EXAMEN EN COMMISSION

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MARDI 23 NOVEMBRE 2021

M. François-Noël Buffet , président. - Chers collègues, nous examinons ce matin le rapport pour avis de Jean-Yves Leconte sur les crédits de la mission « Direction de l'action du Gouvernement » et du budget annexe « Publications officielles et information administrative » du projet de loi de finances (PLF) pour 2022.

M. Jean-Yves Leconte , rapporteur pour avis de la mission « Direction de l'action du Gouvernement » et du budget annexe « Publications officielles et information administrative ». - La mission « Direction de l'action du Gouvernement » comporte trois programmes. Le programme 129 « Coordination du travail gouvernemental » s'intéresse aux services du secrétariat général du Gouvernement (SGG), au secrétariat général de la défense et de la sécurité nationale (SGDSN), au nouveau service de vigilance et de protection contre les ingérences numériques étrangères (Viginum), au Haut Conseil pour le climat (HCC) et à un certain nombre de services rattachés au Premier ministre. Le programme 308 « Protection des droits et libertés » porte sur les autorités administratives indépendantes (AAI) dont l'activité est liée à la protection des droits et des libertés. Claire Landais, secrétaire générale du Gouvernement, est responsable de ces deux programmes 129 et 308.

Le programme 359 « Présidence française du Conseil de l'Union européenne en 2022 » (PFUE) est éphémère et court sur les années 2021 et 2022 ; il permet de financer les dépenses d'organisation et de communicationd'un certain nombre de réunions sur le territoire français au premier semestre de 2022. L'ambassadeur Xavier Lapeyre de Cabanes, secrétaire général de la présidence française du Conseil de l'Union européenne (SGPFUE), en est responsable.

Les crédits du programme 129 s'élèvent à 740 millions d'euros, ceux du programme 308 à 118 millions d'euros et ceux du programme 359 à 102 millions d'euros. Je salue ces montants.

L'Agence nationale de la sécurité des systèmes d'information (ANSSI) voit son nombre d'équivalents temps plein travaillé (ETPT) augmenter. Une nouvelle organisation territoriale en trois pôles se met progressivement en place. Dans le cadre du plan de relance, elle a fait bénéficier des administrations et agences de l'État d'un audit en matière de cyberprotection et d'un début de mise en oeuvre des préconisations.

Le groupement interministériel de contrôle (GIC), qui centralise les demandes d'autorisation de techniques de renseignement, est doté de 12 ETPT supplémentaires, afin de répondre à ses nouvelles prérogatives avec la pérennisation desalgorithmes et son élargissement aux URL. Cependant, la mise en oeuvre de la 5G nécessiterait des moyens supplémentaires. Or, pour que la Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement (CNCTR) fonctionne bien, le GIC doit être parfaitement opérationnel.

La CNCTR a de nouvelles prérogatives : des compétences techniques supplémentaires seraient nécessaires pour garantir son autonomie à l'égard des services de renseignement. Le recrutement d'un ingénieur de haut niveau est prévu en 2022.

La Commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL) bénéficiera de 25 ETPT supplémentaires en 2022, soit une augmentation de 25 % en quelques années. Cependant, si ces effectifs sont suffisants pour les affaires courantes, le développement des données de masse et de l'intelligence artificielle, ainsi que le rôle de vigie au niveau européen du respect du règlement général sur la protection des données (RGPD) impliquent de mobiliser de nouvelles compétences. Des moyens supplémentaires sont donc attendus ; nous devrons les définir avec nos partenaires européens, notamment au regard du contrôle des nouveaux algorithmes.

Viginum a vocation à détecter les ingérences étrangères sur les plateformes en ligne portant atteinte aux intérêts fondamentaux de la Nation. Avec des compétences à la croisée du champ d'intervention du Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA) et des services de renseignement, cette structure est au coeur d'importants enjeux démocratiques. Sa création est à saluer. Restons vigilants sur son fonctionnement pendant la campagne présidentielle française.

La présidence française du Conseil de l'Union européenne est très critiquée, dans la mesure où elle est concomitante à l'élection présidentielle : la majorité des événements se dérouleront au 1 er trimestre 2022. Nous devons cependant veiller à préserver les crédits sur toute la période, pour assurer la tenue d'événements après l'élection présidentielle.

Le budget du service d'information du Gouvernement (SIG) pour 2021 va connaître un dépassement de plus de 30 millions d'euros, dont 10 millions d'euros pour la communication sur le plan de relance. La reconduction pour 2022 du budget 2021, qui sera largement dépassé, pose question.

Par ailleurs, je constate que les conseils de défense se sont multipliés, essentiellement en matière de santé : or, le Secrétariat général du Gouvernement n'y assiste pas, d'où des mises en oeuvre très lentes des décisions prises lors de ces conseils, ainsi que j'ai pu le constater.

La délégation interministérielle à l'encadrement supérieur de l'État (DIESE) est créée : à la suite de la suppression des grands corps d'État, elle assumera le rôle de direction des ressources humaines des hauts potentiels de l'État et mettra en oeuvre, sous l'autorité du Premier ministre, les nouvelles orientations définies par l'ordonnance du 2 juin 2021 portant réforme de l'encadrement supérieur de la fonction publique de l'État. Cette création soulève des réserves sur lesquelles je ne reviendrai pas.

La mission « Direction de l'action du Gouvernement » verse des subventions, pour un montant d'environ 17 millions d'euros par an : on ne constate pas de baisse depuis la suppression de la réserve parlementaire.

J'en viens aux AAI et au programme 308. Sous l'impulsion de notre ancien collègue Jacques Mézard, nous avons réduit le nombre d'AAI il y a quelques années, mais nous devons veiller à l'indépendance de celles qui ont été conservées en leur donnant les moyens d'assurer leurs missions. Le CSA fusionnera avec la Haute Autorité pour la diffusion des oeuvres et la protection des droits sur internet (Hadopi) le 1 er janvier 2022, avec de nouvelles responsabilités en matière de régulation des plateformes. Le Défenseur des droits nous alerte : la plateforme anti-discrimination a reçu 9 000 appels en huit mois ce qui demande beaucoup de temps d'écoute. L'institution fonctionne avec un grand nombre de délégués territoriaux qui sont bénévoles, ce qui implique le versement d'indemnités et des dépenses en matière de formation et d'évaluation. Les besoins vont croissant, au regard de ses prérogatives en matière de harcèlement scolaire et d'égalité hommes-femmes. Or, la mutualisation entre les AAI a atteint ses limites et ne permet plus de dégager des moyens d'action supplémentaires.

Le Contrôleur général des lieux de privation de libertés (CGLPL) a manifesté son inquiétude sur l'évolution de la population carcérale : elle est passée de 58 000 détenus en juillet 2020 à plus de 70 000. Dans le même temps, les délais de rédaction des rapports de visite, au nombre de 150 par an, sont passés de 19 à 11 mois. Il nous faut être particulièrement attentifs à l'évolution de ces délais qui doivent être les plus courts possibles afin de donner tout leur sens aux rapports de contrôle. La Haute Autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP) a intégré ses missions en matière de déontologie de la fonction publique, et dispose peu à peu des moyens nécessaires. Le président Didier Migaud attire notre attention sur le fait que l'extension de ses prérogatives en matière de contrôle des représentants d'intérêts auprès des collectivités locales n'est pas opérationnelle. Le report de l'échéance au 1 er juillet 2022 n'a pas permis de lever toutes les incertitudes car loi est difficile à mettre en oeuvre. Des discussions sont en cours avec le SGG. Nous devons suivre cette affaire rapidement, car la loi pourrait s'avérer soit inappliquée, soit inapplicable, voire les deux.

Enfin, le rapporteur spécial de la commission des finances soulignait le manque de moyens du Haut Conseil pour le climat. Je ne partage pas cette appréciation, car ce conseil semble faire doublon avec le Conseil économique, social et environnemental (CESE). En revanche, nous pourrions effectivement envisager la création d'une AAI, à l'instar du Défenseur des droits : celle d'un défenseur des droits de l'environnement.

Malgré ces réserves, je vous propose d'adopter les crédits de la mission.

Mme Laurence Harribey . - Je vous remercie pour ce rapport très fourni. En tant que telle, la mission regroupe trois programmes qui ont pour seul point commun d'être sous l'autorité du Premier ministre. Nous souscrivons dans l'ensemble aux propos du rapporteur.

La montée en puissance des crédits pour assurer la sécurité numérique et la cybersécurité est très positive. L'ANSSI commence à avoir les moyens de travailler. Nous saluons la création de Viginum. En revanche, je m'étonne de la diminution des crédits de la direction interministérielle du numérique (Dinum), alors que ses besoins durant la crise, qui va durer, ont été importants.

Le budget du SIG est en diminution, malgré les dépassements constatés. Voilà qui pose un problème de sincérité des comptes.

Soyons vigilants quant à l'assise budgétaire des AAI : l'augmentation des crédits du programme 308 est essentiellement due à un transfert de crédits en provenance d'un autre programme, à la suite de la fusion du CSA et de la Hadopi.

Nous exprimons des réserves quant à la pertinence du programme 359. Le secrétaire général des affaires européennes (SGAE) a dû se battre pour obtenir des crédits au-delà des premiers mois de la PFUE et une augmentation de 10 % de ces mêmes crédits. Voilà qui est révélateur de l'instrumentalisation de cette PFUE. Soyons particulièrement vigilants.

M. Jean-Yves Leconte , rapporteur pour avis. - Le problème de sincérité concerne toutes les missions, à cause du plan de relance. Par exemple, c'est sur les crédits du plan de relance que l'ANSSI met en oeuvre des audits de cybersécurité. Voilà qui est illisible. Il en va de même pour les mises à disposition de personnels par les ministères pour les AAI, parfois réalisées sans choix possible, ce qui met à mal l'indépendance même de ces instances. Je suis très vigilant sur ce point. Chaque année, les AAI ont de nouvelles prérogatives : leur périmètre augmente, mais pas les moyens. Certaines AAI, comme le Défenseur des droits, le Contrôleur général des lieux de privation de liberté ou la CADA sont de plus en plus sollicitées par nos concitoyens. La mutualisation en matière immobilière et de services support ayant été réalisée, de nouvelles économies en interne sont peu probables.

Concernant la PFUE, certains, dans la majorité présidentielle, voudraient que l'ensemble des moyens soient utilisés au premier trimestre 2022, avant la période de réserve. Il est heureux que le secrétaire général de la présidence française du Conseil de l'Union européenne veille à disposer de moyens pour faire face à des imprévus et nous le soutenons dans sa démarche.

La commission émet un avis favorable à l'adoption des crédits de la mission « Direction de l'action du Gouvernement » et du budget annexe « Publications officielles et information administrative ».

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