B. LE DISPOSITIF ACTUEL

Le régime de la garde à vue est défini pour l'essentiel par les articles 36 à 65 du code de procédure pénale concernant l'enquête de flagrance . Ces dispositions sont applicables, sous réserve d'adaptations, à l'enquête préliminaire (article 77 du code de procédure pénale) et en commission rogatoire dans le cadre de l'information conduite par le juge d'instruction (article 154 du code de procédure pénale).

1. Une mesure privative de liberté

Toute personne « à l'encontre de laquelle il existe une ou plusieurs raisons plausibles de soupçonner qu'elle a commis ou tenté de commettre une infraction » peut être placée, « pour les nécessités de l'enquête », en garde à vue par un officier de police judiciaire (articles 63 et 77 du code de procédure pénale). Cette mesure est possible pour tout crime ou délit puni d'une peine d'emprisonnement en cas de flagrance, et pour toute infraction dans le cadre de l'enquête préliminaire ou de l'information.

Le gardé à vue étant traité comme un suspect, il ne prête pas serment lorsqu'il est entendu, même sur commission rogatoire du juge d'instruction (article 77-2 du code de procédure pénale).

La durée de la garde à vue est de 24 heures au maximum. Cependant, ce délai peut être renouvelé pour une même durée, sur autorisation écrite du procureur de la République. En enquête de flagrance, celui-ci peut subordonner cette autorisation à la présentation préalable de la personne concernée (article 63, alinéa 2). En revanche, en enquête préliminaire ou sur commission rogatoire, la présentation préalable est la règle et il ne peut y être dérogé qu'à titre exceptionnel et par une décision écrite et motivée du magistrat -procureur de la République ou juge d'instruction selon les cas (article 77, alinéa 2, et article 154, alinéa 2, du code de procédure pénale).

Le législateur a prévu des prolongations supplémentaires dans deux hypothèses prévues par le code de procédure pénale :

- pour les infractions de criminalité organisée (prévues par l'article 706-73), la garde à vue peut être prolongée de deux fois vingt-quatre heures . Lorsque la durée prévisible des investigations restant à réaliser à l'issue de la première prolongation de « droit commun » le justifie, une seule prolongation de 48 heures peut être décidée (article 706-88 du code de procédure pénale). Ces prolongations sont autorisées sur requête du procureur de la République par le juge d'instruction lorsque la garde à vue a été prescrite sur commission rogatoire, et par le juge des libertés et de la détention en enquête de flagrance ou préliminaire ;

- en cas de risque sérieux de l'imminence d'une action terroriste (ou lorsque les nécessités de la coopération internationale le requièrent impérativement), la garde à vue peut être encore prolongée de deux fois 24 heures supplémentaires (article 706-88).

La garde à vue peut ainsi être portée jusqu'à six jours .

Prolongations possibles du délai initial de garde à vue de 24 heures 1

Prolongations successives de 24 heures

Textes

Cas

Durée totale
de la garde à vue

Prolongation selon les règles ordinaires

63, al. 2 ; 77, al. 2 ; 154, al. 2

48 heures

(2 jours)

Première prolongation supplémentaire

706-88, al. 1er

Infractions
de criminalité organisée
prévues par l'article 706-73

72 heures

(3 jours)

Deuxième prolongation supplémentaire

96 heures

(4 jours)

Troisième prolongation supplémentaire

706-88, al. 7

Infractions terroristes prévues par le 11° de l'article 706-73

120 heures

(5 jours)

Quatrième prolongation supplémentaire

144 heures

(6 jours)

1 Source : F. Desportes et L. Lazerges-Cousquer -

Traité de procédure pénale, Economica

2. Une situation créatrice de droits

Les garanties apportées à la personne placée en garde à vue sont principalement de trois ordres :


Le contrôle de l'autorité judiciaire

Le procureur de la République, ou s'il s'agit d'une commission rogatoire, le juge d'instruction, doit être informé dès le début d'une garde à vue (article 63 et 77). Ainsi que l'a indiqué le Conseil constitutionnel, « la garde à vue mettant en cause la liberté individuelle dont, en vertu de l'article 66 de la Constitution, l'autorité judiciaire assure le respect, il importe que les décisions prises en la matière par les officiers de police judiciaire soient portées aussi rapidement que possible à la connaissance du procureur de la République [ou du juge d'instruction] afin que celui-ci soit à même d'en assurer le respect » 11 ( * ) . Le procureur de la République contrôle les mesures de garde à vue et visite les locaux de garde à vue chaque fois qu'il l'estime nécessaire et au moins une fois par an (article 41 du code de procédure pénale).


• Les droits de la personne gardée à vue

En premier lieu, la personne est immédiatement informée , dans une langue qu'elle comprend, de la nature de l'infraction sur laquelle porte l'enquête , des droits dont elle dispose ainsi que des dispositions relatives à la durée de la garde à vue (article 63-1).

Sauf si le magistrat s'y oppose à la demande de l'officier de police judiciaire, la personne gardée à vue dispose également du droit de faire prévenir par téléphone une personne avec laquelle elle vit habituellement ou un de ses parents en ligne directe, l'un de ses frères et soeurs ou son employeur (article 63-2 du code de procédure pénale). Elle peut en outre, à sa demande, être examinée par un médecin (article 63-3).

Par ailleurs, la personne peut demander à s'entretenir pour une durée de 30 minutes avec un avocat , choisi ou désigné d'office par le bâtonnier dès le début de la garde à vue puis, le cas échéant, dès le début de la prolongation 12 ( * ) . Cependant, pour la personne soupçonnée d'avoir commis une infraction relevant de la délinquance ou de la criminalité organisée, ce droit est reporté au début de chacune des deux prolongations supplémentaires -soit à l'issue de la 48 ème heure puis de la 72 ème heure -et, en matière de terrorisme et de trafic de stupéfiants, à l'issue de la 72 ème heure. Lorsqu'en matière de terrorisme, les circonstances permettent une garde à vue de 6 jours, l'entretien avec l'avocat est différé à la 96 ème heure et à la 120 ème heure.


• Le contrôle du déroulement de la garde à vue

Aux termes de l'article 64 du code de procédure pénale, le procès verbal d'interrogatoire de la garde à vue doit obligatoirement porter mention :

- de la durée de l'interrogatoire ;

- du repos dont a bénéficié la personne interrogée ;

- des heures auxquelles elle a pu s'alimenter ;

- des demandes qu'elle a faites en application des articles 63-2 à 63-4 et des suites qui leur ont été données ;

- du jour et de l'heure du début et de la fin de la mesure ;

- des motifs de la garde à vue.

Par ailleurs, la loi n° 2007-291 du 5 mars 2007 relative à l'équilibre de la procédure pénale a prévu l'enregistrement des auditions en garde à vue en matière criminelle 13 ( * ) .


• Le régime de nullité

Aux termes de l'article 802 du code de procédure pénale, seules les irrégularités ayant porté atteinte aux intérêts de la partie qu'elle concerne peuvent entraîner la nullité des actes de procédure. Dans le cadre de la garde à vue, la Cour de cassation estime que certaines irrégularités et, en particulier, les retards de notification ou d'avertissement du magistrat « font nécessairement grief ».

De telles irrégularités emportent la nullité de la garde à vue ainsi que la nullité des actes dont elle est le support nécessaire.


* 11 Conseil constitutionnel, n° 93-326 DC, 11 août 1993.

* 12 Cette disposition est issue de la loi du 9 mars 2004. La loi du 4 janvier 1993 avait autorisé la présence de l'avocat pour un entretien de 30 minutes.

* 13 La loi du 15 juin 2000 avait déjà prévu un tel enregistrement pour l'audition des mineurs placés en garde à vue. L'obligation d'enregistrement ne concerne toutefois pas, sauf décision contraire du procureur de la République, les infractions relevant de la criminalité organisée.

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