Avis n° 113 (2017-2018) de M. Louis-Jean de NICOLAY , fait au nom de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable, déposé le 23 novembre 2017

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N° 113

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2017-2018

Enregistré à la Présidence du Sénat le 23 novembre 2017

AVIS

PRÉSENTÉ

au nom de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable (1) sur le projet de loi de finances pour 2018 , ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE ,

TOME VIII

COHÉSION DES TERRITOIRES

Par M. Louis-Jean de NICOLA•,

Sénateur

(1) Cette commission est composée de : M. Hervé Maurey , président ; MM. Claude Bérit-Débat, Patrick Chaize, Gérard Cornu, Ronan Dantec, Alain Fouché, Guillaume Gontard, Didier Mandelli, Frédéric Marchand, Mme Nelly Tocqueville, M. Michel Vaspart , vice-présidents ; Mmes Nicole Bonnefoy, Pascale Bories, MM. Jean-François Longeot, Cyril Pellevat , secrétaires ; Mme Éliane Assassi, MM. Jérôme Bignon, Joël Bigot, Jean Bizet, Jean-Marc Boyer, Mme Françoise Cartron, M. Guillaume Chevrollier, Mme Marta de Cidrac, MM. Jean-Pierre Corbisez, Michel Dagbert, Michel Dennemont, Mme Martine Filleul, MM. Jordi Ginesta, Éric Gold, Mme Christine Herzog, MM. Jean-Michel Houllegatte, Benoît Huré, Olivier Jacquin, Mmes Christine Lanfranchi Dorgal, Nadège Lefebvre, MM. Olivier Léonhardt, Jean-Claude Luche, Philippe Madrelle, Pierre Médevielle, Louis-Jean de Nicolaÿ, Jean-Jacques Panunzi, Philippe Pemezec, Rémy Pointereau, Mme Angèle Préville, MM.  Jean-Paul Prince, Christophe Priou, Charles Revet, Mmes Nadia Sollogoub, Michèle Vullien .

Voir les numéros :

Assemblée nationale ( 15 ème législ.) : 235 , 264 rect. , 266 rect. , 273 à 278 , 345 et T.A. 33

Sénat : 107 , 108 à 112 et 114 (2017-2018)

LES CONCLUSIONS DE LA COMMISSION

La commission de l'aménagement du territoire et du développement durable, réunie le mercredi 22 novembre 2017, a examiné le rapport de Louis-Jean de Nicolaÿ sur les crédits des programmes 112 et 162 consacrés à l'aménagement du territoire au sein de la mission « Cohésion des territoires », ainsi que sur les crédits du compte d'affectation spéciale « Financement des aides aux collectivités pour l'électrification rurale », du projet de loi de finances pour 2018.

Le rapporteur a relevé une baisse importante des crédits dédiés à l'aménagement du territoire en 2018 par rapport à l'année 2017 , en soulignant que cette évolution résulte en premier lieu d' un transfert des nouvelles capacités d'engagement pour les contrats de ruralité du programme 112 vers le programme 119.

Davantage qu'un simple ajustement technique, ce choix ne s'accompagne d'aucune garantie quant au montant des crédits dédiés aux contrats de ruralité pour 2018 . La commission a donc exprimé de réelles inquiétudes quant à l'avenir de cet outil, pourtant apprécié par les acteurs locaux lors de sa première année de mise en oeuvre.

Le rapporteur a par ailleurs indiqué à la commission que les crédits de plusieurs éléments constants du programme 112 continueront à diminuer en 2018 . À cet égard, il a regretté qu'une telle stratégie d'érosion se poursuive, en lieu et place d'orientations et de choix clairs en matière de politiques publiques.

La commission a particulièrement souligné la nécessité de maintenir la prime d'aménagement du territoire à un niveau de crédits suffisant , compte tenu de son utilité pour soutenir l'activité économique dans certains territoires en difficulté.

Dans la perspective de la création d'une Agence nationale de la cohésion des territoires, la commission s'est également interrogée sur la compatibilité d'un tel projet avec une nouvelle baisse des ressources du Commissariat général à l'égalité des territoires en 2018 .

Le rapporteur a toutefois salué l'effort décidé en faveur du développement des maisons de services au public , compte tenu de l'importante contribution de cette politique au maintien d'une offre de services publics de qualité et de proximité dans les territoires.

Il a également relevé la création d'une nouvelle action au sein du programme 162, dédiée à la revitalisation du littoral occitan . Si les crédits demeurent très limités pour 2018, l'intervention de l'État semble avoir contribué à une mise en cohérence et à une dynamisation de la contribution des autres partenaires de ce programme.

Au total, la commission a considéré que ce budget en retrait par rapport à l'année précédente et dépourvu d'éléments forts pour 2018 n'était pas à la hauteur des difficultés et des besoins identifiés, en particulier dans les territoires fragiles . Par ailleurs, elle a regretté que de tels choix budgétaires ne correspondent pas à la dynamique initiée par la première conférence nationale des territoires.

Sur proposition de son rapporteur pour avis, la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable a émis un avis défavorable à l'adoption des crédits relatifs à la cohésion des territoires inscrits dans le projet de loi de finances pour 2018.

AVANT-PROPOS

Mesdames, Messieurs,

Le présent avis porte sur les crédits du programme 112 « Impulsion et coordination de la politique d'aménagement du territoire » et du programme 162 « Interventions territoriales de l'État » au sein de la mission « Cohésion des territoires », ainsi que sur le compte d'affectation spéciale « Financement des aides aux collectivités pour l'électrification rurale ».

Quelques mois seulement après la première conférence nationale des territoires, réunie par le Gouvernement au Sénat le 17 juillet 2017, ce premier budget de la nouvelle législature apparaît en retrait par rapport à l'année précédente.

Le transfert dans le programme 119 « Concours financiers aux collectivités territoriales et à leurs groupements » des crédits nécessaires à de nouveaux engagements au titre des contrats de ruralité engendre une forte baisse des moyens du programme 112. Davantage qu'une simple modification de périmètre, cette évolution ne s'accompagne d'aucune garantie quant à l'enveloppe dédiée à ces contrats en 2018 . Un tel choix est regrettable car il s'agit d'un instrument financier pertinent pour soutenir des projets transversaux de développement local, et qui contribue à la reconnaissance des problématiques spécifiques de la ruralité, à l'instar des contrats de ville pour certains territoires urbains.

Votre rapporteur pour avis relève par ailleurs une diminution des crédits dédiés au financement des autres dispositifs du programme , en particulier pour la prime d'aménagement du territoire, pourtant efficace afin d'assurer le maintien de l'activité dans les territoires fragiles. L'érosion observée ces dernières années pour le programme 112 se prolonge en 2018, en l'absence de mesures fortes et d'une réelle hiérarchisation des priorités .

Il s'inquiète également d' une nouvelle réduction des moyens de fonctionnement et en personnel du Commissariat général à l'égalité des territoires . Outre la fragilisation supplémentaire des capacités d'élaboration et de pilotage de la politique nationale d'aménagement du territoire qu'elle entraîne, cette trajectoire semble peu compatible avec le projet ambitieux d'Agence nationale de la cohésion des territoires annoncé par le Gouvernement .

Néanmoins, votre rapporteur reconnaît l'effort mené en faveur des maisons de services au public . Le succès de cette politique d'accessibilité conduite depuis plusieurs années contribue au maintien des services publics dans les territoires ruraux. Il convient toutefois d'en assurer la cohérence, en veillant à la diversité des opérateurs présents et à la qualité de l'offre de services proposée aux citoyens.

Au titre du programme 162, votre rapporteur prend acte de la création d'une nouvelle action en faveur de la revitalisation du littoral occitan . Si le montant des crédits pour 2018 reste très limité, l'animation apportée par l'État permet d'organiser les cofinancements et semble apporter une impulsion utile à ce projet, dont le déroulement devra être attentivement examiné dans les prochaines années.

Lors de sa réunion du 22 novembre 2017, suivant son rapporteur pour avis, la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable a émis un avis défavorable à l'adoption des crédits relatifs à la cohésion des territoires inscrits dans le projet de loi de finances pour 2018.

I. UN BUDGET EN RETRAIT POUR 2018

A. UNE BAISSE DES MOYENS QUI DÉPASSE LE SEUL TRANSFERT DES CONTRATS DE RURALITÉ

Par rapport à l'année 2017, la maquette budgétaire pour 2018 a été modifiée. Renommée « Cohésion des territoires », la mission comprend désormais six programmes :

- le programme n° 177 « Hébergement, parcours vers le logement et insertion des personnes vulnérables » ;

- le programme n° 109 « Aide à l'accès au logement » ;

- le programme n° 135 « Urbanisme, territoires et amélioration de l'habitat » ;

- le programme n° 112 « Impulsion et coordination de la politique d'aménagement du territoire » ;

- le programme n° 162 « Interventions territoriales de l'État » ;

- le programme n° 147 « Politique de la ville ».

Comme l'an passé, le présent avis porte sur les programmes n° 112 et 162 , ainsi que sur le compte d'affectation spéciale « Financement des aides aux collectivités pour l'électrification rurale ».

Les crédits demandés dans le projet de loi de finances (PLF) initiale pour 2018 au titre des programmes 112 et 162 s'élèvent à 282,3 millions d'euros (M€) en crédits de paiement (CP) , soit une hausse de 2 % par rapport aux 276,6 M€ adoptés en loi de finances initiale (LFI) pour 2017. Les autorisations d'engagement (AE) demandées pour 2018 s'élèvent à 225 M€, soit une baisse de 53 % par rapport aux 482 M€ adoptés en LFI 2017.

La baisse en AE résulte, d'une part, du retrait du dispositif des contrats de ruralité, d'autre part, d'une baisse des crédits disponibles pour d'autres éléments stables du programme 112.

La hausse en CP correspond essentiellement au paiement des engagements pris en 2017 au titre des contrats de ruralité et du pacte Etat-métropoles, ainsi qu'à une hausse des crédits du programme 162 liée au programme exceptionnel d'investissements en Corse. Toutefois, à périmètre constant, les CP diminueront en 2018.

Le tableau suivant retrace l'évolution globale des crédits des deux programmes examinés dans le présent avis.

ÉVOLUTION DES CRÉDITS DES PROGRAMMES 112 ET 162 (EN M€)

Programmes budgétaires

LFI 2017

PLF 2018

Variation

AE

CP

AE

CP

AE

CP

112 - Impulsion et coordination de la politique d'aménagement du territoire

452,1

247,3

191,0

254,9

-58 %

3 %

162 - Interventions territoriales de l'État

29,9

29,3

34,0

27,4

14 %

-6 %

Total

482,0

276,6

225,0

282,3

-53 %

2 %

Source : projet de loi de finances pour 2018.

Le montant des deux programmes a toutefois fait l'objet de modifications suite à l'adoption de deux amendements sur les crédits lors de l'examen du projet de loi de finances par l'Assemblée nationale.

MODIFICATIONS ADOPTÉES À L'ASSEMBLÉE NATIONALE EN PREMIÈRE LECTURE

À l'initiative du Gouvernement, un amendement a été adopté en vue d'atténuer la baisse des crédits de la prime d'aménagement du territoire, par une augmentation nette de 5 M€ en AE au sein du programme 112.

Cette augmentation du montant des AE du programme a toutefois été amoindrie par les modifications apportées à la répartition des crédits en seconde délibération à l'initiative du Gouvernement :

- au sein du programme 112, hors titre 2, le montant en AE et CP a été diminué de 1,8 M€ , et en titre 2, le montant des crédits a été augmenté de 192 K€ ;

- au sein du programme 162, hors titre 2, le montant en AE et CP a été diminué de 91 K€.

Les programmes examinés ont par ailleurs fait l'objet d'une régulation budgétaire de grande ampleur au cours de l'année 2017 , qui a eu un impact significatif sur l'exécution des crédits. Le décret d'annulation n° 2017-1182 du 20 juillet 2017 a notamment eu pour effet d'annuler l'intégralité de la réserve de précaution (34,3 M€ en AE et 18 M€ en CP) ainsi que 71,6 M€ en AE et 17 M€ en CP supplémentaires.

B. UNE PROGRAMMATION PLURIANNUELLE ORIENTÉE À LA BAISSE

La loi de programmation des finances publiques pour la période 2018-2022 prévoit une baisse des moyens de la mission « Cohésion des territoires » dans les trois prochaines années. Les crédits de paiement devraient ainsi passer de 18,26 Md€ en 2017 à 15,15 Md€ en 2020 soit une baisse de 17 % , avec un point bas à 14,95 Md€ en 2019.

Hors dépenses de personnel, il est prévu que les ressources du programme 112 en CP passent de 235 M€ en 2018 à 201 M€ en 2020, soit une baisse de 14,5 % sur l'ensemble de la période . Cette évolution s'appuie sur les hypothèses suivantes en CP :

- une diminution des crédits liés aux contrats de ruralité et au pacte Etat-métropoles compte tenu de leur transfert au programme 119 à partir de 2018 ;

- une diminution des crédits liés à la prime d'aménagement du territoire , résultant d'une diminution des dépenses nouvelles sur ce dispositif ;

- une diminution des crédits du Fonds national d'aménagement et de développement du territoire (FNADT), liée à la finalisation de certains dispositifs (appel à manifestation d'intérêt « centres-bourgs » de 2014, plan de soutien aux maisons de santé pluridisciplinaires, restructurations des sites de défense) ;

- une diminution des crédits de fonctionnement du CGET .

En l'absence de mesures nouvelles, cette programmation conduirait à un effort considérable du programme 112 dans les prochaines années en faveur de la réduction de la dépense publique, fragilisant de manière inquiétante les crédits dédiés à l'impulsion et à la coordination de la politique d'aménagement du territoire .

S'agissant du programme 162 , les informations transmises à votre rapporteur suggèrent que les ressources en CP passeraient de 27,4 M€ en 2018 à 27,9 M€ en 2020 puis à 24,5 M€ en 2022.

C. LE MONTANT DES DÉPENSES FISCALES RATTACHÉES RESTE ÉLEVÉ

Les dépenses fiscales rattachées au programme 112 sont au nombre de 21 , dont 18 sur impôts d'État et 3 sur impôts locaux, prises en charge par l'État. Le coût total de ces mesures est estimé à 477 M€ en 2018 , soit un montant en légère hausse par rapport à 2018 (466 M€). Comme les années précédentes, les exonérations ciblées sur la Corse représentent une part importante : 275 M€ en 2018, soit 57,6 % du total des dépenses fiscales du programme. Le montant de ces dépenses fiscales reste par ailleurs nettement supérieur à celui des crédits budgétaires du programme.

DÉPENSES FISCALES LIÉES AUX DISPOSITIFS SUIVIS PAR LE PROGRAMME 112

Parmi les 21 dépenses fiscales rattachées au programme 112, le CGET estime que 12 d'entre elles sont éloignées de son coeur de mission, tandis que 8 mesures concernent directement les dispositifs suivis par le programme 112 :

- l'exonération en faveur des entreprises réalisant certaines opérations en zones de revitalisation rurale (ZRR) pouvant ouvrir droit à une exonération de CFE en l'absence de délibération contraire d'une commune ou d'un EPCI ;

- l'exonération en faveur de certaines opérations réalisées dans les ZRR ;

- l'exonération d'impôt sur les bénéfices dans les ZRR pour les entreprises créées ou reprises entre le 1er janvier 2011 et le 31 décembre 2015 ;

- la majoration de la base de calcul des amortissements des immobilisations acquises au moyen de primes de développement régional, de développement artisanal ou d'aménagement du territoire (PAT) ;

- l'exonération d'impôt sur les bénéfices pour les entreprises qui exercent ou créent entre le 1er janvier 2007 et le 31 décembre 2017 une activité dans les bassins d'emploi à redynamiser ;

- l'amortissement exceptionnel des immeubles à usage industriel ou commercial construits dans les ZRR ou de redynamisation urbaine (ZRU), ainsi que des travaux de rénovation réalisés dans ces immeubles ;

- l'exonération totale ou partielle des bénéfices réalisés par les entreprises nouvelles qui se créent entre le 1er janvier 2007 et le 31 décembre 2020 dans les zones d'aide à finalité régionale (AFR) ou qui se sont créées entre le 1er janvier 1995 et le 31 décembre 2010 dans les ZRR et ZRU ;

- l'exonération du droit budgétaire de 2 % de mutation pour les acquisitions de fonds de commerce dans certaines zones prioritaires d'aménagement du territoire (ZRR-ZRU-zones franches urbaines).

Source : réponses au questionnaire budgétaire.

S'agissant des mesures relatives aux ZRR, leur mise en oeuvre s'intègre désormais dans le cadre de la réforme du classement , résultant de la loi n° 2015-1786 du 26 décembre 2015 de finances rectificative pour 2015.

D. LES CRÉDITS EXAMINÉS REPRÉSENTENT UNE FRACTION DE LA POLITIQUE TRANSVERSALE D'AMÉNAGEMENT DU TERRITOIRE

Suite au changement du périmètre de la mission « Cohésion des territoires », les crédits des programmes 112 et 162 ne représentent qu'une fraction de la mission : 282 M€ sur un total de 16 534 M€ en CP, soit 1,7 %. Ce recul de la part relative des deux programmes examinés résulte essentiellement de l'intégration du programme 109 (13 556 M€) et du programme 177 (1 953 M€) qui représentent ensemble près de 94 % des crédits de la mission dans son nouveau format.

Par ailleurs, ces deux programmes ne représentent que 3,6 % de la politique d'aménagement du territoire telle qu'identifiée dans le document de politique transversale annexé au projet de loi de finances. Constituée de 29 programmes différents, cette politique est estimée à 8 015 M€ en AE et à 7 738 M€ en CP , soit une baisse de 9 % en AE et une stabilité en CP. Le montant de cet agrégat reste toutefois limité car il représente environ 2,4 % du budget général de l'État , hors remboursements et dégrèvements.

II. LE PROGRAMME 112 « IMPULSION ET COORDINATION DE LA POLITIQUE D'AMÉNAGEMENT DU TERRITOIRE »

A. LES GRANDES LIGNES DU PROGRAMME EN 2018

1. L'évolution des crédits

Le programme 112 est marqué en 2018 par un changement de périmètre important , en raison du transfert au programme 119 « Concours financiers aux collectivités territoriales et à leurs groupements » des AE et CP dédiés à de nouveaux contrats de ruralité, ainsi que par l'extinction des AE au titre du pacte Etat-métropoles.

Le tableau suivant retrace l'évolution des crédits du programme 112 par action entre la LFI 2017 et le PLF 2018.

ÉVOLUTION DES CRÉDITS DU PROGRAMME 112 ENTRE 2017 ET 2018 (EN M€)

Actions

LFI 2017

PLF 2018

Variation

AE

CP

AE

CP

AE

CP

Action 01

Attractivité économique et compétitivité des territoires

154

83

59

96

-62 %

16 %

Action 02

Développement solidaire et équilibré des territoires

263

127

100

128

-62 %

0 %

Action 04

Instruments de pilotage et d'étude

35

37

31

32

-11 %

-15 %

Total

452

247

191

255

-58 %

3 %

Source : projet de loi de finances pour 2018.

Il résulte de ce transfert une forte baisse du montant en AE, de l'ordre de -58 %, passant de 452 M€ en 2017 à 191 M€ en 2018 . À ce titre, plus aucune AE n'est prévue pour 2018 au titre des contrats de ruralité ou du pacte Etat-métropoles.

Le paiement des engagements pris en 2017 au titre de ces deux dispositifs continuera toutefois à être inscrit au programme 112. Au total, en CP, 44 M€ sont prévus pour les contrats signés en 2017 et 15 M€ sont prévus en faveur du pacte Etat-métropoles . Le paiement de ces engagements entraîne la hausse en CP observée sur l'ensemble du programme.

Toutefois, la baisse en AE pour 2018 est plus élevée que le seul retrait de ces deux dispositifs du programme et la hausse globale en CP masque une baisse des crédits pour les autres dispositifs. Si l'on examine l'évolution des crédits du programme 112 hors contrats de ruralité et pacte Etat-métropoles 1 ( * ) , les AE passeront de 210 à 191 M€. Selon cette même approche, les CP passeront de 218 à 196 M€.

En d'autres termes, les moyens consacrés aux éléments stables du programme diminueront de 9 % en AE et de 10 % en AE en 2018. Votre rapporteur pour avis rappelle qu'entre 2016 et 2017, les crédits en CP avaient déjà diminué de plus de 10 %.

Cette évolution résulte essentiellement d'une diminution en 2018 des crédits consacrés à la prime d'aménagement du territoire, aux contrats de plan Etat-régions, aux restructurations des sites de défense, au fonctionnement du Commissariat général à l'égalité des territoires et aux pôles d'excellence rurale.

Le tableau suivant retrace l'évolution des crédits pour les principaux dispositifs financés par chaque action du programme.

ÉVOLUTION DES CRÉDITS PAR ACTION ET SOUS-ACTION ENTRE 2017 ET 2018 (EN M€)

Actions et sous-actions

LFI 2017

PLF 2018

Évolution

AE

CP

AE

CP

AE

CP

Action 01 : Attractivité économique et compétitivité des territoires

154,5

82,8

59,5

95,6

-62 %

16 %

Prime d'aménagement du territoire

20,0

19,0

10,0

20,7

-50 %

9 %

Contrat de projets Etat-Régions

36,3

29,1

36,7

30,1

1 %

4 %

FNADT hors CPER

8,6

17,8

6,5

12,3

-24 %

-31 %

Business France

6,0

6,0

5,8

5,8

-4 %

-4 %

Réseau et partenaires CGET

0,6

0,6

0,5

0,5

-16 %

-16 %

Contrats de ruralité

53,0

6,0

0,0

11,0

-100 %

83 %

Pacte Etat-Métropoles

30,0

4,2

0,0

15,2

-100 %

259 %

Action 02 : Développement solidaire et équilibré des territoires

262,7

127,1

100,3

127,6

-62 %

0 %

Contrat de projets Etat-Régions

91,7

71,7

85,4

72,6

-7 %

1 %

FNADT hors CPER

10,9

35,0

14,0

21,0

28 %

-40 %

Réseau et partenaires CGET

0,9

0,9

0,9

0,9

-3 %

-3 %

Contrats de ruralité

159,1

19,4

0,0

33,1

-100 %

70 %

Action 04 : Instruments de pilotage et d'études

34,9

37,4

31,2

31,6

-11 %

-15 %

Fonctionnement (titre 2 et hors titre 2)

25,3

25,3

24,0

24,0

-5 %

-5 %

Etudes

2,0

2,0

1,8

1,8

-8 %

-8 %

Immobilier Pleyel

2,0

4,5

0,3

0,8

-85 %

-83 %

Assistance technique et réseaux CGET

5,6

5,6

5,0

5,0

-11 %

-11 %

TOTAL

452,1

247,3

191,0

254,9

-58 %

3 %

Source : réponses au questionnaire budgétaire.

L' action 1 « Attractivité économique et compétitivité des territoires » représente 31,1 % des crédits en AE du programme.

Elle regroupe notamment les financements suivants :

- la prime d'aménagement du territoire (PAT) ;

- le soutien aux pôles de compétitivité ;

- les restructurations des sites de défense ;

- la subvention pour charges de service public à Business France ;

- le financement d'une partie des contrats de plan Etat-régions (CPER).

Le pacte Etat-métropoles ainsi qu'un tiers 2 ( * ) environ du montant des contrats de ruralité signés en 2017 sont également financés par cette action.

Les crédits de l'action s'élèvent à 59,5 M€ en AE et à 95,6 M€ en CP, soit une évolution respectivement de -62 % et de +16 %.

L' action 2 « Développement solidaire et équilibré des territoires » représente 52,5 % des crédits en AE du programme.

Elle regroupe notamment les financements suivants :

- les pôles d'excellence rurale (PER) ;

- le soutien à l'accès des usagers aux services publics ;

- le soutien aux maisons de santé pluridisciplinaires ;

- la revitalisation des centres-bourgs ;

- le financement d'une partie des CPER.

Les deux tiers 3 ( * ) environ du montant des contrats de ruralité signés en 2017 sont financés par cette action.

Les crédits de l'action s'élèvent à 100,3 M€ en AE et à 127,6 M€ en CP, soit une évolution respectivement de -62 % et une stabilité.

L' action 4 « Instruments de pilotage et d'études » représente 16,3 % des crédits du programme.

Elle regroupe les moyens de personnel, de fonctionnement et d'études du Commissariat général à l'égalité des territoires , ainsi que les moyens mis en oeuvre dans le cadre de l'assistance technique aux programmes européens et à la coopération internationale.

Les crédits de l'action s'élèvent à 31,2 M€ en AE et à 31,6 M€ en CP, soit une évolution respectivement de -11 % et de + 15%.

Plusieurs instruments font l'objet d'un soutien résiduel ou en extinction en termes de crédit :

- les maisons de santé pluridisciplinaires (MSP), en vue de couvrir les engagements réalisés sur les années 2011 à 2013 pour le lancement de 300 MSP (900 K€ en CP) ;

- l'ingénierie nécessaire aux collectivités lauréates dans le cadre de l'appel à manifestation d'intérêt « centres-bourgs » de 2014, pour la conception, la mise en oeuvre et l'évaluation des projets (2,8 M€ en CP) ;

- enfin, les pôles d'excellence rurale (PER), pour lesquels le soutien financier du programme 112 s'est éteint en 2017, dernière année de paiement des engagements antérieurs, à hauteur de 15 M€ en CP.

2. Une baisse des moyens du CGET peu compatible avec le projet d'une Agence de la cohésion des territoires

Créé en 2014 par la fusion du Secrétariat général du comité interministériel des villes, de l'Agence nationale pour la cohésion sociale et l'égalité des chances, et de la Délégation interministérielle à l'aménagement du territoire et à l'attractivité régionale, le Commissariat général à l'égalité des territoires (CGET) est un service du Premier ministre, chargé de concevoir et de piloter de façon transversale la politique d'aménagement du territoire .

Pour cela, le CGET s'appuie en particulier sur des politiques contractuelles , à travers les contrats de ville, les contrats de plan Etat-régions et les contrats de ruralité. Il pilote également des dispositifs d'intervention spécifiques en faveur des territoires fragiles , comme la prime d'aménagement du territoire, l'accompagnement des restructurations des sites de défense et le réseau des maisons de services au public.

Le CGET assure également le secrétariat permanent de l'Observatoire des territoires , qui constitue, depuis 2004, un lieu de synthèse et de mise en perspective des informations produites sur les territoires par les services de l'État, les collectivités territoriales et les organismes d'étude et de recherche. Son dernier rapport, a été publié le 13 décembre 2016 avec pour thème « Emploi et territoires ».

Le budget de fonctionnement du CGET est regroupé au sein de l'action 4 du programme 112 , qui regroupe la masse salariale, les moyens immobiliers, logistiques et informatiques, ainsi que des crédits d'études. Elle prévoit également des crédits dédiés à l'assistance technique pour plusieurs programmes européens et pour la coopération internationale.

Les dépenses de personnel s'élèvent à 19,9 M€ en 2018, soit une baisse de 4,3 % par rapport à 2017. Le plafond d'emplois du CGET diminuera de 15 ETPT en 2018 . Les autres crédits portés par l'action s'élèvent à 11,3 M€ en AE et à 11,7 M€ en CP en 2018, soit une baisse de 21,3 % en AE et de 31,7 % en CP.

Après une baisse déjà importante de ses ressources en 2017, le CGET connaîtra donc encore une contraction de ses crédits en 2018 , notamment quant à ses dépenses de personnel. Si la baisse de ses moyens de fonctionnement résulte d'abord d'économies sur ses dépenses immobilières et de leur transfert vers le programme 129, elle provient également d'une réduction affectant les études et le fonctionnement courant du CGET.

Lors de la conférence nationale des territoires organisée le 17 juillet 2017 au Sénat, le Président de la République a annoncé la création d'une Agence de la cohésion des territoires . Votre rapporteur pour avis avait préconisé la création d'une telle structure dans son rapport sur l'aménagement du territoire, adopté par votre commission le 31 mai 2017 4 ( * ) .

Le projet du Gouvernement doit toutefois encore être précisé , en termes d'ambition, de ressources, de réseau territorial ou encore de prestations apportées aux collectivités territoriales. Lors de son audition par votre commission, le 17 novembre 2017, le ministre de la cohésion des territoires a confirmé que de nombreux points restaient à définir.

En 2018, la baisse des ressources du CGET , envisagé comme fondement pour cette future Agence, et la forte diminution des crédits du Cerema , qui constitue un autre pôle important d'ingénierie publique, créent un contexte peu favorable à la création d'une structure ambitieuse .

À ce titre, votre rapporteur pour avis estime qu' à défaut de disposer de moyens accrus, la contribution d'une telle agence à l'aménagement du territoire est incertaine . Si une simple réorganisation pourrait améliorer l'accès à l'ingénierie actuellement disponible au sein de l'État, cette solution ne répondrait pas pleinement à l'ampleur des besoins exprimés par les collectivités territoriales.

3. Les contrats de plan État-régions

Pour l'année 2018, le programme 112 apportera 15,1 M€ en CP pour couvrir les engagements pris antérieurement dans le cadre de la génération des contrats de projet État-régions 2007-2014 . Au total, le taux d'engagement des CPER de cette génération a atteint 89 % au 31 décembre 2014, date de clôture des engagements.

Concernant la génération des contrats de plan État-régions 2015-2020 , le programme 112 contribuera à hauteur de 122,1 M€ en AE et de 87,6 M€ en CP pour 2018, dont 12,52 M€ dédiés à la couverture des engagements pris en 2018 (soit un taux de couverture de 10 % pour les nouvelles AE).

Lancée en 2013, cette génération a fait l'objet de négociations entre l'État et les collectivités territoriales en 2014, avant une signature des contrats au cours de l'année 2015. En 2016, des ajustements ont été apportés afin d'adapter les contrats au périmètre des nouvelles régions. Cette modification n'a toutefois pas conduit à une véritable fusion des contrats existants.

En métropole, les contrats de plan comprennent six volets thématiques :

- la mobilité multimodale ;

- l'enseignement supérieur, la recherche et l'innovation ;

- l'innovation, les filières d'avenir et l'usine du futur ;

- la couverture du territoire par le très haut débit et le développement des usages du numérique ;

- la transition écologique et énergétique ;

- ainsi qu'un volet territorial.

Via le Fonds national d'aménagement et de développement du territoire (FNADT), le programme 112 contribue au volet territorial ainsi qu'au volet numérique des CPER. Le montant contractualisé pour la génération 2015-2020 s'élève à 754,9 M€ pour le FNADT.

Le tableau suivant présente les montants contractualisés par l'État et par les régions pour les CPER 2015-2020 après les ajustements réalisés en 2016.

MONTANTS CONTRACTUALISÉS POUR LES CPER 2015-2020

Source : réponses au questionnaire budgétaire.

Le taux d'engagement moyen des crédits contractualisés pour l'État s'élève à 25 % fin 2016 , en ligne avec la prévision évoquée l'an passé. Le Gouvernement estimait initialement ce taux à 37 % fin 2017, soit un niveau déjà faible à mi-parcours des CPER . Selon les informations transmises à votre rapporteur, le taux effectif risque d'être en deçà de cet objectif, compte tenu des annulations de crédits décidées à l'été 2017.

Le tableau suivant présente l'évolution du niveau des autorisations d'engagement et du taux d'engagement par contrat entre 2015 et 2017, hors annulation de crédits en cours d'année 2017.

MONTANTS ENGAGÉS POUR LES CPER 2015-2020

Source : réponses au questionnaire budgétaire.

Par rapport à l'année 2015, les écarts se sont accrus entre contrats , en fonction du démarrage ou non de projets structurants dans certaines régions, notamment en matière de mobilité.

En 2018, une révision à mi-parcours des CPER est prévue, afin de tenir compte des nombreux changements qui sont intervenus par rapport au contexte initial de cette contractualisation : changement des exécutifs régionaux, modification de la carte territoriale, nouvelles priorités nationales, nouvelle planification apportée par les schémas régionaux de développement économique, d'innovation et d'internationalisation (SRDEII) et les schémas régionaux d'aménagement, de développement durable et d'égalité des territoires (SRADDET).

Dans la perspective de cette révision, un travail de mise en cohérence de la contractualisation existante entre l'État et les collectivités territoriales (CPER, contrats de ville, contrats de centres-bourgs, contrats de ruralité, pacte État-métropoles...) va être mené. Par ailleurs, les concertations actuellement menées par l'État au niveau national pourraient conduire à des modifications au sein des CPER, notamment pour le volet mobilité en lien avec les conclusions des Assises de la mobilité.

Si le travail d'actualisation et de mise en cohérence des CPER prévu pour 2018 est de nature à définir des actions plus adaptées aux priorités identifiées par les collectivités en partenariat avec l'État, votre rapporteur pour avis relève qu'un effort est nécessaire en vue de respecter les engagements financiers pris lors de la conclusion des contrats en 2015 . À ce titre, une accélération des engagements est indispensable pour être en conformité avec les montants contractualisés.

B. LE DÉVELOPPEMENT ÉCONOMIQUE DES TERRITOIRES

1. Une prime d'aménagement du territoire à la croisée des chemins

La prime d'aménagement du territoire (PAT) est un instrument de soutien direct à l'investissement, mis en oeuvre dans le cadre du zonage des aides à finalité régionale (AFR) 5 ( * ) . Ce zonage identifie les territoires français dans lesquels des aides publiques au développement peuvent être compatibles avec le marché intérieur, au titre des catégories visées aux a) et c) de l'article 107 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (TFUE), relatif au régime des aides d'État. La carte suivante présente les communes éligibles au zonage AFR.

COMMUNES ÉLIGIBLES AU ZONAGE DES AIDES À FINALITÉ RÉGIONALE

Source : CGET.

La PAT vise à soutenir des projets de création, d'extension ou de reprise d'entreprises industrielles ou de services, en constituant une prime à l'investissement , encadrée par des critères d'éligibilité. Son montant maximum est de 15 000 € par emploi créé ou sauvegardé, avec un taux d'aide variant de 10 à 30 % en fonction de la zone concernée. Elle n'est toutefois pas octroyée de manière automatique mais de façon discrétionnaire, après examen des dossiers soumis. Suite à une réforme en 2014, la PAT a été recentrée sur les petites et moyennes entreprises (PME) 6 ( * ) .

Dans le texte initial du PLF 2018, la prime était dotée de 10 M€ en AE et de 20,7 M€ en CP, contre respectivement 20 et 19 M€ en 2017 . Toutefois, par un amendement du Gouvernement adopté à l'Assemblée nationale, le montant en AE a été rehaussé à 15 M€.

Votre rapporteur pour avis regrette que la stratégie d'érosion retenue pour la PAT ces dernières années soit prolongée par le nouveau Gouvernement en 2018 . En 2009, la PAT bénéficiait de 42 M€ en AE et 35 M€ en CP, et en 2014 de 37 M€ en AE et 31,5 M€ en CP.

Il s'agit pourtant d'un des derniers instruments disponibles pour soutenir directement la localisation d'investissements mobiles dans des territoires économiquement fragiles . En 2017, ce sont 25 emplois qui auront été créés ou sauvegardés par tranche de 100 000 euros attribués au titre de la PAT. Par ailleurs, la prime a un effet levier majeur : en 2016, 13,1 M€ ont permis de mobiliser 348,1 M€ d'investissements privés soit un rapport de 1 pour 27. Le rôle déterminant de la PAT dans le cadre du dossier de l'usine Whirlpool à Amiens illustre également l'importance de cet outil pour l'activité économique.

Considérant que la PAT demeure un outil pertinent, qui ne sera déterminant pour l'aménagement du territoire qu'avec des ressources suffisantes, votre rapporteur pour avis appelle de ses voeux une revalorisation des crédits. La contraction observée ces dernières années ne saurait se poursuivre sans remettre en cause l'existence même de la prime.

2. Les pôles de compétitivité : une politique à relancer

Lancée en 2004, la politique des pôles de compétitivité vise à accroître la compétitivité de l'économie française par l'innovation en mobilisant, dans un espace géographique donné, les acteurs économiques et académiques autour de stratégies de développement et de projets communs. Cette politique comprend actuellement 68 pôles de compétitivité .

CARTE DES PÔLES DE COMPÉTITIVITÉ (AVRIL 2017)

Sources : DGE et CGET.

La politique des pôles de compétitivité a été mise en oeuvre en trois phases successives : 2005-2008, 2009-2012 et 2013-2018. L'objectif de la troisième phase actuellement en cours est de renforcer l'orientation des pôles vers le marché , en passant d'un rôle d'« usine à projets » à celui d'« usine à produits d'avenir », et en développant l'accompagnement des PME et ETI.

Une évaluation à mi-parcours de la troisième phase , menée au premier semestre 2016, relève qu'en moyenne les pôles ont atteint 77 % de leurs objectifs et qu'ils ont conforté leur rôle d'acteur structurant au niveau régional. Toutefois peu de pôles sont devenus de véritables « usines à produits », tandis que la dimension européenne et internationale reste insuffisamment investie, sauf pour une minorité de pôles très active. La Cour des comptes a par ailleurs mené une évaluation conclue par un référé transmis au Premier ministre le 4 juillet 2016, relevant notamment un affaiblissement du pilotage interministériel et stratégique de cette politique depuis 2010 .

La politique des pôles de compétitivité est essentiellement financée par le Fonds unique interministériel (FUI), rattaché au programme 134 et géré par la Direction générale des entreprises (DGE). Ces crédits sont dédiés au financement des projets collaboratifs de recherche et développement (R&D) et des plateformes d'innovation des pôles.

Le CGET mène depuis décembre 2015 une étude en partenariat avec France Stratégie, visant à analyser et à mesurer les impacts économiques et territoriaux, directs et indirects , de la politique des pôles de compétitivité. Ses résultats seront connus d'ici la fin de l'année 2017. Elle permettra de compléter les études existantes et d'éclairer les priorités à donner à la quatrième phase des pôles .

En 2018, le programme 112 contribuera à hauteur de 2,6 M€ en AE et en CP en 2017 , soit un montant stable par rapport à 2017. Ces crédits financent les structures de gouvernance et d'animation de 15 pôles de compétitivité et le soutien aux projets collectifs de développement.

Votre rapporteur pour avis rappelle le rôle structurant des pôles de compétitivité pour les écosystèmes régionaux, et l'effet d'entraînement qu'ils peuvent avoir sur l'innovation locale. À cet égard, il souhaiterait qu'une relance interministérielle de cette politique permette de lui donner une nouvelle impulsion et d'améliorer la visibilité des pôles.

3. Le subventionnement de Business France

L'opérateur Business France a été créé le 1 er janvier 2015, par la fusion de l'Agence française pour le développement international des entreprises (AFII) et d'Ubifrance. Rattaché à titre principal au programme 134 « Développement des entreprises et du tourisme », cet opérateur sera soutenu à hauteur de 5,7 M€ en AE et CP par le programme 112 . Il est placé sous la cotutelle du CGET, du ministère de l'économie et du ministère des affaires étrangères.

La principale activité de Business France associée à l'aménagement du territoire est l'identification et la facilitation des projets d'investissements étrangers en France, pour soutenir l'activité et la création d'emplois dans les territoires d'accueil.

En 2016, 1 553 projets ont été détectés (1 333 en 2015) dont 778 sont originaires d'Europe. Ils portent en grande majorité sur des dossiers de création de nouveaux sites (56 %), les extensions représentant 18 % des flux. Business France a accompagné 643 projets d'investissements aboutis, dont 539 répondent aux critères de son contrat d'objectifs et de performance, représentant 16 708 emplois créés ou maintenus. Le tableau suivant présente la répartition des projets détectés et aboutis par région.

RÉPARTITION TERRITORIALE DES PROJETS EN 2015 ET 2016

Source : réponses au questionnaire budgétaire.

En termes de répartition territoriale, des écarts significatifs demeurent . Comme cela avait été relevé l'an passé, votre rapporteur souligne qu'au titre de la subvention apportée par le programme 112, il est indispensable que cette mission permette d'attirer les investissements étrangers en priorité dans les territoires pour lesquels le surcroît d'activité est le plus significatif en termes de développement local.

C. L'ANIMATION DES TERRITOIRES RURAUX

1. Une dilution budgétaire des contrats de ruralité

La création des contrats de ruralité a été annoncée lors du comité interministériel organisé à Privas le 20 mai 2016. L'objectif de cet outil contractuel est de formaliser les financements apportés par l'État et par les collectivités territoriales en faveur d'un projet de territoire transversal à l'échelle d'un bassin de vie. Un contrat de ruralité présente ainsi un plan d'actions, comprenant six thématiques obligatoires : l'accès aux services et aux soins, la revitalisation des bourgs centres, l'attractivité du territoire, les services liés à la mobilité, la transition écologique et la cohésion sociale.

Les contrats de ruralité sont signés entre l'État et les pôles d'équilibre territoriaux et ruraux (PETR) ou les EPCI à fiscalité propre . À ces parties obligatoires peuvent s'ajouter d'autres partenaires : régions, départements, parcs naturels régionaux, opérateurs publics, chambres consulaires... La première génération de contrats a été conclue pour une durée de quatre ans , en vue de correspondre aux mandats municipaux et intercommunaux actuellement en cours.

En LFI 2017, 215,7 M€ en AE et 30,4 M€ en CP étaient dédiés aux contrats de ruralité. À ces financements peuvent s'ajouter d'autres instruments budgétaires : volet territorial des CPER, dotation d'équipement des territoires ruraux (DETR), fonds européens. Si l'enveloppe dédiée aux contrats de ruralité visait à soutenir en priorité les dépenses d'investissement, le Gouvernement avait indiqué en 2017 que l'ingénierie territoriale nécessaire aux contrats pouvait être soutenue à hauteur maximale de 10 % des crédits attribués.

Près de 480 contrats étaient conclus ou en cours de négociation à l'automne 2017. En termes de signataires, 786 intercommunalités y participent (soit 62 % d'entre elles), dont 443 par un pays ou un pôle territorial. Les autres partenaires le plus souvent impliqués sont les départements (84 contrats), les régions (81 contrats) et la Caisse des dépôts (67 contrats). La carte suivante présente la répartition des contrats de ruralité au 30 juin 2017.

RÉPARTITION TERRITORIALE DES CONTRATS DE RURALITÉ (JUIN 2017)

Sources : ANPP et CGET.

Inspirés d'une initiative sénatoriale 7 ( * ) , les contrats de ruralité constituent un outil de mise en cohérence des financements publics, en faveur d'un véritable projet de territoire, transversal et pluriannuel . Par ailleurs, ils apportent aux territoires concernés une reconnaissance de certaines difficultés liées à la ruralité , à l'instar des contrats de ville pour certains territoires urbains.

PRINCIPAUX TYPES D'ACTIONS CONTENUS DANS LES CONTRATS

Les projets suivants ont été inscrits dans la programmation pluriannuelle de plus de 50 contrats de ruralités portés par un PETR ou un pays. Ce recensement illustre ainsi les besoins et les priorités identifiées dans les territoires.

Sur la thématique « accès aux services et aux soins » : construction d'une maison de santé pluridisciplinaire ; construction d'une maison de services aux publics ; construction d'une micro-crèche, relais assistante maternelle ou multi accueil petite enfance ; mise en accessibilité des bâtiments publics (dont accès PMR).

Sur la thématique « revitalisation des centres-bourgs » : aménagement du centre bourg d'une commune ; étude sur la redynamisation des centres bourg ; mise en place d'une OPAH (opération programmée d'amélioration de l'habitat) à l'échelle du territoire du contrat.

Sur la thématique « attractivité du territoire » : actions sur le tourisme local (bornes d'information, camping, e-tourisme), télétravail et coworking , création d'un fablab et pépinière d'entreprises, actions sur le numérique et résorption des "zones blanches" (bornes wifi, école numérique...).

Sur la thématique « mobilités » : création d'aires de covoiturage, mobilités douces (cheminements piétons ou cyclables), mise en place d'un transport à la demande, équipement en véhicules électriques des collectivités.

Sur la thématique « transition écologique » : bornes de recharge électrique, rénovation et isolation des locaux, rénovation de l'éclairage public, chaufferie et réseau de chaleur, énergies renouvelables (éoliennes), plan climat-air-énergie territorial (PCAET).

Sur la thématique « cohésion sociale » : équipement sportif, création d'un cinéma itinérant ou d'une médiathèque, construction de logements adaptés aux publics jeunes ou âgés.

Sources : AdCF et ANPP.

Les échanges que votre rapporteur pour avis a eus avec les représentants des pôles d'équilibre territoriaux et ruraux et des intercommunalités confirment l'intérêt de cet instrument contractuel. Ses principaux atouts sont : l'intégration et la mise en cohérence des outils existants, l'optimisation des fonds publics, le travail partenarial mené entre l'État et les acteurs locaux, la pluriannualité et le caractère concret des mesures soutenues.

Toutefois, des disparités dans la mise en oeuvre de cet outil au niveau déconcentré sont signalées , notamment quant aux enveloppes réparties, au nombre de partenaires et à la diversité des opérations identifiées. À partir du retour d'expérience acquis en 2017, la doctrine d'usage de cet outil pourrait utilement être précisée par voie de circulaire ou d'instruction.

Par ailleurs, une stabilité des sources de cofinancement est souhaitée par les participants à ces contrats. À cet égard, votre rapporteur pour avis relève que les annulations de crédits décidées à l'été 2017 ont pu avoir un impact sur la mise en oeuvre de certains contrats, et que le respect des engagements pris par l'État devra être assuré en 2018 .

Le Gouvernement a décidé qu'à partir de 2018, les crédits dédiés à de nouveaux engagements seront apportés par le programme 119 « Concours financiers aux collectivités territoriales et à leurs groupements » . Par conséquent, le programme 112 ne comportera dans les années à venir que des crédits de paiement au titre des contrats de ruralité, afin de couvrir les engagements pris en 2017. Pour l'année 2018, 44 M€ en CP sont prévus au sein du programme 112 (actions 1 et 2).

Les prochains engagements au titre des contrats de ruralité devront donc puiser dans la dotation de soutien à l'investissement local (DSIL) , représentant 665 M€ pour 2018. Toutefois, cette dotation est disponible pour financer de nombreuses autres actions locales 8 ( * ) . Par conséquent, l'avenir des contrats de ruralité repose sur une enveloppe globalisée, au sein de laquelle aucun fléchage ne permet de connaître le montant consacré à ces contrats.

Votre rapporteur pour avis a successivement interrogé le Commissariat général à l'égalité des territoires et le ministre de la cohésion des territoires sur ce sujet, sans obtenir de réponses précises, ni d'assurances de nature à répondre aux inquiétudes exprimées sur les territoires .

Il relève que l'exposé général des motifs du projet de loi de finances et le projet annuel de performance du programme 119 mentionnent un montant de 45 M€ au sein de la DSIL, sans apporter de précision sur le sens exact de cette somme, notamment s'il s'agit d'un plancher ou d'un plafond. En tout état de cause, votre rapporteur pour avis relève qu'il s'agit d' un montant significativement plus faible que celui voté en 2017 .

Votre commission a très largement partagé ce regret. Outre un problème de lisibilité et de stabilité budgétaire, cette évolution ne s'accompagne d'aucune garantie quant au montant effectivement dédié aux contrats de ruralité à l'avenir .

Dans le rapport adopté par votre commission le 31 mai 2017, votre rapporteur pour avis avait recommandé de renforcer le lien entre aménagement du territoire et développement durable 9 ( * ) . Avec l'augmentation sur 4 ans de la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE), la fiscalité du carbone va constituer une source importante de recettes publiques . Les territoires ruraux vont fortement y contribuer, compte tenu des contraintes en termes de mobilité qui conduisent à une production importante de carbone, notamment par les véhicules particuliers.

À ce titre, votre rapporteur pour avis souhaiterait qu'une vraie réflexion soit menée sur l'utilisation d' une partie de ce surcroît de fiscalité écologique pour soutenir la croissance verte dans les territoires concernés . Une telle évolution serait utile et équitable, pour soutenir la mise en oeuvre d'actions concrètes par les collectivités territoriales en faveur de la transition écologique de notre pays.

2. Les zones de revitalisation rurale : des sorties dépourvues d'effets pour une période de trois ans

Le dispositif des zones de revitalisation rurale (ZRR) vise à identifier les territoires ruraux défavorisés en matière d'attractivité démographique et économique. Le classement en ZRR est associé à de nombreuses mesures, en particulier des exonérations fiscales et sociales accordées aux entreprises et aux professions libérales, en faveur de la création, de la reprise ou de la transmission d'activités 10 ( * ) .

Ce zonage a été réformé par la loi n° 2015-1786 du 29 décembre 2015 de finances rectificative pour 2015, qui a modifié les critères d'éligibilité, en retenant une approche intercommunale, basée sur deux critères cumulatifs : la densité démographique de l'EPCI et la richesse des habitants 11 ( * ) .

L'entrée en vigueur de cette réforme a été reportée au 1 er juillet 2017 , en vue de tenir compte de l'évolution concomitante de la carte intercommunale en application de la loi n° 2015-991 du 7 août 2015 portant nouvelle organisation territoriale de la République (NOTRe).

ÉVOLUTIONS DU CLASSEMENT EN ZRR

Au 1 er juillet 2017, 14 901 communes bénéficient des effets du dispositif des ZRR . Ces communes se répartissent ainsi : 13 845 communes classées en métropole, 1 011 communes de montagne n'étant plus classées mais continuant à bénéficier des effets du dispositif, 45 communes des départements d'outre-mer.

Pour la France métropolitaine, le zonage bénéficie à 13 845 communes (soit 39,2 %), membres de 446 EPCI (soit 35,9 %), regroupant 7 535 458 habitants (soit 11,8 %) et 246 383 km 2 de territoire (soit 45,3 %).

La réforme a ainsi conduit à une diminution de 417 du nombre de communes classées en métropole (- 3 %), mais à une augmentation de la population concernée (+ 16%).

Cependant, cette évolution du stock s'accompagne de variations plus significatives en termes de flux . Ainsi, 10 188 communes sont restées classées, 3 657 communes sont entrées dans le classement et 4 074 communes en sont sorties . Parmi ces communes sorties, 3 063 communes perdent les effets du zonage, et 1 011 communes de montagne continuent à en bénéficier pour trois ans, en application de la loi montagne.

Source : réponses au questionnaire budgétaire.

La carte suivante rend compte des évolutions intervenues au sein du zonage suite à l'entrée en vigueur de la réforme au 1 er juillet 2017.

CARTE DES ZONES DE REVITALISATION RURALE

Source : CGET.

À titre transitoire, le précédent Gouvernement avait uniquement prévu que les bénéficiaires des aides continuent à en bénéficier jusqu'au terme initialement prévu, malgré la sortie de la commune concernée du classement.

Lors de l'examen du projet de loi de modernisation, de développement et de protection des territoires de montagne en 2016, le Sénat avait souhaité prolonger pour une durée de trois ans les effets du classement pour les communes de montagne sortant en application de la réforme de 2015 12 ( * ) .

Lors de l'examen du projet de loi de finances à l'Assemblée nationale, plusieurs amendements identiques ont été adoptés en vue de prolonger pour une durée de trois ans les effets du classement pour les communes sorties au 1 er juillet 2017, hors communes de montagne 13 ( * ) . En d'autres termes, cette disposition étend à l'ensemble des communes rurales la solution adoptée par le Sénat pour les communes de montagne .

Ces modifications apportent une réponse temporaire à la vive réaction des élus locaux concernés par les sorties, liée, d'une part, à la rigidité des critères appréciés au niveau intercommunal 14 ( * ) , d'autre part, à l'absence de véritable mécanisme transitoire. La situation résultant de ce gel de la réforme n'apparaît toutefois pas satisfaisante sur la durée, dès lors qu'elle n'apporte aucune visibilité aux communes concernées, et ne répond pas aux problèmes de fond liés à l'application des nouveaux critères.

3. L'accompagnement des restructurations des sites de défense

Dans le cadre des restructurations de la carte militaire prévues par les lois de programmation militaire (LPM), un dispositif d'accompagnement des territoires concernés a été mis en place à partir de 2008, dont l'objectif est de créer ou maintenir, dans les territoires concernés, un nombre d'emplois au moins équivalent à celui des emplois supprimés.

L'accompagnement territorial s'appuie sur des contrats de redynamisation de site de défense (CRSD), pour les sites les plus affectés, et sur des plans locaux de redynamisation (PLR), qui s'adressent à l'ensemble d'un département, dans des situations de pertes d'emplois moins importantes que celles prises en charge par les CRSD.

Les territoires concernés bénéficient d'un soutien financier de l'État , dont deux tiers sont apportés par le Fonds pour les restructurations de la défense (FRED), rattaché au programme 212, et un tiers est apporté par le FNADT.

Les territoires fortement impactés bénéficient de mesures complémentaires : extension du zonage AFR, zonage spécifique de restructurations de la défense (ZRD) 15 ( * ) , accès au Fonds de soutien aux communes touchées par le redéploiement territorial des armées (FSCT), et la possibilité de cession à un euro symbolique aux communes concernées par un CRSD des immeubles domaniaux reconnus inutiles par le ministère de la Défense.

Cette politique a été mise en oeuvre par deux vagues successives :

- au titre de la LPM 2009-2014 , 25 CRSD et 30 PLR ont été signés, avec une enveloppe totale disponible de 300 M€ dont 100 M€ du FNADT ;

- au tire de la LPM 2014-2020 , 4 CRSD ont été signés à ce jour, avec une enveloppe totale disponible de 150 M€ dont 50 M€ du FNADT.

Pour l'année 2018, 3,9 M€ en AE et 8,8 M€ en CP sont demandés au titre de cette contractualisation.

D. LES ENJEUX D'ACCESSIBILITÉ

1. L'effort en faveur de la mutualisation des services au public se poursuit en 2018

Le dispositif des maisons de services au public (MSAP) constitue désormais un des piliers de la politique de maintien des services publics dans tous les territoires. Le comité interministériel pour la modernisation de l'action publique du 17 juillet 2013 avait fixé un objectif de 1 000 MSAP d'ici la fin 2017, cet objectif ayant été avancé à fin 2016 en s'appuyant sur la participation de La Poste.

Au 31 décembre 2016, 1 068 MSAP étaient comptabilisées, dont 500 accueillies au sein d'un bureau de poste . La carte suivante présente la répartition territoriale des MSAP ouvertes ou en cours d'ouverture en mai 2017.

RÉPARTITION TERRITORIALE DES MAISONS DE SERVICES AU PUBLIC

Source : CGET.

En application de la loi du 7 août 2015 portant nouvelle organisation territoriale de la République (NOTRe), un schéma départemental d'amélioration de l'accessibilité des services au public (SDAASAP) doit être élaboré dans chaque département et arrêté par le préfet avant le 31 décembre 2017 16 ( * ) . Dans ce contexte, 60 départements ont bénéficié d'un soutien de l'État via le FNADT en vue d'animer l'élaboration de ces schémas.

Comme cela avait relevé l'an passé, ce processus a pris du retard dans plusieurs départements . D'après les informations disponibles à l'été 2017, le ministère estime que la moitié des départements devraient avoir arrêté leur schéma à l'échéance du 31 décembre 2016 et que la quasi-totalité des autres le feront au cours du premier semestre de l'année 2018.

Dans le PLF 2018, 10,7 M€ en AE et 11,4 M€ en CP sont demandés au titre de la politique d'accessibilité des services publics , contre 8 M€ en AE et 8,3 M€ en CP en 2017. Ces crédits financent trois actions :

- la participation de l'État au financement des MSAP autres que celles déployées dans des bureaux de poste (9,4 M€ en AE et CP) ;

- l'animation nationale du dispositif , assurée par une équipe placée auprès de la Caisse des dépôts, en charge de l'ingénierie de mise en place du programme, d'accompagnement au déploiement des MSAP, d'animation et d'assistance au réseau et de communication (1,3 M€ en AE et CP) ;

- les diagnostics territoriaux préalables à l'élaboration des SDAASAP, en couvrant les engagements pris antérieurement (600 K€ en CP).

FINANCEMENT DES MAISONS DE SERVICES AU PUBLIC

Le mode de financement des MSAP diffère en fonction de leur portage : par les collectivités territoriales ou par La Poste.

Les maisons portées par les collectivités ou associations sont financées à hauteur de 25 % par l'État via le FNADT , et de 75 % par un fonds inter-opérateurs , alimenté par Pôle Emploi, la caisse nationale des allocations familiales, la caisse nationale d'assurance vieillesse, la caisse nationale d'assurance maladie des travailleurs salariés, la caisse centrale de la mutualité sociale agricole, La Poste et GRDF.

Les maisons portées par La Poste bénéficient d'un soutien forfaitaire de 32 K€, dont 50 % par le fonds national de péréquation territoriale compensant les coûts de la mission de service public d'aménagement du territoire confiée à La Poste, 25 % par un abattement fiscal supplémentaire sur la fiscalité locale et 25 % par le fonds inter-opérateurs .

Source : réponses au questionnaire budgétaire.

Les crédits demandés pour 2018 sont en hausse de près de 3 M€ en AE et en CP. Votre rapporteur pour avis se félicite de cet effort en 2018, qui poursuit l'augmentation des crédits en 2017. En effet, le déploiement des MSAP contribue efficacement à l'accessibilité des services publics dans les territoires confrontés à des phénomènes de désertification administrative.

D'après les informations transmises à votre rapporteur, une charte de qualité est en cours d'élaboration en vue de distinguer les MSAP selon plusieurs catégories, en fonction des prestations offertes par ces structures. Compte tenu du volume croissant de MSAP, votre rapporteur pour avis juge cette démarche pertinente, afin d'assurer la diversité des opérateurs présents et la qualité des services proposés aux citoyens.

2. Une relance de la politique d'aménagement numérique du territoire à préciser
a) Une fracture numérique persistante

L'accès au numérique par les réseaux fixes et mobiles de communications électroniques demeure un enjeu décisif pour le développement et l'attractivité des zones rurales, aussi bien pour les particuliers que pour les entreprises et les services publics. Malgré les initiatives mises en place par la précédente majorité, les inégalités d'accès demeurent très importantes selon la densité des territoires concernés .

La couverture du territoire par les réseaux mobiles constitue toujours une préoccupation majeure . À cet égard, la relance des programmes de couverture par la loi n° 2015-990 du 6 août 2015 pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques n'a pas eu les effets escomptés, en se heurtant à des difficultés de déploiement des pylônes dans les territoires ruraux .

Plus fondamentalement, cette relance s'appuyait largement sur la notion de zones blanches, pourtant obsolète compte tenu de sa définition centrée sur l'absence totale de couverture mobile au niveau du centre-bourg. Comme l'a souligné le Sénat à de nombreuses reprises dans ses travaux, une révision à la hausse des ambitions en matière de couverture mobile est indispensable pour répondre aux besoins actuels et futurs des utilisateurs.

En application de la loi n° 2016-1321 du 7 octobre 2016 pour une République numérique, l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes (Arcep) a établi de nouvelles cartes de couverture mobile , selon plusieurs niveaux de qualité 17 ( * ) qui rendent mieux compte de la réalité de l'accès offert aux utilisateurs ( monreseaumobile.fr ).

Cet outil permet de renouveler le diagnostic des problèmes de couverture, et pourrait fonder de nouvelles exigences en matière d'obligations de déploiement. Il révèle notamment que seulement 90 % de la population et 60 % du territoire bénéficient d'une très bonne couverture en 2G .

Concernant le déploiement des réseaux fixes , la construction des boucles locales à très haut débit progresse au niveau national dans le cadre du plan France très haut débit de 2013, tout en étant caractérisée par des disparités fortes en fonction de la densité des territoires.

STRUCTURE GÉNÉRALE DU DÉPLOIEMENT DU TRÈS HAUT DÉBIT (EN MILLIONS DE LOGEMENTS ET LOCAUX)

Sources : Arcep et Agence du numérique.

S'agissant de la zone d'initiative privée , après une première phase centrée sur la zone très dense, l'effort de déploiement des opérateurs s'est progressivement déplacé vers la zone intermédiaire. Toutefois, comme l'a relevé l'Arcep dans un avis rendu à la demande du Sénat en octobre 2017, ce déploiement reste lacunaire , non seulement en zone intermédiaire, mais également dans certaines parties de la zone très dense.

Quant à la zone d'initiative publique , dans laquelle les réseaux sont établis par les collectivités territoriales ou leurs groupements avec un soutien financier de l'État, les déploiements de ces réseaux d'initiative publique (RIP) ont connu une montée en charge progressive , qui contribue directement à l'aménagement numérique dans les territoires dont la moindre densité n'a pas incité les opérateurs privés à y déployer leurs réseaux sur fonds propres.

RÉPARTITION DES ACCÈS À HAUT ET TRÈS HAUT DÉBIT (DEUXIÈME TRIMESTRE 2017)

Source : Arcep.

Toutefois, certains opérateurs ont récemment manifesté un intérêt nouveau pour certaines parties de cette zone dévolue à l'intervention publique, en déclarant parfois être prêts à doublonner les RIP par leur propre boucle locale . Revenant ainsi sur un partage établi d'après les projets de déploiement exprimés en 2011, ces stratégies risquent de remettre en cause l'équilibre économique des RIP , dans des territoires où la mutualisation d'une seule infrastructure apparaît indispensable pour assurer la viabilité des investissements.

Outre ces motifs d'inquiétude pour le déploiement du très haut débit, une fracture importante demeure en matière d'accès au haut débit . Fin 2016, plus de 10 % des lignes du réseau cuivre ne permettaient pas un accès à un débit supérieur à 3 Mbit/s. Lors d'une table ronde organisée par votre commission le 19 juillet 2017, le directeur de l'Agence du numérique a évoqué 5 millions de logements et locaux, en prenant pour référence le seuil de 8 Mbit/s.

À cet égard, l'objectif fixé par le précédent gouvernement dans le cadre du plan France très haut débit de 2013 d'assurer un haut débit de qualité (3 à 4 Mbit/s) pour tous d'ici la fin 2017 n'a fait l'objet d'aucun indicateur ni d'aucune communication spécifique quant à son avancement. L'hypothèse d'un saut technologique du haut débit de faible qualité vers le très haut débit ne s'est pas confirmée. Il en résulte un décrochage croissant pour les particuliers concernés par ce faible haut débit .

b) Le plan d'actions du Gouvernement doit encore être précisé

À l'issue de consultations et d'un appel à propositions mené pendant l'été, le Gouvernement a présenté en septembre 2017 les grandes orientations de sa stratégie d'aménagement numérique du territoire.

En matière de réseaux fixes, cette stratégie doit s'échelonner en trois objectifs successifs :

- un « bon haut débit » pour tous en 2020 , ce débit étant défini comme supérieur ou égal à 8 Mbit/s ;

- un très haut débit pour tous en 2022 , comme le prévoit déjà le plan France très haut débit, ce débit étant défini comme supérieur ou égal à 30 Mbit/s ;

- un très haut débit pour tous en 2025 , en visant un débit supérieur à 100 Mbit/s pouvant évoluer vers 1 Gbit/s, soit vraisemblablement un raccordement à 100 % en fibre optique jusqu'à l'utilisateur.

Sans préciser encore l'ensemble des ressources et moyens d'action identifiés pour atteindre ces objectifs successifs, le Gouvernement a indiqué vouloir formaliser les engagements des opérateurs en les rendant contraignants . En vue d'atteindre l'objectif de 2020, l'ensemble des technologies disponibles devraient être mobilisées (FttH, montée en débit sur cuivre, réseaux mobiles à usage fixe, réseaux radio locaux, satellites).

Sur saisine du Sénat, l'Arcep a adopté un avis le 23 octobre 2017 sur la couverture numérique des territoires , proposant des perspectives intéressantes d'action en vue de conforter la dynamique de déploiement du très haut débit, compte tenu de l'expérience acquise depuis la mise en place du plan France très haut débit en 2013.

SYNTHÈSE DE L'AVIS N° 2017-1293 DE L'ARCEP DU 23 OCTOBRE 2017

Zone d'initiative privée

L'Arcep rappelle que le corollaire du partage entre zone privée et zone publique est la bonne articulation de toute initiative privée ultérieure avec les initiatives publiques existantes.

Elle note que les opérateurs privés doivent très sensiblement accélérer leurs déploiements dans les zones d'initiative privée (y compris les zones très denses) pour tenir leurs engagements de couverture. Notant l'intérêt récent de Bouygues Telecom et Free pour une participation accrue aux déploiements en zone AMII, ainsi que les nouvelles ambitions de SFR, l'Arcep estime qu' un repartage « rapide et pragmatique » de la zone d'initiative privée pourrait permettre d'accélérer les déploiements .

Le régulateur estime toutefois qu'il convient de « tenir compte de l'expérience tirée des précédents engagements des opérateurs », en s'appuyant sur l'article L. 33-13 du CPCE, afin de formaliser ces engagements et de les rendre juridiquement opposables .

Zone d'initiative publique

L'Arcep « s'interroge sur la crédibilité » du projet de SFR de couvrir l'intégralité du territoire en FttH d'ici 2025 , en particulier quant à la capacité industrielle d'un seul opérateur à mener un tel chantier dans un délai limité. Elle craint que le déploiement envisagé se fasse par un écrémage, en ciblant les zones les plus rentables.

L'autorité recommande donc aux opérateurs privés de « tenir compte de l'existant ». Elle n'exclut pas que des opérateurs se voient confier certains déploiements non subventionnés en zone d'initiative publique, sous deux « conditions impératives » : que l'opérateur prenne des engagements de déploiements complets, juridiquement opposables en utilisant l'article L. 33-13 du CPCE ; que la collectivité territoriale porteuse du RIP donne son accord à ce projet.

Modèle de déploiement des réseaux FttH

À propos du principe de mutualisation des réseaux, l'avis rappelle que le législateur et le régulateur ont fait le choix de favoriser le partage des réseaux, afin d'éviter une duplication inefficace de la boucle locale optique . Outre des investissements redondants, cette duplication risque de saturer le génie civil et l'occupation du domaine public.

Afin de prévenir les risques de duplication ou de préemption, l'Arcep annonce vouloir renforcer l'encadrement des modalités de déploiement. Elle envisage d'apporter des précisions ou des aménagements à la marge aux règles actuelles de complétude , avec pour objectif une arrivée rapide des réseaux dans les zones AMII. Par ailleurs, l'Arcep envisage de faire évoluer le principe de complétude, aujourd'hui appréciée à une maille technique (zone arrière du point de mutualisation) vers une maille supérieure comme la commune ou l'intercommunalité, « dans une vision plus macroscopique d'aménagement numérique du territoire ».

Enfin, le régulateur évoque la possibilité de modifications législatives, avec la création d'un statut de « réseau d'aménagement numérique » , accordé sous conditions et qui permettrait au bénéficiaire de disposer de facilités opérationnelles pour déployer ce réseau, notamment un accès privilégié au génie civil et un droit donné aux copropriétés de refuser l'établissement d'autres réseaux.

En matière de réseaux mobiles, le Gouvernement a annoncé vouloir améliorer globalement la couverture, en visant une généralisation de la 4G d'ici 2020 pour toute la population . L'effort de déploiement supplémentaire correspondant à cette ambition doit encore être précisé.

En vue d'atteindre cet objectif, le Gouvernement prévoit de s'appuyer sur un renouvellement anticipé de certaines autorisations d'utilisation de fréquences (licences mobiles) en renforçant les obligations de déploiement imposées aux opérateurs. Plusieurs contreparties sont envisagées : une baisse des redevances exigées au titre de ces licences, un plafonnement de l'imposition forfaitaire sur les entreprises de réseaux (IFER) pour les stations radioélectriques, et un allègement du droit de l'urbanisme pour les déploiements.

Lors de son audition par votre commission, le ministre de la cohésion des territoires a indiqué que l'Arcep avait été saisie à ce sujet, en vue de formuler des propositions au Gouvernement d'ici la fin de l'année 2017.

Si les objectifs fixés en matière d'aménagement numérique du territoire apparaissent ambitieux, votre rapporteur pour avis relève que les moyens concrets de leur mise en oeuvre restent encore à définir.

3. Une politique de la montagne modernisée par la loi du 28 décembre 2016

La loi n° 85-30 du 9 janvier 1985 relative au développement et à la protection de la montagne, dite « loi montagne », a mis en place une politique dédiée aux territoires de montagne , afin de tenir compte des contraintes particulières qui s'exercent sur ces espaces, mais également de valoriser les atouts dont ils disposent.

La politique de la montagne s'adresse aux territoires classés en zone de montagne , qui permet aux communes concernées de bénéficier de bonifications de dotation et de normes spécifiques. Par ailleurs, chaque massif montagneux est défini par un périmètre auquel est associée une gouvernance spécifique, par l'intermédiaire d'un comité de massif.

Aujourd'hui, 6 000 communes bénéficient de ce zonage, regroupant 6,1 millions d'habitants .

ZONES DE MONTAGNE ET PÉRIMÈTRE DES MASSIFS

Source : CGET.

Le soutien financier de l'État à la politique de la montagne s'appuie sur les conventions interrégionales de massif , signées entre l'État, les régions et les départements pour chaque massif, avec la participation de fonds européens. Le fonctionnement de ces conventions interrégionales est analogue à celui des CPER.

Le FNADT contribue à ces conventions à hauteur de 112 M€ pour la période 2015-2020. Le tableau suivant présente la répartition des crédits contractualisés du FNADT et l'avancement de la programmation par convention interrégionale.

PROGRAMMATION DU FNADT PAR CONVENTION INTERRÉGIONALE DE MASSIF

Convention Interrégionale

FNADT programmé en 2015, 2016 et 2017

FNADT contractualisé 2015-2020

Taux de programmation CIM 2015-2020

ALPES

9,3

27

34,45 %

JURA

3,1

13

24 %

MASSIF CENTRAL

13,11

35

37,45 %

PYRENEES

7,95

22

36,16 %

VOSGES

5,8

15

38,65 %

Source : réponses au questionnaire budgétaire.

La politique de la montagne a été profondément modifiée par la loi n° 2016-1888 du 28 décembre 2016 de modernisation, de développement et de protection des territoires de montagne . La préparation de cette loi s'était appuyée sur le rapport sur l'acte II de la loi montagne, remis au Premier ministre par les députées Annie Genevard et Bernadette Laclais en septembre 2015 18 ( * ) .

Significativement enrichie par l'Assemblée nationale et le Sénat, cette loi comporte des avancées importantes pour les territoires de montagne : modernisation de la gouvernance de la montagne, précisions sur le droit à l'expérimentation, réforme de la procédure des unités touristiques nouvelles (UTN), protection accrue des travailleurs saisonniers, préservation de la compétence des communes classées en matière de tourisme, renforcement de l'accès aux soins, soutien au pastoralisme et à la filière bois, amélioration de la couverture numérique fixe et mobile. La mise en oeuvre de ce nouveau cadre législatif doit se poursuivre en 2018, par l'adoption de plusieurs textes d'application .

III. LE PROGRAMME 162 « INTERVENTIONS TERRITORIALES DE L'ÉTAT »

Le programme 162, créé en 2006, a pour objet de financer des plans d'actions territorialisés , en mettant à disposition des préfets de régions une enveloppe unique, alimentée par plusieurs ministères. La gestion du programme est confiée au ministère de l'intérieur, sa mise en oeuvre étant déconcentrée au niveau des régions concernées.

De 2009 à 2017, le programme comportait quatre actions , chacune consacrée à un plan régional spécifique :

- l'action n° 2 sur la qualité des eaux en Bretagne ;

- l'action n° 4 sur le programme exceptionnel d'investissements en Corse ;

- l'action n° 6 sur le Marais poitevin ;

- l'action n° 8 sur le plan chlordécone en Martinique et en Guadeloupe.

En 2018, le programme est complété par une action n° 9 dédiée au plan Littoral 21 , visant à soutenir la revitalisation du littoral occitan.

Le programme 162 sera doté de 34 M€ en AE, soit une hausse de 13,7 % par rapport à 2017, et les CP demandés s'élèvent à 27,4 M€, soit une baisse de 6,5 %.

ÉVOLUTION DES CRÉDITS DU PROGRAMME 162 ENTRE 2017 ET 2018 (EN M€)

LFI 2017

PLF 2018

Variation

(en %)

AE

CP

AE

CP

AE

CP

Action 02

Eau - Agriculture en Bretagne

7,74

6,77

2,5

3,3

-67,70 %

-51,30 %

Action 04

PEI Corse

18,77

18,76

27,5

20

46,50 %

6,60 %

Action 06

Marais poitevin

1,35

1,74

1

1,6

-26,20 %

-8,10 %

Action 08

Plan chlordécone en Martinique et Guadeloupe

2,03

2,03

2

2

-1,60 %

-1,50 %

Action 09

Littoral 21

1

0,5

Total

29,9

29,3

34

27,4

13,70 %

-6,50 %

Source : projet de loi de finances pour 2018.

La création de la nouvelle action n° 9 constitue un changement de périmètre dont les effets demeurent limités, compte tenu du faible montant des crédits de cette action pour 2018 (1 M€ en AE et 500 K€ en CP).

Les évolutions observées au niveau du programme sont toutefois à nuancer en fonction des actions considérées. À périmètre constant, l'augmentation en AE et en CP résulte exclusivement de l'action n° 4 dédiée à la Corse, tandis que les crédits des autres actions diminuent , en particulier pour l'action n° 2.

A. LE PLAN QUALITÉ DES EAUX EN BRETAGNE

L'action n° 2 « Eau-agriculture en Bretagne » est dotée de 2,5 M€ en AE et 6,77 M€ en CP pour 2018, soit une baisse respectivement de 68 % et de 51 % par rapport aux crédits de 2017.

Cette action vise à améliorer la qualité des eaux en Bretagne , à la suite d'une condamnation de la France par la CJCE en 2001 19 ( * ) pour manquement à la directive « nitrates ». Depuis la levée de ces risques contentieux en juin 2010 grâce à la réduction de la concentration en nitrates, l'action de l'État se concentre sur l'objectif de bon état des eaux , tel que fixé par la directive-cadre sur l'eau du 23 octobre 2000.

Elle se poursuivra en 2018 par la mise en oeuvre du second plan de lutte contre la prolifération des algues vertes (PLAV) pour la période 20172020, fondé sur des chartes de territoire élaborées pour 8 baies bretonnes , qui se déclinent localement par des engagements individuels dans les exploitations agricoles. Ce volet préventif du plan est complété par un volet correctif , principalement dédié au ramassage des algues.

En termes de résultats, les services ont indiqué à votre rapporteur que la concentration en nitrates diminue globalement en Bretagne, et en particulier dans les huit baies identifiées par le programme 20 ( * ) . Quant aux changements dans les systèmes de production agricoles, elle demeure difficile à apprécier. Une enquête sur ce sujet devrait être conduite en 2018.

D'après les informations transmises à votre rapporteur, la baisse des crédits inscrite dans le PLF devrait être compensée par un transfert en gestion du ministère de l'agriculture , au titre du financement du PLAV, pour un montant annoncé de 5 M€ en AE et en CP.

B. LE PROGRAMME EXCEPTIONNEL D'INVESTISSEMENTS EN CORSE

L'action n° 4 « Programme exceptionnel d'investissements en Corse » est dotée de 27,5 M€ en AE et 20 M€ en CP pour 2018, soit une augmentation respectivement de 47 % et 7 % par rapport aux crédits de 2017.

Cette action vise à mettre en oeuvre le programme exceptionnel d'investissements (PEI), créé par la loi n° 2002-92 du 22 janvier 2002 relative à la Corse, dans le cadre des accords de Matignon de 1999. L'objectif du PEI est d' aider la Corse à surmonter ses handicaps naturels et à résorber son déficit en équipements et services collectifs 21 ( * ) .

Doté d'une enveloppe totale de 1,94 Md€ à laquelle l'État contribue à hauteur maximale de 70 %, le PEI a été défini par une convention-cadre signée en 2002 et mis en oeuvre par quatre conventions d'application successives sur les périodes 2002-2006 (PEI 1), 2007-2013 (PEI 2), 2014-2016 (PEI 3) et désormais 2017-2020 22 ( * ) (PEI 4). Cette quatrième convention porte sur le montant restant du PEI, soit 378 M€. Les engagements pourront être consommés jusqu'en 2020, tandis que les paiements seront répartis jusqu'en 2024.

Outre le programme 162, le développement des transports en Corse s'appuie sur des crédits de l'Agence de financement des infrastructures de transport de France (AFITF), rattachés au programme par fonds de concours, afin de financer les projets routiers, ferroviaires et portuaires. Le total de la participation de l'AFITF au PEI devrait s'élever à 551,7 M€.

Regroupant 81 % des AE et 73 % des CP, le PEI demeure la principale action financée par le programme 162 . L'augmentation significative des crédits en 2018 vise à assurer le respect des engagements pris par l'État sur la quatrième convention.

La programmation au titre de l'année 2018 concernera notamment :

- des opérations dans le domaine de l'eau brute, par la réhabilitation de stations de pompage (à Alzitone et Péri) et la sécurisation de l'alimentation en eau potable de l'agglomération d'Ajaccio ;

- des opérations relatives au développement de la fibre optique, à l'aéroport d'Ajaccio, au lycée maritime de Bastia et à des travaux de prévention des inondations (à Ghisonaccia et Vescovato) ;

- des opérations routières, notamment sur le boulevard urbain sud de Porto Vecchi, et par la mise en service de la déviation de Propriano.

C. LE PLAN GOUVERNEMENTAL POUR LE MARAIS POITEVIN

L'action n° 6 « Marais poitevin » est dotée de 1 M€ en AE et 1,6 M€ en CP pour 2018, soit une baisse respectivement de 26 % et 8 % par rapport aux crédits de 2017.

Cette action a été engagée en 2003, dans le cadre d'un programme gouvernemental pour le Marais poitevin, en vue d' éviter une nouvelle mise en cause de la France au regard du droit communautaire , suite à la procédure de 1999 pour manquement aux directives « oiseaux » et « habitats-faune-flore ».

Le bilan du plan est plutôt positif : les prairies du marais ont progressé de 4 % sur la période 2004-2013, alors qu'elles ont reculé de 21 % sur l'ensemble de la région Poitou-Charentes. Depuis le mois de mai 2014, le Marais poitevin a retrouvé son label de parc naturel régional (PNR) .

Jugeant que les objectifs de cette action sont en bonne voie d'être atteints, en particulier pour la reconstitution des prairies, le ministère prévoit une clôture de l'action fin 2018 , avec une poursuite des actions de l'État par d'autres ressources de droit commun (crédits du ministère de l'agriculture et de l'Agence française pour la biodiversité).

D. LE PLAN CHLORDÉCONE EN MARTINIQUE ET GUADELOUPE

L'action n° 8 « Plan chlordécone en Martinique et Guadeloupe » est dotée de 2 M€ en AE et CP pour 2018, soit un montant stable par rapport à 2017.

Lancé en 2008, ce plan vise à lutter contre les contaminations provoquées par le chlordécone, un pesticide utilisé jusqu'en 1993 en Martinique et en Guadeloupe en vue de lutter contre le charançon dans les plantations de bananiers. La forte rémanence de ce produit crée des risques élevés de contamination des denrées alimentaires, végétales ou animales, et des eaux.

Après deux plans mis en oeuvre sur les périodes 2008-2010 et 2011-2013, cette politique se déploie désormais dans le cadre du troisième plan chlordécone, sur la période 2014-2020 .

Les priorités de ce troisième plan se poursuivront en 2018 :

- l'élaboration d' une stratégie de développement durable pour améliorer la qualité de vie des populations et soutenir des changements de comportement, notamment par des actions de communication ;

- la prévention des risques sanitaires et la protection des populations , par des actions de surveillance des denrées alimentaires et des travaux de recherche ;

- la gestion des enjeux socio-économiques, par l'accompagnement des professionnels concernés (agriculteurs et pêcheurs) par des actions de reconversion ou des changements de méthode de production.

À ce stade, compte tenu de l'ampleur et de la persistance de la pollution au chlordécone, un terme n'a pas encore été clairement identifié pour cette action.

E. LE PLAN LITTORAL 21

L`action n° 9 « Littoral 21 », créée dans le cadre du PLF 2018, est dotée de 1 M€ en AE et 500 K€ en CP pour cette première année.

La participation financière de l'État au plan littoral 21 Méditerranée a été décidée en mars 2017, avec une contribution à hauteur de 80 M€ sur une période de dix ans .

Cette action vise à répondre au vieillissement global des équipements et installations du littoral occitan, remettant en cause son attractivité . Cette action est centrée sur la préservation et la mise en valeur des richesses naturelles et paysagères du littoral, la modernisation de l'offre touristique, la redynamisation économique, notamment portuaire, et la valorisation culturelle et sportive.

Les crédits demandés pour 2018 permettront de lancer les premières études nécessaires à certains projets sélectionnés , notamment :

- des opérations de repli stratégique à Vic-la-Gardiole dans l'Hérault, visant à démolir et reconstruire une colonie de vacances, suivies d'une remise en état du site en bord du littoral ;

- des projets « smart grid portuaire », afin de doter les ports du littoral d'équipements permettant de mieux gérer les fluides (eau et électricité) de nombreux bateaux devenus de véritables résidences secondaires ;

- des travaux de valorisation du patrimoine local, pour les phares de Cap Bear et de l'Espiguette.

Une montée en charge du financement de l'État est prévue, avec une prévision de 6 M€ pour 2021 . À ce titre, votre rapporteur pour avis souligne qu'un suivi de cette action sera nécessaire en vue d'assurer le respect de l'engagement total pris par l'État.

Le plan littoral 21 sera majoritairement soutenu par des cofinancements publics apportés par d'autres partenaires . La région Occitanie devrait contribuer à hauteur de 300 M€ pour la période 2017-2020. Les quatre départements concernés (les Pyrénées-Orientales, l'Aude, l'Hérault et le Gard), ainsi que certaines communes (Sète, Canet) devraient y contribuer.

Des financements de droit commun sont également appelés à concourir à ce plan, émanant de l'Agence nationale de l'habitat (ANAH), de l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (Ademe), de l'agence de l'eau et de l'AFITF.

IV. LE COMPTE D'AFFECTATION SPÉCIALE « FINANCEMENT DES AIDES AUX COLLECTIVITÉS POUR L'ÉLECTRIFICATION RURALE »

Le compte d'affectation spéciale (CAS) « Financement des aides aux collectivités pour l'électrification rurale » a été créé en 2011 23 ( * ) en vue de réformer le fonctionnement du Fonds d'amortissement des charges d'électrification (FACÉ), mis en place par la loi de finances du 31 décembre 1936. Cette transformation en CAS visait en particulier à mettre en conformité le fonds avec les nouvelles dispositions de la loi organique relative aux lois de finances (LOLF).

Instrument historique de la politique d'aménagement du territoire, le FACÉ soutient financièrement les travaux des autorités organisatrices de la distribution publique d'électricité qui assurent la maîtrise d'ouvrage des travaux sur ces réseaux en zone rurale. Les ressources du FACÉ sont réparties entre départements , sur la base d'un inventaire des besoins, par le ministre chargé de l'énergie, sur proposition du Conseil à l'électrification rurale, composé de représentants de l'administration, des collectivités et des entreprises de distribution.

Les recettes du fonds correspondent à la contribution versée par les gestionnaires des réseaux publics de distribution d'électricité , prévue à l'article L. 2224-31 du code général des collectivités territoriales. Celle-ci est assise sur le nombre de kilowattheures (kWh) distribués à des clients finals à partir des ouvrages en basse tension, tel que constaté au cours de l'année écoulée. Fixé chaque année par un arrêté du ministre chargé de l'énergie, le taux de cette contribution est différencié selon la population des communes (inférieure ou supérieure à 2 000 habitants).

En application des règles fixées par la LOLF, le montant des crédits est strictement égal à celui des recettes prévisionnelles. Il est fixé à 360 M€ en AE et CP pour l'année 2018, soit une baisse de 4,5 % par rapport aux années précédente s, marquées par une stabilité des crédits (377 M€ depuis 2012).

Le fonds comprend deux programmes :

- le programme 793 « Électrification rurale », principalement consacré aux actions de renforcement, d'extension et de sécurisation des réseaux ruraux ;

- le programme 794 « Opérations de maîtrise de la demande d'électricité, de production d'électricité par des énergies renouvelables ou de production de proximité dans les zones non interconnectées, déclarations d'utilité publique et intempéries », consacré au financement d'unités de production décentralisées d'électricité en outre-mer et d'actions de maîtrise de l'énergie.

Les tableaux suivants présentent la répartition des crédits entre les deux programmes du fonds. À ce stade, la baisse a été également répartie entre les actions du programme , mais le Conseil à l'électrification rurale conservera la possibilité de proposer des ajustements sur cette répartition, en fonction des priorités identifiées pour 2018.

CRÉDITS DU PROGRAMME 793 (EN M€)

Autorisations d'engagement

Crédits de paiement

LFI 2017

PLF 2018

Variation

LFI 2017

PLF 2018

Variation

Action 3

172

164,2

-5%

172

164,2

-5%

Renforcement des réseaux

Action 4

42,7

40,8

-4%

42,7

40,8

-4%

Extension des réseaux

Action 5

44,5

42,5

-4 %

44,5

42,5

-4 %

Enfouissement et pose en façade

Action 6

51

48,7

-5 %

51

48,7

-5 %

Sécurisation des fils nus (hors faible section)

Action 7

55

52,5

-5%

55

52,5

-5%

Sécurisation des fils nus de faible section

Action 8

1,4

1,2

-14 %

1,4

1,2

-14 %

Fonctionnement

Action 9

0,5

0,5

0%

0,5

0,5

0%

Déclaration d'utilité publique (très haute tension)

Action 10

2,5

2,4

-4%

2,5

2,4

-4%

Intempéries

Total

369,6

352,8

-5 %

369,6

352,8

-5 %

Source : projet de loi de finances pour 2018.

CRÉDITS DU PROGRAMME 794 (EN M€)

Autorisations d'engagement

Crédits de paiement

LFI 2017

PLF 2018

Variation

LFI 2017

PLF 2018

Variation

Action 2

2

1,9

-5 %

2

1,9

-5 %

Sites isolés

Action 3

4

4

0 %

4

4

0 %

Installations de proximité en zone non interconnectée

Action 4

1,4

1,3

-7 %

1,4

1,3

-7 %

Maîtrise de la demande d'énergie

Action 5

0

0

0 %

0

0

0 %

Déclaration d'utilité publique (très haute tension)

Action 6

0

0

0 %

0

0

0 %

Intempéries

Total

7,4

7,2

-3 %

7,4

7,2

-3 %

Source : projet de loi de finances pour 2018.

Les services du ministère ont indiqué à votre rapporteur que la baisse décidée pour 2018 est motivée par un décalage constaté chaque année depuis 2012 entre le montant des autorisations d'engagement ouvertes et la consommation des crédits, résultant de la nature pluriannuelle des projets soutenus et des aléas inhérents à toute opération de travaux. Ce décalage a conduit à une accumulation de crédits reportés d'une année sur l'autre et à une augmentation régulière du solde comptable positif du CAS.

Cette baisse demeure supérieure aux meilleures consommations de crédits observées ces dernières années (350 M€ en 2013 et en 2016). Ce choix vise donc à limiter le montant des reports de crédits et à engager la décroissance du solde de trésorerie du CAS.

Votre rapporteur relève toutefois que les besoins demeurent importants en vue d'étendre et de renforcer les réseaux de distribution. Par ailleurs, le possible passage de certains départements au régime rural est susceptible d'accroître les demandes de crédits adressées au FACÉ. L'adéquation du nouveau montant des ressources aux besoins effectifs des collectivités territoriales devra ainsi être suivie lors de l'exécution 2018.

TRAVAUX EN COMMISSION

I. AUDITION DE M. JACQUES MÉZARD, MINISTRE DE LA COHÉSION DES TERRITOIRES

Réunie le jeudi 16 novembre 2017, la commission a entendu M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires.

M. Hervé Maurey , président . - Monsieur le ministre, nous sommes très heureux de vous accueillir devant notre commission. Nous vous avions déjà entendu le 25 juillet dernier, peu de temps après votre prise de fonction. Vous nous aviez alors présenté les grandes lignes de l'action que vous souhaitiez entreprendre en faveur de la cohésion des territoires. Vous nous présentez aujourd'hui les crédits du projet de loi de finances pour 2018 consacrés à la cohésion des territoires qui concernent l'aménagement du territoire - le logement relevant de la compétence de la commission des affaires économiques.

Nous aurons des questions à vous poser sur l'aménagement numérique du territoire. L'urgence d'une couverture mobile s'est très nettement accrue. Avec Louis-Jean de Nicolaÿ nous craignons que l'objectif ambitieux de couvrir 100 % du territoire en 2020 ne puisse être atteint. M. Mahjoubi a évoqué d'ailleurs devant nous une couverture de 100 % de la population, ce qui n'est pas la même chose...Nous espérons aussi que l'échéance du bon débit pour tous en 2020 ne conduira pas à faire oublier l'objectif du très haut débit pour tous en 2022.

Par ailleurs, la désertification médicale, loin de se résorber malgré les divers plans mis en place, ne fait que s'accentuer. Le plan de la ministre ne semble pas assez volontariste à cet égard. L'accès aux services publics est un enjeu dans les territoires ruraux, où soit ces services disparaissent, soit ils nécessitent un accès numérique que beaucoup de nos concitoyens n'ont pas. Nous vous interrogerons aussi sur le problème des centres-bourgs et de leur lent déclin ; sur la difficulté à maintenir un tissu économique local dynamique et attractif, etc.

Le non-traitement de ces dossiers depuis des années a des conséquences qui vont bien au-delà de ce que l'on peut mesurer par de simples chiffres. C'est un sentiment d'abandon très fort, ressenti aussi bien par des élus impuissants que par des citoyens désabusés, voire exaspérés. Je sais que vous partagez notre constat. J'espère que vous écouterez nos propositions. J'en ferai une qui ne coûte rien et serait pourtant efficace : pourquoi ne pas évaluer systématiquement chaque loi à l'aune de ses conséquences sur l'aménagement du territoire ? Enfin nous aimerions vous entendre sur les zones de revitalisation rurale (ZRR). Les contrats de ruralité seront-ils maintenus ?

M. Jacques Mézard, ministre . - Je suis toujours heureux de venir m'exprimer devant le Parlement. Vous avez évoqué avec raison les inquiétudes des élus et des territoires. Elles ne datent pas d'hier. Si je voulais botter en touche, je dirais que ce n'est pas en quelques mois que l'on peut changer la donne. Certains territoires sont en effet en grande détresse, qu'il s'agisse de territoires ruraux ou de quartiers défavorisés de la politique de la ville. Je suis heureux que le Président de la République se soit exprimé sur le sujet ; dans certains quartiers la République s'est retirée. Nous avons le devoir d'agir vite sur tous ces territoires. Élu d'un territoire rural enclavé, j'ai constaté que la situation s'était aggravée en trente ans. Je ne jette l'opprobre sur personne. C'est un fait. Il nous faut désormais agir pour rétablir l'accès aux services publics partout.

Ce budget s'inscrit aussi dans la volonté de respecter nos engagements européens en passant sous la barre des 3 % de déficit. La Commission européenne nous surveille. Nous avons intérêt à sortir au plus vite de la procédure de surveillance.

En matière d'aménagement du territoire, le PLF prévoit 176 millions d'euros d'autorisations d'engagement (AE) et 235 millions d'euros de crédits de paiement (CP). La diminution des autorisations d'engagement par rapport à 2017 s'explique par le transfert des moyens alloués aux contrats de ruralité et au pacte État-métropoles vers le programme 119 et une augmentation de 4 % des crédits de paiement du programme. C'est conforme à ce que je vous avais annoncé en juillet : je souhaite honorer les contrats de ruralité signés et poursuivre cette politique.

Les crédits de l'aménagement sont tournés vers deux grandes actions : l'attractivité économique et la compétitivité de tous nos territoires, et leur développement solidaire et équilibré. Pour mener à bien ces actions, le ministère privilégie les politiques contractuelles avec les collectivités, qu'il s'agisse d'investir pour leur développement ou de financer les opérations de maintien des services publics de proximité. Nous sommes attachés au partenariat avec les collectivités, même si ce n'est pas toujours facile - je le sais comme ancien élu local...Il s'agit de proposer des solutions durables et les plus adaptées possible aux défis d'attractivité des territoires.

Le financement des politiques contractuelles, auquel je connais votre attachement, est assuré. Les contrats de plan État-région (CPER) arrivent à mi-chemin. Nous entamerons, en 2018, la seconde période de la programmation commencée en 2015 qui doit s'achever en 2020. Nous consacrerons 122 millions d'euros en 2018 au financement de ces contrats, et nous devrions constater le versement d'un peu plus de la moitié des financements au 31 décembre 2018 soit 414 millions d'euros sur 802 millions d'euros prévus d'ici fin 2020. Ce chiffrage inclut la clause de revoyure 2016 et les contrats dits spécifiques tels que le pacte Lorraine, les triennaux de Strasbourg ou le contrat de développement territorial pour Calais et le Calaisis (741 millions d'euros hors contrats spécifiques). Comme j'ai pu le constater récemment dans le bassin minier, certains contrats avaient été signés, mais les financements n'avaient pas été prévus ! Nous honorerons la parole de l'État même si cela complique l'équation budgétaire.

Je le redis, les engagements des contrats de ruralité seront honorés et les nouveaux dossiers seront financés par la dotation de soutien à l'investissement local (DSIL) et la DETR. J'espère que cela rassurera ceux qui étaient inquiets à ce sujet.

En 2018, le programme 112 assurera l'accompagnement financier des projets entamés en 2017 par la couverture en CP des engagements pris. Ainsi, 44 millions d'euros en CP seront consacrés au subventionnement effectif des porteurs de projets au titre de la seconde année d'exécution des contrats, soit une hausse de 73 % par rapport à la première année pour laquelle peu de paiements étaient envisagés. De la même façon, la fraction des pactes État-métropoles engagée sur le programme 112 sera honorée par 15 millions d'euros en crédits de paiement en 2018. Il faut noter que le passage de 15 à 22 métropoles ne facilite pas les choses. Je n'avais pas voté cette loi...

Le programme 119 « Concours financiers aux collectivités territoriales et à leurs groupements » assurera en 2018 le portage financier des nouveaux engagements au titre des contrats de ruralité. Ainsi, il constituera le seul réceptacle des ressources de la dotation de soutien à l'investissement local (DSIL) dont la gestion sera simplifiée. Au titre de 2017, le fonds de soutien était doté de 812 millions d'euros (662 millions d'euros hors pacte Etat-métropoles) répartis entre les programmes 112 et 119. En 2018, la dotation s'établit à 665 millions d'euros sur le programme 119. L'Assemblée nationale a souhaité hier soir revoir les équilibres de la DSIL, et a notamment fléché 50 millions d'euros de cette dotation pour lesquels un suivi plus fin sera prévu. Cela semble pertinent. Je serai attentif à la position du Sénat.

Les maisons des services au public (MSAP) créées par le précédent Gouvernement sont un vrai succès. Le partenariat avec la Poste est exemplaire. La collaboration avec les communes fonctionne de mieux en mieux. Les communes rurales ne sont pas les seules concernées ; il faut aussi que les services publics reviennent dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville. Conformément aux annonces successives des comités interministériels aux ruralités, les crédits du programme 112 permettront de compléter le maillage territorial existant des 1 150 MSAP, dont 500 sont logées dans des bureaux de poste. Ce maillage se conformera aux conclusions des schémas départementaux d'accessibilité aux services dont le financement est assuré en 2017. Avec un coût moyen de 13 000 euros par MSAP, c'est ainsi 9,4 millions d'euros qui sont attribués au programme pour le financement de l'accessibilité aux services publics (plus de 700 MSAP seront financées par le programme). Par ailleurs, le programme 112 recueillera et procédera à la gestion des fonds des opérateurs nationaux partenaires de cette politique publique. Afin de maintenir un niveau de qualité dans les structures reconnues en MSAP, le programme portera le financement de l'animation nationale du dispositif des MSAP par la Caisse des dépôts et consignations pour un montant de 1,3 million d'euros.

Par ailleurs, le soutien financier aux dispositifs améliorant le maillage territorial des services publics sera maintenu. Le programme couvrira les engagements pris durant les années antérieures à 2017. Un million d'euros sera consacré aux maisons de santé pluridisciplinaires. 2,8 millions d'euros seront affectés au soutien à l'ingénierie territoriale dans les centres-bourgs, opération efficace lancée par le précédent Gouvernement.

La lutte contre la désertification médicale est une priorité. Cette désertification n'est pas l'apanage des territoires ruraux mais concerne tous les territoires fragiles. On manque de praticiens, notamment de spécialistes, mais leur répartition inégale sur le territoire est aussi en cause. On peut sans doute considérer que le plan de la ministre de la Santé ne va pas assez loin, Monsieur le Président, mais il faut noter qu'il constitue un progrès ! Nous financerons ainsi 2000 maisons de santé pluri-professionnelles, soit un doublement de leur nombre d'ici 2022. Les implantations dans les zones sous-dotées seront encouragées. Les nouveaux projets de maison de santé émargent désormais aux volets territoriaux des CPER ou au fonds de soutien à l'investissement local, tandis que le programme soldera les engagements de l'État au titre du plan d'équipement 2010-2013 des maisons de santé pluri-professionnelles.

S'agissant des aides aux entreprises, les crédits relatifs à la prime d'aménagement du territoire pour l'industrie et les services (PAT) se portent à 15 millions d'euros pour 2018. Ils avaient initialement été réduits à 10 millions. La discussion avec Bercy est toujours délicate à ce sujet... J'ai souhaité augmenter les crédits de cette dotation de 5 millions à l'Assemblée nationale. Je suis en effet attaché à cette prime qui permet de trouver des solutions à des cas difficiles et d'aider des territoires où il n'est pas facile de conserver ou créer des emplois industriels. Avec un coût moyen constaté en 2016 de 0,46 million d'euros par opération, une trentaine de primes pourront être versées aux entreprises favorisant l'emploi dans les territoires éligibles. Plus de 1 000 emplois pérennes pourront ainsi être créés ou maintenus.

Par ailleurs, le Fonds National d'Aménagement et de Développement du Territoire (FNADT) maintiendra son action en faveur du financement des pôles de compétitivité à hauteur de 2,6 millions d'euros par an.

J'en viens au volet numérique, qui je le sais intéresse particulièrement votre commission. La couverture numérique est une priorité. Comment en effet concevoir une politique d'aménagement du territoire sans évoquer ce sujet ? La place de la France en Europe n'est pas très bonne, c'est un fait. Nous avons cinq ans pour rattraper notre retard. Le Président de la République a fixé lors de la Conférence nationale des territoires de juillet trois objectifs : haut et très haut débit pour tous d'ici 2020, très haut débit pour tous en 2022 et généralisation de la couverture mobile de qualité d'ici 2020. Vous l'avez souligné, ces objectifs sont ambitieux, mais il ne faut pas partir battus ! Cette stratégie est indispensable, tant pour lutter contre les fractures territoriales que pour accompagner les mutations technologiques qui s'accélèrent à une vitesse considérable. J'ai assisté récemment au lancement de la première voiture autonome en France. Chaque jour le numérique et l'intelligence artificielle prennent plus de place dans la vie quotidienne, révolutionnant les transports, la domotique, etc.

Sur le bon haut débit pour tous, nous devons d'une part sécuriser les déploiements de fibre optique portés par les opérateurs privés en zone dense et par les collectivités territoriales en zone rurale, tout en garantissant aux usagers qui ne bénéficieront pas de telles technologies un accès au bon haut débit (8 Mbits par seconde) par une solution alternative.

Nous devons donc accélérer le déploiement dans les zones denses (dites zones AMII) et notamment leur périphérie, où plus de trois millions de lignes ont été déployées, sur les douze millions prévues en 2020. Il reste donc à faire...Pour cela, nous ne pouvons plus nous satisfaire de simples intentions de déploiement et voulons rendre contraignants les engagements, pour être sûrs qu'ils seront réalisés en totalité d'ici à 2020. L'Arcep a été consultée à ce sujet et rendra sa réponse à la fin du mois. Je constate toutefois qu'il y a des évolutions en cours chez les opérateurs.

En ce qui concerne les réseaux d'initiative publique (RIP), 1 600 000  lignes de fibre optique jusqu'à l'abonné seront réalisées d'ici la fin de l'année 2017 tandis que 8 800 000 lignes seront déployées d'ici fin 2022. Le Gouvernement réaffirme donc son soutien aux collectivités territoriales engagées dans le cadre du Plan France Très Haut Débit. Nous nous opposerons à toute tentative de déstabilisation des RIP par quelque opérateur que ce soit qui serait désireux de déployer un réseau de fibre concurrent. Nous voulons maintenir le cadre stable, coordonné et sécurisé qui permet aujourd'hui aux réseaux d'initiative publique de bénéficier de conditions optimales de financement. Dans tous les cas, le Gouvernement entend respecter les choix des collectivités territoriales.

Nous n'oublions pas nos concitoyens qui ne disposeront pas de bon haut débit par les déploiements de fibre optique jusqu'à l'abonné ou jusqu'aux villages. Un travail est engagé, en lien avec les collectivités territoriales, afin d'identifier précisément les lieux concernés, département par département, et trouver une solution d'accès. Nous ne privilégions aucune technologie a priori : très haut débit radio, satellite ou 4G fixe des opérateurs mobile. Il faudra sans doute recourir à un mix technologique pour atteindre l'objectif du haut débit pour tous en 2020.

Sur l'avenir du plan France Très Haut Débit : les 3,3 milliards d'euros consacrés par l'État au financement des RIP sont aujourd'hui presque totalement engagés. Le Premier ministre a annoncé que le Grand plan d'investissement pourrait prendre des engagements au-delà du financement des RIP. Je vous le confirme aujourd'hui. Le Gouvernement sera au rendez-vous des RIP de deuxième génération et de l'objectif du 100 Mbits par seconde en 2025 qui est un nouvel horizon d'ambition, conforme à l'objectif de l'Union européenne de la « Gigabit society » en 2025.

Pour le mobile, l'écart entre la perception du niveau de qualité de service et les déclarations des opérateurs n'est plus tenable. Les élus sont d'ailleurs souvent interpellés par leurs concitoyens. La solution que préconise le Gouvernement pour améliorer le niveau de couverture mobile (en territoire couvert et en débit garanti) repose sur des investissements importants dans de nouveaux équipements sur tout le territoire. Il n'appartient pas au Gouvernement de déterminer a priori le nombre de pylônes nécessaires, mais il lui appartient de fixer un niveau de qualité requis. En ce sens, il a saisi l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes (Arcep) pour préciser ce nouveau « standard de qualité » attendu à horizon 2020, qui inclurait la voix, le fait d'envoyer des SMS, le téléchargement de fichiers, la téléphonie en mobilité, etc. L'Arcep précisera aussi le montant des investissements supplémentaires correspondants. Elle rendra ses conclusions prochainement C'est sur la base de ces estimations que le Gouvernement arrêtera les éventuelles contreparties sur le niveau des redevances, la fiscalité ou encore la durée des fréquences. Avant la fin de l'année, le Gouvernement arrêtera sa feuille de route sur l'accélération du déploiement du numérique.

M. Louis-Jean de Nicolaÿ , rapporteur pour avis de la mission « Cohésion des territoires » . - Les crédits de la prime d'aménagement du territoire étaient passés de 20 millions à 10 millions d'euros. Heureusement, l'Assemblée nationale a adopté un amendement qui les porte à 15 millions. Nous essaierons de les porter à 20 millions. Cette aide est précieuse pour aider les entreprises à s'installer dans des territoires déjà frappés par la désertification médicale, la désindustrialisation ou une mauvaise couverture numérique. Elle facilite aussi la reprise d'entreprises : ainsi l'aide de quatre millions d'euros a été précieuse pour trouver un repreneur dans l'affaire Whirlpool.

Les contrats de ruralité ne relèveront plus du programme 112 mais du programme 119. La dotation de soutien à l'investissement local (DSIL) se substitue au fonds de soutien à l'investissement local (FSIL). Les contrats de ruralité devraient donc être considérés par les préfectures comme un complément à la DETR, au même titre que l'était le FSIL. Les 44 millions d'euros de CP que vous avez mentionnés seront-ils bien fléchés au profit des contrats de ruralité ou bien est-ce que ce seront les préfets qui décideront de l'utilisation des crédits ? Les territoires ruraux sont très attachés à ces contrats de ruralité.

Vous dites que les ZRR existantes seront prolongées de trois ans. C'est très bien ! Faut-il comprendre en creux que vous envisagez de les supprimer par la suite ? Les médecins qui s'installent en ZRR, attirés par la baisse des charges, risquent de ne plus le faire si l'on manque de visibilité. Il conviendrait au moins de sanctuariser les ZRR existantes.

M. Mahjoubi nous a expliqué que 13 millions de Français n'ont reçu aucune formation au numérique. Les maisons de services au public ne pourraient-elles pas être utiles dans ce cadre pour former ces personnes ?

Quelles seront les missions de l'Agence de la cohésion des territoires ? Sa création traduit-elle une hausse des moyens ou bien ses crédits seront-ils prélevés sur ceux du Centre d'études et d'expertise sur les risques l'environnement, la mobilité et l'aménagement (Cerema) et ceux du CGET ? En outre, n'y a-t-il pas un risque de doublons entre l'Agence et le Cerema en matière d'ingénierie territoriale ?

M. Jacques Mézard, ministre . - Je ne souhaite pas la disparition de la prime d'aménagement du territoire. L'Assemblée nationale l'a augmentée de 50 %. Le Sénat, dans sa sagesse, se prononcera. Cette prime est utile et permet de faciliter la solution de certains dossiers.

Avec le programme 112, nous honorons les engagements déjà pris dans le cadre des contrats de ruralité. J'avais indiqué en juillet que je souhaitais que ce dispositif, mis en place par le précédent Gouvernement, soit reconduit. Nous avons fait en sorte qu'il en soit ainsi. Les 44 millions d'euros en CP que vous évoquez correspondent au paiement des engagements pris en 2017 au titre des contrats de ruralité. Les engagements nouveaux seront pris en charge par le programme 119, c'est-à-dire la DSIL - 615 millions d'euros sont prévus. Quant à la DETR elle reste à un milliard d'euros.

J'avais déposé une proposition de loi sur les ZRR peu de temps avant ma nomination au Gouvernement pour demander le report de la réforme prévue par la loi de règlement 2015. Pour satisfaire aux exigences européennes, il fallait revoir le dispositif qui concerne 13 000 communes. Le Gouvernement avait confié une mission à deux parlementaires, un socialiste et un Les Républicains. Avec le concours actif du Commissariat général à l'égalité des territoires (CGET), ils ont proposé de modifier les critères d'éligibilité pour tenir compte du poids de la ville centre. Le projet de loi de règlement pour 2015 a modifié le système, avec une entrée en vigueur en 2017 : ainsi, 3617 nouvelles communes ont été classées en ZRR tandis que 4139 sont sorties du dispositif. J'avais aussitôt protesté contre ce texte. Mais, devenu ministre, c'est moi qui ai dû recevoir les récriminations des communes sortantes...J'ai saisi le CGET afin de trouver une solution plus juste : en effet, dès lors qu'il y a une commune centre importante dans l'agglomération, les communes rurales sortent du dispositif. En même temps, les communes qui sont entrées en ZRR n'ont aucune envie d'en sortir. Dans un premier temps, le mécanisme a été prolongé de trois ans pour les communes de montagne, puis un amendement a été adopté à l'unanimité à l'Assemblée nationale, avec l'accord du Gouvernement, pour prolonger le dispositif pour toutes les communes pendant trois ans, ce qui nous donne du temps pour trouver une solution équilibrée. Le Gouvernement consultera tous les acteurs. La question est la suivante : faut-il conserver ce dispositif qui concerne 13 000 communes ou doit-on le cibler davantage ? Je n'ai pas d'avis arrêté sur ce sujet. Je serais heureux que le Parlement y travaille.

Concernant les maisons de service public, je suis d'accord pour étudier des dispositions par lesquelles on pourrait améliorer les choses. J'ai été à leur première assemblée : il y a encore beaucoup de diversité. Plus elles seront réalisées en concertation avec les collectivités, mieux ce sera. La Poste a une volonté très claire d'avancer, et pas seulement pour faire des économies de gestion ; c'est un choix stratégique.

La création d'une Agence de cohésion des territoires a été annoncée ici même par le Président de la République. Depuis, j'y travaille avec mon équipe, dans l'objectif d'arriver à une proposition vers la fin de cette année et de continuer la concertation avec le Parlement. Je ne souhaite pas créer une usine à gaz - elles ne sont guère de mon goût. Il ne faut pas une structure lourde, mais une entité qui facilite l'action de l'État vis-à-vis des territoires et notamment mobilise l'ingénierie de l'État, qui existe encore, heureusement, et dont ont bien besoin certaines collectivités. La concentration des moyens de l'État a pour ambition de rendre plus visibles et lisibles tous les moyens mobilisables pour les territoires et de prévoir la coordination avec les organismes existants. Nous travaillons à augmenter l'implication de la Caisse des dépôts et consignations (CDC) au profit des territoires ; cela arrivera incessamment. Le nouveau directeur général de la CDC sera bientôt en place ; nous en discuterons avec lui en priorité.

Voici ce que je pouvais vous dire, sous réserve des annonces que pourrait faire le Président de la République lors du centième congrès de l'Association des maires de France (AMF).

M. Hervé Maurey , président . - Le rapporteur spécial du budget du logement a peut-être quelques questions à vous poser ?

M. Philippe Dallier , rapporteur spécial des Programmes « Hébergement, parcours vers le logement et insertion des personnes vulnérables », « Aide à l'accès au logement », « Urbanisme, territoires et amélioration de l'habitat » et « Politique de la ville » de la mission « Cohésion des territoires » à la commission des finances . - Nous aurons largement l'occasion de discuter du logement la semaine prochaine. Je suis aussi intéressé par le numérique, qui n'est pas problématique que dans les territoires ruraux : en banlieue, à 10 kilomètres de Paris, des travaux commencés il y a quatre ans ne sont toujours pas terminés, à cause de la déconfiture d'Altice...

M. Guillaume Chevrollier . - Des élus locaux de Mayenne m'ont interpellé en début de semaine sur les territoires à énergie positive et croissance verte et les contrats de ruralité, dont certains ont été remis en cause alors qu'ils avaient été signés et que les communes avaient engagé des dépenses. L'engagement de l'État est passé dans la communauté de communes du pays de Mayenne, de 170 000 à 31 000 euros et dans le Bocage mayennais, de 171 000 à 29 000 euros. Si, comme vous l'avez dit en propos liminaire, vous garantissez que les contrats seront honorés, je m'en réjouis, mais je resterai vigilant.

Il faudrait maintenir les prêts à taux zéro (PTZ) dans les territoires ruraux et notamment dans les zones détendues : là aussi, il y a un besoin de logement.

Concernant les centres-bourgs, le Fonds d'intervention pour les services, l'artisanat et le commerce (Fisac), pourtant efficace, est remis en cause. Que proposez-vous ? Des élus réclament des outils juridiques pour procéder à un remembrement urbain.

M. Hervé Maurey , président . - Je rappelle que le logement ne relève pas de la compétence de cette commission.

M. Jean-François Longeot . - Même si, bien sûr, cela concerne davantage le ministre de l'éducation nationale, quel est votre avis sur l'idée de l'extension aux territoires ruraux en difficulté des classes de 12 élèves ? Quelle est votre avis sur la possibilité pour les communes de conserver la compétence sur l'eau ou de la déléguer aux communautés de communes, telle que votée par notre assemblée le 23 février dernier ? Où en est-on ?

Mme Nelly Tocqueville . - Monsieur le président, je vous désobéis : le logement est indissociable de l'aménagement du territoire. Les zones B2 et C représentaient 69 000 opérations bénéficiant du PTZ sur 115 000 cette année. Le dispositif est certes poursuivi pour les constructions neuves mais seulement jusqu'au 31 décembre 2019, et avec moins de financements. Quelle efficience peut avoir l'action 2 « développement solidaire et équilibré » dans des zones rurales ou des élus ont lancé des opérations de mixité sociale ? Ces populations modestes qui ne pourront plus accéder à la propriété devront se tourner vers l'urbain. Ceux qui pourront les remplacer, plus aisés, ne joueront pas le jeu de la revitalisation des centres-bourgs.

M. Patrick Chaize . - A moins d'un mois de la conférence nationale des territoires, qui annonce une feuille de route gouvernementale sur le mobile, pouvez-vous nous indiquer quelles sont les pistes envisagées ? Vos propos sur le filaire sont à la fois rassurants et inquiétants : vous faites un constat qui n'est pas mirobolant pour notre pays et le projet de loi de finances pour 2018 correspond à l'épure de ce qui était dans le plan France très haut débit. Mais nous sommes dans une période de turbulences, qui suscite l'inquiétude, notamment concernant la répartition entre les zones AMII et RIP. Confirmez-vous les propos de votre secrétaire d'État, qui se refusait la semaine dernière à « ouvrir la boîte de Pandore » ?

Philippe Dallier l'a dit, concernant les zones AMII, de nombreuses collectivités sont inquiètes malgré les engagements pris par les opérateurs pour 2020, car il existe peu de contraintes. Si les engagements ne sont pas atteints, que se passera-t-il ? Que se passera-t-il après 2022 ? Le Gouvernement est-il vraiment engagé sur l'objectif d'une couverture par la fibre à 100 % en 2025 ?

M. Michel Vaspart . - Certes la désertification médicale est prioritairement du ressort de la ministre de la santé et de la commission des affaires sociales, mais elle relève aussi de l'aménagement du territoire : l'ensemble du territoire français est concerné. Lorsque vous étiez sénateur, cela vous préoccupait. Il y a des avancées intéressantes dans le PLFSS, mais cela ne va pas assez loin. Élus et citoyens ne comprennent pas que l'on accepte l'installation de médecins conventionnés sur des secteurs surdotés. Votre ministère, je crois, doit prendre toute sa part face à cette attente forte de nos concitoyens.

Dans mon département, pour mettre en oeuvre la loi Notre : nous sommes passés de 32 à 8 très grandes intercommunalités, ce qui n'est pas sans conséquences. Les préfets n'interprètent pas toujours la loi en conformité avec son esprit. J'aimerais avoir l'avis du ministère sur quelques problèmes précis. Concernant l'urbanisme, l'application de la loi ALUR et de la loi Littoral empêche d'urbaniser les « dents creuses » dans les villages et les hameaux, ce qui va à l'encontre de l'objectif d'économiser du foncier.

M. Claude Bérit-Débat . - Mon département ressemble beaucoup au vôtre, Monsieur le ministre : enclavement routier, ferroviaire, aérien, numérique, désertification économique et médicale... je pourrais poser des questions dans tous les domaines. Vous avez répondu sur la prime d'aménagement du territoire (PAT). Même si un effort a été fait, il faut aller plus loin. Pour des territoires ruraux comme les nôtres, j'y crois beaucoup.

Concernant le désenclavement numérique et les notions de bon débit et de très haut débit. La date prévue pour le bon débit, 2020, sera-t-elle tenue ? Cela ne se fera-t-il pas au détriment du très haut débit ?

Mme Françoise Cartron . - Vous avez parlé en introduction des sentiments d'abandon et d'injustice dans certains territoires de notre République. Je souhaiterais illustrer ce phénomène avec des exemples. La prolongation des périmètres des zones de revitalisation rurale (ZRR) est une bonne nouvelle. Mais je souhaitais attirer votre attention sur certaines petites villes situées en territoire rural qui présentent les mêmes caractéristiques de fragilité sociale que des communes de centres urbains - pour l'exemple que j'ai en tête, ce sont 25 % d'allocataires du RSA et un taux de chômage de 27 % - mais qui ne bénéficient pas des mêmes accompagnements que les quartiers sensibles.

Face aux déserts médicaux, la réponse est différente pour les zones rurales et les zones urbaines sensibles : dans ces dernières, il est question de la cohésion sociale et de la difficulté de lutter contre les inégalités lorsque la présence médicale est insuffisante. De la même façon, les moyens supplémentaires attribués à l'école ne suffisent pas en l'absence des autres accompagnements sociaux.

Avez-vous des pistes pour l'accompagnement humain des 13 millions de nos compatriotes qui, personnes âgées ou maîtrisant mal la langue, ne s'approprient pas le numérique ?

J'ai bien entendu ce qu'a dit ce matin Sébastien Lecornu sur le Cerema, qui avait été conçu comme un outil au service des élus. Sur le terrain, en Gironde, mandaté par les grands opérateurs comme la SNCF ou EDF, notamment sur des territoires ruraux traversés de manière violente par la construction de la LGV, il lisse ses mesures et donne une valeur moyenne qui ne correspond pas du tout au vécu des habitants ; les élus n'ont pas pu faire entendre leurs objections.

Mme Marta de Cidrac . - Merci pour vos propos pleins de sérénité et d'apaisement - doit-on en créditer la proximité temporelle du salon des maires ? Si le Président de la République aime les parlementaires et veut s'appuyer sur eux, j'espère qu'il en va de même pour les élus locaux : dans les Yvelines, ils sont très inquiets.

Quelle sera la mission et le périmètre de l'Agence de la cohésion des territoires ? Mounir Mahjoubi a abordé avec nous sa feuille de route autour de 5 piliers, dont un relatif aux réseaux : il nous a indiqué que vous étiez plus chargé du volet infrastructure, et lui des questions d'usage. De quelle manière tout cela se met en musique, en termes de calendrier ? Rassurez-nous : bien des élus de mon territoire se posent ces questions.

Mme Angèle Préville . - Il faut regarder les déserts médicaux dans toute leur complexité, afin de faire face à la difficile équation entre liberté d'installation et nécessité d'avoir des médecins partout. Lors d'un débat organisé par les maires ruraux de France, j'ai rencontré récemment des étudiantes en médecine ; heureusement que j'étais assise lorsque j'ai entendu tout ce qu'elles demandaient pour s'installer en zone désertifiée : permis de conduire, véhicule de fonction, logement de fonction et une personne pour leur faire découvrir le territoire ! Les incitations financières créent un appel d'air et cela provoque une inflation des demandes. Il faudra aussi se pencher sur les études de médecine.

Dans le Lot, il y a une communauté particulièrement grande. Serait-il envisageable de revenir à des territoires à taille humaine, correspondant à des bassins de vie, à notre histoire ? Ne pourrait-on pas imaginer une surface maximale pour les communautés de communes ?

M. Olivier Léonhardt . - Je présidais il y a peu une communauté d'agglomération de 200 000 habitants, rassemblant la ville de 36 000 habitants dont j'étais le maire et, au plus loin, un village de 800 habitants. Il y a des problématiques de ruralité en Île-de-France.

Je ne sais pas dissocier l'aménagement du territoire et le logement, j'en suis confus. L'évolution de la loi SRU oblige désormais les villages franciliens de plus de 1 500 habitants - contre 3 500 auparavant - à construire des logements sociaux. Cela pose des problèmes à une cinquantaine de communes sur l'ensemble de la région. Pussay, dans l'Essonne, à 70 kilomètres de Paris, 2 064 habitants, qui pour une partie ont deux heures ou deux heures et demie de transports pour aller travailler, devra construire 400 logements pour respecter la loi. La mairie enregistre un nombre bien plus faible de demandes. On est loin de l'unité urbaine et de la zone tendue. À 4 km, les communes de l'Eure-et-Loir ne sont pas concernées par cette obligation. La carence en transports en commun, l'éloignement, la nécessité de construire de petites unités bien intégrées accentue la difficulté d'attirer des bailleurs. Les communes comme celle-ci doivent donc s'acquitter de lourdes pénalités : pour les 50 villages franciliens, c'est 1,5 million d'euros. Que peut-on envisager pour adapter davantage les obligations de construction aux caractéristiques de ces villages ?

Mme Martine Filleul . - Merci pour vos propos rassurants et votre fermeté à l'égard des opérateurs concernant les zones RIP. Une question concernant le logement - indissociable des questions d'aménagement du territoire : dans le Nord, mais aussi dans le Pas-de-Calais, la baisse des APL met les bailleurs sociaux dans une situation très périlleuse : comment le volet relatif au logement social de l'engagement concernant le renouvellement du bassin minier pourrait-il être mis en oeuvre sans opérateurs sur le territoire ?

Concernant les transports, une mission a été confiée à M. Spinetta pour revoir les villes desservies par le TGV. Chacun souhaite la revitalisation des centres des petites villes et des villes moyennes, mais priver ces dernières de TGV les privera d'attractivité. Je pense à Douai, par exemple.

Le port de Dunkerque a un plan d'agrandissement de 300 hectares d'espace et 16 000 emplois à la clé. Il semble que cet investissement soit fortement contesté par la nouvelle maire du Havre. Je suis désolé de constater cette concurrence entre les ports français, qui ont plutôt besoin de stratégie et de complémentarité. Le Gouvernement pourrait-il faire oeuvre de médiation ?

M. Hervé Maurey , président . - J'ai été victime d'une véritable mutinerie : seul le rapporteur spécial n'a pas osé vous interroger sur le logement ! À titre personnel, je n'en suis pas fâché : je considère, comme de nombreux collègues, que le logement fait partie de l'aménagement du territoire et qu'il devrait relever de la compétence de cette commission.

Avec les déserts médicaux, nous sommes en pleine actualité législative : cette nuit devraient être examinés plusieurs amendements qui témoignent d'une conscience de plus en forte dans cette assemblée de la nécessité d'un traitement de plus en plus énergique. Le Gouvernement est dans la droite ligne des dernières années avec des dispositifs incitatifs à mon avis insuffisants. Ces amendements sont issus de groupes différents et signés au total par une centaine de sénateurs ; cela contraste avec mes premiers amendements sur ce sujet, lors de l'examen de la loi Bachelot, pour lesquels j'avais obtenu péniblement une quinzaine de voix en scrutin public.

M. Jacques Mézard, ministre . - Je répondrai à vos questions, y compris sur le logement. Pour avoir obtenu en 2011 la scission de la commission des affaires économiques en deux, je n'entends pas le regretter aujourd'hui.

Sur les territoires à énergie positive, des financements ont été débloqués. Après bien des débats, nous avons décidé de maintenir le PTZ en zone détendue pour deux ans dans le neuf et quatre ans dans l'ancien. D'aucuns l'ont oublié, mais ce qui était prévu législativement, c'était que tant le PTZ que le dispositif Pinel se termineraient le 31 décembre 2017. Je ne reviendrai pas sur l'utilisation du Pinel en zone C, qui ne dépassait pas la dizaine de logements sur l'ensemble du territoire. La solution retenue semble raisonnable. On verra à la fin de 2019. À l'heure où beaucoup de gens dénoncent à juste titre l'état de l'habitat dans les centres-bourgs, concentrer le PTZ sur l'ancien a du sens, plutôt que de favoriser des constructions périphériques. C'est une solution équilibrée, dont j'ai pu parler avec les représentants des collectivités et des constructeurs.

Il n'y a pas de modification sur le Fisac, qui bénéficie de 16 millions d'euros dans le PLF, comme l'année précédente.

Monsieur Longeot, je connais bien des communes qui aimeraient bien atteindre le nombre de 12 élèves dans leur école ! Le Gouvernement a décidé de concentrer cette année son effort sur les CP en réseaux d'éducation prioritaire plus (REP+), soit 2 500 classes, puis en 2018 de l'étendre à toutes les écoles en REP et au CE1. Cela se prolongera au cours du mandat. C'est un juste équilibre.

Une question me va droit au coeur, celle sur l'eau. Le Gouvernement y travaille en concertation avec les collectivités. Je n'ai pas l'habitude de revenir sur ce que j'ai voté, en l'occurrence le fait de rendre optionnelle la compétence sur l'eau. Cela reste mon opinion personnelle. Je sais que c'est compliqué à réaliser sur le terrain. Le Gouvernement a entendu le message et Jacqueline Gourault y travaille. Je ne vous dirai jamais du bien de la loi Notre, j'ai voté contre !

Concernant la rénovation des centres urbains, il ne vous aura pas échappé que 1,2 milliard était fléché sur l'Agence nationale de l'habitat (Anah) et que cela se cumulait avec nos autres choix sur ce sujet.

Monsieur Chaize, je connais votre attachement à la question du numérique, dont témoigne la proposition de loi que vous portez. Vous me demandez de passer de l'assurance à la réassurance. Je vous confirme ce que j'ai dit. Le Président de la République a fixé un objectif ; la mission du Gouvernement est de l'atteindre. Si nous n'y arrivons pas, nous serons jugés à la hauteur de notre incompétence. Nous avons regardé vos propositions, Monsieur Chaize : vous voulez modifier l'article 33-13 pour le rendre plus contraignant. Nous allons dans le même sens ! Vous nous dites qu'il est urgent de sécuriser les réseaux d'initiative publique. Nos déclarations devraient vous rassurer. L'objectif est d'atteindre un bon débit pour tous en 2020. Le Président de la République a souligné la différence entre territoire et habitants. C'est une vraie interrogation que j'entends. Mais il ne s'agit pas, avec le bon débit à 8 mégas sur tout le territoire en 2020, de déshabiller la fibre, bien au contraire. Les messages ont été envoyés aux opérateurs. Des réponses sont arrivées, d'autres arriveront bientôt.

Les missions confiées à l'Agence du numérique et à l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes (Arcep) permettent d'avancer. L'État a un certain nombre de moyens vis-à-vis des opérateurs. Nous souhaitons, moi et les trois secrétaires d'État concernés, envoyer un message très clair aux opérateurs : nous souhaitons arriver à un accord. Certains ont accepté de prendre des engagements contraignants. D'autres n'ont pas encore répondu, mais vont le faire. Nous avons enclenché un processus vertueux. La concurrence est rude entre eux. Les sommes en jeu sont considérables. On voit bien ce que cela génère dans le fonctionnement de chaque opérateur. Après 2022, nous ne savons pas qui sera aux affaires ; notre travail est de préparer le terrain pour l'objectif 2025.

Monsieur Vaspart, je suis toujours sensible à ce que nous disent les élus locaux et les parlementaires. La question de la désertification médicale remonte de partout. Vous pouvez considérer que les propositions sont insuffisantes dans le PLFSS - on peut toujours faire mieux. L'objectif du Gouvernement est de faire mieux. Le rôle du Parlement est de faire des propositions. Il y a des problèmes presque partout. Les réactions du monde médical relevées par Mme Préville sont aussi une réalité. La profession doit entendre un certain nombre de choses : c'est l'usager qui paie, mais au-delà, c'est tout le monde. Pour venir d'un milieu familial médical, je sais que l'exercice de cette profession a grandement changé dans les dernières décennies, et pas seulement du point de vue financier. Nous devons faire entendre un certain nombre de messages. Je m'en préoccupe car c'est un sujet important pour la cohésion des territoires.

Les « dents creuses » sont aussi un vrai problème. Nous l'étudierons lors de l'examen du projet de loi Logement. Sur l'application de la loi Notre, si vous avez des problèmes spécifiques, faites-les nous passer qu'on puisse essayer de vous donner des réponses techniques par la Direction générale des collectivités territoriales. Monsieur Bérit-Debat, votre département est tout de même moins enclavé que le mien ! Vous interviendrez dans le débat budgétaire sur la PAT ; nous en avons besoin.

Madame Cartron, vous vous réjouissez de l'avancée sur les ZRR...

Mme Françoise Cartron . - Avancée ponctuelle !

M. Jacques Mézard, ministre . - Moi, je ne l'avais pas votée... Il existe des petites villes ayant les mêmes caractéristiques sociales que les quartiers sensibles. Cela peut exister. Dans tout choix de périmètre, il peut arriver ce genre de choses. C'est aussi le rôle de l'intercommunalité d'assurer une certaine solidarité.

Mme Françoise Cartron . - Mais quand tout le territoire est pauvre ?

M. Jacques Mézard, ministre . - Je sais ce que c'est, je représente un territoire avec des revenus parfois inférieurs à certains quartiers prioritaires. Ces derniers ont été définis dans la loi Lamy. On ne va pas y revenir.

C'est dans les villes moyennes que la proportion de nos concitoyens qui ne s'approprient pas le numérique est la plus élevée, avec 46 %. Nous voulons tous développer les infrastructures. Mais l'appropriation est aussi une priorité. Nous devons lutter contre la fracture territoriale, mais la fracture sociale existe aussi. Dans certains quartiers, 60 % sont allophones et presque aucun parent d'élève ne maîtrise le français. La mobilisation des maisons de service public et des mairies est tout à fait justifiée.

J'ai pu constater la situation difficile du Cerema, qui est sous la co-tutelle des ministères de la transition écologique et de la cohésion des territoires. Il compte beaucoup de compétences, qu'il serait souhaitable de mettre au service des collectivités qui en ont bien besoin. Message reçu, mais nous connaissions ce point.

Madame de Cidrac, mon propos n'est pas en lien avec le salon des maires. Je n'en changerai pas après. Ce n'est pas dans mes gènes de faire différer mes propos selon l'humeur de telle ou telle association. Ceux qui me connaissent le savent.

Nous sommes preneurs de toute observation. L'Agence de la cohésion des territoires doit avoir une utilité pour les territoires et ne pas concurrencer ce que font certaines collectivités.

Concernant le calendrier, lorsque nous connaîtrons les réponses qui doivent parvenir à l'Arcep et à l'Agence du numérique au 30 novembre, nous en saurons plus, mais les objectifs sont bien ceux que j'ai indiqués.

Madame Préville, il est dommage que l'on manque de médecins dans le Lot, ce si beau département ! Sur les communautés de communes, je pense personnellement qu'il faut faire confiance aux élus locaux. C'est la position adoptée depuis début de ce gouvernement. On verra ce qu'il en est sur le Grand Paris. Le Gouvernement est favorable aux fusions si c'est la volonté des collectivités. Dans ce domaine, on a déjà donné ! Vous me demandez si certaines communes pourraient se retirer ? Je suivrais personnellement le même principe. Si des gens ne se supportent pas ou si les intercommunalités ne sont pas calées sur le bassin de vie, cela devrait être possible. S'il peut y avoir des évolutions dans le cadre légal existant - je connais la situation des communautés de communes du Lot - je crois qu'il faut tenir compte des voeux des conseils municipaux.

J'ai pu constater de visu, en inaugurant une usine de chanvre, que l'Essonne était un département à la fois urbain et rural, comme les Yvelines ou le Val d'Oise. Nous allons réfléchir au problème que vous posez sur la loi SRU. La position que j'ai prise est de ne pas la remettre en cause pour ne pas pénaliser les communes qui ont consenti des investissements considérables pour s'y conformer. Nous ne pouvons pas changer en l'état les grands équilibres. Cela dit, faites-moi passer les 50 cas dont vous parlez ; nous verrons ce que nous pouvons faire.

Sur les bailleurs sociaux, même si c'est une mutinerie, je répondrai ! Nous sommes toujours en discussion avec eux. Le Sénat y travaille. Pour avoir siégé dans un office départemental et avoir été il y a longtemps adjoint à l'urbanisme et au logement, je connais le fonctionnement du logement social : la nécessité d'une restructuration ne fait guère de doute. Le délai de trois ans que nous nous sommes fixé est raisonnable. L'article 52 - ce n'est pas une nouvelle - évoluera. Le Sénat y travaille. Nous trouverons les moyens d'un consensus. Mais quant à dire que tout allait bien et qu'il ne faut rien changer... Pas une année ne se passe sans que l'on entende parler des « dodus dormants ». Sur 700 structures de logement social, certaines vont bien, d'autres non. Il ne s'agit pas de se passer de la proximité : personne n'a envie d'avoir des structures ayant leur siège à 400 km. J'ai vécu la réforme des régions...

Chacun montre ses muscles. J'ai toujours préféré le dialogue. Il y a des représentants éminents du logement social dans le Nord qui siègent dans de magnifiques locaux... concernant le bassin minier et le contrat signé sur 23 000 logements., le Président de la République a indiqué que les engagements seraient tenus.

Mme Martine Filleul . - Il faudra pour cela qu'il y ait des opérateurs !

M. Jacques Mézard, ministre . - Sur la concurrence entre les ports, un comité interministériel de la mer se tient demain ; je ne sais pas s'il réglera la concurrence entre le Havre et Dunkerque. Je croyais les collectivités suffisamment sages pour construire conjointement plutôt que de se concurrencer. Je connais les demandes sur le canal qui conforteraient le port de Dunkerque ; j'espère que ce sera le cas, et qu'il ne confortera pas des ports plus au nord...

Je représente un territoire qui n'a pas de TGV et qui n'en aura jamais, qui n'a pas d'autoroute et n'en aura jamais. Je ne vous souhaite pas de perdre une desserte rapide. Je pense que M. Spinetta écoute les collectivités. La ministre des transports l'a dit : il ne s'agit pas d'arrêter les grandes infrastructures, mais de faire une pause sur certains grands investissements : il faut aussi penser à l'entretien et la modernisation des routes nationales et des voies ferrées traditionnelles. Il y a des endroits où les trains ne circulent pas en automne, parce que les locomotives patinent sur les feuilles mortes !

M. Olivier Léonhardt . - En Île-de-France, par exemple !

M. Jacques Mézard, ministre . - Il y a des endroits où les trains sont limités à 30 kilomètres à l'heure. J'entends l'inquiétude de ceux qui voient passer des trains à grande vitesse.

M. Hervé Maurey , président. - Merci. Nous savons que la voix des territoires ruraux est entendue au Gouvernement grâce à vous.

II. EXAMEN DU RAPPORT

Réunie le mercredi 22 novembre 2017, la commission a examiné le rapport pour avis sur les crédits relatifs à la cohésion des territoires, inscrits dans le projet de loi de finances pour 2018.

M. Hervé Maurey , président . - L'avis « Cohésion des territoires » nous était précédemment présenté par notre collègue Rémy Pointereau qui, devenu questeur, a dû abandonner certaines de ses responsabilités - à regret, je le sais, notamment cet avis sur un sujet qui lui tient à coeur.

L'aménagement du territoire est en effet un aspect important du champ de compétences de notre commission et surtout un souci de préoccupation majeur pour le Sénat qui, il n'est jamais inutile de le rappeler, est le représentant constitutionnel des territoires. En cette semaine de Congrès des Maires, notre réunion de ce matin prend tout son sens.

Nous avons désigné notre collègue Louis-Jean de Nicolaÿ pour faire ce travail budgétaire cette année. C'est donc une première pour lui, même si nous savons que l'aménagement du territoire est une problématique qu'il connaît bien, notamment grâce au travail que nous avons mené ensemble et qui a abouti à un rapport d'information au printemps dernier.

L'audition du ministre Jacques Mézard la semaine dernière nous a déjà permis de recueillir quelques explications sur ce budget. Il nous faut maintenant les remettre en perspective.

M. Louis-Jean de Nicolaÿ , rapporteur pour avis de la mission « Cohésion des territoires » . - Je vous présente aujourd'hui l'avis budgétaire relatif à l'aménagement du territoire. Comme l'an passé, il porte sur les crédits de deux programmes de la mission « Cohésion des territoires » : le programme 112 « Impulsion et coordination de la politique d'aménagement du territoire » et le programme 162 « Interventions territoriales de l'État ». Il intègre également les ressources du compte d'affectation spéciale dédié au « Financement des aides aux collectivités pour l'électrification rurale », également appelé FACÉ.

Rapporteur pour avis sur ces crédits pour la première fois, je souhaite saluer l'important travail mené ces dernières années par mon prédécesseur, notre collègue Rémy Pointereau, et son engagement sans faille en faveur des territoires ruraux. Je le remercie d'ailleurs pour son aide lors du lancement de mes travaux.

J'en viens aux crédits demandés dans le projet de loi de finances initiale pour 2018. Je rappelle que le montant total des deux programmes budgétaires que nous examinons aujourd'hui reste modeste, car ils représentent 3 % des crédits de la politique transversale d'aménagement du territoire, telle qu'évaluée en annexe du projet de loi de finances. Celle-ci représente un total de 7,7 milliards d'euros en 2018.

Je vous propose d'évoquer en premier lieu les crédits du FACÉ, qui connaissent une légère baisse cette année. Ses ressources passent de 377 millions d'euros en 2017 à 360 millions en 2018. Cette baisse de 4,5 % est répartie de manière homogène entre les différentes actions du programme principal.

Les crédits du FACÉ permettent de soutenir les travaux d'extension et de renforcement des réseaux de distribution d'électricité menés par les autorités organisatrices. Les recettes du fonds proviennent d'une contribution versée par les gestionnaires de réseaux publics, dont le taux est modulé en fonction de la taille des communes afin d'assurer une péréquation en faveur des zones rurales.

Les élus locaux sont attachés à ce fonds historique de la politique d'aménagement du territoire. Ses ressources permettent en effet d'étendre les réseaux existants, de les protéger contre les intempéries et de diminuer le nombre de départs mal alimentés. Il faudra donc être vigilant quant à l'évolution des crédits dans les prochaines années.

J'en viens au programme 112, qui finance des dispositifs nombreux et très divers en faveur de l'aménagement du territoire : les contrats de ruralité, la prime d'aménagement du territoire, les restructurations des sites de défense ou encore les maisons de services au public.

En succédant à notre collègue, Rémy Pointereau, j'ai été surpris non seulement par la diversité mais également par la dispersion des actions financées par le programme. Cette situation n'évoluera pas en 2018, ce qui est paradoxal au sein d'une mission qui porte désormais le nom de « cohésion des territoires » mais qui manque encore singulièrement de cohérence !

Je me concentrerai donc sur les points qui me semblent les plus importants.

En 2018, les crédits du programme enregistrent une forte baisse en autorisations d'engagement, de près de 58 %, en passant de 452 à 191 millions d'euros. Quant aux crédits de paiement, ils passent de 247 à 255 millions d'euros, soit une légère hausse de 3 %.

Cette évolution résulte essentiellement d'un retrait du programme 112 des crédits dédiés aux nouveaux contrats de ruralité et au pacte État-métropoles. Le programme 112 comportera toutefois 44 millions d'euros de crédits de paiement, afin de couvrir les engagements pris dans les contrats signés en 2017, ainsi que 15 millions au titre du pacte État-métropoles. Ce sont ces crédits qui conduisent à la hausse de 3 % que je viens d'évoquer.

Je rappelle que les contrats de ruralité ont été mis en place fin 2016 afin de formaliser des actions et des financements pluriannuels en faveur de projets de territoire, organisés autour de six thématiques : l'accès aux services et aux soins, la revitalisation des bourgs centres, l'attractivité territoriale, la mobilité, la transition écologique et la cohésion sociale.

Conclus entre l'État et les pôles d'équilibre territoriaux et ruraux (PETR) ou les intercommunalités, ces contrats associent d'autres participants, comme les départements ou les régions, ainsi que des partenaires publics, comme la Caisse des dépôts. Fin septembre, plus de 480 contrats signés ou en cours d'élaboration ont été identifiés. Au total, 786 intercommunalités participent à un contrat de ruralité, dont 443 par un PETR ou un pays.

Les contrats de ruralité sont un bon outil, au service d'un développement transversal des territoires. Par ailleurs, à travers ces contrats, les problématiques rurales des territoires bénéficient d'une vraie reconnaissance, à l'instar des contrats de ville pour les territoires urbains en difficulté. Enfin, cet outil contribue à un sujet qui me tient à coeur : le soutien au bourg centre des villes petites et moyennes, en particulier des anciens chefs-lieux de canton.

Les représentants des collectivités territoriales que j'ai contactés m'ont confirmé que ces contrats vont dans le bon sens et constituent un progrès pour les élus locaux, tout en appelant de leurs voeux une harmonisation des conditions de mise en oeuvre d'un territoire à l'autre, ainsi qu'une stabilité dans le temps des différentes sources de financement.

Par conséquent, on ne peut que regretter ce transfert hors du programme 112, qui ne se résume pas à un ajustement technique. En effet, en étant l'un des nombreux dispositifs susceptibles d'être financés par la dotation de soutien à l'investissement local (DSIL), les contrats ne bénéficieront plus d'une enveloppe clairement identifiée.

Ni le ministre, ni le commissaire général à l'égalité des territoires ne nous ont apporté de garanties sur ce sujet. Je note que l'exposé général des motifs du projet de loi de finances mentionne une somme de 45 millions d'euros, sans préciser s'il s'agit d'un plafond, d'un plancher ou d'un simple montant indicatif. En tout état de cause, ce montant serait quatre fois plus faible que celui consacré à ces contrats en 2017.

Il s'agit donc d'un premier signal négatif envoyé aux territoires au sein de ce programme.

Par ailleurs, si l'on examine les autres crédits du programme, hors contrats de ruralité et pacte État-métropoles, on constate également une érosion des moyens : les autorisations d'engagement passeront de 210 à 191 millions d'euros, tandis que les crédits de paiement passeront de 217 à 196 millions d'euros.

Cette évolution est regrettable car elle révèle une absence d'orientations fortes et de priorisation claire, en décalage avec l'État stratège que nous avons appelé de nos voeux avec le président dans le rapport que notre commission a adopté en juin dernier, et auquel le ministre avait souscrit.

En autorisations d'engagement, cette baisse concerne essentiellement les contrats de plan État-région et la prime d'aménagement du territoire. En crédits de paiement, elle résulte principalement de l'extinction des crédits dédiés aux pôles d'excellence rurale, de l'évolution des restructurations des sites de défense et d'une baisse des ressources dédiées au CGET.

S'agissant des crédits apportés aux CPER par le programme 112, leur montant diminuera d'environ 6 millions d'euros en autorisations d'engagement. Si des fluctuations interannuelles peuvent se produire pour ces contrats, il faudra être vigilant à l'occasion de leur révision à mi-parcours en 2018, en vue d'assurer le respect de la programmation initiale, notamment des engagements pris par l'État.

Concernant la prime d'aménagement du territoire (PAT), je rappelle qu'il s'agit d'un des derniers régimes d'aide directe aux entreprises autorisés par l'Union européenne. Les subventions apportées par cet outil peuvent faire la différence pour assurer le maintien de l'activité dans certains territoires, comme en témoigne le rôle déterminant de la prime dans la reprise récente de l'usine Whirlpool à Amiens. C'est donc un instrument utile pour nos territoires, qui permet de soutenir les activités existantes et d'attirer des investissements mobiles.

Je regrette que le Gouvernement ait initialement prévu une forte baisse des moyens consacrés à cette prime en 2018. Dans le texte initial du projet de loi de finances, les autorisations d'engagement étaient divisées par deux, passant de 20 à 10 millions d'euros. Ce montant a été rehaussé à 15 millions par un amendement du Gouvernement adopté à l'Assemblée nationale. Il reste toutefois en retrait par rapport à l'an passé. Faute de marge de manoeuvre sur le périmètre de cet avis, je ne présenterai pas d'amendement rapporteur. Toutefois, je pense qu'un ajustement à l'échelle de la mission pourrait être envisagé.

Autre instrument important en faveur de l'attractivité des territoires ruraux, le régime des zones de revitalisation rurale a fait l'objet d'une réforme adoptée fin 2015, qui a modifié les critères définissant ce zonage, en privilégiant une approche intercommunale. Si cette modification a permis l'entrée de nouvelles communes, elle a également conduit à la sortie de nombreuses communes rurales intégrées à de grands EPCI en application de la loi NOTRe. Au 1 er juillet 2017, 4 074 communes sont ainsi sorties du classement, contre 3 657 communes nouvellement intégrées.

Pour les communes de montagne sortant du classement, le Sénat a souhaité maintenir pendant trois ans le bénéfice du zonage, par une disposition insérée dans la loi montagne de 2016 dont notre collègue Cyril Pellevat avait été rapporteur. Cela concernait environ 1 000 communes sortantes. Un amendement adopté à l'Assemblée lors de l'examen du projet de loi de finances étend cette solution à l'intégralité des autres communes sortantes, soit un peu plus de 3 000 communes.

En d'autres termes, les effets de la réforme pour les communes perdant leur classement en ZRR ont été gelés pour trois ans. Comme cela a été évoqué lors de l'audition du ministre par notre commission, le 16 novembre dernier, cette situation n'est pas complètement satisfaisante car elle n'apporte aucune visibilité sur le long terme aux communes concernées.

À propos des pôles de compétitivité, les crédits apportés par le programme 112 à l'animation de cette politique sont stables, avec 2,6 millions d'euros pour 2018. Cette politique est importante pour soutenir l'innovation et l'attractivité, et elle contribue à l'identité de nos régions. J'ai attiré l'attention des services sur le risque d'un essoufflement de cette dynamique, en soulignant l'intérêt d'une nouvelle impulsion pour mieux faire connaître l'action des pôles et pour leur redonner de la visibilité.

Je souhaiterais également évoquer le soutien aux maisons de services au public (MSAP), qui augmente cette année d'environ 3 millions pour atteindre 11,3 millions en crédits de paiement pour 2018. Ces crédits correspondent au financement apporté par l'État aux maisons autres que celles installées dans des bureaux de poste, ainsi qu'au financement de l'équipe d'animation nationale gérée par la Caisse des dépôts. En juillet 2017, près de 1 500 MSAP étaient ouvertes ou en cours d'ouverture.

Cet effort en 2018 est opportun car il s'agit à mon sens d'une bonne politique, qui contribue au maintien des services publics dans les territoires ruraux. Nous sommes nombreux à constater localement l'utilité de ces structures pour nos concitoyens. D'après les informations qui m'ont été transmises, le ministère envisage des ajustements de cette politique afin de clarifier et de consolider le dispositif. Cette initiative devrait prendre la forme d'une charte de qualité avec une classification des maisons en plusieurs catégories, selon les prestations proposées.

L'audition du secrétaire d'État au numérique par notre commission le 9 novembre 2017 a souligné l'utilité du réseau grandissant des MSAP, comme interfaces entre le maintien d'une présence physique dans les territoires et la dématérialisation des procédures, en particulier pour accompagner les publics éloignés du numérique. Il me semble indispensable de s'appuyer sur ce maillage de plus en plus dense pour diffuser les nouveaux usages numériques dans les territoires, en faveur de nos concitoyens.

Cela me permet de faire une transition avec l'aménagement numérique du territoire. En termes budgétaires, le programme 112 ne comprend qu'une fraction des ressources dédiées à cette politique, en contribuant au volet territorial et au volet numérique des CPER. Ces crédits permettent notamment de soutenir la planification locale en faveur du numérique, ainsi que le déploiement de certains pylônes de téléphonie mobile.

S'agissant de la couverture mobile, et comme le président l'avait souligné lors de l'audition de l'Arcep, il sera important pour les parlementaires d'être associés à la refonte de cette politique publique, dans le cadre d'une révision anticipée de certaines licences mobiles, assortie de contreparties financières pour les opérateurs.

Quant aux réseaux fixes, si les objectifs ont été clarifiés, nous ne savons pas encore quelles solutions opérationnelles vont être mobilisées afin de les atteindre. L'avis rendu le 23 octobre dernier par l'Arcep à la demande du Sénat comporte des propositions intéressantes, notamment en vue de défendre le principe de mutualisation des réseaux.

La question du partage des responsabilités entre opérateurs privés et collectivités territoriales doit encore être précisée, pour s'assurer que toutes les parties prenantes contribuent à l'objectif du très haut débit pour tous en 2022, sans fragiliser les initiatives existantes. Notre commission aura l'occasion de discuter de ces sujets lors de l'examen de la proposition de loi récemment déposée par notre collègue Patrick Chaize, qui vise à sécuriser et à protéger les investissements publics.

Concernant les ressources dédiées au Commissariat général à l'égalité des territoires (CGET), l'année 2018 sera marquée par un nouvel effort important de réduction des dépenses.

Les dépenses de personnel diminueront de près d'un million d'euros, soit une baisse de 4 %. Le plafond d'emplois passera de 281 à 266 ETPT, soit une perte de 15 emplois en 2018. Si la baisse de près de 20 % des dépenses hors titre 2 résulte principalement d'économies sur les dépenses immobilières et d'un transfert vers le programme 129, je regrette qu'elle s'appuie également sur une réduction des moyens consacrés au fonctionnement courant et aux études du CGET.

Par ailleurs, comme l'a souligné notre collègue Guillaume Chevrollier dans l'avis qu'il nous a présenté la semaine dernière, les moyens du Cerema diminuent également, alors qu'il s'agit d'un autre pôle important d'expertise au service des collectivités territoriales.

Ces évolutions sont un vrai motif de préoccupation, dans la perspective de la création d'une Agence de la cohésion des territoires. En effet, deux appuis possibles pour cette future structure voient leurs moyens se réduire, ce qui ne crée pas un contexte favorable à sa mise en place.

Lors de son audition, le ministre nous a indiqué que ce projet d'agence, annoncé par le Président de la République lors de la conférence nationale des territoires du 17 juillet dernier, devrait être précisé d'ici la fin de l'année. Parmi les scénarios à l'étude, il est envisagé de placer le CGET à la tête d'un réseau d'expertise qui s'appuierait sur les ressources disponibles au sein de différents organismes de l'État, comme le Cerema. Un projet plus ambitieux, mais également plus long à mettre en place, serait la création d'une « ANRU » rurale, à partir du CGET. Les questions relatives au réseau territorial de cette structure ainsi qu'à la nature des prestations proposées aux collectivités restent à préciser.

Je m'interroge sur la contribution réelle de cette nouvelle structure à l'aménagement du territoire en l'absence de moyens accrus. Si une réorganisation de l'existant pourrait faciliter l'accès à l'ingénierie actuellement disponible au sein de l'État, il faudrait être plus ambitieux et identifier des ressources supplémentaires afin de répondre aux besoins des collectivités territoriales.

Le troisième élément de cet avis est le programme 162, qui apporte un financement interministériel à plusieurs plans d'action territorialisés. Les quatre plans existants en 2017 sont reconduits pour 2018, et s'y ajoutera en 2018 une nouvelle action liée au plan « Littoral 21 », en faveur du littoral occitan.

Les ressources du programme 162 connaissent une évolution contrastée en 2018 puisque les autorisations d'engagement augmenteront, passant de 30 à 34 millions d'euros, tandis que les crédits de paiement diminueront, passant de 29 à 27 millions.

Le programme dédié à l'eau et l'agriculture en Bretagne présente une baisse importante de ses ressources, en passant de 7,7 à 2,5 millions en engagements et de 6,7 à 3,3 millions en crédits de paiement. Il s'agit d'une action importante car la problématique des algues vertes reste un enjeu majeur pour le littoral breton, et les agriculteurs ont encore besoin d'être soutenus pour modifier leurs pratiques agricoles. Le ministère de l'intérieur m'a toutefois indiqué qu'un transfert en gestion devrait permettre de retrouver un niveau plus élevé de crédits en cours d'année, en faveur du plan de lutte contre les algues vertes.

Le programme exceptionnel d'investissement (PEI) en Corse bénéficiera d'une augmentation de ses ressources pour 2018, avec 27,5 millions en autorisations d'engagement et 20 millions en crédits de paiement, soit une augmentation de 46 et de 6 % par rapport à 2017. Cette évolution vise à respecter le niveau d'engagement de l'État programmé dans le cadre de la quatrième convention d'application du PEI. En 2018, le programme devrait permettre de financer notamment la réhabilitation de deux stations d'épuration, le développement de la fibre optique ainsi que des travaux routiers dans les agglomérations de la région.

Les ressources de l'action dédiée au Marais Poitevin diminueront également en 2018, pour atteindre 1 million d'euros en autorisations d'engagement et 1,6 million en crédits de paiement. Jugeant que les objectifs de protection de la biodiversité et des milieux naturels sont en bonne voie d'être atteints, le ministère envisage une clôture de l'action fin 2018.

Si l'on peut se féliciter que certains plans du programme 162 puissent trouver un terme, il faudra s'assurer du maintien d'un niveau élevé de protection environnementale au sein du marais dans les prochaines années.

S'agissant du plan chlordécone en Martinique et en Guadeloupe, l'action se maintient à environ 2 millions d'euros. Pour rappel, l'objectif de ce plan est de gérer les conséquences sanitaires du chlordécone, un pesticide utilisé jusqu'au début des années 1990 pour lutter contre le charançon du bananier.

La forte rémanence de ce produit dans les sols implique un suivi sanitaire de la population ainsi que des mesures de reconversion pour les professionnels concernés. Il s'agit malheureusement d'un problème majeur de santé publique d'origine environnementale, pour lequel il sera indispensable d'apporter des ressources dans les prochaines années, sans pouvoir encore fixer un terme à ce programme.

La principale innovation du programme 162 pour 2018 est la création d'une action dédiée au plan « Littoral 21 ».

Ce nouveau programme est justifié par plusieurs facteurs qui remettent en cause l'attractivité, notamment touristique, du littoral occitan : le vieillissement des stations touristiques, l'inadaptation des infrastructures, le réchauffement climatique ou encore une urbanisation menaçant les espaces naturels.

Le Gouvernement a annoncé une mobilisation totale de 80 millions d'euros sur dix ans de la part de l'État, en faveur de la réhabilitation du littoral dans cette région. Toutefois, pour l'année 2018, l'action correspondante du programme 162 reste faiblement dotée, avec 1 million en autorisations d'engagement et 500 000 euros en crédits de paiement. Il faudra donc suivre le respect de cet engagement dans la durée.

Je précise que ce plan mobilise de nombreux cofinanceurs publics, dont la région Occitanie - qui devrait contribuer à hauteur de 300 millions d'euros - ainsi que les quatre départements concernés. Des crédits de droit commun de l'Ademe, de l'Agence nationale de l'habitat et de l'AFITF devraient également concourir à ce plan.

Cette nouvelle action illustre le rôle d'impulsion qui incombe à l'État pour stimuler et organiser les actions des différentes parties prenantes autour d'un projet commun de territoire. Il faudra cependant examiner avec attention le déroulement de ce plan qui ne fait que débuter.

Pour conclure sur l'ensemble de ces crédits, je regrette que le budget 2018 soit globalement en retrait par rapport à l'an passé. De nouvelles annonces seront sans doute faites d'ici la fin de l'année, mais il s'agit incontestablement d'un signal négatif pour l'aménagement du territoire, quelques mois seulement après la première conférence nationale des territoires. Si l'attachement du ministre de la cohésion des territoires à la ruralité n'est plus à prouver, le budget qui nous est proposé cette année n'est pas à la hauteur des difficultés dans nos territoires et ne garantit pas à nos concitoyens la résorption des fractures territoriales.

Par conséquent, je vous proposerai d'émettre un avis défavorable à l'adoption de ces crédits.

M. Jean-François Longeot . - A propos du FACÉ, le rapporteur a eu raison de parler de vigilance, car les négociations sont difficiles entre la FNCCR et Enedis sur les contrats de concession certains syndicats d'électricité jusqu'à présent soumis au régime urbain envisagent de passer au régime rural. J'en connais au moins huit. Cette évolution nécessitera des crédits supplémentaires, et je rappelle que de nombreuses opérations d'extension et de renforcement restent à conduire.

M. Christophe Priou . -. L'ardente obligation d'aménagement du territoire se traduit malheureusement par une ardente diminution des moyens ! Concernant l'urbanisme, il y a quelques années l'État mettait des équipes multidisciplinaires à disposition des intercommunalités, notamment pour les territoires de montagne, le littoral ou la requalification des friches urbaines. Il me semble que cette pratique a malheureusement disparu.

Par ailleurs, des problèmes de zonage ont également été relevés dans nos territoires, notamment en matière de logement social pour les zones B2.

Enfin, les économies dégagées sur le marais Poitevin pourraient utilement être affectées au soutien aux territoires à énergie positive, pour lesquels les engagements s'élèvent à environ 700 millions pour une enveloppe initiale de 400 millions !

M. Guillaume Chevrollier . - L'aménagement du territoire est un sujet majeur tant les déséquilibres sont grands entre les zones urbaines et les territoires ruraux. Les élus locaux attendent de la stabilité et de la fiabilité. Les contrats de ruralité sont appréciés mais ils doivent être respectés dans la durée. Le Parlement doit contrôler le respect des engagements pris par l'État.

S'agissant du Fonds d'intervention pour les services, l'artisanat et le commerce (FISAC), il s'agit d'un outil utile mais ses moyens ont fortement diminué, pour atteindre 16 millions cette année. Le ministre nous a indiqué qu'il y avait une stabilisation. Pouvez-vous nous préciser la situation, ainsi que l'avenir prévisible du fonds ?

Mme Pascale Bories . - Les communes ont vu leurs dotations diminuer, en particulier en matière de fonctionnement. Elles ont besoin d'un soutien fort en matière d'investissement. Les baisses évoquées sur le FISAC, les CPER ou les contrats de ruralité peuvent poser un vrai problème pour l'activité locale.

On peut se féliciter de certaines actions ciblées comme le plan « Littoral 21 », en particulier pour la restauration du cordon dunaire. Mais je ne sais pas si les crédits prévus seront suffisants.

M. Claude Bérit-Débat . - Le rapporteur a bien présenté l'ensemble du périmètre. Je partage ses préoccupations sur les contrats de ruralité suite au transfert des crédits hors du programme 112, alors qu'il s'agit d'un outil intéressant.

Pour la prime d'aménagement du territoire, la baisse est un mauvais signal car il s'agit de la dernière aide directe aux entreprises dont on dispose pour les attirer sur les territoires.

Enfin, à propos des ZRR, je me souviens qu'en tant que président de communauté d'agglomération, nous avions prévenu les communes rurales souhaitant rejoindre la communauté qu'elles allaient perdre certains avantages, notamment liés à ce zonage. Les nouvelles règles sont plus claires qu'auparavant mais il faut sûrement réfléchir à des mécanismes d'accompagnement, dans la continuité de la solution adoptée par le Sénat lors de l'examen de la loi montagne.

M. Rémy Pointereau . - À mon tour de saluer l'excellent travail mené par notre rapporteur, sur cette mission désormais nommée « Cohésion des territoires ». Malheureusement, les crédits diminuent depuis plusieurs années. Par ailleurs, nous déplorons la dispersion des crédits, qui nuit à la lisibilité de la politique nationale en la matière, avec une trentaine de programmes, rattachés à 14 missions différentes. Il y a un vrai problème de cohérence.

La baisse des crédits témoigne non seulement d'un signal négatif pour les territoires, mais également d'un manque d'imagination. Par le passé, c'est-à-dire dans l'ancien monde, des mesures innovantes ont été proposées, comme les pôles d'excellence rurale ou les pôles de compétitivité. Malheureusement, ces dispositifs sont en recul.

Nous devrions rencontrer le ministère, afin d'identifier des mesures innovantes, en particulier pour la revitalisation des centres-bourgs. Je regrette que les échanges réguliers que nous avions autrefois avec les services de la DATAR n'existent plus. Si les commissions parlementaires compétentes avaient été associées, les difficultés rencontrées sur les ZRR n'auraient pas eu lieu.

M. Hervé Maurey , président . - Au sujet des centres-bourgs, un groupe de travail va être mis en place à l'initiative de la délégation aux collectivités territoriales et de la délégation aux entreprises.

Ces différents sujets pâtissent de la baisse des moyens de l'État, avec la disparition de la DATAR et le recul des interventions du CGET. Dans le rapport que nous avons remis avant l'été avec notre collègue Louis-Jean de Nicolaÿ, nous regrettions que le CGET soit davantage spectateur qu'acteur.

Le recul de la politique d'aménagement du territoire s'appuie sur des constats clairs, que nous avions établis dans ce rapport. Le manque d'interlocuteurs sur ce sujet au sein de l'État est un vrai problème. À plusieurs occasions récentes, nous avons échangé avec le ministre qui s'est rendu très disponible. Mais au-delà de son attachement à la ruralité, force est de constater qu'au niveau du Gouvernement, l'aménagement du territoire n'est pas encore défini comme une priorité.

M. Ronan Dantec . - Je partage l'analyse du rapporteur sur le signal désastreux envoyé par la baisse des crédits cette année encore. S'agissant du premier budget du nouveau quinquennat, l'État a encore un peu de temps pour définir ses orientations. Je pense que l'année 2018 est une année-clef pour remettre à plat les politiques existantes et pour gagner en lisibilité. Je pense que personne ne fera de faux procès à Jacques Mézard sur ces sujets, compte tenu de son engagement. À court terme, nous devrions faire des propositions précises et en nombre raisonnable, pour cibler des priorités d'action, en s'appuyant sur le travail déjà mené.

À propos des territoires à énergie positive, le ministre a confirmé que 75 millions d'euros vont s'ajouter aux 400 millions initiaux. Je suppose que les autres compléments nécessaires seront répartis sur les années suivantes.

Quant à la contribution climat-énergie, qui va augmenter de 12 milliards d'euros sur le quinquennat, elle sera financée par les territoires, notamment par les personnes qui ont des contraintes en termes de mobilité thermique dans les zones rurales et périurbaines. Il est indispensable qu'une part de cette contribution soit fléchée vers les territoires. Nous allons redéposer un amendement, qui avait été adopté par le Sénat l'année dernière avant le rejet du budget, en vue de créer une dotation climat pour les territoires, financée par la montée en puissance de cette contribution. J'espère que cette proposition pourra ensuite être reprise par l'Assemblée nationale. Cela me semble important pour accompagner la transition énergétique dans les territoires.

Enfin, concernant la lutte contre les algues vertes et le chlordécone, qui est un enjeu sanitaire important, je pense que nous devrions demander une évaluation claire à l'État du résultat de ces actions budgétaires.

M. Jean Bizet . - La baisse de la prime d'aménagement du territoire est effectivement regrettable, car il s'agit d'un des derniers leviers incitatifs compatibles avec les règles européennes. La diminution de 20 à 10 millions d'euros, et désormais à 15 millions, est problématique car les crédits disponibles s'épuisent vite, alors que les dossiers dans les territoires sont nombreux. Le dossier Whirlpool consomme près de la moitié de la dotation.

La baisse des crédits du budget 2018 est par ailleurs problématique en parallèle de la baisse probable des fonds de cohésion dans le futur cadre pluriannuel 2020-2027. La situation dans les territoires va devenir très difficile.

Mme Michèle Vullien . - La future Agence nationale de la cohésion des territoires ne doit effectivement pas être une coquille vide. Elle peut être une opportunité pour remettre en ordre l'existant.

À ce titre, je pense qu'il faut valoriser le travail mené dans le cadre des schémas de cohérence territoriale (SCoT). L'approche inter-SCoT est un exercice très utile, qui permet de prendre conscience des problématiques de chacun, sans opposer territoires urbains et ruraux. Nous faisons tous partie du même territoire français.

Quant aux CPER, il nous est arrivé de voir des lignes ferroviaires sorties des contrats par des artifices budgétaires. Il faut être vigilant, afin de respecter les budgets prévus, en particulier quand il s'agit de mobilité.

M. Jérôme Bignon . - La diminution année après années des crédits et le manque d'ambition de la politique d'aménagement du territoire est problématique. Il y a quelques mois, notre commission avait organisé une table ronde sur les objectifs du développement durable (ODD). Or, ces objectifs ne me semblent pas assez pris en compte dans nos politiques. On ne doit pas concevoir l'aménagement du territoire uniquement en référence au passé. Nous n'allons pas nous lamenter éternellement sur la disparition de la DATAR. Regardons l'étape d'après, qui devrait s'appuyer sur les ODD, notamment en matière de lutte contre la pauvreté, d'éducation, de gestion de l'eau, d'énergie propre ou encore de travail durable. Cela redonnerait une perspective de long terme. Il est indispensable de sortir de l'approche en silos. 193 pays se sont engagés à l'ONU à atteindre ces ODD en 2030. Dans le cadre du projet de loi de finances, je souhaite que le Gouvernement nous transmette des indicateurs sur le suivi des ODD dans notre pays. Notre commission gagnerait en visibilité et en modernité en suivant l'aménagement du territoire au regard de ces objectifs.

Mme Marta de Cidrac . - Au-delà de la baisse des aides, il y a un sentiment très prégnant de manque de vision. On ne sait pas où l'on va en matière d'aménagement du territoire. Nous devons être force de propositions, sans quoi nous ne pourrons pas avoir les mêmes exigences envers le Gouvernement. J'ai eu le sentiment que le ministre est à l'écoute de nos préoccupations, mais sur un certain nombre de questions, il s'est souvent exprimé à titre personnel. Or, nous souhaitons connaître la position précise du Gouvernement dans son ensemble, et sa vision pour l'avenir.

M. Frédéric Marchand . - La cohésion des territoires est l'affaire de tous. J'ai l'impression que l'on fait tout le temps des reproches à l'État, soit de ne pas en faire assez, soit d'en faire trop. Quand l'État s'engage trop, certains ne manquent pas d'invoquer la décentralisation.

Il s'agit d'un premier budget, qu'il faut encourager. Hier, nous avons eu un débat très intéressant sur la politique de la ville, qui contribue à la cohésion des territoires. Sur ce sujet, j'ai eu le sentiment d'entendre de la part du ministre une volonté d'avancer, étayée par des crédits. Donnons des signes d'encouragement pour avancer dans le bon sens, tout en étant vigilants, pour toutes les parties du territoire.

M. Jean-Marc Boyer . - Je crois qu'il y a un regret unanime quant à la baisse des crédits d'engagement de l'aménagement du territoire. Une redéfinition de l'aménagement du territoire et de ses objectifs serait souhaitable. Je constate dans mon territoire que lorsque l'État se désengage financièrement, les collectivités territoriales se substituent à lui, en particulier les régions et les départements. Cela passe notamment par des fonds d'intervention communaux ou des plans ruralité vers les petites communes, comme en région Auvergne-Rhône-Alpes. Mais cela vient compenser le recul de l'État. Il faudrait une mise en cohérence et une coordination au niveau national. Le récent appel des élus de la République des territoires témoigne des préoccupations actuelles.

M. Michel Dagbert . - Si notre collègue Frédéric Marchand nous invite à la confiance, je rappelle qu'elle n'exclut pas le contrôle ! Il nous appartient également de contrôler les engagements que prend l'État à l'égard des territoires. Mon prédécesseur, Jean-Claude Leroy, qui m'a par ailleurs succédé en tant président du conseil départemental du Pas-de-Calais, a coutume de dire que lorsque l'État déménage le territoire, les départements n'ont de cesse de l'aménager. Les maires se situent quasiment dans une situation de burn-out qui appelle de notre part une grande vigilance à l'égard des engagements pris. Sinon, les départements ou les EPCI devront assumer une part encore plus importante de dépenses. Riches de nos expériences locales, nous devons en effet être force de propositions.

M. Louis-Jean de Nicolaÿ , rapporteur pour avis de la mission « Cohésion des territoires » . - Je vous remercie pour vos nombreuses questions, et pour votre intérêt, bien légitime au Sénat, sur toutes ces questions. Je partage le souhait que notre assemblée puisse être force de propositions sur ces sujets, afin d'avoir une politique d'aménagement du territoire plus forte et clarifiée. La dispersion actuelle est problématique.

À propos du FACÉ, qu'a évoqué Jean-François Longeot, il faut effectivement être vigilant, car une baisse, même faible, n'est jamais un bon signe. Si une demande accrue résulte des évolutions que vous avez évoquées, il faudra pouvoir y faire face. Toutefois, à ce stade, les inquiétudes sur ce fonds me semblent moindres que sur les autres programmes.

Christophe Priou a évoqué la baisse des crédits, notamment en matière d'ingénierie, avec un désengagement important de l'État. J'espère que la future agence permettra d'y mettre un terme. Lors de mon travail, j'ai entendu le nouveau commissaire général à l'égalité des territoires, Jean-Benoît Albertini, qui m'a semblé déterminé à rationaliser les mesures existantes et à définir une vraie stratégie pour l'avenir. Je partage également vos inquiétudes sur les territoires à énergie positive ; ce sujet a été largement évoqué lors de nos travaux de commission la semaine dernière.

Claude Bérit-Débat a souligné les risques liés à la sortie des contrats de ruralité du programme 112. Il faut veiller à ce que la DSIL permette véritablement de soutenir ce dispositif, sans saupoudrage des crédits. Quant à la prime d'aménagement du territoire, elle peut jouer un rôle important afin d'attirer les investissements dans les territoires, y compris dans le cadre du Brexit. Il faut donc assurer un niveau suffisant des crédits, comme l'a également évoqué notre collègue Jean Bizet.

Les zones de revitalisation rurale sont un vrai sujet, notamment quant au nombre de communes éligibles. Faut-il privilégier une stratégie d'élargissement, ou plutôt une stratégie de recentrage sur les communes les plus fragiles ? En tout cas, il me semble nécessaire de clarifier le devenir de cette mesure, qui permet d'attirer les entreprises et les professions libérales. Il faut par ailleurs qu'elle soit mieux connue localement.

Notre collègue Rémy Pointereau a eu raison de souligner l'absence d'éléments forts dans ce budget. On ne relève pas d'impulsions significatives suite à la première conférence nationale des territoires. Le ministre semble partager nos constats, mais il ne nous a pas encore proposé - ou n'a pas encore trouvé - de vraies solutions pour y répondre. L'année 2018 sera importante à cet égard.

Cela rejoint la question de la cohérence et de la stabilité des engagements pris par l'État, qu'a évoquée Guillaume Chevrollier. J'ajoute sur ce point que d'importantes annulations de crédits ont été décidées en juillet. Il faudra donc examiner si les mesures concernées sont effectivement financées. Quant au FISAC, je n'en ai pas parlé car ce dispositif ne relève pas des programmes examinés aujourd'hui. Comme vous, j'ai entendu le ministre nous indiquer qu'il serait stable à 16 millions d'euros en 2018. Mais je regrette également son effondrement progressif les années précédentes.

S'agissant des fonds européens, mentionnés par Jean Bizet, nous avons eu l'occasion d'en discuter avec le ministre lors de la présentation de notre rapport avec le président. Il nous semble indispensable d'agir en faveur de l'information des élus locaux et de la simplification de l'accès à ces fonds, qu'il s'agisse du FEDER, du FEADER ou du FSE. Par ailleurs, la France doit s'exprimer en faveur d'une priorisation de l'aménagement du territoire dans la programmation européenne à venir.

M. Hervé Maurey , président . - Jean Bizet souhaite peut-être évoquer la création d'un groupe de travail sur ce sujet au sein de la commission des affaires européennes en lien avec la commission des finances et avec notre commission.

M. Jean Bizet . - En effet. J'ajoute que la sortie du Royaume-Uni représente à l'horizon 2019 une perte de 10 milliards de recettes, avec une hausse des dépenses prévue de 5 milliards d'euros en faveur des politiques de sécurité et d'immigration. La politique agricole commune et la politique de cohésion risquent d'être affectées, or elles contribuent directement à l'aménagement du territoire.

M. Louis-Jean de Nicolaÿ , rapporteur pour avis de la mission « Cohésion des territoires ». - Notre collègue Ronan Dantec a rappelé les enjeux pour 2018. Par ailleurs, nous devrons peut-être approfondir notre analyse l'an prochain sur la question du chlordécone.

Jérôme Bignon a évoqué le lien entre les ODD et l'aménagement du territoire. Dans le rapport élaboré avec le président, nous avions souligné les opportunités que représente la croissance verte pour le développement de nos territoires. Cette préoccupation trouve une première réponse dans les contrats de ruralité, qui comportent une thématique dédiée à la transition écologique, et qui visent par ailleurs à soutenir un projet transversal de territoire. Il faut sans doute aller plus loin, pour progresser à la fois en termes environnemental et de développement de l'activité.

Par ailleurs, nous avions souligné dans nos travaux sur l'aménagement du territoire qu'il ne fallait en effet pas opposer urbain et rural, comme l'a relevé Madame Vullien. De même, il faut être vigilant sur la réalité des financements prévus dans les CPER, comme je l'ai souligné dans mon intervention liminaire. Enfin, sur les SCoT, je pense que l'État stratège a un rôle pour faire le lien entre ces périmètres, en s'appuyant sur la matière existante.

Madame de Cidrac a eu raison de souligner l'absence de vision. Je pense qu'il serait souhaitable que notre commission puisse entendre le nouveau commissaire général à l'égalité des territoires, au sujet des perspectives de la politique menée par l'État et de la future Agence de cohésion des territoires.

Frédéric Marchand a évoqué les efforts de l'État en faveur de la politique de la ville. Il serait souhaitable qu'une vision aussi claire soit définie pour la ruralité, qu'il s'agisse de contractualisation ou par la création d'une ANRU de la ruralité.

Enfin, je rejoins tout à fait nos collègues Jean-Marc Boyer et Michel Dagbert, quant à l'importance de vérifier le respect des engagements pris par l'État, sans quoi, par un jeu de vases communicants, les collectivités territoriales risquent de devoir compenser le manque de crédits. Chacun doit respecter ses engagements, sans quoi la confiance disparaît. Au Sénat, nous avons évidemment un rôle important à jouer dans ce contrôle.

M. Hervé Maurey , président . - Merci à notre rapporteur pour ses réponses. Je note sa proposition d'entendre le commissaire général à l'égalité des territoires. Le rapport que nous avons adopté en mai dernier comporte des propositions, élaborées après de nombreuses auditions. Le ministre nous a dit partager nos constats, mais il n'a pas encore vraiment repris nos propositions. Peut-être pourrions-nous les hiérarchiser, pour ensuite appuyer quelques points essentiels auprès du ministère. Nous devons maintenant donner un avis sur l'adoption de ces crédits.

M. Frédéric Marchand . - Je vote en faveur de l'adoption des crédits.

M. Michel Dennemont . - Moi aussi.

La commission émet un avis défavorable à l'adoption des crédits de la mission « Cohésion des territoires » du projet de loi de finances pour 2018.

LISTE DES PERSONNES ENTENDUES

Mardi 7 novembre 2017

- Commissariat général à l'égalité des territoires (CGET) : M. Jean-Benoît Albertini , commissaire général, Mme Caroline Larmagnac , directrice de cabinet, et M. Romain Ornato , chef du bureau de la programmation et des affaires financières ;

- Ministère de l'Intérieur - Bureau de la performance et des moyens de l'administration territoriale : MM. Laurent Buchaillat , sous-directeur de l'action territoriale de l'État, et Simon Bertoux , chef du bureau de la performance et des moyens de l'action territoriale de l'État, et Mme Séverine Grasset , chargée de mission sur le programme 162.


* 1 En 2017, ces deux dispositifs représentaient un total cumulé de 242 M€ en AE et de 30 M€ en CP.

* 2 L'action 1 finance deux des six thématiques des contrats de ruralité : l'attractivité du territoire ; les mobilités locales et l'accessibilité.

* 3 L'action 2 finance quatre des six thématiques des contrats de ruralité : l'accès aux services publics et marchands et aux soins ; la revitalisation des bourgs centres ; la transition écologique et énergétique ; la cohésion sociale.

* 4 « Aménagement du territoire : plus que jamais une nécessité », rapport d'information n° 565 (2016-2017) de MM. Hervé Maurey et Louis-Jean de Nicolaÿ, fait au nom de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable, déposé le 31 mai 2017.

* 5 La dernière carte des zones AFR a été définie pour la période 2014-2020 par le décret n° 2014-758 du 2 juillet 2014. Actuellement, 24,17 % de la population nationale vivent sur un territoire éligible aux AFR.

* 6 Décret n° 2014-1056 du 16 septembre 2014 relatif à la prime d'aménagement du territoire pour l'industrie et les services.

* 7 Proposition de loi n° 470 visant à instaurer des contrats territoriaux de développement rural, adoptée par le Sénat en première lecture le 22 octobre 2015.

* 8 Le fonctionnement général de la DSIL et les mesures éligibles sont définis par l'article 59 du projet de loi de finances pour 2018.

* 9 « Aménagement du territoire : plus que jamais une nécessité », rapport d'information n° 565 (2016-2017) de MM. Hervé Maurey et Louis-Jean de Nicolaÿ, fait au nom de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable, déposé le 31 mai 2017.

* 10 Certains ministères utilisent par ailleurs ce zonage pour moduler leurs interventions, notamment en matière d'éducation nationale.

* 11 Ainsi pour être classé en ZRR, un EPCI doit avoir à la fois une densité de population inférieure ou égale à 63 hab//km 2 et un revenu fiscal par unité de consommation médian inférieur ou égal à 19 111€.

* 12 Article 7 de la loi n° 2016-1888 du 28 décembre 2016 de modernisation, de développement et de protection des territoires de montagne.

* 13 Article 10 sexies du projet de loi de finances initiale pour 2018, adoptée par l'Assemblée nationale le

* 14 Les cas de sorties les plus notables sont ceux de communes aux caractéristiques indéniablement rurales, intégrées suite à la loi NOTRe dans des EPCI de plus grande taille, au profil plus urbain ou péri-urbain.

* 15 Ce zonage prévoit des exonérations fiscales et sociales pour les entreprises en création ou en extension, et un crédit d'impôt pour les microentreprises.

* 16 Décret n° 2016-402 du 4 avril 2016 pris pour l'application de l'article 26 de la loi n° 95-115 du 4 février 1995 d'orientation pour l'aménagement et le développement du territoire.

* 17 Ces cartes présentent plusieurs niveaux de couverture, en fonction de l'accès au réseau mobile en extérieur et à l'intérieur des bâtiments : « très bonne couverture », « bonne couverture », « couverture limitée » et « pas de couverture ».

* 18 « Un acte II de la loi montagne : pour un pacte renouvelé de la nation avec les territoires de montagne », rapport remis au Premier ministre le 27 juillet 2015 par Mmes Annie Genevard et Bernadette Laclais.

* 19 CJCE, 8 mars 2001, Commission contre France, affaire C-266/99.

* 20 La concentration moyenne en nitrates des cours d'eau des baies est passée de 36,3 mg/l en 2015 à 34 mg/l en 2016, avec une cible de 33 mg/l pour 2017.

* 21 Le PEI est désormais prévu par l'article L. 4425-9 du code général des collectivités territoriales.

* 22 Initialement adopté pour une durée de 15 ans, le PEI a été prolongé de deux années supplémentaires par la loi n° 2015-991 du 7 août 2015 portant nouvelle organisation territoriale de la République.

* 23 Loi n° 2011-1978 du 28 décembre 2011 de finances rectificative pour 2011.

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