EXAMEN DES ARTICLES

Article premier
(art. 132-76 nouveau du code pénal)
Définition de la circonstance aggravante relative au
caractère raciste d'une infraction

Actuellement, seules la profanation de sépultures et l'atteinte à l'intégrité du cadavre, réprimées par l'article 225-18 du code pénal, font l'objet de peines aggravées lorsqu'elles sont commises « à raison de l'appartenance ou de la non-appartenance, vraie ou supposée, des personnes décédées à une ethnie, une nation, une race ou une religion déterminée ».

La circulaire du 14 mai 1993 relative à l'entrée en vigueur du nouveau code pénal précise que la preuve du mobile raciste de l'infraction devra résulter d'éléments de fait, tels que l'existence d'inscriptions racistes sur les tombes et les monuments profanés. Elle indique également que, sous réserve de l'appréciation des juridictions, la seule appartenance de la personne décédée à une race ou une religion déterminée ne saurait en elle-même conférer à l'infraction un caractère raciste, sauf dans des hypothèses de profanations de grande ampleur dirigées contre des sépultures de personnes appartenant à une même communauté.

La proposition de loi soumise au Sénat reprenait, dans sa version initiale, les termes mêmes de la circonstance aggravante prévue par l'article 225-18 du code pénal pour appliquer cette circonstance aggravante à de nouvelles infractions.

L'Assemblée nationale, à l'initiative de sa commission des lois, a cependant souhaité que la circonstance aggravante permettant de sanctionner des comportements racistes soit définie de manière plus précise et objective afin de faciliter les appréciations des juridictions.

Dans ces conditions, le présent article tend à introduire dans le code pénal un article 132-76 définissant la circonstance aggravante relative au caractère raciste d'une infraction. Une section du livre premier du code pénal (dispositions générales) est en effet consacrée à la définition de certaines circonstances aggravantes. Elle contient des définitions de la bande organisée, de la préméditation, de l'effraction, de l'arme et de l'escalade.

Le texte proposé pour l'article 132-76 prévoit dans un premier alinéa que « Les peines encourues pour un crime ou un délit sont aggravées lorsque l'infraction est commise à raison de l'appartenance ou de la non appartenance, vraie ou supposée, de la victime à une ethnie, une nation, une race ou une religion déterminée ».

Il aurait été préférable de préciser que cette aggravation n'existait que « dans les cas prévus par la loi ». La rédaction choisie laisse en effet penser que toutes les infractions sont punies de peines aggravées lorsqu'elles revêtent un caractère raciste. Néanmoins, cette lacune ne devrait pas susciter trop de difficultés d'appréciation dès lors qu'en l'absence de précision supplémentaire, il ne sera pas possible de déterminer des peines applicables aux infractions pour lesquelles la circonstance aggravante ne sera pas explicitement visée dans le texte définissant l'infraction.

Le second alinéa du texte proposé pour l'article 132-76 du code pénal précise que « La circonstance aggravante définie au premier alinéa est constituée lorsque l'infraction est précédée, accompagnée ou suivie de propos, écrits, images, objets ou actes de toute nature portant atteinte à l'honneur ou à la considération de la victime ou d'un groupe de personnes dont fait partie la victime à raison de leur appartenance ou de leur non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une nation, une race ou une religion déterminée ».

Ainsi, la circonstance aggravante ne serait constituée qu'en présence d'éléments objectifs : propos, écrits, images, objets, actes de toute nature. Si cette définition peut paraître réduire le champ d'application de la circonstance aggravante, elle permettra probablement une plus grande efficacité de la répression en évitant des classements sans suite ou des relaxes au motif que l'infraction est insuffisamment caractérisée .

La rédaction proposée pourrait être améliorée. S'il est en effet aisé de comprendre ce qu'est une infraction précédée, accompagnée ou suivie de propos ou d'écrits, il est plus difficile de savoir ce que recouvre la notion d'infraction précédée, accompagnée ou suivie d'objets ou d'images. Il aurait été préférable de viser l'utilisation d'objets ou d'images.

Surtout, le choix effectué par l'Assemblée nationale pose un problème de principe. Les éléments constitutifs de la circonstance aggravante ne figureront qu'à l'article 132-76, dans la partie générale du code pénal et ne seront pas reproduits dans chaque article du code concerné par cette aggravation. Les articles concernés préciseront simplement, sans renvoyer à l'article 132-76, que les peines sont aggravées « lorsque l'infraction est commise à raison de l'appartenance ou de la non-appartenance, vraie ou supposée, de la victime à une ethnie, une nation, une race ou une religion déterminée ».

N'aurait-il pas été préférable de définir de manière exhaustive la circonstance aggravante dans chacune des infractions auxquelles elle s'appliquera ? Les juridictions se reporteront-elles systématiquement au nouvel article 132-76 pour apprécier si la circonstance aggravante est constituée ?

Il conviendra que le Gouvernement veille à informer les juridictions que la circonstance aggravante relative au caractère raciste d'une infraction devra être appréciée au regard de l'article 132-76 du code pénal.

Votre commission vous propose d' adopter l'article premier sans modification .

Articles 2 à 10
(art.221-4, 222-3, 222-8, 222-10, 222-12, 222-13, 322-2,
322-3et 322-8 du code pénal)
Aggravation des peines encourues pour certaines infractions

Les articles 2 à 10 de la proposition de loi tendent à aggraver les peines encourues pour certaines infractions lorsqu'elles sont commises « à raison de l'appartenance ou de la non-appartenance, vraie ou supposée, de la victime à une ethnie, une nation, une race ou une religion déterminée ». Cette circonstance aggravante n'est actuellement prévue qu'en matière de profanation de sépultures et d'atteinte à l'intégrité du cadavre.

- L' article 2 tend à appliquer la circonstance aggravante au meurtre. L'article 221-2 du code pénal punit cette infraction de trente ans de réclusion criminelle. L'article 221-4 du même code punit le meurtre de la réclusion criminelle à perpétuité lorsqu'il est commis dans certaines circonstances (notamment sur un mineur de quinze ans, sur une personne vulnérable, sur certaines personnes chargées d'une mission de service public...).

L'article 2 tend à compléter la liste des circonstances aggravantes pour y ajouter le caractère raciste de l'infraction.

- L' article 3 tend à appliquer la circonstance aggravante aux tortures et actes de barbarie. L'article 222-2 du code pénal punit cette infraction de quinze ans de réclusion criminelle. L'article 222-3 énumère onze circonstances aggravantes justifiant l'application de peines de vingt ans de réclusion criminelle.

L'article 3 tend à insérer dans l'article 222-3 un 5° bis afin d'ajouter le caractère raciste de l'infraction aux autres circonstances aggravantes.

- L' article 4 tend à appliquer la circonstance aggravante aux violences ayant entraîné la mort sans intention de la donner. L'article 222-7 du code pénal punit cette infraction de quinze ans de réclusion criminelle.

L'article 222-8 énumère dix circonstances aggravantes justifiant l'application de peines de vingt ans de réclusion criminelle. Il prévoit en outre une peine de trente ans de réclusion criminelle lorsque l'infraction est commise sur un mineur de quinze ans par une personne ayant autorité sur ce mineur.

L'article 4 tend à insérer dans l'article 222-8 un nouvel alinéa afin d'ajouter le caractère raciste de l'infraction aux circonstances aggravantes impliquant une peine maximale de vingt ans de réclusion criminelle.

- L' article 5 tend à appliquer la circonstance aggravante aux violences ayant entraîné une mutilation ou une infirmité permanente. L'article 222-9 du code pénal punit cette infraction de dix ans d'emprisonnement et 150.000 euros d'amende.

L'article 222-10 énumère dix circonstances aggravantes justifiant l'application d'une peine maximale de quinze ans de réclusion criminelle. Il prévoit en outre une peine de vingt ans de réclusion criminelle lorsque l'infraction est commise sur un mineur de quinze ans par une personne ayant autorité sur ce mineur.

L'article 5 tend à insérer dans l'article 222-10 un nouvel alinéa afin d'ajouter le caractère raciste de l'infraction aux circonstances aggravantes impliquant une peine maximale de quinze ans de réclusion criminelle.

- L' article 6 tend à appliquer la circonstance aggravante aux violences ayant entraîné une incapacité de travail de plus de huit jours. L'article 222-11 du code pénal punit cette infraction de trois ans d'emprisonnement et 45.000 euros d'amende.

L'article 222-12 énumère douze circonstances aggravantes justifiant l'application de peines maximales de cinq ans d'emprisonnement et 75.000 euros d'amende. Les peines sont portées à sept ans d'emprisonnement et 100.000 euros d'amende lorsque deux circonstances aggravantes sont réunies ; elles sont portées à dix ans d'emprisonnement et 150.000 euros d'amende lorsque trois circonstances aggravantes sont réunies. L'article 222-12 prévoit également des peines maximales de dix ans d'emprisonnement et 150.000 euros d'amende lorsque l'infraction est commise sur un mineur de quinze ans par une personne ayant autorité sur ce mineur.

L'article 6 tend à insérer dans l'article 222-12 un nouvel alinéa afin d'ajouter le caractère raciste de l'infraction aux circonstances aggravantes impliquant des peines maximales de cinq ans d'emprisonnement et 45.000 euros d'amende.

- L' article 7 tend à appliquer la circonstance aggravante aux violences ayant entraîné une incapacité de travail de moins de huit jours ou n'ayant entraîné aucune incapacité de travail. Ces violences constituent une contravention de cinquième classe.

Toutefois, l'article 222-13 du code pénal énumère douze circonstances dans lesquelles ces violences constituent un délit puni de trois ans d'emprisonnement et 45.000 euros d'amende. Les peines encourues sont portées à cinq ans d'emprisonnement et 75.000 euros d'amende lorsque deux circonstances aggravantes sont réunies ; elles sont portées à sept ans d'emprisonnement et 100.000 euros d'amende lorsque trois circonstances aggravantes sont réunies. Les peines encourues sont également portées à cinq ans d'emprisonnement et 75.000 euros d'amende lorsque l'infraction est commise sur un mineur de quinze ans par une personne ayant autorité sur ce mineur.

L'article 7 tend à insérer dans l'article 222-13 un nouvel alinéa afin de faire figurer le caractère raciste de l'infraction parmi les circonstances justifiant que les violences ayant entraîné une incapacité de travail de moins de huit jours ou n'ayant pas entraîné d'incapacité de travail deviennent un délit puni de trois ans d'emprisonnement et 45.000 euros d'amende.

- Les articles 8 et 9 tendent à appliquer la circonstance aggravante aux destructions, dégradations et détériorations ne présentant pas de danger pour les personnes. L'article 322-1 du code pénal punit ces destructions et dégradations de deux ans d'emprisonnement et de 30.000 euros d'amende sauf s'il n'en est résulté qu'un dommage léger. Il punit par ailleurs de 3.750 euros d'amende le fait de tracer des inscriptions, des signes ou des dessins sur les façades, les véhicules, les voies publiques ou le mobilier urbain lorsqu'il n'en est résulté qu'un dommage léger.

L'article 322-2 prévoit des peines aggravées (trois ans d'emprisonnement et 45.000 euros d'amende) lorsque les destructions, détériorations et dégradations portent sur certains biens : bien destiné à l'utilité ou à la décoration publique, registre, minute ou acte original de l'autorité publique, immeuble ou objet mobilier classé ou inscrit...

L' article 8 de la proposition de loi vise à compléter cet article pour prévoir que les peines sont également aggravées lorsque l'infraction revêt un caractère raciste. Le choix d'insérer dans cet article la circonstance aggravante liée au caractère raciste de l'infraction n'est pas le plus heureux. L'article 322-2 ne définit en effet pas des circonstances justifiant l'aggravation des peines, mais des catégories de biens dégradés. Il aurait donc été préférable de compléter cet article pour viser, par exemple, les lieux de culte. Le caractère raciste de l'infraction pouvait quant à lui être mentionné dans l'article 322-3 qui, contrairement à l'article 322-2, énumère des circonstances justifiant l'aggravation des peines.

L' article 9 de la proposition de loi vise précisément à compléter l'article 322-3 du code pénal. Dans sa rédaction actuelle, cet article énumère cinq circonstances (infraction commise en réunion, commise à l'encontre d'un magistrat, d'un juré, d'un avocat...) justifiant l'application de peines aggravées (cinq ans d'emprisonnement et 75.000 euros d'amende) en cas de destructions, dégradations et détériorations ne présentant pas de danger pour les personnes. La proposition de loi tend à compléter cet article par un nouvel alinéa ainsi rédigé : « Lorsque l'infraction définie au premier alinéa de l'article 322-1 est commise à l'encontre d'un lieu de culte, d'un établissement scolaire, éducatif ou de loisirs ou d'un véhicule transportant des enfants, les peines encourues sont également portées à cinq ans d'emprisonnement et à 75.000 euros d'amende . »

Dans un souci de rigueur juridique, cet alinéa aurait pu être intégré dans l'article 322-2 du code pénal qui punit de peines aggravées les destructions, dégradations et détériorations commises contre certaines catégories de biens.

Il est vrai cependant que l'article 322-3 prévoit déjà des peines aggravées lorsque l'infraction concerne des locaux d'habitation . Par ailleurs, les peines prévues par les articles 322-2 et 322-3 ne sont pas identiques. L'Assemblée nationale a probablement privilégié l'échelle des peines plutôt que la nature des circonstances figurant dans les articles 322-2 et 322-3.

- L' article 10 tend à appliquer la circonstance aggravante aux destructions, détériorations et dégradations commises par l'effet d'une substance explosive, d'un incendie ou de tout autre moyen de nature à créer un danger pour les personnes. L'article 322-6 du code pénal punit cette infraction de dix ans d'emprisonnement et 150.000 euros d'amende.

L'article 322-8 du code pénal prévoit l'application de peines aggravées (vingt ans de réclusion criminelle et 150.000 euros d'amende) lorsque l'infraction est commise en bande organisée ou qu'elle a entraîné pour autrui une incapacité totale de travail pendant plus de huit jours. L'article 10 de la proposition de loi tend à compléter cet article pour ajouter le caractère raciste de l'infraction parmi les circonstances justifiant l'application de peines aggravées.

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La proposition de loi ne prévoit pas sa propre application en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française et dans les îles Wallis-et-Futuna. Il conviendra que cette omission soit réparée le plus rapidement possible, dès lors qu'il n'existe aucune raison de ne pas appliquer ce texte outre-mer.

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Sous le bénéfice de ces observations, votre commission des lois vous propose d'adopter sans modification la proposition de loi.

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