ANNEXE

Les coupures des signaux de France 24 et RFI en 2023

Légende :

Vert : diffusion encore accessible

Rouge : diffusion coupée

Noire : non applicable

Russie : diffusion de RFI et France 24 suspendue depuis mars 2022

Mali : diffusion de RFI et France 24 suspendue depuis mars 2022

Burkina Faso : suspension de RFI depuis décembre 2022, et de France 24 depuis mars 2023

Niger : suspension de RFI et France 24 depuis août 2023

Source : France Médias Monde (novembre 2023)

EXAMEN EN COMMISSION

Au cours de sa réunion du mercredi 15 novembre 2023, la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, sous la présidence de M. Cédric Perrin, président, a procédé à l'examen des crédits des programmes 844 - 848 France Médias Monde - et 847 - TV5 Monde - de la mission « Avances à l'audiovisuel public ».

M. Philippe Paul, vice-président. - Je donne maintenant la parole aux rapporteurs pour avis sur les programmes 844 « France Médias Monde », 847 « TV5 Monde » et 848 « Programme de transformation ».

M. Roger Karoutchi, rapporteur. - Je le dis tout de suite, c'est avec réticence que je proposerai que nous donnions un avis favorable à l'adoption de ces crédits. Cela fait des années que nous disons qu'il faut augmenter les moyens de l'audiovisuel extérieur. Certes, le projet de loi de finances pour 2024 prévoit une hausse d'un peu plus de 5% des crédits pour France Médias Monde et d'un peu plus de 4% pour TV5 Monde mais compte tenu de l'inflation les moyens resteront en 2024 comparables à ceux accordés en 2023.

Cette situation ne peut plus durer compte tenu en particulier de la guerre informationnelle qui sévit en Afrique. Nous devons mettre plus de moyens si nous ne voulons pas être complètement distancés par le Royaume-Uni, la Chine et la Russie qui mobilisent des moyens considérables alors que notre influence recule. J'ai toujours dit que la réduction des langues de RFI était une erreur. Concernant les modalités de diffusion, France Médias Monde essaye de contourner les coupures de signal en diffusant ses programmes sur internet et sur les réseaux sociaux mais ce n'est pas la même chose.

Concernant le financement des programmes, le Canada a fait un effort particulier pour assurer le financement de la plateforme TV5 Monde + avec pour conséquence une proportion plus importante de programmes canadiens. Nous devrions mettre plus de moyens pour assurer notre influence.

Dans le contexte international actuel il nous faut changer de stratégie or nous conservons le même cadre.

On a demandé à ce que l'Agence Française de Développement (AFD) mette plus de moyens pour financer l'audiovisuel extérieur et elle commence à le faire. France Médias Monde est un outil formidable mais ses équipes sont contraintes par le cadre dans lequel elles exercent leurs missions.

Nous devrons être vigilants en 2024 à trois aspects en particulier.

La sécurité des journalistes et des autres collaborateurs doit demeurer une priorité. France Médias Monde a créé une direction de la sûreté qui permet de garder le contact et d'accompagner les personnels en mission.

Le deuxième aspect concerne l'indépendance de ces médias car dans de nombreux pays en tension il y a le risque que France Médias Monde apparaisse comme le représentant de l'État français.

Enfin, il y a le sujet de l'avenir du financement de l'audiovisuel extérieur à compter de 2025. Certains souhaitent réformer la loi organique sur les lois de finances et notamment son article 2 ou son article 6 mais il me semble compliqué de mettre l'audiovisuel public au même niveau que l'Europe ou les collectivités territoriales. Cependant on voit bien que le recours à des dotations budgétaires pourrait gêner France Médias Monde. Faut-il traiter différemment l'audiovisuel extérieur du reste de l'audiovisuel public ?

Je vous proposerai de donner un avis favorable à l'adoption de ces crédits car ils sont en hausse mais il faudrait un changement d'échelle. Seuls 5 millions d'euros sur les 69 prévus pour le programme de transformation bénéficieront à France Médias Monde tandis que 45 millions d'euros viendront alimenter France Télévisions. Il faut renforcer l'audiovisuel extérieur et ses équipes formidables.

M. Jean-Noël Guérini, rapporteur. - Compte tenu du contexte général qui vient d'être dressé par mon collègue rapporteur Roger Karoutchi, permettez-moi de vous apporter quelques détails sur la situation de chacun des opérateurs.

Concernant France Médias Monde tout d'abord, le PLF 2024 prévoit de lui accorder 304,2 M€ dont 5 M€ au titre du « Programme de transformation » et 30 M€ au titre de la compensation des effets fiscaux (fin du droit à la déductibilité de la TVA et assujettissement à la taxe sur les salaires). FMM bénéficiera en 2024 d'une augmentation de sa dotation budgétaire « socle » de 6,2 M€ qui doit lui permettre de préserver les activités et missions existantes tout en finançant partiellement les effets de l'inflation sur les charges.

L'entreprise devra donc en 2024 continuer à faire des choix si elle souhaite maintenir son résultat net à l'équilibre comme elle a réussi à le faire en 2023.

Dans ces conditions, le maintien de financements complémentaires constitue une nécessité renouvelée afin de poursuivre les projets engagés. C'est le cas notamment du projet Afri'Kibaaru lancé en 2021 avec le soutien de l'AFD qui prévoit la production d'une offre en langues africaines depuis Dakar. L'AFD contribue à hauteur de 3,3 M€ au financement de ce projet jusqu'en mars 2024 mais le renouvellement de cette contribution pour quatre années supplémentaires est encore en discussion.

FMM a, par ailleurs, lancé en octobre 2022 une offre 100% en numérique en ukrainien en s'appuyant sur les équipes de RFI à Bucarest.

France médias monde souhaite lancer en 2024 plusieurs « projets de proximité » dont les modalités de financement demeurent incertaines : un projet de hub à Beyrouth avec des professionnels locaux pour lutter contre les infox dans le monde arabe ; une offre 100% numérique axée sur la vidéo mobile et les réseaux sociaux à destination des publics turcophones et de nouveaux projets de proximité en Afrique avec une offre 100% réseaux sociaux pour les jeunes Africains et un décrochage de France 24 à destination de l'Afrique.

Nous regrettons que les moyens du Programme de transformation 848 ne puissent pas être mobilisés pour financer les projets de proximité en Afrique élaborés par France Médias Monde. Le groupe a déjà engagé sa propre transformation et la situation internationale lui impose d'abord maintenant un impératif de développement. Nous suggérons donc que les crédits du programme de transformation puissent également permettre de financer tous les moyens de diffusion que l'entreprise est obligée de déployer (satellite, réseaux sociaux...) pour contourner la censure dont font l'objet ses antennes, en particulier en Russie et en Afrique.

Un mot, enfin, sur TV5 Monde. La hausse de la contribution française de 3,2 M€ en 2023 (à laquelle s'ajoutait 0,6 M€ pour compenser l'assujettissement à la taxe sur les salaires) a permis de rattraper le retard de la France par rapport aux autres bailleurs et de prendre un peu d'avance. Elle a permis l'achat de programmes français notamment pour la plateforme TV5 Monde +, de compenser partiellement l'inflation de certains contrats et d'augmenter la masse salariale de 2,7 %.

Compte tenu de l'insuffisance des financements, des arbitrages sur les activités sont apparus inévitables en 2023. Le sous-titrage dans les deux mandarins a été arrêté et celui en allemand a été réduit en volume tandis que la filiale en Argentine, déficitaire, a été fermée.

TV5 entend poursuivre en 2024 ses priorités parmi lesquelles : le développement de la plateforme TV5 Monde + (+529 K€) ; la poursuite d'un premier projet de série quotidienne africaine en coopération avec le Bénin ; et la couverture des jeux Olympiques et Paralympiques de Paris 2024 et du sommet de la Francophonie de Villers-Cotterêts de novembre 2024.

Afin de mettre en oeuvre ses priorités, TV5 Monde devra poursuivre l'arrêt de certaines activités comme la diffusion satellitaire de TV5 Monde Style en Asie et au Maghreb-Moyen-Orient au cours du premier semestre 2024.

Les rapporteurs regrettent, compte tenu du contexte international, que le Gouvernement n'ait pas saisi l'opportunité constituée par la création du programme de transformation pour accélérer le financement de programmes locaux en Afrique qui constituent un moyen privilégié pour maintenir une influence au moment où la France se retrouve sur le recul dans plusieurs pays du Sahel. Un soutien plus affirmé de la France à la plateforme TV5 Monde + qui connaît ses plus importantes audiences en Algérie et au Maroc aurait également été très pertinent compte tenu de la nécessité de repenser nos relations avec ces deux pays.

Encore une fois, force est de constater que la politique en faveur de l'audiovisuel extérieur ne tient pas véritablement compte du contexte international et de l'impérieuse nécessité d'accroître les moyens de nos deux opérateurs.

Sous réserve de ces remarques, je propose également que nous donnions un avis favorable à l'adoption de ces crédits, même si nous ne pouvons qu'appeler de nos voeux une nouvelle donne dans notre politique étrangère qui donnerait la priorité à une véritable politique d'influence.

Mme Hélène Conway-Mouret. - J'aurais deux remarques à faire. Je suis tout d'abord complètement d'accord sur l'importance de ces chaînes. Je déplore l'absence de présence de France Médias Monde et TV5 Monde dans plusieurs bouquets à l'étranger qui proposent par contre la Rai et la BBC. Cette distribution insuffisante est la conséquence d'une insuffisance de moyens.

Je remarque par ailleurs que le choix fait par France 24 de développer plusieurs langues comme l'anglais, l'arabe et l'espagnol a pour effet de réduire la présence du français comme c'est le cas en Amérique du Sud où seul l'espagnol est disponible. On se prive d'un outil en faveur de la francophonie. Cela pose une question fondamentale et je déplore ce manque.

M. Alain Joyandet. - Le rapport qui vient de nous être présenté illustre une très bonne compréhension globale des enjeux. Je défends depuis longtemps le financement de l'audiovisuel extérieur par des crédits issus de l'aide publique au développement. Ne faudrait-il pas essayer de définir une stratégie cohérente ? On a le sentiment que l'on veut tout faire mais qu'au final on ne fait rien. On n'arrive pas à diffuser nos programmes partout dans le monde. L'ambition était de créer une CNN à la française mais on ne peut pas tout faire. Il faudrait une refonte globale car on ne peut avoir des programmes trop diversifiés.

Tous les pays avec lesquels on a des problèmes sont francophones, ce qui devrait nous amener à concentrer les moyens sur ces pays et le français.

M. Pascal Allizard. - Même si les crédits augmentent ne faut-il pas taper du poing sur la table ? Notre influence ne cesse de reculer notamment en Amérique latine.

M. Mickaël Vallet. - Concernant la place du français, faut-il déplorer que l'on s'exprime dans d'autres langues ? Le vrai sujet c'est que nous n'avons pas de politique linguistique globale qui prendrait en compte nos priorités nationales et internationales. Il faudrait une réflexion qui prenne en compte tous les aspects concernant l'apprentissage du français.

M. Rachid Temal. - Quel signe politique peut-on donner qui ne serait pas considéré comme un saut d'humeur ? Nous devons définir notre propre stratégie car il y a plein de questions que soulève notre politique linguistique. Nous voterons en faveur d'un avis favorable mais avec des réserves.

M. Roger Karoutchi, rapporteur. - En gros l'audiovisuel public bénéficie de 4 milliards d'euros. Après la suppression de la contribution à l'audiovisuel public on tâtonne faute d'avoir suffisamment réfléchit sur une ressource de remplacement pérenne. Je ne crois pas à une modification de la loi organique sur les lois de finances et on mesure la difficulté à obtenir des crédits de l'APE. Le gouvernement a également renoncé à une grande réforme de l'audiovisuel public qui aurait permis de redéfinir les missions et les moyens de chaque entité. Ce n'est plus la priorité du gouvernement et on reste dans les mêmes structures.

Tant qu'on n'aura pas fait de réforme globale on travaillera à la marge. La seule solution est d'augmenter les moyens de l'audiovisuel extérieur. Faute de moyens, les entreprises sont obligées de supprimer des activités comme certains sous-titrages ce qui réduit notre influence culturelle.

Le ministère de la Culture ne s'intéresse pas assez à l'audiovisuel extérieur tandis que le ministère de l'Europe et des Affaires étrangères n'a logiquement pas de compétence globale. Il faut donc continuer à demander une réforme globale de l'audiovisuel public.

Il y a des millions de Français à l'étranger et des centaines de millions de personnes dans le monde qui souhaiteraient avoir accès à la culture française.

Il ne faut pas hésiter à réformer les projets qui ne fonctionnent pas comme la chaîne France Info qui a des audiences très faibles alors que France 24 avait proposé de réaliser une déclinaison nationale qui aurait coûté moins cher. Par ailleurs les déboires de France Télévisions à l'image de Salto sont autant de moyens en moins pour l'audiovisuel extérieur.

M. Jean-Noël Guérini, rapporteur. - Tout est une question de volonté du gouvernement. Or il ne met pas les moyens. Cela passe par une réforme de l'audiovisuel public et la nécessité absolue de la refonte de notre politique linguistique.

Mme Valérie Boyer. - A quoi cela sert-il de dépenser autant dans un magnifique château à Villers-Cotterêts si l'on n'a pas les moyens de diffuser nos chaînes internationales ? Il est essentiel d'alerter sur le fait que nous ne sommes pas d'accord. On ne peut accepter cet effacement.

M. Étienne Blanc. - Quels sont les moyens dont disposent nos compétiteurs ?

M. Roger Karoutchi. - La BBC a accès à la totalité des moyens de l'aide au développement. Les moyens que mobilisent les Russes en Afrique sont cinq fois supérieurs aux nôtres.

La commission a émis un avis favorable à l'adoption des crédits des programmes 844, 847 et 848 de la mission « Avances à l'audiovisuel public ».

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