à l'arrêt, maintenir une distance minimum de 100 m avec le véhicule qui vous précède, utiliser si possible les aires d'arrêt d'urgence réparties tous les 600 m, et en cas d'émission de fumée, s'arrêter immédiatement, couper le moteur et allumer les feux de détresse, utiliser si possible les extincteurs disposés dans les niches de secours réparties tous les 100 m, et rejoindre l'abri sécurisé le plus proche.

Des conditions de restriction de la circulation pour des raisons de sécurité ou d'exploitation du tunnel ont été mises en place : avant d'accéder au tunnel, les poids lourds doivent, en fonction de leur provenance, se déclarer auprès des zones de régulation et de contrôle de Passy Le Fayet (France) ou d'Aoste (Italie). Leur conformité aux conditions de transit dans le tunnel est certifiée par une contremarque, délivrée après la vérification des dimensions du véhicule et de la catégorie européenne de pollution. Le contrôle sur la nature des marchandises transportées revient à la police de la route (côté italien) et au service des douanes (côté français).

Sur les plates-formes du tunnel, le transit des poids lourds sous le portail thermographique permet au personnel du tunnel de détecter une surchauffe éventuelle des pièces mécaniques des camions et des autobus. Si le système signale la présence d'anomalies, le véhicule est dans l'obligation de stationner sur la plate-forme afin de procéder aux vérifications nécessaires.

Placés alternativement tous les 100 m sur les parois du tunnel, les 116 niches de sécurité sont équipées de deux extincteurs et d'un poste d'appel SOS .

Tous les 300 m, un système de portes coupe-feu, signalées par un éclairage clignotant en cas d'urgence, garantit l'accès aux 37 abris sécurisés. Ces locaux sont hermétiquement isolés du reste du tunnel, alimentés en air frais, équipés d'une réserve d'eau et raccordés au PCC par vidéophonie. Chaque abri sécurisé est relié à la galerie de secours, à travers laquelle les services de secours peuvent atteindre les personnes y ayant trouvé refuge et les accompagner vers la sortie. Les conduites d'air frais courent sur toute la longueur du tunnel et elles sont raccordées aux abris sécurisés. En cas d'événement qui nécessiterait l'évacuation des personnes, elles permettent aux équipes de secours de les rejoindre et de les conduire vers le premier abri sécurisé, loin du lieu de l'accident, ou bien sur l'une des deux plates-formes. À l'intérieur de ces conduites, peuvent circuler des véhicules électriques capables de transporter une civière ou plusieurs personnes assises.

COUPE DU TUNNEL DU MONT BLANC FAISANT APPARAÎTRE LES GALERIES D'ÉVACUATION

Des projets d'amélioration de la sécurité sont mis en oeuvre chaque année pour optimiser les dispositions de sécurité (maintenance, modernisation, amélioration, etc...). Il faut noter, par exemple, le remplacement, en 2013-2014, des véhicules d'intervention incendie de type « Janus » par des nouveaux véhicules de type « Proteus » présentant des caractéristiques améliorées. Les années à venir se caractériseront notamment par l'amélioration des modalités de signalisation lumineuse des issues de secours.

4. Une exploitation unifiée

L'unicité de gestion de l'ouvrage qui résulte d'un mode de gestion spécifique à l'ouvrage a permis que l'exploitation soit unifiée et ne dépende plus directement des deux sociétés concessionnaires, comme c'était auparavant le cas.

Le GEIE-TMB est administré par un comité de direction composé d'un directeur gérant et de deux directeurs nommés par les sociétés concessionnaires SITMB et ATMB. Un conseil de surveillance composé de 10 membres (5 par société concessionnaire) exerce les activités de contrôle et de supervision. Les charges de président du conseil de surveillance et de directeur gérant du comité de direction sont établies et renouvelées tous les 30 mois de manière à être alternativement occupées par un représentant d'ATMB et par un représentant de la SITMB. Sous l'autorité du comité de direction, le GEIE-TMB réunit 195 employés mis à disposition par les deux sociétés concessionnaires.

II. LE TUNNEL DU MONT BLANC, UNE VOIE DE FRANCHISSEMENT DES ALPES PARTICULIÈREMENT SENSIBLE

A. L'IMPACT ÉCONOMIQUE ET ENVIRONNEMENTAL D'UN OUVRAGE SITUÉ DANS UN SITE EXCEPTIONNEL

1. Une artère vitale sur le plan économique

Cette voie de communication internationale entre la France et l'Italie est d'une importance vitale pour les échanges économiques, sociaux et culturels au sein de l'Europe. Il est un acteur essentiel de la promotion touristique et des échanges entre les vallées de Courmayeur et de Chamonix.

60% des poids lourds qui empruntent le tunnel sont franco-italiens , ce qui témoigne de l'apport de cette desserte au dynamisme de l'économie locale, connectant les entreprises et les zones d'activité entre elles, mais aussi à leurs marchés locaux, nationaux et internationaux. On pense en particulier à la vallée de l'Arve, leader du décolletage, pôle de compétitivité, mais aussi au tourisme en particulier pour la trentaine de stations de ski desservies par le tunnel et l'autoroute du Mont Blanc.

Les niveaux de trafic dépendent directement de l'activité économique et les tunnels alpins sont extrêmement dépendants du trafic poids-lourd. À titre d'exemple, la répartition du chiffre d'affaires au tunnel du tunnel du Mont-Blanc est, schématiquement, de 75 % pour les poids-lourds et 25 % pour les véhicules légers. Suite à la catastrophe du tunnel du Mont-Blanc en mars 1999, le trafic ne retrouve une stabilité qu'à partir de 2006, mais accuse alors une diminution globale de 25 % par rapport à avant la catastrophe . Depuis 2006, le niveau de trafic poids-lourd se situe globalement aux environs de 600 000 véhicules par an. Cependant, les effets de la crise économique se font sentir dès 2008 dans les tunnels alpins, avec une baisse régulière des trafics avant une légère reprise à partir de 2013.

2. Un trafic dense dans l'un des plus beaux sites naturels au monde

La présence d'un trafic routier aussi dense que celui qui transite par le tunnel du Mont-Blanc est paradoxale, dans une vallée aussi extraordinaire que celle de Chamonix Mont-Blanc.

Inutile de rappeler que ce site est mondialement renommé. Cette vallée de haute montagne, dominée par le massif du Mont-Blanc, réunit hiver comme été tous les passionnés de l'alpinisme, autour de l'aventure sportive, de ses légendes, de son éthique. L'Aiguille du Midi -et son célèbre « Pas dans le vide »- est l'un des sites touristiques les plus visités d'Europe. Ce fameux téléphérique qui emmène plus de 500 000 visiteurs chaque année jusqu'à 3842 mètres séduit tout autant les touristes du monde entier que les alpinistes, dont il est la porte d'entrée vers la haute montagne et ses courses les plus mythiques.

C'est pourtant au coeur de cette vallée grandiose que transitent des poids lourds par centaines de milliers.

La situation est similaire pour les autres points de franchissement des Alpes.

40 millions de tonnes de marchandises, tous modes de transport confondus, empruntent en effet les passages alpins franco-italiens, du lac Léman à la Méditerranée. 85 % de ces flux de fret entre la France et l'Italie sont routiers.

Les nuisances provoquées par le trafic sont importantes, sur tous les points de franchissement des Alpes.

Entre 1980 et 2005, le volume total de transport de transit a plus que doublé. En 2011, comme en 2010, 2,7 millions de poids lourds ont franchi les passages franco-italiens, soit une moyenne de 7 400 camions par jour. Même si le nombre de poids lourds traversant les Alpes est resté constant ces dernières années, les conséquences sont tout de même ressenties, particulièrement en termes de nuisances sonores et de pollution. Il est urgent de désengorger les Alpes.

Source : La transalpine

En 1991, les pays de l'arc alpin ont signé une « Convention alpine » par laquelle ils s'engagent à limiter les nuisances environnementales et les risques dus au trafic, principalement routier, en s'abstenant de construire de nouvelles routes à grand débit pour le trafic transalpin, et à prendre les mesures appropriées « en vue de réduire les nuisances et les risques dans le secteur du transport interalpin et transalpin, de telle sorte qu'ils soient supportables pour les hommes, la faune et la flore ainsi que pour leur cadre de vie et leurs habitats, notamment par un transfert sur la voie ferrée d'une partie croissante du trafic, en particulier du trafic de marchandises, notamment par la création des infrastructures appropriées et de mesures incitatives (...) ».

Après l'accident du tunnel du Mont-Blanc, des études ont été menées afin d'évaluer la qualité de l'air dans les vallées alpines. Ainsi l'initiative POVA 5 ( * ) a confirmé très largement la grande sensibilité des vallées alpines, parfois plus polluées que les grandes zones urbaines : les émissions y sont plus faibles, mais dans ces sites où la topographie et la météorologie sont parfois très pénalisantes, les niveaux de concentration peuvent localement augmenter par accumulation et une évolution en système quasi fermé.

B. LA PERSPECTIVE OFFERTE PAR LA LIAISON FERROVIAIRE LYON-TURIN

Votre commission a été saisie fin 2013 de la convention pour la liaison ferroviaire Lyon-Turin. Le rapport présenté au nom de la commission par votre rapporteur 6 ( * ) , le 13 novembre 2013, détaille tous les enjeux de ce grand projet à de 8,5 milliards d'euros, à dimension européenne.

Rappelons simplement que l'objectif recherché par la liaison ferroviaire Lyon-Turin est de passer d'une répartition 85/15 en faveur du routier à une répartition 55/45.

Le fret ferroviaire possède une plus grande efficacité énergétique que le transport routier. Les études menées par « Lyon-Turin ferroviaire » ont en effet montré que sur les 350 km de liaison, un poids lourd rejetait 1 tonne de CO2 dans la vallée alpine. L'objectif de la nouvelle liaison ferroviaire Lyon-Turin est donc de transférer sur le rail la moitié du fret circulant entre les deux pays, à l'horizon 2035.

Les évolutions du trafic prévues dans les Alpes ont été exposées dans le cadre de l'enquête d'utilité publique concernant cette liaison ferroviaire, qui a eu lieu de janvier à mars 2012. Selon ce dossier d'enquête publique, « la demande globale [de transport de marchandises sur l'arc alpin entre Vintimille et le Tauern] passerait de 144 millions de tonnes en 2004 à environ 217 millions de tonnes en 2020 et à 296 millions de tonnes en 2030 » (soit un doublement en trente ans environ).

La future ligne ferroviaire, mixte - voyageurs et fret - bénéficiera aux déplacements régionaux, nationaux et européens à travers les Alpes. Bien plus qu'un projet d'infrastructure de transport, c'est un projet de territoire, porteur d'enjeux environnementaux, économiques et sociaux importants pour les régions concernées - et bien au-delà, en raison de sa dimension européenne.

La capacité que sera susceptible d'atteindre la future ligne ferroviaire, en sus de sa capacité « voyageurs » sera de 40 millions de tonnes.

Réponse de M Bernard Cazeneuve, ministre de l'Intérieur, à une question au Sénat sur l'état d'avancement de la liaison Lyon-Turin , posée par M. Jean-Pierre Vial le 13 mars 2014 au Sénat

« La nouvelle liaison ferroviaire entre Lyon et Turin est un projet stratégique pour la France et l'Italie, qui sont engagées sur ce dossier par des accords internationaux, dont le dernier, en date du 30 janvier 2012, a été ratifié à la fin de l'année 2013 par la France et vient de l'être par l'Italie - en avril dernier. Le sommet franco-italien qui s'est tenu à Rome le 20 novembre 2013 a été l'occasion de rappeler l'importance accordée à la mise en oeuvre du projet par les deux États.

En raison de son coût, le projet Lyon-Turin doit être conduit dans un esprit de responsabilité, en tenant compte, d'une part, de sa dimension européenne, et, d'autre part - vous en conviendrez ! -, de la situation des finances publiques.

En conséquence, une participation communautaire au niveau le plus élevé possible, correspondant à 40 % du coût des travaux et à 50 % du coût des études, est un élément décisif de la réalisation de ce grand projet d'infrastructure. La Commission européenne semble se montrer rassurante quant à l'obtention de ces taux, mais elle devra bien entendu confirmer cette intention. Aussi, les deux États sont mobilisés pour présenter, en 2014, une demande de financement conjointe, dans le cadre de l'appel à projets qui sera lancé par la Commission européenne.

S'agissant de la mise en place du promoteur public, opérateur chargé de conduire les travaux définitifs de la liaison, la France et l'Italie sont parvenues à un accord sur les statuts de cette société, amenée à succéder à la société actuelle, Lyon Turin Ferroviaire, ou LTF. Cette nouvelle entité, qui pourra être mise en place après la réalisation des formalités afférentes de transformation de LTF, permettra aux deux États de renforcer le pilotage de cette opération.

Enfin, pour ce qui concerne le montage financier du projet, les gouvernements ont, au cours du sommet de Rome, chargé la commission intergouvernementale d'approfondir les travaux.

Dans ce cadre, je peux vous assurer de la mobilisation des services du secrétaire d'État chargé des transports, aux côtés de ceux du ministre des finances et des comptes publics et du secrétaire d'État chargé du budget, pour que ce projet poursuive son développement dans les meilleures conditions. »

III. UN PROTOCLE QUI VIENT PRÉCISER, SUR LE PLAN FISCAL, LA CONVENTION FRANCO-ITALIENNE DE LUCQUES (2006)

A. L'OBJET DU PRÉSENT PROTOCOLE : PRÉCISER LA QUESTION DE L'IMPOSITION DES BÉNÉFICES

1. Le contexte : une situation financière favorable du GEIE

Le chiffre d'affaires des péages au tunnel du Mont-Blanc ne cesse de croître ces dernières années. Ces montants sont imputés dans les comptes de chaque société concessionnaire à hauteur de 50% :

Exercices

Chiffre d'affaires des péages

2013

124,234 M€

2012

122,494 M€

2011

121,382 M€

2010

110,770 M€

2009

97,142 M€

La situation financière du GEIE est satisfaisante. En 2012 , la marge d'exploitation se monte à 91,9 M€ (+1,2 % par rapport à 2011) soit environ 75 % des recettes. Ce résultat en progression est la conséquence de l'augmentation des tarifs de 5,97 % au 1 er janvier 2012 qui permet d'atténuer la diminution du trafic de -5,21 % entre 2011 et 2012. Les principaux postes de charge du GEIE-TMB sont :

- les « prestations de services » (39 %) qui recouvrent l'ensemble des dépenses relatives aux interventions des services de sécurité et de secours mais aussi aux travaux d'entretien et d'ingénierie sur la structure du tunnel ;

- les frais de personnel (37%) ;

- les « achats de biens de consommation » (4,1 %) qui englobent l'ensemble des achats (pièces détachées, achats consommables), notamment de combustibles (fioul, carburant).

Le taux marge d'exploitation / recettes, de 75 %, est classique en matière de financement d'infrastructures lourdes et s'explique par des coûts d'investissement très importants et qu'il faut amortir grâce à la marge d'exploitation.

En 2013 la marge d'exploitation dégagée par le GEIE-TMB se monte à 92,9 M€ (+1,1 % par rapport à 2012) soit environ 75 % des recettes. Le trafic a enregistré une légère progression de 0,83 % sur l'exercice, hormis pour les poids-lourd dont le trafic a diminué de -5,47 % entre 2012 et 2013. L'augmentation tarifaire de 5,01% au 1 er janvier 2013 permet au GEIE-TMB d'enregistrer une progression légère de ses recettes. Les principaux postes de charges du GEIE-TMB demeurent les « prestations de services » (43 %) et les frais de personnel (40 %).

Sur l'exercice 2012, le résultat d'exploitation de la société ATMB s'établit à 76,32 M€, en diminution de -1 % par rapport à 2011. La progression du chiffre d'affaires de +2,8 %, qui s'établit à 167,27 M€, ne permet pas de compenser la hausse des charges d'exploitation, de 6,6 %, par rapport à 2011, notamment due aux conditions climatiques rigoureuses.

Sur l'exercice 2013, le résultat d'exploitation de la société ATMB s'établit à 79,9 M€, en augmentation de 7,3 % par rapport à 2012. La progression du chiffre d'affaires est continue à hauteur de +2,9 % (soit 171,4 M€) tandis que le dérapage des charges constaté en 2012 est régulé en 2013 avec une progression de seulement 1,4 % grâce, notamment, à un climat plus doux.

2. Le protocole : mettre fin à une ambiguïté en matière d'imposition

La convention de Lucques ne prévoit aucune mesure de répartition de l'imposition des résultats du GEIE entre les deux États signataires.

Une procédure de contrôle fiscal, mise en oeuvre par les autorités italiennes à l'encontre du GEIE, a abouti à imposer en Italie la totalité du bénéfice dégagé par l'exploitation du tunnel , ce qui a eu pour conséquence, pour la société ATMB, de subir, de fait, une double imposition.

À terme, avec ce contrôle fiscal, la répartition territoriale du bénéfice tiré de l'exploitation du tunnel sous le Mont-Blanc (50-50 entre l'Italie et la France) était remise en cause, puisque la totalité de l'activité se retrouvait, de fait, taxée en Italie et ce, tant au regard de l'impôt sur les bénéfices que des impôts locaux assis sur ces bénéfices.

Le présent accord vise donc à rétablir la répartition du pouvoir d'imposition entre les deux États, telle qu'elle prévalait avant la création du GEIE. Il rappelle, à cet égard, que le protocole additionnel à la convention de Lucques du 24 novembre 2006 précise que le GEIE TMB ne doit pas être traité comme directement et exclusivement redevable de l'impôt sur les sociétés en Italie mais comme agissant au nom et pour le compte des sociétés concessionnaires, chacune demeurant imposée sur sa part des résultats dans l'État où elle a son siège.

La France réaffirme ainsi sa compétence pour imposer la part des bénéfices générés par l'exploitation du tunnel du Mont Blanc revenant à la société concessionnaire française, à savoir 50 % de ces résultats . Le protocole vise à mettre fin aux divergences d'interprétation des principes applicables aux bénéfices tirés de l'exploitation du tunnel du Mont-Blanc, qui ont pu naître du fait de la création du GEIE.

Le protocole additionnel qui nous est aujourd'hui soumis a été élaboré conjointement par le ministère du budget français et le ministère de l'économie et des finances italien, et signé le 20 octobre 2011 à Rome.

L'article 1 er énonce, comme à l'habitude, les définitions nécessaires à l'interprétation des termes utilisés dans la convention.

L'article 2 expose les principes applicables en matière de répartition des recettes et des charges entre les sociétés concessionnaires participant à la gestion du groupement européen d'intérêt économique chargé de l'exploitation du tunnel du Mont-Blanc, ainsi que les dispositions applicables pour l'imposition des bénéfices provenant de cette exploitation et pour la détermination des contributions territoriales assises sur ces bénéfices.

L'article 3 prévoit les modalités d'entrée en vigueur du protocole.

B. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION

Votre commission soutient cette initiative et a adopté le projet de loi de ratification du présent protocole.

PERSONNES AUDITIONNÉES

Ministère des Affaires étrangères et du Développement international :

- M. Frédéric BASAGUREN, Ambassadeur pour les commissions intergouvernementales, la coopération et les questions transfrontalières, à la Direction de l'Union européenne et Président de la Commission intergouvernementale du Tunnel du Mont-Blanc.

- Mme Marine ALEGRE, Rédactrice Italie à la sous-direction de l'Europe méditerranéenne, Direction de l'Union européenne, Sous-direction de l'Europe méditerranéenne, Ministère des Affaires étrangères et du Développement international.

Ministère de l'Écologie, du Développement durable et de l'Énergie :

- M. Laurent PROBST, Sous-directeur de la gestion du réseau autoroutier concédé, à la Direction Générale des Infrastructures, des Transports et de la Mer, et membre de la délégation française à la Commission intergouvernementale du Tunnel du Mont-Blanc ;

- M. Guillaume HODOUL, chargé du suivi des contrats ATMB-SFTRF et secrétaire de la délégation française aux Commissions intergouvernementales (Mont-Blanc et Fréjus).

EXAMEN EN COMMISSION

Réunie le 15 octobre 2015, sous la présidence de M. Christian Cambon, vice-président, la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées a procédé à l'examen du rapport.

M. Yves Pozzo di Borgo, rapporteur . - Le projet de loi n° 518 concerne un Protocole, signé en octobre 2011, à Rome, entre la France et l'Italie, relatif à l'imposition des bénéfices de l'exploitation du tunnel du Mont-Blanc. Il vient mettre fin à une difficulté d'interprétation en matière fiscale.

Avant d'en venir à l'objet -important, mais limité- du Protocole en lui-même, permettez-moi de m'arrêter un instant sur la question, plus vaste mais liée, des franchissements alpins, et plus précisément du financement du Lyon-Turin. Dans la mesure où j'avais été rapporteur, fin 2013, de ce texte pour notre commission, je saisis aujourd'hui l'occasion du Protocole « Mont-Blanc » pour faire un peu le point. La France doit rendre en février prochain sa « copie » pour sa part de financement de cet ouvrage essentiel, qui va mobiliser au total 8,5 milliards d'euros, et qui sera en grande partie financé par des fonds européens, à 40%. La part française est de plus de 2 milliards d'euros et des solutions de financement sont à l'étude. La suppression de l'écotaxe, l'absence de prise en charge par l'Agence de financement des infrastructures de transport de France (AFITF), imposent de trouver des solutions. Certains envisagent des émissions obligataires, l'Italie pourrait nous prêter de l'argent... Affaire à suivre.... Je me permets d'insister ici, comme je l'ai fait d'ailleurs lors de l'audition auprès des ministères que nous avons entendus, sur l'importance de ce dossier, et je sais pouvoir compter sur le soutien de nos collègues, notamment sur celui de M. Jean-Pierre Vial, qui est à la commission des Lois, et, dans notre commission, celui de Mme Eliane Giraud, qui suivent de très près ce dossier dans leurs collectivités respectives.

Le désengorgement des Alpes est un impératif. Près de 3 millions de poids lourds franchissent chaque année les passages franco-italiens. Entre 1980 et 2000, le volume total de transport de transit a doublé, il triplera encore en trente ans. Quand on pense que la sublime vallée de Chamonix, dont le monde entier vient admirer les sommets, les aiguilles et les glaciers, voit passer chaque année plus d'un demi-million de camions, on se dit qu'il y a vraiment une nécessité à permettre enfin un report modal vers le ferroviaire. C'est un enjeu de long terme qui dépasse largement la seule liaison entre Lyon et Turin, entre Rhône-Alpes et le Piémont. C'est en fait une liaison entre l'Ile-de-France et la région de Milan et même plus globalement la seule liaison entre l'Est et l'Ouest de l'Europe, de Gibraltar à Budapest. Seule liaison ferroviaire qui ne soit pas Nord-Sud, mais Est-Ouest, et qui nous affranchisse d'une certaine dépendance par rapport aux liaisons ferroviaires existantes entre Allemagne et Italie. Faut-il rappeler les enjeux économiques considérables de cette liaison avec notre deuxième partenaire commercial, l'Italie ?

J'en viens tout naturellement au contenu du Protocole qui nous anime aujourd'hui. Le tunnel du Mont-Blanc, inauguré en 1965, entre la vallée de Chamonix et le val d'Aoste, est long de 11,6 km (dont 7,6 km en territoire français). Le tunnel est constitué d'un tube unique à double sens de circulation, avec une chaussée de 7 mètres de large, relativement étroite par rapport aux tunnels bidirectionnels plus récents.

Son histoire est marquée par l'incendie survenu dans le tunnel dans la matinée du 24 mars 1999, qui s'est révélé d'une ampleur et d'une gravité exceptionnelles. 24 poids lourds, 9 véhicules légers, une moto et deux véhicules de secours ont été détruits. Le bilan définitif de l'incendie, particulièrement lourd, s'est élevé à 39 morts. Cet accident nous a fait prendre conscience de beaucoup de problèmes.

Deux missions administratives d'expertise, l'une française, l'autre italienne, ont rendu en juillet 1999 un rapport commun, détaillant les circonstances de la catastrophe et énonçant 41 recommandations. Une première série de recommandations portait sur l'organisation institutionnelle. Le rapport demandait en particulier la constitution d'une structure de gestion unique du tunnel du Mont-Blanc. A l'époque, l'exploitation et même les travaux étaient dissociés entre la partie française et la partie italienne....

La convention franco-italienne du 24 novembre 2006, dite « Convention de Lucques » que nous avons ratifiée en 2008, a créé cette structure unique en charge de l'exploitation du tunnel : un groupement européen d'intérêt économique, ou GEIE, a été mis en place « au-dessus » des deux sociétés, l'une italienne, l'autre française. Pour la sécurité, la convention a renforcé les attributions de la Commission intergouvernementale franco-italienne et du Comité de sécurité qui lui est adjoint. Les conditions d'exercice de la police de la circulation dans le tunnel ont été entièrement revues, dans le cadre d'une nouvelle directive européenne. Nous avons donc aujourd'hui une exploitation unifiée et une sécurité renforcée.

S'agissant du protocole en lui-même, son objet est modeste : la convention de Lucques ne prévoit aucune mesure de répartition de l'imposition des bénéfices du GEIE -la structure « de tête »- entre les deux Etats signataires.

Dans le silence du traité initial, une procédure de contrôle fiscal, mise en oeuvre par les autorités italiennes à l'encontre du GEIE, a abouti à imposer en Italie la totalité du bénéfice dégagé par l'exploitation du tunnel, ce qui eut pour conséquence, pour la société française ATMB, de subir, de fait, une double imposition, une fois en Italie au niveau du GEIE, une deuxième fois en France une fois que les bénéfices étaient « redescendus » dans la filiale française.

À terme, avec ce contrôle fiscal, la clé de répartition territoriale du bénéfice tiré de l'exploitation du tunnel sous le Mont-Blanc (50-50 entre l'Italie et la France) était remise en cause, puisque la totalité de l'activité se retrouvait, de fait, taxée en Italie et ce, tant au regard de l'impôt sur les bénéfices que des impôts locaux assis sur ces bénéfices. Dans un premier temps, les services fiscaux des deux pays se sont mis d'accord par « Lettre d'intention » pour mettre fin au contentieux fiscal et effacer les pénalités. Dans un deuxième temps, le protocole que nous examinons aujourd'hui, signé en 2011, est venu graver dans le droit international le fait que l'imposition se fait bien à parité entre la France et l'Italie. De portée limitée, clarifiant le cadre fiscal, ce protocole apporte des précisions bienvenues. Il a déjà été ratifié par la partie italienne. Je vous propose donc de l'adopter, et de l'examiner en séance publique sous la forme simplifiée, le 30 octobre. Je vous remercie de votre attention.

Mme Éliane Giraud . - Merci à Yves Pozzo di Borgo d'avoir élargi le sujet au Lyon-Turin. Permettez-moi d'associer Didier Guillaume aux parlementaires que vous avez cités, compte tenu de sa très forte implication : la Drôme a un rôle moteur sur ce sujet.

Vous avez raison de dire que cette liaison est bien davantage qu'un tunnel entre la région Rhône-Alpes et la région de Turin. De très nombreux parlementaires se sont d'ailleurs mobilisés il y a plus d'un an, au travers d'un manifeste, pour soutenir ce projet. J'assiste moi-même à toutes les réunions de la commission inter-gouvernementale et je suis plutôt optimiste. Notre ministre est très engagé, nous avons l'écoute du Président de la République. Cette liaison touche au coeur de la relation économique entre la France et l'Italie, deux pays qui comptent en Europe et qui portent aujourd'hui un projet commun pour la croissance et l'investissement. Je vous remercie donc d'y avoir fait référence. Je souligne aussi combien nos entreprises industrielles sont concernées par ce projet qui met en oeuvre de nombreuses technologies : elles doivent être soutenues.

M. Didier Guillaume . - J'approuve le rapport de notre collègue Yves Pozzo di Borgo. Sur le Lyon-Turin, l'essentiel a été dit. Peu de dossiers peuvent bénéficier d'une telle proportion de financements européens. Ce serait un drame de ne pas en bénéficier. Le projet est essentiel sur le plan économique, c'est bien plus qu'un tunnel. Lien entre Rhône-Alpes et le Piémont, entre la France et l'Italie, c'est surtout un projet transeuropéen, vous l'avez dit, en citant Gibraltar et Budapest, sur toute la largeur de l'Europe.

Il permettra non seulement de désengorger les Alpes, mais aussi de réduire les nuisances environnementales -nous pouvons constater le terrible engorgement par les poids lourds des franchissements alpins, vous l'avez cité- ; enfin, ce projet permettra une relance de l'économie. Vous avez bien fait d'évoquer ce sujet et, comme fin 2013 où nous avions été très nombreux au Sénat à nous mobiliser sur cette question, il est bon que le Sénat dise à nouveau aujourd'hui sa vigilance sur ce sujet.

Puis la commission a adopté le rapport ainsi que le projet de loi précité.

Elle a proposé que ce texte fasse l'objet d'une procédure d'examen simplifié en séance publique, en application des dispositions de l'article 47 decies du règlement du Sénat.


* 1 Développements tirés du rapport de votre commission sur le projet de loi de ratification de la Convention de Lucques, 2008

* 2 Voir le rapport de la mission administrative d'enquête technique de MM. Duffé et Marec.

* 3 Voir le rapport de M Jacques Blanc au nom de votre commission, en 2008 : www.senat.fr/rap/l07-186/l07-186_mono.html

* 4 http://www2.equipement.gouv.fr/archivesdusite/actu/jcg-1997-2002/dossiers/1999/rapmont-blanc.htm

* 5 Pollution des vallées alpines.

* 6 www.senat.fr/rap/l13-139/l13-139.html.

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