II. ...MAIS QUI SURVIENT DANS UN CONTEXTE FINANCIER ALARMANT

A. LE FINANCEMENT DE LA SÉCURITÉ SOCIALE EST EN CRISE

1. Une hausse continue des dépenses et des prélèvements sociaux

Les développements du système de protection sociale évoqués ci-dessus se sont traduits par une croissance continue de la part des prestations sociales dans le produit intérieur brut au cours des 30 dernières années, comme le montre le graphique ci-après.

Structure des prélèvements obligatoires en Europe, en %du PIB (1992)

Impôts indirects

Impôts directs

Cotisations sociales

France...............

14,53

9,60

19,57

Allemagne..........

12,87

12,15

17,51

Italie..................

11,73

16,78

13,30

Royaume-Uni.......

14,47

13,14

6,69

CEE 15...............

13,47

13.56

14,60

Source Commission Européenne

En dépit du relâchement du lien entre les droits à la protection sociale et l'affiliation professionnelle ou l'effort contributif, le financement de la sécurité sociale est resté assis pour l'essentiel sur les revenus professionnels sous forme de cotisations. Les ressources de la Sécurité sociale se sont certes diversifiées depuis quelques années, avec la création de la CSG et l'accroissement des concours budgétaires, mais les cotisations constituent encore 86 % des recettes du régime général et 75 % des recettes de l'ensemble des régimes de sécurité sociale.

Ce mode de financement pèse directement sur le coût du travail. Certes, les coûts salariaux unitaires globaux de la France sont restes comparables à ceux de ses principaux partenaires. Mais le poids relatif des charges sociales y est nettement plus élevé pour les bas salaires : le taux de cotisation au niveau du SMIC, tous régimes confondus (régime général, retraites complémentaires. UNEDIC) s'est élevé de 57,8 % en 1980 à 61,4 % en 1992. Or, c'est précisément sur ce segment du marché du travail que le taux de chômage est le plus important.

2. Des déficits persistants

En dépit de leur progression continue, les recettes de la sécurité sociale n'ont pas pu suivre le rythme d'augmentation des dépenses. Il en est résulté des déséquilibres financiers majeurs.

A l'exception de la période 1986-1989, période de forte croissance économique, et de 1994, le taux de progression annuel des prestations sociales a toujours été supérieur à celui du PIB.

Taux d'évolution annuels du PIB et des prestations sociales en francs constants 1980

En 1994, les dépenses totales de la protection sociale représentaient plus de 2.600 milliards de francs, soit 35,3 % de la richesse nationale. La France se place en tête des pays européens par le niveau de ses dépenses de protection sociale.

Les dépenses courantes de protection sociale en Europe (1993)

France

Allemagne occidentale

Royaume-Uni

Europe des 12

en % du PIB

31

28

28

29

Ce développement des dépenses de protection sociale s'est accompagné d'une hausse continue des prélèvements sociaux obligatoires. Il en est résulté une transformation profonde de la structure des prélèvements obligatoires.

Durant la période 1970-1975, les impôts représentaient en moyenne 59.2 % des prélèvements obligatoires et les cotisations sociales 39 % seulement (le solde de 1.8 % correspondant au prélèvement au profit de la CEE). En 1993, on observe une quasi-parité entre les impôts et les prélèvements sociaux : 49,4 % contre 48,1 % des prélèvements obligatoires.

Cette déformation de la structure des prélèvements obligatoires s'est accompagnée d'une hausse sensible de leur niveau, qui est passé d'une moyenne de 35.3 % du PIB en 1970-1975 à 43.7 % en 1993. Ce taux de prélèvements obligatoires situe la France au-dessus de la moyenne de l'Union européenne (41 %). et plus encore, au-dessus de la moyenne de l'OCDE (39 %).

La France se singularise aussi par l'importance de la part relative des cotisations sociales dans le total de ses prélèvements obligatoires, comme le montre le tableau ci-après :

Structure des prélèvements obligatoires en Europe, en % du PIB (1992)

En dépit du relâchement du lien entre les droits à la protection sociale et l'affiliation professionnelle ou l'effort contributif, le financement de la sécurité sociale est resté assis pour l'essentiel sur les revenus professionnels sous forme de cotisations. Les ressources de la Sécurité sociale se sont certes diversifiées depuis quelques années, avec la création de la CSG et l'accroissement des concours budgétaires, mais les cotisations constituent encore 86 % des recettes du régime général et 75 % des recettes de l'ensemble des régimes de sécurité sociale.

Ce mode de financement pèse directement sur le coût du travail. Certes, les coûts salariaux unitaires globaux de la France sont restés comparables à ceux de ses principaux partenaires. Mais le poids relatif des charges sociales y est nettement plus élevé pour les bas salaires : le taux de cotisation au niveau du SMIC, tous régimes confondus (régime général, retraites complémentaires. UNEDIC) s'est élevé de 57,8 % en 1980 à 61,4 % en 1992. Or, c'est précisément sur ce segment du marché du travail que le taux de chômage est le plus important.

2. Des déficits persistants

En dépit de leur progression continue, les recettes de la sécurité sociale n'ont pas pu suivre le rythme d'augmentation des dépenses. Il en est résulté des déséquilibres financiers majeurs.

Le solde financier des régimes de base a été continuellement déficitaire depuis 1990. Un seuil a été franchi à compter de 1993, année de récession. Le déficit annuel, qui était resté inférieur à 15 milliards de francs jusqu'en 1992, s'est considérablement accru en 1993 pour atteindre 55,6 milliards de francs.

Depuis lors, la reprise qui s'est amorcée n'a pas permis d'apporter les recettes supplémentaires nécessaires à la couverture des dépenses. Le besoin de financement est resté à un niveau élevé, bien que l'économie ait actuellement retrouvé la voie de la croissance.

Solde des opérations courantes de l'ensemble des régimes de base

En Mds

1991

1992

1993

1994

1995""

Ensemble des régimes de base

-8.6

-14.2

-55.6

-56.7

-63,8

(P) : prévisions Source Direction de la sécurité sociale

Cette situation de déséquilibre financier est particulièrement marquée Pour le régime général, pivot du système de sécurité sociale, dont toutes les branches sont devenues déficitaires en 1994. Cette situation de déficit simultané de toutes les branches du régime général est sans précédent dans l'histoire de la sécurité sociale depuis 1945.

Les prévisions tendancielles établies par la Commission des comptes de la sécurité sociale le 31 octobre dernier ne laissent pas espérer, en l'absence de mesures nouvelles, un rétablissement spontané de la situation financière du régime général. En dépit d'une progression de 3,8 % des recettes, son déficit ne se réduirait que d'environ 5 milliards de francs pour s'établir à - 60,4 milliards de francs.

Ces évolutions montrent que l'assiette essentiellement salariale des cotisations sociales, outre ses effets pénalisants sur l'emploi, présente l'inconvénient de ne pas être suffisamment dynamique. Alors que la part des prestations sociales dans le PIB ne cesse de croître, celle des salaires bruts décline depuis le début des années 1980.

(I) L'échelle de droite correspond aux présidions sociales R64 de la Comptabilité Nationale, l'échelle de gauche à celle des traitements et des salaires bruts RII

Source : Comptes de la Nation

Face à cette situation de crise financière aiguë, l'État a dû se porter au secours de la sécurité sociale. Dans l'immédiat, afin que le service des prestations sociales ne soit à aucun moment interrompu, l'État a apporté les ressources de trésorerie nécessaires au régime général : à compter du second semestre 1992, les avances plafonnées de la Caisse des dépôts et consignations à l'ACOSS, qui ne suffisaient plus, ont dû être relayées par des avances du Trésor.

Une solution plus durable a été recherchée l'année suivante. Au 31 décembre 1993, l'Etat a repris la dette du régime général résultant de l'accumulation de ses déficits de trésorerie annuels, à hauteur de 110 milliards de francs. Toutefois, dès le mois de juillet 1994, la persistance du déséquilibre financier du régime général contraignait l'ACOSS à recourir de nouveau aux avances du Trésor. Au 31 décembre 1995, selon les prévisions de la Commission des comptes de la sécurité sociale, le déficit cumulé du régime général devrait dépasser celui de la fin 1993, pour atteindre 120 milliards de francs. Une nouvelle opération "d'externalisation" de cette dette, dont les modalités ne sont pas encore arrêtées, est envisagée par le Gouvernement.

Il doit être bien clair que le financement à crédit de notre système de sécurité sociale ne peut être admis que comme une solution provisoire pour surmonter la crise actuelle. Mais des mesures de redressement durables sont indispensables à très brève échéance.

La mise en oeuvre de la prestation d'autonomie devra donc s'insérer dans un contexte exigeant de maîtrise des dépenses sociales, qui concerne également les départements.

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