C. LE CENTRE D'ÉTUDES ET D'EXPERTISE POUR LES RISQUES, L'ENVIRONNEMENT, LA MOBILITÉ ET L'AMÉNAGEMENT (CEREMA) CONNAÎT CETTE ANNÉE ENCORE DES DIFFICULTÉS

Votre rapporteur pour avis a souhaité continuer à suivre cette année la situation et les moyens du Centre d'études et d'expertise pour les risques, l'environnement, la mobilité et l'aménagement (Cerema) , sur lesquels votre commission avait l'année dernière tiré la sonnette d'alarme. Avec 206 millions d'euros de subvention prévus par le programme 159 dans le cadre du PLF 2018, il reste le poste le plus important du programme (près de 40 % des crédits) mais voit ses moyens diminuer de 5 millions d'euros cette année encore. Même si, contrairement à 2017, sa situation n'est plus « unique » au sein du programme 159 - l'établissement public Météo-France connaît une réduction à peu près équivalente de ses effectifs - il demeure emblématique des risques que font peser des efforts budgétaires trop importants sur des établissements publics pourtant au coeur de la transition énergétique des territoires.

1. Un établissement public jeune qui répond au besoin criant d'ingénierie et d'expertise des collectivités territoriales
a) Un établissement public jeune

Le Cerema a été mis en place le 1 er janvier 2014 : cet établissement public administratif avait alors vocation à regrouper 11 anciens services techniques de l'État 32 ( * ) au sein d'un même « centre de ressources et d'expertises scientifiques et techniques interdisciplinaires apportant son concours à l'élaboration, la mise en oeuvre et l'évaluation des politiques publiques en matière d'aménagement, d'égalité des territoires et de développement durable » 33 ( * ) .

Au 31 décembre 2016, l'établissement comptait 3 018 agents en son sein (soit 74 de moins que l'année dernière), dont 392 experts et chercheurs. Son budget en 2016 était de 255 millions d'euros dont 28 millions d'euros de ressources propres provenant à 36 % des collectivités territoriales (surtout des départements).

b) Un outil essentiel pour les territoires : le Cerema apporte expertise et ingénierie aux collectivités territoriales sur des projets concrets

Malgré un périmètre d'action très vaste axé autour de 9 champs d'action complémentaires 34 ( * ) listés dans le projet stratégique de l'établissement pour 2015-2020, le Cerema a fait de l'égalité des territoires et de la transition énergétique ses priorités et cherche à se tourner de plus en plus vers les collectivités territoriales , malgré des liens avec les territoires les plus ruraux encore en construction, notamment via les directions départementales des territoires.

Cette importance de l'ingénierie et de l'expertise au service des territoires avait été largement soulignée par votre commission l'année dernière. Nombreux avaient été les commissaires, sur tous les bancs, à souligner l'utilité de l'action du Cerema, qui souffre d'ailleurs d'un problème de notoriété, notamment dans les zones les plus rurales, pour les services qu'il apporte aux territoires, sur les aspects littoraux par exemple, mais également en matière énergétique ou encore sur les enjeux de mobilité dans le cadre de la transition écologique que nous devons mettre en oeuvre. Certains avaient également évoqué le rôle central de l'établissement dans le cadre de la revitalisation des bourgs, où certains programmes prennent du retard en raison d'un déficit d'ingénierie.

L'enjeu d'une bonne articulation entre les services d'ingénierie avait également été soulevé par votre collègue Didier Mandelli, qui avait évoqué le cas du département de la Vendée, qui a créé une société publique locale capable de répondre à des besoins d'ingénierie alors que, dans le même temps, une mission a été confiée au Cerema sur des questions d'organisation de voirie dans le département, créant ainsi une situation de compétition non optimale entre un service d'État et des services locaux.

2. Une situation budgétaire toujours extrêmement difficile pour un établissement qui est pourtant au coeur de l'avenir de nos territoires

Votre rapporteur pour avis a entendu le directeur général du Cerema afin de faire le point sur la situation budgétaire de l'établissement public et de ses perspectives quinquennales, quelques semaines après la démission du président du conseil d'administration, Gaël Perdriau, représentant de l'association des maires de France, pour protester contre la réduction des moyens prévue par le budget 2018.

a) Une évolution marquée par un rythme difficilement soutenable de réduction des effectifs qui risque de peser sur le partenariat avec les collectivités territoriales

En 2016 , l'exécution des effectifs s'est établie à 2 987 ETPT (dont 8 hors plafond). Pour 2017 , le schéma d'emplois de l'établissement enregistre une baisse de 125 ETP , le plafond d'emplois étant fixé à 2 899 ETPT (15 ETPT hors plafond dont 12 contrats aidés). Dans le cadre du projet de loi de finances pour 2018 , le plafond est fixé à 2 796 ETPT et le schéma d'emplois à -103 ETP (33 emplois hors plafond, dont 20 contrats aidés).

Cette évolution explique en grande part la situation difficile actuellement traversée par le Cerema, dont les personnels s'inquiètent quant à l'avenir de l'établissement. D'après les informations transmises par son directeur général, les perspectives quinquennales de l'établissement consacrent une baisse d'environ 100 emplois par an , ce qui aboutit à une réduction de 17 % des effectifs en 5 ans . Entre 2015 et 2022, les effectifs du Cerema auront été réduits d'un quart. La « protection » dont a bénéficié l'établissement pendant les deux premières années de sa création via une sanctuarisation de ses emplois a été largement rattrapée depuis.

Si l'établissement assume, notamment dans le cadre de son plan d'affaires, la nécessité d'une baisse des effectifs pour pouvoir notamment augmenter sa capacité d'investissement, le rythme de cette réduction , trop important, risque de mettre en péril le dynamisme et l'attractivité du Cerema.

ÉVOLUTION DU PLAFOND D'EMPLOIS DU CEREMA

Année

Plafond d'emplois en ETPT

2014

3 155

2015

3 152

2016

3 024

2017

2 899

2018

2 796

Source : éléments transmis par le Cerema

Ce rythme paraît d'autant plus difficilement tenable que l'établissement connaîtra environ 80 départs à la retraite par an dans les prochaines cinq années, soit un taux inférieur à la réduction des effectifs annuellement prévue.

En outre, cette baisse des effectifs ne s'est pour l'instant pas traduite par une baisse importante de la masse salariale alors que, concomitamment, la subvention pour charges de service public a continué à décroître. L'évolution de cette différence entre la subvention pour charges de service public et la masse salariale est préoccupante du point de vue de la capacité de l'établissement à continuer à financer en partie les projets avec les collectivités territoriales.

Année

Différence entre la SCSP et la masse salariale (en millions d'euros)

Budget initial 2014

21,2

2014

19,7

2015

12,9

2016

5,7

Budget initial 2017

7,4

Budget exécuté 2017

4

Source : réponse transmise par le Cerema

Ces perspectives ont conduit l'établissement à faire des choix plus durs que ceux qui étaient initialement prévus, notamment dans le cadre du plan de développement de l'établissement, avec l'annonce d'un scénario de fermeture, d'ici 3 ans, de la direction territoriale d'Île-de-France , remplacée par une petite délégation de quelques personnes qui continueraient à travailler dans cette région mais davantage en mobilisant d'autres compétences dans le cadre de partenariats.

b) Une forte dynamique d'accroissement des ressources propres

L'analyse de l'évolution du budget de l'établissement entre 2016 et 2017 montre une hausse significative de 3 millions d'euros des ressources propres (soit +12,2 %) , essentiellement liée à l'accroissement des recettes sur production (+8,8 %), confirmant une tendance déjà à l'oeuvre l'année dernière.

2015

2016

Évolution

SCSP

219 346

211 640

-3,5 %

Autres financements de l'État

4 005

3 247

-18,9 %

Recettes suivies dans le cadre du plan d'affaires

25 831

27 885

+8 %

dont recettes sur production de l'année

24 729

26 403

+6,8 %

dont recettes fléchées pour des projets de R et D

1 102

1 482

+34,5 %

Source : données transmises par le Cerema

En 2016, 36 % de la production ayant généré des ressources propres provenaient des collectivités territoriales , étant entendu que l'activité du Cerema au bénéfice des collectivités ne se limite pas à cela : une part significative des travaux réalisés sur la base de la subvention pour charges de service public les intéresse en effet, voire est réalisée en coopération avec elles.

42 % de la production pour ressources propres proviennent des entreprises et autres acteurs (la production pour l'Ifsttar 35 ( * ) et pour l'Ascquer 36 ( * ) est comptabilisée dans cette part étant donné que ces organismes sont des relais pour des prestations du Cerema destinées à des entreprises à qui ils les facturent).

La production pour ressources propres provient enfin pour une part non négligeable (5 %) des deux ministères de tutelle du Cerema (appui apporté en 2016 par le Cerema à la DGPR dans le cadre d'un contrat en quasi-régie pour l'élaboration de plans de prévention du bruit dans l'environnement).

Cette dynamique de l'évolution des ressources propres risque néanmoins de pâtir de la baisse des effectifs. Cette augmentation est en outre inférieure à la baisse de la subvention pour charges de service public.

L'ensemble de ces indicateurs laisse planer des inquiétudes sur la capacité d'investissement que réussira à dégager l'établissement dans les prochaines années, ainsi que sur sa capacité à travailler avec les collectivités territoriales , en tant que pôle d'ingénierie publique.

Votre rapporteur pour avis remarque qu'une audition du Cerema par votre commission avait été préconisée l'année dernière à l'occasion de l'examen des crédits du programme 159. Il souhaite renouveler ce voeu, étant précisé qu'une telle audition pourrait intervenir dans le cadre d'une réflexion plus approfondie sur la question de l'ingénierie dans les territoires .


* 32 Le Cerema a fusionné en son sein les huit centres d'études techniques de l'équipement (CETE), le Centre d'études sur les réseaux, les transports, l'urbanisme et les constructions publiques (Certu), le Centre d'études techniques maritimes et fluviales (Cetmef) et le Service d'études sur les transports, les routes et leurs aménagements (Sétra).

* 33 Article 44 de la loi n°2013-431 du 28 mai 2013 portant diverses dispositions en matière d'infrastructures et de services de transports.

* 34 Aménagement et développement des territoires, ville et stratégies urbaines, transition énergétique et climat, environnement et ressources naturelles, prévention des risques, bien-être et réduction des nuisances, mobilité et transport, infrastructures de transport, habitat et bâtiment.

* 35 Institut français des sciences et technologies des transports, de l'aménagement et des réseaux.

* 36 Association pour la certification et la qualification des équipements de la route.

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