IV. LA PROTECTION DES DROITS ET LIBERTÉS, UNE PETITE MISSION AUX ENJEUX ESSENTIELS POUR LA DÉMOCRATIE ET L'ÉTAT DE DROIT

• La loi n° 2021-1382 du 25 octobre 2021 relative à la régulation et à la protection de l'accès aux oeuvres culturelles à l'ère numérique organise la fusion, au 1 er janvier 2022 , du Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA) et de la Haute Autorité pour la diffusion des oeuvres et la protection des droits sur internet (Hadopi) au sein de l'Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (ARCOM).

Le président du CSA, Roch-Olivier Maistre, évoque une réforme ayant pour ambition, non pas de réaliser des économies d'échelle, mais de « porter une politique plus efficace dans un univers en profonde transformation ».

Le CSA, créé en 1989 à l'ère des médias traditionnels, est désormais le régulateur de nouveaux usages plus fragmentés ainsi que de nouveaux acteurs .

Le champ d'action du CSA a été considérablement étendu ces derniers mois. L'ordonnance du 21 décembre 2020 transpose en droit français la directive (UE) 2018/1808 du Parlement européen et du Conseil du 14 novembre 2018 modifiant la directive 2010/13/UE visant à la coordination de certaines dispositions législatives, réglementaires et administratives des États membres relatives à la fourniture de services de médias audiovisuels (SMA). Elle assujettit les plateformes de partage de vidéos à des obligations légales sous la supervision du régulateur.

La loi n° 2021-1109 du 24 août 2021 confortant le respect des principes de la République impose aux plateformes de contenus en ligne des obligations procédurales et de moyens de lutte contre les contenus haineux en ligne , dont elle confie la supervision au CSA. Le régulateur se voit conférer un pouvoir de sanction pouvant atteindre 20 M€ ou 6 % du chiffre d'affaires annuel mondial.

Ces nouvelles tâches rendent nécessaire une montée en compétence afin de comprendre le fonctionnement d'un algorithme ou pour traiter des masses de données. En loi de finances pour 2020, le CSA avait obtenu un relèvement de son plafond d'emplois à hauteur de 6 ETPT mais pas l'enveloppe permettant de les financer. En 2021, le Conseil a financé ces emplois indispensables à la mise en place de la régulation des plateformes en ligne par un prélèvement sur son fonds de roulement.

Pour 2022, le projet de loi de finances prévoit pour le nouveau régulateur, l'ARCOM, une subvention équivalente à celle du CSA et de l'Hadopi, à laquelle s'ajoute 0,9 M€ afin de financer les deux membres supplémentaires du collège, ainsi que le coût des six emplois autorisés deux ans auparavant.

Le régulateur sollicitera dans les prochaines années les moyens humains et financiers pour faire face à ces nouveaux enjeux.

• La Haute Autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP) obtient pour 2022 la consolidation de 2 ETP octroyés en 2021 en mesure de gestion. Le rapporteur s'était élevé l'an dernier contre cette pratique et avait regretté que ces transferts ne soient pas inscrits en loi de finances. Il s'agit des deux derniers des six emplois qui relevaient auparavant de la Commission de déontologie de la fonction publique (CDFP) dont les compétences sont exercées par la HATVP depuis le 1 er février 2020.

La Haute Autorité bénéficiera en 2022 de deux emplois supplémentaires , ce qui porte son plafond d'emplois à 67 ETPT. Ils permettront de renforcer le pôle dédié à la déontologie des fonctionnaires , activité qui mobilise plus que les six emplois transférés au titre de l'ancienne commission de déontologie, ainsi que du temps de réunion du collège. Cela concerne plus précisément les prénominations de hauts fonctionnaires et les projets de reconversion professionnelle pour lesquels une réponse doit être rendue dans des délais contraints. De plus, la HATVP exerce, pendant les trois années suivant son avis, un contrôle des réserves qu'elle aura émises et dont le non-respect pourra entraîner des sanctions disciplinaires. Cette mission n'était pas exercée par la CDFP.

L'année 2021 a été une année record avec 17 000 déclarations d'intérêts et de patrimoine adressées à la HATVP. Moins de la moitié des maires ont respecté spontanément les délais impartis , malgré les campagnes d'information menées auprès des associations d'élus. Cela s'explique, selon la Haute Autorité, par l'importante part de nouveaux élus ainsi que par la crise sanitaire. Toutefois, après relance, la majeure partie des élus ont procédé aux déclarations requises et seule une très petite minorité de dossiers a été transmise au procureur de la République .

L'année 2022 sera marquée par un nombre important de déclarations du fait des élections (sorties et arrivées dans les cabinets ministériels, renouvellement de députés). Une fois contrôlées, les déclarations d'intérêts et de patrimoine seront publiées.

La question de la définition de la prise illégale d'intérêts et du conflit d'intérêts , soulevée à plusieurs reprises par la HATVP, devrait trouver sa solution dans le projet de loi pour la confiance dans l'institution judiciaire, définitivement adopté par le Parlement, et dans le projet de loi relatif à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l'action publique locale. La Haute Autorité souligne qu'actuellement la définition de l'infraction par le code pénal est imprécise et que les jurisprudences divergentes des ordres judiciaire et administratif sont source d'insécurité juridique.

La Haute Autorité réaffirme sa préoccupation à propos du répertoire numérique des représentants d'intérêts dont elle assure la gestion en application de la loi n° 2016-1691, dite « Sapin 2 », du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique.

Elle estime que le décret n° 2017-867 du 9 mai 2017 relatif au répertoire numérique des représentants d'intérêts est peu opérationnel et ajoute des critères qui permettent de contourner l'intention de la loi. Ainsi, le décret ne soumet à inscription au répertoire que les personnes qui sont à l'initiative d'une action auprès de décideurs publics en vue d'influer sur une ou plusieurs décisions publiques. Le président de la Haute Autorité, Didier Migaud, estime que cela revient à privilégier les lobbyists les plus connus qui sont sollicités par les décideurs, au détriment des petites structures contraintes de prendre l'initiative d'actions de lobbying.

L'extension du répertoire numérique des représentants d'intérêts aux décideurs locaux , dont l'entrée en vigueur a été reportée au 1 er juillet 2022 à l'initiative du Sénat, est une source d'inquiétude pour la HATVP . Elle déplore un dispositif qui risque de faire peser des obligations déclaratives disproportionnées sur des représentants d'intérêts plus nombreux et aux moyens plus faibles que les acteurs nationaux.

Le rapporteur regrette que le report de l'entrée en vigueur du dispositif aux décideurs locaux n'ait pas été mis à profit par le Gouvernement pour réfléchir à son amélioration, ainsi que le demandait la HATVP.

• Le Défenseur des droits connaît une croissance constante de son activité. L'institution traitera en 2021 plus de 120 000 réclamations , prises en charge à 80 % par ses 530 délégués territoriaux.

L'année 2021 a été marquée par le lancement le 12 février, à la demande du Président de la République, de la plateforme antidiscriminations.fr et du numéro d'appel 3928 . À cette fin, 15 ETPT et 1,3 M€ de budget ont été accordés en mesure de gestion, faute d'avoir pu être intégrés dans le projet de loi de finances pour 2021.

Pour 2022, ces mesures de gestion sont pérennisées. 2 ETP supplémentaires sont accordés par ailleurs à la défenseure des droits qui souhaite recruter deux juristes expérimentés.

La nouvelle plateforme engendre toutefois un surcroît de notoriété à l'institution qui doit faire face à un accroissement des saisies en raison d'une numérisation des services publics qui les rend très peu accessibles aux usagers. La défenseure des droits note d'ailleurs que cela peut aussi être le cas pour les délégués territoriaux et que cela ne concerne pas uniquement les personnes ayant des difficultés avec l'outil numérique.

La situation des étrangers devant renouveler leur titre de séjour est à cet égard très préoccupante , faute de pouvoir obtenir un rendez-vous en préfecture . Le harcèlement scolaire est aussi en forte croissance, tandis que les discriminations au retour de congés de maternité subsistent et demandent une vigilance toute particulière.

Les crédits hors titre 2 atteindront 24,4 M€ et progressent de 0,8 M€, dont 0,1 M€ sera consacré au recrutement de 20 délégués territoriaux supplémentaires afin de porter leur nombre à 550 . Cet effort est indispensable pour permettre aux délégués de faire face à l'accroissement des saisines.

Le rapporteur estime que l'activité des délégués doit faire l'objet d'un accompagnement et d'une évaluation afin d'apporter un service de qualité équivalente sur tout le territoire. La création en 2019 de postes de chefs de pôles territoriaux chargés de coordonner le traitement des dossiers est à saluer.

La défenseure des droits considère cependant que cet effort budgétaire non négligeable sera rapidement insuffisant car, à périmètre constant, la hausse du budget a été très faible ces dernières années. De gros efforts de rationalisation et de mutualisation ont permis dans le même temps de supprimer 17 ETPT dans les fonctions support. Des emplois métiers supplémentaires permettraient, aux yeux de Claire Hédon, « un fonctionnement optimal » de l'institution. Ce sera d'autant plus vrai si le Parlement adopte les propositions de loi organique et ordinaire du député Sylvain Waserman, actuellement en navette, visant à renforcer le rôle du Défenseur des droits en matière de signalement d'alerte.

• L'institution du Contrôleur général des lieux de privation de liberté (CGLPL) , créée en 2008, dispose d'un budget stable depuis 2016 , à hauteur de 5,44 M€ en crédits de paiement pour 2022, bien que le nombre de personnes privées de liberté soit en hausse continue, tant en établissements pénitentiaires qu'en centres de rétention administrative.

L'activité du Contrôleur général s'est intensifiée depuis l'installation dans les cellules de lignes téléphoniques permettant aux détenus d'appeler beaucoup plus facilement l'institution.

La loi n° 2021-403 du 8 avril 2021 tendant à garantir le droit au respect de la dignité en détention , adoptée à l'initiative du Sénat, place de facto l'institution au coeur du dispositif. Le Contrôleur général porte en effet depuis de nombreuses années un regard critique sur les conditions d'enfermement dans l'ensemble des lieux de privation de liberté qui sont systématiquement visités. L'augmentation du nombre de détenus depuis juillet 2020 est à cet égard particulièrement préoccupante, passant de 58 800 à près de 70 000 au 1 er octobre 2021.

C'est très logiquement que le CGLPL est sollicité par les magistrats et les avocats afin de dispenser des formations sur la question de la dignité des conditions de détention .

À juste titre, le mode de calcul des 150 lieux visités par an sera révisé en 2022, en affectant une pondération selon le nombre de personnes privées de liberté dans l'établissement contrôlé.

Le rapporteur se félicite que la contrôleure générale, Dominique Simonnot, se soit engagée dans une démarche de diminution des délais de publication des rapports.

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Au bénéfice de ces observations, la commission des lois, lors de sa réunion du mardi 23 novembre 2021, a émis un avis favorable à l'adoption des crédits consacrés à la mission « Direction de l'action du Gouvernement » et au budget annexe « Publications officielles et information administrative » inscrits au projet de loi de finances pour 2022.

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