CHAPITRE III -

L'ACTUALITÉ DE L'URBANISME

I. L'AIDE DE L'ÉTAT AUX COLLECTIVITÉS LOCALES AU TITRE DE L'URBANISME

L'Etat apporte son concours financier aux collectivités locales en leur versant, d'une part, des dotations destinées à l' élaboration et à l' adaptation des documents d'urbanisme , et, d'autre part, des crédits destinés à financer l'assurance des communes pour les risques contentieux liés à la délivrance des autorisations du sol .

Les dotations destinées à l'élaboration et à l'adaptation des documents d'urbanisme

Deux lignes budgétaires figurant respectivement au titre des crédits du ministère de l'intérieur et au titre de ceux du ministère de l'équipement récapitulent ces dotations.

La première d'entre elles (chapitre 41-56 article 10 du ministère de l'intérieur), destinée à compenser les dépenses prises en charge par les communes compétentes en matière d'urbanisme s'élevait à 93,459 millions de francs en 1998 , en hausse de 1,38 % par rapport à 1997. Ces crédits constituent l'un des concours particuliers créés au sein de la dotation générale de décentralisation (DGD). Leur taux de progression est analogue à celui de la dotation globale de fonctionnement. Il est donc connu a posteriori. Les dernières données disponibles sont celles de 1998.

La deuxième dotation (chapitre 57-58 article 40 du budget du ministère de l'équipement) s'élève à 33,804 millions de francs en autorisations de programme et 35,41 millions de francs en crédits de paiement, contre respectivement 38 et 32,127 millions de francs en 1998. Ces crédits sont, selon les informations communiquées à votre rapporteur pour avis, " destinés à assurer l'exercice par l'Etat de ses responsabilités dans la planification et les politiques urbaines, notamment à l'occasion de l'établissement et de la révision des documents d'urbanisme communaux et intercommunaux, mais également en matière de protection de territoires sensibles tels que le littoral et la montagne, et de prise en compte des risques naturels et des études paysagères ".

La dotation budgétaire destinée à l'assurance des communes pour les risques contentieux liés à la délivrance des autorisations d'utilisation des sols .

Versée conformément aux dispositions des articles 17 et 94 de la loi n° 83-8 du 7 janvier 1983 relative à la répartition des compétences entre les communes, les départements, les régions et l'Etat cette dotation s'élèvera à 24,501 millions de francs en 1999 contre 24,459 en 1998.

II. L'ÉLABORATION DES DOCUMENTS D'URBANISME

A. LES DIRECTIVES TERRITORIALES D'AMÉNAGEMENT

Le régime juridique des directives territoriales d'aménagement (DTA) résulte de la loi n° 95-115 du 4 février 1995 d'orientation pour l'aménagement et le développement du territoire. Ces directives remplacent les " prescriptions particulières " qui, prévues à l'article L.111-1-1 du code de l'urbanisme, n'avaient jamais vu le jour.

Les DTA, sont élaborées par l'Etat et approuvées par un décret en Conseil d'Etat. Elles " fixent, sur certaines parties du territoire, les orientations fondamentales de l'Etat en matière d'aménagement et d'équilibre entre les perspectives de développement, de protection et de mise en valeur des territoires. Elles fixent les principaux objectifs de l'Etat en matière de localisation des grandes infrastructures de transport et de grands équipements, ainsi qu'en matière de préservation des espaces naturels, des sites et des paysages ".

Six DTA sont en cours d'élaboration : la première a été lancée en novembre 1995 dans les Alpes Maritimes. Quatre autres, qui concernent l'aire métropolitaine marseillaise, l'estuaire de la Loire, l'estuaire de la Seine et les Alpes du Nord ont été engagées en février 1996. Enfin, le comité interministériel d'aménagement du territoire (CIAT), d'avril 1997 a décidé d'entamer l'élaboration d'une DTA couvrant l'aire urbaine de Lyon.

Le Gouvernement a été saisi de huit demandes tendant au lancement de nouvelles DTA. Les premières, qui lui ont été adressées avant le lancement de l'expérimentation sur les cinq sites initialement choisis concernaient : la façade méditerranéenne PACA et Languedoc-Roussillon ; l'agglomération d'Avignon ; la région Midi-Pyrénées ; le littoral Nord-Pas-de-Calais et la Somme ; le littoral Aquitain. Ces cinq premières demandes n'ont pas été retenues parce que le Gouvernement souhaitait conduire l'expérimentation sur un petit nombre de sites.

Les trois autres, plus récentes, sont relatives : au bassin minier Nord-Pas-de-Calais ; à la côte landaise ; aux bassins frontaliers du Nord de la Lorraine. Elles ne recevront de réponse qu'à l'issue de l'expérimentation en cours.

L'article 20 du projet de loi relatif à l'aménagement durable du territoire, qui ouvre aux régions le droit de demander l'élaboration de DTA permettra de mettre en oeuvre ces nouveaux documents en recueillant les fruits de l'expérience acquise.

Pour élaborer les six premières DTA, les préfets coordinateurs se sont appuyés sur les Secrétariats généraux aux affaires régionales (SGAR), sur les directions régionales et les directions départementales de l'équipement (DRE et DDE) ainsi que sur les directions régionales de l'environnement. Après une phase d'études préalables, chaque préfet coordinateur a reçu des ministres compétents un mandat détaillant les objectifs de la directive.

Au niveau national, le pilotage des DTA relève de la DATAR et de la DGUHC en liaison avec la direction de la nature et des paysages (DNP). Le comité interministériel de pilotage est relayé, sur le terrain, par un correspondant qui assure les relations avec le préfet coordinateur et les directions d'administration centrale.

Le coût exact des projets de DTA est assez difficile à cerner car certaines des études qu'elles nécessitent auraient, de toute façon, été réalisées. La DGUHC a décidé de consacrer 1 million de francs pour chaque site sur ses crédits de catégories 1. Si la DATAR et la DNP financent chaque projet dans les mêmes proportions qu'elle, le coût total de l'élaboration des DTA s'élèverait à environ 18 millions de francs.

Les lettres de mission adressées aux préfets coordinateurs en juillet 1996 prévoyaient que les études préalables durent environ 6 mois et que l'élaboration du document lui-même s'étale sur un an et demi. Ces délais n'ont pas été respectés, notamment parce que les études ont donné lieu à une consultation publique.

Seule la DTA des Alpes-Maritimes est actuellement en phase d'élaboration, les autres étant au stade des études. La rapidité avec laquelle les études préalables à l'élaboration de ce document ont été conduites s'explique par l'existence d'un " schéma de cohérence des enjeux de l'Etat sur la Côte d'Azur " que le CIAT du 12 juillet 1993 avait entériné. Des travaux antérieurs ont également été utilisés pour l'aire urbaine marseillaise, les deux estuaires, et l'aire urbaine de Lyon. En revanche, un diagnostic préalable a dû être réalisé pour les Alpes-du-nord.

Les projets de DTA ont identifié quatre questions principales pour chacun des territoires qu'elles concernent puisqu'elles tendent :

- à afficher et à mettre en cohérence les fonctions économiques majeures ;

- à positionner les territoires à l'échelle interrégionale et européenne ;

- à protéger les espaces les plus sensibles ;

- à organiser leur fonctionnement, en particulier au plan urbain.

Bien que l'article L.111-1-1 du code de l'urbanisme ne prévoie de concertation qu'avec les régions, les départements, les chefs lieux d'arrondissement et les communes de plus de 20.000 habitants, et les groupements intercommunaux compétents en matière d'aménagement de l'espace et d'urbanisme, le Gouvernement a souhaité élargir le champ de la concertation préalable à l'élaboration des DTA. Ceux-ci devront associer les conférences régionales d'aménagement et de développement du territoire, les chambres consulaires, les organismes socio-professionnels, les conseils départementaux et les comités régionaux de l'environnement ainsi que les associations de défense de l'environnement agréées.

Votre Commission des Affaires économiques souhaite que les collectivités territoriales soient associées à la préparation des projets de DTA.

Elle note, en particulier, que dans les régions où s'appliquent la loi " Montagne " et la loi " Littoral ", les élus rencontrent des difficultés spécifiques lors de l'établissement des documents d'urbanisme. Elle souhaite, en conséquence, que les DTA permettent de clarifier une situation qui se traduit par un nombre élevé de contentieux.

B. LES SCHÉMAS D'AMÉNAGEMENT DE PORTÉE RÉGIONALE

Le schéma directeur de la Région Ile-de-France (SDRIF) a été approuvé le 26 avril 1994.

Sur les quatre schémas d'aménagement régionaux (SAR) d'Outre-mer, un seul est actuellement approuvé. Il s'agit du SAR de la Réunion (6 novembre 1995). L'état d'avancement des trois autres schémas est le suivant :

- le Conseil d'Etat ayant émis un avis défavorable au SAR de la Martinique, adopté par le conseil régional le 24 janvier 1995, ce document a fait l'objet d'une nouvelle décision de l'assemblée délibérante en janvier 1998. Il sera ré-examiné prochainement par le Conseil d'Etat ;

- le SAR de la Guyane, adopté par le conseil régional en juin 1995, est en cours d'instruction par les services de l'Etat avant sa transmission au Conseil d'Etat ;

- le SAR de Guadeloupe est préparé sous l'autorité du Préfet car le conseil régional de l'île n'est légalement plus compétent pour l'élaborer, depuis le 1er juillet 1995.

Enfin, le schéma régional de la collectivité territoriale de Corse devrait être prochainement arrêté par le Président du Conseil exécutif de l'Assemblée de Corse, avant son adoption par cette assemblée et son approbation par décret en Conseil d'Etat.

C. L'ÉLABORATION DES SCHÉMAS DIRECTEURS

Aux termes de l'article L.122-1 du code de l'urbanisme, les schémas directeurs " fixent les orientations fondamentales de l'aménagement des territoires intéressés, compte tenu de l'équilibre qu'il convient de préserver entre l'extension urbaine, l'exercice des activités agricoles, des autres activités économiques et la préservation de la qualité de l'air, des milieux, sites et paysages naturels ou urbains ".

Ces schémas constituent, par excellence, l'instrument de gestion intercommunale de l'urbanisme dont les collectivités locales ont besoin.

Selon les informations communiquées à votre rapporteur pour avis, le nombre des schémas directeurs approuvés s'élevait à 210 au 1er juillet 1997, soit 18 de plus qu'au 1er juillet 1991 et six de plus qu'au 1er juillet 1996. De ce fait, 12 % de la superficie du territoire national qui correspondent à 19 % des communes et à 40 % de la population sont couverts par un schéma directeur. Les services du ministère de l'équipement enregistrent un relatif renouveau du recours à ces schémas. Ils attribuent ce phénomène :

- au besoin de donner une solution intercommunale aux projets d'implantation de grands équipements ou d'aménagement notamment à des fins touristiques ou pour développer les activités de loisir, mais aussi pour gérer le développement d'agglomérations moyennes,

- à la nécessité d'adapter les schémas existants aux aires urbaines où le contexte socio-économique s'est transformé depuis l'édiction de schémas directeurs d'aménagement et d'urbanisme dans les années 1970, et dans lesquelles de grands équipements doivent trouver leur place.

Votre rapporteur pour avis rappelle que votre Commission des Affaires économiques a, en adoptant les conclusions du rapport de M. Gérard Larcher sur les espaces périurbains, souscrit pleinement à l'idée d'une relance de la planification opérée grâce aux schémas directeurs cantonaux ou d'agglomération qui constituent le seul moyen d'assurer une gestion intercommunale de l'extension urbaine. Le rapport précité suggérait d'ailleurs que les modifications et les révisions des plans d'occupation des sols ne soient autorisées que dans les communes dont le territoire est inclus dans le périmètre d'un schéma directeur 4( * ) .

Votre rapporteur pour avis estime que cette proposition mérite d'être étudiée.

Il constate que nombre de communes rurales n'ont pas les moyens financiers d'établir un POS. C'est pourquoi, afin de concilier l'autonomie des collectivités locales et la nécessité d'élaborer des documents d'urbanisme, il serait souhaitable de favoriser la réalisation de documents d'urbanisme analogues aux cartes communales dans ces communes. Il estime souhaitable, à terme, de dégager une aide spécifique de l'Etat en faveur des communes rurales, à cette fin.

D. LES PLANS D'OCCUPATION DES SOLS

La loi n° 83-8 du 7 janvier 1983 relative à la répartition des compétences entre les communes, les départements, les régions et l'Etat a transféré aux communes pourvues d'un POS approuvé la compétence en matière de délivrance des permis de construire.

Au cours des années 1980, le nombre des POS s'est progressivement accru. Alors que 6.231 communes disposaient d'un POS approuvé ou en cours d'élaboration en 1983, leur nombre s'élevait à 18.313 en 1991.

Les années 1990 ont marqué un ralentissement du mouvement d'élaboration des POS. Beaucoup d'entre eux n'ont pas été menés à terme, si bien que le ministère de l'équipement évalue à 15.360 le nombre des communes disposant d'un POS approuvés en 1998. Ce chiffre correspond à une superficie du territoire peuplée par une population d'environ 52,1 millions d'habitants (en comptant les DOM et la métropole). Désormais, l'essentiel des procédures en cours consiste en une révision des POS. Au 1er janvier 1996, 27,6 % des communes étaient concernées par une telle opération.

Votre Commission des Affaires économiques exprime sa vive inquiétude face au nombre excessif de révisions des documents d'urbanisme, qui devraient, en principe, constituer des instruments de planification spatiale et temporelle.

Votre Commission des Affaires économiques est particulièrement préoccupée par l'application que font certaines communes de la procédure " d'application anticipée du POS ". Le Conseil d'Etat avait déjà, dans un rapport publié en 1992, fortement critiqué les effets d'une procédure qui, initialement limitée à six mois, peut être prolongée pendant plusieurs années, sans que le POS ne soit soumis à l'enquête publique ni approuvé.

Comme l'a observé Monsieur Bernard Dussaut devant Votre Commission des Affaires économiques, la généralisation des plans d'exposition aux risques qui, en soi, n'a rien de critiquable, tout au contraire, pose cependant de graves problèmes à certaines collectivités locales. Les services de l'Etat sont parfois tentés d'accroître plus que nécessaire les espaces couverts par ces zones, qui deviennent inconstructibles.

Aussi votre Commission souhaite-t-elle qu'une réflexion soit engagée afin d'appliquer avec discernement la législation relative aux plans d'exposition aux risques.

Votre Commission des Affaires économiques souhaite vivement que ces questions graves et importantes pour l'équilibre urbanistique de nombreuses communes trouve une solution dans la réforme du droit de l'urbanisme que prépare la DGUHC.

III. BILAN DE LA MISE EN OEUVRE DES PROPOSITIONS DU RAPPORT DU CONSEIL D'ETAT SUR L'URBANISME DE 1992

Voici six ans, un rapport du Conseil d'Etat intitulé " L'urbanisme, pour un droit plus efficace " , avait formulé d'importantes propositions tendant à clarifier une législation trop complexe.

Votre rapporteur note que plusieurs de ces propositions sont d'ores et déjà intégrées dans le droit positif, comme le montre le tableau ci-dessous.


NATURE DE LA PROPOSITION

MISE EN OEUVRE

Réforme de la procédure de modification des schémas directeurs

Décret du 5 septembre 1995

Elaboration de DTA

Loi du 4 février 1995 modifiant l'article L.111-1

Limitation des possibilités d'invoquer l'exception d'illégalité pour vice de forme d'un plan d'occupation des sols

Article L.600-1 du code de l'urbanisme, loi du 9 février 1994

Notification des recours contentieux

Article L.600-3 du code de l'urbanisme

En cas d'annulation de refus illégal de permis de construire, application de la règlementation en vigueur lors du refus

Article L.600-2 du code de l'urbanisme

Détermination d'un juge unique compétent pour statuer sur les requêtes tendant au sursis à exécution d'un permis de construire

Article L.600-5 du code de l'urbanisme

Effet suspensif du déféré préfectoral assorti d'une demande de sursis à exécution

Article 27 de la loi du 4 février 1995

Donner au jugement ordonnant le sursis à exécution ou l'annulation de permis de construire les mêmes effets qu'un arrêté interruptif de travaux

L'autorité administrative dispose déjà d'une compétence liée, pour prendre l'arrêté interruptif de travaux

Multiplier par 10 le montant des amendes prévues

Montants des amendes multiplié par quatre, loi n° 92-1336 du 16 décembre 1992, article 322.

IV. LA SITUATION PRÉOCCUPANTE DES CAUE

Comme l'a relevé madame Josette Durrieu dans les différents rapports pour avis qu'elle a présentés à votre commission des affaires économiques au cours des trois dernières années, la situation des Conseils d'architecture, d'urbanisme et de l'environnement (CAUE) est particulièrement préoccupante. Même si les crédits d'Etat qui sont destinés à leur venir en aide ont été transférés, voici trois ans, au ministère de la culture, ces associations continuent de jouer un rôle en matière d'urbanisme notamment par les conseils qu'elles délivrent aux collectivités locales. A ce titre, votre commission des affaires économiques ne peut se désintéresser de leur sort

Conformément aux dispositions de la loi de 1977 sur l'architecture, les CAUE développent l'information et la participation du public, la formation des intervenants dans le domaine de la construction, le conseil aux candidats qui désirent bâtir, l'aide aux collectivités locales et aux administrations publiques. Ils jouent un rôle très précieux dans l'assistance aux maîtres d'ouvrages publics pour la préparation d'opérations d'urbanisme et l'amélioration de la qualité architecturale des constructions publiques.

Or, le montant de la taxe départementale destinée à leur financement ne permet pas de faire face à leurs besoins. Voici trois ans, un rapport rédigé par M. Vigouroux, conseiller d'Etat, qui avait préconisé une révision du régime juridique des CAUE concluait : " les CAUE ne sont pas conçus pour survivre, ils doivent disposer des moyens de leur indépendance ou mieux vaut les dissoudre. L'Etat a tout à perdre en laissant vivoter des structures en assistance de survie artificielle ". Cette réflexion est toujours d'actualité.

Aussi votre rapporteur pour avis souhaite-t-il que le ministère de l'équipement contribue à la modernisation du statut juridique des CAUE qui pourrait s'inscrire dans une loi portant réforme de la loi de 1977.

Suivant les conclusions de son rapporteur pour avis, votre Commission des affaires économiques a émis un avis favorable à l'adoption des crédits inscrits au titre de l'urbanisme dans le projet de loi de finances pour 1999.

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