N° 112

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2017-2018

Enregistré à la Présidence du Sénat le 23 novembre 2017

AVIS

PRÉSENTÉ

au nom de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication (1) sur le projet de loi de finances pour 2018 , ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE ,

TOME IV

Fascicule 1

MÉDIAS, LIVRE ET INDUSTRIES CULTURELLES :

AUDIOVISUEL ET AVANCES À L'AUDIOVISUEL PUBLIC

Par M. Jean-Pierre LELEUX,

Sénateur

(1) Cette commission est composée de : Mme Catherine Morin-Desailly , présidente ; M. Jean-Claude Carle, Mme Catherine Dumas, MM. Jacques Grosperrin, Antoine Karam, Mme Françoise Laborde, MM. Jean-Pierre Leleux, Jacques-Bernard Magner, Mme Colette Mélot, M. Pierre Ouzoulias, Mme Sylvie Robert, vice-présidents ; MM. Alain Dufaut, Claude Kern, Mme Claudine Lepage, M. Michel Savin, secrétaires ; MM. Maurice Antiste, David Assouline, Mmes Annick Billon, Maryvonne Blondin, Céline Boulay-Espéronnier, M. Max Brisson, Mme Marie-Thérèse Bruguière, M. Joseph Castelli, Mmes Laure Darcos, Nicole Duranton, M. André Gattolin, Mme Samia Ghali, MM. Didier Guillaume, Abdallah Hassani, Jean-Raymond Hugonet, Mmes Mireille Jouve, Claudine Kauffmann, MM. Guy-Dominique Kennel, Laurent Lafon, Michel Laugier, Pierre Laurent, Mme Vivette Lopez, MM. Jean-Jacques Lozach, Claude Malhuret, Christian Manable, Mme Marie-Pierre Monier, MM. Philippe Nachbar, Olivier Paccaud, Stéphane Piednoir, Mme Sonia de la Provôté, MM. Bruno Retailleau, Jean-Yves Roux, Alain Schmitz.

Voir les numéros :

Assemblée nationale ( 15 ème législ.) : 235 , 264 rect. , 266 rect. , 273 à 278 , 345 et T.A. 33

Sénat : 107 , 108 à 111 , 113 et 114 (2017-2018)

AVANT-PROPOS

Mesdames, Messieurs,

Le secteur de l'audiovisuel est aujourd'hui à la croisée des chemins. La révolution numérique qui produit aujourd'hui fortement ses effets avec le développement des plateformes de vidéos à la demande par abonnements (SVAD) et la montée en puissance de services comme Youtube et Facebook bouleversent les fondamentaux du secteur. Une part croissante des revenus publicitaires est, en particulier, captée par Google et Facebook tandis qu'une course aux programmes est lancée par les nouveaux acteurs (Altice, Netflix, Amazon, Apple...) avec pour conséquence une inflation des prix de certains contenus, en particulier dans le sport.

Le service public de l'audiovisuel est impacté de manière inégale par cette évolution. Forts d'une identité réaffirmée, Arte et Radio France consolident leurs audiences même si le groupe de radio publique reste confronté à des enjeux importants de maîtrise des coûts tant en ce qui concerne sa masse salariale que le chantier de la Maison de la Radio dont l'issue pose à nouveau question. La situation est plus incertaine pour le groupe France Télévisions qui partage, en cela, les difficultés des grands groupes de télévision « en clair » confrontés à la segmentation des publics avec le risque de proposer des contenus qui, à force de vouloir s'adresser à tous, ne contentent qu'un public de plus en plus restreint 1 ( * ) . France Médias Monde poursuit, pour sa part, son développement avec le lancement d'une version hispanophone de France 24 avec des moyens limités et des objectifs nombreux, ce qui pose la question des priorités. L'Institut national de l'audiovisuel (INA) a engagé une action de valorisation du patrimoine audiovisuel riche en perspectives et poursuit son projet immobilier qui a fait l'objet d'une reconfiguration pour le rendre plus raisonnable. Enfin TV5 Monde est confronté à la nécessité de trouver de nouveaux partenaires pour assurer son développement numérique et géographique.

On attendait du quinquennat qui vient de s'achever qu'il engage une profonde transformation de l'audiovisuel public pour lui permettre d'affronter les défis nouveaux. Les actions à mener avaient été identifiées, en particulier, par votre commission de la culture, de l'éducation et de la communication dans un rapport 2 ( * ) publié en 2015 : rénover les ressources afin de prémunir les sociétés de l'audiovisuel public de la nouvelle répartition des recettes publicitaires et des changements d'usages qui menacent le rendement de la contribution à l'audiovisuel public (CAP), clarifier la gouvernance et favoriser les mutualisations, encourager l'innovation et l'exigence dans la qualité des programmes.

Les réformes conduites au cours des cinq dernières années n'ont, en réalité, été qu'esquissées faute de véritable volonté pour définir une vision d'avenir pour l'audiovisuel public. Sur le plan financier, la dépendance de l'audiovisuel public aux subventions du budget de l'État a été réduite avec un financement entièrement assuré depuis 2016 par le compte de concours financiers « Avances à l'audiovisuel public ». Mais la réforme de la CAP n'a pas été engagée et la forte réduction de la part du produit de la taxe sur les opérateurs de communications électroniques (TOCE) attribuée, dans le projet de loi de finances (PLF) pour 2018, à France Télévisions confirme les inquiétudes qui ont pu être exprimées l'année dernière par votre rapporteur pour avis vis-à-vis de cette recette « complémentaire ».

La gouvernance a évolué avec la nomination des présidents des sociétés de l'audiovisuel public par le Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA) prévue par la loi n° 2013-1028 du 15 novembre 2013 relative à l'indépendance de l'audiovisuel public, mais la mise en oeuvre de cette disposition n'a pas levé tous les doutes sur la transparence et l'équité de traitement des candidatures.

Les mutualisations entre les différentes sociétés de l'audiovisuel public n'ont pas été véritablement engagées au cours du précédent quinquennat même si - non sans réticences - une chaîne d'information commune à France Télévisions, Radio France, France Médias Monde et l'INA a été créée en septembre 2016 sur la télévision numérique terrestre (TNT) avec une déclinaison numérique unique 3 ( * ) qui rencontre plus de succès sur Internet qu'à la télévision 4 ( * ) .

Enfin, si la qualité des programmes d'Arte, de Radio France et de France Médias Monde est conforme aux attentes, des interrogations demeurent concernant France Télévisions - et en particulier France 2 - dont les programmes pourraient sans doute se distinguer davantage de ceux des chaînes commerciales 5 ( * ) .

L'annonce d'une réduction des moyens de l'audiovisuel public en 2018 fait donc suite à plusieurs années de déficit de vision de l'État-actionnaire pour ce secteur . Si la méthode peut apparaître quelque peu brutale et porteuse d'incertitudes pour les entreprises et les personnels concernés, votre rapporteur pour avis reconnaît qu'il n'est pas illégitime que les médias publics soient associés aux efforts financiers demandés à de nombreux ministères, ceci d'autant plus qu'il avait lui-même mis en garde l'année dernière devant le caractère irréaliste de certains contrats d'objectifs et de moyens (COM) adoptés avant les élections 6 ( * ) .

Votre rapporteur pour avis forme donc le voeu que l'effort budgétaire demandé en 2018 constitue seulement un ajustement préalable à une remise à plat du secteur de l'audiovisuel dans les mois qui viennent qui concernerait tant l'organisation, le périmètre et les missions du service public de l'audiovisuel public que son environnement législatif et réglementaire ainsi que les contrats d'objectifs et de moyens (COM) qui formalisent les engagements réciproques entre l'État et ces sociétés.

Les propositions faites par le président de la République pendant la campagne présidentielle - dont certaines rejoignent les propositions présentées par votre commission - pourraient ouvrir la voie à un débat prometteur au Parlement. L'audition de la ministre de la culture le 25 octobre dernier a semblé confirmer la volonté de réforme du Gouvernement ainsi que la possibilité d'avancées dès 2018 et dans le PLF 2019 concernant une réforme de la CAP.

Les audiences des chaînes de la TNT en octobre 2017 (Médiamétrie)

Les chiffres d'audience d'octobre 2017 montrent une bonne résistance de l'audience des chaînes historiques, qui reste stable à 89,9 % sur un an.

TF1 maintient son leadership à 20,3 % de part d'audience tandis que France 2 et France 3 redressent la barre à 13 % (+0,7 point sur un an) et 9,5 % (+0,9 point). M6 perd 0,8 point à 9,7 % et Arte perd -0,3 point à 2,5 % tandis que Canal + gagne 0,3 % à 1,5 %.

La baisse des chaînes de la TNT de TF1 se confirme avec une perte de 0,5 point de NT1 à 1,8 % et de 0,3 point à 1,7 % pour HD1. Le groupe va accélérer le repositionnement de ces chaînes qui deviendront TFX et TF1 Séries Films en janvier 2018. C8 (-0,4 point) reste co-leader des chaînes de la TNT avec TMC à 3,2 %, France 5 est stable à 3,6 %, W9 à 2,6 %, Gulli à 1,6 %. NRJ12 progresse à 1,5 % (+0,1 point) et France 4 baisse à 1,7 % (-0,3 point).

BFMTV perd 0,1 point à 2,2 %, LCI progresse de +0,2 point à 0,6 %, CNews baisse de -0,1 point à 0,5 % et France Info est mesuré à 0,3 %.

Les chiffres clé du PLF 2018 concernant l'audiovisuel public

Les crédits alloués à l'audiovisuel public en 2018 sont en baisse de 1 % - soit -36,7 millions d'euros - après une hausse de 100 millions d'euros sur la période 2016-2017. Ils sont ainsi ramenés à 3 816,5 millions d'euros HT contre 3 853,2 millions d'euros HT en loi de finances initiale (LFI) pour 2017. Par rapport à la trajectoire financière définie dans les COM des entreprises, l'écart est de 79,6 millions d'euros. Le montant de la CAP bénéficiera en 2018 de la seule indexation sur l'inflation soit une hausse de 1 euro qui portera son montant de 138 euros à 139 euros en métropole et de 88 euros à 89 euros dans les outremers.

Le ministère de la culture estime que cet effort « est réparti en fonction des capacités contributives de chacune des entreprises et des priorités stratégiques que sont le soutien à la création, l'investissement dans le numérique, l'information et le rayonnement international de la France, notamment porté par le lancement le 26 septembre 2017 d'une version hispanophone de France 24 à destination de l'Amérique latine » 7 ( * ) .

Le PLF 2018 prévoit une baisse du concours financier d'ensemble de 1,2 % à France Télévisions soit 30,8 millions d'euros. La subvention d'investissement allouée à Radio France diminue de 24,6 millions d'euros par rapport à 2017 en raison du report de la fin du chantier de réhabilitation de la Maison de la Radio. Avec une dotation de fonctionnement en hausse de 1,5 % soit 8,6 millions d'euros conforme au COM la dotation globale de Radio France diminue de 16 millions d'euros.

Le PLF prévoit enfin une hausse de 5,2 millions d'euros de la dotation d'Arte France et de 6,3 millions d'euros du concours financier alloué à France Médias Monde, deux sociétés qui ont vu leurs COM faire l'objet d'un avis favorable de votre commission de la culture, de l'éducation et de la communication, tout comme l'INA dont la dotation diminue néanmoins de 0,4 million d'euros. Enfin, la quote-part française au financement de TV5 Monde diminue de 1 million d'euros.

I. LES CRÉDITS CONSACRÉS À L'AUDIOVISUEL DANS LE BUDGET DE L'ÉTAT

A. UNE BAISSE DES CRÉDITS QUI TIENT COMPTE DE LA SITUATION DE CHAQUE SOCIÉTÉ

1. Des COM remis en question par le nouveau Gouvernement

L'annonce d'une réduction des moyens publics alloués à l'audiovisuel public a mis en évidence le caractère précaire des contrats d'objectifs et de moyens (COM) adoptés ces dernières années et censés établir une programmation quinquennale des moyens indépendante des aléas politiques. Elle remet également en cause l'idée selon laquelle l'indépendance du financement de l'audiovisuel public aurait été renforcée par la fin des dotations budgétaires puisque la baisse de la TOCE a été décidée de manière unilatérale et sans délai par l'État.

Votre rapporteur pour avis n'est pas surpris de cette évolution compte tenu des conditions dans lesquelles les COM de France Télévisions et Radio France ont été adoptés en 2015 et 2016. Loin de déterminer une trajectoire crédible et consensuelle dans la durée, ces documents ont été conçus d'abord pour envoyer un message de nature politique à quelques mois d'échéances politiques majeures.

Dans son avis rendu l'année dernière, votre rapporteur indiquait en particulier que : « le contrat d'objectifs et de moyens de France Télévisions pour la période 2016-2020 entrera en fait en application en 2017, c'est-à-dire avec un an de retard par rapport au début de la période qu'il est censé couvrir et à quelques mois d'échéances électorales importantes. Votre rapporteur pour avis ne peut que regretter ce calendrier qui affaiblit cet exercice de programmation stratégique » . Il observait que : « nul ne doit, en réalité, douter que compte tenu des incertitudes qui entourent ce document de programmation, il est plus que probable qu'un avenant devrait être rapidement nécessaire pour, à la fois, confirmer les ressources du groupe public et préciser ses objectifs » . Il concluait logiquement « qu'il aurait donc été préférable d'adopter un document provisoire ou transitoire plutôt qu'un COM de cinq ans dont la pérennité est plus que fragile ».

La fragilité intrinsèque des COM des sociétés de l'audiovisuel public était donc connue de tous et il serait exagéré, aujourd'hui, de vouloir considérer ces documents comme des engagements intangibles de l'État, qui aurait « donné sa parole ». Tout au plus peut-on considérer qu'il s'agissait de promesses de circonstance... et que les circonstances ont changé.

Faut-il, pour autant, considérer que ces documents sont caducs ? Selon le directeur général des médias et des industries culturelles du ministère de la Culture : « les ajustements actuels ne remettent pas en cause les COM » . On ne peut que s'étonner de cette analyse concernant en particulier France Télévisions dont le COM apparaît significativement impacté par l'ajustement budgétaire demandé.

Mais, surtout, que deviendront ces COM si les « ajustements » budgétaires devaient se répéter au cours des années qui viennent ? Ou pour dire les choses autrement, si un accroc au COM peut être « pardonné », quelle sera la valeur de cet engagement si les accrocs au contrat deviennent la norme ? À cela le directeur général des médias et des industries culturelles a raison de répondre que « la loi ne dit pas quand il faut remettre un COM » et c'est sans doute une des faiblesses de cet outil de programmation. Mais c'est aussi une des missions du législateur que de rappeler le Gouvernement à ses responsabilités parmi lesquelles figure un devoir de transparence et de cohérence concernant l'avenir de l'audiovisuel public.

Votre rapporteur pour avis s'interroge donc sur le statut exact des COM adoptés ces dernières années. Lors de son audition, Mme Delphine Ernotte, présidente de France Télévisions a indiqué avoir reçu pour réponse du ministère de la culture qu'il n'y avait plus de COM et que la référence était le PLF 2017. Pourtant, le pilotage de ces grandes entreprises requiert une certaine visibilité à moyen terme, ce qui confirme l'intérêt de ces documents de programmation. C'est pourquoi votre rapporteur pour avis souhaite qu'une remise à plat des COM intervienne à brève échéance ou, tout du moins, la définition par le Gouvernement d'une trajectoire pluriannuelle des ressources des sociétés de l'audiovisuel public qui permette, dans le cadre d'une réforme de la CAP et de la définition d'une feuille de route stratégique, aux sociétés de l'audiovisuel public de mettre en oeuvre un projet clair de leur actionnaire.

Cette préoccupation a, semble-t-il, été entendue puisque lors de son audition par votre commission, la ministre de la culture, Mme Françoise Nyssen, a indiqué que la question de la révision du COM de France Télévisions était posée et que son ministère y travaillerait avec la société. La ministre a toutefois indiqué qu'il n'y avait pas lieu, dans les conditions actuelles, de réviser les COM d'Arte France, de Radio France, de l'INA et de France Médias Monde.

2. Une dépendance par rapport à la TOCE qui se révèle préjudiciable

Au cours du précédent quinquennat, le Gouvernement s'est employé à modifier le financement de l'audiovisuel public afin de supprimer sa dépendance aux subventions du budget de l'État au motif qu'une telle évolution permettait de renforcer son indépendance. Votre rapporteur pour avis a déjà eu l'occasion d'indiquer qu'il n'était pas pleinement convaincu qu'une telle évolution suffisait à renforcer l'indépendance des médias concernés compte tenu des autres « leviers » dont dispose l'État pour « se faire entendre », qu'il s'agisse du COM - qui fixe les moyens des entreprises sur plusieurs années - ou de la TOCE, qui demeure une ressource importante de France Télévisions. La baisse des crédits observée dans le PLF 2018 qui prend la forme d'une baisse de la part de CAP affectée à Radio France, TV5 Monde et l'INA mais aussi d'une baisse de la part de TOCE affectée à France Télévisions de -78,9 millions d'euros (de 164,4 millions d'euros en 2017 à 85,5 millions d'euros en 2018) - compensée pour partie seulement par une hausse de la part de CAP - ne peut que confirmer les craintes exprimées l'année dernière par votre rapporteur pour avis.

Si les crédits du budget général ont effectivement pour inconvénient de pouvoir faire l'objet de mises en réserve et de mesures de régulation tout au long de l'année, l'affectation d'une partie seulement du produit de la TOCE à l'audiovisuel public laisse au Gouvernement la possibilité d'ajuster d'une année sur l'autre les moyens dévolus à l'audiovisuel public en contradiction avec la programmation prévue par les COM . Une telle situation constitue, à l'évidence, une source de fragilité pour les entreprises publiques de l'audiovisuel qui ne peuvent se projeter dans la durée pour conduire leurs projets. La nécessité de défendre « son budget » à l'occasion de la préparation du projet de loi de finances face à Bercy, dans un contexte d'annonces de baisses de crédits, peut aussi poser des questions quant au respect de l'indépendance des entreprises concernées.

Le compte de concours financiers « Avances à l'audiovisuel public »

Le compte de concours financiers (CCF) « Avances à l'audiovisuel public », créé par le VI de l'article 46 de la loi n° 2005-1719 du 30 décembre 2005 de finances pour 2006, retrace les flux liés à la contribution à l'audiovisuel public (CAP) et la part de taxe sur les services fournis par les opérateurs de communications électroniques affectée à France Télévisions depuis 2016.

Ce compte retrace :

-en dépenses : les dotations allouées aux organismes de l'audiovisuel public (France Télévisions, Arte France, Radio France, FMM, INA, TV5 Monde). Celles-ci, conformément à la règle inscrite dans l'article instituant le CCF, sont versées par douzième du montant inscrit en loi de finances initiale ;

-en recettes :

- les encaissements de contribution à l'audiovisuel public et, depuis 2016, la part de la taxe sur les opérateurs de communications électroniques (TOCE) affectée à France Télévisions, déduction faite des frais d'assiette, de recouvrement et de trésorerie ;

- et la prise en charge par le budget général de l'État des dégrèvements de contribution à l'audiovisuel public (mission « Remboursements et dégrèvements »).

Le produit de la CAP et le montant des dégrèvements pris en charge par l'Etat, complétés par la part de TOCE affectée à France Télévisions, constituent l'intégralité des ressources publiques allouées aux sociétés de l'audiovisuel public. En effet, depuis 2016, le secteur ne bénéficie plus de dotation budgétaire directe.

Dans le cadre de la loi de finances initiale (LFI) pour 2018, les recettes prévues tiennent compte :

-d'une prévision de ressources issues de la CAP de 3 809,1 millions d'euros (3 214,7 millions d'euros pour les encaissements nets et 594,4 millions d'euros pour la prévision des dégrèvements compensés) en progression de 42,9 millions d'euros par rapport à la prévision 2017 et tenant compte notamment de l'indexation du montant de la CAP sur la prévision d'inflation retenue dans le PLF 2018 (+1,0 %) qui aboutit à une hausse du montant de la contribution de 1 euro (soit 139 euros en métropole et 89 euros dans les départements d'outre-mer) et d'une évolution prévisionnelle du nombre de foyers assujettis de 0,63 % en 2017 et de 0,60 % en 2018, cette légère diminution du taux de progression étant par ailleurs conforme à celle constatée entre 2015 et 2016 ;

-et d'une affectation de TOCE à France Télévisions de 86,4 millions d'euros (soit 85,5 millions d'euros hors frais d'assiette et de recouvrement) soit une diminution de 78,9 millions d'euros par rapport à la part de TOCE affectée à France Télévisions en 2017.

Avec cette réduction de part de TOCE de 78,9 millions d'euros et des recettes issues de la CAP en hausse de 42,9 millions d'euros, l'effort global demandé aux entreprises de l'audiovisuel public est donc de 36 millions d'euros par rapport à la LFI 2017.

S'agissant spécifiquement de France Télévisions, une augmentation de 49 millions d'euros des ressources issues de la CAP limite l'effort demandé à l'entreprise à 30,8 millions d'euros (hors la hausse prévue dans le COM et non mise en oeuvre).

Un mécanisme de garantie de ressources issues de la CAP est par ailleurs prévu dans le cadre de la loi de finances qui prévoit qu'en cas d'encaissements nets de CAP inférieurs à leur niveau prévisionnel, le niveau de dégrèvements compensés par l'Etat est majoré à due concurrence.

Source : Réponse au questionnaire budgétaire

La baisse importante de la part de TOCE affectée à France Télévisions - ramenée de 164,4 millions d'euros à 85,5 millions d'euros - prévue par le PLF 2018 confirme que cette taxe ne constitue pas une ressource pérenne pour le service public de l'audiovisuel et qu'il n'était sans doute pas opportun l'année dernière de renforcer la dépendance de France Télévisions à cette ressource 8 ( * ) .

Source : Réponse au questionnaire budgétaire

Votre rapporteur pour avis redoute à cet égard que les 85,5 millions d'euros de TOCE prévus par le PLF 2018 fassent l'objet d'un « appétit » identique de la part de Bercy l'année prochaine. Cette menace invite votre rapporteur pour avis - qui a souhaité dans le passé que la TOCE soit complètement affectée à l'audiovisuel public afin, notamment, de financer une partie de la suppression de la publicité - à demander avec d'autant plus d'insistance que l'on avance sur le chantier de la réforme de la CAP qui constitue la meilleure piste pour assurer la pérennité et le développement de l'audiovisuel public.

Enfin, la mission « Médias, livre et industries culturelles » n'intervient plus, concernant l'audiovisuel, que pour permettre le soutien à l'expression radiophonique locale.

Un soutien préservé à l'expression radiophonique locale

Alors que dans le PLF 2016, l'action n° 10 du programme 313 portait les crédits en faveur du Fonds de soutien à l'expression radiophonique (FSER) à hauteur de 29 millions d'euros, ce programme a été supprimé dans le PLF 2017. C'est maintenant le programme 180 désormais intitulé « Presse et médias » qui est appelé à porter ces crédits dont le montant est maintenu en 2018 à 30,748 millions d'euros.

On peut rappeler que ces crédits sont particulièrement utiles pour soutenir le secteur radiophonique local associatif, garant de l'expression du pluralisme et de la communication de proximité. Cette aide publique est attribuée aux radios locales associatives accomplissant une mission de communication sociale de proximité, lorsque leurs ressources publicitaires sont inférieures à 20 % de leur chiffre d'affaires total. Chaque année, près de 700 radios associatives bénéficient de l'aide du FSER (665 en 2015) qui représente 40 % de leurs ressources.

Source : Projet de loi de finances pour 2018 -
Projet annuels de performances « médias, livre et industries culturelles »

3. Une baisse des moyens dont l'importance varie selon les sociétés

La baisse des crédits alloués aux sociétés de l'audiovisuel public constitue pour elles un véritable dilemme puisque elles doivent, dans l'urgence, examiner les ajustements à effectuer sur leurs dépenses. La situation est cependant très différente d'une société à l'autre puisque la baisse demandée à l'INA et TV5 Monde est limitée et que la dotation accordée à Arte France et France Médias Monde continue de progresser par rapport au PLF 2017.

La vraie difficulté se concentre donc sur France Télévisions amenée à devoir effectuer des choix draconiens « sans préavis » ce qui peut se révéler au final coûteux puisque des pénalités peuvent exister en cas de remise en cause de contrats et que la revente dans l'urgence de droits, notamment sportifs par exemple, ne saurait constituer la meilleure façon de valoriser des actifs.

Dans l'esprit de votre rapporteur pour avis, c'est moins la baisse des crédits et leur répartition qui posent question (compte tenu du fait que les « bons élèves » sont relativement épargnés) que l'absence de perspectives qui accompagnent cet ajustement budgétaire et la faiblesse du dialogue conduit entre l'actionnaire et les directions des entreprises concernées.

Votre rapporteur pour avis souhaite également faire part de sa préoccupation concernant le conduite du chantier de la Maison de la Radio : non seulement son calendrier ne semble toujours pas maîtrisé mais tout semble laisser penser qu'il continue de faire l'objet de nombreuses défaillances potentiellement très préjudiciables pour l'entreprise et les finances publiques.

Le report du chantier a quasiment été présenté comme une opportunité permettant de faire porter l'ajustement budgétaire à Radio France sur l'investissement et non sur le fonctionnement. Tout se passe comme si l'actionnaire et l'entreprise développaient une stratégie concertée destinée à minimiser la gravité de la situation et renvoyer à plus tard l'indispensable clarification. Certains indices pourraient aujourd'hui laisser penser - ainsi que les organisations syndicales auditionnées par votre rapporteur pour avis en ont témoigné - que le Parlement n'est pas pleinement informé de la réalité de la situation alors même que celle-ci est susceptible d'impacter fortement les finances publiques et l'ensemble du secteur de l'audiovisuel.


* 1 Selon le bilan annuel de l'audience globale des chaînes gratuites de la TNT sur la saison 2016-2017 établi par NPA Conseil France 2 réalise le plus fort recul de cette saison avec une baisse de 1,3 point à 12,6 % contre 13,9 % la saison précédente. À noter toutefois que les derniers chiffres de Médiamétrie pour octobre 2017 indiquent une remontée de France 2 à 13 % qui devra être confirmée dans la durée.

* 2 « Pour un nouveau modèle de financement de l'audiovisuel public : trois étapes pour aboutir à la création de « France Médias » en 2020 », Rapport d'information de MM. André Gattolin et Jean-Pierre Leleux, fait au nom de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication et de la commission des finances n° 709 (2014-2015) - 29 septembre 2015.

* 3 Le site et l'application France Info s'est substitué aux sites et applications de la radio France Info et de France TV Info.

* 4 La part d'audience de France Info était de 0,3 % en octobre 2017 contre 2,2 % pour BFM TV.

* 5 La polémique qui a suivi l'émission « On est pas couché » du 30 septembre 2017 est venue rappeler la nécessité de réaffirmer les missions particulières qui incombent au service public et l'urgence qu'il y a à s'interroger sur la pertinence de maintenir sur les antennes publiques des émissions qui mêlent information et divertissement.

* 6 Votre rapporteur constatait l'année dernière dans son avis que « L'expérience montre que la proximité avec des échéances politiques majeures n'est pas favorable à l'annonce de réductions des moyens financiers pour des organismes publics. Nul ne sera donc surpris de constater que cet exercice de programmation stratégique et budgétaire s'accompagne d'une hausse des ressources pour les différentes entreprises de l'audiovisuel public alors même que le Gouvernement a renoncé à conduire la réforme de la contribution à l'audiovisuel public (CAP), ce qui aurait pourtant eu pour mérite de sécuriser les ressources de l'audiovisuel public pour l'avenir. » [Avis n°144 Tome IV Fascicule 1 p. 5]

* 7 Dossier de presse du ministère de la culture : « PLF 2018 : un budget de transformation », page 41.

* 8 Le PLF 2017 déposé à l'Assemblée nationale prévoyait une affectation de 140,5 millions d'euros à France Télévisions au titre de la TOCE prévue à l'article 302 bis KH du code général des impôts. La discussion du PLF en première lecture à l'Assemblée nationale a ramené la hausse de la CAP à 1 euro tandis que le montant de la TOCE affectée à France Télévisions augmentait de 25,533 millions d'euros pour atteindre 166,06 millions d'euros.

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