Avis n° 120 (2022-2023) de M. Stéphane PIEDNOIR , fait au nom de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication, déposé le 17 novembre 2022

Disponible au format PDF (789 Koctets)

Synthèse du rapport (788 Koctets)


N° 120

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2022-2023

Enregistré à la Présidence du Sénat le 17 novembre 2022

AVIS

PRÉSENTÉ

au nom de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication (1) sur le projet de loi de finances , considéré comme adopté par l'Assemblée nationale
en application de l'article 49, alinéa 3, de la Constitution, pour
2023 ,

TOME V

Fascicule 2

RECHERCHE ET ENSEIGNEMENT SUPÉ RIEUR

Enseignement supérieur

Par M. Stéphane PIEDNOIR,

Sénateur

(1) Cette commission est composée de : M. Laurent Lafon , président ; M. Max Brisson, Mme Laure Darcos, MM. Stéphane Piednoir, Michel Savin, Mme Sylvie Robert, MM. David Assouline, Julien Bargeton, Pierre Ouzoulias, Bernard Fialaire, Jean-Pierre Decool, Mme Monique de Marco , vice-présidents ; Mmes Céline Boulay-Espéronnier, Else Joseph, Marie-Pierre Monier, Sonia de La Provôté , secrétaires ; MM. Maurice Antiste, Jérémy Bacchi, Mmes Annick Billon, Alexandra Borchio Fontimp, Toine Bourrat, Céline Brulin, Samantha Cazebonne, M. Yan Chantrel, Mme Nathalie Delattre, M. Thomas Dossus, Mmes Sabine Drexler, Laurence Garnier, Béatrice Gosselin, MM. Jacques Grosperrin, Jean Hingray, Jean-Raymond Hugonet, Claude Kern, Mikaele Kulimoetoke, Michel Laugier, Pierre-Antoine Levi, Jean-Jacques Lozach, Jacques-Bernard Magner, Jean Louis Masson, Mme Catherine Morin-Desailly, MM. Philippe Nachbar, Olivier Paccaud, Damien Regnard, Bruno Retailleau, Mme Elsa Schalck, M. Lucien Stanzione, Mmes Sabine Van Heghe, Anne Ventalon, M. Cédric Vial.

Voir les numéros :

Assemblée nationale ( 16 ème législ.) : 273 , 285 , 286 rect., 292 , 337 , 341 , 364 , 369 , 374 , 386 et T.A. 26

Sénat : 114 et 115 à 121 (2022-2023)

AVANT-PROPOS

Dans la continuité du précédent quinquennat, les crédits consacrés à l'enseignement supérieur et à la vie étudiante poursuivent leur progression en 2023. Ce budget, en affichage rassurant, n'empêche cependant pas les acteurs du secteur, au premier rang desquels les universités, d'être très préoccupés par les conséquences du choc énergétique sur leurs finances, déjà fortement contraintes .

L'annonce médiatique, par l'Université de Strasbourg d'une possible fermeture deux semaines supplémentaires cet hiver pour faire des économies d'énergie, a au moins eu le mérite d'alerter sur l'ampleur des surcoûts auxquels les établissements font face. Jusqu'à cette polémique, Bercy n'avait sans doute pas pris la mesure du problème, d'où l'absence de compensation dans le projet de loi de finances initial . Cette omission est en passe d'être réparée, la ministre ayant annoncé, le 27 octobre dernier, le déblocage de 275 millions d'euros dans le prochain collectif budgétaire pour accompagner au cas par cas les établissements, qui devront aussi puiser dans leurs réserves mobilisables.

Le rapporteur estime que la crise énergétique met aussi en lumière la nécessité, pour les opérateurs, de donner un coup d'accélérateur à leur démarche de sobriété et, pour le ministère, d'engager enfin un plan ambitieux de rénovation du parc immobilier universitaire , connu pour être en partie vieillissant, vétuste, et énergivore.

En matière de vie étudiante, le rapporteur tire la sonnette d'alarme sur la situation très tendue des restaurants universitaires , dont le mode de financement nécessite d'être rapidement reconsidéré au regard de leur surcroît d'activité. Il se félicite du lancement d'une concertation nationale et territoriale sur la vie étudiante , vaste thématique sur laquelle une mission d'information du Sénat avait travaillé en 2021 1 ( * ) , et de la présentation d'une feuille de route ministérielle sur la réforme tant attendue des bourses . Sur ces deux chantiers d'importance majeure, il souhaite que le Gouvernement ne s'en tienne pas à des demi-mesures, mais propose des changements structurels porteurs de simplification, de rationalisation et d'efficience.

I. I. UNE HAUSSE GLOBALE DES MOYENS RASSURANTE SUR LE PAPIER...

Saluant l'engagement de la nouvelle ministre, le rapporteur constate avec satisfaction la hausse du budget consacré à l'enseignement supérieur et à la vie étudiante , portée essentiellement par la compensation de la hausse du point d'indice (contrairement à 2022, cf. infra ), le déploiement de la loi de programmation de la recherche (LPR) et la prorogation de mesures de soutien aux étudiants.

BUDGET DU MINISTÈRE DE L'ENSEIGNEMENT SUPÉRIEUR ET DE LA RECHERCHE

25,7 Mds€ en crédits de paiement en 2023

+ 1,1 Md€ par rapport à 2022 (soit + 4,4 % )

BUDGET CONSACRÉ À L'ENSEIGNEMENT SUPÉRIEUR ET À LA VIE ÉTUDIANTE

Programme 150

« Formations supérieures et recherche universitaire »

14,9 Mds€ en crédits de paiement en 2023

+ 700 M€ par rapport à 2022 (soit + 4,8 % )

Dont

+ 143 M€ au titre du déploiement de la loi de programmation de la recherche (LPR) ;

+ 364 M€ au titre de la compensation de la revalorisation du point d'indice ;

+ 160 M€ au tit r e de mesures nouvelles (dont + 50 M€ pour la création de places en licence et master, + 35 M€ pour les nouveaux contrats d'objectifs, de moyens et de performance, + 30 M€ pour la programmation immobilière, + 13 M€ pour l'accueil des stagiaires dans les instituts nationaux supérieur du professorat et de l'éducation (Inspe), + 10 M€ pour la réforme des services de santé universitaire et le plan de lutte contre les violences sexistes et sexuelles).

Programme 231

« Vie étudiante »

3,1 Mds€ en crédits de paiement en 2023

+ 50,2 M€ par rapport à 2022

(soit + 1,6 % )

Dont

+ 29 M€ au titre des aides indirectes (logement étudiant et restauration universitaire), dont + 24 M€ pour la compensation du repas à 1 euro ;

+ 6,6 M€ au titre des aides directes (bourses sur critères sociaux, aides à la mobilité, aides au mérite...) ;

+ 7,5 M€ au titre de l'accompa-gnement des étudiants en situation de handicap.

Le rapporteur déplore, en revanche, l'insuffisant financement des établissements d'enseignement supérieur privé d'intérêt général (Eespig) au regard de la forte hausse du nombre étudiants accueillis (+ 88 % depuis 2010) : la subvention pour charges de service public qui leur est attribuée correspond à une dépense par étudiant d'environ 600 euros, contre 11 500 euros dans le secteur public. Il estime que la participation croissante de ces établissements au service public de l'enseignement supérieur doit se traduire par un soutien financier plus significatif de l'État.

II. ... MAIS DES ÉTABLISSEMENTS TRÈS INQUIETS FACE À UNE ÉQUATION BUDGÉTAIRE 2023 PARTICULIÈREMENT COMPLEXE

Pour l'ensemble des établissements d'enseignement supérieur - universités et écoles, publiques et privées -, la rentrée 2022 et la préparation des budgets 2023 sont marquées par une même préoccupation : comment faire face à la hausse des coûts dans le contexte inflationniste ?

A. UNE AUGMENTATION DU POINT D'INDICE PARTIELLEMENT COMPENSÉE

Le relèvement, à compter du 1 er juillet 2022, de 3,5 % du point d'indice des fonctionnaires ne fait l'objet d' aucune compensation par l'État au titre du second semestre 2022 . Les établissements doivent donc le prendre à leur charge sur cette période, ce qui représente un coût supplémentaire de 180 millions d'euros pour les opérateurs du programme 150 et de 250 millions d'euros pour l'ensemble des opérateurs sous périmètre du ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche (MESR). Seul le réseau des oeuvres universitaires et scolaires a perçu une compensation au titre de 2022, d'un montant de 7 millions d'euros.

Pour l'année 2023, une compensation à hauteur de 364 millions d'euros est en revanche budgétée au programme 150, la ministre ayant fait de cette enveloppe « une ligne rouge absolue », comme elle l'a déclaré devant la commission. Ce financement concerne à la fois les personnels fonctionnaires et les personnels contractuels des établissements ayant accédé aux responsabilités et compétences dites « élargies ». Il est complété par une enveloppe de 9 millions d'euros pour les établissements n'ayant pas accédé à ces compétences élargies. De son côté, le réseau des centres régionaux des oeuvres universitaires et scolaires (Crous) bénéficie d'une compensation de 15 millions d'euros.

CONSÉQUENCES DE LA REVALORISATION DU POINT D'INDICE DE 3,5 %
AU 1 ER JUILLET 2022

En matière de masse salariale, le rapporteur rappelle que le glissement vieillesse technicité (GVT) représente, pour les universités, une charge annuelle de 50 millions d'euros qui grève structurellement leurs marges de manoeuvre budgétaires . Or celui-ci n'est, depuis 2020, plus financé par l'État, sauf cas particulier dans le cadre du dialogue stratégique et de gestion. Il regrette que ce dossier soit relégué au second plan, compte tenu de l'importance prise par la problématique énergétique.

B. UNE FACTURE ÉNERGÉTIQUE, DÉJÀ LOURDE EN 2022, QUI EXPLOSERAIT EN 2023

Outre les surcoûts liés à la masse salariale, les établissements d'enseignement supérieur sont confrontés, comme l'ensemble des opérateurs de l'État, à ceux induits par l'envolée des prix de l'énergie . Les universités sont tout particulièrement touchées par le phénomène car elles hébergent la très grande majorité des laboratoires et infrastructures de recherche, installations particulièrement énergivores dont certaines doivent fonctionner en continu.

Selon les dernières estimations disponibles, qui doivent être prises avec précaution compte tenu de la non-consolidation des données de la consommation d'énergie en 2022 et des fluctuations difficilement prévisibles des prix des fluides en 2023, les surcoûts pour les établissements d'enseignement supérieur, de l'ordre de 100 millions d'euros en 2022, seraient au moins multipliés par quatre en 2023 .

+500 M€

SURCOÛTS DE L'ÉNERGIE POUR LES ÉTABLISSEMENTS D'ENSEIGNEMENT SUPÉRIEUR

2022

+ 100 M€ par rapport à 2021

(estimation)

2023

+ 400 M€ par rapport à 2022

(estimation)

S'agissant du réseau des oeuvres universitaires et scolaires, les surcoûts d'énergie sont estimés à 70 millions d'euros en 2023 .

C. LA MOBILISATION DES FONDS DE ROULEMENT PAR LES ÉTABLISSEMENTS : UNE SOLUTION BUDGÉTAIRE D'URGENCE À MANIER AVEC PRÉCAUTION

Pour financer les surcoûts énergétiques, le ministère appelle, depuis septembre dernier, les établissements d'enseignement supérieur à recourir à leur fonds de roulement.

Le rapporteur rappelle tout d'abord que l'état de ces fonds est très hétérogène d'un établissement à l'autre et qu'il ne faudrait pas pénaliser « les bons élèves » qui ont su, par une gestion financière appropriée, constituer des réserves. Celles-ci ont d'ailleurs pu augmenter de manière artificielle pendant la crise sanitaire du fait du fonctionnement en mode dégradé des établissements (avec les périodes d'enseignement en distanciel).

Il insiste ensuite sur le fait qu' une partie de ces fonds est souvent déjà gagée sur des projets d'investissement en cours ou à venir , notamment pour la rénovation énergétique des bâtiments, qu'il n'est pas question de compromettre. En outre, il ne saurait être touché à la réserve de précaution correspondant au seuil prudentiel de 15 jours de fonctionnement.

Seul peut donc être ponctionné, pour faire face aux difficultés actuelles, le fonds de roulement « dormant » , c'est-à-dire la partie des fonds non fléchée et donc disponible.

Le rapporteur pointe enfin la situation particulière des centres régionaux d'oeuvres universitaires et scolaires (Crous) , dont les fonds de roulement mobilisables sont pour la plupart extrêmement faibles. Ceux-ci ont en effet déjà été utilisés pendant la crise sanitaire pour pallier les importantes pertes d'exploitation des activités d'hébergement (avec le gel des loyers) et de restauration universitaires (avec le tarif du repas universitaire à 1 euro).

D. L'ANNONCE D'UNE COMPENSATION DANS LE PROCHAIN COLLECTIF BUDGÉTAIRE : UNE AIDE FINANCIÈRE NÉCESSAIRE POUR CERTAINS ÉTABLISSEMENTS

Alors que France Universités demandait depuis plusieurs semaines la compensation des surcoûts énergétiques en 2023, la ministre a annoncé, lors de son audition par la commission, qu'un dispositif de compensation financière était à l'étude .

Elle l'a officiellement présenté le 27 octobre dernier. Celui-ci va prendre la forme d'une ouverture de crédits de 275 millions d'euros 2 ( * ) dans le prochain collectif budgétaire . Les montants versés aux établissements tiendront compte de la situation de chacun, notamment du poids des dépenses d'énergie dans leur budget de fonctionnement et du niveau de leurs réserves mobilisables.

Le rapporteur salue l'obtention de cette rallonge budgétaire, fruit de l'interventionnisme efficace de la ministre. Outre le montant débloqué, il souscrit à la méthode du « au cas par cas », la plus appropriée compte tenu de la diversité des situations. Il souhaite que celle-ci soit articulée avec les plans de sobriété énergétique que les opérateurs de l'ESR doivent formaliser d'ici la fin 2022 afin que l'aide perçue ne serve pas uniquement à couvrir tout ou partie des surcoûts, mais qu'elle s'accompagne aussi d'une dynamique vertueuse en matière de baisse des consommations d'énergie.

III. LA CRISE ÉNERGÉTIQUE : UN TOURNANT POUR DONNER UN COUP D'ACCÉLÉRATEUR AUX DÉMARCHES DE SOBRIÉTÉ DES ÉTABLISSEMENTS ET LANCER UNE RÉHABILITATION AMBITIEUSE DU BÂTI UNIVERSITAIRE

A. L'INDISPENSABLE OPTIMISATION DES CONSOMMATIONS DE FLUIDES ET DE L'USAGE DES LOCAUX POUR PLUS DE SOBRIÉTÉ ÉNERGÉTIQUE

À court terme, la crise énergétique oblige les établissements d'enseignement supérieur à rationaliser leur consommation de fluides (électricité, gaz), tout en veillant à ce que leur mission de service public n'en pâtisse pas . Il est en effet exclu de rebasculer les enseignements en distanciel pour faire des économies d'énergie.

Plusieurs leviers, la plupart listés par la circulaire ministérielle déclinant le plan de sobriété énergétique aux opérateurs du MESR, sont dès à présent activables :

• en matière de chauffage et de climatisation : limitation du chauffage à 19 degrés et de la climatisation à 26 degrés ;

• en matière d'éclairage : responsabilisation des agents sur l'extinction des éclairages à la fin des activités journalières ;

• en matière de matériel électrique : mise en veille systématique des appareils numériques et multimédia (ordinateurs, bornes wifi, écrans des halls...).

Le contexte actuel doit aussi inciter les établissements à avancer dans l'optimisation de la gestion de leurs locaux . Cela passe par :

• l'élaboration de bilans énergétiques, bâtiment par bâtiment, accompagnée de la mise en place d'outils de suivi des consommations ;

• un pilotage plus fin dans la gestion technique des bâtiments ;

• une réflexion sur l'usage des locaux au regard de l'évolution des pratiques de travail (télétravail, visioconférence...) et du développement des nouvelles modalités d'organisation (plateformes, open space , mutualisation des locaux...).

De nombreux établissements, qu'il s'agisse d'universités ou d'écoles, se sont déjà emparés de ces problématiques. D'autres sont plus en retard ; la crise est l'occasion de les mettre au rang des priorités.

Pour le rapporteur, un autre levier mérite d'être sérieusement étudié : l'adaptation du calendrier universitaire . A minima , celle-ci peut prendre la forme d'une révision des emplois du temps pour permettre une fermeture complète pendant les week-ends (certains cours ont lieu les samedis matins) ou d'un arrêt complet de l'activité pendant certaines vacances scolaires (par exemple, à Noël, où les bâtiments universitaires restent généralement ouverts au moins une semaine sur les deux semaines de congé). Une démarche plus ambitieuse consisterait à réorganiser l'année universitaire afin de moins concentrer les enseignements sur l'automne et l'hiver . Interrogée sur ce sujet par le rapporteur, la ministre a convenu qu'il s'agissait d'une piste de réflexion intéressante, nécessitant toutefois que les acteurs concernés « se mettent autour de la table ».

Reste, pour les universités, l'épineuse question des équipements et infrastructures de recherche pour lesquels une diminution du chauffage, une baisse de tension voire une coupure électrique sont, dans le cas de certaines disciplines, inenvisageables. Une analyse au cas par cas doit donc être engagée pour déterminer les éventuelles pistes d'économies, tout en assurant la continuité des activités de recherches

B. LA NÉCESSITÉ D'UN PLAN D'INVESTISSEMENT MASSIF POUR UNE RÉNOVATION STRUCTURELLE DU PARC IMMOBILIER UNIVERSITAIRE

Ces leviers de court terme ne sont pas dissociables d'actions de moyen et long termes . Deuxième poste de dépenses derrière la masse salariale, le patrimoine immobilier universitaire, qui représente 20 % de celui de l'État, se trouve en effet à la croisée de plusieurs problématiques stratégiques - la transition énergétique, l'évolution des pratiques de travail, la participation des établissements à la vie économique et sociale de leur territoire d'implantation - qui appellent une approche transversale et une politique réellement ambitieuse .

Passoire thermique

1/3 de ce patrimoine

3 e patrimoine immobilier de l'État

(= 20 % de ce patrimoine)

18,7 millions de m²

1. L'appel à projets du plan de relance en faveur de la rénovation énergétique de l'ESR : un effet accélérateur à court terme, mais insuffisant à moyen et long termes

Dans le contexte de la crise sanitaire, où l'urgence était de relancer rapidement l'économie française, le Gouvernement a fait le choix de passer par la méthode de l'appel à projets pour encourager la rénovation énergétique dans le secteur de l'ESR (cf. encadré ci-dessous). Le rapporteur estime que cette initiative a assurément permis de donner une impulsion à un dossier resté trop longtemps en déshérence .

Malgré des délais très contraints, les acteurs du secteur se sont saisis de cette opportunité, montrant leur l'intérêt pour la problématique de la rénovation énergétique et leur bon niveau global de préparation. Même si, comme l'a récemment relevé la Cour des comptes 3 ( * ) , des effets d'aubaine ne sont pas exclus - de « petits » dossiers auraient sans doute pu être financés sur les fonds propres des établissements - une réelle dynamique est à l'oeuvre .

État d'avancement de l'appel à projets du plan de relance dédié à la rénovation énergétique dans le secteur de l'enseignement supérieur et de la recherche

Dans le cadre du plan de relance, deux appels à projets ont été lancés le 7 septembre 2020 pour la rénovation énergétique des bâtiments publics de l'État, dont l'un dédié à l'ESR. Au total, une enveloppe de 2,7 milliards d'euros est consacrée à ces deux appels à projets, sur les 4 milliards prévus par « France Relance » pour l'immobilier public, les 1,3 milliard d'euros restants étant destinés aux bâtiments des collectivités.

À la clôture de la procédure de candidature, le 9 octobre 2020, 6 682 projets ont été déposés pour un total de 8,4 milliards d'euros, dont environ 1 600 projets au titre de l'ESR pour un montant de 3,7 milliards d'euros. À l'issue de la procédure de sélection, le 14 décembre 2020, 4 214 projets ont été retenus, dont 1 054 projets ESR, représentant un montant de 1,3 milliard d'euros, soit près de la moitié de l'enveloppe dédiée à l'immobilier de l'État . La répartition des crédits est la suivante : 700 millions d'euros pour les universités, 250 millions pour les Crous, 140 millions pour les organismes de recherche, 110 millions pour les grandes écoles et 100 millions pour des écoles et organismes relevant d'autres ministères que le MESR.

Les projets retenus sont variés ; il peut s'agir de grosses réhabilitations (de logements étudiants, de bâtiments d'enseignement), de projets structurants (transformation de tout un campus) de plusieurs millions d'euros ou de plus petits projets de quelques centaines de milliers d'euros (changement de chaudière, réfection de toiture, installation de panneaux solaires, etc.).

La règle selon laquelle les projets devaient être notifiés au plus tard le 31 décembre 2021 a été respectée . À cette échéance, 16 000 marchés de travaux étaient actés. Selon la direction de l'immobilier de l'État (DIE), auditionnée par le rapporteur, environ la moitié des projets - soit 2 000 - sont aujourd'hui terminés ; il s'agit généralement des plus petits projets. Pour les plus importants, des problèmes d'approvisionnement en matières premières pourraient retarder une livraison normalement prévue au plus tard pour fin 2023. En revanche, à ce stade, il n'est pas observé de dérive massive des coûts des travaux, ni constaté d'opérations en péril.

Cependant, compte tenu du retard accumulé au cours des dernières décennies et de l'ampleur des besoins d'investissement qui en résulte - le MESR évalue à 7 milliards d'euros le coût de réhabilitation du patrimoine universitaire, dont 75 % serait en lien avec la transition énergétique et environnementale, tandis que France Universités le chiffre à 15 milliards d'euros -, un changement d'échelle est nécessaire . Auditionné par le rapporteur, le directeur de l'immobilier de l'État a lui-même convenu que le fonctionnement à court terme par appels à projets ne suffisait pas et qu'une stratégie immobilière de long terme était indispensable.

2. Changer de paradigme en lançant un plan stratégique et financier ambitieux

Depuis plusieurs exercices budgétaires, le rapporteur plaide pour le lancement d'un plan d'investissement d'envergure . En plus d'une programmation financière pluriannuelle, ce plan doit, selon lui, s'accompagner d' une réflexion de fond sur la quantité et la qualité du bâti universitaire au regard des récentes évolutions pédagogiques et sociétales , l'avenir consistant sans doute en « moins de m 2 pour mieux de m 2 » .

Un autre prérequis est la montée en compétences des établissements sur ce sujet, ce qui passe notamment par le renforcement des équipes chargées de l'immobilier, la généralisation de la nomination d'un(e) vice-président(e) dédié(e) à ce secteur et la constitution obligatoire d'un budget annexe immobilier. Certains leviers juridiques nécessitent aussi d'être davantage actionnés , comme la possibilité pour les universités de participer au capital des sociétés publiques locales (SPL) afin de valoriser leur patrimoine, et certains verrous réglementaires levés , à l'instar de la limitation de leurs capacités d'emprunt. La dévolution immobilière, dont la troisième vague a été lancée (12 universités se sont portées candidates), est aussi une voie intéressante, même si elle ne peut sans doute pas s'appliquer à l'ensemble des universités. Ces différents outils concourent à renforcer l'autonomie et la responsabilisation des établissements, tout en leur permettant de gagner en professionnalisation.

Lors de son audition par la commission, la ministre a annoncé être en train de travailler avec son collègue ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, dans le cadre de la planification écologique, à un « plan pour la rénovation énergétique et thermique » , qui pourrait être annoncé « dans les semaines ou mois qui viennent » . Le rapporteur accueille favorablement cette initiative, dont il espère qu'elle sera à la hauteur du « mur » d'investissement auquel se heurte aujourd'hui l'immobilier universitaire .

Le rapporteur alerte aussi sur les besoins de financement du réseau des oeuvres universitaires et scolaires en matière immobilière : 8 000 logements restent à réhabiliter en résidence universitaire et 12 000 sont à construire dans les sites en tension pour répondre à la demande.

IV. VIE ÉTUDIANTE : DES RÉFORMES DE FOND À MENER

A. LA RESTAURATION UNIVERSITAIRE : UN MODÈLE ÉCONOMIQUE EN TENSION QU'IL EST URGENT DE REVOIR

Bien que la rentrée 2022 se soit déroulée dans un climat beaucoup plus serein sur le plan sanitaire que les années précédentes, les restaurants universitaires sont confrontés à une tension croissante . Leur activité a augmenté, selon les sites, de 20 % à 40 % en 2021 par rapport à 2019 , sous l'effet de plusieurs facteurs : l'attractivité du repas à 1 euro pour les étudiants boursiers et les étudiants en situation de précarité, la fidélisation d'étudiants ayant commencé à fréquenter la restauration universitaire pendant la crise (notamment sous la forme de vente à emporter), le contexte inflationniste qui rend le repas au tarif social de 3,3 euros très compétitif. À cela s'ajoutent les difficultés de recrutement dans le secteur de la restauration - que renforce la très faible compétitivité des Crous sur le plan salarial -, les problèmes d'approvisionnement en denrées alimentaires communs à l'ensemble des acteurs de la distribution, les incidences financières de la loi EGalim, estimées à près de 10 millions d'euros par an.

Or, dans le même temps, la subvention pour charges de service public (SCSP) du réseau, hors crédits destinés au financement de mesures nouvelles, est stabilisée depuis des années autour de 300 millions d'euros . Cette stagnation devient de plus en plus problématique alors que l'activité de restauration ne cesse de croître, que le réseau poursuit son développement (ouverture de nouvelles structures d'hébergement et de restauration, avec les recrutements afférents), qu'il se voit confier des missions supplémentaires d'accompagnement social des étudiants (nécessitant des recrutements de professionnels et le développement d'outils informatiques spécifiques).

Jugeant anormale la non-indexation de la SCSP sur le volume de repas fournis, le rapporteur appelle le ministère à reconsidérer rapidement le financement de l'activité de restauration et, plus globalement, celui de l'ensemble du réseau .

B. LA CONCERTATION SUR LA VIE ÉTUDIANTE : UNE OCCASION À SAISIR POUR ENFIN RATIONALISER LE SYSTÈME D'AIDES PUBLIQUES AUX ÉTUDIANTS ET RÉFORMER STRUCTURELLEMENT LES BOURSES

1. L'indispensable simplification du paysage des aides publiques aux étudiants

Le rapporteur salue le lancement, cet automne, d'une vaste concertation sur la vie étudiante comportant deux volets : un national, centré sur l'évolution du système des bourses, un territorial, intégrant l'ensemble des thématiques liées à la vie étudiante (les aides financières, la santé, la culture, le sport, l'engagement étudiant...). Comme il l'a indiqué à la ministre lors de son audition, il souhaite que les parlementaires y soient associés, le Sénat ayant pour sa part mené un travail approfondi sur la vie étudiante en 2021, dans le cadre d'une mission d'information 4 ( * ) dont il était membre .

Cette concertation doit, selon lui, permettre une remise à plat du système des aides publiques aux étudiants, aujourd'hui caractérisé par une multiplicité de dispositifs et d'intervenants. Cette complexité explique les difficultés d'accès à l'information que rencontrent les étudiants et les « trous dans la raquette » constatés dans leur prise en charge ; malgré la diversité des aides, certains profils échappent à leur bénéfice.

Afin de simplifier l'architecture actuelle et la rendre plus lisible, le rapporteur estime que la logique du « guichet unique » , qui consiste à confier à un seul opérateur l'instruction des demandes d'aides directes et leur gestion, mérite d'être expertisée . Pour les étudiants, cette organisation présenterait l'avantage de la simplicité, de la lisibilité, de la praticité et contribuerait, in fine , à améliorer leur accès aux droits. Compte tenu du rôle central joué aujourd'hui par les Crous dans ce domaine, ceux-ci pourraient logiquement constituer ce point d'entrée unique. Une telle évolution suppose toutefois une concertation approfondie avec les autres opérateurs, en particulier territoriaux. Les échanges régionaux, qui démarrent sous l'égide des rectorats, en sont l'occasion.

2. La réforme annoncée des bourses sur critères sociaux : ne pas rester au milieu du gué

Promesse non tenue du précédent quinquennat, la réforme des bourses s'annonce comme l'un des grands chantiers de la nouvelle ministre . Celle-ci a présenté, à l'occasion de la rentrée, une feuille de route en deux temps : d'abord, une concertation nationale devant aboutir à un point d'étape en janvier 2023, lequel permettra de prendre des premières mesures applicables dès la rentrée 2023 - si consensus il y a, puis, une réforme plus profonde en 2024, voire en 2025.

Si le diagnostic sur les défauts du système actuel et la nécessité de le remettre à plat sont globalement partagés, plusieurs interrogations plus ou moins clivantes sont à trancher, comme :

• faut-il fusionner les bourses avec l'aide personnalisée au logement (APL), sachant qu'il s'agit de deux systèmes aux critères différents 5 ( * ) , gérés par deux ministères distincts ?

• faut-il territorialiser les bourses pour tenir compte des différences du coût de la vie, notamment du coût du logement, selon les territoires ?

• faut-il élargir l'assiette des bénéficiaires au profit des classes moyennes, en créant de nouveaux échelons ?

• faut-il linéariser le système, en supprimant les échelons et éviter ainsi les effets de seuil ?

• faut-il continuer à prendre en compte le revenu des parents ou « déparentaliser » le calcul des bourses comme c'est le cas dans d'autres pays européens ?

Sans vouloir préempter le débat qui commence, le rapporteur espère que la méthode et le calendrier choisis ne déboucheront pas sur des demi-mesures et appelle de ses voeux une réforme systémique des bourses .

*

* *

La commission de la culture, de l'éducation et de la communication a émis, lors de sa réunion plénière du 2 novembre 2022, un avis favorable à l'adoption des crédits consacrés à l'enseignement supérieur dans le projet de loi de finances pour 2023 .

EXAMEN EN COMMISSION

MERCREDI 2 NOVEMBRE 2022

___________

M. Laurent Lafon, président . - Nous examinons ce matin le rapport pour avis de notre collègue Stéphane Piednoir sur le projet de loi de finances pour 2023.

M. Stéphane Piednoir, rapporteur pour avis des crédits de l'enseignement supérieur au sein de la mission « Recherche et enseignement supérieur » . - Il y a quinze jours, la ministre nous a présenté, avec l'engagement et la pédagogie que nous lui reconnaissons tous, un budget 2023 en progression de 1,1 milliard d'euros pour atteindre au total 25,7 milliards d'euros. Cette hausse globale est essentiellement portée par la compensation de la hausse du point d'indice, le déploiement de la loi de programmation de la recherche (LPR) et la prorogation de mesures de soutien aux étudiants.

Quelles sont les grandes lignes des évolutions de crédits pour l'enseignement supérieur stricto sensu ?

Le programme 150, qui finance les établissements, est abondé de 700 millions d'euros supplémentaires, soit une progression de 4,8 % par rapport à 2022, fléchés principalement sur la compensation de la revalorisation du point d'indice, la poursuite de la mise en oeuvre de la LPR et des mesures nouvelles telles que la création de places en licence et master pour tenir compte de la démographie étudiante, l'élaboration de nouveaux contrats d'objectifs, de moyens et de performance, ou l'accueil des stagiaires dans les instituts nationaux supérieur du professorat et de l'éducation (Inspé).

Le programme 231, qui finance la vie étudiante, est doté de 50,2 millions d'euros supplémentaires, soit une hausse de 1,6 % par rapport à 2022, destinés notamment à la compensation aux centres régionaux des oeuvres universitaires et scolaires (Crous) du repas universitaire à un euro pour les étudiants boursiers et précaires, au financement des aides directes (bourses, aides au mérite, aides à la mobilité...) et à l'accompagnement des étudiants en situation de handicap.

Même s'il ne comporte pas de mesure « phare », ce budget en augmentation est, sur le papier, plutôt de nature à rassurer les opérateurs.

Pourtant, en audition, tous m'ont dit leur inquiétude face à une équation budgétaire 2023 particulièrement complexe.

Première raison à cela, la non-compensation du relèvement du point d'indice pour la période allant de juillet à décembre 2022, qui représente un coût supplémentaire de 180 millions d'euros pour les établissements d'enseignement supérieur. Heureusement, pour 2023, la ministre a réussi à obtenir de Bercy la compensation en année pleine ; elle en avait fait, selon ses termes, sa « ligne rouge absolue ».

Deuxième raison à l'inquiétude des opérateurs, les conséquences du choc énergétique sur leurs finances, déjà fortement contraintes - je me dois de rappeler ici l'absence de compensation du glissement vieillesse technique (GVT), qui équivaut à une charge annuelle de 50 millions d'euros.

L'annonce médiatique, par l'Université de Strasbourg d'une possible fermeture deux semaines supplémentaires cet hiver pour faire des économies d'énergie, a au moins eu le mérite d'alerter sur l'ampleur des surcoûts auxquels les établissements font face. Les universités sont concernées au premier chef puisqu'elles hébergent la très grande majorité des laboratoires et des infrastructures de recherche, particulièrement énergivores dont certaines doivent fonctionner en continu.

Jusqu'à cette polémique, Bercy n'avait sans doute pas pris la mesure du problème, d'où l'absence d'enveloppe compensatoire dans le projet de loi de finances initial.

Selon les dernières estimations disponibles, les surcoûts énergétiques pour les établissements d'enseignement supérieur, de l'ordre de 100 millions d'euros en 2022, seraient au moins multipliés par 4 en 2023.

Dès septembre, le ministère a appelé ses opérateurs à recourir à leur fonds de roulement pour financer les surcoûts.

Cette solution budgétaire d'urgence n'est cependant pas aussi « magique » qu'elle n'y paraît :

- d'abord, parce que l'état de ces fonds est très hétérogène d'un établissement à l'autre et qu'il ne faudrait pas pénaliser « les bons élèves » qui ont su constitué des réserves ;

- ensuite, parce qu'une partie de ces fonds est souvent déjà gagée sur des projets d'investissement en cours ou à venir, qu'il n'est pas question de compromettre ;

- enfin, parce qu'il ne saurait être touché à la réserve de précaution correspondant au seuil prudentiel de 15 jours de fonctionnement.

Seul peut donc être ponctionné, pour absorber une partie des surcoûts actuels, le fonds de roulement « dormant », c'est-à-dire la partie des fonds non fléchée et donc disponible.

Au regard de l'importance des surcoûts estimés et des différences de capacités de trésorerie des établissements, Bercy a accepté de travailler sur un dispositif de compensation, que la ministre nous a annoncé lors de son audition et qu'elle a précisé jeudi dernier.

Celui-ci va prendre la forme d'une ouverture de crédits de 275 millions d'euros dans le prochain collectif budgétaire. Les montants versés aux établissements tiendront compte de la situation de chacun, notamment du poids des dépenses d'énergie dans leur budget de fonctionnement et du niveau de leurs réserves mobilisables.

Cette rallonge budgétaire est évidemment une bonne nouvelle pour les établissements, dont les représentants n'ont pas manqué de remercier la ministre pour son interventionnisme efficace. Outre le montant débloqué, la méthode choisie du « au cas par cas » semble la plus appropriée compte tenu de la diversité des situations.

Malgré ses conséquences financières, la crise énergétique est aussi le moment, pour les opérateurs, de mettre un coup d'accélérateur à leur démarche de sobriété, dont le degré d'avancement est variable d'un établissement à l'autre. Cela passe par :

- l'élaboration systématique de bilans énergétiques, bâtiment par bâtiment, accompagnée de la mise en place d'outils de suivi des consommations ;

- un pilotage plus fin dans la gestion technique des bâtiments ;

- une réflexion sur l'usage des locaux au regard de l'évolution des pratiques de travail (télétravail, visioconférence..) et des nouvelles modalités d'organisation (plateformes, open space , mutualisation des locaux...).

Un autre levier mérite, à mes yeux, d'être sérieusement étudié, celui d'une réorganisation du calendrier universitaire, consistant à moins concentrer les enseignements sur l'automne et l'hiver. Cela suppose évidemment que tous les acteurs concernés se mettent autour de la table...

Cette crise doit aussi agir comme un catalyseur pour engager, du côté du ministère, un plan ambitieux de rénovation du parc immobilier universitaire, connu pour être en partie vieillissant, vétuste, et énergivore. Un tiers de celui-ci est une passoire énergétique.

Dans le contexte de la crise sanitaire, où l'urgence était de relancer rapidement l'économie française, le Gouvernement a fait le choix de passer par la méthode de l'appel à projets pour encourager la rénovation énergétique dans l'ESR.

Je reconnais que cette initiative a permis de donner une vraie impulsion à un dossier resté trop longtemps en suspens. Malgré des délais très contraints, les universités, les grandes écoles et les Crous se sont saisis de cette opportunité, montrant leur l'intérêt pour cette problématique et leur bon niveau global de préparation. A ce jour, la moitié des projets sélectionnés, soit environ 2 000, est achevée.

Cependant, compte tenu du retard accumulé au cours des dernières décennies et de l'ampleur des besoins d'investissement - évalués à 7 milliards d'euros par le ministère, mais à plus du double (15 milliards d'euros) par France Universités -, un changement d'échelle est nécessaire. Le directeur de l'immobilier de l'État, que j'ai auditionné, a lui-même convenu que le fonctionnement à court terme par appels à projets ne suffisait pas et qu'une stratégie immobilière de long terme était indispensable.

Depuis plusieurs exercices budgétaires, je plaide pour le lancement d'un plan d'investissement d'envergure.

Au-delà de la nécessité d'une programmation financière pluriannuelle, ce plan devrait s'accompagner d'une réflexion de fond sur la quantité et la qualité du bâti universitaire au regard des récentes évolutions pédagogiques et sociétales, l'avenir consistant sans doute en « moins de m 2 pour mieux de m 2 » .

D'autres prérequis sont nécessaires : la montée en compétences des établissements en matière immobilière, l'activation de certains leviers juridiques de valorisation du patrimoine universitaire, la levée de certains verrous réglementaires comme la limitation des capacités d'emprunt des universités.

La ministre nous a indiqué être en train de travailler, avec son collègue ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, à un « plan pour la rénovation énergétique et thermique » . J'accueille favorablement cette initiative, dont j'espère qu'elle sera à la hauteur du « mur » d'investissement auquel se heurte aujourd'hui l'immobilier universitaire.

J'en viens à la vie étudiante.

Bien que la rentrée 2022 se soit déroulée dans un climat beaucoup plus serein sur le plan sanitaire que les années précédentes, les restaurants universitaires sont confrontés à une tension croissante. Leur activité a augmenté, selon les sites, de 20 % à 40 % en 2021 par rapport à 2019, sous l'effet de plusieurs facteurs :

- l'attractivité du repas à un euro pour les étudiants boursiers et ceux en situation de précarité ;

- la fidélisation d'étudiants ayant commencé à fréquenter la restauration universitaire pendant la crise, notamment sous la forme de vente à emporter ;

- le contexte inflationniste qui rend le repas au tarif social de 3,3 euros très compétitif.

À cela s'ajoutent les difficultés de recrutement dans le secteur de la restauration - que renforce la très faible compétitivité des Crous sur le plan salarial -, les problèmes d'approvisionnement en denrées alimentaires communs à l'ensemble des acteurs de la distribution, les incidences financières de la loi EGalim, estimées à près de 10 millions d'euros par an.

Or, dans le même temps, la subvention pour charges de service public (SCSP) du réseau, hors crédits destinés au financement de mesures nouvelles, est stabilisée depuis plusieurs années autour de 300 millions d'euros. Cette stagnation devient de plus en plus problématique alors que l'activité de restauration ne cesse de croître, que le réseau poursuit son développement avec l'ouverture de nouvelles structures d'hébergement et de restauration, et qu'il se voit confier des missions supplémentaires d'accompagnement social des étudiants.

La non-indexation de la SCSP sur le volume de repas fournis est un non-sens total ! J'appelle donc le ministère à reconsidérer rapidement le financement de l'activité de restauration et, plus globalement, celui de l'ensemble du réseau.

Quelques remarques, enfin, sur la concertation relative à la vie étudiante que la ministre vient de lancer et qui comprend deux volets, un national, centré sur l'évolution du système des bourses, un territorial, intégrant l'ensemble des thématiques liées à la vie étudiante.

Comme je l'ai dit à la ministre, il me semblerait normal que les parlementaires y soient associés, le Sénat ayant pour sa part mené un travail approfondi sur le sujet en 2021, dans le cadre de la mission d'information présidée par Pierre Ouzoulias et rapportée par notre président.

Cette concertation doit être l'occasion de remettre à plat le système des aides publiques aux étudiants, aujourd'hui trop complexe et par certains aspects inefficient - certains profils d'étudiants échappent en effet à toute prise en charge.

Dans l'objectif de clarifier l'architecture actuelle et la rendre plus intelligible, la logique du « guichet unique » mérite d'être expertisée. Pour les étudiants, cette organisation présenterait l'avantage de la simplicité, de la lisibilité, de la praticité et contribuerait, in fine , à améliorer leur accès aux droits. Compte tenu du rôle central joué aujourd'hui par les Crous, ceux-ci pourraient logiquement constituer ce point d'entrée unique. Une telle évolution suppose toutefois une concertation approfondie avec les autres opérateurs, en particulier territoriaux. Les dialogues régionaux, qui démarrent sous l'égide des rectorats, devront se saisir de cette question.

Sur la réforme annoncée des bourses sur critères sociaux - promesse non tenue du précédent quinquennat - la ministre a présenté une feuille de route en deux temps : d'abord, une concertation nationale devant aboutir à un point d'étape en janvier 2023 et, si consensus il y a, à de premières mesures applicables dès la rentrée 2023, puis, une réforme plus profonde en 2024, voire en 2025.

Si le diagnostic sur les défauts du système actuel et la nécessité de le réformer sont globalement partagés, plusieurs interrogations plus ou moins clivantes sont à trancher :

- faut-il fusionner les bourses avec l'aide personnalisée au logement (APL), sachant qu'il s'agit de deux systèmes aux critères différents ; gérés par deux ministères distincts ?

- faut-il territorialiser les bourses pour tenir compte des différences du coût de la vie, notamment du coût du logement, selon les territoires ?

- faut-il élargir l'assiette des bénéficiaires au profit des classes moyennes, en créant de nouveaux échelons ?

- faut-il linéariser le système, en supprimant les échelons et éviter ainsi les effets de seuil ?

- faut-il continuer à prendre en compte le revenu des parents ou « déparentaliser » le calcul des bourses comme c'est le cas dans d'autres pays européens ?

Sans vouloir préempter le débat qui commence, j'espère que la méthode et le calendrier choisis ne déboucheront pas sur des demi-mesures, mais sur des changements structurels porteurs de simplification, de rationalisation et d'efficience.

Monsieur le président, mes chers collègues, je propose à la commission, compte tenu de la hausse globale des crédits consacrés à l'enseignement supérieur dans le PLF 2023 et de l'annonce d'une enveloppe supplémentaire pour aider les établissements à faire face aux surcoûts de l'énergie, d'émettre un avis favorable à leur adoption.

M. Yann Chantrel . - Nous saluons l'augmentation des crédits alloués au ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche. La trajectoire de la LPR est plutôt respectée en crédits et en emplois. Nous nous réjouissons de la création de 268 contrats doctoraux supplémentaires et de la fin des disparités de rémunération entre les anciens et les nouveaux contrats doctoraux à compter de 2023, sujet sur lequel nous avions interpellé la ministre lors de son audition en juin dernier. Nous nous félicitons également de la compensation de l'augmentation du point d'indice pour 2023, ce qui n'a pas été le cas en 2022. L'absence de compensation du GVT continue, par ailleurs, de grever les budgets des opérateurs.

Les mesures en faveur de la vie quotidienne des étudiants sont vitales. Je pense en particulier au maintien du repas à un euro pour les étudiants boursiers et précaires, au doublement du budget pour l'accompagnement des étudiants en situation de handicap ou à l'abondement du fonds pour la lutte contre les violences à caractère sexiste ou sexuel.

On peut néanmoins craindre que ces mesures ne soient pas suffisantes, compte tenu de l'augmentation du coût moyen de la rentrée, évalué à 7,38 % d'après la fédération des associations générales étudiantes (FAGE), soit plus que le taux d'inflation ou le pourcentage d'augmentation du budget consacré à l'enseignement supérieur. Nous serons évidemment très attentifs à la réforme des bourses sur critères sociaux, dont les concertations sont en cours. Nous sommes également inquiets pour le fonctionnement des Crous, confrontés à des baisses non compensées de leurs recettes et une hausse de leurs dépenses sous l'effet du renchérissement des prix de l'énergie et des denrées alimentaires. Nous déposerons d'ailleurs des amendements en ce sens.

Comme l'a indiqué notre rapporteur, la ministre a annoncé, depuis son audition, une enveloppe de crédits pour limiter les effets sur les établissements de la hausse des prix de l'énergie. Cette rallonge budgétaire répond en partie à l'inquiétude de France Université face aux surcoûts énergétiques attendus en 2022 et 2023.

Bien qu'insuffisantes, toutes ces augmentations de crédits nous apparaissent indispensables et urgentes. Le groupe socialiste souscrit donc à l'avis favorable proposé par le rapporteur.

M. Pierre Ouzoulias . - Le groupe CRCE partage les constats budgétaires du rapporteur. Il reste regrettable que la situation financière compliquée des universités n'ait pas été prise en compte par le Gouvernement, alors que nous savions dès juillet, au moment de la discussion de la loi de finances rectificative, qu'un certain nombre d'entre elles aborderait la rentrée avec des finances au rouge. Plusieurs universités ont récemment voté des budgets en déficit, ce qui constitue à mes yeux un acte fort, dans la mesure où la loi impose qu'un établissement dans cette situation pendant deux exercices consécutifs repasse sous la tutelle de l'État. Au final, ce budget ne préfigure-t-il la mise sous tutelle des universités, autrement dit l'abandon du principe de leur autonomie ?

J'entends le discours du Président de la République sur la sobriété énergétique. Mais je doute qu'il soit possible pour les universités de réaliser des économies d'énergie significatives. Quand j'étais étudiant, le col roulé était déjà de rigueur tant les salles étaient peu chauffées, en tout cas bien en dessous de 19° C. Entre les beaux discours et la triste réalité, il y a un décalage qui nécessite de reposer à plat la politique universitaire et son financement.

Il existe en France une trentaine d'universités qui dispensent des formations de haut niveau sur la géothermie, mais elles ne font aucune utilisation de ces connaissances, faute de moyens. C'est une des raisons pour lesquelles nous avons besoin de relations étroites entre les universités et les collectivités territoriales, car l'exploitation d'un gisement géothermique est évidemment un sujet d'intérêt pour les collectivités. À Angers, la géothermie permet ainsi de chauffer non seulement l'université, mais également le quartier au-delà.

Le Gouvernement, et notamment Bercy, n'a pas pris la mesure de la crise des universités et envoie un message détestable aux étudiants actuels en faisant d'eux une génération sacrifiée sous prétexte que la situation a vocation à s'améliorer du fait de la baisse à venir du nombre d'étudiants sous l'effet de la démographie. Il faut saluer les convictions républicaines de la ministre, qui la conduisent à s'opposer à Bercy et à remporter un certain nombre d'arbitrages. Pour autant, le budget reste, aux yeux du groupe CRCE, inadapté aux enjeux, ce qui explique que nous ne partagions pas l'avis favorable proposé par le rapporteur.

M. Julien Bargeton . - Le budget de l'enseignement supérieur croit de plus de 180 millions d'euros, hors revalorisation du point d'indice et application de la trajectoire fixée par la LPR. Le groupe RDPI estime cet effort considérable. Le budget comporte 80 millions d'euros de mesures nouvelles en faveur de la réussite étudiante, 35 millions d'euros pour renforcer l'autonomie des universités, sans compter les mesures destinées à la programmation immobilière et aux ressources humaines. Je veux insister sur les mesures sociales, dont certaines ont été évoquées par le rapporteur : le maintien du repas à un euro, l'aide exceptionnelle de solidarité de 100 euros, la revalorisation des bourses, le gel des droits d'inscription, l'extension du pass sport aux étudiants jusqu'à 28 ans.

Je comprends que certains points puissent attirer votre attention, mais le groupe RDPI est pour sa part favorable à l'adoption des crédits de l'enseignement supérieur.

M. Jean Hingray . - Nous saluons l'augmentation des moyens conformément à la trajectoire de la LPR. Il reste néanmoins un certain nombre de points de vigilance. Ainsi, la dépense moyenne par étudiant diminue encore, enregistrant une baisse totale de l'ordre de 10 % depuis 2011. Les étudiants demeurent en situation de précarité : l'inflation et la hausse des dépenses énergétiques affectent fortement leur budget. Certes, la revalorisation des bourses sur critères sociaux et le maintien du repas à un euro sont des points positifs. Mais il est dommage que la ministre n'ait pas retenu la piste du ticket restaurant étudiant qui faisait l'objet de la proposition de loi de notre collègue Pierre-Antoine Lévi. Nous serons évidemment attentifs à la réforme des bourses et aux propositions qui seront faites à l'issue de la concertation.

Mercredi dernier, le Président de la République a annoncé des aides ciblées pour les particuliers les plus touchés par la crise énergétique, en particulier les étudiants. Monsieur le rapporteur, en savez-vous plus sur ce futur dispositif ? Pour le reste, nous suivrons évidemment votre avis favorable.

Mme Monique de Marco . - Le budget de l'enseignement supérieur connait une forte augmentation, même si ses effets sur les universités seront atténués par la revalorisation du point d'indice et des bourses. Les mesures destinées à la vie étudiante m'apparaissent contrastées.

Je m'interroge sur les modalités de mise en oeuvre de certaines mesures nouvelles. Ainsi, savez-vous comment les 8,2 millions d'euros destinés aux services de santé universitaires seront ventilés ? Le 1,8 million d'euros pour la lutte contre les violences à caractère sexiste et sexuel a-t-il pour objet de financer des campagnes de communication ?

Cela fait longtemps que nous savons qu'une bonne partie de nos universités sont des passoires énergétiques. Le bâtiment de l'université de Bordeaux est vétuste et n'a toujours pas été rénové par manque de moyens et d'anticipation. En dépit des financements complémentaires débloqués, je doute que nous y arrivions pour les prochaines rentrées.

Notre rapporteur suggère une réorganisation du calendrier universitaire pour réduire les enseignements en automne et en hiver. Cette modulation ne me parait pas opportune dans la mesure où les universités sont sans doute amenées à souffrir de plus en plus de la canicule au printemps et en été.

Contrairement à ce qu'affirme Pierre Ouzoulias, certaines universités s'activent en matière de géothermie. J'en veux pour preuve l'école nationale supérieure en environnement, géoressources et ingénierie du développement durable, située à Bordeaux, qui vient d'installer un système pour le chauffage et la climatisation fondé sur cette source d'énergie. Il s'est déjà montré très performant l'été dernier. Elle pourrait servir de pilote auprès d'autres universités tentées par cette évolution.

Compte tenu des remarques que j'ai formulées, le groupe écologiste est défavorable à l'adoption des crédits de l'enseignement supérieur pour 2023.

M. Bernard Fialaire . - Mon groupe se réjouit de l'augmentation des moyens alloués à l'enseignement supérieur. Je salue également les pistes de réflexion que le rapporteur nous a soumises. Les problèmes de l'université ne sont pas seulement budgétaires. Il y a aussi des questions d'organisation à régler : le meilleur étalement des cours tout au long de l'année, l'allongement de la pause méridienne pour faciliter le fonctionnement des Crous, la création d'un guichet unique. Une volonté politique forte est nécessaire pour mener à bien ces réformes organisationnelles. Pour ces raisons, nous suivrons l'avis favorable proposé par notre rapporteur.

M. Jacques Grosperrin . - Tout a été dit concernant la hausse des moyens qui ne suit pas celle des effectifs. Les années se suivent et se ressemblent. Le développement du rapporteur sur le parc immobilier est venu rappeler l'urgence à agir. On cite souvent la loi sur les libertés et les responsabilités des universités, mais on ne voit pas où sont les libertés et les responsabilités sont contraintes. On aurait souhaité que les présidents d'universités soient élus par la société civile. Je m'interroge sur les dévolutions qui devaient permettre aux universités de prendre en charge le bâti, ce qui aujourd'hui ferait sens avec la recherche de sobriété énergétique.

Mme Sonia de La Provôté . - La ministre a annoncé de nombreuses initiatives concernant la vie étudiante, les étudiants handicapés, les mesures d'accompagnement... mais la programmation des budgets dédiés semble tarder. L'urgence énergétique ne va-t-elle prendre le pas sur ces dossiers ?

M. Stéphane Piednoir, rapporteur pour avis . - C'est Laure Darcos qui vous répondra prochainement sur les questions relatives aux contrats doctoraux, lesquels relèvent du programme 172, mon avis budgétaire portant sur les programmes 231 et 150.

Plusieurs interventions ont évoqué la réforme des bourses. Nous savons que le système présente de nombreux défauts, compte tenu notamment des effets de seuil. Nous serons vigilants aux conclusions de cette concertation.

Concernant la situation des Crous, de nombreux étudiants ont changé leurs habitudes avec la crise sanitaire en fréquentant davantage les restaurants universitaires, sans que le financement des Crous évolue pour autant. Cela ne peut pas durer.

J'ai trouvé les mots de notre collègue Pierre Ouzoulias sévères concernant ce budget. Cela faisait longtemps qu'un ministre de l'enseignement supérieur n'avait pas gagné autant d'arbitrages par rapport à Bercy. Je pense en particulier à la rallonge budgétaire de 275 millions d'euros pour faire face aux surcoûts de l'énergie.

Par ailleurs, je ne partage pas la façon dont est décrite la situation des étudiants. De nombreux logements nouvellement construits ou réhabilités sont modernes, disposant d'un coin bureau et d'une douche. Il y a eu une évolution qualitative substantielle qui invite à ne pas noircir le tableau.

Concernant la dévolution immobilière, le processus est en cours avec une troisième vague qui concerne douze universités. Mais un désaccord subsiste entre le ministère qui souhaite une dévolution totale et certaines universités qui visent seulement une partie des bâtiments les concernant.

Je précise que les fonds consacrés à la rénovation du bâti universitaire, par exemple dans le cadre du plan de relance, viennent en plus de ceux qui doivent permettre de financer les projets des universités. Ce coup de pouce de l'État vient accélérer les rénovations.

La commission émet un avis favorable à l'adoption des crédits relatifs à l'enseignement supérieur au sein de la mission « Recherche et enseignement supérieur » .

LISTE DES PERSONNES ENTENDUES

Mardi 4 octobre 2022

- Udice : M. Michel DENEKEN , président, Mme Anne-Isabelle BISCHOFF , déléguée générale.

- Fédération des établissements d'enseignement supérieur d'intérêt collectif (Fésic) : Mme Delphine BLANC-LE QUILLIEC , déléguée générale, M. Germain COMERRE , chargé de relations institutionnelles et animation réseau.

Mardi 11 octobre 2022

- Conférence des directeurs des écoles françaises d'ingénieurs (CDEFI) : M. Christian LERMINIAUX , président du Conseil d'orientation stratégie de la CDEFI, Mme Isabelle SCHÖNINGER , directrice exécutive.

Mardi 18 octobre 2022

- Direction générale des finances publiques - Direction de l'immobilier de l'État : M. Alain RESPLANDY-BERNARD , directeur de l'immobilier de l'État.

- Union des grandes écoles indépendantes (UGEI) : M. Etienne CRAYE , président, Mme Sophie SAVIN , déléguée générale.

Mercredi 19 octobre 2022

- Conférence des grandes écoles (CGE) : MM. Laurent CHAMPANEY , président, Hughes BRUNET , délégué général, et Marc SAGOT , en charge des relations extérieures.

Jeudi 20 octobre 2022

- Centre national des oeuvres universitaires et scolaires (Cnous) : Mme Dominique MARCHAND , présidente.

ANNEXE

Audition de Mme Sylvie Retailleau, ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche

MERCREDI 19 OCTOBRE 2022

___________

M. Laurent Lafon , président . - Nous sommes heureux de vous accueillir, madame la ministre, pour cette audition consacrée aux crédits de votre ministère dans le projet de loi de finances (PLF) pour 2023.

Ils progressent de 1,1 milliard d'euros par rapport à 2022. Cette augmentation est fléchée sur trois principaux objectifs : la poursuite du déploiement de la loi de programmation de la recherche (LPR), qui entre dans sa troisième année de mise en oeuvre ; le renforcement des moyens attribués aux établissements du supérieur, notamment pour compenser la hausse du point d'indice des fonctionnaires ; le financement de mesures en faveur de la réussite des étudiants et de l'amélioration de leurs conditions de vie.

Cette hausse du budget, dont on ne peut que se réjouir, ne doit pas masquer les vives inquiétudes qu'expriment les opérateurs de l'enseignement supérieur et de la recherche au sujet de la forte inflation qui frappe notre économie. Ils estiment que l'envolée des prix de l'énergie entraînerait 100 millions d'euros de dépenses supplémentaires cette année et un doublement voire un triplement ou un quadruplement l'an prochain. Or le PLF 2023 ne prévoit, à ce stade, aucune compensation. Face à cette situation d'exception, les établissements d'enseignement supérieur et les organismes de recherche se disent prêts à prendre leur part de l'effort national, mais ils insistent sur leur marge de manoeuvre relative. L'accueil des étudiants et la continuité des activités de recherche ne sauraient être des variables d'ajustement. Nous sommes donc très soucieux de savoir comment vous abordez ce dossier et comptez y répondre.

Mme Sylvie Retailleau, ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche . - Je vous présenterai mon budget dans ses grandes lignes, pour laisser du temps au débat.

Les crédits de mon ministère progressent de 1,08 milliard d'euros par rapport à 2022, hors financements issus du Programme d'investissement d'avenir (PIA) et de France 2030. L'augmentation est continue depuis 2017, atteignant au total 3,6 milliards d'euros sur la période : cette hausse est d'autant plus notable qu'elle s'inscrit dans un contexte économique compliqué, et alors que le Gouvernement engage des dépenses massives pour préserver le pouvoir d'achat des Français.

Le budget de mon ministère pour 2023 s'élève à 25,7 milliards d'euros, dont 14,8 milliards d'euros pour le programme 150 « Formations supérieures et recherche universitaire » ; 7,8 milliards d'euros pour le programme 172 « Recherches scientifiques et technologiques pluridisciplinaires » ; et 3,1 milliards d'euros pour le programme 231 « Vie étudiante ».

L'augmentation des crédits du ministère poursuit, comme vous l'avez dit, trois objectifs principaux. D'abord, une compensation pérenne de la revalorisation du point d'indice aux établissements d'enseignement supérieur et de recherche, aux organismes de recherche à caractère scientifique et technologique ainsi qu'au réseau des oeuvres universitaires et scolaire : 500 millions d'euros supplémentaires sont prévus à cet effet, c'était pour moi une « ligne rouge » absolue. Ensuite, conformément à l'engagement que j'avais pris devant vous avant l'été, la poursuite de la trajectoire de la LPR : 400 millions d'euros supplémentaires y seront consacrés. Enfin, une enveloppe d'environ 200 millions d'euros de mesures nouvelles en faveur de la vie étudiante ou de reconduction, pour la rentrée universitaire 2022-2023, de certaines mesures exceptionnelles mises en oeuvre depuis la crise sanitaire.

Les trajectoires en crédits et en emplois prévus par la LPR seront pleinement respectées l'an prochain, grâce aux 400 millions d'euros supplémentaires, dont 350 millions pour les programmes du ministère, répartis comme suit : une hausse de 143 millions d'euros pour les universités et établissements d'enseignement supérieur du programme 150 et une hausse de 206 millions d'euros pour les organismes nationaux et les infrastructures de recherche du programme 172.

Ces moyens iront d'abord à des mesures « ressources humaines » : 114 millions d'euros supplémentaires pour améliorer la rémunération et les carrières de l'ensemble des personnels, fonctionnaires ou contractuels, sous statut de droit public ou privé, travaillant dans des organismes de recherche ou des universités. Ces mesures s'ajouteront à l'augmentation du point d'indice ; cette dernière n'est pas « noyée » dans les revalorisations salariales prévues, mais bien additionnelle.

S'ajoute à cette enveloppe de mesures « RH » la hausse d'environ 40 millions d'euros pour le recrutement de doctorants supplémentaires et la revalorisation de leur rémunération. Des doctorants plus nombreux et mieux rémunérés : c'est l'objectif de la LPR que nous mettons en oeuvre.

M. Pierre Ouzoulias . - Très bonne mesure !

Mme Sylvie Retailleau, ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche . - Ces revalorisations s'appliquent non pas seulement aux nouveaux contrats, comme c'était jusqu'à présent le cas, mais également aux contrats en cours, car la situation actuelle pouvait créer un sentiment d'inégalité. La rémunération minimale sera ainsi portée, au 1 er janvier 2023, à 2 044 euros bruts pour tous les doctorants, soit 3,5 % de plus de ce qui était prévu dans la LPR afin de tenir compte, pour eux aussi, de l'augmentation du point d'indice. Un arrêté interministériel viendra prochainement mettre en oeuvre cet ajustement.

Les autorisations d'engagement de l'Agence nationale de la recherche (ANR) augmentent de 400 millions d'euros par rapport au point de référence qui est 2020. La LPR ne prévoyait pas de montée en charge pour 2023. Les effets de cette augmentation sont déjà visibles, avec le relèvement du taux de sélection des appels à projets à 23 %. En crédits de paiement, la montée en charge des projets sélectionnés se traduit logiquement par une hausse d'environ 44 millions d'euros.

Les budgets des organismes de recherche et des universités gagnent 91 millions d'euros, pour garantir la soutenabilité de leurs recrutements et augmenter les dotations de base des laboratoires.

D'autres augmentations, pour un montant total de 81 millions d'euros supplémentaires, permettront d'améliorer les grands équipements scientifiques et de renforcer le lien sciences-société, en amplifiant la diffusion de la culture scientifique et les transferts des résultats de la recherche vers le monde des entreprises.

Enfin, les 650 créations de postes prévues par la LPR viendront soutenir l'attractivité de la recherche avec 179 nouvelles chaires de professeur junior (CPJ) - 120 pour les universités et 59 pour les ONR -, et 377 doctorants supplémentaires - 268 pour les universités et 109 pour les ONR -, ainsi que 94 postes dans les organismes.

Une nouvelle augmentation de près de 700 millions d'euros des moyens de l'enseignement supérieur permettra, c'est le deuxième point de mon propos, d'améliorer la réussite étudiante et de renforcer une visibilité pluriannuelle des universités sur leurs moyens.

Un premier bloc de mesures, d'un montant de 143 millions d'euros, iront aux établissements d'enseignement supérieur et de recherche au titre de la LPR, je viens d'en parler.

Le deuxième bloc, ce sont les 364 millions d'euros prévus pour la compensation de la revalorisation du point d'indice pour les établissements ayant accédé aux responsabilités et compétences dites « élargies », à quoi l'on peut ajouter 9 millions d'euros de crédits supplémentaires en titre 2 notamment pour les établissements n'ayant pas accédé à ces compétences élargies ;

Enfin, un troisième bloc, d'environ 160 millions d'euros de mesures nouvelles en faveur de l'enseignement supérieur. Elles visent d'abord à mieux prendre en compte l'évolution de la démographie étudiante, avec le « soclage » d'environ 50 millions d'euros de crédits ouverts au titre du plan de Relance pour la création de places de master et de licence, et une enveloppe complémentaire de 8 millions d'euros pour maintenir le taux d'encadrement dans les établissements relevant du programme 150 à la rentrée universitaire 2023-2024. Ce troisième bloc comprend ensuite le financement d'annonces ou de réformes déjà engagées, avec + 13 millions d'euros pour les coûts d'accueil des stagiaires dans les instituts nationaux supérieurs du professorat et de l'éducation (INSPE) et + 8 M€ pour la création de places dans les formations en santé à la rentrée 2023-2024. Sur les formations santé, je mentionnerai la création de 6 nouvelles unités de formation et de recherche (UFR) d'odontologie, la hausse du taux d'encadrement en deuxième cycle et la création d'un nouveau site aux Antilles.

Toujours dans ce troisième bloc, 35 millions d'euros supplémentaires iront à la conclusion de nouveaux contrats d'objectifs, de moyens et de performance (COMP), qui visent à renforcer la visibilité pluriannuelle des universités sur leurs moyens mais aussi leur implication dans la mise en oeuvre des politiques prioritaires - ces moyens s'ajoutent à l'enveloppe du dialogue stratégique et de gestion.

Parmi ces mesures, figurent aussi les moyens supplémentaires pour la programmation immobilière du ministère, avec 30 millions d'euros supplémentaires en crédits de paiement, mais aussi une augmentation de près de 400 millions d'euros des autorisations d'engagement, notamment pour permettre le lancement du Campus hospitalo-universitaire Saint-Ouen Grand Paris-Nord.

Enfin, toujours dans ce troisième bloc, la compensation en base aux établissements de mesures « RH » transversales mises en oeuvre en 2022, pour 17 millions d'euros, telles que les revalorisations de certains personnels administratifs, sociaux et de santé.

Le budget 2023 permet enfin d'améliorer les conditions de vie étudiante et de continuer à lutter contre la précarité étudiante. Je citerai les deux principales mesures annoncées pour le pouvoir d'achat, qui ont à elles seules un impact de 135 millions d'euros l'an prochain : la revalorisation de 4 % des bourses sur critères sociaux à la rentrée universitaire 2022-2023, qui aura un coût en année pleine de 85 millions d'euros environ ; le maintien du repas à 1 euro dans les restaurants universitaires pour les étudiants précaires, soit un manque à gagner d'environ 50 millions d'euros pour les Crous qui sera intégralement compensé par l'État.

Ce budget permet également de renforcer l'accompagnement des étudiants, de mieux protéger leur santé, de mieux prendre en compte leurs difficultés. Je pense au doublement des moyens consacrés pour lutter contre les violences sexistes et sexuelles dans les établissements d'enseignement (+ 1,8 million d'euros) ; c'est un sujet majeur sur lequel j'ai eu l'occasion de m'exprimer il y a deux semaines, à l'occasion du lancement d'une campagne de sensibilisation sur le consentement. Nous amplifierons ainsi notre soutien aux associations et aux établissements dans leurs projets de prévention et de formation.

Je pense également au doublement des moyens dédiés à l'accompagnement des étudiants en situation de handicap, soit une hausse de 7,5 millions d'euros conformément aux conclusions du comité interministériel au handicap de février 2022.

Je citerai également la réforme des services de santé universitaire (SSU) que j'ai annoncée la semaine dernière et pour laquelle je mobiliserai une enveloppe de 8,2 millions d'euros. Les crédits ouverts l'an dernier pour financer la distribution gratuite de protections périodiques dans les restaurants et résidences universitaires sont par ailleurs pérennisés.

Je pense, enfin, à l'augmentation de 3 millions d'euros de l'enveloppe dédiée à la mobilité étudiante afin de faciliter les études dans d'autres académies et à l'international.

Le budget pour 2023 traduit aussi le soutien apporté au réseau des oeuvres universitaires et scolaires, avec le renforcement des services sociaux des Crous : 40 travailleurs sociaux supplémentaires seront recrutés, et le dispositif de référents étudiants en résidence universitaire sera pérennisé, afin de lutter contre l'isolement des étudiants et d'améliorer leur accueil en résidence ; 4 millions d'euros supplémentaires seront alloués à la mise en oeuvre des objectifs de la loi Egalim en faveur d'une alimentation équilibrée et de qualité, sachant que ces objectifs impliquent un renchérissement des coûts d'approvisionnement ; en plus de la compensation du point d'indice, qui correspond à 15 millions d'euros pour le réseau, le budget 2023 permet la revalorisation salariale de ses agents, notamment les personnels ouvriers, à hauteur de 12 millions d'euros supplémentaires.

Je rappelle qu'en plus du budget du ministère, s'ajoutent les crédits de France 2030, ce plan d'investissement massif articulé autour de grands objectifs pour faire émerger les solutions de demain et répondre aux défis de notre temps, en particulier celui de la transition écologique. La recherche et l'innovation sont à la source des nouvelles découvertes, qu'il s'agisse de fonds marins ou de l'espace, de nouveaux médicaments ou de nucléaire, d'agriculture ou de mobilités propres. Le déploiement de ces innovations nécessitera de former de nouveaux talents, en s'appuyant, entre autres, sur l'excellence de nos sites universitaires et de nos établissements. Ainsi, plus de 13 milliards d'euros seront investis au bénéfice des acteurs de la recherche, de l'enseignement supérieur et de l'innovation sur la période 2020-2027.

Enfin, un mot sur la question de l'énergie. Je suis pleinement consciente de l'impact des surcoûts et des incertitudes qu'ils génèrent pour nos établissements, notamment pour la préparation des budgets 2023. Les surcoûts pourraient atteindre, pour les établissements d'enseignement supérieur, environ 100 millions d'euros cette année et 500 millions d'euros l'an prochain en 2023 par rapport à 2021, et pour les organismes nationaux de recherche, ils pourraient être de l'ordre de 40 millions d'euros cette année et 200 millions d'euros l'an prochain.

En raison de la difficulté à évaluer avec précision à ce stade les surcoûts qui seront réellement subis par les établissements, nous examinons avec Gabriel Attal la meilleure façon d'accompagner nos opérateurs, en étudiant différentes options et différents scénarios. Nous serons en mesure de vous le détailler très prochainement.

Pour ce qui concerne l'élaboration des budgets initiaux 2023, qui est la préoccupation immédiate de nos opérateurs, je réitèrerai les consignes très claires que j'ai transmises tant aux universités qu'aux organismes de recherche : les contraintes budgétaires liées aux coûts de l'énergie ne doivent pénaliser, dans toute la mesure du possible, ni les projets de recherche ou d'investissement, ni les campagnes de recrutement, ni les conditions d'enseignement ou de recherche.

Si cela doit conduire à élaborer un budget initial en déficit, je l'assume pleinement : beaucoup d'établissements disposent de réserves financières qui sont là précisément pour faire face à ces situations exceptionnelles, et qui doivent être mobilisées lorsque c'est possible. Toutefois, les situations sont hétérogènes d'un établissement à l'autre, et ces réserves sont pour une très large part gagées sur des dépenses futures d'investissement, sur des projets de recherche ANR ou PIA, sur des provisions pour risques ou encore sur des remboursements d'emprunt. C'est pour cette raison que le dispositif de compensation nous permettra d'intervenir, afin de contribuer à l'équilibrage des comptes lorsque les surcoûts seront définitivement connus.

Le budget du ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche est un budget important. Malgré les contraintes actuelles, il est, cette année encore, en augmentation. Cela traduit l'engagement renouvelé du Gouvernement en faveur de l'enseignement supérieur et de la recherche, en faveur de nos étudiantes et de nos étudiants, en faveur de notre avenir.

Mme Laure Darcos . - Merci beaucoup, Madame la ministre, pour cette présentation très précise.

Tous les organismes de recherche que j'ai auditionnés m'ont dit « être pris à la gorge » par le renchérissement des prix de l'énergie et ne pas savoir comment boucler leur budget 2023. N'oublions pas que la consommation énergétique des activités de recherche comprend une part incompressible qui peut atteindre 60 % voire 70 %, par exemple, pour la ventilation nucléaire.

Le projet de budget pour 2023 ne comprenant aucune enveloppe de compensation, confirmez-vous votre volonté de recourir à des compensations en gestion ? Procéderez-vous au cas par cas, selon la situation de chaque organisme ?

N'est-il pas envisageable de permettre aux organismes de recherche de bénéficier d'une part des recettes de la future « contribution temporaire de solidarité », au motif qu'ils participent à l'avenir à la Nation, notamment sur le plan de la transition énergétique ?

Concernant le déploiement de la LPR, j'ai été alertée sur le démarrage relativement lent des chaires de professeurs juniors, qui s'explique à la fois par le retard de publication du décret afférent et la persistance de résistances locales. Les crédits de paiement non consommés ont donc été reportés... si cela perdurait, il est à craindre que Bercy s'en mêle : avez-vous identifié ce risque ? Escomptez-vous une montée en charge du dispositif ?

La mesure consistant à consacrer 1 % du budget d'intervention de l'ANR à la culture scientifique fait l'objet d'une bonne dynamique, ce qui me réjouit. Il est en effet primordial d'investir dans la culture scientifique pour former les consciences éclairées de demain. Un Conseil national de la culture scientifique avait été créé par la loi Fioraso - dont on va bientôt fêter les 10 ans - pour faire dialoguer les principaux acteurs du secteur. Or, il semble que l'instance soit en déshérence depuis quelque temps : comptez-vous la réactiver ?

Quand et comment souhaitez-vous ouvrir le dossier de la restructuration du paysage français de la recherche, sachant que le climat s'est tendu ces derniers temps entre les grands organismes et les établissements ?

Enfin, l'Institut Paul-Émile Victor connaît de très graves difficultés, le plafond d'emplois est sous-dimensionné, ce qui conduit cet institut à contourner le droit du travail et à reporter toute rénovation pourtant indispensable de ses stations. Le Gouvernement va-t-il accepter l'amendement de l'Assemblée nationale visant à financer 5 ETP supplémentaires ? Quelles solutions pour adapter le plafond d'emplois de cet institut ? Alors que les campagnes d'été sont lancées et que cet institut est touché de plein fouet par l'explosion des prix des matières premières, du fret maritime et du transport aérien, ses crédits sont reconduits à l'identique : allez-vous accepter la hausse de 3 millions d'euros votée hier par la commission du développement durable de l'Assemblée nationale ?

M. Stéphane Piednoir , rapporteur pour avis des crédits de la mission « Enseignement supérieur » . - Face au renchérissement de l'énergie, la solution de court-terme consistant à recourir aux fonds de roulement n'est pas complètement satisfaisante : une partie de ces fonds est déjà fléchée sur des actions données ou des programmes d'investissement, dont la suspension compromettrait le développement des établissements ; ensuite, ces fonds sont généralement le résultat d'une bonne gestion financière, les prélever reviendrait à pénaliser cette bonne gestion. Appelez-vous néanmoins formellement les établissements à puiser dans leur trésorerie ?

Le travail de recensement et d'expertise des usages et des équipements va prendre du temps et ses effets ne seront pas visibles avant courant 2023 voire 2024 : en attendant, envisagez-vous des aides exceptionnelles ciblées sur certains établissements ? Votre collègue de l'économie a assuré, il y a quelques semaines, vouloir « trouver des moyens » pour que les universités fonctionnent cet hiver... Quelles compensations envisagez-vous et comment fonctionneront-elles ? Une réorganisation de l'année universitaire, qui consisterait à moins concentrer les enseignements sur l'automne et l'hiver, est-elle une piste que vous étudiez ?

La Cour des comptes vient de rendre public un rapport assez sévère sur l'immobilier universitaire, qui représente près de 20 % de l'immobilier de l'État. Partagez-vous ses constats ? Comment comptez-vous redresser la barre ? Êtes-vous favorable à une possibilité d'emprunt plus large pour les universités ?

Sur les contrats d'objectifs, de moyens et de performance, il semble qu'une douzaine d'universités-pilotes soient concernées l'année prochaine : nous le confirmez-vous ? Quel est le profil des universités retenues ? En quoi consisteront concrètement ces contrats et envisagez-vous leur généralisation ?

Sur la concertation relative à la vie étudiante, prévoyez-vous d'informer voire d'associer les parlementaires à la réflexion ?

S'agissant des bourses sur critères sociaux, êtes-vous prête à mettre sur la table la question du rattachement au foyer fiscal des parents, c'est une demande récurrente, et pensez-vous qu'une territorialisation soit possible ?

Enfin, comme je le fais régulièrement depuis 2018, je déplore le faible financement des établissements d'enseignement supérieur privé d'intérêt général (Eespig) : leur dotation correspond à 650 euros par élève, contre près de 11 000 euros dans le public. La reconnaissance de l'intérêt général doit se traduire financièrement : qu'en pensez-vous ?

Mme Sylvie Retailleau, ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche . - Les établissements d'enseignement supérieur et les organismes nationaux de recherche seront suivis et accompagnés au cas par cas. En plus de la mobilisation de leur fonds de roulement, ils pourront avoir un budget en déficit. Nous sommes en train d'étudier les modalités précises de cette compensation : celle-ci interviendra soit en tant que recette dans le budget 2023, soit en 2022 pour alimenter le fonds de roulement et sera compensée sur le budget déficitaire au moment des comptes. Nous donnerons les consignes précises aussi bien aux organismes qu'aux universités, lorsque nous en aurons décidé.

Vous l'avez dit, le fonds de roulement comprend une réserve de 15 jours de masse salariale, et d'autres parties qui sont plus ou moins gagées par des projets en cours ou à venir ; nous connaissons la répartition pour chacun des établissements. Ce que nous visons, c'est le fonds « dormant », c'est-à-dire la partie disponible que nous demandons de mobiliser par solidarité et responsabilité. Ce fonds est aussi prévu pour faire face à des situations de crise ; or nous sommes face à une crise, nous mobilisons donc tous les moyens qui ne compromettent pas les projets de recherche et nous préservons bien entendu les 15 jours de fonctionnement.

Le dispositif des CPJ a connu un démarrage plus long que nous ne l'envisagions, en raison d'un degré divers d'acceptabilité. Mais les crédits dédiés sont fléchés ; il n'est pas question de les réorienter, et je vous confirme qu'ils ne sont pas menacés.

L'ANR est mobilisée pour renforcer les liens entre sciences et société, pour la science participative, la science avec et pour la société. Vous avez raison de signaler que le Conseil national de la culture scientifique est « dormant », nous allons regarder de près cette question. Nous discutons aussi régulièrement avec France universités sur des sujets très divers, pour conforter en particulier le rôle territorial des universités.

La recherche polaire est déterminante pour la connaissance du changement climatique et des océans. Nous avons doté l'Institut Paul-Émile Victor de 11 postes supplémentaires entre 2021 et 2023, dont 7 l'an dernier, mais cet institut a des difficultés structurelles ; tous les postes n'y sont pas pourvus. Nous avons également financé 7,8 millions d'euros pour les études sur la rénovation de la base Dumont d'Urville. Il faudra régler le problème structurel en choisissant entre plusieurs scénarios de rénovation des stations et en regardant du côté des partenariats européens. En tout état de cause, je m'engage à ce que la campagne engagée de novembre à mars ne soit pas gênée - et je prévois, pour cela, une enveloppe d'urgence d'1 million d'euros. Aucune mission ne sera bloquée.

La réorganisation de l'année universitaire est une piste, il faut se mettre autour de la table.

Le rapport de la Cour des comptes sur l'immobilier universitaire - qui représente un peu plus de 18 millions de m 2 -, souligne le fort impact écologique de notre patrimoine. Nous travaillons avec Christophe Béchu à une planification écologique, avec des propositions de rénovation énergétique et thermique, pour parvenir à un grand plan de rénovation ; nous espérons l'annoncer rapidement.

Le nombre de COMP n'est pas fixé, nous travaillons sur leur contenu et leur format. Ces nouveaux contrats serviront de levier pour les politiques prioritaires des établissements et permettront de mieux suivre l'évolution de leur performance. Je crois que nous irons vers leur généralisation, mais nous n'en sommes pas là.

J'ai demandé une mission d'expertise sur la qualité de la vie étudiante, elle sera lancée avec les acteurs locaux et vous y serez associés.

Nous lançons parallèlement la concertation sur la vie étudiante, avec une réflexion à la fois nationale et territoriale. J'ai nommé un délégué, Jean-Michel Jolion, sur la question spécifique des bourses sur critères sociaux. Le débat commence et je ne peux le préempter. Cependant, je ne veux pas laisser penser que rien n'existe actuellement pour les jeunes qui sortent du foyer fiscal de leurs parents ; il y a des aides exceptionnelles des Crous en cas de rupture avec la famille.

Les Eespig ont effectivement évolué et le soutien de l'État a, il est vrai, atteint un plancher de 600 euros par élève ces dernières années. Mais nous avons commencé à inverser la tendance en 2021, avec une dotation augmentée de 9 millions d'euros. Nous maintenons notre effort avec 1 million d'euros supplémentaires prévu l'année prochaine pour ne pas la faire redescendre, compte tenu de l'évolution démographique.

M. Jean-Pierre Moga . - La France a une vision trop linéaire de l'innovation, que les pouvoirs publics soutiennent surtout par des appels à projets. Or ceux-ci ne s'inscrivent pas dans des feuilles de route industrielles et technologiques et ne permettent pas la vision sur le moyen et le long terme que nécessitent la recherche et l'innovation.

En réalité, nous devons améliorer l'enseignement scientifique dans notre pays. On estime que notre économie a besoin de 50 000 à 60 000 nouveaux ingénieurs par an, nous n'en formons qu'un peu plus de 33 000. Résultat : notre compétitivité recule. Le nombre de doctorants augmente, après avoir baissé fortement, mais il reste inférieur à celui de 2009. Dans ces conditions, comment attirer davantage d'ingénieurs et de doctorants, pour répondre aux besoins de notre économie ?

Mme Sylvie Robert . - Merci, Madame la ministre pour votre engagement, que nous saluons.

Vous parlez de la compensation du point d'indice, mais les personnels contractuels sont-ils intégrés ?

Les Crous vont avoir de nouveaux travailleurs sociaux - leur rôle a été très important pendant la crise sanitaire : pensez-vous que l'enveloppe prévue suffira à faire face aux hausses des prix alimentaires et de l'énergie ? On nous rapporte que les prix de confection des repas augmentent, les contraintes sont réelles... Quel regard portez-vous sur le rapport de la Cour des comptes qui appelle à une révision du modèle économique des Crous ?

M. Pierre Ouzoulias . - Merci, Madame la ministre, pour la clarté et la précision de vos propos.

J'aurais voulu interroger celui qui, dans l'exécutif, tient les clés de la caisse : M. Bercy ! Lorsqu'en juillet dernier, je l'ai alerté sur le fait que certaines universités manquaient déjà de moyens pour la rentrée, je n'ai pas obtenu de réponse ; maintenant que des difficultés se sont ajoutées, les universités vont devoir quémander des moyens supplémentaires pour assurer leurs missions de service public. Cette forme de curatelle budgétaire est opposée à l'autonomie des universités. Notre humanité fait face à des défis majeurs, nous ne pourrons pas les régler sans un engagement massif, historique, dans la recherche et l'université - mais nous butons sur ce mystère, qui est aussi une question que je vous pose : pourquoi les élites françaises n'aiment-elles pas les universités ? Je le dis en passant, mais si les étudiants descendent dans la rue, le Gouvernement ne disposera pas de la réquisition pour les faire revenir à l'université - et cela coûtera bien plus cher à M. Bercy...

Le Gouvernement, pour former 25 000 hauts fonctionnaires à la transition énergétique, a prévu de recourir aux lumières de l'Institut national du service public (INSP) : pourquoi ne s'est-il pas adressé aux universités ? Cela aurait été un symbole fort...

Votre prédécesseure, ensuite, s'était engagée à une centaine de conventions de formation par la recherche en administration (cofra). Pour cette année, il n'y en a eu qu'une dizaine : le signal est catastrophique et je regrette que l'engagement pris devant nous n'ait pas été tenu. La comparaison avec l'Allemagne pour le nombre de ministres titulaires d'un doctorat témoigne d'un décalage et peut-être explique que nous ayons tant de mal en France à promouvoir la valeur du doctorat...

M. Jean Hingray . - Les universités ont salué l'augmentation des crédits pour lutter contre les violences sexuelles et sexistes, mais des associations féministes étudiantes soulignent que ces crédits restent quatre fois moindres que ceux consacrés à la santé : est-ce le cas ?

À Rennes, des étudiants et syndicats étudiants dénoncent l'exclusion des hommes d'un atelier informatique organisé par le service culturel de l'Université : comment réagissez-vous à cette nouvelle polémique ? Et que pensez-vous de l'appel à l'insurrection lancé par le député Louis Boyard lors d'une conférence devant des étudiants à Strasbourg ?

M. Bernard Fialaire . - Une question sur l'égalité des chances dans l'accès aux classes préparatoires. Il y avait cette année 83 000 étudiants en classes préparatoires, 63 % en filière scientifique, 23 % en économie et 14 % dans les filières littéraires. Les prépas publiques donnent de très bons résultats en sciences et en lettres, mais pas dans les filières économiques : sur les 10 meilleures prépas, 7 sont privées, avec un coût moyen de 5 000 euros l'année - comment redonner une meilleure place aux prépas publiques ?

Concernant la place croissante des officines privées dans la préparation des études de santé, Mme Vidal nous avait assuré que la fin du numerus clausus règlerait les problèmes d'effectifs. Or il n'en n'est rien : il n'y a jamais eu autant de candidats dans ces filières ! Certaines universités envisagent des tutorats pour accompagner les étudiants dans la préparation du concours, qu'en pensez-vous ?

Sur la recherche en mathématiques, on voit qu'il y a toujours moins de professeurs, mais plus de tâches administratives...

Comment évaluez-vous le rôle des CPJ ? Mme Vidal avait assuré que pour chaque CPJ, on ouvrirait un poste de professeur : où en est-on ?

Enfin, quelle évaluation faites-vous du crédit d'impôt recherche (CIR) ?

M. Max Brisson . - A propos de la territorialisation des bourses, les collectivités territoriales aident déjà les étudiants sur des critères sociaux - aussi la concertation est-elle de bon sens, mais pourra-t-on aller jusqu'au guichet unique, qui faciliterait la vie des étudiants ? Même chose pour la vie étudiante dans son ensemble, et sans aller jusqu'à relayer le propos de la présidente de la région Ile-de-France, qui demande le transfert de cette compétence aux régions, je note que vous avez déclaré dans le journal Le Monde du 15 septembre être « en consultation de terrain » : jusqu'où irez-vous dans la réforme ?

S'agissant de la recherche, je suis heureux de vous entendre annoncer une extension de la revalorisation « au stock » des doctorants - mesure aujourd'hui limitée au « flux » -, mais peut-on en savoir davantage sur les modalités de répartition ?

La LPR avait suscité bien des débats, sur la non prise en compte de l'inflation. Mme Vidal et son collègue de Bercy nous répondaient que nous étions à l'abri de l'inflation ; elle est désormais historique, mais aucune revalorisation n'est prévue. Vous allez répondre sur la compensation des dépenses d'énergie, mais cette compensation est conjoncturelle, alors que la crise ne le sera probablement pas - à ce compte-là, ne faut-ils pas adapter la LPR ?

La loi sur l'école de la confiance avait prévu que le master serait le cursus prépondérant au métier d'enseignant, nous en sommes encore très loin : pourquoi ? Le décalage des dates des concours de M1 à M2 a eu un effet mécanique sur le nombre de candidats, au point qu'il y en a eu moins, dans certaines disciplines, que le nombre de postes : est-ce conjoncturel ou structurel ? Comment y travaillez-vous avec le ministre de l'éducation nationale ?

Enfin, comment comptez-vous faire face à la réduction du vivier de professeurs de mathématiques ? La réponse que vient de donner le ministre de l'éducation nationale à notre collègue Laure Darcos lors des questions d'actualité a de quoi inquiéter...

M. Pierre-Antoine Levi . - Je salue la hausse des crédits, mais je suis déçu par le volet « vie étudiante » ; il faut plus de moyens face à la précarité. Les classes moyennes sont aussi touchées, en particulier quand les étudiants n'accèdent pas aux logements du Crous, ni au repas à 1 euro. Pourquoi ne pas avoir maintenu le repas à 1 euro pour tous les étudiants ?

Ensuite, quelles solutions pour les étudiants dont les établissements ne proposent pas de restauration universitaire ? Il faut regarder les zones blanches des Crous, je regrette que vous ne repreniez pas ma proposition d'un ticket restaurant et j'avoue que vos crédits... me laissent sur ma faim... Il est temps de proposer des solutions à ces étudiants, qui n'ont pas toujours deux repas par jour.

Mme Sonia de La Provôté . - Lors de votre audition du mois de juillet, vous nous aviez dit que vous n'entendiez pas réformer une nouvelle fois l'accès aux études de santé ; cependant, des ajustements restent nécessaires et il faut prendre garde à ne pas pénaliser les promotions d'étudiants d'aujourd'hui : comment comptez-vous vous y prendre ? Ensuite, quand on voit le nombre de places en pharmacie qui ne sont pas pourvues, alors que les pharmaciens sont appelés à jouer un rôle toujours plus grand dans l'offre de soins, on comprend tout le travail qu'il faudrait faire pour promouvoir cette filière dès le lycée : qu'en pensez-vous ?

Mme Alexandra Borchio Fontimp . - Depuis quelques années, les étudiants doivent payer la contribution de vie étudiante et de campus (CVEC), qui est d'autant plus mal comprise qu'elle grève un budget étudiant déjà bien maigre, voire insuffisant et que le pouvoir d'achat des étudiants est en chute libre. J'ai déjà défendu un amendement au dernier collectif budgétaire pour supprimer cette taxe et je compte réitérer - parce que si l'objectif est honorable, je ne comprends pas qu'on taxe davantage les étudiants. La CVEC rapporte 137,9 millions d'euros, quelle part en revient effectivement aux Crous ?

M. Laurent Lafon , président . - Une demande de précision : le gel sur les loyers des Crous concerne-t-il aussi les charges ?

Mme Sylvie Retailleau, ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche . - Comment attirer plus de doctorants et mieux valoriser le doctorat ? La LPR va augmenter de 20 % le nombre de doctorants, nous avons aussi doublé le nombre de conventions industrielles de formation par la recherche (Cifre), ce n'est pas négligeable. Il faut aussi regarder le meilleur taux d'acceptation des projets ANR déposés par les doctorants : le taux de sélection global est passé à 23 % et sera bientôt à 30 %. Il y a également le PIA, avec ses 13 milliards d'euros pour la recherche, qui comporte de grands volets comme le quantique ou l'hydrogène. Tout cela contribuera à ce que nous ayons davantage de doctorants dans les années à venir, ce qui n'empêche pas que nous devions continuer de mieux valoriser ce diplôme dans notre pays.

La compensation du point d'indice concerne bien les personnels contractuels et tous les établissements situés dans le périmètre de mon ministère.

Le tarif du repas universitaire est bloqué depuis trois ans, avec un plafond à 3,3 euros : ceux qui ne mangent pas à 1 euro, paient au maximum 3,3 euros, c'est un soutien déjà important. Il y a des zones blanches, c'est vrai, nous devons améliorer les choses. J'ai parlé des 4,4 millions d'euros pour aider les Crous à mettre en place les mesures de la loi Egalim, c'est important. D'une manière générale, nous devons continuer d'accompagner les Crous et le Cnous en considérant des partenariats nouveaux, fruits de discussions territoriales, et nous devons tendre vers des modèles multi-acteurs, où le Cnous joue son rôle parmi d'autres intervenants, par exemple les bailleurs sociaux. Nous regardons en particulier comment ouvrir la centrale d'achat du réseau à des partenaires territoriaux, ce qui permettrait de réaliser des économies d'échelle et dessinerait un nouveau modèle - mais cela requiert une évolution législative, nous y travaillons en recherchant le bon véhicule, avec vous, j'espère aboutir dès cette année.

La formation des 25 000 fonctionnaires à la transition écologique par l'INSP fera appel à des chercheurs de l'université, il y aura donc un lien direct entre eux et les étudiants.

Comme ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche, et aussi professeure des universités, je crois à un système universitaire pluriel et je vois que le nôtre évolue, l'Université devient plus lisible, notre modèle se renforce et il est mieux reconnu.

L'objectif d'une centaine de Cofra par an se heurte, en plus de problèmes budgétaires, à ceux des plafonds d'emplois et de publicité, ou encore de reconnaissance par les administrations - le problème est donc multiple.

Nous doublons le budget consacré aux problèmes de violences sexuelles et sexistes à l'université ; ces moyens vont servir à constituer des équipes en région, à accompagner les établissements et à améliorer les procédures. Nous ciblons des actions précises, que nous allons suivre. Notre objectif est aussi de professionnaliser cette intervention.

Je ne saurais commenter un appel à l'insurrection des étudiants, autrement qu'en rappelant que je suis une fervente républicaine, attachée aux valeurs, aux droits et aux devoirs qui fondent notre République.

Sur l'égalité des chances d'accès aux grandes écoles, beaucoup est déjà fait. Le tutorat en médecine existe depuis longtemps, nous réfléchissons à une articulation du tutorat et du mentorat dans les zones plus rurales, pour que des jeunes accèdent davantage aux grandes écoles et qu'ils puissent revenir plus facilement sur le territoire où ils ont grandi. Ce travail commence dès le secondaire.

Nous discutons avec la conférence de doyens sur la réforme du premier cycle des études de pharmacie ; nous attendons qu'elle nous fasse des propositions sur les 33 % de postes non pourvus en pharmacie. Nous attendons aussi le rapport du comité de suivi de la réforme. En tout état de cause, nous allons vers une forme de cadrage.

Nous regardons aussi de près, avec mon collègue de l'éducation nationale, la situation de l'enseignement et de la recherche en mathématiques. Nous devons être vigilants à ne pas nous focaliser sur les seules mathématiques car nous avons la responsabilité de regarder aussi ce qui se passe dans les autres filières scientifiques, par exemple en informatique. Les médailles Fields font la fierté de notre pays, mais elles ne suffisent pas. Nous avons besoin d'une vision globale, dans le secondaire et dans le supérieur. Les sujets à traiter sont nombreux, par exemple la place des jeunes femmes dans l'enseignement des sciences, et le cadre est celui de l'autonomie des universités, qui choisissent leur offre d'enseignement.

Les CPJ sont un outil pour attirer de nouveaux profils à l'université. Les premiers postes viennent d'être pourvus, donc nous manquons de recul. A ce stade, ce que je peux vous dire, c'est que les établissements y ont progressivement recours, pour des profils divers et aussi dans des disciplines émergentes.

Oui, le guichet unique est une piste pour les aides aux étudiants. Nous avons augmenté toutes les bourses de 4 %, y compris celles qui dépendent des régions, de même que l'aide exceptionnelle de 100 euros concerne tous les étudiants.

La présidente de la région Ile-de-France connait le sujet de la vie étudiante ; votre propos me donne l'occasion de dire que je la rencontrerai la semaine prochaine. Je cherche des pistes concrètes pour avancer, nous devons les examiner avec volontarisme, de même que pour l'accès des étudiants au sport et à la culture - autant de sujets pour les dialogues territoriaux.

Les mesures que nous prenons pour compenser les augmentations des prix de l'énergie sont effectivement conjoncturelles. La LPR a été adoptée avec un calendrier ; nous avons maintenu l'échéancier malgré les difficultés actuelles, la loi reste notre feuille de route. L'inflation est un problème particulier ; je m'engage à revenir devant vous avant l'été pour un premier bilan de la LPR, mesure par mesure.

Les réformes se sont multipliées sur la formation des professeurs des écoles depuis dix ans, cela pose problème pour l'attractivité de ce métier. Nous voulons un cadre enfin stable et clair. Je suis allée à la Conférence des directeurs d'INSPE : il y a des pistes pour un parcours à partir de la licence, sans empêcher les passerelles, avec des bases disciplinaires solides et une implication dans le métier.

La CVEC a été un levier pour renforcer l'accès des étudiants au sport et à la culture, c'est important et c'est pourquoi les établissements et les Crous s'en sont emparés. Je rappelle que les 95 euros de cette contribution ont remplacé les 217 euros que les étudiants acquittaient pour l'ancien régime étudiant de sécurité sociale : ils paient donc moins, pour plus de service. Nous avons aussi ajouté le Pass'Sport. La CVEC a fait gagner du pouvoir d'achat aux étudiants et augmenté l'offre de services.

Je précise qu'en plus du gel du loyer des Crous, les étudiants ont vu leur APL progresser de 3,5 %, ce qui concerne aussi les étudiants des classes moyennes. Enfin, si les charges sont à la discrétion des Crous, elles sont plafonnées.

M. Laurent Lafon , président . - Merci, madame la ministre pour toutes ces précisions.


* 1 Rapport d'information n° 742 (2020-2021) de M. Laurent Lafon, fait au nom de la mission d'information sur les conditions de la vie étudiante, « Accompagnement des étudiants : une priorité et un enjeu d'avenir pour l'État et les collectivités ».

* 2 Pour l'ensemble des établissements d'enseignement supérieur et de recherche.

* 3 Cour des comptes, « L'immobilier universitaire », octobre 2022.

* 4 Rapport d'information n° 742 (2020-2021) de M. Laurent Lafon, fait au nom de la mission d'information sur les conditions de la vie étudiante, « Accompagnement des étudiants : une priorité et un enjeu d'avenir pour l'État et les collectivités ».

* 5 Pour bénéficier de l'APL, un étudiant, français ou étranger, doit louer un logement « décent » - dont le propriétaire n'est pas quelqu'un de sa famille - et ne pas dépasser un certain plafond de revenu. A contrario, les bourses sur critères sociaux se fondent sur le revenu brut global déclaré par les parents de l'étudiant et l'éloignement du lieu d'études.

Page mise à jour le

Partager cette page