Avis n° 112 (2017-2018) de Mme Sylvie ROBERT , fait au nom de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication, déposé le 23 novembre 2017

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N° 112

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2017-2018

Enregistré à la Présidence du Sénat le 23 novembre 2017

AVIS

PRÉSENTÉ

au nom de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication (1) sur le projet de loi de finances pour 2018 , ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE ,

TOME II

Fascicule 2

CULTURE :
CRÉATION ET TRANSMISSION DES SAVOIRS
ET DÉMOCRATISATION DE LA CULTURE

Par Mme Sylvie ROBERT,

Sénatrice

(1) Cette commission est composée de : Mme Catherine Morin-Desailly , présidente ; M. Jean-Claude Carle, Mme Catherine Dumas, MM. Jacques Grosperrin, Antoine Karam, Mme Françoise Laborde, MM. Jean-Pierre Leleux, Jacques-Bernard Magner, Mme Colette Mélot, M. Pierre Ouzoulias, Mme Sylvie Robert, vice-présidents ; MM. Alain Dufaut, Claude Kern, Mme Claudine Lepage, M. Michel Savin, secrétaires ; MM. Maurice Antiste, David Assouline, Mmes Annick Billon, Maryvonne Blondin, Céline Boulay-Espéronnier, M. Max Brisson, Mme Marie-Thérèse Bruguière, M. Joseph Castelli, Mmes Laure Darcos, Nicole Duranton, M. André Gattolin, Mme Samia Ghali, MM. Didier Guillaume, Abdallah Hassani, Jean-Raymond Hugonet, Mmes Mireille Jouve, Claudine Kauffmann, MM. Guy-Dominique Kennel, Laurent Lafon, Michel Laugier, Pierre Laurent, Mme Vivette Lopez, MM. Jean-Jacques Lozach, Claude Malhuret, Christian Manable, Mme Marie-Pierre Monier, MM. Philippe Nachbar, Olivier Paccaud, Stéphane Piednoir, Mme Sonia de la Provôté, MM. Bruno Retailleau, Jean-Yves Roux, Alain Schmitz.

Voir les numéros :

Assemblée nationale ( 15 ème législ.) : 235 , 264 rect. , 266 rect. , 273 à 278 , 345 et T.A. 33

Sénat : 107 , 108 à 111 , 113 et 114 (2017-2018)

AVANT-PROPOS

Mesdames, Messieurs,

La mission « Culture » se décompose en trois programmes portant sur les crédits relatifs respectivement à la création, aux patrimoines et à la transmission des savoirs et à la démocratisation de la culture. En 2018, le budget de la mission s'élève à 3,11 milliards d'euros en autorisations d'engagement (+ 2,6 %) et à 2,94 milliards d'euros en crédits de paiement (+ 1,05 %).

Le présent fascicule regroupe l'examen successif de deux des trois programmes qui composent la mission « Culture » :

- le programme 131 « Création » , qui vise à encourager la création, à soutenir les artistes, les équipes artistiques et la structuration des professions artistiques et à favoriser la diffusion dans les domaines du spectacle vivant et des arts plastiques. Avec 848,52 millions d'euros en autorisations d'engagement et 778,89 millions d'euros en crédits de paiement, ce programme représente un peu moins de 27 % des crédits de la mission. Ses crédits progressent très légèrement par rapport à 2017, année où ils avaient été fortement revalorisés ;

- le programme 224 « Transmission des savoirs et démocratisations de la culture » . Avec 1331,32 millions d'euros en autorisations d'engagement et 1265,84 millions d'euros en crédits de paiement, les crédits de ce programme représentent un peu plus de 42 % des crédits de la mission. Plus de 60 % des crédits de ce programme - une part en diminution - financent les fonctions de « soutien » du ministère de la culture. Les autres crédits permettent de soutenir les établissements d'enseignement supérieur relevant du ministère, l'éducation artistique et culturelle, l'action culturelle internationale et, depuis 2017, le développement et la pérennisation de l'emploi dans le spectacle, à la suite de la création du Fonds pour l'emploi pérenne dans le spectacle (FONPEPS).

INTRODUCTION

L'année 2018 ouvre-t-elle une nouvelle ère pour la culture ? C'est en tout cas ce que laisse entendre la nouvelle ministre, Françoise Nyssen, en faisant part de son ambition de donner à la politique culturelle un nouvel élan et en qualifiant son budget pour l'année prochaine de « budget de transformation ». Lors de sa première audition devant votre commission, le 19 juillet dernier, elle avait déjà indiqué son intention d' impulser de nouvelles méthodes de travail , faisant la part belle au collectif - à la co-réflexion et la co-construction avec les autres ministères, avec le Parlement, avec les territoires ou avec la société civile. Elle avait aussi évoqué ses priorités : l'accès de tous à la culture, la vie culturelle de proximité, l'Europe de la culture .

Les efforts entrepris l'an dernier pour revaloriser les crédits de la culture, dans une période marquée par un besoin de cohésion nationale particulièrement aigu, ne sont pas remis en cause, ce dont nous ne pouvons que nous réjouir. Les crédits de la mission « culture » sont légèrement confortés , avec une progression de 1,1 % à périmètre constant. La prévision triennale présentée dans le projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022 prévoit une augmentation du plafond de la mission de 11 millions d'euros en 2019 et de 46 millions d'euros en 2020, laissant imaginer que le mouvement pourrait se poursuivre dans les prochaines années.

Conformément aux priorités gouvernementales, les moyens nouveaux se concentrent particulièrement autour de la mise en oeuvre de la politique d'éducation artistique et culturelle , dont les crédits progressent de plus de 40 %. À périmètre constant, les crédits du programme 224 « Transmission des savoirs et démocratisation de la culture » enregistrent une hausse de 2,1 %, hors dépenses de personnels. Les crédits du programme 131 « Création » sont également confortés, à + 0,8 % avant transferts. Le poids de chacun des programmes dans la mission n'est pas bouleversé. Le programme 224 absorbe toujours plus de 42 % des crédits, dont une majorité est consacrée aux dépenses de personnels, et le programme 131 obtient près de 27 % des crédits.

Ce constat n'empêche pas que quelques inquiétudes soient palpables chez les artistes, les professionnels de la culture, les structures artistiques et culturelles et les collectivités territoriales.

En dépit du soutien financier notable apporté à la politique d'éducation artistique et culturelle, des doutes subsistent sur la volonté et la capacité de tous les acteurs concernés à s'engager pleinement dans sa mise en oeuvre, au risque de ne pas franchir le pallier attendu dans ce domaine.

L'inflexion observée en direction de l'éducation artistique et culturelle au détriment de la création soulève aussi des interrogations sur la place et le rôle attendu de l'artiste, mais aussi sur sa capacité à transmettre dans une société où la vitalité de la création ne serait plus au rendez-vous.

Le manque d'informations disponibles sur le contenu et les modalités de fonctionnement du Pass'Culture rend aujourd'hui difficile toute appréciation sur cet outil, pourtant voué à absorber un montant croissant de crédits d'ici la fin du quinquennat, au détriment d'un certain nombre d'actions aujourd'hui financées.

Enfin, des inquiétudes s'expriment ici ou là sur l'ambition portée par le ministère de la culture. Le fait que les directions régionales des affaires culturelles (DRAC) soient également affectées par les baisses d'emploi décidées au titre de la maîtrise des effectifs de la fonction publique effraie d'autant plus que, dans le même temps, une part croissante des responsabilités et des crédits sont déconcentrés. Les réflexions lancées dans le cadre du futur programme « Action publique 2022 » alimentent la crainte que l'ambition culturelle nationale puisse être sacrifiée sur l'autel de la modernisation de l'État.

La nécessité de transformations pour mieux mobiliser la culture et les artistes face aux défis qui nous font face n'est pas contestable, ne serait-ce que pour inventer de nouvelles modalités de partenariat garantissant aux artistes et aux structures culturelles un avenir. Mais, il convient de veiller à ce que la culture, et la création en particulier, demeurent au coeur du pacte républicain.

Les événements récents ont une nouvelle fois mis en évidence le besoin de culture. La mise en oeuvre des droits culturels doit évidemment faire figure de priorité. La préservation de l'indépendance et de la diversité artistiques sont éminemment nécessaires. L'échelon national reste fondamental pour donner les impulsions, mais ne doit pas faire oublier qu'aujourd'hui, ce sont les collectivités territoriales qui portent majoritairement les dépenses culturelles dans notre pays. Elles doivent être considérées comme de véritables partenaires de l'État et des co-constructeurs à part entière.

CRÉATION

PREMIÈRE PARTIE - LE PROGRAMME 131 « CRÉATION »

I. UN PROGRAMME CONFORTÉ

A. UNE ENVELOPPE TOTALEMENT PRÉSERVÉE

Les crédits du programme 131 se stabilisent en 2018, après les revalorisations intervenues ces deux dernières années pour rattraper les fortes baisses enregistrées en 2013 et 2014. Les crédits de paiement s'établissent à 778 894 399 euros, soit une augmentation de quelques 400 000 euros (+0,06 %).

1. Le spectacle vivant à l'aube de grands projets

Les crédits de l'action 1 progressent de 33 millions d'euros en autorisations d'engagement (AE), à 739,5 millions d'euros (+ 4,7 %), et de 3,6 millions d'euros en crédits de paiement (CP), à 704,9 millions d'euros (+0,5 %).

Les deux précédents exercices budgétaires ont été marqués par la mise en place de mesures nouvelles destinées à favoriser l'indépendance artistique, la diffusion des oeuvres en direction des territoires délaissés et les actions en direction des jeunes publics. Ces axes devraient être reconduits l'an prochain. S'agissant des équipes indépendantes, il est prévu d'amplifier, à hauteur de 450 000 euros, le dispositif permettant d'accompagner financièrement les directeurs artistes, dont le mandat à la tête d'un centre dramatique national (CDN) ou d'un centre chorégraphique national (CCN) devrait arriver à échéance en 2017-2018, pour leur permettre de poursuivre leur activité de création artistique.

Pour le reste, les nouveaux crédits devraient porter principalement sur le financement des nouvelles labellisations en cours et le rétablissement des marges artistiques des lieux labellisés , érodées ces dernières années sous l'effet d'une augmentation des coûts de structure. 2,6 millions d'euros sont prévus à ce titre. La question du maillage territorial devrait également être renforcée grâce à un soutien étatique accru, de l'ordre de 300 000 euros, à la mise en place de contrats de filière .

Des efforts sont demandés aux opérateurs pour financer cette augmentation des crédits d'intervention déconcentrés . Les subventions qui leur sont versées se contractent de 2 millions d'euros. Les baisses sont réparties entre les opérateurs, à l'exception du théâtre national de l'Opéra-Comique, dont les crédits progressent de 250 000 euros dans un contexte marqué par la récente réouverture de l'établissement.

Plusieurs projets d'investissement sont également prévus.

Le plus important d'entre eux est évidemment le projet de « Cité du théâtre » sur le site des Ateliers Berthier, destiné à répondre aux besoins de développement de la Comédie-Française, du théâtre de l'Odéon et du Conservatoire national supérieur d'art dramatique. Ce projet implique un autre chantier sur le site de Bastille de l'Opéra de Paris , puisque l'opérateur doit quitter le site de Berthier où il détient ses ateliers de décor et de peinture, des espaces de stockage et une salle de répétition. Des crédits, à hauteur de 7 millions d'euros en CP et 27 millions d'euros en AE, sont inscrits pour 2018 afin de réaliser les différentes études de maîtrise d'oeuvre pour les deux projets.

Un autre projet concerne la deuxième tranche de travaux du Zénith Paris - La Villette destinée, d'une part, à achever l'isolation acoustique de la salle démarrée en 2017, pour un montant de 3,5 millions d'euros, et, d'autre part, à construire un bâtiment administratif pour regrouper une partie des équipes de l'établissement, pour un coût de 1 million d'euros en AE et de 6,2 millions d'euros en CP.

Le dernier projet d'envergure porte sur le Centre national de la Danse , dont les façades du bâtiment à Pantin nécessitent d'importants travaux de rénovation. Ils devraient démarrer cette année, avec 2,75 millions d'euros inscrits en CP et un budget prévisionnel en AE évalué à 6 millions d'euros.

2. Des ambitions encore limitées pour les arts plastiques

Le déséquilibre entre les crédits dédiés au spectacle vivant et ceux dédiés aux arts plastiques constitue un sujet de préoccupation majeur depuis plusieurs années. Même si les crédits dédiés au spectacle vivant restent largement prépondérants, l'écart entre les crédits des deux actions se réduit. La part de l'action 2 parmi les crédits du programme 131 continue de progresser, comme l'illustre le tableau ci-dessous.

Les crédits de l'action 2 progressent de 18,5 millions d'euros en AE, à 109,1 millions d'euros (+ 20,5 %), et reculent de 3,2 millions d'euros en CP, à 74 millions d'euros (- 4,2 %). Cette baisse s'explique cependant par l'inscription exceptionnelle en 2017 de crédits pour l'acquisition de nouveaux locaux pour le Centre national des arts plastiques (CNAP) à Pantin. Elle ne traduit pas une réelle baisse des crédits pour les arts plastiques .

Une grande partie de l'effort en 2018 reste concentrée sur le projet de relocalisation du CNAP, dont l'objectif est de regrouper, sur un site unique, le siège de l'établissement et l'ensemble de ses réserves. Les études de maîtrise d'oeuvre et la notification des marchés aux entreprises devraient intervenir l'an prochain suite à l'acquisition des locaux à Pantin cette année. Le projet doit s'achever en 2021.

S'agissant des mesures nouvelles inscrites au projet de loi de finances pour 2018, elles paraissent traduire la volonté du ministère chargé de la culture d' accroître la présence des arts visuels dans les territoires :

- 420 000 euros supplémentaires sont consentis pour accompagner le développement des institutions d'art contemporain en régions . Ces ressources supplémentaires sont bienvenues dans un contexte marqué par la labellisation des fonds régionaux d'art contemporain (FRAC) et des centres d'art contemporain suite à la réforme des labels opéré par la loi du 7 juillet 2016 relative à la liberté de la création, à l'architecture et au patrimoine ;

- 200 000 euros supplémentaires sont consacrés pour aider à la généralisation des schémas d'orientation pour le développement des arts visuels (SODAVI) , portant le soutien du ministère en la matière à 390 000 euros. Cette démarche, qui met en relation professionnels et acteurs publics pour dresser un état des lieux et établir des préconisations sur les arts visuels à l'échelle d'un territoire, constitue un outil essentiel de promotion des arts visuels. À ce jour, six SODAVI auraient été lancés et quatre autres initiatives seraient en cours de préparation, traitant de problématiques variées : le parcours de formation des artistes-auteurs, les métiers d'art, la place des artistes et le développement territorial. Ces consultations doivent aboutir à des plans d'actions adaptés aux réalités de chaque territoire, afin de renforcer la filière des arts visuels. Il serait souhaitable que les différents niveaux de collectivités territoriales soient impliqués dans le processus.

Les autres mesures nouvelles semblent davantage s'inscrire dans une volonté d' améliorer le rayonnement artistique de la France sur la scène internationale . Un effort de 300 000 euros est prévu pour dynamiser la politique en faveur du design et de la mode , avec le lancement d'une réflexion sur une nouvelle politique nationale du design. 120 000 euros supplémentaires sont également octroyés au titre des aides à la création et à la diffusion pour améliorer la visibilité des artistes français sur le marché mondial.

Les crédits destinés à la commande publique , qui avaient augmenté de 55 % l'an dernier, sont maintenus à 2,8 millions d'euros l'an prochain. Votre rapporteure pour avis a pu mesurer l'importance que revêtent ces crédits pour les artistes, même si certains souhaiteraient qu'ils puissent profiter à l'ensemble des pratiques plastiques plutôt que d'être concentrés dans le domaine de la photographie.

Les aides individuelles aux artistes sont également maintenues à un niveau équivalent à 2017. Ce choix devrait, quant à lui, décevoir les organisations représentatives des artistes plasticiens qui déploraient, l'an dernier, la faiblesse des aides individuelles aux artistes, à la fois au regard de leur montant et du nombre de bénéficiaires, puisque moins de 1 % des artistes plasticiens que compte la France seraient concernés.

B. UN NOUVEAU CAP ?

Le dossier de presse du ministère de la culture indique clairement que le programme 131 a vocation à s'inscrire dans le cadre plus large des priorités fixées par le Président de la République pour la culture, ce qui justifie que « au-delà du soutien à diversité de la création et à la pérennisation du maillage territorial de l'offre culturelle [...] , priorité sera donnée aux actions favorisant la vie culturelle des régions et la diffusion des oeuvres auprès d'un public plus large ».

C'est sans doute ce qui explique le soutien renforcé aux structures labellisées, compte tenu de la place qu'elles occupent dans la politique culturelle d'aménagement du territoire . Les conventions pluriannuelles d'objectifs et de moyens peuvent comporter des dispositions servant les priorités de la politique culturelle définies par le Gouvernement. C'est également ce qui motive les efforts financiers particuliers déployés en 2018 en direction de la promotion de la diffusion.

Les labels reconnus dans les domaines du spectacle vivant et des arts plastiques

Les douze labels définis par l''article 1 er du décret n° 2017-432 du 28 mars 2017 sont les suivants :

1° Dans le domaine des arts plastiques :

- Centre d'art contemporain d'intérêt national (CAC), au titre d'une activité d'exposition et production d'oeuvres et de diffusion des arts visuels contemporains ;

- Fonds régional d'art contemporain (FRAC), au titre de l'activité mentionnée à l'article L. 116-1 du code du patrimoine ;

2° dans le domaine de la danse :

- Centre chorégraphique national (CCN), au titre d'une activité de création, production et diffusion de spectacles de danse ;

- Centre de développement chorégraphique national (CDC), au titre d'une activité de diffusion et de mise en valeur de la diversité de la création chorégraphique ;

3° dans le domaine de la musique :

- Opéra national en région , au titre d'une activité de création, production et diffusion de spectacles lyriques, musicaux et chorégraphiques ;

- Orchestre national en région , au titre d'une activité de valorisation des répertoires de musique symphonique et de leur renouvellement par la création contemporaine ;

- Centre national de création musicale (CNCM), au titre d'une activité de création, production et diffusion de musique contemporaine ;

- Scène de musiques actuelles (SMAC), au titre d'une activité de création, diffusion et accompagnement des pratiques dans le domaine des musiques actuelles ;

4° dans le domaine du théâtre :

- Centre dramatique national `CDN), au titre d'une activité de création, production et diffusion de spectacles de théâtre ;

- Centre national des arts de la rue et de l'espace public (CNAREP), au titre d'une activité de création, production et diffusion de spectacles et oeuvres conçus pour l'espace public ;

- Pôle national du cirque (PNAC), au titre d'une activité de création, production et diffusion de spectacles des arts du cirque ;

5° en matière pluridisciplinaire :

- Scène nationale , au titre d'une activité pluridisciplinaire de diffusion et de soutien à la création.

Source: Commission de la culture, de l'éducation et la communication

1. Un soutien renforcé aux labels

L' article 5 de la loi du 7 juillet 2016 relative à la liberté de la création, à l'architecture et au patrimoine a fixé le cadre à la politique de la labellisation des structures dans le domaine du spectacle vivant et des arts plastiques , lui donnant pour la première fois une base législative. Elle a mis en place une procédure permettant à l'État de labelliser les institutions qui présentent un intérêt général pour la création artistique.

Pris pour son application, le décret du 28 mars 2017 relatif aux labels et au conventionnement dans le domaine du spectacle vivant et des arts plastiques a dressé la liste des douze labels reconnus et défini les principes communs à l'ensemble des labels, en particulier les conditions requises en termes d' exigence artistique et de développement culturel pour leur obtention. Il impose ainsi des engagements en matière de développement et de renouvellement de la qualité et de la diversité artistiques, de démocratisation culturelle, d'actions en direction des jeunes et des publics spécifiques et d'inscription dans les territoires. Il fixe également la procédure d'attribution, de suspension et de retrait du label, la procédure de sélection des dirigeants et de l'agrément du ministre, ainsi que le travail d'accompagnement partenarial de l'État et des collectivités partenaires, qui s'appliquent uniformément à tous les labels.

L'ensemble des douze arrêtés fixant le cahier des missions et des charges applicable à chacun des labels, datant du 5 mai, est paru le 11 mai dernier. En apportant des clarifications sur les modalités de l'organisation, du fonctionnement et de l'évaluation de chacun des labels, ils ont ouvert la voie à l' entrée en vigueur du nouveau dispositif le 1 er juillet dernier .

Les structures disposent désormais de deux ans pour se mettre en conformité avec les textes . Cette période devrait notamment être marquée, dans un premier temps, par la signature des nouvelles conventions pluriannuelles d'objectifs et de moyens avec chacune des structures, en association avec les collectivités territoriales partenaires, à moins qu'elles ne le souhaitent pas. L'élaboration de ces instruments sera l'occasion d'y intégrer systématiquement des dispositions en matière d'éducation artistique et culturelle, de représentations hors les murs ou d'accueil d'artistes en résidence pour accroître la contribution des labels à la priorité ministérielle de l'accès de tous à la culture.

Fort de ces clarifications, le soutien de l'État en direction des structures labellisées sera accru en 2018 .

D'une part, une enveloppe de 2,6 millions d'euros est prévue pour consolider les marges artistiques des structures labellisées existantes et financer les nouvelles labellisations.

Répartition des crédits déconcentrés en fonctionnement pour le spectacle vivant

Source : Ministère de la culture

D'autre part, à l'exception des crédits des opéras nationaux en région, qui reculent de plus de 4 %, les crédits des autres labels progressent , sans que le nombre de bénéficiaires, dans la majorité des cas, augmente. L'objectif de ces crédits supplémentaires est de les accompagner dans la mise en oeuvre des nouveaux cahiers des charges.

À l'inverse, le soutien de l'État hors structures labellisées et réseaux devrait décroître en 2018 . Ainsi, les aides aux lieux non labellisés reculent de 11 %, les aides aux équipes conventionnées de près de 9 % et les aides aux équipes non conventionnées de près de 6 %. Ces reculs devraient se traduire par une baisse à la fois du nombre de bénéficiaires et du montant des aides octroyés, même si les planchers n'ont pas été abaissés. Des difficultés en matière d'aménagement culturel équilibré du territoire pourraient en découler, compte tenu de l'importance de ces lieux et ces équipes pour la structuration des zones rurales en particulier.

2. Une attention particulière portée à la diffusion des oeuvres

L'un des objectifs assignés au programme 131 pour 2018 est d'améliorer la diffusion des oeuvres. L'enjeu est en effet important au regard des deux premières priorités désormais poursuivies par la politique culturelle : offrir à tous un accès à la culture et favoriser par la vie culturelle la cohésion sociale et le dynamisme économique des territoires.

Le partenariat avec les collectivités territoriales est indispensable dans ce domaine . L'élaboration des schémas d'orientation, qu'il s'agisse des schémas d'orientation et de développement des lieux de musiques actuelles (SOLIMA) dans le domaine du spectacle vivant ou des SODAVI en ce qui concerne les arts plastiques, fait figure de priorité. Un accent devrait également être mis sur la signature de contrats de filière dans le domaine des musiques actuelles et des variétés, conclus entre l'État, les régions et le Centre national de la chanson, des variétés et du jazz (CNV). Un premier contrat de ce type a été signé avec la région Nouvelle-Aquitaine en septembre dernier. L'objectif est d'instituer, à l'échelle d'un territoire, un dialogue pérenne entre la filière musicale et ses différents partenaires, publics et privés pour mieux répondre aux enjeux en termes de création et de diffusion.

L'enjeu d'animer la vie culturelle des régions devrait conduire à privilégier les projets les plus structurants pour les territoires . C'est ce qui motive la forte progression (+ 13,7 %) des crédits destinés aux résidences d'artistes, qui devrait permettre de porter le nombre prévisionnel de bénéficiaires de 160 à 210. C'est aussi ce qui explique que les crédits destinés aux festivals soient à peu près préservés (- 2 %), dans un contexte où l'État a considérablement revu sa politique de soutien à ces manifestations.

C'est enfin ce qui devrait conduire l'État à orienter son soutien aux équipes artistiques en premier lieu vers les projets qui se déploient largement dans les territoires et favorisent l'itinérance.

Les crédits de l'Office national de diffusion artistique (ONDA), qui est chargé de diffuser les oeuvres théâtrales, musicales et chorégraphiques sur le territoire national et de jouer le rôle de médiateur entre professionnels français étrangers dans le cadre européen, devraient être très légèrement revalorisés (+ 50 000 euros). Cet établissement attribue des aides financières pour permettre d'augmenter la durée globale du temps d'exploitation de spectacles dont l'exigence artistique est reconnue dans l'objectif de toucher un plus large public.

Le renforcement du soutien aux structures labellisées doit aussi être appréhendé comme un moyen de faciliter l'accès géographique aux oeuvres, compte tenu de la contribution de ces établissements au maillage territorial. Se pose alors la question de leur juste répartition sur le territoire . L'objectif du ministère de parvenir, d'ici deux ans, à l'ouverture d'une SMAC par département constitue une première étape. Votre rapporteure pour avis sera vigilante à ce que le maillage territorial progresse.

Pourtant, cette attention particulière portée par le programme sur les questions de diffusion fait naître des interrogations chez un certain nombre d'artistes et professionnels du spectacle qui y voient le signe d'une inflexion des crédits, d'une part, en direction des plus grandes structures culturelles et, d'autre part, au détriment de la création et des créateurs .

Mais la diffusion n'est-elle pas le nécessaire prolongement de la création ? Elle constitue un outil de soutien aux artistes , à leur circulation et à celle de leurs oeuvres. Les difficultés croissantes rencontrées en matière de production de créations d'ampleur montrent les besoins qui existent à développer les coproductions et à rechercher une meilleure diffusion pour les oeuvres. Alors qu'il y a dix ans, deux structures suffisaient pour produire un spectacle, cinq coproducteurs sont aujourd'hui souvent nécessaires, voire dix pour les spectacles les plus importants. Cet axe a d'ailleurs été intégré aux nouveaux cahiers des missions et des charges des labels. Ils fixent des exigences en matière d'inscription dans les réseaux de diffusion et de production nationaux : c'est ainsi que les CDN ont l'obligation d'accueillir un nombre minimal d'autres scènes ou d'autres compagnies chaque année et de leur garantir une durée d'exploitation raisonnable. Ils encouragent également la diffusion à l'international, en particulier chez nos voisins européens.

II. UN SECTEUR EN PROIE À DIVERSES INQUIÉTUDES

A. DES INTERROGATIONS SUR LE DEVENIR DU SOUTIEN PUBLIC

1. Les craintes liées à la baisse des subventions croisées

L'une des principales inquiétudes concerne le retrait des collectivités territoriales dans le financement de la culture , compte tenu de leur poids jusqu'alors en la matière.

En 2015, les collectivités territoriales, tous échelons confondus, ont pris en charge 70 % des dépenses culturelles en lien avec la création , soit 796 millions d'euros sur un total de dépenses publiques évalué à 1,14 milliards d'euros. Leur contribution est déterminante pour la mise en place des résidences, l'organisation des festivals ou le fonctionnement des différentes structures culturelles, qu'elles soient ou non labellisées, comme l'illustre le tableau ci-dessous.

Parmi les collectivités territoriales, les communes et les établissements publics de coopération intercommunale financent près de la moitié des dépenses, puisque leur part s'élevait respectivement à 31 % et à 12 % en 2015. Viennent ensuite les régions, avec une prise en charge de 18 % en 2015, puis les départements, avec une part de 9 % en 2015.

La répartition du soutien à la création de l'État et des collectivités territoriales entre les différentes disciplines artistiques

Les données disponibles concernant l'année 2015 révèlent que les crédits des collectivités territoriales s'orientent en premier lieu vers la musique, qui concentre 35 % des crédits, tandis que les crédits de l'État se dirigent d'abord vers le théâtre, qui obtient 31 % des crédits. Dans les deux cas, les actions pluridisciplinaires, qui correspondent aux scènes nationales, aux festivals, aux scènes conventionnées et aux autres lieux pluridisciplinaires, arrivent en deuxième position.

Le graphique ci-dessous fait apparaître la répartition des crédits de l'État et des collectivités territoriales entre les disciplines artistiques en 2015 :

Source : Commission de la culture, de l'éducation et de la communication

La tendance des collectivités territoriales au désengagement , observée depuis plusieurs années, constitue une préoccupation majeure des acteurs de la création, compte tenu des conséquences, parfois immédiates, qu'elle peut avoir sur le fonctionnement des équipements culturels et des projets développés. En germe dans les départements depuis 2008, elle touche désormais les autres échelons de collectivités territoriales. Ce désengagement a été une nouvelle fois confirmé par l'Observatoire des politiques culturelles, dans sa note de conjoncture portant sur les dépenses culturelles des collectivités territoriales (2015-2017), réalisée en collaboration avec le département des études, de la prospective et des statistiques du ministère de la culture. Même si certaines collectivités résistent à ce mouvement, l'enquête évoque un « affaiblissement de l'effort public territorial », avec une baisse des crédits consacrés à la culture de l'ordre de - 4 % pour les régions, de - 5 % pour les départements et de - 7 % pour les grandes villes entre 2015 et 2016. Elle souligne également que les domaines qui auraient le plus marqué le pas sont ceux concernés par le programme 131 , à savoir le spectacle vivant et la création artistique d'une part, et les festivals et évènements d'autre part. La note avance deux motifs pour justifier ces évolutions : d'une part, la baisse des dotations de l'État aux collectivités territoriales et, d'autre part, l'affaissement de l'ambition politique dans ce domaine , avec l'impression assez globale que « la culture n'a plus la même évidence dans les politiques territoriales ».

Si la baisse des dotations de l'État apparaît relativement irréversible, le développement du conventionnement constitue un enjeu essentiel pour préserver le soutien de l'État et des collectivités territoriales .

Ce peut être l'un des intérêts des contrats d'objectifs et de moyens des structures labellisées puisqu'ils peuvent porter sur une période pouvant aller jusqu'à quatre ans, apportant ainsi des gages de la préservation du soutien de l'État et, éventuellement, de la collectivité territoriale partenaire pendant cette période. Les autres structures ne sont pas en reste avec la possibilité de pouvoir désormais conclure avec l'État des conventions pluriannuelles d'une durée maximale de cinq ans pour la mise en oeuvre de leur programme.

Dépenses culturelles des collectivités territoriales en euros par habitant en 2014

Source : Atlas régional de la culture 2017, Département des études, de la prospective et des statistiques, ministère de la culture

La volonté de sanctuariser les budgets consacrés à la culture a été à l'origine de la création des pactes culturels . Leur mise en place, fin 2014, s'est imposée pour combattre la tentation des villes de réduire le montant des crédits qu'elles allouent à la culture. Ils sont conclus pour une durée de trois ans par l'État et une ville ou une intercommunalité sur la base d'un engagement respectif à maintenir le niveau de leurs subventions pendant cette période. D'après les chiffres communiqués à votre rapporteure pour avis, 76 pactes culturels avaient été signés à la fin du mois de juillet dernier, permettant de préserver 438 millions d'euros de dépenses annuelles des collectivités, pour un engagement de l'État à hauteur de 132 millions d'euros.

L'invention de nouvelles modalités de contractualisation et de partenariat reste, quoi qu'il en soit, indispensable pour l'avenir de la création artistique dans notre pays. Votre rapporteure pour avis a été informée qu'une réflexion serait actuellement conduite au sein du ministère chargé de la culture pour renouveler les modalités de la contractualisation avec les collectivités territoriales , dans l'optique, notamment, de proposer un dispositif adapté aux spécificités des régions, des départements et des métropoles.

Compte tenu du rôle central qu'elles jouent en matière culturelle, les collectivités territoriales sont elles aussi dans l'attente d'une remise à plat de leur partenariat avec l'État. De nombreux projets mis en place par les collectivités territoriales correspondent aux objectifs définis par le ministère de la culture en matière d'éducation artistique et culturelle. L'efficacité plaide pour que ces projets existants, qui remplissent les objectifs de la politique culturelle définis dans le cadre de la loi de finances, soient prioritairement soutenus, plutôt que de nouveaux projets soient développés sur la base des priorités édictées.

L'inscription du soutien dans la durée est un enjeu essentiel pour les acteurs de la création , compte tenu des contraintes liées à la programmation, qui nécessite de sécuriser les projets pour les saisons culturelles à venir. La question des dégels, des surgels et des annulations de crédits revêt pour eux une importance considérable. En 2017, le programme avait fait l'objet d'un dégel anticipé dès le mois de mars, de plus de 37 millions d'euros, pour accroître notamment les crédits d'intervention en fonctionnement consacrés à la création artistique et permettre un nouveau versement de 4 millions d'euros au fonds d'urgence. En 2018, le Gouvernement a indiqué que le taux de mise en réserve des crédits serait diminué de 8 % à 3 % pour favoriser une plus grande sincérité budgétaire, ce qui devrait aussi donner des marges de manoeuvre supplémentaire aux opérateurs et aux structures aidées. Même si elle devrait apporter un réel souffle, cette décision paraît éveiller la crainte des acteurs de de la création qu'en contrepartie elle ne bloque tout dégel de crédits en cours d'année, ce qui sera sûrement le cas.

2. Un besoin de clarification de la politique de la création

L'année passée a été marquée par une succession d'événements qui ont mis en évidence un besoin de clarification des objectifs poursuivis par la politique culturelle en matière de création.

Deux polémiques ont révélé l'existence de tensions assez fortes entre les opérateurs, dans un contexte budgétaire contraint. La première s'est cristallisée autour de la proposition de relancer la réflexion autour d'une maison commune de la musique par le biais d'un élargissement du rôle du CNV à l'ensemble de la filière musicale, formulée à l'automne 2016 par la ministre chargée de la culture de l'époque, Audrey Azoulay. La seconde a porté sur les suites susceptibles d'être données au rapport de René Bonnell sur le fonctionnement du fonds géré par l'Association de soutien au théâtre privé. Ces deux épisodes ont éveillé des questions autour de l'exercice des missions d'intérêt général .

Dans la foulée, la priorité donnée, au sein de la mission « Culture », à l'éducation artistique et culturelle, comme l'attention particulière prêtée aux questions de diffusion au sein du programme « Création », ont suscité des interrogations sur la place et la fonction assignée à l'artiste au regard de ces orientations budgétaires. Certains y voient le risque d'une évolution d'un rôle de créateur vers un rôle de simple médiateur.

Ce contexte met en lumière l'urgence à disposer d' éléments plus précis de connaissance et d'évaluation du secteur . L'article 48 de la loi du 7 juillet 2016 a jeté les bases d'un observatoire de la création artistique , dont la mise en place se fait encore attendre. D'après les informations recueillies par votre rapporteure pour avis, son installation serait prévue pour juillet 2018, sa composition devant encore être définie d'ici cette date.

Placé auprès du ministre de la culture, il sera chargé d'exploiter les données économiques et sociales qui lui seront transmises par l'État, les collectivités territoriales, les établissements publics et les professionnels, y compris celles portant sur le chiffre d'affaires lié à la billetterie et la fréquentation des spectacles. Il devrait ainsi permettre à la fois de mieux comprendre les évolutions sociologiques, économiques et sociales du spectacle vivant et des arts visuels, mais aussi d'évaluer l'impact des politiques publiques dans ce secteur.

Cette instance présentera aussi l'avantage de rassembler autour d'une même table des représentants de l'État, des collectivités territoriales et des acteurs professionnels.

B. DES MENACES SUR L'INDÉPENDANCE ET LA DIVERSITÉ ARTISTIQUES

1. La montée en puissance d'un phénomène de concentration

Face à la baisse des recettes tirées de la musique enregistrée, la concentration du secteur du spectacle vivant a connu une forte accélération ces dernières années , plusieurs groupes cherchant à maximiser leurs recettes et à profiter du nouvel eldorado des concerts. Ce mouvement s'observe à la fois à un niveau horizontal , avec le développement de groupes spécialisés dans l'exploitation de salles, mais aussi à un niveau vertical , avec l'apparition de stratégies dites « à 360° » , intégrant l'ensemble des fonctions permettant, soit de développer le travail d'un artiste depuis la production jusqu'à la distribution, soit d'exploiter tous les marchés liés au déplacement d'un spectateur à un concert, ce qui implique le contrôle de la billetterie. Notre collègue, Françoise Laborde, évoquait en juillet dernier, dans un rapport consacré à la situation des festivals, « l'irruption de grands groupes privés dans le paysage des festivals français, avec le rachat et la création de plusieurs festivals ».

La synthèse réalisée par le CNV des statistiques relatives à la diffusion des spectacles de variétés et de musiques actuelles en 2016 fait clairement apparaître ce phénomène de concentration, comme l'illustre le graphique ci-dessous.

Source : Centre national de la chanson, des variétés et du jazz

Cette tendance, jusqu'ici observée dans le secteur de la musique, prendrait peu à peu de l'ampleur et commencerait à toucher d'autres disciplines , au premier rang desquelles le théâtre.

Cependant, les données précises sur le phénomène manquent encore , ce qui rend difficiles à ce stade son évaluation et la construction de réponses adaptées. Il sera souhaitable que l'observatoire de l'économie de la filière musicale , une fois mis en place, s'y penche. Créé par la loi du 7 juillet 2016 relative à la liberté de la création, à l'architecture et au patrimoine, il n'a pas encore entamé ses travaux, faute de la publication de l'arrêté de nomination de son conseil. D'après les informations communiquées à votre rapporteure pour avis, la direction générale de la création artistique du ministère de la culture aurait demandé la mise à jour d'une étude réalisée sur le sujet il y a quelques années pour mieux l'ampleur de la concentration en termes d'exploitation, de billetterie et de programmation.

Quoi qu'il en soit, le phénomène ne doit pas être pris à la légère , au risque de laisser progressivement se développer une situation oligopolistique. Les effets économiques seraient dévastateurs pour le reste de la filière, comme pour le consommateur - le prix moyen du billet est déjà de 63 € dans les grandes enceintes. Surtout, la diversité de la création pourrait se retrouver sérieusement menacée.

Le développement de la concentration comporte un r isque d'appauvrissement de l'offre artistique . Les logiques de rentabilité sur lesquelles elle se fonde sont susceptibles de conduire à une uniformisation de l'offre autour des artistes considérés comme « mainstream » et à la disparition des écritures audacieuses et des esthétiques les plus fragiles . Elles pourraient pénaliser l'émergence de nouveaux artistes, mais surtout, les artistes intermédiaires, qui ne sont ni des têtes d'affiche ni ne sortent leur premier album. Elle menace l'indépendance artistique, comme semblent l'indiquer d'ores et déjà les difficultés croissantes rencontrées par de nombreux festivals gérés par des associations pour accéder aux artistes produits par ces grands groupes, dont les cachets s'envolent.

Il s'agit d'un enjeu majeur aux lendemains de la consécration de la liberté de création et de la liberté de diffusion par la loi du 7 juillet 2016. Il ne faudrait pas que le soutien renforcé aux canaux de diffusion ne se traduise par des atteintes à la diversité artistique : le soutien public devrait être conditionné au respect de chartes de bonnes pratiques qui pourraient être rédigées à cet effet. Une vigilance accrue des collectivités territoriales est également nécessaire pour qu'elles ne contribuent pas à aggraver le phénomène en renforçant le poids de ces grands groupes à travers les délégations de service public .

2. Le poids des contraintes de sécurité

Malgré une reprise de la fréquentation dans les salles de spectacles dès 2016, le secteur du spectacle vivant conserve les stigmates des attentats qui ont endeuillé la France depuis 2015. Les mesures de sûreté progressivement mises en place ont bouleversé l'environnement dans lequel opèrent les structures artistiques et culturelles et considérablement accru leurs coûts de fonctionnement .

La sécurité des lieux et manifestations culturelles constitue un axe important de la politique du ministère depuis deux ans à l'égard des opérateurs et des acteurs du secteur, pour contribuer à restaurer la confiance du public dans la fréquentation des salles de spectacles et des festivals.

S'agissant des lieux subventionnés , une enveloppe globalisée de 2,2 millions d'euros en AE et de 2,33 millions d'euros en CP (contre 2,31 millions d'euros en 2017) est prévue pour soutenir les besoins d'équipement les plus urgents, en particulier la mise en sécurité, mais aussi l'accessibilité, le renouvellement et la remise à niveau des équipements.

Comme en 2017, les principaux opérateurs culturels - ce qui couvre aussi les opérateurs du programme 175 « Patrimoines » - devraient également bénéficier du concours du Fonds interministériel de prévention de la délinquance et de la radicalisation (FIPDR) , géré par le ministère de l'intérieur. Lors de son audition devant votre commission le 22 novembre dernier, la ministre de la culture, Françoise Nyssen, a indiqué qu'un travail était engagé pour obtenir la reconduction de l'enveloppe en 2018. Elle était de 4,5 millions d'euros l'an dernier. Une partie des dépenses d'investissement en matière de sécurité pourrait être prise en charge par ce biais.

Les entreprises privées du spectacle sont soutenues par le biais du fonds d'urgence pour le spectacle vivant , créé par la loi de finances rectificative pour 2015 1 ( * ) , avec 15,5 millions d'euros d'aides attribuées depuis sa création. Ce fonds finance les surcoûts liés au renforcement des mesures de sécurité , les frais supplémentaires liés à des reports de dates, les pertes de recettes ou frais déjà engagés sur des spectacles annulés ou reportés ou des besoins de soutien temporaire en prévision d'une indemnisation, jouant un grand rôle dans le maintien dans l'emploi et le soutien à l'emploi artistique. En revanche, il ne peut pas soutenir des projets d'investissement destinés à améliorer les conditions de sécurité des salles de spectacles, dont le financement relève d'autres dispositifs.

Quelques éléments sur la situation financière des festivals

Les crédits consacrés par l'État aux festivals ont connu, au cours de cette dernière décennie, un recentrage en nombre de festivals subventionnés , passant de 297 en 2007 à 157 en 2016. En contrepartie, la subvention allouée à chacun des festivals soutenus a été accrue de manière significative, passant dans le même intervalle de 66 000 € à 115 000 €.

Le financement des festivals par le ministère de la culture devrait s'élever en 2018 à 1,7 million d'euros pour les arts plastiques , stable par rapport à 2017. Il devrait s'élever à 17,54 millions d'euros pour le spectacle vivant (contre 17,63 en 2017), dont 10,47 millions d'euros (en hausse de 70 000 euros par rapport à 2017) pour financer les huit festivals d'envergure nationale ou internationale suivis par l'administration centrale, parmi lesquels le festival d'Avignon, le festival d'Aix-en-Provence, les festivals d'Automne à Paris, le Printemps de Bourges ou Musica, et à 7,07 millions d'euros pour les autres festivals du spectacle vivant (en baisse de 2,3 % par rapport à 2017 avec une diminution de 33 du nombre de festivals bénéficiaires, qui passe de 182 à 149).

Les crédits de l'État représentent une part minoritaire (26,5 %) du soutien public aux festivals , qui repose aussi sur les villes (22 %), les établissements publics de coopération intercommunale (15 %), les régions (17,5 %) et les départements (19 %). Le soutien des collectivités territoriales aurait également tendance à décliner . Les subventions des communes et de leurs regroupements, qui avaient jusqu'ici permis de compenser les baisses de financements des régions et des départements, auraient reculé en 2016.

Concernant spécifiquement les festivals de musiques actuelles, environ 15 % de leurs crédits proviendraient de financements privés (mécènes et sponsors), un taux en hausse de trois points en l'espace de quatre ans. 41 % de leurs ressources proviendraient de la billetterie, dont l'apport est devenu indispensable, ce qui explique la régression du nombre de festivals gratuits.

L'étude statistique du CNV sur les festivals de musiques actuelles en 2016 met en évidence une augmentation de 10 % des charges artistiques au cours des deux dernières années, dont l'une des causes provient de l'envolée des cachets des têtes d'affiche, et une augmentation de 11 % des charges techniques , de logistique et de sécurité sur la même période. Cette hausse est largement le fait des surcoûts de sécurité .

Selon des chiffres du CNV, le renforcement de la sécurité des sites a entrainé 43 000 euros de dépenses supplémentaires par jour pour les organisateurs de festivals de musiques actuelles, soit une hausse de 2,7 % de leur budget total . Ces surcoûts sont difficiles à assumer pour une grande majorité de festivals, dont les budgets sont généralement tout juste à l'équilibre. Les petits festivals, dont les budgets sont inférieurs à 500 000 euros ont été les plus impactés par les surcoûts de sécurité car il n'y avait auparavant que peu de sécurité mise en place sur ce type d'événements.

Source : Commission de la culture, de l'éducation et de la communication du Sénat

Créé pour une période limitée , le fonds devrait disparaître à la fin de l'année 2018. Le montant des aides attribuées en 2017 a d'ores et déjà été moindre qu'en 2016, faute d'un nouvel abondement par plusieurs partenaires. Un versement supplémentaire de l'État de 4 millions d'euros devrait intervenir d'ici la fin de l'année, selon une annonce faite par la ministre de la culture, Françoise Nyssen, devant votre commission lors de son audition le 22 novembre dernier. Il porterait la dotation du fonds depuis sa création à 19 millions d'euros, dont plus de 18 millions d'euros pouvant être versés sous forme d'aides, le reste couvrant les frais de gestion, de l'ordre de 3,8 %. Dans la perspective de sa prochaine disparition, les entreprises du spectacle sont encouragées à internaliser leurs coûts de sécurité.

État des contributions au fonds d'urgence

2015

2016

2017

TOTAL

AIDES NON REMBOURSABLES

CNV

2 000 000 €

500 000 €

2 500 000 €

MCC

1 000 000 €

6 139 977 €

1 674 000 €

8 813 977 €

SACEM

500 000 €

500 000 €

1 000 000 €

ADAMI

870 900 €

870 900 €

SACD

150 000 €

150 000 €

300 000 €

SPPF

60 000 €

60 000 €

SCPP

500 000 €

500 000 €

ADAGP

30 000 €

30 000 €

SCAM

75 000 €

75 000 €

VILLE DE PARIS

690 000 €

690 000 €

TOTAL

4 315 000 €

8 200 877 €

2 324 000 €

14 839 877 €

AIDES REMBOURSABLES

CNV

500 000 €

500 000 €

500 000 €

1 500 000 €

VILLE DE PARIS

60 000 €

60 000 €

TOTAL

500 000 €

560 000 €

500 000 €

1 560 000 €

TOTAL DES CONTRIBUTIONS

4 815 000 €

8 760 877 €

2 824 000 €

16 399 877 €

Source : Ministère de la culture

La question de savoir s'il faut poursuivre l'accompagnement des établissements du spectacle vivant face aux contraintes de sécurité au-delà de 2018 reste posée , pour au moins deux raisons.

D'une part, les surcoûts de sécurité supportés par les structures restent importants et leur montant ne devrait pas se réduire au cours des années à venir, compte tenu de la tendance au renforcement des mesures de sûreté pour garantir la sécurité des lieux de spectacle et des manifestations culturelles. Au-delà des coûts financiers qu'elles génèrent et qui, pour de nombreux établissements ou manifestations, sont difficiles à assumer, ces mesures de sûreté font peser des contraintes de plus en plus fortes sur la programmation susceptibles de porter atteinte à la liberté de création. Des commissions de sécurité ont exigé des changements de programmation.

Dans son rapport sur la situation des festivals, notre collègue, Françoise Laborde, s'inquiétait d'ailleurs que certains artistes finissent par refuser de créer des spectacles à la demande de festivals français, face au risque grandissant d'une annulation à la dernière minute.

D'autre part, le dispositif mis en place très rapidement après l'attentat du Bataclan s'est révélé efficace en contribuant à rétablir la confiance du public à l'égard de sa sécurité.

Pérennisation du soutien ou simple atterrissage en douceur, la ministre de la culture, Françoise Nyssen, a annoncé, à l'occasion d'une communication devant le Conseil des ministres sur la situation des festivals le 9 août dernier, que le FIPDR aurait vocation à prendre le relais du fonds d'urgence , sans toutefois préciser, ni le montant de l'enveloppe qui serait allouée, ni le type de bénéficiaires, ni la nature des actions prises en charge, ni les modalités de son fonctionnement. La création d'une cellule interministérielle entre les ministères chargés de la culture et de l'intérieur a été décidée pour favoriser le partage de toute information relative à la sécurité des lieux culturels, assurer la continuité économique du secteur et suivre les dossiers pris en charge au titre du FIPDR. Elle se serait réunie pour la première fois le 28 septembre dernier. Si ces évolutions sont confirmées, il conviendra d'observer si le recours à un instrument unique permettra de résoudre les problèmes d'éligibilité aux dispositifs de soutien identifiés : plusieurs festivals gérés par des associations soutenues uniquement par des collectivités territoriales n'ont pas réussi à obtenir jusqu'ici de l'aide, ni de la part de l'État, ni au titre du fonds d'urgence.

Une réflexion restera nécessaire pour harmoniser davantage le niveau des mesures de sûreté demandé par les préfets à l'occasion de l'organisation de manifestations culturelles, tant leur degré a pu varier sur le territoire sans motif clair. Cette inégalité est particulièrement criante quand il s'agit de refacturer la présence des forces de l'ordre , le champ de ce qui relève de l'ordre public et de ce qui relève du soutien à la manifestation étant apprécié de manière très disparate. La prise en charge systématique de ces coûts par le ministère de l'intérieur figure d'ailleurs parmi les demandes les plus fréquemment formulées par les organisateurs de manifestations culturelles.

Un autre défi de taille reste celui de l'investissement dans la sécurité . Face à l'urgence de la situation, la réponse s'est jusqu'ici principalement focalisée autour du recrutement d'agents de sécurité, ce qui a considérablement accru les coûts de fonctionnement des structures. La question de l'équipement des lieux et de la formation des personnels devrait désormais constituer une nouvelle étape.

III. DES SUJETS BRÛLANTS POUR LES DEUX FILIÈRES

A. VERS UNE REFONTE DE LA POLITIQUE DE LA MUSIQUE ?

1. Une opportunité à saisir

La filière musicale a connu de profonds bouleversements au cours de la dernière décennie. Les mutations numériques, en particulier, ont transformé les modalités de consommation de la musique. Alors que le secteur était encore en proie à des difficultés il y a quelques années, en pleine crise de la musique enregistrée, elle semble désormais s'inscrire dans une nouvelle dynamique . De nouveaux modèles économiques apparaissent autour de l'essor du streaming et de l'importance prise par la scène. Les entreprises du secteur ont retrouvé une certaine vitalité, comme en témoigne la hausse continue du produit de la taxe parafiscale perçue par le CNC ces trois dernières années, passé de 28,7 millions d'euros en 2014 à 31,3 millions d'euros en 2016. Le public est en hausse, malgré les attentats. Le renouvellement artistique a été assuré avec l'arrivée sur le marché d'un certain nombre de jeunes artistes. Les frontières entre les différentes familles musicales s'estompent de plus en plus, avec un rapprochement dans les modèles de production et de distribution des différents styles musicaux et des différences devenues moins marquées dans le fonctionnement des établissements publics et des établissements privés.

L'ensemble de la filière est aujourd'hui confrontée aux mêmes défis . Les problèmes posés par le mouvement de concentration ou par l'indispensable sécurisation des lieux et des manifestations en font partie. La question de la place progressivement prise par les plateformes numériques dans ce nouvel écosystème en est un autre. La position désormais incontournable des plateformes de musique par abonnement rend urgente la recherche de solutions permettant d'assurer une plus juste répartition de la valeur créée entre l'ensemble des acteurs de la filière musicale. La faiblesse de la rémunération tirée du streaming vidéo, dont YouTube est la principale plateforme, doit être examinée dans le cadre des discussions sur le partage de la valeur.

L'enjeu relatif aux plateformes dépasse la seule dimension économique. La montée en puissance de ces nouveaux acteurs constitue également une menace pour la diversité musicale . Le fonctionnement des algorithmes, qui orientent les choix des utilisateurs, est aujourd'hui mis en cause pour favoriser un certain type de répertoire et uniformiser progressivement les goûts musicaux au détriment des répertoires les plus fragiles ou même des artistes traditionnels. Le système de rémunération des artistes sur ces plateformes, qui se base sur le pourcentage d'écoute de leurs streams par rapport au nombre de streams écoutés par l'ensemble des utilisateurs, se traduit par un écrasement de la valeur des artistes traditionnels au profit de ceux qui sont plébiscités par les jeunes consommateurs. Le marché est par ailleurs faussé par l'apparition d'entreprises qui proposent leurs services pour acheter des streams sur internet.

Ces évolutions sont autant d'éléments qui plaident en faveur d' un effort pour mieux promouvoir et valoriser nos artistes sur la scène internationale , tant le marché de la musique est désormais globalisé. Votre rapporteure pour avis ne peut que se féliciter de la décision du Gouvernement d'accroître significativement les crédits dédiés au Bureau export en 2018. L'effort supplémentaire, initialement annoncé d'un montant de 800 000 euros dans le projet annuel de performances du programme 334 « Livres et industries culturelles », sera finalement porté à 1,3 millions d'euros, suite au vote d'un amendement du Gouvernement au projet de loi de finances en première lecture à l'Assemblée nationale. Cette revalorisation permet pratiquement de doubler, en l'espace d'un an, les crédits de l'établissement, même si les attentes des professionnels font apparaître des besoins encore supérieurs.

Mais, cet engagement financier accru de l'État doit s'accompagner d' une redéfinition de sa politique à l'égard de la filière musicale . Les attentes des acteurs en ce domaine sont fortes, après une période pendant laquelle ils ont eu parfois le sentiment d'être négligés ou incompris. C'est l'une des conclusions du rapport 2 ( * ) remis il y a quelques semaines par Roch-Olivier Maistre à la ministre de la culture, Françoise Nyssen, au terme de sa mission de réflexion sur le projet de « maison commune de la musique ». Aujourd'hui définie et mise en oeuvre au sein de deux directions distinctes - la direction générale de la création artistique et la direction générale des médias et des industries culturelles -, l'action du ministère en matière musicale peut manquer de lisibilité et de cohérence. En désignant au sein du ministère un « visage unique pour la politique musicale », l'État pourrait plus aisément endosser un « rôle stratégique et prescripteur » susceptible de lui faire aujourd'hui défaut. Le rapport insiste en particulier sur l'importance d'une meilleure prise en compte des mutations intervenues sous l'ère numérique et d'une clarification des priorités du ministère susceptible d'orienter le soutien aux établissements subventionnés. La ministre a jusqu'ici réagi à ces propositions en indiquant, dans un communiqué de presse paru le 15 novembre dernier, ses priorités pour la politique musicale : « le soutien à la création et à l'ensemble des composantes de la vie musicale, la diffusion et le rayonnement national et international , mais également l'accompagnement d'enjeux aussi cruciaux que sont la pratique artistique, l'éducation artistique et culturelle ou le partage de la valeur à l'ère du numérique ».

2. Des contours à définir

Après l'abandon du projet de Centre national de la musique en 2012 et les critiques autour du projet de maison commune lancé à partir de 2014, toute nouvelle ambition pour rassembler la filière musicale doit nécessairement composer avec l'existence de lignes de fracture entre les différents acteurs. Roch-Olivier Maistre souligne, dans son rapport, le caractère dual de la filière avec, « d'un côté, un important secteur qui repose nécessairement et durablement sur la subvention publique (orchestres, scènes, maisons d'opéra, festivals, ensembles spécialisés) » et, « de l'autre, un secteur non moins important qui repose sur l'initiative privée et qui est financé majoritairement et directement par les publics ». Il considère néanmoins que les divisions ne sont plus aussi fortes qu'elles l'ont été par le passé. On constate d'ailleurs que, depuis sa publication, son rapport a été bien accueilli par les acteurs, quels qu'ils soient.

Un grand nombre de questions reste encore en suspens .

La ministre de la culture n'a pas, à ce stade, fait part de sa position sur la proposition de Roch-Olivier Maistre, pour conforter les outils de soutien à la musique, de créer un nouvel opérateur public portant l'intérêt général plutôt que d'élargir le périmètre du CNV. Cette création répond au besoin de réunir autour d'une même table l'ensemble du champ musical et de ses métiers , c'est-à-dire l'ensemble des acteurs du spectacle vivant et de la musique enregistrée, pour apaiser les tensions et mieux faire valoir leurs préoccupations. À l'exception du soutien aux structures qui reposent sur la subvention publique, pour laquelle il paraît important que le ministère puisse continuer à en assurer directement la gestion, cet établissement pourrait être chargé de porter une partie de la politique du ministère à l'égard de la filière musicale. Roch-Olivier Maistre suggère qu'il ait pour missions l'observation, l'information, la formation, le développement international et la gestion de différentes formes d'aides au secteur (aides automatiques, aides sélectives, appui aux projets territoriaux, soutien aux actions menées par la filière en matière d'éducation artistique et culturelle).

Par souci de rationalisation , il est proposé que l'établissement regroupe les principales institutions des secteurs de la musique enregistrée et du spectacle vivant, à savoir le CNV, l'observatoire de l'économie de la filière musicale en cours d'installation et le centre d'information et de ressources pour les musiques actuelles (Irma). L'intégration du Bureau export ferait débat entre les acteurs de la filière musicale. Certains brandissent l'exemple de l'organisation du soutien au cinéma, marquée par la présence, aux côtés du Centre du cinéma et de l'image animée (CNC), d'UniFrance, dont la mission est de promouvoir le cinéma français dans le monde.

En termes de gouvernance , le rapport recommande un dispositif susceptible d'assurer l'efficacité des processus de décision, de garantir la prise en compte de l'intérêt général et de permettre l'expression de toutes les parties prenantes. Il plaide pour un conseil d'administration resserré assurant une place prépondérante aux représentants de l'État, aux parlementaires et aux collectivités territoriales, aux côtés d'un comité d'orientation reflétant le plus largement possible la diversité de la filière.

Pour garantir l'efficacité du fonctionnement de cet établissement, des moyens financiers supplémentaires seraient nécessaires. Sur le modèle du CNV, son financement pourrait reposer à la fois sur des crédits de l'État, dont il est suggéré que le montant soit revalorisé, et sur des contributions du secteur, par le biais de la taxe sur les spectacles de variétés. Le rapport évoque aussi la possibilité d'allouer à l'établissement une part non affectée du produit de taxes existantes, qui profitent pour l'instant exclusivement à d'autres secteurs : d'une part, la taxe sur les opérateurs de communications électroniques (TOCE), d'autre part, la taxe sur la diffusion en ligne de contenus audiovisuels (TSV), dite « taxe YouTube ». S'agissant de cette dernière taxe, l'intérêt serait éminemment symbolique pour le secteur, puisque la musique est le premier contenu consommé sur YouTube, loin devant le cinéma. Elle permettrait à la filière musicale de bénéficier pour la première fois d'une source de financement moderne, même si sa rentabilité est aujourd'hui difficile à évaluer et pourrait se révéler faible.

Lors de son audition devant votre commission, le 22 novembre dernier, la ministre de la culture a indiqué qu'elle s'apprêtait à lancer des consultations avec l'ensemble des acteurs de la filière musicale sur la base des préconisations du rapport et qu'elle annoncerait ses décisions en janvier. Quelles que soient les options qui seront retenues par la ministre chargée de la culture sur le sujet, une intervention du législateur pourrait se révéler nécessaire . En dehors de la revalorisation des crédits du Bureau export, aucun nouveau crédit n'est de toute façon prévu au présent projet de loi, ce qui pourrait repousser d'un an la mise en place effective du futur établissement, s'il devait être créé.

B. LES ARTISTES VISUELS TOUJOURS DANS L'ATTENTE SUR DE NOMBREUX SUJETS

1. La nécessité d'une meilleure reconnaissance des artistes visuels

Le soutien à la structuration du secteur reste indispensable pour aider la filière des arts plastiques à se doter d'une organisation collective lui permettant de conforter sa place.

Les crédits alloués à la structuration des professions et de l'économie du secteur en 2018 restent stables, à 1,64 millions d'euros .

Une enveloppe de 840 000 euros est prévue pour les organisations professionnelles et les entreprises de la création représentatives dans le champ des arts plastiques , comme la Fédération des réseaux et associations d'artistes plasticiens (FRAAP) et pour les structures associatives « ressources » dont le congrès interprofessionnel de l'art contemporain (CIPAC), l'association nationale des arts de la mode, l'association PLATFORM, qui représente les FRAC, et l'association française de développement des centres d'art. Ce montant continue d'être jugé insuffisant par le secteur au regard des retards de structuration qu'il accuse, en comparaison des 2,38 millions d'euros octroyés au titre du soutien aux organismes professionnels et syndicaux du spectacle vivant. La présentation ne permet pas non plus de distinguer la répartition des crédits entre les organisations professionnelles proprement dites, dont la FRAAP et le CIPAC font partie, et les associations qui interviennent pour soutenir la diffusion.

Les autres crédits sont destinés à soutenir les galeries d'art, les petites entreprises des métiers d'art et les éditeurs de design pour maintenir une diversité de l'offre et développer un tissu de galeries indépendantes susceptibles de promouvoir la scène artistique française, notamment à l'international.

La création d'un Conseil national des professions des arts visuels, décrite désormais comme imminente, pourrait jouer un rôle décisif en lui offrant une instance de dialogue, à la fois entre organisations professionnelles et avec l'État et les collectivités territoriales. Il serait chargé d'examiner les questions d'emploi, de formation, de protection sociale et de protection des droits d'auteur.

Sa mise en place est d'autant plus cruciale que de nombreuses demandes des artistes visuels portent autour de l'amélioration des conditions d'exercice de leur profession .

Le régime de sécurité sociale des artistes auteurs devrait enfin être modernisé . D'après les informations communiquées à votre rapporteure pour avis, la mission des organismes agréés devrait être recentrée sur l'affiliation, le champ du régime et l'action sociale. La gestion du recouvrement sera confiée à compter de 2019 à l'Union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales (URSSAF) Limousin, sous l'égide de l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale (ACOSS).

Mais, le principal enjeu concerne le niveau des rémunérations , compte tenu de la précarité à laquelle les artistes sont confrontés. Le Sénat a d'ailleurs veillé à ce que la hausse de la cotisation sociale généralisée (CSG), décidée dans le cadre du projet de loi de financement de la sécurité sociale, soit intégralement compensée pour les artistes auteurs au même titre que pour les salariés. Comme les revenus des artistes auteurs proviennent essentiellement de leurs droits d'auteur et de leurs ventes d'oeuvres, qui ne sont pas pris en compte dans le calcul des droits à indemnité de chômage, ils ne pouvaient pas bénéficier de la compensation prévue par le Gouvernement et risquaient de voir leurs rémunérations diminuées encore de 1 %. Le Sénat a donc voté, en première lecture, une disposition inscrivant le principe d'une compensation pour les artistes auteurs, via une réduction du taux de la cotisation au régime d'assurance vieillesse de base, permettant de compléter la compensation qu'ils devraient percevoir, au même titre que les salariés, par le biais d'une diminution des cotisations maladie.

Le développement du numérique a plutôt contribué à dégrader encore la situation des artistes visuels ces dernières années. Pour y répondre, le Sénat avait inséré, dans la loi du 7 juillet 2016, un article mettant en place un système de gestion de droits obligatoires pour faciliter la rémunération des auteurs d'oeuvres d'art graphiques, plastiques et photographiques pour l'exploitation de leurs oeuvres par les services de référencement d'images sur internet. Ce dispositif était attendu par la profession, en l'absence de mécanismes permettant aujourd'hui à ses membres d'être rémunérés pour une valeur qu'ils contribuent à créer.

Des motifs juridiques soulevés par le Conseil d'État en empêcheront la mise en oeuvre, le Gouvernement ayant décidé de renoncer à la publication du décret d'application face aux arguments avancés par ce dernier. Compte tenu de la position claire exprimée par le Sénat à l'occasion du vote, à l'unanimité, de cette disposition, votre rapporteure pour avis considère urgente la recherche de solutions alternatives pour garantir un partage équitable de la valeur avec les diffuseurs numériques de contenus culturels . Elle espère que les autorités françaises défendront vigoureusement cette position dans le cadre des discussions qui se sont ouvertes à Bruxelles autour de la réforme du droit d'auteur.

L'avis du Conseil d'État sur le projet de décret pris pour l'application de l'article 30 de la loi du 7 juillet 2016 relative à la liberté de la création, à l'architecture et au patrimoine

Le Conseil d'État a émis en février 2017 un avis négatif à l'encontre du projet de décret au motif que les dispositions des articles L. 136-1 et suivants du code de la propriété intellectuelle (CPI), insérés par l'article 30 de la loi « CAP », ne sont conformes ni aux exigences constitutionnelles garantissant la protection du droit de propriété, ni à celles du droit de l'Union européenne garantissant le droit exclusif de l'auteur d'autoriser la reproduction et la représentation de son oeuvre .

En premier lieu, le Conseil a estimé que les dispositions des articles L. 136-1 et suivants du CPI méconnaissent les exigences constitutionnelles garantissant le droit de propriété, dont fait partie la propriété intellectuelle. Les dispositions de la loi ne prévoient en effet aucune information préalable des auteurs concernés, ni aucune possibilité pour ceux-ci de s'opposer à la mise en gestion collective de leur droit de reproduction et de représentation de leur oeuvre dans le cadre des services de référencement d'images.

En second lieu, le Conseil d'État a considéré que les dispositions des articles L. 136-1 et suivants du CPI sont incompatibles avec les dispositions de la directive 2001/29/CE du 22 mai 2001. D'une part, elles constituent une limitation du droit exclusif de l'auteur d'autoriser la reproduction et la représentation de son oeuvre qui n'entre dans le champ d'aucune des exceptions et limitations que les États membres ont la faculté d'apporter, sur le fondement de l'article 5 de cette directive. D'autre part, elles ne comportent aucun « mécanisme garantissant l'information effective et individualisée des auteurs » préalablement à la mise en gestion collective de leurs droits , alors que la Cour de justice de l'Union européenne a jugé, à l'occasion d'un renvoi préjudiciel, qu'un tel mécanisme était nécessaire pour que l'exigence d'un consentement implicite préalable de l'auteur puisse être regardée comme satisfaite (arrêt du 16 novembre 2016, Marc Soulier et Sara Doke c/ Premier ministre et ministre de la Culture et de la Communication ).

Source : Ministère de la culture

Votre rapporteure pour avis déplore par ailleurs que le rapport sur la situation des arts visuels en termes d'économie, d'emploi, de structuration et de dialogue, prévu à l'article 45 de la loi du 7 juillet 2016 précitée, n'ait jamais été remis au Parlement. Il serait très utile pour disposer d'un état des lieux précis de la situation des artistes visuels et pourrait constituer une base pour asseoir les futures réflexions sur le sujet.

2. Un soutien aux photographes à inscrire dans la durée

Malgré les annonces faites en 2016 en faveur du photojournalisme, le début de l'année 2017 a été marqué par la parution d'une tribune, dans le quotidien Libération, rédigée par une vingtaine d'agences et plusieurs syndicats d'agences de presse photographique dénonçant une situation de précarité des photojournalistes jamais atteinte. Intitulée « La photographie de presse étouffe », elle déplorait « le manque de valorisation, d'imagination, d'écoute et de soutien de la part des institutions et des pouvoirs publics français ».

Finalement, l'année 2017 a été marquée par plusieurs avancées en direction des photojournalistes .

Des dispositions conditionnant l'octroi des aides directes à la presse au respect d'un certain nombre d'engagements ont été intégrées dans les conventions-cadres triennales conclues entre l'État et les éditeurs de presse pour la période 2017-2019. Ces engagements portent sur le respect des délais de paiement, l'approvisionnement privilégié auprès des photojournalistes pour les sujets d'information politique et générale et le recours systématique au bon de commande pour formaliser les relations commerciales avec les photographes ou les agences de presse. Des sanctions graduées sont prévues avec, dans un premier temps, une réduction des aides d'un montant de 30 % si la mise en demeure de l'État reste sans effet pendant plus d'un mois et, dans un second temps, la possibilité d'annuler totalement les aides à défaut de mise en conformité dans un délai maximal d'un an.

Dans le cadre de la mise en oeuvre de ces dispositions, le ministère de la culture a élaboré un outil de suivi, qui a permis de ramener les délais de paiement à trois ou quatre mois, contre douze à seize mois auparavant . Même si ces délais restent encore bien supérieurs aux délais légaux de paiement, les progrès enregistrés en quelques mois laissent à penser que la conditionnalité des aides pourrait se révéler un outil efficace.

Des réflexions ont également été lancées concernant les questions de rémunération des photojournalistes . Un décret fixant le salaire minimum des photojournalistes rémunérés à la pige a été publié le 10 mai 2017, mais le montant qu'il instaure, défini à 60 € par commande pour un temps minimum d'exécution de cinq heures, a été jugé très faible par la profession, qui craint de surcroît qu'il ne puisse désormais apparaître comme la norme.

Compte tenu des pertes de revenu qu'ils ont enregistrées sous l'effet du développement du numérique, les photojournalistes nourrissent de fortes attentes à l'égard des avancées qui pourront être enregistrées à l'occasion de la réforme du droit d'auteur au niveau européen. Ils espèrent que les nouvelles dispositions permettront un rééquilibrage entre les acteurs permettant d' aboutir à un meilleur partage de la valeur . Il souhaite également qu'un encadrement puisse être mis en place pour les contrats de syndication , face au développement croissant de la pratique consistant, pour des éditeurs, à vendre des contenus, dont des photographies, à d'autres titres de presse ou à des tiers.

Les signataires de la tribune publiée dans Libération regrettaient également que la France n'ait pas jusqu'ici davantage développé une politique publique spécifique de valorisation de ses auteurs photographes en activité par le biais d'expositions, d'aides spécifiques à la création, ou de mesures d'accompagnement aux nouveaux talents.

La création de la délégation à la photographie , qui a vu le jour en juillet dernier, pourrait apporter une première réponse puisque son objectif est de permettre aux acteurs extérieurs de disposer d'un interlocuteur unique au sein du ministère la culture. Elle devrait coordonner les actions des services du ministère de la culture, des DRAC et des services à compétence nationale ainsi que des établissement publics qui gèrent des fonds photographiques pour le compte de l'État. Elle sera chargée d'établir chaque année un rapport sur l'action du ministère dans le champ de la photographie. Pour renforcer son efficacité, l'ensemble des moyens financiers ont été regroupés au sein du programme 131.

Par ailleurs, les crédits de la commande publique sont reconduits en 2018, à 2,8 millions d'euros pour permettre, en particulier, la poursuite de la commande photographique autour des « Regards sur le Grand Paris », initiée en 2016 et qui doit se poursuivre sur une période de dix ans.

*

Compte tenu de ces observations, votre rapporteure pour avis propose à la commission d'émettre un avis favorable à l'adoption des crédits du programme 131 « Création » de la mission « Culture » du projet de loi de finances pour 2018.

TRANSMISSION DES SAVOIRS

DEUXIÈME PARTIE - LE PROGRAMME 224 « TRANSMISSION DES SAVOIRS ET DÉMOCRATISATION DE LA CULTURE »
LES GRANDES LIGNES DU PROGRAMME 224 POUR 2018

Le programme 224 « Transmission des savoirs et démocratisation de la culture », géré par le Secrétariat général du ministère de la culture, finance :

- les politiques culturelles transversales conduites par le ministère, c'est-à-dire celles menées en faveur de l'enseignement supérieur culture (ESC), de la démocratisation culturelle et de l'accès à la culture, de l'action culturelle internationale, ainsi que du développement et de la professionnalisation de l'emploi dans le spectacle ;

- les fonctions de soutien du ministère , parmi lesquelles les ressources humaines, les dépenses immobilières ou frais liés aux locaux, les systèmes d'information, ou les dépenses de communication.

Comme en 2017, le programme 224 est, des trois programmes qui composent la mission « Culture », celui qui connaîtra, en 2018, la progression la plus sensible de ses crédits . Ils sont portés à 1 331 324 411 euros en autorisations d'engagement (AE) et à 1 265 842 507 euros en crédits de paiement (CP), soit une hausse de plus 65 millions d'euros en AE (+ 5,16 %) et de plus de 32,5 millions d'euros en CP (2,64 %) .

La majorité des crédits demeure constituée par les dépenses de personnel (titre 2), qui s'élèvent à 710 523 328 € (+ 2 %), soit environ 55 % des crédits du programme . La progression des crédits s'explique par une hausse des crédits accordés à la formation et à l'action sociale et par l'octroi d'une nouvelle enveloppe de près de 10 millions d'euros pour financer des mesures de revalorisation indiciaire et des mesures indemnitaires destinées à favoriser les carrières et à renforcer l'attractivité des métiers. Le ministère de la culture souligne sa participation à l'effort de maîtrise des effectifs de la fonction publique , avec une baisse de ses effectifs de 110 emplois temps plein (ETP), répartis entre administration centrale (- 60 ETP), directions régionales des affaires culturelles (- 25 ETP) et établissements publics et services à compétence nationale (- 25 ETP). Cet effort reste néanmoins modéré, puisqu'il ne correspond qu'à 0,5 % de son plafond d'emplois sur titre 2. Les opérateurs sont également concernés, avec la suppression de 50 ETP.

Le ministère de la culture a également décidé, avant même l'annonce officielle du programme « Action publique 2022 », de rationaliser son parc immobilier. Sur les sept bâtiments dans lesquels sont implantés les services de l'administration centrale, il a annoncé sa décision de ne pas reconduire le bail du site de la rue Beaubourg et de céder deux bâtiments dont il est propriétaire.

Le Gouvernement met en avant la hausse de 5,2 % des crédits de paiement hors titre 2 . Ce chiffre doit néanmoins être relativisé, car il prend en compte les crédits qui ont été transférés depuis d'autres programmes et missions. Dans les faits, la croissance des crédits de paiement hors titre 2, avant transferts, s'élève à 2,1 % .

Conformément aux priorités gouvernementales, les actions 2 « Soutien à la démocratisation et à l'éducation artistique et culturelle » et 6 « Action culturelle internationale » sont celles qui profitent le plus de ces progressions de crédits , avec une croissance respective de leurs crédits de paiement, après transferts, hors titre 2, de l'ordre de 56 % et de 17 % (cf. tableau ci-dessus). L'accès de tous à la culture et la dimension européenne et internationale figuraient parmi les six objectifs assignés à la politique culturelle par le Premier ministre dans sa feuille de route adressée à la ministre chargée de la culture, Françoise Nyssen, en août dernier.

C'est pourquoi le projet annuel de performances (PAP) pour 2018 mentionne désormais spécifiquement, parmi les priorités du programme, la valorisation de l'attractivité de la culture française à l'international , aux côtés de la nécessité de favoriser l' accès à la culture sur l'ensemble du territoire, d'améliorer l' attractivité de l'enseignement supérieur culture , d' optimiser la gestion des fonctions de soutien du ministère et de pérenniser l'emploi dans les entreprises du spectacle vivant et enregistré, qui figuraient déjà dans le PAP pour 2017. Les crédits de l'action 6 sont abondés d'1,3 million d'euros par rapport à 2017 dans l'objectif, en particulier, de renforcer les actions internationales conduites par les directions générales des affaires culturelles (DRAC).

L'action internationale du ministère de la culture

L'action européenne et internationale du ministère de la culture comprend plusieurs priorités :

- contribuer à la relance de l'Europe par le biais de la culture . Les initiatives destinées à adapter les politiques culturelles à l'ère du numérique dans le respect du droit des créateurs et de la diversité culturelle entrent dans ce cadre, de même que les actions destinées à améliorer la prise en compte de la dimension culturelle dans les programmes existants, à renforcer des programmes culturels comme « Europe créative » ou à développer un programme de mobilité des professionnels de la culture pour favoriser la circulation des artistes, des commissaires d'exposition et des conservateurs, qui pourrait prendre le nom d'Erasmus Culture ;

- promouvoir le dialogue des cultures à travers la langue française , sa diffusion, son partage, sa promotion, les idées et les valeurs qu'elle véhicule, et en encourageant la traduction du et vers le français ;

- valoriser l'expertise, l'innovation, le savoir-faire et les créations françaises à l'étranger , par l'accueil de professionnels de la culture et d'artistes étrangers, le développement de réseaux de professionnels susceptibles d'accroître l'influence et le rayonnement de la culture française dans le monde, la mise en oeuvre de programmes de coopération culturelle et l'élaboration de projets de jumelage ;

- intervenir en faveur du patrimoine en péril compte tenu des destructions et pillages, ainsi que du trafic de biens culturels causés par les cataclysmes et les conflits armés ;

- promouvoir le tourisme culturel avec, en particulier le lancement, en 2018, d'une Saison culturelle pour la deuxième année consécutive destinée à mettre en avant la diversité de la programmation culturelle de notre pays, la richesse de son patrimoine et l'excellence de sa création.

L'action 6 du programme 224 ne rassemble pas la totalité des crédits budgétaires du ministère en faveur de l'action extérieure . Les programmes 131 « Création », 180 « Presse » et 334 « Livre et industries culturelles » financent diverses actions destinées à soutenir la diffusion à l'étranger des industries culturelles, des artistes et des spectacles, en plus des soutiens spécifiques à l'audiovisuel extérieur de la France.

Par ailleurs, les opérateurs du ministère (musées, établissements d'enseignement supérieur...) comme les réseaux labellisés (Centres dramatiques nationaux, centres chorégraphiques nationaux, scènes nationales...) conduisent également des actions internationales financées sur leurs budgets propres, alimentés par les subventions du ministère. Un rapport de l'inspection générale des affaires culturelles évalue son montant cumulé à 25 millions d'euros.

A ces crédits s'ajoutent 62,4 millions d'euros inscrits sur le programme 185 « Diplomatie culturelle et d'influence » géré par le ministère de l'Europe et des affaires étrangères et destinés à la coopération culturelle et à la promotion du français.

Source : Commission de la culture, de l'éducation et de la communication du Sénat
à partir des documents transmis par le ministère de la culture

L'accompagnement des artistes et techniciens du spectacle fragilisés dans leur parcours professionnel constitue une autre nouvelle priorité du programme, compte tenu du transfert des crédits destinés au Fonds de professionnalisation et de solidarité, autrefois rattachés au programme 131 « Création ». Ce transfert paraît cohérent au regard de la budgétisation du Fonds pour l'emploi pérenne dans le spectacle (FONPEPS) sur le programme 224 au moment de sa création l'an dernier. Votre commission avait d'ailleurs soutenu, dans son avis sur le projet de loi de finances pour 2017, le principe de ce rattachement, compte tenu de la transversalité des actions financées, comme de leur diversité : plusieurs d'entre elles dépassent le cadre du seul spectacle vivant pour s'étendre au cinéma, à l'audiovisuel et à la production radiophonique.

I. L'ACCÈS DE TOUS À LA CULTURE : PRIORITÉ AFFICHÉE DU QUINQUENNAT, MAIS QUI RESTE À CONFIRMER

A. UN EFFORT CONCENTRÉ SUR LA MISE EN oeUVRE DES ENGAGEMENTS PRÉSIDENTIELS

1. Généraliser l'accès à l'éducation artistique et culturelle : un chantier de longue haleine

L'éducation artistique et culturelle est devenue, en quelques années, le vecteur privilégié de la démocratisation culturelle. Cette tendance devrait se poursuivre dans les années à venir pour donner corps à l'engagement, pris par le Président de la République, que 100 % des enfants aient accès, d'ici 2020, aux actions d'éducation artistique et culturelle , entendues dans une triple dimension recouvrant la pratique artistique, la fréquentation des oeuvres et la rencontre avec les artistes, et l'acquisition de connaissances dans le domaine des arts et de la culture. L'éducation artistique et culturelle est en effet appréhendée comme un moyen de faire tomber, pour reprendre les mots de la ministre chargée de la culture, les « barrières géographiques, sociales, économiques et mentales » qui entravent l'accès à la culture de nombreux Français.

Deux priorités , autour desquelles les efforts doivent essentiellement se porter, ont été définies : favoriser la pratique artistique , notamment dans le domaine de la musique et du théâtre, d'une part, et susciter le goût du livre et de la lecture , d'autre part. Dans sa présentation du budget, la ministre chargée de la culture cite pour exemples l'installation d'une chorale dans chaque établissement scolaire, le soutien au développement de ciné-clubs, l'encouragement aux résidences d'artistes, les dispositifs de découverte des lieux culturels ou la poursuite des chantiers de restauration du patrimoine. Lors de son audition devant votre commission le 22 novembre dernier, la ministre de la culture, Françoise Nyssen, a apporté des précisions au sujet du plan « chorales ». Elle a indiqué l'objectif qu'un établissement sur deux soit doté d'une chorale à la rentrée de septembre 2018, contre un établissement sur quatre aujourd'hui, et que l'ensemble des établissements soient concernés à la rentrée 2019. Elle a également fait part de son souhait qu'une « Fête de la musique à l'école » voie le jour, avec une première édition dès le 21 juin prochain.

Pour 2018, le Gouvernement annonce déjà un objectif très ambitieux : celui d' atteindre 80 % des enfants , alors que seuls 49 % d'entre eux, d'après les prévisions, seraient concernés en 2017, soit plus de 3 millions de jeunes supplémentaires . Il compte à la fois sur une augmentation significative des crédits et sur un changement de méthode pour y parvenir.

a) Une augmentation des crédits significative

D'après le projet annuel de performances, les crédits consacrés à l'éducation artistique et culturelle devraient être portés à 114 millions d'euros au total , soit une hausse revendiquée de 47 %. À ces dépenses de fonctionnement s'ajoutent deux millions d'euros de crédits d'investissement pour la poursuite du projet de construction de l'établissement public Atelier Médicis à Clichy-Montfermeil , installé dans l'ancienne tour Utrillo, qui aura vocation à accueillir des artistes en résidence.

Cette forte progression des crédits en faveur de l'éducation artistique et culturelle doit cependant être relativisée.

D'abord, les chiffres sont à manier avec précaution . En effet, la hausse intègre le transfert de 15,4 millions d'euros de crédits inscrits, jusqu'en 2017, sur les crédits d'autres programmes ou missions budgétaires et qui financent des actions d'éducation artistique et culturelle en lien avec le livre et la lecture, des dispositifs d'éducation à l'image dans les domaines du cinéma, des médias et de l'information, ou encore des chantiers de découverte du patrimoine. L'objectif de ces transferts est d'assurer « un pilotage plus cohérent des crédits de façon à obtenir des effets de levier plus forts » en regroupant tous les crédits en fonction du bénéficiaire final, à savoir les jeunes, et non pas selon l'opérateur ou le domaine de l'action.

Certains transferts en provenance du programme 131 « Création » laissent les acteurs perplexes. C'est le cas par exemple du transfert du soutien aux ateliers de fabrication artistique, alors que l'activité de ces structures, entièrement tournée vers la création, ne se limitait pas jusqu'ici à la jeunesse.

En fin de compte, les nouveaux crédits par rapport à 2017 s'élèvent à 34,6 millions d'euros , soit une augmentation des crédits de l'éducation artistique et culturelle de près de 44 % , une évolution qui reste considérable.

Ensuite, le périmètre de l'éducation artistique et culturelle n'est pas forcément évident à appréhender et peut varier entre les exercices budgétaires . Le montant de 114 millions d'euros intègre aussi bien le soutien aux pratiques artistiques et culturelles en milieu scolaire, hors temps scolaire et pendant les vacances scolaires, la création d'un fonds pour favoriser l'accès au spectacle vivant des enfants en situation de handicap, le soutien aux initiatives en faveur de l'entrepreneuriat culturel, la formation des acteurs de l'éducation artistique et culturelle (enseignants, artistes, médiateurs, animateurs) que l'aide de l'État aux conservatoires ainsi que les crédits pour l'amorce du Pass'culture.

L'évolution de la présentation du projet annuel de performances rend de toute façon impossible toute comparaison des crédits entre 2017 et 2018 , conduisant le lecteur à s'en remettre aux montants - trop globaux - indiqués et à prendre pour argent comptant toute annonce de nouveaux crédits, sans toujours être en mesure de savoir s'il s'agit véritablement de crédits nouveaux par rapport à 2017, d'un transfert venant d'un autre programme ou de l'amplification d'un dispositif existant. Alors que le projet annuel de performances décomposait en 2017 les crédits de l'éducation artistique et culturelle entre projets de classes, projets d'établissements, projets de territoire et formation et ressources documentaires, le projet annuel de performances attaché au projet de loi de finances pour 2018 répartit désormais les crédits entre six axes stratégiques d'intervention.

La répartition des crédits de l'éducation artistique et culturelle prévue par le projet de loi de finances pour 2018

Les crédits de l'éducation artistique et culturelle devraient se répartir en 2018 de la manière suivante :

- 44,5 millions d'euros pour le développement de la pratique artistique et culturelle , aussi bien dans le domaine de la musique, du théâtre, du cinéma, de l'écriture, de l'architecture ou du patrimoine. Ces crédits financeront le renforcement des moyens des conservatoires territoriaux, le programme Demos, le soutien aux diverses activités de pratique artistique et culturelle organisées à l'école, en dehors du temps scolaire et pendant les vacances scolaires, la création d'un fonds, doté d'un million d'euros, pour favoriser l'accès des jeunes en situation de handicap au spectacle vivant et l'équipement en dispositifs adaptés des structures accueillant des enfants sous mains de justice ou hospitalisés. Sur ces 44,5 millions d'euros, 11,5 millions d'euros seraient des crédits nouveaux par rapport à 2017 ;

- 13,4 millions d'euros pour encourager le goût de la lecture . Ces crédits, annoncés en hausse de 8,4 millions d'euros par rapport à 2017, seront utilisés pour renforcer les actions de soutien à la lecture et à l'écriture dans les écoles, pour lancer, en janvier 2018, la deuxième édition de la « Nuit de la lecture » dans les bibliothèques et les librairies partenaires de l'événement, dont la création avait été proposée par votre rapporteure pour avis dans le cadre de son rapport sur l'adaptation et l'extension des horaires des bibliothèques, pour amplifier le dispositif « Premières pages » destiné à sensibiliser les familles, notamment les plus fragiles et les plus éloignées du livre, à l'importance de la lecture dès le plus jeune âge, pour accroître le soutien au projet « Des livres à soi », qui forme les parents à la lecture pour prévenir l'illettrisme chez les enfants, ou encore pour développer les contrats territoires-lecture avec les collectivités territoriales, qui permettent à l'État, depuis 2010, d'accompagner des projets pluriannuels menés par des collectivités territoriales autour du développement de la lecture ;

- 13,1 millions d'euros pour aider les jeunes à mieux décrypter le monde et pour digitaliser la médiation , dont 5,1 millions d'euros décrits comme des crédits nouveaux par rapport à 2017. Il s'agit de crédits qui seront consacrés aux actions d'éducation à l'image, aux médias et à l'information menées notamment en lien avec les médias professionnels et les médias de proximité, ainsi qu'au dispositif « Journalistes en résidence », initié après l'attentat contre Charlie Hebdo pour faciliter l'éducation aux médias dans les établissements scolaires par le biais de la présence de journalistes professionnels. Ces crédits devraient également soutenir des initiatives en faveur de l'entrepreneuriat culturel ;

- 11 millions d'euros pour former les acteurs de l'éducation artistique et culturelle, notamment sur les territoires les moins irrigués . Ces crédits, annoncés en hausse de 5 millions d'euros par rapport à 2017, sont destinés à soutenir le recrutement de chargés de développement de l'éducation artistique et culturelle, pour faciliter la conclusion de nouvelles conventions avec les collectivités territoriales, à renforcer le soutien aux services éducatifs des institutions labellisées, à soutenir la formation des professionnels de la culture et de l'éducation et à accompagner la confection d'outils pédagogiques et de ressources numérique ;

- 23 millions d'euros pour nouer des partenariats avec les collectivités territoriales, avec une priorité donnée aux territoires et aux publics les plus éloignés de la culture dans une optique de rattrapage. Ces crédits, qui seraient confortés de 11 millions d'euros par rapport à 2017, comprennent les mesures destinées à poursuivre les conventionnements avec des collectivités territoriales, le soutien aux projets encourageant la mobilité des oeuvres et des artistes dans les zones les plus éloignées de la culture, à savoir les zones rurales isolées, les quartiers prioritaires de la politique de la ville et les Outre mers, la mise en place d'un plan en faveur de la petite enfance ou encore l'élaboration d'un plan en direction des enfants les plus éloignés de la culture du fait de leur handicap, d'un séjour à l'hôpital ou d'un placement sous mains de justice ;

- 5 millions d'euros pour les opérations relatives au lancement du Pass'Culture ;

- et 4 millions d'euros au titre de la compensation de la gratuité d'accès des enseignants aux établissements culturels patrimoniaux.

Source : Commission de la culture, de l'éducation et de la communication à partir des informations fournies par le ministère de la culture

La question de l'implication des collectivités territoriales dans le dispositif se pose de manière particulièrement aigue. Elles sont aujourd'hui l'un des principaux contributeurs financiers aux actions d'éducation artistique et culturelle, dans le cadre de la mise en oeuvre des rythmes scolaires, avec les activités organisées sur le temps périscolaire ou pendant les vacances scolaires. Il est donc essentiel de veiller à ce que les crédits étatiques puissent créer des effets de levier .

L'impact de la réforme des rythmes scolaires sur l'éducation artistique et culturelle reste encore difficile à appréhender. On peut d'ailleurs regretter que le décret du 27 juin 2017 autorisant les dérogations à l'organisation de la semaine scolaire dans les écoles maternelles et élémentaires publiques, dit décret « Blanquer », ait été pris sans évaluation préalable de l'impact sur les enfants des rythmes scolaires. Si on estime généralement que la réforme des rythmes scolaires a favorisé la mise en oeuvre des actions d'éducation artistique et culturelle, elle a pu accroître les inégalités d'accès à la culture entre les territoires urbains et les territoires ruraux . La réduction de la durée des plages horaires disponibles constitue un frein à la fréquentation des établissements culturels pour les jeunes situés en zone rurale, les distances ne pouvant plus être parcourues dans le temps imparti. Il serait important que la réflexion actuellement engagée sur les rythmes scolaires prenne en considération leur incidence sur les parcours d'éducation artistique et culturelle.

b) Un changement de méthode attendu, mais qui reste à démontrer

« Mobilisation générale » : c'est ce que souhaite le Gouvernement pour permettre à tous les enfants et les jeunes situés sur notre territoire de bénéficier, d'ici trois ans, de l'éducation artistique et culturelle dans ses trois dimensions.

Les opérateurs culturels et les acteurs culturels dans leur ensemble devraient être désormais mobilisés dans la mise en oeuvre des actions d'éducation artistique et culturelle pour décupler l'efficacité de cette politique. Dans le dossier de presse consacré au budget de la culture pour 2018, il est indiqué que 30 millions d'euros seront consacrés, au sein des subventions des opérateurs culturels , à la mise en oeuvre d'actions d'éducation artistique et culturelle.

Tous les dispositifs conventionnels du ministère chargé de la culture devraient désormais obligatoirement comporter une clause dédiée à l'éducation artistique et culturelle pour contraindre les acteurs du champ culturel, quel que soit leur domaine d'intervention (patrimoine, spectacle vivant, arts plastiques, audiovisuel, livre...), à tisser des partenariats avec les établissements scolaires. Ils devraient également comporter une clause de solidarité pour engager les acteurs culturels à aller au-devant des personnes les plus éloignées de la culture.

Les collectivités territoriales devraient également être sollicitées , compte tenu de leur position de partenaire privilégié dans ce domaine. Le Gouvernement a fait part de son intention de s'appuyer largement sur l'échelon territorial. La grande majorité des crédits de l'éducation artistique et culturelle devrait être déconcentrée auprès des directions régionales des affaires culturelles (DRAC) afin de répondre le plus finement aux besoins, en partenariat étroit avec les rectorats et les collectivités territoriales. D'après les informations communiquées à votre rapporteure pour avis, les crédits ne seraient plus fléchés. Chaque DRAC, sur la base des orientations stratégiques en matière d'éducation artistique et culturelle transmises par le Gouvernement, aurait pour tâche de répartir les crédits.

Les contrats locaux ou territoriaux d'éducation artistique et culturelle (CLEA ou CTEA), qui organisent les politiques locales dans ce domaine de manière à bâtir une offre cohérente, devraient être généralisés sur tout le territoire. La représentation des collectivités territoriales a été élargie au sein du Haut Conseil de l'éducation artistique et culturelle par le décret n° 2017-1045 du 10 mai 2017 relatif à la composition et au fonctionnement de cette instance pour intégrer des représentants des intercommunalités et des métropoles au travers de l'Association des communautés de France et de France Urbaine.

Surtout, un nouveau partenariat avec le ministère chargé de l'éducation nationale serait en train de prendre forme .

Depuis plusieurs années, votre commission défend l'importance d'une collaboration étroite entre les ministères chargés de la culture et de l'éducation nationale pour garantir l'efficacité de la politique d'éducation artistique et culturelle. Seule une véritable implication du ministère de l'éducation nationale peut permettre que l'ensemble des enfants accède à l'éducation artistique et culturelle. Il n'y a qu'à l'école que l'on peut avoir la certitude de toucher tous les enfants, ce qui est essentiel pour que cette politique s'inscrive sous le signe de l'égalité .

Il est vrai que la rivalité qui oppose traditionnellement les deux ministères semble peu à peu céder la place, au moins en apparence, à une gouvernance conjointe et une coopération sur le sujet de l'éducation artistique et culturelle. Le 14 septembre dernier , Françoise Nyssen et Jean-Michel Blanquer ont présenté, en conseil des ministres, une feuille de route commune pour atteindre l'objectif de 100 % des enfants et des jeunes bénéficiaires des actions d'éducation artistique et culturelle. Des binômes composés d'agents de chacun des ministères auraient été formés sur la question de l'évaluation de l'impact des actions sur les jeunes, sur les actions visant à favoriser la pratique artistiques, sur les actions autour du livre et de la lecture, sur les actions de formation et sur les outils pédagogiques et numériques et l'éducation à l'image.

Il n'en demeure pas moins que l'engagement des deux ministères concernant le parcours d'éducation artistique et culturelle paraît aujourd'hui encore déséquilibré. Seuls 3 millions d'euros sont spécifiquement inscrits pour le parcours d'éducation artistique et culturelle de l'élève au sein de la mission « enseignement scolaire », preuve de l'importance toute relative de cet axe pour le ministère chargé de l'éducation nationale.

2. Le Pass'Culture : oui à un instrument au service d'une politique culturelle claire, non à un simple « chèque en blanc »
a) Un dispositif dont les contours restent flous

5 millions d'euros sont inscrits l'an prochain pour permettre la mise en place du Pass'Culture, conçu comme l'aboutissement du parcours d'éducation artistique et culturelle dont les jeunes auront bénéficié de leur plus jeune âge à leur majorité. Promesse de campagne du Président de la République, il s'agit d'un « pass de 500 € [octroyé à] tous les jeunes de 18 ans, qui leur permettra, via une application, d'accéder aux activités culturelles de leur choix », si l'on se fie aux informations qui figurait dans son programme. Il doit permettre de faire perdurer les pratiques artistiques chez les jeunes à un âge auquel elles sont souvent abandonnées.

Cette enveloppe de cinq millions d'euros ne devrait pas servir à financer le pass proprement dit, mais à préparer son introduction . D'après les informations recueillies par votre rapporteure pour avis, ces crédits sont destinés à couvrir :

- les coûts de consultation des jeunes sur la définition de l'offre qui leur sera proposée et sur l'objet final. Le souhait de la ministre chargée de la culture serait d' élaborer le pass en étroite association avec les jeunes , d'où la volonté de faire remonter leurs besoins et leurs préférences en amont. Un hackaton pourrait également être organisé pour définir la forme de la future plateforme. Ces coûts devraient également englober les frais de recherche de partenaires, à savoir les opérateurs culturels du ministère, mais aussi les acteurs publics et privés ou les innovateurs ;

- les coûts d'élaboration de la plateforme de gestion en ligne . À titre d'information, ils auraient été légèrement inférieurs à 1 millions d'euros pour le « Bonus cultura » en Italie. D'après les indications données par la ministre de la culture, Françoise Nyssen, lors de son audition devant votre commission le 22 novembre dernier, il devrait s'agir d'une application mobile, proposant aux jeunes un accès géolocalisé à l'offre de spectacles, aux différents biens culturels et aux pratiques artistiques ;

- les coûts des expérimentations pour tester le dispositif à la fois sur différents types d'offres et sur différents territoires. Elles devraient avoir lieu au second semestre de l'année 2018.

On voit mal comment la mise en service pourrait véritablement débuter avant 2019, tant de nombreuses incertitudes demeurent quant aux contours et au financement du nouvel instrument. Les documents budgétaires apportent peu d'éléments. Ils évoquent un dispositif qui « permettra aux bénéficiaires, via une plateforme dédiée, de financer des biens et services culturels variés à travers, d'une part, la fréquentation d'oeuvres dans les lieux culturels et les festivals, et d'autre part, l'acquisition de livres ou l'accès à des oeuvres cinématographiques, audiovisuelles et musicales » et reconnaissent que « son champ doit encore être précisément défini ».

L'inspection générale des affaires culturelles conduit actuellement une mission, dont les conclusions devraient être rendues avant la fin de l'année 2017, pour faire le bilan des expériences de pass pour les jeunes mis en place dans quatre régions (Auvergne-Rhône-Alpes, Normandie, Occitanie et Provence-Alpes-Côte d'Azur) et formuler des préconisations relatives à la forme et aux modalités que pourrait prendre le futur pass national.

Les modalités précises de financement du dispositif sont encore méconnues . Les évaluations qui ont été réalisées montrent que la mesure pourrait coûter, à plein régime, entre 400 et 420 millions d'euros chaque année . En Italie, 290 millions d'euros étaient budgétés la première année et, malgré un taux d'inscription très inférieur aux prévisions, 115 millions d'euros ont été consommés entre septembre 2016 et septembre 2017.

L'État ne devrait pas financer seul le Pass'culture . Il est prévu que sa part dans le dispositif fasse l'objet d'une montée en charge progressive pour atteindre 140 millions d'euros en fin de quinquennat . Aucun détail n'est communiqué à ce stade sur les éléments sur lesquels se fonderait une montée en charge progressive : s'agit-il des publics bénéficiaires, des territoires concernés ou du type d'offres accessible ? Les deux autres tiers des financements proviendraient, à égalité, des GAFA et des distributeurs physiques (grandes surfaces, librairies...).

b) Une expérience italienne à relativiser

L' exemple italien du « Bonus Cultura » qu'Emmanuel Macron mettait en avant en janvier dernier, alors qu'il était candidat à la magistrature suprême, pour annoncer son intention de le dupliquer en France, fait plutôt figure de contre-exemple, tant le succès n'a pas été au rendez-vous .

En fonctionnement depuis 2016, ce dispositif pourrait ne pas être reconduit en 2018 . La première année, seuls 61 % des jeunes nés en 1998 se seraient inscrits pour bénéficier de leur bon de 500 euros, preuve du désintérêt d'une partie des jeunes si ce n'est pour la culture, du moins pour ce type de dispositif. Pour les jeunes qui se sont inscrits sur la plateforme, les bons auprès des commerces physiques auraient majoritairement servi pour l'achat de livres (77 %) ou de places de cinéma (18 %). Les bons consommés en ligne l'auraient également très majoritairement été pour l'achat de livres (80 %) et de places de concert (17 %). Cette utilisation des bons, particulièrement concentrée autour du livre , étonne d'autant plus que le dispositif est également destiné à financer l'accès des jeunes aux événements culturels, aux musées, dans les monuments historiques, aux théâtres, aux spectacles de danse ou encore aux cours de musique, de théâtre ou de langues étrangères.

Au-delà de cette utilisation partielle des possibilités offertes par le bon, des effets pervers se sont également fait jour . Beaucoup de jeunes Italiens auraient utilisé la somme qui leur était octroyée, non à des fins culturelles, mais pour acheter leurs livres de cours. Un marché noir serait également apparu, dont témoignerait la publication fréquente sur les réseaux sociaux d'annonces de jeunes proposant de revendre leurs bons. Des cas de fausses factures de livres pour l'acquisition d'ordinateurs ou de tablettes ou même de commerçants complaisants acceptant de remettre 500 euros en liquide en échange du bon ont également été signalés.

Le « Bonus Cultura » n'est pas un cas isolé. Le bilan mitigé des expérimentations conduites en Bretagne pour développer un pass en direction de la jeunesse avait conduit à renoncer à sa mise en oeuvre.

Votre rapporteure pour avis regrette de ne pas disposer d'éléments d'analyse de nature sociologique permettant d'appréhender le type de jeunes ayant participé au dispositif italien et l'utilisation qu'ils ont faite de leurs bons. Ces éléments seraient importants pour saisir le rôle qu'a pu jouer cet instrument en termes de démocratisation et de diversification culturelles.

c) Un dispositif coûteux à bien calibrer avant de le mettre en place

Aussi séduisante qu'elle puisse paraître de prime abord, l'idée d'un Pass'culture n'est pas sans risque , comme le montre l'exemple italien. Le fait que le Gouvernement ne soit pas tout à fait au clair sur l'objectif qui sous-tend sa création accroît aujourd'hui les inquiétudes.

S'agit-il d' assurer un simple accès à la culture , quel qu'il soit, à chaque jeune ? C'est ce que les propos de la ministre chargée de la culture, il y a quelques mois, laisseraient supposer. Lors de son audition devant l'Assemblée nationale en juillet dernier, Françoise Nyssen indiquait, alors qu'elle était interrogée sur les modalités d'utilisation de l'enveloppe par les bénéficiaires, « nous laisserons les jeunes décider, sans juger de l'emploi qu'ils feront de la somme allouée. Cela va dans le sens de la société de confiance que nous voulons instaurer ». S'il est compréhensible de laisser le choix au jeune, il convient de porter une vive attention à la promotion de la diversité artistique et culturelle, à la nécessité de soutenir les esthétiques les plus fragiles, de découvrir et fréquenter les équipements culturels, les commerces culturels tels les librairies ou les disquaires , des enjeux majeurs auxquels devraient tendre les politiques culturelles. Sans aucun encadrement de son utilisation, le Pass'Culture est susceptible de créer des effets d'aubaine . Le risque est grand qu'une majorité de jeunes utilise son « porte-monnaie électronique » en direction de ce qu'elle connaît, sans s'ouvrir à des expériences culturelles qui lui sont jusqu'ici inconnues, et que l'argent public bénéficie, en fin de compte, essentiellement à des acteurs privés , en particulier aux GAFA.

S'agit-il plutôt d' éveiller le goût de la culture chez les publics qui en sont les plus éloignés ? Alors, le Pass'Culture doit être pensé différemment, dans une logique de démocratisation culturelle afin que les personnes qui n'ont aucune habitude en matière culturelle en fassent usage , pour éviter l'écueil du cas italien, où près de 40 % des jeunes ne se sont même pas inscrits pour accéder à la plateforme. Les expériences montrent qu'un accompagnement , qu'il soit le fait d'un parent ou d'un enseignant, est souvent nécessaire pour que les jeunes participent à une activité culturelle. Au final, il serait plus efficace de mettre en place des actions ciblées en direction de ces publics si tel était l'objectif. D'autre part, le Pass'culture pourrait reproduire les inégalités territoriales dans l'accès à la culture . Aucune solution n'est jusqu'ici évoquée pour garantir aux jeunes situés en zone rurale une offre culturelle équitable, compte tenu de leur situation d'éloignement géographique par rapport aux équipements culturels.

S'agit-il sinon de diversifier les pratiques culturelles des jeunes ? D'après les informations recueillies par votre rapporteure pour avis, l'un des objectifs du Pass'culture serait effectivement d'élargir le champ de vision culturel du jeune. À cette fin, la plateforme serait éditorialisée. Chaque utilisateur devrait renseigner son profil afin de faire part de ses habitudes et de ses préférences en matière culturelle. La plateforme lui proposerait ensuite un choix d'offres culturelles, sur la base d'un algorithme susceptible d'inverser ses préférences ou, du moins, d'élargir son horizon culturel. Même si votre rapporteure pour avis souscrit à cet objectif de diversification culturelle, elle s'interroge sur le risque posé par une labellisation des offres culturelles par l'État . La puissance publique est-elle fondée à dire quel spectacle voir, quel livre lire, quel film visionner, quel artiste écouter ? Sans évoquer les difficultés soulevées par le stockage de données personnelles relatives aux préférences culturelles de chacun des bénéficiaires.

Quel que soit l'objectif retenu, les écueils sont nombreux. La mise en place d'un pass national pourrait par ailleurs rendre caduques les initiatives similaires mises en place au niveau local, qui jouent pourtant un rôle significatif pour ancrer les jeunes dans le territoire dans lequel ils vivent. Quid de l'articulation avec les dispositifs existants ?

Donner aujourd'hui un blanc-seing en faveur de la création du Pass'Culture pose également question au regard du montant considérable qu'il est prévu d'investir dans le dispositif . Aucune indication n'a jusqu'ici été donnée concernant les modalités de financement des 140 millions d'euros susceptibles d'être inscrits à cet effet en fin de quinquennat : s'agira-t-il de crédits nouveaux ou d'un redéploiement au moins partiel de crédits au sein de la mission « Culture » ? Face au manque de moyens chronique dont souffrent la plupart des équipements culturels, on peut s'interroger sur l'opportunité de débloquer une enveloppe d'un tel montant, d'autant plus si elle se traduit par une réduction des moyens alloués aux équipements culturels de proximité, alors même qu'ils seront sollicités pour accueillir les bénéficiaires du pass.

Quant au financement des deux autres tiers du dispositif, votre rapporteure pour avis juge dangereux de s'appuyer sur des partenariats avec les GAFA ou les opérateurs privés du spectacle vivant pour donner vie au Pass'culture, compte tenu des menaces que l'abandon de la culture à la sphère privée fait peser sur la diversité culturelle . Il est à craindre que ces entreprises conditionnent leur participation financière à la présence et à la valorisation de leurs offres sur la plateforme, au détriment des objectifs qu'aurait pu remplir ce passeport culturel de promotion des jeunes créateurs ou de soutien à des esthétiques moins représentées.

La question se pose enfin de savoir si les jeunes de 18 ans sont, en termes de public, celui pour lequel les besoins de démocratisation culturelle se font les plus pressants. Sans être nécessairement tous des adeptes de la culture dite « cultivée », les jeunes sont plutôt de grands consommateurs culturels. Quid des adultes dont les besoins sont spécifiques ou de ceux situés dans des « zones blanches de la culture » ?

In fine , le Pass'Culture devra parvenir à allier deux principes qui peuvent aller en sens contraire : d'une part, la liberté de choix du jeune et, d'autre part, la promotion de la diversité culturelle . Afin qu'il ne se résume pas à un simple « chèque en blanc », mais constitue un réel instrument au service d'une politique publique en faveur de l'accessibilité et de la diversité culturelles, il pourrait peut-être être pertinent de décomposer en deux temps ce dispositif :

- dans un premier temps, une partie de l'enveloppe serait débloquée (250 euros par exemple), mais le contenu des offres serait éditorialisé, conditionné et inviterait le jeune à ouvrir ses horizons (achats de livres dans les librairies indépendantes locales, places de théâtre, etc.) ;

- dans un second temps, le reliquat pourrait être utilisé totalement librement par le jeune.

C'est une proposition parmi d'autres qui présente l'avantage de combiner les deux principes précités et ferait du Pass'Culture un instrument qui s'inscrit dans une politique culturelle cohérente, soucieuse de la diversité culturelle ainsi que des acteurs territoriaux qui la font vivre .

B. UNE FAIBLE PROGRESSION DES AUTRES OUTILS DE DÉMOCRATISATION CULTURELLE

1. Une quasi stabilité des crédits pour les actions en faveur des publics et des territoires

Dans un contexte marqué par la nécessité de restaurer la cohésion, difficile de ne pas souscrire à la priorité de donner à tous le goût de la culture, « dans une logique de développement du lien social, d'émancipation et d'intégration », pour reprendre les termes de la lettre de mission adressé par le Premier ministre à la ministre chargée de la culture.

La démocratisation culturelle a toujours constitué l'un des axes majeurs de la politique culturelle conduite dans notre pays. Dès sa création en 1959, le ministère de la culture ne se voyait-il pas assigner pour missions de « rendre accessibles les oeuvres capitales de l'humanité , et d'abord de la France, au plus grand nombre possible de Français , d'assurer la plus vaste audience à notre patrimoine culturel, et de favoriser la création des oeuvres d'art et de l'esprit qui l'enrichissent » ? Mais, les résultats n'ont jusqu'ici pas été à la hauteur des attentes. Le discours récurrent sur l'essoufflement du modèle français de démocratisation culturelle, quand il n'est pas même fait mention de son échec, en est sans doute la preuve. D'où la réflexion sur la notion de démocratie culturelle.

Conscient de ces difficultés depuis plusieurs années, votre commission a d'ailleurs été motrice pour faire inscrire la notion de droits culturels dans la loi, d'abord dans la loi du 7 août 2015 portant nouvelle organisation territoriale de la République, puis dans la loi du 7 juillet 2016 relative à la liberté de la création, à l'architecture et au patrimoine. Cette notion indique que chacun, étant porteur d'un référentiel culturel, est amené à être acteur culturel. À l'inverse d'une logique verticale, qui a pour objectif de donner accès aux oeuvres de l'Humanité, il s'agit de s'intéresser à l'individu lui-même, en tant qu'être culturel, et de lui donner l'opportunité ainsi que les moyens de s'exprimer. En un sens, c'est un renversement de paradigme, dans la mesure où cette notion conduit la puissance publique à prendre en considération ce mouvement qui part de l'individu et ainsi questionner les politiques publiques culturelles qu'elle met en oeuvre. L'État n'est alors plus prescripteur, mais entre dans un réel dialogue avec la population. Nombre d'acteurs culturels (lieux, compagnies théâtrales, de danse, associations  etc.), pratiquent naturellement les droits culturels et les appliquent même parfois dans leur création.

En ce sens, l'amplification des politiques d'éducation artistique et culturelle, accompagnée d'un accent mis sur la pratique artistique, s'inscrit parfaitement dans la logique des droits culturels. On peut, en revanche, regretter que les efforts supplémentaires se focalisent presque exclusivement sur la jeunesse , alors même que le Président de la République fait part de son souhait de prolonger l'effort vers les familles. Les problèmes d'accès à la culture sont loin de se limiter aux seuls Français âgés de moins de 18 ans, ne serait-ce que compte tenu des niveaux très disparates d'équipements culturels qui peuvent exister sur le territoire.

Nombre d'équipements culturels de proximité par bassin de vie en 2014

Source : Atlas régional de la culture 2017, Département des études, de la prospective et des statistiques, ministère de la culture

Ainsi, les crédits destinés aux actions en faveur des publics spécifiques , qu'il s'agisse des adultes en situation de handicap, des adultes placés sous mains de justice ou des adultes hospitalisées, restent identiques à 2017, à 4 millions d'euros .

L'accès à la culture revêt pourtant pour ces personnes un enjeu considérable . Dans leur rapport présenté au mois de juillet dernier au nom du groupe de travail « culture et handicap » de votre commission , Nicole Duranton et Brigitte Gonthier-Maurin ont mis en lumière l'apport de la culture pour les personnes handicapées en termes d'émancipation, d'autonomie et en tant que vecteur de lien social. Elles dénonçaient le manque de moyens financiers disponibles pour développer les actions en faveur de ces publics. Elles souhaitaient que les opérateurs culturels et les établissements subventionnés soient davantage mobilisés pour faciliter l'accueil de ces publics. Elles jugeaient également nécessaire d'améliorer la formation des professionnels de la culture à la connaissance du handicap.

Montant des crédits inscrits en 2018 pour les actions de démocratisation culturelle en faveur des publics spécifiques

Politiques en faveur des publics en situation spécifique

PLF 2018 (en €)

Actions à destination des publics de la justice

1 600 000

Actions à destination des publics en établissement hospitalier et médico-social

1 300 000

Actions à destination des publics en situation de handicap

800 000

Formation / ressources documentaires

300 000

Total

4 000 000

Source : Ministère de la culture et de la communication

Les moyens consacrés aux politiques en faveur des populations géographiquement ou socialement isolées de la culture restent eux aussi, pour l'essentiel, stables . Les crédits destinés aux quartiers prioritaires de la politique de la ville, aux territoires ruraux et aux territoires ultramarins sont reconduits à un niveau identique à celui de 2017, respectivement à 13,7 millions d'euros, à 5,5 millions d'euros et à 250 000 euros. Les crédits consacrés aux actions de cohésion sociale en direction des personnes les plus fragilisées ou en grande difficulté sociale sont également maintenus à 4,7 millions d'euros. Ces crédits financent également des actions destinées à promouvoir le tourisme culturel, au regard du rôle qu'il peut jouer en matière de démocratisation culturelle et d'attractivité des territoires. En revanche, les crédits destinés à financer les actions de formation et l'élaboration de ressources documentaires connaissent une nette augmentation : ils progressent de 10 millions d'euros pour atteindre près de 14,7 millions d'euros.

Enfin, les crédits destinés à l'encadrement et au développement des pratiques artistiques en amateur devraient demeurer stables en 2018 , à 4,5 millions d'euros, de même que les mesures de soutien aux échanges et à la diffusion des cultures de l'outre-mer, pour un montant de 300 000 euros, et celles de soutien à la transition et à l'innovation numériques, à hauteur de 4 millions d'euros.

2. Un soutien aux enseignements artistiques toujours timide

Acteurs déterminants de la démocratisation culturelle au regard de leur rôle dans le développement de la pratique amateur de la musique, de la danse, du théâtre ou des arts plastiques, les conservatoires se sont pourtant retrouvés plongés, pendant plusieurs années, dans une impasse dont ils commencent à peine à sortir.

L'absence de mise en oeuvre d'une partie des dispositions de la loi du 13 août 2004 relative aux libertés et aux responsabilités locales organisant la réforme des enseignements artistiques, conjuguée au retrait financier progressif de l'État dans leur financement à partir de 2013, ont placé ces établissements dans une situation très délicate pour mener à bien leurs missions. En raison d'un accompagnement insuffisant de l'État et d'une frilosité des régions dans la crainte d'un surcoût, les transferts financiers aux départements et aux régions prévus par la loi de 2004 n'ont pas été concrétisés et le lancement des nouveaux cycles d'enseignement pré-professionnels, dont l'organisation et le fonctionnement incombaient désormais aux régions, est resté en suspens. La crise a atteint son paroxysme en 2015, lorsque l'État a réduit sa subvention, dont le montant s'élevait encore à 27 millions d'euros en 2012, à 5,5 millions d'euros - dont 1,1 million au titre des aides individuelles - et en a circonscrit le bénéfice aux seuls conservatoires adossés à un pôle d'enseignement supérieur. Même si l'État s'appuyait sur la répartition des compétences actée lors de la loi de 2004 pour justifier son recentrage sur la seule prise en charge de l'enseignement supérieur, cette décision est apparue particulièrement sévère en comparaison des 35 millions d'euros inscrits en loi de finances pour 2006 au titre du soutien aux établissements d'enseignements spécialisés.

Depuis 2016, la situation s'améliore peu à peu sous l'effet de deux facteurs, d'ordres législatif et financier .

D'une part, pour mettre un terme à la situation de blocage, la loi du 7 juillet 2016 relative à la liberté de la création, à l'architecture et au patrimoine a clarifié les compétences des différentes collectivités publiques .

Elle a réaffirmé le rôle de l'État en matière d'expertise et d'orientation pédagogiques. C'est sur cette base qu'a été pris le décret n° 2017-718 du 2 mai 2017 relatif aux établissements supérieurs de la création artistique, qui définit les critères d'agrément des enseignements préparant à l'entrée dans ces établissements.

Elle a maintenu la compétence de la région dans l'organisation de l'enseignement préparatoire aux formations supérieures, mais a rendu sa participation dans son financement optionnelle. Elle a prévu que, dans le cas où une région déciderait de prendre part au financement, l'État lui transfèrerait les crédits qu'il octroyait précédemment pour cet enseignement aux communes dont relèvent les conservatoires. Seule la région Normandie a, jusqu'ici, fait part de sa volonté de prendre part au financement de cet enseignement préparatoire. Le ministère de la culture indique qu'un travail d'évaluation du montant des crédits à transférer serait en cours.

D'autre part, face à la très forte mobilisation des élus et des professionnels du secteur, l'État a décidé de se réengager financièrement dans le fonctionnement des conservatoires . Près de 8 millions d'euros ont été débloqués à cet effet en 2016, puis 3 millions supplémentaires en 2017.

Mais, l'État a fixé des conditions à sa participation, dans l' objectif de redéfinir les priorités de l'enseignement artistique pour favoriser la démocratisation culturelle, la diversité artistique et culturelle et l'irrigation culturelle des territoires . Pour pouvoir prétendre à un financement, chaque conservatoire doit désormais obligatoirement mettre en oeuvre une tarification sociale et développer, au sein de son projet d'établissement, deux axes parmi les trois suivants : le renouvellement des pratiques pédagogiques, la diversification de l'offre artistique ou le développement de réseaux et de partenariats avec les autres acteurs locaux. Dans cette nouvelle logique, les conservatoires à rayonnement communal (CRC) et les conservatoires à rayonnement intercommunal (CRI) ont pour la première fois pu prétendre à l'aide de l'État, au même titre que les conservatoires à rayonnement départemental (CRD) et les conservatoires à rayonnement régional (CRR).

En 2018, le Gouvernement prévoit d'augmenter de 3 millions d'euros les crédits destinés aux conservatoires, portant à 13,9 millions d'euros l'enveloppe destiné aux projets d'établissement des conservatoires classés en faveur de la jeunesse et de la diversité . Cette somme s'ajoute aux crédits octroyés au titre de l'action 1, à savoir 4,4 millions d'euros de subventions aux CRR et CRD adossés à des pôles d'enseignement supérieur de la création artistique, au même niveau depuis 2015, et 1,6 millions d'euros pour les aides individuelles.

Même si les crédits enregistrent, pour une troisième année consécutive, une nette progression (+ 15,7 %) , la situation n'est toujours pas pleinement satisfaisante, d'autant qu'il semblerait que ces crédits supplémentaires soient uniquement destinés à la mise en oeuvre du plan « chorales » , qui vise à développer le chant choral avec pour objectif d'installer une chorale par établissement scolaire.

Évolution des crédits destinés au financement des conservatoires

Source : Commission de la culture, de l'éducation et de la communication du Sénat à partir des documents transmis par le ministère de la culture

Un sujet de préoccupation concerne la manière dont l'enveloppe de l'action 2 est ventilée entre les conservatoires. Des différences auraient été observées les années précédentes dans l'attribution des crédits entre les différents conservatoires par les DRAC, avec une application inégale des nouveaux critères d'intervention de l'État et la poursuite de l'octroi, dans certaines régions, des subventions aux seuls CRD et CRR. Aucune précision n'a non plus été donnée sur les types d'établissements susceptibles de bénéficier des crédits octroyés au titre du « plan chorale ». On pourrait imaginer que les établissements non classés puissent également prendre part au dispositif.

Par ailleurs, cette enveloppe budgétaire reste très inférieure au niveau qu'elle atteignait avant que l'État ne décide de se retirer progressivement en 2013. Le poids de ces 13,92 millions d'euros apparaît faible au regard du nombre de personnes touchées par l'action des quelques 450 conservatoires classés, généralement évalué à 300 000 - à peine plus de 46 € par tête.

Il est vrai que la participation de l'État n'a jamais représenté plus de 10 % des ressources des conservatoires . Mais, compte tenu de la priorité accordée par le nouveau Gouvernement à l'accès de tous à la culture, et en particulier à la pratique artistique, on peut s'étonner que les conservatoires, équipements culturels de proximité par excellence, n'aient pas bénéficié d'arbitrages plus favorables. D'autant que les nouvelles exigences de l'État à l'égard des conservatoires, en termes de diversification de leur public, d'élargissement de leur offre et de développement des actions hors les murs, devraient peser sur les budgets des établissements. Si tel était le cas, les collectivités territoriales devraient, une nouvelle fois, supporter cette charge croissante.

On peut aussi s'étonner que plusieurs chantiers induits par les modifications apportées par la loi du 7 juillet 2016 relative à la liberté de la création, à l'architecture et au patrimoine ne soient pas davantage avancés , plus d'un an après son entrée en vigueur.

S'agissant de l'articulation entre l'enseignement initial et l'enseignement supérieur, aucune décision n'a encore été prise concernant le diplôme national que les conservatoires peuvent délivrer en application de l'article 51 de ladite loi. La question de savoir s'il doit sanctionner la fin de l'enseignement initial ou la fin de l'enseignement préparant à l'entrée dans l'enseignement supérieur n'a pas été tranchée.

La concertation autour de la révision des schémas d'orientation pédagogique n'a pas commencé , même si les services du ministère auraient laissé entendre qu'il serait procédé à un simple toilettage pour les remettre à l'ordre du jour. Celui qui existe dans le domaine de la musique, par exemple, date de 2008.

Enfin, une révision des critères de classement des conservatoires est également sur la table pour tenir compte des modifications introduites par la loi du 7 juillet 2016 relative à la liberté de la création, à l'architecture et au patrimoine, de la modification du rôle et des missions des conservatoires au sein des régions élargies, et de l'évolution des attentes de la population à l'égard de ces établissements.

L'occasion est d'autant plus favorable que la plupart des établissements ont présenté, au cours des deux dernières années, une demande de renouvellement de leur classement arrivé à terme. La question du calendrier et de l'échéancier du classement fait d'ailleurs partie des sujets en discussion tant il se révèle difficile de faire face au même moment à un tel afflux de demandes. Il importe également de dissocier cette procédure de classement de celle prévue pour l'agrément des enseignements préparatoires aux formations supérieures.

L'évolution du classement devrait être une nouvelle occasion pour l'État de clarifier ses attentes à l'égard des conservatoires en termes d'exigence, d'égalité, d'équité ou de service public de l'enseignement artistique. Le ministère de la culture fait part, à ce stade, de son souhait « d'introduire plus précisément des éléments comme le statut et la qualification des enseignants et des directeurs, l'organisation pédagogique, l'offre disciplinaire [et] le rayonnement effectif », évoquant à ce sujet la « notion de pôle ressource sur un territoire ». Il souhaite aussi que cette refonte soit l'occasion d'inscrire et de préciser l'action du conservatoire en matière d'éducation artistique et culturelle et d'affirmer sa responsabilité territoriale.

Le classement actuel des conservatoires

Le système actuel de classement date de 2006 et comporte trois degrés : les conservatoires à rayonnement communal ou intercommunal (CRC - CRI), les conservatoires à rayonnement départemental (CRD) et les conservatoires à rayonnement régional (CRR).

Le bénéfice du classement a été fixé à sept années , au terme desquels les collectivités territoriales sont invitées à formuler une demande de renouvellement.

Pour développer l'enseignement de la danse et du théâtre, l'obligation d'offrir une filière de formation dans chacune des trois spécialités principales du spectacle vivant a été faite aux CRR. Les CRD doivent proposer deux spécialités, chacune de ces filières devant proposer plusieurs disciplines ou esthétiques.

Source : Ministère de la culture

La question du système de classement retenu fait également débat, avec pour objectif de dégager une option qui permettra « de favoriser la diversité de l'offre en termes de spécialités et de disciplines [ pour renforcer la pluridisciplinarité et diversifier les parcours d'apprentissage] et d'ouvrir au plus grand nombre l'expérience d'une pratique artistique dès le plus jeune âge ». Le ministère de la culture s'interroge ainsi sur l'opportunité d'un classement « s'appliquant soit à un établissement chef de file, soit à l'ensemble des structures [d'enseignement] impliquées dans le partenariat ». La question d'un classement par spécialité ou d'un classement par cycle est également sur la table.

La direction générale de la création artistique devrait poursuivre, dans les mois à venir, ses réunions de travail avec les collectivités territoriales, les représentants des conservatoires et les professionnels concernés. Beaucoup plaident pour que cette révision soit l'occasion de se départir d'une logique de hiérarchisation des conservatoires au profit d'une logique de labellisation, qui présenterait l'avantage de mettre en avant les spécificités de chaque conservatoire. Une révision des appellations utilisées aujourd'hui apparaît quoi qu'il en soit nécessaire car elles peuvent induire en erreur sur la nature de ces établissements qui restent, dans la très grande majorité des cas, soutenus exclusivement par les communes.

II. AUX DÉPENS DES PROFESSIONNELS DE LA CULTURE ?

A. L'ENSEIGNEMENT SUPÉRIEUR CULTURE DANS L'ATTENTE

1. Une politique sans grand changement
a) Une reconduction des priorités

Les trois priorités du ministère en 2018 à l'endroit de l'enseignement supérieur culture demeurent identiques à celles des années précédentes : achever l'intégration des établissements dans le schéma européen Licence, Master, Doctorat (LMD) issu des accords de Bologne, consolider le caractère professionnalisant de l'enseignement et faciliter l'accès à cet enseignement.

Rappel concernant l'enseignement supérieur culture

Près d'une centaine d'établissements , accueillant quelques 37 000 élèves, dispensent l'enseignement supérieur dans les domaines de l'architecture, du patrimoine, des arts plastiques, du spectacle vivant et du cinéma et de l'audiovisuel.

Les établissements publics nationaux (EPN) ou les établissements situés au sein d'établissements publics nationaux en constituent une part minoritaire : ils sont au nombre de quarante. Ce sont les seuls à être concernés par la tutelle conjointe des ministères chargés de la culture et de l'enseignement supérieur.

Les cinquante-neuf autres établissements sont principalement constitués en établissements publics de coopération culturelle (EPCC) ou en associations.

Source : Commission de la culture, de l'éducation et de la communication

L'alignement de l'enseignement supérieur culture sur les standards de l'enseignement supérieur français et européen reste le premier axe de travail du ministère. Des progrès restent nécessaires pour développer les doctorats et promouvoir la recherche dans ces établissements , même si certaines écoles sont plus avancées que d'autres. Dans son avis relatif au projet de loi de finances pour 2017 portant sur les crédits du programme 224, Jean-Claude Luche avait souligné la situation singulière des écoles nationales supérieures d'architecture , dont le rapprochement avec les dispositions des accords de Bologne est plus abouti, pour des raisons tenant à l'histoire comme à la volonté de ces écoles de s'inscrire dans le droit commun du service public de l'enseignement supérieur. Ces établissements ont été les premiers à délivrer des diplômes de niveau doctorat. Pour parfaire leur alignement, l'objectif est désormais d' achever la mise en place d'un statut d'enseignant-chercheur afin d'accroître leur potentiel et leur rayonnement scientifique. Le statut des professeurs et des maîtres de conférences des universités pourrait servir de modèle.

À la différence des écoles nationales supérieures d'architecture, la plupart des autres écoles de l'enseignement supérieur culture sont attachées à ce que la spécificité de leurs enseignements, essentiellement fondés sur la pratique artistique, puisse être préservée . Pour ces raisons, il leur paraissait primordial de demeurer sous la tutelle du ministère chargé de la culture et de pouvoir dialoguer, entre elles, des questions touchant à leurs missions et à leur organisation. C'est ce qui a conduit à la création, par la loi du 7 juillet 2016 relative à la liberté de la création, à l'architecture et au patrimoine, du Conseil national de l'enseignement supérieur et de la recherche artistiques et culturels (CNESERAC). Instance de dialogue, de débat et de représentation des établissements d'enseignement supérieur et des structures de recherche relevant du ministère chargé de la culture, elle doit faciliter le dialogue entre les acteurs et les disciplines pour, à la fois, renforcer la cohérence du réseau des établissements, parfaire son insertion dans le système d'enseignement supérieur français et européen et maintenir des liens très forts avec les professionnels de l'art et de la culture.

Ses attributions, sa composition et son fonctionnement ont été précisés par le décret n° 2017-778 du 4 mai 2017. Sa composition reflète la diversité des parties prenantes. Elle comprend des directeurs d'école, des responsables de structures de recherche, des enseignants, des personnels scientifiques et de recherche, des étudiants, des représentants des secteurs professionnels, des élus nationaux et locaux et personnalités qualifiées. D'après les informations recueillies par votre rapporteure pour avis, les élections des membres seraient en cours et le conseil devrait pouvoir siéger en formation complète d'ici le mois d'avril 2018. Une première réunion de celui-ci, en présence des seuls collèges désignés, aurait déjà eu lieu le 17 octobre dernier pour recueillir son avis sur les textes en préparation concernant le statut des enseignants-chercheurs dans les écoles d'architecture. Il sera intéressant, à terme, d'évaluer l'impact de la mise en place du CNESERAC sur le rapprochement de toutes les écoles du réseau.

Le ministère entend en effet accompagner les établissements de la création artistique dans la structuration de leurs activités de recherche en les encourageant à développer des troisièmes cycles et des doctorats fondés sur la pratique artistique en coopération avec des universités françaises et étrangères . Une réforme du statut de professeur associé et de chargé d'enseignement est en cours de réflexion afin de favoriser le développement des équipes de recherche.

L'intégration des établissements de l'enseignement supérieur culture au sein des regroupements entre universités, écoles et organismes de recherche constitue également un enjeu important pour le ministère. Il y voit un moyen d'accroître leur visibilité et leur attractivité à l'international, de développer des approches transversales et pluridisciplinaires et de mutualiser certaines activités. C'était bien l'un des objectifs poursuivis par la loi du 22 juillet 2013 relative à l'enseignement supérieur et à la recherche en instaurant les regroupements territoriaux, sous la forme d'une fusion, d'une participation à une communauté d'universités et établissements (COMUE) ou d'une association à l'établissement en charge de la coordination du site : de favoriser une coordination renforcée des politiques de formation, de recherche et de transfert entre établissements et d'améliorer la vie étudiante.

L'année scolaire passée, un tiers des écoles de l'enseignement supérieur culture seulement avaient pris place dans les regroupements, dont la majorité dotée du statut d'associé, et une douzaine membres d'une COMUE. A 80 %, il s'agit d'EPN. En cause, la crainte manifestée par bon nombre d'établissements que le regroupement ne mette en danger leur place et leurs intérêts spécifiques. 800 000 euros sont inscrits l'an prochain pour faciliter le rapprochement de ces écoles avec les regroupements territoriaux.

L'approfondissement du caractère professionnalisant de la formation constitue la deuxième priorité du ministère chargé de la culture concernant les établissements d'enseignement supérieur dont il a la charge. Même si le taux d'insertion des diplômés de l'enseignement supérieur culture est globalement satisfaisant - 86,8 % lors de la dernière enquête -, il accuse une légère baisse dans le champ du diplôme , passant de 84,1 % en 2015 à 78,3 % en 2016 . Cette baisse est plus marquée dans le champ des arts plastiques, où le taux d'insertion des diplômés est passé de 75,1 % en 2015 à 60,1 % en 2016, à l'inverse du taux de diplômés employés hors champ, qui augmente de 6,9 % à 18,9 %. Dans le domaine du spectacle vivant, l'indicateur d'insertion professionnelle est en baisse, passant de 92,5 % à 87,9 % en 2016.

Dans ces conditions, la question de l'adéquation entre la formation et l'emploi revêt une importance particulière . Le CNESERAC sera une instance particulièrement utile pour avancer à ce sujet. L'expérimentation lancée depuis 2017 sur la mise en place de l'apprentissage comme voie d'accès au diplôme sera poursuivie. Les crédits de 280 000 euros, déjà inscrits l'an passé, sont reconduits à cet effet.

Le troisième axe de travail du ministère porte sur la diversification sociale et culturelle des étudiants de ces établissements. Le coût très élevé des classes préparatoires aux écoles de la création artistique constitue aujourd'hui un frein certain à l'accès de tous aux établissements de l'enseignement supérieur culture. Pour y remédier, la loi du 7 juillet 2016 relative à la liberté de la création, à l'architecture et au patrimoine a reconnu le statut d'étudiant aux élèves de ces classes, ce qui leur a permis de prétendre au bénéfice des diverses dispositions sociales des étudiants - bourses, sécurité sociale étudiante ou accès au restaurant et au logement universitaires. L'objectif est maintenant de développer les classes préparatoires intégrées aux écoles d'arts plastiques et du spectacle vivant . 400 000 euros sont destinés à la mise en place, dans chaque région, d'une classe préparatoire dans le domaine des arts plastiques, à l'image de celle créée à l'École nationale supérieure des Beaux-Arts de Paris afin de garantir une égalité de traitement des étudiants sur l'ensemble du territoire.

b) Des crédits en léger recul

Les crédits de l'action 1 devraient s'établir à 264 956 389 euros en autorisations d'engagement et à 265 303 457 euros en crédits de paiement, en baisse de près de 3,3 % par rapport à 2017.

Évolution des crédits de l'action 1 « Soutien aux établissements d'enseignement supérieur et insertion professionnelle » entre 2017 et 2018

Le ministère de la culture avance que la légère baisse des dépenses de fonctionnement serait majoritairement imputable à des évolutions liées aux schémas d'emploi des établissements. Ainsi, la baisse des crédits des écoles nationales supérieures d'architecture et des écoles d'art s'explique par le transfert vers le titre 2 du programme 224 d'un certain nombre de crédits lié à la titularisation de plusieurs agents. Un effort de 500 000 euros est réalisé en faveur de l'École nationale supérieure de création industrielle (ENSCI) pour lui permettre de mettre en oeuvre des mesures de réorganisation et de faire face à une situation de déficit structurel.

Subventions aux établissements publics de l'enseignement supérieur culture en 2017 et 2018

(en millions d'euros)

PLF 2017

Crédits de paiement

PLF 2018

Crédits de paiement

Écoles nationales supérieures d'architecture

49,0

48,6

Institut national du patrimoine

6,1

6,1

École du Louvre

1,7

1,7

Sous-total architecture et patrimoine

56,8

56,5

École nationale supérieure des Beaux-Arts

8,0

8,0

École nationale supérieure des arts décoratifs

11,6

11,6

École nationale supérieure de création industrielle

3,8

4,3

Écoles d'art en région

9,5

9,2

Académie de France à Rome

4,8

4,8

Sous-total arts plastiques

37,7

37,9

Conservatoire national supérieur d'art dramatique

3,8

3,8

Conservatoire national supérieur de musique et de danse de Paris

25,6

25,6

Conservatoire national supérieur de musique et de danse de Lyon

13,4

13,4

Centre national des arts du cirque

3,3

3,3

Sous-total spectacle vivant

46,1

46,1

Total

140,6

140,5

Source : Projet annuel de performances de la mission Culture pour 2017 et 2018

L'inscription d'un montant moindre de crédits pour financer les bourses sur critères sociaux et l'aide à la recherche du premier emploi est à l'origine de la contraction significative des dépenses d'intervention. D'après les informations recueillies par votre rapporteure pour avis, cette décision ne devrait se traduire ni par une baisse du nombre de bénéficiaires, ni par une baisse du montant des bourses attribuées. Elle participe d'une volonté de sincérité budgétaire, les bourses ayant été constamment revalorisées ces dernières années, sans que le périmètre évolue en réalité. Les moyens étant désormais suffisamment sécurisés, il n'apparaît plus nécessaire de poursuivre dans cette direction. Il conviendra de vérifier, lors de l'examen du projet de loi de finances pour 2019, l'exactitude de ces informations.

Évolution des crédits des bourses attribuées aux étudiants de l'enseignement supérieur culture

Source : ministère de la culture

Votre rapporteure pour avis regrette cependant qu'aucun effort supplémentaire ne soit fait pour aider les étudiants en situation de handicap à accéder aux établissements de l'enseignement supérieur culture. Le rapport présenté par Nicole Duranton et Brigitte Gonthier-Maurin, au nom du groupe de travail « culture et handicap » mis en place au sein de votre commission, a mis en lumière la nécessité d'intervenir dans cette direction. Seuls 109 étudiants handicapés étaient scolarisés dans l'un des établissements de l'enseignement supérieur culture pendant l'année scolaire 2016-2017, une proportion très faible au regard des 37 000 élèves que compte cet enseignement.

2. L'indispensable accompagnement des écoles d'art territoriales

La structuration de la recherche au sein des écoles d'art constitue, comme pour les autres établissements de l'enseignement supérieur culture, la priorité du ministère chargée de la culture à l'égard de ces écoles. Elle s'est accélérée ces dernières années avec, en 2017, le soutien apporté à onze unités de recherche, sept troisièmes cycles en préfiguration et vingt-trois projets de recherche. Une enveloppe d'un million d'euros , stable par rapport à 2017, est inscrite en 2018 pour poursuivre le développement de la recherche. D'après les informations communiquées à votre rapporteure pour avis, cette somme n'aurait jamais été intégralement consommée jusqu'ici et ne bénéficierait pas uniquement aux écoles d'art. Aucune précision concernant sa ventilation n'est cependant apportée dans les documents budgétaires.

La situation des écoles territoriales d'art demeure préoccupante. Elles sont confrontées à une série de difficultés qui menacent leur avenir et leur font craindre un décrochage vis-à-vis des écoles nationales .

Le statut de leurs enseignants n'est pas adapté aux accords de Bologne. À la différence du statut des enseignants au sein des écoles nationales, qui a évolué avant l'entrée en vigueur de la loi Fioraso, celui en vigueur au sein des écoles territoriales ne prévoit ni l'annualisation du temps de travail, ni la possibilité de décharge pour des heures de recherche et permet le recrutement à un niveau bac + 3. Il constitue une menace pour l'attractivité des écoles et pourrait leur faire perdre leur habilitation à délivrer un diplôme de grade de master, la recherche n'étant pas inscrite parmi les missions des enseignants. Le Conseil national de l'enseignement supérieur et de la recherche a émis, à deux reprises, des réserves sur ce point, tout en autorisant jusqu'ici les écoles à délivrer les diplômes.

Depuis plusieurs années, votre commission de la culture, de l'éducation et de la communication se fait l'écho du risque de l'accentuation d'un enseignement à deux vitesses selon le statut national ou territorial des écoles . Annoncé en début d'année par Audrey Azoulay, alors ministre de la culture et de la communication, un projet de décret destiné à revaloriser encore le statut des écoles nationales a cristallisé les inquiétudes en début d'année. Il n'a finalement jamais été publié. L'intention était louable : il s'agissait de donner aux enseignants le statut d'enseignant-chercheur et d'augmenter leurs salaires et de refondre leurs grilles horaires pour améliorer l'attractivité et le rayonnement des écoles nationales. Mais, en traitant uniquement la question des écoles nationales, le texte mettait en danger les écoles territoriales en aggravant la distinction au sein de l'enseignement supérieur des arts plastiques, qui menaçait non seulement l'évaluation des formations de niveau licence et master, mais également la politique de recherche construite par ces écoles.

Compte tenu des difficultés financières des collectivités territoriales, qui financent la majeure partie des budgets des écoles territoriales, une revalorisation des salaires des enseignants des écoles territoriales est, par ailleurs, très délicate. L'ANdÉA avait évalué le surcoût à 500 000 euros par établissement si les écoles territoriales avaient décidé de s'aligner sur les dispositions prévues par le projet de décret concernant les enseignants nationaux.

Le lancement d'une concertation sur la question du statut des enseignants à laquelle prendraient part les trois ministères concernés (culture, collectivités territoriales, action et comptes publics), les syndicats, les associations professionnelles et les associations d'élus, apparaît comme une piste pour régler ensemble la situation des écoles nationales et des écoles territoriales. L'enjeu est essentiel pour empêcher les inégalités culturelles et sociales dans l'accès aux établissements d'enseignement supérieur des arts plastiques que la disparition des écoles territoriales accentuerait inévitablement.

Les inégalités dans l'accès aux bourses peuvent également constituer une source de difficultés pour les écoles d'art territoriales . Comme l'État ne prend pas en charge l'exonération des droits d'inscription pour les boursiers échelon zéro des écoles territoriales, à la différence des écoles nationales, ceux-ci doivent généralement s'acquitter de droits d'inscription dans les écoles territoriales. Même si celles-ci ont fait des efforts ces dernières années pour développer une double tarification pour faciliter l'accès des étudiants boursiers, elles ne peuvent pas se permettre de les exonérer totalement au regard des difficultés financières qu'elles rencontrent. De même, les étudiants en 3 e cycle et en post-diplôme au sein des écoles d'art ne peuvent pas prétendre à l'attribution de bourses sur critères sociaux, au motif qu'ils n'ont pas le statut d'étudiant puisque ces écoles ne sont pas habilitées jusqu'ici à délivrer de diplômes de grade master. La seule solution est qu'ils soient inscrits au sein de doctorats co-habilités menés en commun avec une université, ce qui ne correspond pas toujours au souhait des écoles d'art, compte tenu de la spécificité de leur enseignement.

Dans une période marquée par de fortes contraintes budgétaires pour les collectivités territoriales, les écoles d'art territoriales sont également confrontées à des problèmes de financement , que la réorganisation territoriale suscitée par la création des métropoles et la fusion des régions a encore aggravés.

D'après les informations disponibles, le coût d'une école d'art se situerait aux alentours de 4 millions d'euros. Les villes et les agglomérations en supporteraient globalement 77 %. L'État participerait en moyenne à hauteur de 10 % du budget, pour le financement d'actions pédagogiques. Les frais de scolarité, compte tenu de leur faible montant, de l'ordre de 500 euros par an, représenteraient une part infime des ressources des établissements.

Après le choc suscité par la fermeture de l'école des beaux-arts de Perpignan l'an dernier, la crainte de voir des collectivités territoriales réduire ou supprimer leur financement est grande. Des solutions ont pu être trouvées pour compenser le désengagement partiel de la ville d'Angoulême et le retrait de la ville de Dunkerque afin de sauver respectivement l'école européenne supérieure de l'image d'Angoulême-Poitiers et l'école supérieure d'art de Dunkerque-Tourcoing. La situation serait délicate pour l'école supérieure d'art et de design de Valenciennes, exposée au risque de retrait total de la participation de la ville en janvier 2018. Pour autant, votre rapporteure pour avis a pu mesurer à quel point les collectivités territoriales sont généralement attachées à leur école d'art et soucieuses d'en assurer la pérennité et le développement .

Le statut d'EPCC, désormais adopté par la plupart des écoles d'art, est parfois critiqué pour avoir fait perdre aux collectivités territoriales, contraintes de financer les écoles, tout droit de regard sur leur fonctionnement. Mais, ce statut a joué un rôle déterminant pour ancrer ces écoles dans le système français et européen de l'enseignement supérieur, en leur donnant l'autonomie nécessaire et en améliorant leur gouvernance, au travers du rôle joué par des instances comme le conseil scientifique ou le conseil de la vie étudiante de s'exprimer. Votre rapporteure pour avis a d'ailleurs plaidé, à plusieurs reprises, en faveur d'une amélioration des conditions fiscales afférentes aux EPCC . Elle souhaiterait qu'une réflexion soit lancée sur le sujet afin d'améliorer le statut de ces établissements, vitaux pour le secteur culturel et les territoires

B. GRISE MINE POUR L'EMPLOI CULTUREL

1. Des crédits revus à la baisse

Si la loi de finances pour 2017 faisait de l'emploi l'une des priorités, après une année 2016 marquée par la conclusion d'un nouvel accord relatif à l'assurance-chômage des intermittents du spectacle et l'engagement de nouvelles mesures pour lutter contre la précarisation des salariés du spectacle, le projet de loi de finances pour 2018 ne paraît plus porter le même degré d'ambition. Le développement et la professionnalisation de l'emploi dans le spectacle demeurent pourtant annoncés comme l'une des cinq priorités du programme, sans que les crédits soient nécessairement au rendez-vous.

Les crédits de l'action 8 sont réduits à 25 millions d'euros en crédits de paiement , contre 55 millions en 2017 (- 55 %) , et sont stables à 90 millions d'euros en autorisations d'engagement.

Cette réduction des crédits est d'autant plus importante que le périmètre de l'action 8 a été élargi par rapport à la précédente loi de finances. Alors que les crédits ne devaient couvrir que le Fonds pour l'emploi pérenne dans le spectacle (FONPEPS) l'an dernier, ils devraient concerner deux autres dispositifs en 2018 :

- le groupement d'intérêt public Cafés cultures, qui pilote un fonds d'aide destiné à favoriser l'emploi artistique dans les cafés et restaurants ;

- le volet social et professionnel du fonds de professionnalisation et de solidarité. Ce volet, dont la gestion a été confiée à Audiens, vise à aider les artistes et techniciens du spectacle rencontrant des difficultés à poursuivre ou à renouer avec une carrière professionnelle. Jusqu'en 2017, la subvention de l'État, d'un montant de 2,3 millions d'euros, était inscrite sur les crédits du programme 131 « Création ». Le fonds de professionnalisation et de solidarité comporte également un volet indemnisation, géré par Pôle emploi, qui soutient les artistes et techniciens arrivant au terme de leurs droits à l'assurance chômage par le biais d'un complément d'indemnisation ou d'allocations spécifiques. Ce volet finance également les deux mesures que le Gouvernement s'était engagé à prendre en charge dans le cadre de l'accord du 28 avril 2016 sur l'assurance chômage : l'allocation journalière plancher et l'assimilation à du temps de travail des périodes d'arrêt maladie de longue durée ou des congés maternité. Les crédits de ce volet sont intégralement inscrits sur le programme 102 « Accès et retour à l'emploi » géré par le ministère chargé du travail.

Qu'est-ce que le FONPEPS ?

Il s'agit d'un fonds, dont le principe a été lancé en septembre 2016 , dont la vocation est de soutenir l'emploi pérenne dans le secteur du spectacle vivant et enregistré, au sein des structures publiques comme privées. Destiné aux entreprises du spectacle et aux artistes et techniciens qu'elles emploient, le fonds doit encourager la création d'emplois durables. Il est composé de neuf mesures, dont certaines ne sont toujours pas entrées en vigueur , faute de mesures d'application correspondantes :

- une aide à l'embauche du premier salarié en contrat à durée indéterminée (CDI). Cette aide vise à faciliter l'embauche d'un premier salarié en CDI dans une entreprise de spectacle. Elle est d'un montant de 1 000 euros par trimestre, soit 4 000 euros par an pendant deux ans. Elle est organisée par le décret n° 2016-1764 du 16 décembre 2016 ;

- une prime à l'emploi pérenne des salariés du spectacle (décret n° 2016-1765 du 16 décembre 2016). Cette prime vise à encourager l'embauche en CDI de tout salarié intermittent du spectacle et dont la rémunération est inférieure à trois SMIC mensuels. Son montant est dégressif sur quatre ans (10 000 euros la première année, 8 000 euros la seconde, 6 000 euros la troisième et 4 000 euros la dernière) ;

- une prime au contrat de longue durée dans le secteur du spectacle , dont les caractéristiques sont précisées par le décret n° 2016-1766 du 16 décembre 2016. Cette aide vise à allonger la durée des contrats. Elle est octroyée aux entreprises de moins de 100 salariés en équivalent temps plein qui embaucheraient en contrats à durée déterminée de longue durée des salariés dont la rémunération est inférieure à trois SMIC. L'aide est de 500 euros pour un contrat de deux mois, de 800 euros pour un contrat de trois mois, de 1 800 euros pour un contrat de six mois, de 4 000 euros pour un contrat d'un an ;

- une aide à l'insertion sur le marché du travail des jeunes artistes diplômés, prévue par le décret n° 2017-57 du 19 janvier 2017 instituant une aide à l'embauche des jeunes artistes diplômés. Elle est de 1000 € par mois pendant quatre mois pour tout contrat de plus de quatorze mois conclu avec de jeunes artistes, issus des établissements de l'enseignement supérieur culture. La liste des diplômes ouvrant droit à cette aide a été fixée par un arrêté du 19 janvier 2017 ;

- un fonds assurantiel des groupements d'entreprises de la culture . Ce fonds vise à garantir, pendant six mois, la perte d'un participant à un groupement d'employeurs, en cas de défaillance de l'une des entreprises et dans l'attente d'une nouvelle adhésion. Cette disposition n'est pas encore entrée en vigueur ;

- une aide à la garde d'enfant , versée jusqu'aux douze mois de l'enfant à tout artiste ou technicien du spectacle après un congé maternité, un congé paternité ou un congé d'adoption, à hauteur au maximum de 50 % du coût en raison du crédit d'impôt sur l'emploi à domicile, sous réserve qu'il ait un contrat de travail et ne bénéficie pas des aides de la Caisse d'allocations familiales. Cette aide n'est pas encore active ;

- un dispositif de soutien de l'emploi dans les cafés-culture . Ce dispositif vise à favoriser l'emploi direct d'artistes dans les bars, cafés, lieux ou salles de spectacle non professionnels jusqu'à 200 places. Une partie du salaire versé aux artistes est remboursée a posteriori par le fonds. Ce dispositif n'est pas encore opérationnel ;

- un dispositif de soutien de l'emploi dans les petits lieux de diffusion de musique, de théâtre ou de danse . Il concerne les salles de musique jusqu'à 300 plaes et les salles de théâtre et de danse jusqu'à 100 places. Ce dispositif n'est pas encore entré en vigueur ;

- un dispositif de soutien à l'emploi dans le secteur de l'édition phonographique . Ce dispositif vise à favoriser l'emploi direct d'artistes pour des séances d'enregistrement en vue de la production d'un enregistrement phonographique. Il profite aux labels indépendants et aux enregistrements de de jazz ou de musique contemporaine. Cette mesure est financée paritairement par le ministère chargé de la culture et par les professionnels du secteur de l'édition phonographique. Elle serait en cours de déploiement.

Source : Commission de la culture, de l'éducation et de la communication

Le ministère chargé de la culture invoque les retards pris dans la mise en oeuvre des différentes mesures du FONPEPS, les lacunes en matière de communication et une montée en puissance des dispositifs plus lente que dans les projections pour justifier la décision d'abaisser le niveau des crédits l'an prochain. Seules cinq des neuf mesures qui composent le FONPEPS sont, à présent, entrées en vigueur, en raison de difficultés juridiques et techniques présentées par la mise en oeuvre des quatre autres (voir encadré).

D'après les informations communiquées à votre rapporteure pour avis, 2 millions d'euros seulement, sur les 55 millions d'euros initialement prévus au titre de l'année 2017, auraient été consommés à la fin du mois d'octobre. L'essentiel de ces crédits aurait été consommé au titre de la prime à l'embauche d'un premier salarié. L'objectif de développer des emplois pérennes et durables ne serait pas pour autant abandonné, comme en témoigne le maintien de 90 millions d'euros de crédits en autorisations d'engagement. Pour autant, il est pour le moins surprenant que le Gouvernement ait décidé de réduire la voilure du FONPEPS avant même que l'ensemble des mesures fussent effectives .

L'inadéquation des mesures du FONPEPS pourrait toutefois être en cause dans ce bilan mitigé . Les contrats longs ne se prêtent pas nécessairement à un secteur caractérisé par une activité marquée par de grandes fluctuations. Par ailleurs, le principe de la mensualisation a pu inquiéter des professionnels habitués jusqu'ici à une rémunération fondée sur le cachet. Le Syndicat des entreprises artistiques et culturelles (SYNDEAC) avait fait valoir, à l'occasion des négociations autour du fonds, que la durée des dispositifs et la hauteur des aides ne permettrait pas aux mesures d'être saisies efficacement, ni par les établissements, ni par les équipes artistiques. Le ministère lui-même a reconnu à demi-mot que les mesures, élaborées à un niveau interministériel, n'étaient pas forcément parfaitement adaptées. Dans un rapport de préfiguration du Fonds pour l'emploi dans le spectacle réalisé en avril 2016 par l'inspection générale des finances, l'inspection générale des affaires sociales et l'inspection générale des affaires culturelles, les trois inspecteurs déconseillaient les mesures destinées à l'allongement de la durée des contrats qui, pour la plupart, auraient été des mesures de soutien à l'activité (accroissement du nombre de représentations, augmentation de la durée des tournées, organisation de représentations à l'étranger) et non des mesures d'aides à l'emploi direct, auraient suscité des effets d'aubaine et auraient favorisé principalement les grandes structures au détriment des petites.

D'après les informations recueillies par votre rapporteure pour avis, un groupe de travail, dont les premières réunions viennent de débuter, a été mis sur pied pour examiner l'opportunité de retravailler les mesures afin de les rendre plus opérantes avec les demandes de la profession. Les professionnels confirment que les mesures gagneraient en efficacité si elles étaient affinées en fonction des métiers et que les structures ont besoin d'être accompagnées dans la mensualisation. Il ne faudrait pas que cette remise à plat aboutisse en fin de compte sur l'abandon d'un dispositif obtenu à l'issue d'âpres discussion. Si le FONPEPS doit être revu, il doit être néanmoins préservé et non sacrifié .

2. Un contexte marqué par de fortes préoccupations autour de l'emploi

La diminution des crédits inscrits dans le projet de loi de finances pour 2018 au titre de l'action 8 interpelle d'autant plus sur les intentions du Président de la République et du Gouvernement vis-à-vis des professionnels de la culture que le contexte de ces derniers mois a été marqué par de fortes préoccupations autour de l'emploi dans le secteur culturel.

L'annonce d'une nette réduction du nombre des contrats aidés fragilise les structures culturelles . Le secteur de la culture, essentiellement constitué de très petites structures, a toujours largement utilisé les possibilités offertes par les différents types de contrats aidés. Même si le nombre de contrats aidés dans le secteur est impossible à chiffrer, on sait qu'il s'agit d'une ressource précieuse pour permettre aux établissements culturels de développer leurs activités.

La direction générale de la création artistique a évalué le nombre de contrats aidés à 100 dans les FRAC et les centres d'art, à 81 dans les SMAC, à 43 dans les scènes nationales et à 60 pour les arts de la rue et du cirque, sans pour autant être en mesure de chiffrer parmi eux ceux qui viennent d'être ou seront supprimés. Elle évoque également le recensement de quelques mille contrats aidés parmi les 550 entreprises du spectacle vivant, un chiffre qui témoigne à la fois de l'ampleur du recours aux contrats aidés dans le secteur de la création et du rôle structurant qu'ils jouent pour les entreprises culturelles .

L'Union fédérale d'intervention des structures culturelles (UFISC) dresse le même constat, en observant que le premier permanent au sein des structures a souvent été recruté sur la base d'un contrat aidé. D'après les résultats d'une enquête menée auprès de 500 adhérents, 300 d'entre eux emploieraient en tout 555 personnes en contrats aidés, dont 260 ne devraient pas être renouvelés au dernier trimestre 2017.

La disparition progressive des contrats aidés pourrait, quoi qu'il en soit, menacer la survie de certaines structures culturelles et avoir des conséquences très lourdes pour les compagnies . Elle pourrait également avoir un impact sur les actions d'éducation artistique et culturelle , de nombreuses collectivités territoriales ayant recruté leurs médiateurs sur la base de contrats aidés. Ses conséquences sur le maillage culturel du territoire seront terribles , beaucoup de structures ayant recours aux emplois aidés. Le risque est grand de voir disparaître des acteurs culturels primordiaux, souvent implantés dans des zones déjà fortement dépourvues. La brutalité de cette décision, annoncée sans concertation avec les premiers concernés et les collectivités territoriales, a des conséquences concrètes qui commencent déjà à se faire ressentir, singulièrement au niveau des lieux de proximité.

La réforme de l'assurance chômage en préparation constituera également un point de vigilance . Les orientations du Premier ministre laissent jusqu'ici entendre que le système de garanties adaptées en matière d'indemnisation du chômage des intermittents devrait être préservé.

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Compte tenu de ces observations, votre rapporteure pour avis propose à la commission d'émettre un avis favorable à l'adoption des crédits du programme 224 « Transmission des savoirs et démocratisation de la culture » de la mission « Culture » du projet de loi de finances pour 2018.

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La commission de la culture, de l'éducation et de la communication a émis un avis favorable à l'adoption des crédits de la mission « Culture » du projet de loi de finances pour 2018.

EXAMEN EN COMMISSION

MERCREDI 29 NOVEMBRE 2017

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La commission procède à l'examen du rapport pour avis sur les crédits « Transmission des savoirs et démocratisation de la culture » de la mission « Culture » du projet de loi de finances pour 2018.

Mme Sylvie Robert, rapporteur pour avis des crédits des programmes « Création » et « Transmission des savoirs et démocratisation de la culture » . - Un « budget de transformation » : voici les termes utilisés par la ministre de la culture pour qualifier le budget qui nous est soumis cette année. En dépit des craintes que nous pouvions avoir il y a quelques mois, nous pouvons reconnaître que les crédits de la mission « Culture » sont confortés, avec une progression de 1,1 % à périmètre constant.

Les moyens nouveaux profitent essentiellement au programme 224, « Transmission des savoirs et démocratisation de la culture ». Hors dépenses de personnel, ses crédits enregistrent une hausse de plus de 2 % à périmètre constant.

Le Président de la République s'est engagé à ce que tous les enfants, de la maternelle au lycée, aient accès, d'ici à 2020, aux actions d'éducation artistique et culturelle (EAC). Les crédits sont portés à 114 millions d'euros : 15 millions d'euros proviennent de transferts de crédits depuis d'autres programmes et finançaient des actions qui, jusqu'à présent, n'étaient pas uniquement destinées aux jeunes, ce qui me paraît quelque peu regrettable. Je pense notamment aux ateliers de fabrique artistique : j'espère que ces transferts ne vont pas se traduire par un rétrécissement du champ des actions financées. En revanche, 35 millions d'euros sont de « vrais » nouveaux crédits, même si la présentation des documents budgétaires ne permet pas de savoir s'ils porteront intégralement sur les deux priorités qui ont été définies, à savoir développer la pratique artistique, notamment dans le domaine de la musique et du théâtre, et susciter le goût du livre et de la lecture. Compte tenu du soutien que notre commission a toujours apporté au développement de l'EAC, nous pouvons être satisfaits de ces évolutions.

Reste à savoir si cette hausse significative des crédits sera suivie d'effets, ce qui suppose un réel engagement de la part du ministère de l'éducation nationale : je m'étonne d'ailleurs que seuls 3 millions d'euros soient spécifiquement inscrits pour le parcours d'EAC de l'élève au sein de la mission « Enseignement scolaire ».

Gardons également à l'esprit que les collectivités territoriales jouent un rôle central dans la réussite du dispositif, et ce depuis longtemps. Leur association et leur accompagnement dans la mise en oeuvre ne doivent pas être éludés, bien au contraire.

L'une des principales innovations de ce budget reste évidemment le Pass culture, promesse de campagne du Président de la République. Seuls 5 millions d'euros sont inscrits l'an prochain pour couvrir les coûts de consultation, de développement de l'application mobile et d'expérimentation. Mais, à plein régime, le dispositif devrait coûter plus de 400 millions d'euros, dont l'État prévoit de prendre en charge 140 millions, le reste devant être couvert par les partenaires privés, y compris les « GAFA ». C'est donc une décision lourde de conséquences pour l'avenir, d'autant que le plafond de la mission ne doit augmenter que de 46 millions d'euros d'ici à 2020, d'après la prévision triennale, ce qui signifie qu'une majorité du financement de l'État devra provenir de redéploiements de crédits au sein de la mission.

L'expérience italienne montre qu'il est indispensable d'encadrer soigneusement le dispositif si l'on veut en faire un véritable outil au service d'une politique culturelle, et non un simple chèque en blanc. Si j'en crois les premiers bilans, le bonus cultura aurait été boudé par près de 40 % des jeunes Italiens, ce qui interpelle sur l'intérêt du dispositif au regard de l'objectif de démocratisation culturelle. Les bons auraient été massivement utilisés pour l'achat de livres, y compris de livres de cours, ce qui constitue un dévoiement du dispositif. Un marché noir serait même apparu avec la publication d'annonces dans lesquelles des jeunes proposaient de revendre leurs bons.

Aussi séduisante qu'elle puisse paraître de prime abord, l'idée d'un Pass culture comporte un certain nombre d'écueils dans lesquels il est difficile de ne pas tomber. Le Pass culture doit réussir à allier deux principes susceptibles d'aller en sens contraire : d'une part, la liberté de choix du jeune et, d'autre part, la promotion de la diversité culturelle. Une proposition pourrait consister à le décomposer en deux temps, en débloquant d'abord une première partie de l'enveloppe au profit d'offres dont le contenu serait éditorialisé et inviterait le jeune à ouvrir ses horizons ; le reliquat pourrait, dans un second temps, être utilisé totalement librement par le jeune. Nous devons vraiment être vigilants. Je me demande aussi s'il n'est pas finalement prématuré de prévoir la mise en place du Pass dès aujourd'hui, alors qu'il doit venir conclure le parcours d'EAC dont l'installation débute seulement. Les écueils que nous appréhendons aujourd'hui ne seraient-ils pas moins nombreux dans quelques années ?

En ce qui concerne les autres actions financées par le programme 224, les efforts financiers sont plus réduits.

D'après les informations qui m'ont été données, la revalorisation de 3 millions d'euros des crédits destinés aux conservatoires doit servir à financer le « plan chorales ». Je suis extrêmement surprise que le ministère n'ait pas davantage avancé sur la réforme du classement des conservatoires, qui s'inscrit dans la suite logique des dispositions de la loi relative à la liberté de création, à l'architecture et au patrimoine (LCAP). Les personnes que j'ai auditionnées ont souvent souligné le caractère inadapté des critères actuels, mais elles sont prêtes à y travailler, avec les collectivités territoriales.

Les crédits destinés aux établissements culturels de l'enseignement supérieur enregistrent un léger recul. Le statut des enseignants des écoles d'art territoriales freine aujourd'hui l'alignement de ces établissements sur le système LMD et le développement de la recherche. La ministre de la culture a fort heureusement indiqué, lors de son audition par notre commission la semaine dernière, qu'elle souhaitait régler en même temps la question du statut des enseignants des écoles nationales et territoriales. L'ouverture d'une concertation est indispensable pour ne pas creuser davantage le fossé entre les écoles nationales et les écoles territoriales. Les collectivités territoriales sont très attachées à leurs écoles d'art et soucieuses d'en assurer la pérennité et le développement : il faut qu'elles soient étroitement associées à ce chantier.

Les crédits destinés à soutenir l'emploi dans le spectacle sont drastiquement réduits, passant de 55 à 25 millions d'euros en l'espace d'un an. Le ministère invoque des retards pris dans la mise en oeuvre des différentes mesures du Fonds national pour l'emploi pérenne dans le spectacle, le Fonpeps, les lacunes en matière de communication et une montée en puissance des dispositifs plus lente que prévu pour justifier sa décision. De fait, seules cinq des neuf mesures du Fonpeps sont entrées en vigueur. Pour ma part, je m'étonne justement que l'on réduise la voilure d'un dispositif avant même que l'ensemble de ses mesures soit effectives. D'aucuns évoquent aussi l'inadéquation des mesures du Fonpeps aux spécificités d'un secteur caractérisé par une activité marquée par de grandes fluctuations. Des réflexions seraient en cours pour évaluer l'opportunité de retravailler les mesures. Prenons garde à ce que cette remise à plat ne conduise à sacrifier ce dispositif, qui faisait partie de l'accord de l'an dernier sur l'assurance chômage. Préservons ce dispositif qui peut permettre d'amortir la baisse des emplois aidés, dont les conséquences sur les structures culturelles et le maillage culturel du territoire se révèlent très préoccupantes, voire terribles.

Les efforts, sur le programme 131, « Création », sont plus mesurés que sur le programme 224, même si ses crédits enregistrent tout de même une progression de 0,8 % avant transferts.

Un nouveau cap semble se dessiner, avec une priorité donnée aux actions favorisant la vie culturelle des régions et la diffusion des oeuvres auprès d'un public plus large. À cet effet, une attention particulière est portée à la diffusion des oeuvres, avec une augmentation plus significative des crédits destinés à la diffusion qu'à la création.

De nouveaux crédits sont accordés aux labels, dont le cadre a été fixé par la LCAP, pour consolider les marges artistiques des structures existantes, les accompagner dans la mise en oeuvre des nouveaux cahiers des charges et financer les nouvelles labellisations. En sens inverse, le soutien de l'État hors structures labellisées et réseaux décroît fortement, ce qui peut mettre en danger l'objectif d'aménagement culturel équilibré du territoire, en particulier dans les zones rurales.

J'ai constaté que cette inflexion des crédits fait naître chez les artistes de vives inquiétudes, dans une période où le maintien des subventions de l'État est perçu comme primordial, compte tenu du retrait croissant des collectivités territoriales que le développement de la contractualisation cherche à enrayer. Les interrogations sur le devenir du soutien public sont nombreuses et largement accrues du fait des décisions qui doivent intervenir dans le cadre du programme « Action publique 2022 ». Il faut dire que le secteur de la création traverse aujourd'hui de grandes mutations qui ne sont pas sans risque pour la préservation de l'indépendance et de la diversité artistiques.

Je pense, bien sûr, à la montée en puissance, depuis quelques années, de nouveaux acteurs, qui suivent des stratégies de développement intégrées dites « à 360° ». Si nous ne prenons pas garde rapidement à ce mouvement de concentration, les logiques de rentabilité auront tôt fait d'uniformiser l'offre autour des artistes mainstream et de faire disparaître les écritures audacieuses et les esthétiques les plus fragiles. Le phénomène dépasse désormais largement la musique, pour toucher aussi le théâtre.

L'enjeu est majeur. Veillons à ce que l'attention croissante prêtée aux questions de diffusion dans le présent budget ne profite pas à ces grands groupes ou à ce que les collectivités territoriales n'aggravent pas le phénomène par l'attribution de délégations de service public.

Les mesures de sûreté progressivement mises en place depuis les attentats de 2015 ont également des conséquences importantes sur la création. Leur coût financier est difficile à assumer et grève peu à peu les budgets artistiques. Les contraintes de programmation qu'elles font peser constituent une vraie menace pour la liberté de création. Dans ce contexte, faut-il continuer à accompagner les établissements du spectacle vivant face aux contraintes de sécurité ? La question est importante, alors que le fonds d'urgence créé en décembre 2015 doit disparaître à la fin de l'année 2018. En théorie, le fonds interministériel de prévention de la délinquance et de la radicalisation, le FIPDR, doit prendre le relais. Mais les précisions données par la ministre à ce sujet lors de son audition, la semaine dernière, manquent.

Quoi qu'il en soit, ces exemples montrent à quel point l'écosystème a été bouleversé en l'espace de quelques années. Le panorama ne serait pas complet sans mentionner la place progressivement prise par les plateformes numériques. Leur position désormais incontournable pose question au regard du partage de la valeur et accroît les menaces qui pèsent sur la diversité musicale et, globalement, artistique.

L'ensemble de la filière musicale est aujourd'hui confrontée à ces mêmes défis. Dès lors, il est urgent que l'État redéfinisse sa politique dans le domaine musical et clarifie ses priorités. C'est en tout cas la conclusion du rapport rendu par Roch-Olivier Maistre il y a quelques semaines. Celui-ci préconise également, plutôt que d'élargir les missions du Centre national de la chanson, des variétés et du jazz (CNV), de créer un nouvel opérateur public pour réunir autour d'une même table l'ensemble du champ musical et de ses métiers. Cet opérateur serait chargé de missions d'observation, d'information, de formation, de développement international et de gestion des différentes formes d'aides au secteur. La ministre n'a pas encore statué sur ces propositions. Nous aurons l'occasion d'en débattre, puisque l'intervention du législateur pourrait se révéler nécessaire, quelle que soit l'option retenue par la ministre en janvier.

Avant de conclure, je veux évoquer les arts visuels. Des hausses de crédits interviennent pour faciliter la diffusion. En revanche, les aides individuelles ne sont pas revalorisées. Les artistes visuels n'ont pas caché leurs inquiétudes, alors que plane toujours le doute sur la compensation intégrale de la CSG pour les artistes auteurs. Lors de l'examen en première lecture du projet de loi de financement de la sécurité sociale, le Sénat, grâce à l'intervention de notre présidente et de moi-même, a inséré une disposition prévoyant le principe d'une compensation, mais j'ignore encore si elle sera conservée par l'Assemblée nationale, après l'échec de la CMP. Nous serons, là aussi, vigilants.

Compte tenu de la progression des crédits de la mission, il me paraît difficile de ne pas donner un avis favorable à leur adoption. Cela ne nous empêche pas d'exprimer de grandes réserves sur le programme 224, notamment en ce qui concerne le Pass culture. Il me paraîtrait opportun que des parlementaires puissent être associés à la définition de l'instrument dans les mois à venir, afin que notre vote d'aujourd'hui ne revienne pas à donner un blanc-seing à un dispositif qui ne permettrait pas aux jeunes de diversifier leurs habitudes culturelles, voire qui remettrait en cause la diversité et créerait, en définitive, un effet d'aubaine pour les GAFA.

Il nous faudra également suivre de près la mise en oeuvre du chantier de l'éducation artistique et culturelle pour nous assurer que les objectifs ambitieux qui ont été fixés sont effectivement atteints, sans oublier aussi la concertation sur le statut des enseignants des écoles d'art, annoncée par la ministre la semaine dernière, dont l'ouverture revêt un enjeu essentiel pour les écoles territoriales.

Enfin, pour ce qui concerne le programme 131, nous veillerons à ce que la transformation initiée par ce budget, à travers les transferts de crédits à l'éducation artistique et culturelle et la baisse des crédits hors labels et réseaux, ne fragilise pas, à terme, la création artistique et l'indispensable maillage du territoire, auquel nous sommes tant attachés.

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M. André Gattolin . - Je félicite les rapporteurs de leur travail. Le budget de la culture a été particulièrement entamé de 2011 à 2014. Il n'a été redressé qu'à partir de 2015-2016. Celui de 2018 s'inscrit dans une logique de consolidation. On sort de l'aberration budgétaire que constituait la mise en réserve de 8 %. Pour avoir été rapporteur spécial des crédits de la mission « Culture » à la commission des finances, j'ai pu voir les coups de rabot auxquels cette pratique donnait lieu...

Je relève une volonté transversale de mettre en oeuvre, de la manière la plus effective possible, la démocratisation des savoirs et de l'accès à la culture. C'est une grande arlésienne du ministère de la culture depuis sa création en 1959. Les maisons de la culture, les maisons des jeunes et de la culture, un certain nombre de politiques muséales ont permis, pendant les quinze premières années de l'existence de ce ministère, d'aller vers un élargissement des publics et un accès démocratique à la culture, mais force est de constater que, depuis trente ans, comme l'ont montré les rapports de Bernard Latarjet, si tout le monde contribue au budget de la culture par l'impôt, la culture n'est consommée que par 30 à 40 % de la population. Ce sont les plus jeunes, les plus âgés et les plus défavorisés qui y ont le moins accès.

Madame Robert, on ne peut à la fois déplorer que l'on ne consacre que 5 millions d'euros du budget 2018 à faire des études pour rendre le Pass culture opérationnel et regretter qu'on ne le mette pas en oeuvre tout de suite.

Je connais bien le système mis en place en Italie. Celui-ci a été décidé à une vitesse hallucinante par le gouvernement Renzi, ce qui explique une grande partie de ses dysfonctionnements. La mise en place de tels systèmes, dont les objectifs peuvent être contradictoires, m'inspire toujours des inquiétudes. Néanmoins, le Pass culture est peut-être aujourd'hui l'un des rares moyens qui permettra de rapprocher la culture d'une partie de la population. En effet, il s'adresse non seulement aux étudiants, mais aussi aux jeunes non qualifiés, parfois déjà actifs. Prenons le temps de réfléchir à la meilleure manière de procéder. En Italie, les détournements étaient notamment liés au fait qu'une grande partie des jeunes n'avaient même pas accès au numérique. Ils revendaient leur coupon pour acheter des tablettes au noir. Nous ne sommes pas tout à fait dans la même situation. L'année à venir promet des réflexions intenses sur la manière dont on peut mettre en place le Pass.

Le groupe La République en marche donnera un avis favorable à l'adoption des crédits de la mission.

Mme Sonia de la Provôté . - Nous souscrivons à beaucoup d'observations de Mme Robert. Le Pass culture mérite que l'on s'y attarde. Évidemment, nous nous interrogeons sur le montant de 5 millions d'euros et sur son mode de financement. Nous devons dès maintenant avoir des perspectives sur les orientations budgétaires et sur les redéploiements de crédits qui résulteront de la mise en place du Pass.

Sur le fond, il est logique que nous ne disposions pas encore de toutes les clés de compréhension du dispositif. En revanche, nous savons ce dont nous ne voulons pas. Il ne faut pas que le Pass culture soit le vecteur incontrôlé d'une politique de promotion d'une offre culturelle standardisée. Il ne faudrait pas que, sous l'effet d'algorithmes individuels, les propositions culturelles faites aux jeunes soient complètement centrées sur leurs goûts et leurs appétences, alors que l'objectif est aussi de leur ouvrir des horizons culturels. Le Pass culture n'a de sens que s'il est adossé à des dispositifs pédagogiques et de médiation culturelle qui accompagnent le jeune jusqu'à ses dix-huit ans. Cela pose la question d'une politique très construite, articulant culture et éducation. Le ministère de l'éducation nationale et celui de la culture affichent leur coopération pour que les jeunes puissent profiter au mieux du Pass. Nous nous interrogeons sur les contenus en fonction de l'âge, du parcours du jeune... Pour l'heure, nous ne disposons d'aucune précision, y compris sur les moyens.

La proposition de Mme Robert d'associer les parlementaires à l'élaboration du dispositif paraît pertinente, voire indispensable.

On ne peut que se réjouir de l'augmentation des crédits de 3 millions d'euros pour les conservatoires, même si nous sommes loin d'avoir rattrapé les niveaux d'avant 2012. L'essentiel est fléché sur le « plan chorales ». Nous n'y sommes pas opposés - c'est même plutôt une bonne idée -, mais la question du recentrage des conservatoires sur leur vocation première, à savoir l'enseignement artistique, doit être posée : à les entraîner vers des propositions trop diverses et à les sortir de leur rôle principal, on risque de favoriser une inadéquation entre les moyens et les objectifs premiers qui sont les leurs - être une référence pour les formateurs et construire l'excellence.

Nous ne donnons pas de blanc-seing à la mission « Culture », même si beaucoup d'éléments nous paraissent extrêmement positifs. Des perspectives doivent être dessinées. Nous espérons que nous disposerons, lors du prochain budget, d'une vision claire dans le temps des propositions en matière de culture.

En matière de patrimoine, la baisse des crédits alloués aux musées est, finalement, la sanction de la réussite des efforts réalisés par ces derniers. Se posera toutefois la question de la marge budgétaire des musées, dont on sait bien qu'ils sont de formidables vecteurs de culture et d'activité économique, au travers notamment du tourisme.

Nous nous réjouissions de l'organisation d'un loto du patrimoine. Il est pertinent d'avoir fléché cette participation vers la Fondation du patrimoine, qui est un système souple, réactif, très implanté sur le plan territorial, extrêmement performant et très reconnu par les citoyens. Sur le plan local, la Fondation du patrimoine est une référence sur les questions patrimoniales, y compris pour ce qui concerne le patrimoine non classé.

Néanmoins, des questions se posent. Quid de l'accompagnement des collectivités et des associations après la suppression de la réserve parlementaire ? Le compte n'y est pas. Il faudra suivre de près ce sujet.

La question du patrimoine culturel du XX e siècle, qui concerne beaucoup de centres-bourgs et de centres-villes, est colossale mais pas complètement traitée. Pour l'instant, ce patrimoine n'a pas fait l'objet d'un inventaire précis. Or, les bâtiments, construits au même moment, se dégradent massivement au même moment. Ce patrimoine mérite, à l'avenir, une politique et des financements spécifiques.

Il faut faire le bilan de la loi de 2003 sur le mécénat et renforcer celui-ci.

L'accès du plus grand nombre à la culture est un objectif. Il faut renforcer et encourager les structures d'acculturation aux questions d'architecture, de patrimoine, d'aménagement. Une culture commune est nécessaire si l'on veut à la fois envisager, demain, une amélioration qualitative pour nos villes et nos paysages et donner les clés de compréhension du patrimoine à nos citoyens.

M. Pierre Laurent . - Nous discutons d'évolutions minimes. À nos yeux, le budget de la culture reste d'une insigne faiblesse. Cela dure depuis des années. Nous ne sommes décidément pas à la hauteur des enjeux structurels.

Je continue de m'inquiéter des perspectives plus générales qui ont été révélées dans la presse. La ministre nous a dit de ne pas nous affoler, qu'il ne s'agissait que d'un recensement des pistes étudiées et que rien n'était tranché, mais il n'y a, dans cette liste, que des perspectives inquiétantes.

Il ne faut pas oublier que tout cela s'inscrit dans une situation de fragilisation générale du secteur. Je rappelle que 59 % des collectivités territoriales ont réduit leur budget culturel.

Nous nous inquiétons particulièrement de plusieurs signes de fragilisation du soutien à la création et de l'emploi culturel. On ne peut pas nous dire que la priorité est maintenant donnée à la diffusion et à la démocratisation, parce que la démocratisation sans soutien à la création ne fonctionne pas.

On note un léger progrès sur l'éducation artistique, mais nous restons très vigilants, voire inquiets sur l'évolution du Pass culture, sur son contenu et son soutien éventuel à des politiques publiques réelles menées en direction des jeunes et des enfants tout au long de leur scolarité, en lien avec le soutien à la création et à la diversité culturelles.

Enfin, je renouvelle mon souhait que l'on puisse auditionner au plus vite M. Roch-Olivier Maistre, peut-être avant même que la ministre ne rende ses conclusions sur la « maison commune de la musique ».

Mme Catherine Morin-Desailly, présidente . - C'est prévu.

Mme Françoise Laborde . - Je souscris à de nombreuses remarques de Sonia de la Provôté. Il aurait peut-être mieux valu ne pas accorder tout de suite « autant » d'argent au Pass culture et en consacrer davantage à l'EAC, pour permettre à celui-ci de monter en puissance.

Le « plan conservatoires » n'en est pas un... Ce nom est presque une tromperie ! Il s'agit en fait d'un « plan chorales ».

Mme Catherine Morin-Desailly, présidente . - Tout à fait !

Mme Françoise Laborde . - Bien sûr, nous sommes attachés à l'emploi dans la création. Cependant, nous savons également que les oeuvres créées sont assez peu diffusées. L'aide à la diffusion est elle aussi très importante.

Tous les budgets présentent des incohérences. Ils privilégient telle ou telle ligne, selon des choix politiques, au sein d'une enveloppe qui reste plus ou moins la même. Aujourd'hui, ce sont les collectivités qui subiront une double peine, puisque certains budgets diminuent, faisant naître des inquiétudes.

Pour ce qui concerne les musées, j'espère que la diminution des budgets du Louvre et d'Orsay se fait au bénéfice des musées de province.

Les expérimentations dans les régions sont positives, mais elles sont rarement étendues à toutes les régions, parce que l'on se rend compte qu'elles coûtent cher.

Cela dit, le groupe du RDSE sera favorable à l'adoption des crédits de la mission.

M. Bruno Retailleau . - Je veux revenir sur le Pass culture. Le bonus cultura italien est un mauvais exemple. La modernité ne vient pas toujours de Paris ; elle vient parfois des territoires. J'ai lancé un Pass culture dans la région Pays de la Loire voilà vingt ans. Le ministère ne doit pas se lancer dans une usine à gaz qui n'aurait d'autre effet que d'accroître les tendances de consommation culturelle des jeunes de dix-huit ans.

Depuis vingt ans, de nombreuses régions ont lancé un dispositif de Pass culture ou de Pass culture-sport. Il est inconcevable que l'État lance une initiative similaire sans les consulter, alors que les régions ont désormais une expertise, pour les jeunes de dix-huit ans comme pour les lycéens. Pour le moment, je ne vois aucune articulation, aucune réflexion commune entre les régions et l'État. C'est le vieux monde ! Il faut demander à l'État ce tuilage avec les régions.

Quand nous avons lancé le Pass culture en région, nous avons rencontré de nombreux obstacles. Nous sommes parvenus à surmonter ces difficultés. Nous sommes prêts à mettre notre expérience à la disposition du ministère.

Mme Maryvonne Blondin . - Je veux à mon tour remercier les rapporteurs, notamment de la possibilité nouvelle, intéressante et importante, qu'ils nous ont laissée de participer aux auditions.

Certes, ce budget marque une hausse des crédits du programme 224. Cependant, son augmentation globale de 1,1 % se fait au prix d'une baisse des crédits du patrimoine.

Lors de l'examen des précédents budgets, nous avons considéré que la création était riche, mais la diffusion très pauvre. Il est important d'appuyer ce secteur.

Les collectivités territoriales vont se retrouver confrontées à des budgets en diminution. Si l'on y ajoute les baisses des dotations de l'État, on comprend que les artistes et les entreprises culturelles se retrouvent dans une situation quelque peu difficile.

Madame Robert, vous avez soulevé les points sur lesquels nous devons faire preuve de vigilance. La situation est aggravée par le coût des mesures de sécurité. À cet égard, je regrette l'imprécision de certaines des réponses que la ministre nous a données lors de son audition. Nous avons beaucoup d'interrogations sur le transfert du fonds d'urgence.

Je veux attirer l'attention sur le Fonpeps, qui a démarré en 2017. Celui-ci constitue un vrai point d'équilibre dans l'accord que nous avions trouvé en avril 2016. Quatre de ses mesures restent à définir. Je crains, compte tenu de la baisse de son budget, qui passe de 55 à 25 millions d'euros, que cette pérennisation des emplois du spectacle ne se trouve menacée, d'autant que l'une des mesures consistait en une aide.

Nous nous sommes mobilisés pour les « matermittentes », pour l'accès aux droits sociaux des femmes intermittentes du spectacle. L'une des mesures du Fonpeps prévoit des aides à la garde d'enfants des intermittents. Pourra-t-elle être mise en application ? Je crains que nous ne soyons déçus sur ce plan.

Pour ce qui concerne l'EAC, il faudra évidemment des artistes pour respecter les jumelages et assurer les pratiques artistiques dans les écoles. Beaucoup de ces pratiques existent déjà dans des collectivités. Elles sont aussi assurées par les quelque 35 000 associations culturelles et entreprises solidaires et culturelles de France. Elles connaissent de véritables difficultés, parce qu'elles employaient des contrats aidés, qu'elles pérennisaient par la suite.

Bien évidemment, le groupe socialiste et républicain donnera un avis favorable à l'adoption des crédits de la mission.

Mme Colette Mélot . - De nombreux sujets attirent notre vigilance, notamment le Pass culture. Comme l'a dit Bruno Retailleau, il faut trouver une liaison entre les régions et l'État. L'intérêt d'un Pass culture organisé par le ministère est de lui donner une plus large audience, mais il faut prendre en compte ce qui existe déjà.

Je regrette que de nombreux points aient été laissés de côté : je pense au classement des conservatoires.

Il convient, bien sûr, de mettre l'accent sur les difficultés des collectivités locales, lesquelles ne leur permettent pas de considérer la culture comme une priorité.

Il est vrai que l'accès à la culture se fait souvent au détriment du patrimoine, les politiques conduisant à la gratuité représentant autant de manque à gagner pour les musées et les monuments nationaux.

Le « loto du patrimoine » est une bonne idée.

Le rapport de M. Yves Dauge, que la commission auditionnera prochainement, apportera sans aucun doute une contribution intéressante pour la revalorisation des centres anciens dégradés.

Le groupe Les Indépendants - République et Territoires est favorable à l'adoption des crédits de la mission, tout en demeurant vigilant.

M. Alain Schmitz . - J'ai eu la chance de pouvoir exercer les fonctions de délégué de la Fondation du patrimoine en région Île-de-France pendant trois ans.

Les conséquences de la suppression de la réserve parlementaire seront réellement dramatiques pour les plus petites communes en matière de restauration du patrimoine. La ministre de la culture a indiqué qu'elle avait débloqué une enveloppe de 15 millions d'euros pour venir en aide aux communes de moins de 2 000 habitants, ce qui est dérisoire par rapport aux besoins de nos communes, notamment rurales. Restaurer un édifice en effectuant des reprises en sous-oeuvre représente souvent plusieurs fois le budget que la commune peut consacrer chaque année à ce type de travaux.

Effectivement, le nombre des successions en déshérence, élément moteur pour la vie même de la Fondation du patrimoine, a chuté de manière vertigineuse : en l'espace de trois ans, la recette correspondante est passée de 15 millions d'euros à 5 millions d'euros. Les plateformes de participation ne pourront pas compenser cette chute.

Bref, il est absolument indispensable, indépendamment du loto et de toutes les mesures annexes, que l'État fasse un effort en direction des petites communes, surtout en matière de patrimoine non protégé.

M. Pierre Ouzoulias . - Je partage les vives inquiétudes qui viennent d'être exprimées, d'autant que je suis moi-même très dubitatif par rapport à certaines mesures qui ont été annoncées, notamment la mission d'identification du patrimoine immobilier en péril, qui est considérée comme un outil novateur et dont l'objectif est de « signaler un bâtiment présentant un intérêt patrimonial ». Cela existe déjà aujourd'hui : c'est la base Mérimée, accessible sur Internet et constituée par les services de l'inventaire général du patrimoine culturel, créé par André Malraux, qui ont fait un travail exemplaire.

Je doute que des monuments puissent aujourd'hui ne pas être recensés dans la base Mérimée. Laisser accroire aux particuliers qu'ils pourraient concevoir eux-mêmes un outil qui existe déjà, témoigne, au mieux, d'une méconnaissance du ministère et, au pire, d'une méfiance à l'égard d'un travail scientifique réalisé pendant des années. Malheureusement, la personnalité médiatique de Stéphane Bern me fait plutôt envisager la seconde hypothèse...

En tant qu'historien, je suis inquiet, parce que je trouve que cela s'inscrit dans un mouvement de fond qui consiste à dire que les historiens ont privé le peuple de sa relation directe avec le patrimoine. Ce discours populiste est extrêmement dangereux.

Au reste, cela n'apporte ni des crédits ni des fonctionnaires en région pour gérer les dossiers, alors que ces besoins restent fondamentaux. Le « loto Bern » ne garantira pas qu'il y ait toujours, dans les DRAC, des agents pour monter les dossiers, en relation avec les architectes en chef.

Mme Marie-Pierre Monier . - Je me joins aux remerciements de Maryvonne Blondin sur l'ouverture des auditions à l'ensemble des membres de la commission. C'était une excellente idée.

Ce budget comporte des points positifs : il prend en compte les recommandations d'Yves Dauge, crée un fonds spécifique, doté de 15 millions d'euros, pour la restauration du patrimoine des communes de moins de 2 000 habitants...

Toutefois, après transferts, les crédits du programme « Patrimoines » sont en baisse de près de 4 % en AE et de 0,28 % en CP, d'après les chiffres de la loi de finances rectificative. À périmètre constant, la baisse est effective, compte tenu notamment du déplacement des crédits vers le programme 224.

Selon moi, le budget n'est pas en cohérence avec les propos de la ministre, qui, lors de son audition, a déclaré que le patrimoine constituerait un axe fort.

Les crédits du patrimoine monumental baissent de 0,46 %, alors que ce secteur connaît une situation critique depuis quinze ans et que la question de l'entretien des monuments historiques est une mission majeure pilotée par l'État. Cette diminution n'est donc vraiment pas pertinente.

De même, les crédits de l'action 3, « Patrimoine des musées de France », et de l'action 8, « Acquisition et enrichissement des collections publiques », connaissent une baisse préoccupante : elle va impacter les petits musées de province qui vivent principalement des subventions de l'État. Je crains que ce ne soit un coup porté à la revitalisation des centres-bourgs.

Revenir sur les crédits de l'archéologie préventive, qui sont en baisse de 1,1 %, c'est réduire d'autant les moyens de poursuivre les projets déjà engagés des centres de conservation et d'étude, les CCE, ou de financer de nouveaux projets. Je rappelle que les CCE jouent un rôle majeur en matière de conservation du patrimoine archéologique, dans le double but de favoriser la recherche et de valoriser ce patrimoine. C'est fondamental dans les territoires, non seulement pour l'accès de tous aux éléments de l'histoire locale, qui est un élément fort du lien social, mais aussi pour favoriser l'acceptabilité des recherches archéologiques, en particulier de l'archéologie préventive.

Je ne remets pas en cause l'intérêt de la création du loto du patrimoine, mais je regrette qu'il soit organisé au profit de la seule Fondation du patrimoine, et qu'on ne permette pas, par exemple, au CMN d'en bénéficier également.

Mme Sylvie Robert, rapporteur pour avis . - Je constate que vous partagez ma grande réserve sur la question du Pass culture...

Monsieur Retailleau, une mission d'inspection a été confiée à quatre inspecteurs généraux des affaires culturelles, pour étudier les dispositifs qui ont été mis en place en région, leurs succès et leurs écueils. Il serait d'ailleurs intéressant que nous ayons accès à ce rapport. Dans mon rapport pour avis, j'ai veillé à demander une vraie articulation avec les dispositifs qui existent déjà dans les régions et qui ont fait leur preuve. Pour certaines régions, comme en Bretagne - je parle en connaissance de cause -, cela n'a pas été si facile... Je me félicite que d'autres régions aient réussi à mettre en place de tels dispositifs, qui, d'ailleurs, ne remplissent pas nécessairement les mêmes finalités que le Pass culture.

Nous devons être très vigilants sur le financement. Il faudra bien que l'État trouve ces 140 millions d'euros ! Il pourrait y avoir des redéploiements. Nous devons également très vigilants sur les finalités.

Le document budgétaire énonce beaucoup d'objectifs. De nombreux chantiers sont annoncés, certains étant d'ores et déjà ouverts. Avant-hier, une première réunion s'est tenue sur les préconisations du rapport de Roch-Olivier Maistre, avec les acteurs de la filière.

Nous ne disposons pas encore de résultats, mais nous n'en sommes qu'au début du quinquennat. C'est véritablement l'année prochaine que nous connaîtrons la vérité sur le budget, sur tous ces chantiers et sur les résultats attendus. Nous devons vraiment rester vigilants.

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Mme Catherine Morin-Desailly, présidente . - Nous avons bien noté les réserves de nos rapporteurs sur ces budgets. Si les intentions sont bonnes, certaines imprécisions suscitent des inquiétudes.

J'émets les plus grandes réserves sur le Pass culture. Une mission a été confiée à quatre inspecteurs généraux du ministère de la culture. Ils se sont rendus en Normandie. Je les ai également reçus au Sénat. Ils ne semblaient pas manifester un grand enthousiasme pour le Pass...

La somme de 140 millions d'euros doit être mise en perspective avec les crédits alloués à l'éducation artistique et culturelle et avec le déficit qui persiste toujours pour nos conservatoires. Je rappelle que la ligne dédiée aux conservatoires de l'État, pour l'accompagnement de la mission de celui-ci, l'enseignement supérieur et préprofessionnel, s'élevait à 35 millions d'euros en 2012. Puis, la ligne commence à baisser, jusqu'à être supprimée puis rétablie. Aujourd'hui, avec 3 millions d'euros supplémentaires, on n'arrive qu'à 20 millions d'euros...

On aurait déjà pu retrouver une ligne budgétaire normale, celle d'avant la chute drastique du budget de ces établissements, aujourd'hui essentiellement financés par nos villes, voire nos intercommunalités avec les plus grandes difficultés. Nous devons être attentifs car ces établissements d'enseignement artistique sont des pôles ressources pour un territoire de référence. S'ils doivent assumer un certain nombre de missions que leur confère le ministère, il faut aussi qu'ils soient confortés dans leurs missions premières.

D'ailleurs, je note que le « plan chorales » concerne, en réalité, le premier cycle, qui, selon la loi de décentralisation de 2004, relève plutôt des communes. Les crédits auraient plutôt dû être inscrits sur le budget du ministère de l'éducation nationale, en lien avec les communes, le ministère de la culture continuant à jouer son rôle au niveau des troisièmes cycles.

Notre rapporteure nous a proposé de suivre de près la mise en oeuvre du chantier de l'éducation artistique. Ne serait-il pas pertinent d'y ajouter les enseignements artistiques ? Ces sujets sont liés.

Mme Sylvie Robert, rapporteure pour avis . - Absolument !

Mme Catherine Morin-Desailly, présidente . - Enfin, je vous propose de constituer un groupe de travail sur le Pass Culture.

Il en est ainsi décidé .

La commission émet un avis favorable à l'adoption des crédits de la mission « Culture » du projet de loi de finances pour 2018.

LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES

Secrétariat général du ministère de la culture

M. Arnaud ROFFIGNON, directeur, secrétaire général adjoint , et M. Benoit PROUVOST, chef du département de la programmation et des moyens

Direction générale de la création artistique du ministère de la culture

Mme Régine HATCHONDO, directrice générale , M. Stéphane MARTINET, sous-directeur des affaires financières et générale par intérim , et de Mme Marie AMELLER, chargée de mission au affaires financières et générales

Centre national de la chanson, des variétés et du jazz (CNV)

M. Philippe NICOLAS, directeur

Association des conservatoires de France

M. Jean-Marcel KIPFER, président , et M. Thibault ROY, membre du bureau

Association nationale des écoles d'art (ANdEA)

M. Jean-Michel GÉRIDAN, directeur de l'École supérieure d'art de Cambrai, vice-président de l'ANdEA en charge de la formation , Mmes Danièle YVERGNIAUX, directrice de l'École européenne supérieure d'art de Bretagne, membre du conseil d'administration de l'ANdEA , Maud Le GARZIC, coordinatrice de l'ANdEA

CGT Spectacles

Mme Angeline BARTH, secrétaire général adjointe et M. Rémi VANDER HEYM, secrétaire général du SYNPTAC-CGT

Syndicat des entreprises artistiques et culturelles (SYNDEAC)

M. Cyril SEASSAU, directeur

Union fédérale d'intervention des structures culturelles (UFISC)

Mme Patricia COLER, déléguée générale , M. Serge CALVIER, Mme Julie DESMIDT et Mme Chloé SECHER, administrateurs

Table-ronde des associations représentant les collectivités territoriales :

- Fédération nationale des collectivités territoriales pour la culture (FNCC)

Mme Déborah MüNZER, Présidente

- Assemblée des Départements de France (ADF)

Mme Gaëlle CHARLEMANDRIER, conseillère technique chargée de l'éducation, de la culture et des sports , et Mme Marylène JOUVIEN, conseillère chargée des relations avec le Parlement

- France Urbaine

MM. Marc CHASSAUBENE, adjoint au maire de Saint-Étienne et M. David CONSTANS-MARTINI, Conseiller éducation et culture

Contributions écrites :

Fédération des professionnels de l'art contemporain (CIPAC)

Fédération des réseaux et associations d'artistes plasticiens (FRAAP)

ANNEXE

Audition de Mme Françoise Nyssen, ministre de la culture

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MERCREDI 22 NOVEMBRE 2017

Mme Catherine Morin-Desailly, présidente . - Je vous remercie, madame la ministre, de venir pour la deuxième fois devant nous. Après avoir abordé, le mercredi 25 octobre dernier, la mission « Médias, livre et industries culturelles », vous nous présentez aujourd'hui les crédits de la mission « Culture ». Nous disposerons ainsi de tout le temps nécessaire pour vous interroger sur les nombreuses questions qui nous préoccupent, depuis l'application de la loi relative à la liberté de création, à l'architecture et au patrimoine, jusqu'aux dotations affectées à l'éducation artistique et culturelle ainsi qu'aux enseignements artistiques. La stratégie pluriannuelle en faveur du patrimoine, que vous avez présentée vendredi dernier, ouvre aussi un nouveau chantier de discussion.

Je vous remercie également d'avoir bien voulu apporter votre soutien à l'amendement que j'ai fait adopter par le Sénat à l'occasion de l'examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale. Avec Sylvie Robert, nous étions très préoccupées par la situation des auteurs qui, à l'inverse de la plupart des personnes assujetties, ne pouvaient voir l'augmentation de la CSG compensée par l'abaissement d'une cotisation dont ils ne sont pas redevables. Souhaitons qu'une solution durable puisse être apportée afin de ne pas fragiliser un peu plus la situation des artistes-auteurs.

J'espère que nous pourrons également compter sur votre soutien pour que vive l'amendement que notre commission a adopté ce matin, qui vise à sortir de l'assiette de l'impôt sur la fortune immobilière les monuments historiques dès lors que les propriétaires s'engagent à en conserver la propriété pendant au moins quinze ans, et à ouvrir leur demeure au public.

Mme Françoise Nyssen, ministre de la culture . - C'est un budget non seulement préservé - comme s'y était engagé le Président de la République - mais conforté que je vous présente aujourd'hui. L'effort de l'État en faveur de la culture s'établira à près de 10 milliards d'euros l'an prochain.

Vous m'aviez donné l'occasion de m'exprimer largement, le 25 octobre dernier, sur ma politique en matière d'audiovisuel, ainsi que sur le livre et les industries culturelles. Je suis très heureuse de vous présenter aujourd'hui le budget de la mission « Culture ».

Il s'établira à plus de 2,9 milliards d'euros, en hausse de près de 1,5 % par rapport à 2017, en tenant compte des débats intervenus à l'Assemblée nationale. Dans un contexte budgétaire contraint, le budget ainsi alloué au ministère de la culture en 2018 constitue un signal fort.

C'est la marque du rôle primordial attaché à la culture dans le projet présidentiel. Primordial comme levier d'émancipation, d'abord - l'accès à la culture peut aider ceux qui souffrent d'exclusion, dans notre pays, à relever la tête et à revenir dans le jeu ; primordial comme vecteur de cohésion, aussi, car tout ce que nous avons en commun - la langue, l'Histoire, le patrimoine, les valeurs - donne du sens à la solidarité.

Mais pour que la culture joue ce double rôle, il faut lutter contre les inégalités et les fractures qui la traversent elle-même. Tous les citoyens n'ont pas aujourd'hui la même autonomie dans leurs choix culturels : certains sont contraints par des déterminismes, par des barrières géographiques, sociales, économiques ou psychologiques.

Une grande partie de nos concitoyens n'a pas accès à l'offre et aux services culturels que ce ministère soutient. C'est à eux que je souhaite m'adresser en priorité. Nous irons au-devant de ceux que ce ministère n'a pas réussi à toucher jusque-là : dans les zones rurales et périurbaines, dans les villes moyennes, les outre-mer, les quartiers des politiques de la ville.

Pour cela, j'ai pris un parti clair : la politique culturelle que je porte est une politique culturelle de proximité. Ce budget en est la traduction directe : les moyens sont rééquilibrés en faveur des territoires. Sur la mission « Culture», les crédits déconcentrés auprès des directions régionales des affaires culturelles (DRAC), les directions régionales de l'action culturelle, seront portés, en 2018, à un niveau sans précédent : ils augmenteront de près de 43 millions par rapport à 2017, pour s'établir à 813 millions d'euros.

J'ai par ailleurs demandé à mes services d'examiner les missions et les crédits aujourd'hui gérés à Paris qui devraient ou qui pourraient être déconcentrés.

Pour conduire cette politique de proximité, nous nous appuierons sur nos opérateurs, dont le rôle national doit être pleinement mis en valeur. Nous soutiendrons aussi les associations, qui constituent un vecteur essentiel d'animation de la vie culturelle locale.

Nous coopérons encore plus étroitement avec les collectivités territoriales : j'ai proposé aux associations d'élus de bâtir pour cela un nouveau cadre de contractualisation, plus souple, plus solidaire. Nous avons travaillé ensemble à une déclaration commune qui marque notre volonté de refonder le dialogue entre l'État et les collectivités territoriales en partant des projets dans les territoires, au profit notamment des plus fragiles et des plus éloignés de la culture et en systématisant l'éducation artistique et culturelle.

Nous nous appuierons sur quatre relais privilégiés. L'école, pour commencer. Pour que la culture soit un levier d'émancipation pour chaque citoyen, elle doit occuper une place structurante dans le développement de chaque enfant. Nous allons la mettre au coeur du nouveau modèle d'école bâti par le Gouvernement. C'est une ambition que je porte avec Jean-Michel Blanquer. Nous avons défini deux priorités : la pratique artistique et la lecture. Nous allons, d'ici à 2022, en faire une réalité hebdomadaire pour tous, de la maternelle au lycée.

Le budget de l'éducation artistique et culturelle augmentera significativement dès l'année prochaine : il sera donc de 114 millions d'euros, en hausse de 35 millions. Nous allons également renforcer le pilotage ministériel de cette politique. Les crédits étaient jusque-là dispersés : nous avons souhaité les rassembler au sein d'un seul et même programme et les renforcer.

Pour développer la pratique artistique, nous allons généraliser à court terme un outil simple et concret : les chorales. Trois millions seront consacrés à leur développement l'an prochain, aux côtés des moyens mobilisés par le ministère de l'éducation nationale. L'objectif est qu'un établissement sur deux soit doté d'une chorale à la rentrée de septembre 2018, contre un établissement sur quatre aujourd'hui, et d'atteindre 100 % des établissements dès l'année suivante. Je souhaite aussi qu'une « Fête de la musique à l'école » voie le jour : la première édition aura lieu le 21 juin 2018.

Nous développerons dès l'année prochaine les jumelages entre établissements scolaires et établissements culturels locaux : nos structures labellisées, les structures soutenues par les collectivités, comme les conservatoires, et les lieux patrimoniaux. L'objectif est d'atteindre 100 % d'écoles jumelées d'ici à 2022, pour favoriser les sorties et les activités culturelles. Nous soutiendrons aussi toutes les actions entreprises hors temps scolaire, évidemment.

Dans le prolongement de cet effort massif en direction des jeunes, nous mettrons en place le « Pass culture » : un passeport culturel pour accompagner l'entrée dans l'âge adulte et la citoyenneté. Il prendra la forme d'une application mobile qui permettra aux jeunes d'avoir un accès géolocalisé à l'offre de spectacles, aux différents biens culturels et aux pratiques artistiques. Pour le construire, je souhaite associer toutes les parties prenantes : les futurs usagers d'abord - c'est-à-dire les jeunes -, les partenaires publics et privés de l'offre et les collectivités territoriales. Nous créerons un premier événement de concertation et de co-construction, un « Open Lab » qui aura lieu en décembre. L'offre et son éditorialisation seront testées auprès des jeunes et une première version du Pass sera prête pour la rentrée de septembre 2018. Cinq millions d'euros sont prévus dans le budget 2018 pour mener ces étapes et concevoir l'outil.

Le second relai de notre politique culturelle de proximité, ce sont les bibliothèques. C'est un service public ouvert à tous et accessible sur tout le territoire. On en compte plus de 16 000 : c'est autant que de points de contact de La Poste. 90 % de nos concitoyens en ont une à moins de 20 minutes de chez eux. Elles sont le premier réseau culturel de proximité.

Comme vous le savez, j'ai confié une mission à Erik Orsenna, qui me rendra ses conclusions d'ici la fin de l'année. L'objectif est d'aider les bibliothèques à ouvrir plus largement. L'État apportera un accompagnement financier. Avec Gérard Collomb, nous avons engagé une mission conjointe de nos inspections pour quantifier les moyens à mobiliser.

Mais tout ne se résume pas à des moyens financiers. L'objectif est aussi d'aider les bibliothèques à ouvrir « mieux », pour devenir ce que j'appelle des « maisons de services publics culturels », c'est-à-dire des lieux qui proposent - comme elles sont déjà nombreuses à le faire - davantage que le seul prêt de livres : des services d'aide aux devoirs, des cours de français ou de langue étrangère, des ateliers d'aide à la rédaction de curriculum vitae ...

Nous allons accompagner ce mouvement dès l'année prochaine. Les DRAC se rendront disponibles pour réunir autour de la table les différentes parties prenantes - élus, bibliothécaires, structures sociales et associations locales - et accompagner les projets d'ouverture. J'ai posé un objectif : à la fin de l'année 2018, je souhaite que nous ayons aidé 200 bibliothèques, soit deux par département, à s'engager dans une transformation.

Le troisième relais de notre politique culturelle, de proximité, c'est le patrimoine, l'une des ressources culturelles les plus équitablement réparties sur notre territoire. Sur près de 45 000 monuments historiques protégés en France, la moitié se situe dans des communes de moins de 2 000 habitants.

J'ai présenté, vendredi dernier, ma « stratégie pluriannuelle en faveur du patrimoine », faite de 15 grandes mesures.

Comme vous le savez, elle s'appuiera sur un budget renforcé. Les moyens dédiés à l'entretien et à la restauration du patrimoine s'établiront à 326 millions d'euros en 2018, en hausse de 5 % par rapport à 2017. C'est un niveau qui n'a pas été atteint depuis dix ans. Ce budget sera sécurisé sur la durée du quinquennat : les 326 millions seront reconduits chaque année.

Nous dirigerons un effort particulier vers les petites communes et vers les territoires en situation de désertification, parce que le patrimoine peut y être un levier de revitalisation essentiel. Ainsi, parmi les 15 mesures, un fonds spécifique de 15 millions d'euros sera créé dès 2018 pour la restauration du patrimoine situé dans les communes de moins de 10 000 habitants, notamment les petites communes de moins de 2 000 habitants.

Une expérimentation sur la revitalisation des centres villes anciens est en train d'être conduite dans 17 villes de France. Plusieurs ministères y participent, dont le ministère de la culture, qui y consacrera 9 millions l'an prochain.

Enfin, j'ai annoncé que le Gouvernement proposera la création d'un « loto du patrimoine » pour le patrimoine en péril dans le cadre du projet de loi de finances rectificative. Il pourrait rapporter autour de 20 millions d'euros et serait affecté à la Fondation du patrimoine. Une plateforme est en ligne depuis vendredi dernier, pour accompagner la mission de Stéphane Bern sur le patrimoine en péril en permettant aux citoyens de signaler des monuments situés près de chez eux.

Enfin, dernier relai fondamental de notre politique culturelle de proximité : les artistes et les créateurs ; j'aurais pu commencer par-là, car il n'y a pas de vie culturelle sans eux. Leur soutien sera conforté l'an prochain et la dotation portée à près de 780 millions, avec, notamment, une hausse des crédits des structures labellisées. Les moyens nouveaux dégagés, 6 millions, seront réservés aux projets qui touchent les publics et les territoires éloignés : résidences dans des zones rurales ou des quartiers ; projets hors-les-murs, itinérance...

Pour soutenir la création, nous allons aussi continuer de veiller aux conditions de vie des professionnels.

Je rappelle que nous avons identifié une solution pour compenser la hausse de la CSG pour les artistes-auteurs. Elle porterait sur la retraite de base et serait donc inscrite dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale. J'ai annoncé dès mardi dernier à l'Assemblée nationale, que nous envisagions cette solution, qui est donc en cours d'expertise ; et un amendement a été voté ici même, au Sénat, dans le cadre de l'examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale, permettant d'aller vers une telle solution. Un autre amendement avait également été déposé qui allait dans le même sens. Je tiens à saluer cet engagement du Parlement en faveur des artistes-auteurs.

Un mot également des artistes et techniciens intermittents du spectacle : nous serons bien sûr extrêmement attentifs à l'application de l'accord de 2016.

Pour soutenir la création, toujours, nous allons aussi l'aider à gagner en visibilité. Nous investirons dans de nouveaux lieux de diffusion. La Cité du théâtre aux Ateliers Berthier en est l'exemple le plus parlant ; elle réunira l'Odéon, la Comédie française, le Conservatoire national d'art dramatique. Je souhaite que nous lancions, en 2018, l'équivalent des Journées du Patrimoine pour la création, avec des portes ouvertes pour le public dans les lieux de création partout en France.

Pour soutenir la création, enfin, nous allons aider les filières à se structurer. J'ai rendu public, la semaine dernière, le rapport que j'avais commandé en juin dernier à Roch-Olivier Maistre sur la « Maison commune de la musique ». Il confirme la pertinence d'un opérateur public au service de toutes les musiques. Roch-Olivier Maistre présentera son rapport à l'ensemble de la filière dans les jours à venir et nous mènerons les consultations avec les organisations du secteur pour annoncer, au plus tard début janvier, les décisions du Gouvernement.

Pour soutenir la création, enfin, nous allons l'accompagner plus encore à l'international. Je mobiliserai l'Institut français - le ministère a, je le rappelle, retrouvé une cotutelle l'an dernier avec le ministère de l'Europe et des affaires étrangères. Nous allons par ailleurs renforcer largement le soutien aux musiciens français : j'ai proposé la semaine dernière un amendement adopté en séance publique à l'Assemblée nationale, qui augmente à nouveau le financement du Bureau Export de 500 000 euros supplémentaires, sachant que le PLF prévoyait déjà une hausse de 800 000 euros. La contribution du ministère de la culture telle que je l'ai proposée est ainsi multipliée par quatre par rapport à son niveau de 2015.

J'ai de grandes ambitions pour la musique. Je suis prête à mobiliser toutes les administrations, et même d'autres ministères, au service de la filière.

Le droit à la vie culturelle et artistique est un droit fondamental pour tous ceux qui vivent dans notre pays, qu'ils soient nés ici ou à l'étranger. Mais il demeure, pour beaucoup, un droit théorique. Nous voulons en faire un droit réel pour tous, avec ce budget et grâce à cette politique culturelle de proximité.

M. Philippe Nachbar, rapporteur pour avis du programme « Patrimoines » . - Je vous remercie, madame la ministre, de votre intérêt pour les petites villes et les villages, dont les moyens financiers sont limités.

Comme chaque année, je m'inquiète de la sous-consommation des crédits de l'action « patrimoine monumental ». Comment y remédier ?

Mes auditions m'ont alerté sur un problème touchant certains monuments historiques privés ouverts au public. A l'occasion d'une succession ou en raison de difficultés financières auxquelles se heurtent les propriétaires, des châteaux sont vendus, qui se ferment du même coup au public, ou bien encore leur mobilier, leur bibliothèque, sont dispersés, les laissant comme des coquilles vides. Je pourrais vous citer un exemple dans mon département et il en est de nombreux en Île-de-France. C'est dramatique pour le patrimoine et pour son attrait touristique. L'amendement que notre présidente a fait adopter par notre commission ce matin sur l'exemption de l'impôt sur la fortune immobilière (IFI) pourra contribuer à améliorer les choses mais au-delà, ne serait-il pas urgent de lancer une politique d'aide aux propriétaires privés, sous la condition d'une ouverture au public ?

Ma troisième question, enfin, concerne l'application du rapport Dauge. Le lancement d'un programme de revitalisation des bourgs centres me semble une excellente initiative. J'ai bien noté que 17 petites villes avaient été retenues - dont deux dans mon département - mais j'aimerais en savoir plus sur les critères retenus. Comment le ministère interviendra-t-il, à court terme, pour aider les collectivités à réhabiliter un patrimoine menacé d'une irrémédiable dégradation ?

Mme Catherine Morin-Desailly, présidente . - Nous entendrons Yves Dauge au début du mois de décembre. Nous engageons une réflexion sur le sujet, en lien avec la délégation aux collectivités territoriales et la délégation aux entreprises.

Mme Françoise Nyssen, ministre . - Sur la consommation des crédits pour les monuments historiques, la comparaison entre la loi de finances et l'exécution fait traditionnellement apparaître un écart lié au gel de 8 % et aux redéploiements susceptibles d'être effectués vers d'autres secteurs patrimoniaux, selon les nécessités. Il n'y a donc pas d'incohérence. En 2017, 100 % des crédits disponibles seront exécutés. L'écart avec la loi de finances initiale sera donc réduit à la seule réserve de précaution.

Dans le cadre de ma stratégie pour le patrimoine, je me suis engagée à sanctuariser les crédits année après année, pour plus de visibilité sur les financements d'État. Le patrimoine, auquel les Français sont très attachés, ne doit plus être une variable d'ajustement. Lors des Journées du patrimoine, il y a eu 12 millions de visiteurs sur 17 000 lieux. Le succès du plan patrimoine et de la plateforme témoigne de l'intérêt de nos concitoyens.

Face au problème de la vente par les propriétaires privés, nous devons relever le défi de l'entretien et de la restauration des édifices. Les crédits seront sanctuarisés au cours du quinquennat à leur niveau de 2018 : 326 millions d'euros en autorisations d'engagement hors grands projets, soit une augmentation de 5 % par rapport à 2017.

Nous avons créé un fonds de 15 millions pour soutenir la restauration du patrimoine protégé en milieu rural. Les petites communes, sur lesquelles se concentre la moitié du patrimoine en péril, sont souvent démunies pour le protéger. Le fonds permettra de les aider, ainsi que les propriétaires privés.

Nous espérons que les ressources nouvelles issues du loto du patrimoine atteindront 20 millions d'euros, voire plus. La part revenant à l'État sera affectée à un fonds spécifique pour le patrimoine en péril, auprès duquel les propriétaires privés pourront aussi émarger.

La mission confiée à Stéphane Bern sur le patrimoine en péril permettra d'explorer de nouvelles pistes de financement pour l'entretien et de la restauration de nos édifices publics et privés. La réforme de l'impôt de solidarité sur la fortune (ISF) et la création de l'impôt sur la fortune immobilière sont neutres pour les monuments historiques. Ne sont assujettis que les biens dont la valeur vénale dépasse 1,3 million d'euros, après abattement de 30 % s'il s'agit d'une résidence principale.

Les monuments historiques bénéficient déjà, à juste titre, d'un régime fiscal favorable en matière de déduction des charges foncières ; l'effort fiscal de l'État est de 85 millions d'euros par an. Ils sont également exonérés de droits de succession si une convention est conclue avec l'État pour prévoir, notamment, leur entretien et l'accès au public. Mais je connais les préoccupations de certaines associations et des propriétaires de monuments historiques. Nous examinerons votre amendement avec attention.

Le rapport Dauge concerne la revitalisation des centres-bourgs. Le choix des villes est lié aux recommandations formulées par M. Dauge, en lien avec les élus locaux et les préfets. J'y attache beaucoup d'importance, ayant eu la chance, par le passé, de participer à la Commission nationale des centres culturels de rencontre. Nous défendons la culture de proximité. Je pourrais mentionner les Journées du patrimoine à Sedan, formidable exemple de revitalisation d'un centre-bourg ou l'initiative en cours à Briançon. Ramener de la vie dans les territoires en déclin fait partie de mes priorités.

Les premières actions concrètes qui seront mises en oeuvre consistent en un apport en ingénierie pour l'élaboration d'un projet de revitalisation dans l'ensemble de ses composantes. Je pense à la protection patrimoniale du logement, à l'espace public, mais aussi aux commerces culturels, comme les bibliothèques ou le cinéma. Tout cela peut contribuer à changer la configuration d'une ville.

Les Ateliers des territoires mobilisent les ministères de la culture, de la cohésion des territoires et de la transition écologique. Il y a beaucoup de réflexions en réunions interministérielles et les cabinets travaillent énormément.

Le ministère interviendra également pour financer les études préalables à la mise en place d'un site patrimonial remarquable pour les villes qui n'en sont pas dotées. L'enveloppe pour 2018 est passée de 8 à 9 millions d'euros.

Mme Sylvie Robert, rapporteure pour avis des programmes « Création » et « Transmission des savoirs et démocratisation de la culture » . - Sur les deux programmes dont je suis rapporteure, les décisions que nous allons prendre nous engageront collectivement pour les années futures. Des clarifications s'imposent.

Nous nous félicitons que l'éducation artistique et culturelle, qui bénéficie d'une augmentation de crédits, soit une priorité affichée de votre ministère.

J'ai toutefois une petite réserve : la hausse des crédits du programme 224 tient pour partie à des transferts en provenance d'autres programmes. Parmi ces transferts depuis le programme 131 se trouvent les crédits consacrés aux ateliers de fabrique artistique, qui touchent pourtant l'ensemble des habitants d'un territoire, pas seulement les jeunes. Attention à un changement de paradigme : ne fragilisons pas la création au bénéfice de la transmission, ce serait déshabiller Pierre pour habiller Paul !

Il me semblerait important de généraliser les contrats locaux d'éducation artistique aux contrats territoriaux. Certaines collectivités participent beaucoup, d'autres moins. Comment l'État fera-t-il levier ? Et doit-il le faire ? Ce sont là de véritables enjeux d'aménagement du territoire et de démocratie culturelle. La notion de contrat nous permettra d'avoir une meilleure vision d'ensemble.

Je me réjouis que le ministère de l'éducation nationale s'investisse dans l'éducation artistique et culturelle. Mais il m'a semblé ne voir que trois millions d'euros de crédits. Me serais-je trompée ?

Vous prévoyez de consacrer cinq millions d'euros au lancement d'une application liée à la mise en place du Pass culture. En Italie, les résultats ne sont pas très concluants. Faisons donc preuve de mesure. Comment financerez-vous, dans les années à venir, la part de l'État - c'est-à-dire 140 millions d'euros, les deux tiers restants devant être financés par d'autres moyens, dont ceux des collectivités territoriales ? Là encore, il ne faudrait pas déshabiller Pierre pour habiller Paul !

Sur le fond, l'idée est très sympathique. Le Pass culture permettra aux jeunes de dix-huit ans de dépenser 500 euros pour la culture. S'agit-il à vos yeux d'un véritable outil au service d'une politique publique culturelle ? Les écueils seront sans doute nombreux. Comment garantir la diversité artistique ? Comment orienter des jeunes, qui n'y sont pas forcément prédisposés par leur histoire, vers des formes culturelles qu'ils ne connaissent pas ? Comment éviter de creuser les inégalités territoriales et culturelles ? C'est tout l'enjeu du débat sur le Pass culture.

Les collectivités sont très attachées aux écoles d'art territoriales, qui sont aujourd'hui extrêmement fragilisées. Quand lancerez-vous les chantiers du LMD (licence-master-doctorat), de la recherche ou du statut des enseignants et des enseignants-chercheurs ?

Sur le programme 131, nous sommes très préoccupés par la concentration actuelle, qu'il s'agisse de musique ou de théâtre. Je pense, à cet égard, qu'il y aurait une grande réflexion à mener sur les outils de régulation. Allez-vous vous y attaquer ?

Vous nous avez donné des éléments de calendrier sur les suites de la mission confiée à Roch-Olivier Maistre en vue de la création d'une « Maison commune de la musique » sur le modèle du Centre national de la chanson, des variétés et du jazz, le CNV. Quel sera le financement de cet organisme ? S'agira-t-il de taxes ? De financement public ?

Si les structures labellisées bénéficient d'augmentations au sein du programme 131, il ne faudrait pas que les lieux indépendants concourant à remplir des missions de service public en matière d'art et de culture sur les territoires - vous avez parlé de « proximité » - soient fragilisés par manque de crédits.

Mme Françoise Nyssen, ministre . - Jean-Michel Blanquer et moi sommes d'accord sur l'éducation nationale artistique et culturelle. Il faut changer l'acronyme. Nous préférons parler de transmission artistique et culturelle, ou « TAC », plutôt que d'« EAC ».

Il faut de la clarté et de la cohérence dans le pilotage des crédits, d'où le choix d'un regroupement au sein du programme 224. Nous avons évalué que les opérateurs consacraient 30 millions d'euros à l'éducation artistique et culturelle.

Les ateliers de fabrique artistique sont des structures essentielles sur l'ensemble du territoire. Souvent mis en place dans des friches industrielles ou agricoles sur l'initiative d'artistes pour construire des espaces de travail, promouvoir les solidarités sociales et les transversalités artistiques, ils font vivre des espaces délaissés et contribuent au renouvellement durable de la création. Ils jouent surtout un rôle important en matière d'émergence d'artistes, d'animation territoriale et de lien social. À chaque déplacement, je demande à aller à la rencontre de collectifs de ce type, qui constituent un complément aux labels nationaux de création artistique. En 2018, 1,67 million d'euros de crédits vont du programme 131 « Création » vers le programme 224 « Transmission des savoirs et démocratisation de la culture ». Il ne s'agit nullement d'une suppression. Au contraire, je suis très attachée au rôle de ces structures dans nos territoires !

La contractualisation est effectivement la base. Les conventions entre l'État et les collectivités locales en faveur de la culture sont extrêmement nombreuses et diverses. Nous avons des conventions généralistes : contrats de plan, contrats de ville, contrats de ruralité... Mais il y a aussi des conventions propres au champ culturel : contrats « territoire-lecture », contrats locaux d'éducation artistique, villes et pays d'art et d'histoire, pactes et conventions de développement culturel... À l'heure actuelle, 1 000 conventions de ce type sont recensées dans le secteur culturel. Des réflexions sont engagées dans le cadre du conseil des collectivités territoriales pour le développement culturel (CCTDC), en lien avec les associations d'élus. Nous proposons de maintenir la diversité des conventions et de rénover les conventions généralistes en en créant une nouvelle génération, avec un socle commun et une clause de solidarité, pour ancrer le dispositif dans la durée.

Avec le ministère de l'éducation nationale, nous travaillons dans le même état d'esprit. Nous rêvons - je pense que nous atteindrons cet objectif - d'introduire de la pratique artistique et culturelle dans les programmes. J'ai évoqué les jumelages et les partenariats, dont j'ai encore récemment discuté avec Jean-Michel Blanquer. Il y aussi des réunions interministérielles consacrées au plan Dauge pour les petites communes.

Nous avons remis en place le Haut Conseil pour l'éducation artistique et culturelle et nous allons travailler sur la formation des intervenants.

D'un point de vue sémantique, je préfère l'expression de « passeport culturel », à celle de « pass culture ». En effet, il est très symbolique de marquer l'entrée dans l'âge adulte de la citoyenneté, après un parcours d'éducation artistique et culturelle, par un « passeport culturel ». Cela apparaîtra comme une évidence. L'ensemble des acteurs publics et privés, associations d'élus, responsables de la vie culturelle dans nos territoires voudront être associés à cette démarche innovante. Nous avons mobilisé notre collègue Mounir Mahjoubi et des start-ups pour travailler sur l'outil. Il y a un pilote dans ce projet, et les idées bouillonnent. Les jeunes doivent être associés. D'ailleurs, ils sont ravis et attendent beaucoup de cette mesure. Il faut introduire dans le Pass culture l'idée de l'accès à la pratique d'un art et de la découverte de la vie culturelle, y compris pour ceux qui en sont le plus éloignés. On peut aussi réfléchir à des possibilités de mobilité, même si la question du financement se pose. Face à ce bouillonnement, il y aura une première réunion de partage en décembre.

La première dotation pour déployer cette expérimentation, qui sera en place à la rentrée prochaine, est de 5 millions d'euros. Les discussions sur le financement s'engageront dès la semaine prochaine avec les partenaires potentiels. Nous réfléchissons aussi sur les efforts tarifaires des établissements. Nous reviendrons vers vous dès que nous aurons un peu avancé. L'important est que le processus soit lancé et suscite l'enthousiasme des jeunes. Les choses avancent bien.

Je souhaite que les questions liées au statut des professeurs des écoles nationales d'art et à celui des professeurs d'enseignement artistique fassent l'objet d'un projet commun. Les discussions avec France urbaine et l'Association des maires de France sur le coût de la réforme sont en cours.

Le rapport de Roch-Olivier Maistre sur le projet de « Maison commune de la musique », rendu public le 15 novembre dernier, est disponible sur internet. Je souscris à son analyse de la filière musicale et de ses principaux enjeux, comme la connaissance des secteurs, l'appui à l'international, le soutien à la diversité de la création musicale et le soutien aux opérateurs de festivals... Le rapport propose la création d'un centre national de la musique, projet pertinent, demandé depuis longtemps mais jamais réalisé. Il y a une convergence entre la musique enregistrée et le spectacle vivant.

Nous avons également consulté les associations du secteur musical. L'ensemble des organisations syndicales et autres parties prenantes ont réagi extrêmement positivement à ce rapport. Le secteur de la musique classique contemporaine doit être soutenu. Lorsqu'on veut avancer, on crée nécessairement des angoisses tant que les mesures ne sont pas annoncées. L'angoisse est désormais retombée. Ce rapport, clair, d'une grande qualité, prône une politique ambitieuse de la musique. L'État doit jouer un rôle stratégique, prescripteur, garant de l'intérêt général, dans la politique musicale. Et il joue aussi un rôle au travers de ses structures déconcentrées. Le rapport propose un visage unique pour incarner la politique musicale au sein du ministère. Nos priorités sont le soutien à la création musicale, la diffusion et le rayonnement national et international, la pratique artistique et l'éducation artistique et culturelle. Cela passe aussi par le partage de la valeur à l'ère du numérique, sujet capital que nous avons évoqué hier à la réunion des ministres européens de la culture et de l'éducation.

Je suis très attentive à la concentration dans le secteur du spectacle vivant ou de la musique enregistrée. Nous avons lancé une étude : certains grands festivals captent les artistes, qui ne peuvent plus se rendre dans les plus petits festivals. Différents dispositifs ont déjà été mis en oeuvre, notamment pour les TPE ou les PME où souvent la création est émergente. Je connais très bien ce sujet. Le phénomène de concentration menace la diversité culturelle ; c'est un vrai danger, et nous devons trouver des solutions.

M. Pierre Ouzoulias . - Nous avons énormément de sympathie pour la culture et d'empathie pour vos personnels et votre mission. Mais selon le ministre Gérald Darmanin, il faut réduire les dépenses de personnel, dès 2018. Ce serait un mal nécessaire. Cependant, tous les ministres que nous entendons en audition nous assurent que leur budget est sanctuarisé. Où sont donc les économies ? Avec votre budget, dans quels secteurs espérez-vous maintenir des postes, voire en créer, et où devrez-vous en réduire ?

La réduction des dotations aux collectivités territoriales aura un impact fort sur la culture, car ces collectivités sont les premiers financeurs du secteur. L'avenir est sombre. En Ile-de-France, la réduction des dotations aura pour conséquence la fermeture de nombreux établissements et festivals, y compris dans les Hauts-de-Seine, département plutôt riche. Nous devrons faire un bilan de tout ce qui aura disparu. Et c'est le cas partout en France.

Quelles seront les conséquences de la fusion des régions sur le fonctionnement des DRAC ? La région Occitanie est écartelée entre les Cévennes et les Pyrénées. Un fonctionnaire gère un territoire. Lorsqu'un territoire s'agrandit, la gestion n'est pas la même ; il n'y a aucune économie d'échelle à réaliser. C'est le géographe qui parle. Par ailleurs, les DRAC assurent parfois des missions régaliennes essentielles. Lorsqu'on rajoute des moyens pour le patrimoine, il faut aussi prévoir les postes correspondants. Ainsi, pourquoi pas un loto pour le patrimoine, mais prévoyez-vous suffisamment de fonctionnaires pour le mettre en place ? Nous sommes inquiets sur ce point.

Le Centre des monuments nationaux (CMN) conservera-t-il la gestion du Mont-Saint-Michel, essentiel pour lui en termes de péréquations avec d'autres monuments dont la fréquentation est moindre ?

Mme Françoise Laborde . - Nous ne pouvons que nous féliciter de l'augmentation de 1,5 % du budget de la culture et vous remercier. Nous nous réjouissons des bonnes relations que vous entretenez avec M. Blanquer. Trop longtemps, notre commission a vu des ministres de la culture et de l'éducation nationale qui ne se parlaient pas, au prix de nombreuses occasions manquées, notamment sur l'aménagement du temps scolaire. J'espère que cette époque est révolue et que les relations sont bonnes. M. Blanquer l'affirme.

Mme Françoise Nyssen, ministre . - Je l'affirme aussi.

Mme Françoise Laborde . - C'est bien ! Une question perfide : comment choisirez-vous les deux bibliothèques par département que vous souhaitez aider ?

M. Jean-Raymond Hugonet . - Par un tirage du loto ?

Mme Françoise Laborde. - Je ne pense pas au loto de M. Bern.

Mme Catherine Morin-Desailly, présidente . - C'était au départ une idée de François de Mazières...

Mme Françoise Laborde . - Sous réserve que le Bureau du Sénat décide de sa reconstitution et que je sois reconduite dans mes fonctions de présidente, je proposerai que le groupe d'études sur les arts de la scène, de la rue et les festivals en région puisse participer à la communication et à l'aide à l'organisation des Journées du patrimoine et de la création. Nous aurions également beaucoup à dire sur la concentration des festivals, mais vous avez déjà répondu sur ce point.

Un travail de fond doit être mené sur le Pass culture. Des collectivités territoriales réalisent déjà des actions avec un véritable accompagnement par un adulte, pour aider à l'éducation culturelle. Certes, une part des achats se fait aussi dans des lieux privés, mais l'adulte provoque une vraie réflexion. Soyons vigilants sur le travail conjoint de l'éducation nationale et de la culture. Nous y reviendrons en 2018, à la faveur d'études ou de textes de loi.

M. Laurent Lafon . - Comme le rapporteur, j'apprécie le Pass culture sur le fond mais je m'interroge sur sa forme. Quelle sera la contribution des collectivités territoriales à ce Pass ? Je suppose qu'il ne sera pas totalement pris en charge par l'État... Une extension à l'Italie est-elle envisageable à terme ? Ce Pass est une bonne chose s'il s'accompagne d'une simplification du paysage culturel, pour plus de lisibilité que les différents dispositifs actuels.

Durant quinze ans, j'ai été maire d'une ville dotée d'un certain patrimoine - Vincennes - et je n'ai jamais rencontré un seul directeur régional des affaires culturelles. Il faudrait qu'ils se rendent davantage sur le terrain !

Il m'a semblé que vous aviez infléchi votre position sur les horaires des bibliothèques, je ne vous ai pas entendu évoquer l'ouverture le dimanche...

Je rejoins la demande de M. Ouzoulias. Il faudrait mener une vraie réflexion sur la capacité du CMN à gérer des équipements de grande taille ou d'un certain rayonnement. Je ne suis pas convaincu de son efficacité actuelle.

M. Jean-Pierre Leleux . - On ne peut qu'être satisfaits de la présentation du budget pour 2018, pas seulement en raison de l'augmentation budgétaire. Une Arlésienne peut en cacher trois autres : le loto, la maison commune et le Pass culture - une idée qui court depuis 20 ans sans être appliquée. À vous entendre, nous avons espoir que cela devienne une réalité...

Avec quelques membres de la commission, je suis allé au Congrès national de Sites & Cités remarquables de France, qui faisait, 55 ans après la loi Malraux, un constat extrêmement douloureux sur la réhabilitation des centres historiques, en dépit de tous les efforts. Nous avons échoué à redonner vie à ces centres. Donnons-leur une nouvelle impulsion, notamment grâce à la loi relative à la liberté de création, à l'architecture et au patrimoine qui crée les « sites patrimoniaux remarquables ». Vous accompagnez le Plan national en faveur des nouveaux espaces protégés d'Yves Dauge, auquel nous souscrivons totalement. Comme l'a très bien dit notre rapporteur Philippe Nachbar, certaines villes avec d'importants moyens ont bien réhabilité leur centre-ville, mais il existe une forte hétérogénéité entre les villes ; les petits bourgs, qui se dégradent, ont besoin d'un nouvel élan. Ce plan, expérimental dans trois régions, se focalise sur les sites les plus abandonnés. Revoyons la fiscalité Malraux, très avantageuse en 1977 dans la loi de finances, mais devenue beaucoup moins attractive aujourd'hui, à la suite de multiples modifications. Les investisseurs ont désormais d'autres niches fiscales où placer leur argent.

Je voudrais évoquer les ABF, les architectes des bâtiments de France...

Mme Françoise Laborde . - C'est plus qu'une Arlésienne !

M. Jean-Pierre Leleux . - Les points de vue diffèrent sur le maintien de l'avis de l'ABF. Cela risquerait de mettre en péril une mission importante de l'État, mais expliquons aux maires que l'ABF n'est pas leur adversaire... Le corps des ABF doit être maintenu, mais prévoyons dans leur formation une approche fondée sur le dialogue plus que sur l'autorité. Ce déséquilibre est compensé par la possibilité de recours devant le préfet de région, pourtant insuffisamment utilisé par les maires. Qu'en pensez-vous ?

François de Mazières s'était battu durant 15 ans pour ce loto du patrimoine, qui rapportera quelques millions d'euros. Je m'en félicite.

Bravo d'avoir augmenté considérablement la subvention du Bureau export pour la musique.

Quel sera le financement des collectivités territoriales à la Maison commune de la musique ? Le rapport Maistre prévoyait une contribution des grandes plateformes internet ou des fournisseurs d'accès. Jusqu'ici les fractions des taxes sont orientées vers le Centre national du cinéma et de l'image animée (CNC). Nous défendons le cinéma, mais il faut compenser les déséquilibres en finançant la Maison commune et le futur Centre national de la musique. Comment y parvenir ? A-t-on pu évaluer le crédit d'impôt pour le spectacle vivant musical ou de variétés instauré il y a deux ans ? Est-il un levier pour l'industrie musicale ? Sera-t-il amplifié dans les années à venir ? Le Pass culture est une bonne idée mais comment sera-t-elle concrétisée ?

Mme Maryvonne Blondin . - Si nous souscrivons aux principes de ce budget, nous en attendons les réalisations concrètes.

Le ministère de l'intérieur a mandaté le préfet Guépratte pour aboutir sur le référentiel « Sécuri-site ». Que deviendra le fonds d'urgence ? Si l'État s'occupe de l'ordre public, c'est aux organisateurs de spectacles qu'il revient de payer la sécurisation de leur manifestation. Mais ils piochent souvent, pour ce faire, sur le budget prévu pour l'artistique... Selon certains, un transfert vers le Fonds interministériel de prévention de la délinquance et de la radicalisation (FIPDR) serait justifié.

Le Fonds national pour l'emploi pérenne dans le spectacle (Fonpeps), mis en place en 2017, a été peu utilisé. Sur neuf mesures prévues, cinq ont été progressivement appliquées. Il faudrait peut-être revoir les critères pour que ces mesures, attendues par le monde du spectacle, soient mieux adaptées. Les aides du Fonpeps ont-elles vocation à soutenir les emplois aidés, dans les secteurs culturels et de l'éducation artistique touchés par leur suppression ? Parmi les 200 000 contrats aidés restants, rien n'est fléché vers le secteur culturel. Cela pourrait être une dérive.

Vous avez engagé un travail conjoint avec l'Éducation nationale sur l'action 7 du programme 175, dédiée au patrimoine linguistique. Quels crédits sont véritablement alloués au soutien des langues régionales ?

La délégation aux droits des femmes a travaillé sur la place des femmes dans la culture. Quels sont les moyens et les actions concrets de ce budget pour l'égalité femme-homme ?

J'ai la chance d'habiter dans un département, le Finistère, et une région, la Bretagne, qui font beaucoup pour la culture : des schémas départementaux d'éducation artistique et culturelle, des lectures publiques... Que deviendront ces régions qui font beaucoup, avec un budget contraint, et qui se trouvent en difficulté ? Quel soutien peuvent-elles attendre du ministère ?

M. André Gattolin . - Le budget de votre ministère est en augmentation pour les trois années à venir, après deux années pendant lesquelles il a fallu redresser une situation catastrophique. Les collectivités locales elles-mêmes sont frappées par la diminution de moyens. S'agissant des politiques culturelles publiques, plus des deux tiers du financement viennent des territoires, contre un tiers seulement de l'État.

Il faudrait mener un véritable travail de coordination entre l'administration d'État et les pouvoirs locaux. Il est très intéressant de réunir, comme je l'ai fait, l'ensemble des adjoints chargés de la culture du département pour se rendre compte de manière concrète des besoins sur des territoires, très diversifiés. Car on constate que nos interlocuteurs, malgré leur diversité politique, sont confrontés aux mêmes problématiques quant à leurs rapports à l'État, leur avenir budgétaire et leurs moyens d'intervention.

En matière culturelle, se pose le problème de la démocratisation culturelle, toujours annoncée et jamais réalisée. La culture est financée par l'argent public, c'est-à-dire par tout le monde - puisque ceux qui ne sont pas soumis à l'impôt sur le revenu ou à l'impôt sur les sociétés payent la TVA. Mais la consommation de la culture est beaucoup plus discriminante.

Emmanuel Macron avait annoncé, lors de la campagne présidentielle, qu'il souhaitait instaurer un « pass culture ». Je n'y étais pas favorable en raison de l'expérience italienne. Mais en travaillant en bonne intelligence, on peut en faire quelque chose qui n'aille pas seulement, comme toujours, aux surconsommateurs de culture ou aux initiés.

En matière culturelle, il existe une tendance à ouvrir des « maisons » - de la culture, de la musique... Lorsque je préparais mon rapport sur les jeux vidéo, la première réponse du ministre fut de proposer une maison du jeu vidéo. Il faut arrêter de créer des administrations !

Mme Catherine Morin-Desailly, présidente . - La maison commune de la musique, c'est tout de même autre chose !

M. André Gattolin . - Je veux évoquer l'accessibilité. Dans le domaine du jeu vidéo, les dépenses de marketing représentent la moitié du coût de production. La production française et européenne a du mal à accéder aux grands distributeurs comme Steam, Apple ou Amazon.
Il faudrait monter un service public commun de la distribution pour ce secteur, ce qui permettrait d'abaisser les coûts, d'améliorer l'accessibilité et de développer une culture du jeu vidéo propre à notre pays.

Mme Catherine Morin-Desailly, présidente . - Madame la ministre, je souhaite vous interroger sur les « droits culturels » inscrits dans la loi relative à la liberté de la création, à l'architecture et au patrimoine, dont on parle beaucoup et qui figurent dans les programmes politiques de certaines collectivités.

Mme Françoise Nyssen, ministre . - Les droits culturels sont fondamentaux. J'ai d'ailleurs conclu mon intervention sur le droit à la vie culturelle, qui doit servir de base à nombre de nos actions politiques.

Monsieur Ouzoulias, vous êtes géographe ; je suis, quant à moi, scientifique de formation. À l'Assemblée nationale, les députés m'ont parlé de la loi de Bercy, invoquée par M. Darmanin : 1+1=1. Effectivement, c'est possible ! J'ai évoqué les lois de la relativité générale, le principe d'incertitude d'Heisenberg et le théorème d'incomplétude de Gödel, ce qui a fatigué M. Woerth !

Je travaille avec M. Darmanin. Je connais la problématique de la diminution des dotations aux collectivités territoriales, qui a été très importante ces deux dernières années. Aujourd'hui, on nous demande de maintenir les budgets dans le cadre de l'inflation. Rien n'est acquis. Comme le budget de la culture ne risque pas de doubler, il faut réfléchir à la manière de faire émerger de nouveaux projets, tout en nous inscrivant dans notre responsabilité collective au regard de l'endettement de l'État.

En matière d'évolution des emplois et de la masse salariale, l'enjeu pour le ministère est double : d'une part, améliorer les carrières et les parcours professionnels des agents du ministère, afin de leur assurer un déroulement de carrière attractif et adapté aux évolutions des missions et des métiers ; d'autre part, clarifier et sécuriser les modalités de recours aux agents contractuels et leur gestion, dans une perspective de réduction de la précarité dans la fonction publique.

Au total, 9,6 millions d'euros de crédits catégoriels et indemnitaires seront mobilisés pour améliorer la situation des personnels et l'attractivité du ministère, ce qui n'est pas négligeable. Dans le cadre de l'effort de réduction globale des effectifs de la fonction publique, puisque c'est une réalité, la trajectoire en emplois arbitrée dans le cadre du budget pluriannuel 2018-2022 prévoit la suppression de 160 emplois à temps plein en 2018 sur un total de 30 000 emplois financés par le ministère. Je m'attacherai à ce que ces réformes ne remettent pas en cause la capacité d'action des DRAC. Avec la loi de modernisation de l'action publique et d'affirmation des métropoles (MAPTAM) et la loi NOTRe, le rôle de l'État dans le rayonnement culturel des territoires a été renforcé, avec le maintien des moyens humains des DRAC - 2 400 agents - et une déconcentration plus importante des crédits.
Je souhaite que le fonctionnement des DRAC s'inspire de quelques principes : réaffirmation de la nécessité de leur présence territoriale, maintien des implantations, renforcement des moyens pour la mise en oeuvre des missions relatives à l'action culturelle, développement territorial au sein des départements. Il faut rechercher la meilleure adéquation entre l'équilibre territorial et l'efficacité administrative, mettre en oeuvre des politiques cohérentes à l'échelle de la nouvelle région, et maintenir la capacité à accompagner les collectivités. L'effort attendu de chaque ministère pour diminuer la dépense publique aura certes un impact sur les DRAC, avec une diminution de 25 postes, mais bien moindre que sur le reste du ministère.

Je suis allée à la rencontre des personnels des DRAC pour leur demander d'agir en impulseurs, d'être des catalyseurs, des allumeurs de réverbères, des facilitateurs, plutôt que des administratifs qui récoltent des données et demandent des rapports, tâches ô combien consommatrices de temps.

Le budget consacré à la culture par l'ensemble des collectivités territoriales est presque équivalent au budget de la culture : il s'élève à 9,3 milliards d'euros, dont plus de 7,2 milliards pour les mairies, les communes et les intercommunalités. Les départements, qui étaient d'importants financeurs de la politique patrimoniale, diminuent leurs dépenses culturelles du fait de leurs contraintes budgétaires et de choix politiques. Je rappelle que la culture est une compétence partagée. En 2015 et 2016, ce sont 75 pactes culturels qui ont été signés dans le but de stabiliser les financements publics. Aujourd'hui, nous aimerions travailler dans un cadre conventionnel renouvelé : les projets en développement avec des collectivités dont je vous parlais dans mon propos liminaire.

En ce qui concerne le Mont-Saint-Michel, le Centre des monuments nationaux investit pour mettre en valeur l'abbaye. Une réflexion sur l'attractivité du site dans son ensemble est en cours ; le ministère de la culture et le CMN y sont étroitement associés. L'abbaye du Mont-Saint-Michel joue un rôle important dans l'équilibre du CMN qui gère les monuments répartis sur les territoires.

Je vous remercie, madame Laborde, d'avoir souligné le désir que M. Blanquer et moi-même avons de travailler ensemble. M. Blanquer a évoqué la nécessité « d'abattre les silos » entre nos ministères. La semaine qui a suivi la nomination du Gouvernement, il m'a d'ailleurs rendu visite au ministère de la culture, pour engager des réflexions communes. Nous avons ainsi lancé la « rentrée en musique ».

Pour ce qui concerne les bibliothèques, Érik Orsenna a été chargé d'une mission. Le simple fait d'avoir nommé une personne qui s'occupe de la question avec désir et curiosité insuffle déjà de l'énergie et redonne envie aux acteurs du terrain. Des réflexions sont en cours, comme le « bureau du temps » à Rennes. Nous allons accompagner les élus, qui ont vraiment la volonté de faire évoluer les choses.

Les bibliothèques départementales jouent un rôle essentiel, car elles apportent un appui en conseil et en ingénierie. L'idée n'est pas que nous les choisissions, mais qu'elles se proposent.

Sur le Pass culture et les initiatives des régions, nous avons commencé par faire un bilan. J'ai aussi rencontré toutes les associations d'élus, car je veux les associer au comité de consultation qui suivra les travaux de l' Open lab , dont le lancement est prévu le 18 décembre prochain. Il faut organiser la coordination entre les anciennes cartes et le Pass.

Mme Catherine Morin-Desailly, présidente . - Allez-vous conserver le nom « Open lab » ? Nous avons eu un grand débat hier sur la francophonie !

Mme Françoise Nyssen, ministre . - Vous avez raison, il faut préserver la langue française ! Dans les réunions européennes, j'avais tendance à parler en anglais et dorénavant je m'exprime en français pour défendre notre langue.

Le château de Vincennes est un cas particulier. Le Centre des monuments nationaux n'est pas le seul gestionnaire du site et doit tenir compte de son occupation partielle par le ministère des armées.

Pour revenir aux bibliothèques, dans certains pays, comme le Danemark et la Hollande, elles sont ouvertes 90 heures par semaine. En France, nous parvenons au maximum à 40 heures par semaine. Je pense aux étudiants, qui ne trouvent pas de bibliothèques ouvertes le dimanche. La Bibliothèque publique d'information (BPI) du Centre Pompidou est saturée à midi ! Je dois me pencher sur cette question avec mes collègues de l'éducation nationale et de l'enseignement supérieur. Cette situation n'est pas normale. Car sur le terrain, l'envie est réelle de prendre en compte la vie culturelle locale et d'offrir des lieux ouverts, y compris le dimanche.

Monsieur Leleux, vous avez parlé d'« Arlésiennes ». La fiscalité Malraux est le symbole de la préservation du patrimoine et doit être un levier de revitalisation des centres anciens. Je lancerai la réflexion engagée avec les élus territoriaux dès 2018.

S'agissant des ABF, vos réflexions vont dans le même sens que les nôtres. Ils interviennent pour délivrer des autorisations prévues par la loi et les règlements. S'ils intervenaient plus en amont, en faisant un travail de pédagogie, on éviterait le drame de l'avis conforme en aval, de la frustration et du désespoir... Les ABF sont des personnes formidables, dotées de véritables compétences. Il faudrait éviter qu'ils interviennent de façon frustrante et désagréable en aval. Nous allons organiser un groupe de travail pour réfléchir à leur mission, avec l'idée de magnifier leur fonction vers ce qu'ils sont vraiment : des amoureux et des pédagogues du patrimoine et de sa préservation. Nous souhaitons aussi renforcer leur formation initiale. Il faut tenir compte des enjeux de la transition énergétique. Le dialogue doit se faire entre les différents ministères concernés. Les ABF doivent continuer à participer au maintien d'un tissu patrimonial de grande qualité en France.

Sur le financement de la maison commune, le rapport détaille des propositions, qui prévoient une plus grande contribution des acteurs du numérique. C'est une orientation du Gouvernement. Nous avons déjà mis en place les fameuses taxes « YouTube » et « Netflix », et un accord a été signé entre Google et l'Association de lutte contre la piraterie audiovisuelle, pour lutter contre le piratage. Nous devons continuer à travailler en ce sens, en parfaite harmonie avec les autres ministères.

Le crédit d'impôt musique est un instrument qui a fait ses preuves. On a constaté une augmentation du nombre de petits labels indépendants, qui sont aidés par ce dispositif. Nous avons prévu d'en faire une évaluation en 2018.

Madame Blondin, le fonds d'urgence au spectacle vivant a été créé à la fin de l'année 2015, afin d'aider les entreprises du secteur à renforcer leurs dispositifs de sécurité et surmonter les difficultés économiques qu'elles rencontrent. Ce fonds a été doté, en 2016, de 13,4 millions d'euros, dont 6,1 millions apportés par l'État. Il a été abondé de 4 millions d'euros supplémentaires en 2017. Nous avons dégagé les ressources nécessaires pour reconduire ce montant de 4 millions en 2018. En lien avec le ministère de l'intérieur, une enveloppe de 5 millions d'euros, portée par le fonds interministériel de prévention de la délinquance (FIPD), a été réservée à la sécurisation des 30 établissements publics nationaux les plus fréquentés par les touristes en 2017. Nous travaillons avec ce ministère pour que cette enveloppe puisse être reconduite au titre du projet de loi de finances pour 2018.

Le Fonpeps a été créé en 2017 afin de développer l'emploi pérenne dans le spectacle vivant. Nous avons travaillé ces derniers mois pour achever la mise en oeuvre des différentes mesures prévues et avons commencé à faire le point avec les partenaires sociaux. Nous souhaitons veiller à ce que ces mesures soient parfaitement adaptées et servent l'emploi durable.

Pour ce qui concerne le programme 175, les langues régionales constituent un patrimoine culturel riche et ancestral que nous souhaitons valoriser. Le programme repose sur des structures institutionnelles dans les régions, dont on entend continuer à soutenir le développement. L'ensemble des crédits contribuant au soutien et à la promotion des langues de France s'établit à 1,4 million d'euros, soit 43 % des crédits alloués au patrimoine linguistique. Ces moyens permettront de favoriser la présence de ces langues dans l'espace public et les médias, de soutenir et développer des projets d'outillage technologique - clavier prédictif, logiciel de reconnaissance vocale -, de valoriser les langues territoriales d'outre- mer et la création culturelle et artistique dans ces langues.

Le ministère de la culture est très mobilisé sur la question de l'égalité entre les femmes et les hommes. Nous avons obtenu les deux labels AFNOR - égalité et diversité. Nous avons évoqué ce matin au conseil des ministres le Tour de France sur l'égalité, lancé le 4 octobre dernier, qui permettra de recueillir les attentes et d'identifier les bonnes pratiques en faveur de l'accès des femmes aux pratiques culturelles. Les priorités seront arrêtées le 8 mars 2018.

En matière de harcèlement, nous avons souhaité que les écoles mettent en place des chartes. Nous avons lancé ce projet, à Paris, à l'école nationale des Beaux-arts et à l'école nationale supérieure d'architecture de Paris-Malaquais.

Le taux de femmes à la tête des lieux de création et de diffusion est de 29 %. Dans certains métiers, il n'y a pratiquement pas de femmes : chefs d'orchestre, techniciens du spectacle. Nous devons être vigilants sur cette question. C'est l'une des priorités du Gouvernement. Ce matin, Marlène Schiappa a présenté le programme de la journée du 25 novembre.

M. Gattolin a évoqué les jeux vidéo. Je me suis récemment rendue à la Paris Games Week qui voit déferler des jeunes et des familles. Sans négliger la question de la violence, il faut prendre en considération ce secteur qui fait preuve d'une incroyable créativité. L'une des plus belles expositions de cet été, « La bibliothèque, la nuit », se tenait à la Bibliothèque nationale de France. Des bibliothèques y étaient reconstituées en réalité virtuelle. Nous devons accompagner cette évolution pour développer la qualité.

Mme Marie-Pierre Monier . - J'interviens au nom du groupe socialiste sur la question du patrimoine.

Madame la ministre, derrière la volonté affichée de faire du patrimoine un axe central de la politique culturelle, on ne peut que constater que l'enveloppe budgétaire ne suffit pas. Pour le programme 175, les crédits sont en diminution de 4 % en autorisations d'engagement et de 0,6 % en crédits de paiement. Vous avez annoncé, lors de votre conférence de presse de vendredi dernier, que le budget dédié à l'entretien et à la restauration du patrimoine augmenterait de 5 % en 2018, pour atteindre 326 millions d'euros. J'aimerais obtenir des précisions sur ce point. Quand on regarde l'action 1 « Patrimoine monumental », on constate certes une hausse de 1,2 % en autorisations d'engagement, mais aussi une baisse de 1,5 million d'euros en crédits de paiement. Or, l'argent effectivement dépensé sur une année se calcule en crédits de paiement.

Les crédits affectés au patrimoine monumental ne sont pas à la hauteur de la situation qui, vous l'avez dit, est critique depuis plus de quinze ans. Ne risque-t-on pas, à moyen terme, de voir l'État se défausser de sa mission d'entretien sur d'autres opérateurs des monuments historiques, voire vendre des éléments du patrimoine ?

Vous avez évoqué le loto du patrimoine. Qui va le gérer ? Qui décidera de l'emploi des moyens, seule la Fondation du patrimoine ou la Commission nationale des monuments historiques ? L'inquiétude grandit à ce sujet.

On a évoqué le CMN, qui gère une centaine de bâtiments. Le retrait de la gestion du Mont-Saint-Michel entraînerait un déséquilibre très important.

J'appuie les propos de M. Leleux relatifs aux ABF. Toujours lors de votre conférence de presse, vous avez annoncé vouloir les impliquer en amont des projets pour qu'ils apportent conseils et recommandations. Certains le font déjà lorsqu'ils sont consultés. Mais quid de la question des moyens ? Le personnel n'est peut-être pas assez nombreux pour jouer ce rôle de conseil en permanence. Je veux aussi faire part d'une inquiétude sur l'avis conforme. Pouvez-vous nous certifier que cet avis conforme sera maintenu pour tous les travaux sur des monuments protégés ?

Je souhaiterais revenir sur l'action 3 relative aux musées, dont les crédits sont en baisse de 10 % en autorisations d'engagement et de 2,1 % en crédits de paiement, tout comme ceux de l'action 8 concernant les acquisitions, en diminution de 4,5 %. Le budget du Fonds du patrimoine, qui permet d'enrichir les collections des musées de France, est passé de 3,6 millions d'euros en 2017 à 1,09 million d'euros en 2018. C'est un sujet majeur pour les petits musées qui maillent notre territoire, car si les grands musées parisiens peuvent aussi compter sur leurs recettes propres pour leurs acquisitions, les petits musées nationaux ne bénéficient pas du même confort financier. Cette évolution est contradictoire avec votre projet de revitalisation des petites villes et des centres anciens.

Prévoir 15 millions d'euros de fonds dédiés aux communes de moins de 2 000 habitants est une bonne mesure. Mais je m'interroge sur la provenance de ces fonds : s'agit-il d'une partie des gains du futur loto du patrimoine ou seront-ils prélevés sur le montant global de 326 millions dédié aux travaux et à l'entretien du patrimoine ? Dans ce dernier cas, quelle sera l'action ponctionnée ?

M. Jacques Grosperrin . - J'apprécie vos propos, madame la ministre, mais j'aimerais obtenir des précisions.

Vous avez parlé de « l'école de la confiance » et du droit à la vie culturelle et artistique. Il existe des crédits d'impôt sur le spectacle vivant et de variétés, sur les oeuvres phonographiques, sur l'audiovisuel, sur le cinéma, sur les créations de jeux vidéo et même sur les casinos entrepreneurs de spectacles. Or, à ce jour, la seule activité culturelle de création qui ne dispose pas de crédit d'impôt, c'est le théâtre, public et privé. Or le déferlement de jeunes et de familles que vous avez évoqué, on le voit aussi en Avignon.

Mme Laure Darcos . - En tant que rapporteur pour avis sur la recherche, je voulais vous interroger sur le programme 186 et la baisse de plus de 5 millions d'euros de la subvention d'investissement accordée à Universcience. Les crédits s'élèvent à 3 millions d'euros, alors que des travaux, représentant un investissement de 23 millions, sur des bâtiments importants comme le Palais de la découverte ou la Cité des sciences et de l'industrie vont devoir être entrepris. Les fonds de roulement de ces établissements seront sollicités, mais ils ne suffiront pas. En prévision des Jeux olympiques, le Grand Palais va être rénové. Le Palais de la découverte recevra peut-être des crédits ? Je voulais vous alerter sur cette question, à la demande de ces établissements.

Mme Sonia de la Provôté . - Je suis d'accord avec mes collèges sur de nombreux sujets. Sur le patrimoine, je relève des points positifs, comme le loto, mais aussi des points négatifs.

Le patrimoine est en pleine mutation. On parle à présent aussi du patrimoine du XX e siècle, même si nous ne savons pas encore ce qui en fera partie - je pense notamment au patrimoine de la reconstruction. Les coûts seront très importants. Malgré les efforts entrepris, des ressources complémentaires devront être trouvées. Je m'interroge sur une politique du mécénat à destination des entreprises, mais aussi des structures intermédiaires comme les entreprises publiques locales. Il faut que tous les partenaires qui peuvent accompagner la mise à niveau et aux normes du patrimoine puissent accéder à ce mécénat. L'État doit mener une politique proactive. Pour l'instant, on met la question du patrimoine du XX e siècle sous le boisseau, alors qu'il faut le réhabiliter.

S'agissant des maisons de l'architecture et d'autres lieux, comme le Pavillon de Caen, une politique spécifique est-elle menée ? Le projet urbain fait partie de la culture des citoyens. Il faudra s'investir dans ce domaine et encourager les collectivités qui se sont lancées dans ces projets, très innovants.

Vous avez partiellement apporté des réponses sur les emplois aidés, très répandus dans les entreprises du spectacle vivant, mais j'aimerais des précisions sur leur rôle : étaient-ils consacrés à l'accompagnement administratif ou participaient-ils aux métiers artistiques ?

Enfin, je rejoins mes collègues sur le Pass culture : l'accès à la culture se joue dès avant 18 ans. Que faire pour offrir une trajectoire culturelle réelle aux enfants, quels que soient leur lieu d'habitation et leur situation sociale ? Il existe les contrats éducatifs locaux, des initiatives locales, mais l'État doit prendre toute sa part dans ce domaine. Le temps périscolaire est une formidable opportunité pour agir avant que les jeunes aient 18 ans.

M. Jean-Raymond Hugonet . - Le musicien professionnel que je suis ne s'attendait pas, en entrant au Sénat, à entendre deux ministres, ô combien importants, vous-même et M. Blanquer, parler autant de la musique. Je sais la sincérité de vos intentions. Je m'interroge, néanmoins, sur les processus de régulation que vous entendez mettre en place, face aux angoisses de chapelles que vous évoquiez tout à l'heure, pour assurer l'harmonie...

Les musiciens croulent sous les contraintes administratives : quelles mesures pour les alléger ?

Je souscris pleinement à l'idée d'une rentrée scolaire en musique, et au plan « chorales », sachant combien la musique peut apporter à notre jeunesse. N'oubliez pas, cependant, l'apport des communes, qui financent des musiciens intervenants - ceux que l'on appelle les « dumistes ». Un soutien à l'action de ces collectivités serait bienvenu.

Je souscris à ce qu'a dit M. Ouzoulias sur les DRAC. Il faut avoir à l'esprit les réalités de terrain. Je pourrais citer le cas d'une commune que je connais bien et qui, bien que dotée de tous les moyens nécessaires pour restaurer un orgue classé dans une église du XV e siècle, ne peut pourtant avancer faute d'avoir, face à elle, un interlocuteur. C'est insupportable. Et je suis heureux que vous ayez inventé le concept d'« amoureux pédagogue des bâtiments de France », l'APBF. Car parmi les ABF, les architectes des bâtiments de France, il en est un certain nombre qui n'ont jamais mis deux parpaings l'un sur l'autre. Et lorsque l'on voit les avis rendus... Nous sommes tous des amoureux du patrimoine et je ne connais pas un maire qui ait envie de défigurer sa commune !

Mme Catherine Morin-Desailly, présidente . - Une précision sur le plan « chorales » : quel sera le rôle des conservatoires, qui vont bénéficier de crédits fléchés, dans le dispositif, non seulement pour former les enseignants dont nous avons besoin, mais en soutien au réseau des dumistes, les titulaires d'un diplôme universitaire de musicien intervenant ? Quel soutien sera apporté aux collectivités territoriales, qui financent énormément ?

M. Pierre Laurent . - Je veux d'abord vous remercier, madame la ministre, pour votre présence annoncée aux obsèques de Jack Ralite, vendredi prochain ; c'est une marque de reconnaissance à laquelle nous sommes très sensibles.

J'espère, madame la présidente, que nous pourrons entendre Roch-Olivier Maistre, car la discussion nous a mis en appétit. Ce serait l'occasion d'approfondir la question de la structuration de la filière.

S'agissant du Pass culture, j'irai dans le sens de Sylvie Robert. Cet instrument viendra-t-il en appui à nos politiques publiques de la culture ou s'agit-il de servir d'autres intérêts ? Cela demande des garanties, qui manquent encore.

Vous avez évoqué une contractualisation avec les collectivités territoriales sur les objectifs culturels. C'est une démarche très intéressante, mais que je suis tenté de mettre en regard d'une autre forme de contractualisation, budgétaire, dont personne n'a ici parlé. Je n'oublie pas qu'un document a été publié dans la presse, ce qui vous a conduit à porter plainte. Ce document contient des pistes de travail qui, même si elles n'étaient pas celles que vous retenez, visent à inverser le rapport entre les collectivités locales et le ministère de la culture en matière de maîtrise budgétaire. Il nous faudrait en savoir plus sur le jugement que vous portez sur ce document, qui pourrait fâcher beaucoup de monde, et d'autant plus que nous sommes déjà dans une situation difficile - le rapport de l'Observatoire des politiques culturelles souligne que les collectivités territoriales ont, depuis 2015, réduit leurs budgets culturels de 50 %, sous la pression du recul des dotations. Si la contractualisation que vous annoncez visait, non pas à développer les politiques culturelles mais à réduire de concert la dépense publique culturelle, nous irions à la catastrophe. Vous comprendrez que nous avons besoin de réponses, pour dissiper des interrogations que votre dépôt de plainte ne suffit pas à lever...

En ce qui concerne, enfin, le régime des intermittents, vous indiquez que vous serez attentive à l'accord de 2016. Sachant que le débat sur l'indemnisation du chômage va se rouvrir, avez-vous reçu des garanties de la partie patronale - qui a toujours été hostile, comme on le sait, à cet accord - pour que la négociation qui va s'ouvrir ne soit pas l'occasion de sa remise en cause ?

Mme Marie-Thérèse Bruguière . - Je souhaite vous interroger, madame la ministre, sur l'Office public de la langue occitane, pour la création duquel l'État et les anciennes régions Midi-Pyrénées et Aquitaine s'étaient associés, en 2015. Je souhaiterais connaître l'évolution du montant de la contribution versée chaque année par l'État depuis sa création.

Je souhaite également attirer votre attention sur les surcoûts liés à la sécurité des festivals. Selon les études que nous avons mises à votre disposition, le budget « sécurité » des organisateurs de festivals a triplé en un an. Une étude menée par le CNV montre que les surcoûts s'élèvent en moyenne à 43 213 euros, soit 13 613 euros par jour, dépense que les festivals ne peuvent se permettre.

Mme Catherine Morin-Desailly, présidente . - La question a déjà été posée.

Mme Marie-Thérèse Bruguière . - Mais pas en ces termes : quelles actions votre ministère entend-il mettre en oeuvre pour mettre fin à cette inflation et garantir la pérennité des festivals ?

M. Michel Laugier . - Permettez-moi, à l'occasion du Congrès des maires et des présidents d'intercommunalités, d'avoir une pensée pour les collectivités territoriales. Une grande partie de l'ambition que vous portez dans ce budget dépend aussi de leur participation, ainsi que de celle des associations. Or, les moyens des collectivités sont en diminution, de même que ceux des associations, pénalisées par la suppression de la réserve parlementaire et des contrats aidés. Comment la scientifique que vous êtes entend-elle résoudre cette équation ?

Mme Françoise Nyssen, ministre . - Après l'effort consenti en 2017, madame Monier, sur le programme 175, nous avons voulu conforter l'action de l'État en faveur du patrimoine, facteur de cohésion sociale et de dynamisme économique des territoires. À périmètre constant, c'est à dire en tenant compte des dépenses désormais prises en charge par le programme 224, les moyens du programme « Patrimoines » connaissent une augmentation de 3,6 millions d'euros en crédits de paiement, soit une progression de 0,4 %. Les 15 millions prévus pour les petites communes viennent en plus, les crédits s'établissant au total à 326 millions d'euros.

Les ressources du loto du patrimoine seront versées à un fonds dédié, au sein de la Fondation du patrimoine. Les dossiers sélectionnés, avec un comité d'experts, concerneront des projets de restauration de monuments en péril, y compris, comme je l'ai dit, détenus par des propriétaires privés. Une convention sera signée entre l'État et la Fondation du patrimoine pour s'assurer de l'encadrement et du suivi dans l'utilisation de ces fonds.

Pour répondre à vos interrogations sur les ABF, je précise que leur avis conforme sera bien maintenu. Ces architectes ne seraient pas assez nombreux ? On ne saurait, en la matière, s'exempter d'une réflexion sur l'organisation du travail. Une meilleure organisation, en amont, doit conduire à moins d'interventions en aval.

Monsieur Grosperrin, le crédit d'impôt au titre des dépenses de création, d'exploitation, de numérisation d'un spectacle vivant, musical ou de variété, créé par la loi de finances pour 2016, vise à faire émerger des artistes et à les accompagner. Ce dispositif fiscal est aujourd'hui réservé aux producteurs de spectacles vivants musicaux, de variété ou d'humour présentant des spectacles n'ayant pas comptabilisé plus de 12 000 entrées payantes au cours des trois années précédentes. Une mission sera lancée afin d'évaluer ce crédit d'impôt et d'étudier l'opportunité de son extension à d'autres secteurs du champ du spectacle vivant.

Madame Darcos, je tiens à vous rassurer : la baisse de cinq millions d'euros dans la dotation d'investissement d'Universcience est justifiée par un rythme insuffisant de consommation des crédits certaines années, malgré des améliorations certaines. Les moyens de fonctionnement pour 2018 ont été consolidés. La réduction du taux de gel à 3 % permettra à l'établissement d'améliorer de 2,3 millions d'euros la capacité d'autofinancement de ses investissements. La baisse est donc limitée à 2,7 millions d'euros. Les moyens pour le Palais de la Découverte sont préservés.

Madame de la Provôté, le ministère soutient le développement du mécénat, qui permet d'apporter des moyens supplémentaires à l'action publique et associative et favorise le partage d'expertise entre la sphère privée et la sphère publique. Nous encourageons le développement du mécénat collectif en faveur de projets comme l'acquisition de biens culturels, la production de spectacles pérennes, ainsi que le mécénat participatif sur les plateformes de dons, notamment les appels à la générosité publique en faveur de la culture et de la sauvegarde du patrimoine. Nous travaillons avec nos partenaires du monde économique et juridique : chambres de commerce et d'industrie, notaires, avocats, experts-comptables...

Le ministère favorise la création de pôles régionaux de mécénat : guichet permanent de mise en relation des porteurs de projets et de mécènes, information sur la législation ou les bonnes pratiques. Il sera favorable à un relèvement du plafond des dons de 0,5 % à 1 % du chiffre d'affaires, pour donner plus de marge au mécénat des PME et TPE, qui constitue, avec la philanthropie individuelle, la principale visée de développement du mécénat culturel.

Je suis tout à fait consciente de l'importance des contrats aidés dans le secteur culturel. Le Gouvernement l'a rappelé, il n'est pas question de les supprimer. Il y en aura 200 000 en 2018, et le secteur culturel continuera à en bénéficier. Nous faisons beaucoup de pédagogie, notamment pour s'assurer de leur pérennité, dans un domaine où, loin d'être de faux emplois, ceux qui les occupent assument de réelles responsabilités.

Nous voudrions aussi soutenir le développement de l'emploi culturel. Le Fonpeps est fait pour cela. Le Gouvernement réfléchit à un plan de compétences et de formation pour encourager le retour à l'emploi pérenne.

À propos de pratique musicale, je vous recommande un très joli premier film, La Mélodie , qui montre l'effet de l'accompagnement des enfants non seulement sur ces derniers, mais aussi sur le musicien qui en avait la charge.

Le plan « chorales », mis en place dès la rentrée 2017, a été une réussite.

Le rapport de Roch-Olivier Maistre montre vraiment qu'il faut repenser l'action du ministère de la culture en matière de musique. Il y a deux axes majeurs : la place de la France sur la scène internationale et la volonté d'aller plus loin dans l'accès de tous à la musique. Nous défendons toutes les musiques. Ainsi, nous développerons la couverture du territoire par les scènes de musique actuelle.

Nous continuons aussi de soutenir les festivals. Pour développer les approches partenariales dans le champ musical, nous poursuivrons l'élaboration des contrats régionaux de filières de musiques actuelles avec les régions, les départements et les métropoles. Ces co-constructions stratégiques permettent de s'adapter au mieux aux enjeux locaux. J'en ai déjà signé quelques-uns. Je travaille également sur la régulation des phénomènes de concentration verticale et horizontale.

Nous n'aurons de cesse de faire progresser la qualité de l'emploi et l'insertion professionnelle dans le champ musical, afin de favoriser la circulation des oeuvres sur le territoire et à l'international, ainsi que l'insertion des compositeurs dans les institutions et les réseaux.

Monsieur Laurent, je vous remercie de vos propos sur Jack Ralite. En 2014, celui-ci avait écrit à François Hollande : « La culture, c'est le nous extensible à l'infini des humains, et c'est cela qui se trouve en danger et requiert notre mobilisation et notre appel en votre direction. » C'est aussi en pensant à lui que nous avons voulu préserver le budget de la culture.

Un document consacré aux pistes de réforme pour le champ artistique dans le cadre du chantier « Action publique 2022 » a effectivement fuité dans la presse. J'insiste bien sur le fait qu'il s'agit seulement de réflexions, d'ailleurs souvent inspirées de pratiques en vigueur dans d'autres domaines, et non de décisions validées. Il n'est pas admissible que des documents de travail internes soient ainsi rendus publics et, au final, instrumentalisés !

Les attentes considérables de tous les Français à l'égard de la culture doivent nous amener à adapter nos politiques, à y réfléchir avec l'ensemble des collectivités publiques. Je souhaite que nous parvenions à mobiliser tous les établissements culturels à cette fin. J'insiste sur la notion de mission. Les plus jeunes et les Français les plus éloignés de la culture doivent être accompagnés. Il faut une plus grande diffusion des oeuvres au profit des artistes, dont la paupérisation doit être combattue avec détermination, et du public, qui doit s'élargir grâce aux outils numériques.

Plus généralement, réfléchissons à un service public audiovisuel dans un environnement qui a profondément évolué. J'aurai l'occasion de préciser mes orientations en la matière. Nous voulons travailler dans la concertation et faire émerger des constats partagés pour prendre des mesures adaptées.

Je me suis déjà exprimée sur le régime de l'intermittence. L'accord de 2016, intervenu grâce aux propositions des professionnels du secteur, est un bon accord. Le Président de la République s'est engagé à le préserver.

Madame Bruguière, les festivals, qui sont très fréquentés, sont un marqueur fort d'identité et d'attractivité culturelle, économique et touristique pour un territoire. Les aides publiques sont maintenues.

Le financement de l'État s'élève à 19 millions d'euros par an pour le spectacle vivant, à quoi il convient d'ajouter le fonds d'urgence qui, avec près de 6 millions d'euros d'aides distribuées depuis 2015 aux festivals, vient compenser les coûts relatifs à la sécurité. L'État fonde son action en faveur des festivals sur les critères d'excellence, de pluralité de l'offre, de diversité de la vie culturelle dans les territoires... Il est important de réfléchir avec les collectivités territoriales à la situation des festivals et à leur accompagnement par la puissance publique. M. Serge Kancel, inspecteur général des affaires culturelles, est l'interlocuteur au sein du ministère sur le sujet.

La politique de valorisation des langues régionales du ministère de la culture s'appuie sur les structures institutionnelles qui existent dans les régions : Office public de la langue bretonne, Office public de la langue basque, Office public de la langue occitane, Académie des langues kanakes.

Mme Catherine Morin-Desailly, présidente . - Nous pourrons poursuivre le dialogue en séance publique lors de l'examen des crédits.

Hier, lors du débat sur l'Institut français et l'avenir de notre politique d'influence, que j'avais souhaité, M. le secrétaire d'État Jean-Baptiste Lemoyne a fait remarquer à juste titre que cet institut était désormais soumis à la double tutelle du ministère des affaires étrangères et du ministère de la culture.

Mme Françoise Nyssen, ministre . - La francophonie - je me trouvais hier à Bruxelles - est un sujet dont nous devons nous emparer avec vigueur. Il y a une vraie demande en la matière.

Notre présence est par exemple très importante pour le développement du continent africain. J'ai ainsi visité le campus de l'ESSEC au Maroc, qui accueille des étudiants de tout le continent africain et communique par visioconférence avec la Chine ou la France. C'est extraordinaire !

Nous travaillons en parfaite harmonie avec mes homologues du ministère des affaires étrangères.


* 1 Article 119 de la loi n° 2015-1786 du 29 décembre 2015 de finances rectificative pour 2015

* 2 Rapport de la mission de réflexion confiée par Françoise Nyssen, ministre de la culture, à Roch-Olivier Maistre « Rassembler la musique pour un centre national », octobre 2017

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