B. DES CRÉDITS QUI MANQUENT D'AMBITION AU REGARD DES ENJEUX DE L'APRÈS-RELANCE ET DU CONTEXTE ÉCONOMIQUE TOUJOURS DIFFICILE

En dehors de ces crédits exceptionnels liés aux enjeux énergétiques, les crédits ordinaires liés à l'industrie au sein de la mission « Économie » se situeront, en 2023, à un niveau similaire ou inférieur à celui des années précédentes . Ainsi, les crédits consacrés aux études de politique industrielle, bien qu'augmentant en 2023 de 14 % en AE, baisseront de 25 % en CP, et resteront dans les deux cas bien inférieurs à leurs niveaux de 2021 (- 5 % et - 30 % respectivement). De même, le financement des pôles de compétitivité, prévu à un niveau stable, n'en sera pas moins de 22 % et 29 % (AE et CP) inférieur à son niveau de 2021. Enfin, le contexte inflationniste ne permet pas de préjuger de la hausse du financement en termes réels : ainsi, une partie de la hausse de 7 % du financement des centres techniques industriels sera probablement annulée par les effets de l'inflation (estimée à 5,3 % et 4,5 % respectivement pour 2022 et 2023).

Néanmoins, les moyens d'action de la Direction générale des entreprises s'établiront, pour 2023, à un niveau élevé. Le budget prévisionnel de fonctionnement de la DGE, de 3,92 M€ (AE et CP) est de 10 % supérieur à celui de 2022, et représente près de deux fois le budget qui était celui de la Direction en 2021. Cela témoigne de l'ampleur qu'a prise l'action de la DGE dans le cadre du plan de relance, et qui devrait se poursuivre avec la mise en oeuvre de « France 2030 » .

1. France 2030 et les PIA ne pourront pas impulser seuls les grandes transitions de l'industrie : des dispositifs d'aide doivent aussi soutenir l'ensemble du tissu industriel

La mission « Économie » ne porte, en 2023, presque plus aucune aide directe à destination du secteur industriel , à l'exclusion de la « compensation carbone » déjà évoquée et du financement résiduel des pôles de compétitivité. Le Gouvernement a fait le choix de renvoyer la plupart des dispositifs d'aide à l'innovation et à l'investissement aux PIA successifs et au plan « France 2030 » , dont les moyens budgétaires sont sans commune mesure avec ceux de la mission « Économie ». La commission des affaires économiques regrette néanmoins l'éclatement de ces moyens , qui n'offre pas une visibilité satisfaisante sur la conduite de la politique industrielle.

Sur le fond, tant « France 2030 » que les PIA sont en grande partie déployés via des logiques d'appels d'offres nationaux, que l'on sait difficilement accessibles aux PME et aux ETI . La logique sélective de ces dispositifs exclut de facto une partie des acteurs industriels des aides publiques : à titre d'exemple, plus de 40 % des aides à l'innovation industrielle sont concentrées sur 5 départements français.

Il est regrettable que certaines des leçons tirées de la période de relance - comme le grand succès des guichets d'aide à l'investissement dans la décarbonation, dans la modernisation de l'outil industriel ou dans la relocalisation - n'aient pas été tirées, et que des aides directes, au spectre plus large, n'aient pas été pérennisées dans le cadre de la mission « Économie » .

2. Un financement insuffisant du volet territorial de la politique industrielle, les « Territoires d'industrie », qui a pourtant joué un rôle efficace dans le déploiement des aides à l'industrie

De surcroît, la prise en compte de l'échelon territorial de la politique industrielle reste insuffisante : il doit être renforcé, en lien avec l'action des collectivités territoriales en matière d'aménagement et de développement économique. Le déploiement du volet territorialisé du plan de relance, en lien avec les Régions et les intercommunalités, a justement permis d'amorcer des dynamiques qu'il faut accompagner et amplifier.

À ce titre, l'annonce de la prolongation jusqu'à 2026 du programme « Territoires d'industrie » est une bonne nouvelle, qu'il convient désormais d'accompagner des moyens d'action nécessaires . Initialement conçu comme un lieu d'animation locale uniquement, le programme a en réalité largement contribué au déploiement des aides de la relance et au soutien financier des projets émergents dans les territoires industriels, y compris grâce à des enveloppes propres créées spécifiquement.

Le rapporteur a ainsi proposé à la commission de créer une ligne de dotation budgétaire pérenne et lisible au profit du programme « Territoires d'industrie », afin de sécuriser un financement de 100 M€ sur quatre ans . Les priorités de ce financement propre devraient être (1) le soutien à l'ingénierie des collectivités , notamment par l'aide au recrutement de la deuxième génération de chefs de projets (2) l'accompagnement sur le terrain des entreprises en difficulté , y compris en dehors des dispositifs nationaux, grâce à la continuation du programme « Rebond industriel », et (3) la mobilisation et la requalification du foncier économique , à la fois par des efforts de recensement et par une nouvelle vague de « sites clefs en main » - qui plus est dans le contexte de rareté foncière accrue lié à la « zéro artificialisation nette ».

3. L'accompagnement des entreprises industrielles ne doit pas être négligé, dans une période économique charnière porteuse de difficultés et d'opportunités

Si le budget pour 2023 marque donc - en dehors des aides relatives à la crise énergétique - une forme de « retour à la normale » des crédits de la mission « Économie », il ne faut pas que la tentation d'une trop grande rigueur budgétaire, ou qu'une forme de naïveté ne conduise l'État à raboter l'ensemble des dispositifs d'accompagnement des entreprises industrielles françaises.

La conjoncture économique reste difficile , avec l'impact cumulé de la persistance de difficultés d'approvisionnement ; des marges toujours faibles dans plusieurs secteurs ; la reprise de la concurrence internationale ; les problèmes de recrutement et les effets de l'inflation. Certaines entreprises font face à des difficultés pour maintenir leur activité ou rembourser leurs prêts garantis par l'État, d'autant que le report de l'allègement des impôts de production continuera de grever les bilans. Les grandes mutations industrielles s'accélèrent , en particulier dans le secteur automobile confronté à la fin annoncée de la vente des véhicules diesel, et auront des conséquences importantes sur le tissu de sous-traitants et l'emploi industriel.

À cet égard, le Gouvernement ne doit pas éteindre trop rapidement les dispositifs d'accompagnement des secteurs et entreprises en difficulté, a fortiori considérant que les aides exceptionnelles déployées dans le cadre de la relance touchent désormais à leur fin . Les 500 000 euros prévus par le programme 134 pour « l'accompagnement, la restructuration et la résilience des PME » sont anecdotiques au regard des enjeux et des montants mobilisés dans le cadre de la relance. Le rapporteur a donc soumis à la commission une proposition visant à doter le programme « Territoires d'industrie » d'une enveloppe dédiée permettant de pérenniser son action « Rebond industriel » auprès des bassins industriels en difficulté (voir supra) .

D'autre part, le rapporteur propose d'augmenter les moyens de l'agence Business France, pilote en matière de soutien à l'internationalisation des entreprises françaises , notamment industrielles. Le bouleversement des chaînes de valeur, qui a résulté de la pandémie de Covid-19 puis des pénuries ultérieures, a remis en cause certains canaux classiques d'exportation. À l'inverse, il offre également de nouvelles opportunités de conquête de marchés , qui pourraient, à terme, contribuer à redresser la balance des échanges de biens industriels. Plus que jamais, il importe donc d'intensifier l'effort d'internationalisation des PME et ETI industrielles françaises, qui ne représentent encore que 50 % environ de la valeur des biens industriels exportés par le pays.

Or, la trajectoire de financement de l'agence pour les trois années à venir n'a pas encore été établie , son contrat d'objectifs et de moyens étant en cours d'élaboration. Pour ne pas contraindre le cadre budgétaire de cette discussion, et permettre à Business France d'améliorer son offre d'accompagnement collectif mais surtout spécialisé des entreprises vers l'export, le rapporteur a proposé à la commission une hausse de 8 M€ (soit d'environ 8 %, hausse non corrigée de l'inflation) du budget porté par la mission « Économie » à fin de subvention pour charge de service public de Business France. En effet, la hausse de cette ligne budgétaire pour 2023 est en grande partie optique, liée à la hausse du taux de mise en réserve réglementaire et au contexte d'inflation.

4. L'État doit se donner les moyens d'établir une stratégie claire en matière de réindustrialisation et de reconstruction de la souveraineté industrielle

La commission des affaires économiques a présenté, en juillet dernier, le rapport d'information intitulé Cinq plans pour reconstruire la souveraineté économique , de Sophie Primas, Amel Gacquerre et du rapporteur Franck Montaugé . Il faisait le constat d'une perte de souveraineté généralisée se traduisant, dans le secteur industriel, par un recours croissant aux importations et une dépendance à certains intrants industriels critiques produits à l'étranger (40 % d'intrants importés, contre 29 % il y a vingt ans).

Pour protéger notre économie de chocs externes tels que celui connu lors de la pandémie de Covid-19, il est primordial de connaître les vulnérabilités de notre approvisionnement industriel et d'établir une liste de priorités quant aux sources d'approvisionnement à diversifier ou aux capacités de production à reconstruire en France. Pourtant, comme le dénonce le rapport, ce travail de cartographie détaillée n'a été réalisé que très tardivement et surtout très partiellement .

Afin de mettre en oeuvre les recommandations du rapport, le rapporteur a proposé à la commission de doter le programme 143 de 12,5 M€ supplémentaires, dédiés à la réalisation de telles cartographies des vulnérabilités et priorités en matière d'approvisionnement industriel , par la DGE, dans le cadre du Conseil national de l'industrie et en lien avec les filières industrielles. C'est là un préalable à toute stratégie de reconquête industrielle efficace.

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