B. LA PRÉSERVATION DES PRINCIPES ÉTHIQUES

L'acte fondateur de l'éthique moderne de la recherche médicale est le code de Nuremberg, qui reprend les dix principes impératifs en matière de recherche sur les personnes exposés par les magistrats du tribunal international chargé de juger les médecins nazis coupables d'expérimentations criminelles. Ces principes peuvent être regroupés autour de deux exigences principales : la liberté du consentement des personnes appelées à participer à la recherche et l'intérêt scientifique de celle-ci.

En France, ce sont les comités consultatifs de protection des personnes dans la recherche biomédicale (CCPPRB) créés par la loi Huriet-Sérusclat qui ont permis une mise en oeuvre rigoureuse et systématique de ces principes, auparavant laissés largement à l'appréciation informée, mais subjective, des chercheurs et aux appréciations divergentes des différents comités d'éthique mis en place à partir des années soixante-dix. Le rôle des CCPPRB s'est accru avec l'évolution des textes, en même temps qu'étaient envisagés des aménagements aux procédures de recueil du consentement des participants à la recherche.

1. Le rôle des comités de protection des personnes

Le champ d'action des CCPPRB mis en place en 1988 a été considérablement élargi par la loi de santé publique, qui a conditionné l'autorisation d'une recherche biomédicale au recueil de leur avis favorable 22 ( * ) . Cette extension répond aux exigences contemporaines en matière de recherche. Ceci étant, poursuivre dans cette voie en leur confiant le contrôle de l'ensemble des recherches sur la personne n'est envisageable qu'après avoir remédié aux dysfonctionnements anciens dont souffrent ces structures.

a) Les garants de l'éthique de la recherche

Composition des comités

Il existe actuellement quarante CCP répartis sur sept « zones » : onze en Ile-de-France, quatre dans le Nord-Ouest, six dans l'Ouest, quatre dans l'Est, six dans le Sud-Est, cinq pour le Sud-Méditerranée et quatre pour le Sud-Ouest, les Antilles, la Guyane et la Réunion.

Ce choix géographique répond à plusieurs logiques. Un comité unique serait évidemment inadapté pour l'examen des milliers de dossiers de recherche déposés chaque année. Le nombre et la répartition des comités correspondent donc à la distribution de la recherche en France et à l'implantation des équipes :

- la proximité physique des comités et des équipes de recherche favorise la compréhension de la démarche scientifique et facilite la mise en oeuvre d'un processus de conformation aux exigences éthiques ;

- l'exigence selon laquelle doivent figurer parmi les membres titulaires de chaque comité « quatre personnes ayant une qualification et une expérience approfondie en matière de recherche biomédicale » 23 ( * ) implique de trouver des chercheurs volontaires pour consacrer le temps nécessaire à l'examen des dossiers. Concrètement, cela suppose que les comités puissent se réunir à proximité des lieux de travail de leurs membres, d'autant qu'il s'agit de structures indépendantes dont la constitution repose depuis l'origine sur le volontariat. Ainsi, un groupe de personnes réunissant les conditions légales et réglementaires pour la composition d'un comité de protection des personnes peut se faire agréer comme tel pour une durée de six ans par le ministre de la santé. La qualité des comités dépendant de celle de leurs membres, il convient de permettre aux plus qualifiés, et non seulement aux plus volontaires, d'y siéger. A défaut, le risque est réel de voir disparaître des comités, comme c'est déjà le cas pour huit d'entre eux depuis 2005.

Conformément à la règle en matière d'éthique, les délibérations des comités sont collégiales, la détermination de la hiérarchie des valeurs applicables résultant de la confrontation des points de vue. Or, l'une des caractéristiques des comités tient singulièrement à leur composition paritaire : les quatorze titulaires sont répartis en deux collèges de sept membres, l'un scientifique et l'autre issu de la société civile 24 ( * ) . Les critères de recrutement extrêmement précis fixés par le code de la santé publique visent à permettre l'expression d'approches scientifiques, méthodologiques, juridiques, éthiques et de faire entendre la voix des patients. La parité de la formation des comités a été critiquée au nom du manque de connaissances scientifiques des membres issus de la société civile. Il s'agit en fait d'un avantage. Non seulement les CCPP n'ont pas vocation à être des comités d'experts, mais c'est précisément la nécessité d'une pédagogie de la part des membres qualifiés en matière de recherche qui fait naître le dialogue et permet la prise de décisions éclairées et éthiquement fondées. On peut craindre que si le collège scientifique devenait majoritaire, l'effort de pédagogie s'amoindrirait.

Rôle des comités

D'abord essentiellement chargés du contrôle des conditions du consentement donné à la participation à la recherche, les comités ont ensuite eu compétence en matière de contrôle de la qualité scientifique des recherches envisagées. Deux conditions doivent être remplies pour qu'une recherche puisse être autorisée :

- conformément au principe du code de Nuremberg selon lequel seule une recherche nécessaire est légitime, la recherche proposée doit intégrer les dernières connaissances acquises dans le domaine envisagé ;

- le protocole proposé doit prévoir répondre à la question posée, ce qui explique la présence, parmi les membres sans lesquels une délibération ne saurait être valable, d'un méthodologiste. Ici encore, on pourrait penser que les protocoles proposés par des chercheurs reconnus ou des promoteurs privés seraient exempts de défauts de méthode. La pratique prouve qu'il n'en est rien et que le rôle des comités est de ce point vue également essentiel.

Le contrepoids nécessaire à l'obligation d'obtenir l'avis positif d'un comité pour pouvoir engager une recherche a été la mise en place d'une procédure d'appel . A la suite de l'avis négatif d'un comité, il peut être demandé au ministre de la santé d'en désigner un autre qui examinera à nouveau le dossier. La région dans laquelle le dossier sera étudié pour la seconde fois est alors tirée au sort puis un comité est choisi en son sein en raison de ses compétences reconnues. Cette procédure n'est toutefois pas sans poser de problèmes : la présente proposition de loi ouvre la possibilité d'y remédier.

Comme le soulignait Claude Huriet dans son rapport sur le fonctionnement des CCPPRB 25 ( * ) , les comités sont « la pierre angulaire » du dispositif d'éthique de la recherche en France. La qualité de leurs membres, essentiellement bénévoles, et des décisions rendues ne peut que susciter l'admiration. De nombreux dysfonctionnements pourtant anciens n'ont toutefois toujours pas pu être corrigés.

* 22 Article L. 1121-4 du code de la santé publique.

* 23 Article R. 1123-4 du code de la santé publique.

* 24 Article R. 1123-4 du code de la santé publique.

* 25 Rapport d'information du Sénat n° 267 (2000-2001), précité.

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