C. UN BUDGET EN AUGMENTATION MODÉRÉE AU SEIN DU PLF POUR 2018

Le Gouvernement a présenté un budget 2018 de la mission « Aide publique au développement » en hausse de 94,7 millions d'euros par rapport aux crédits votés en 2017.

1. Des crédits de la mission en hausse de 3,6 %

La mission interministérielle « Aide publique au développement » rassemble les crédits de deux programmes concourant à la politique française d'aide au développement : le programme 110 « Aide économique et financière au développement », mis en oeuvre par le ministère des finances et des comptes publics, et le programme 209 « Solidarité à l'égard des pays en développement », mis en oeuvre par le ministère des affaires étrangères et du développement international.

Dans le projet de loi de finances pour 2018, le budget de la mission interministérielle « Aide publique au développement » s'élève à 2 700 millions d'euros en crédits de paiement , ce qui représente une hausse de 94,7 millions d'euros, soit + 3,6 % par rapport aux crédits demandés en LFI pour 2017 (2 605 millions d'euros). Rappelons qu'en 2016, le budget pour 2017 initialement présenté par le Gouvernement affichait une augmentation de 5,3 %. Cette proposition à la hausse avait elle-même contrasté avec celle du budget pour 2016, qui consistait initialement en une baisse de plus de 6 % par rapport à l'année précédente, ce qui avait été globalement mal perçu compte tenu des engagements pris par le Président de la République aux grandes conférences internationales consacrées au développement en 2015.

Par ailleurs, les recettes extrabudgétaires (TTF et taxe sur les billets d'avion) affectées au fonds de solidarité pour le développement (FSD) s'élèveront à 798 millions d'euros et 210 millions d'euros pour la TSBA, comme en 2017.

a) Les crédits du programme 110 : une baisse de 2,5 %

en millions d'euros

Autorisations d'engagement

Crédits de paiement

LFI 2017

PLF 2018

évolution

LFI 2017

PLF 2018

évolution

Aide multilatérale

1 452

431

-70 %

587

594

+1,2 %

Aide bilatérale

360

410

-14 %

276

263

-4,7 %

Traitement de la dette des pays pauvres

330

0

-100 %

104

104

- %

Total du programme 110

2 143

841

-60 %

966

961

-0,5 %

Source : projet annuel de performance annexé au projet de loi de finances pour 2017.

Les crédits de paiement du programme 110 passent de 966 à 961 millions d'euros, soit une diminution de 0,5 %.

La baisse très importante des autorisations d'engagement par rapport à 2016 résulte des reconstitutions de fonds multilatéraux intervenue en 2016, en particulier l'Association internationale de développement (AID), guichet concessionnel de la Banque mondiale (AE engagées en 2017 et paiements à effectuer de 2018 à 2020).

(1) Des crédits d'aide multilatérale relativement stables

L'action n° 1 « Aide économique et financière multilatérale » (594 M€ en crédits de paiement) est composée de contributions à des fonds internationaux. S'agissant d'engagements pluriannuels, les variations observées correspondent en général à des décisions prises plusieurs années auparavant.

Plusieurs de ces contributions restent stables entre 2017 et 2018. C'est le cas des contributions au Fonds fiduciaire de Lutte anti-blanchiment (LAB) / Lutte anti-terrorisme (stable à 0,19 M€), de l'importante contribution au Fonds pour l'environnement mondial avec environ 50 millions d'euros, qu'il faut distinguer du Fonds vert pour le climat créé à la conférence sur le climat de Copenhague en 2009, celui-ci recevant essentiellement des crédits issus du FSD (cf. encadré ci-dessous).

Le Fonds vert pour le climat

Le Fonds vert pour le climat (dit Fonds Vert) doit devenir le principal fonds multilatéral consacré au financement de la transition des pays en développement vers des économies sobres en carbone . Le Fonds vert a mobilisé 10,3 Md USD de ressources (auxquels 2 Md USD devraient être retirés de la contribution initialement promise par les États-Unis, à la suite de l'annonce du 1 er juin du président Donald Trump). Sur cette base, le Fonds devrait pouvoir apporter aux pays en développement des financements en dons et prêts très concessionnels d'environ 2,5 Md USD par an en moyenne (en pratique ce rythme d'engagements visé n'a pas encore été atteint). Le Fonds pourra continuer à recevoir d'autres contributions y compris de sources privées, d'ici la prochaine reconstitution formelle qui pourrait avoir lieu en 2019.

Au 31 août 2017, le Fonds vert a approuvé 43 projets et programmes , présentant des instruments financiers variés (dons, prêts, capital, garanties) pour un montant total de 2,2 Md USD, avec un effet de levier de plus de 5 Md USD en co-financements. 45 % des montants ont été engagés en Afrique, 29 % en Asie-Pacifique, 22 % en Amérique latine et Caraïbes et 3 % en Europe de l'est. Parmi ces 43 projets et programmes, qui interviennent dans 64 pays en développement, 29 ciblent des pays parmi les moins avancés (PMA), des petits États insulaires en développement et des États africains, pour un montant total de 1,9 Md USD, soit 84 % des montants engagés au total par le Fonds vert. Les montants approuvés sont, à ce stade, majoritairement affectés à des activités d'atténuation, sur la production et l'accès à l'énergie (essentiellement via des programmes en faveur du secteur privé, à large échelle et large distribution géographique), mais le portefeuille de projets du secteur public est plus concentré sur l'adaptation avec une répartition plus équilibrée entre les secteurs d'intervention du Fonds. En ligne avec le mandat du Fonds, cet équilibre entre atténuation et adaptation, ainsi qu'entre les différents secteurs d'intervention, sera recherché d'ici la première reconstitution sur la totalité des engagements.

Par ailleurs, le Fonds vert a accrédité 48 entités opérationnelles pour la mise en oeuvre des projets (y compris l'AFD et PROPARCO), dont 29 % sont des entités nationales en accès direct. Les premiers décaissements ont été effectués en automne 2016.

Le gouvernement français s'est pour sa part engagé à verser une contribution de 774 M€ (1 Md USD à l'époque de la constitution du Fonds) sur la période 2015-2018. Cette somme se répartit ainsi :

- 432 M€ en dons répartis sur 2015-2018 , dont les trois premiers versements en 2015, 2016 et 2017 ont été réalisés à partir du Fonds de solidarité pour le développement (FSD) à hauteur de 104 M€, 61,8 M€ et 106,22 M€ ;

- 285 M€ en prêt très concessionnel via l'AFD versé en une fois fin 2017, et qui donne lieu à des bonifications portées par le programme 110 ;

- 57 M€ en dons versés en 2017 pour servir de garantie pour le prêt, également à partir du FSD .

Par ailleurs, en 2018, la contribution française au groupe de la Banque mondiale sera stable à 347 millions d'euros en crédits de paiements. Ce nouveau montant correspond à la première échéance de la dix-huitième reconstitution de l'Association internationale de développement (AID) négociée en 2013. Pour cette reconstitution, la France a obtenu que la majorité des ressources de l'AID soient affectées à l'Afrique subsaharienne et que le mécanisme d'affectation soit ajusté d'une manière plus favorable aux États fragiles.

En ce qui concerne le fonds africain de développement (FAD), guichet concessionnel de la banque africaine de développement (BAfD), 2018 sera la deuxième année de la quatorzième reconstitution, dont les négociations sont en cours. L'engagement de la France sera de 381 millions d'euros d'AE sur le programme 110, correspondant à un don décaissé sur trois ans (2017-2019). Le second versement en 2018 sera de 123 millions d'euros en CP. Dans le cadre de la négociation de cette quatorzième reconstitution, le FAD introduit la possibilité d'apporter une partie de la contribution par prêts. La France a ainsi décidé d'accorder un prêt concessionnel de 225 millions d'euros financé en AE et CP dès 2017 à partir du programme 853 « Prêts à l'Agence française de développement en vue de favoriser le développement économique et social dans des États étrangers ».

En ce qui concerne le fonds asiatique de développement (FAsD), guichet concessionnel de la Banque asiatique de développement (BAsD), les négociations pour la onzième reconstitution du fonds été menées en 2015 et 2016 pour couvrir la période 2017-2020. Avec une contribution de 46 millions d'euros d'AE en 2016, la France reste cinquième contributeur non-régional au FAsD. Le montant de CP de 11,5 millions d'euros demandé en 2018 correspond à la deuxième des quatre annuités au titre de cette reconstitution. Enfin, la contribution au Fonds international de développement agricole est stable à 11,6 millions d'euros.

(2) Des crédits bilatéraux en légère baisse


• La bonification des prêts accordés à l'étranger par l'AFD : 185 millions d'euros en 2018.

L'activité de prêts de l'AFD a augmenté de manière très importante au cours des dernières années, principalement au titre des prêts non bonifiés.

Le coût de la bonification, c'est-à-dire la différence entre le coût d'emprunt et de prêt pour l'AFD, est remboursé par l'Etat à l'AFD par des procédures complexes.

En 2016 et 2017, les AE demandées progressent de 285 M€ à 315 M€, ce qui correspond au début de mise en oeuvre des décisions du CICID de novembre 2016 d'une hausse de l'activité de 4 Md€ en 2020 (soit 12,5 Md€ d'octrois en 2020, à partir du volume d'octrois de 8,5 Md€ en 2016, fixés par le Contrat d'objectif et de moyens 2014-2016), pour une cible d'activité de 9 Md€ d'octrois en 2016 et 9,5 Md€ d'octrois en 2017. Pour l'année 2018, les AE demandées s'élèvent à 370 M€, contre 315 M€ en 2017, en cohérence avec la poursuite de la montée en charge de l'activité de prêts de l'Agence. Notons que le besoin de CP (184,49 M€) correspond quasi exclusivement à la mise en oeuvre d'engagements antérieurs.


• Le fonds français pour l'environnement mondial (FFEM) : 23 millions d'euros

Créé en 1994, le FFEM, dispositif bilatéral de la France, pendant du fonds pour l'environnement mondial, subventionne des projets de développement durable. Les ressources du FFEM s'élevaient à 95 millions d'euros pour la période 2011-2014 et le PLF 2015 a prévu un montant de 90 millions d'euros pour 2015-2018. Le montant prévu pour 2018 est de 23 millions d'euros.


• Les aides budgétaires globales (ABG) : 10 millions d'euros AE=CP

Les ABG visent à apporter un soutien budgétaire aux stratégies nationales de lutte contre la pauvreté, de stabilisation macro-économique et d'amélioration de la gestion des finances publiques des pays partenaires. Elles ne servent pas à financer un projet particulier.

Les crédits passent de 37 millions d'euros en 2017 à seulement 10 millions d'euros en 2018. Toutefois, cette diminution sur le programme 110 ne signifie pas en réalité une baisse des ABG totale. En effet, il est par ailleurs prévu de financer 50 millions d'euros d'ABG sur le Fonds de solidarité pour le développement (FSD) , ce qui ramènera le montant de cet instrument à un niveau plus proche de celui qu'il atteignait au début de la décennie (autour de 70-80 M€), permettant de renforcer nos capacités d'intervention en don en Afrique.

Vos rapporteurs se félicitent du retour de cet outil dont votre commission avait plusieurs fois regretté l'extinction progressive .


• Le fonds d'études et d'aide au secteur privé (FASEP) : 20,76 millions d'euros et Expertise France (4,25 millions d'euros)

Le FASEP permet de financer des études de faisabilité en amont des projets d'investissement, des prestations d'assistance technique, de formation ou de coopération institutionnelle, ainsi que des dispositifs de soutien au secteur privé.

Par ailleurs, la dotation « Expertise France » se voit allouer 4,25 millions d'euros en crédits de paiement.


• Les autres aides bilatérales

L'action « Aide bilatérale » du programme 110 permet également de rémunérer l'AFD pour les opérations qu'elle réalise pour le compte de l'Etat sur le programme 110. Pour 2018, un montant de 3 millions d'euros est prévu tant en AE qu'en CP (stable par rapport à 2017).

Comme en 2017, un montant de 480 000 euros est prévu pour les évaluations des actions du programme 110 tandis qu'une somme de 3,15 millions d'euros vise à rémunérer la banque privée Natixis qui gère pour le ministère la « réserve pays émergents » (RPE) et le FASEP.

(3) Le traitement de la dette des pays pauvres : un montant stable de 104 millions de CP pour 2018

L'initiative « Pays pauvres très endettés » (PPTE), lancée en 1996, vise à réduire à un niveau soutenable le poids de la dette extérieure de 39 pays. Les crédits liés à cette initiative sont inscrits dans la mission « Prêts à des États étrangers », dans le programme 852. 735 millions d'euros y sont ainsi prévus pour 2016.

Parallèlement, le programme 110 de la mission « Aide publique au développement » compense à d'autres organismes les conséquences des annulations de dette décidées dans le cadre de l'initiative PPTE. Le PLF pour 2018 prévoit ainsi une indemnisation de l'AFD à hauteur de 29,5 millions d'euros, de la Banque mondiale à hauteur de 49 millions et du fonds africain de développement à hauteur de 25,6 millions.

b) Le programme 209 : une nouvelle hausse de 6 % en crédits de paiement

en millions d'euros

Autorisations d'engagement

Crédits de paiement

LFI 2017

PLF 2018

évolution

LFI 2017

PLF 2018

évolution

Aide bilatérale

586

683

+16,6 %

556

573

+3%

Aide multilatérale

150

145

-3,3 %

156

151

-3,2 %

Union européenne

742

850

+14,6 %

742

850

+14,6 %,

Dépenses de personnel concourant au programme

184

164

-11 %

184

164

-11 %

Total du programme 209

1 663

1 843

+11 %

1 639

1 738

+6 %

Source : projet annuel de performance annexé au projet de loi de finances pour 2018.

On peut observer que la progression des crédits concerne au premier chef l'aide transitant par le budget de l'Union européenne, mais aussi l'aide bilatérale, qui croît de 3 %.

(1) La coopération bilatérale
(a) Des « dons-projets » en hausse pour les autorisations d'engagement

Les « dons-projets » sont des subventions versés de manière bilatérale. Ils ont connu une baisse importante ces dernières années alors qu'ils constituaient auparavant l'essentiel de l'aide au développement .

Pour 2018, ces dons-projets se montent à environ 468 millions d'euros en autorisations d'engagement et environ 358 millions d'euros en crédits de paiement, contre environ 403 millions d'euros en autorisations d'engagement et environ 373 millions d'euros en crédits de paiement en 2017 (respectivement 330 millions d'euros et 300 millions d'euros dans le PLF 2016). Ces crédits connaissent ainsi une diminution en crédits de paiement mais l'augmentation des autorisations d'engagement est sans doute plus significative, puisque les crédits de paiement sont tributaire des décaissements effectifs qui dépendent en partie des aléas des projets engagés. En revanche, les autorisations d'engagement prévues pour l'AFD sont en général effectivement mises en oeuvre.

Les dons-projets sont répartis entre quatre canaux :

- l'AFD en attribue la plus grande part. Curieusement, au sien du présent projet de loi les crédits spécifiquement destinés à l'AFD et utilisés pour ses propres projets ne sont pas individualisés comme les années précédentes, mais groupés avec les dons distribués aux ONG. Il faut donc comparer le chiffre de 396 millions d'euros en AE et 286 millions d'euros en CP du PLF 2018 avec le montant prévu pour la même dépense AFD+ONG au sein du PLF 2017, soit 333 millions d'euros en AE et 304 millions d'euros en CP. Apparaît donc une diminution de 18 millions d'euros en CP mais 63 millions d'euros supplémentaires en AE ;

- conformément à l'engagement du Président de la République de doubler ce canal d'acheminement de l'aide d'ici la fin du quinquennat, les financements transitant par les ONG étaient passés de 71 millions en 2015 à 79 millions en 2016 en AE ; ils restent stables en 2017 et passent à 77 millions d'euros en 2018.

- 34 millions d'euros (montant stable par rapport à 2017) alimenteront le fonds de solidarité prioritaire (FSP) qui constitue l'instrument de l'aide projet du ministère des affaires étrangères.

Dans le cadre de la réforme «MAEDI 21», une refonte de cet instrument est en cours afin de s'adapter aux recommandations du CICID et de simplifier les procédures. Le nouveau dispositif, nommé « Fonds de solidarité pour les projets innovants, les sociétés civiles, la francophonie et le développement humain » (FSPI), se mettra progressivement en place à mesure que les projets FSP en cours s'éteindront, jusqu'en 2018. Ce nouveau dispositif se traduira par la suppression de la pluri-annualité des crédits, avec l'instauration d'un dispositif annuel ; l'abandon du caractère interministériel de la procédure et la mise en place de procédures simplifiées d'approbation des projets ; enfin une concentration des moyens sur les 16 pays pauvres prioritaires (PPP, au moins 50 % des autorisations d'engagement), l'Afrique subsaharienne et les pays voisins de la Méditerranée (ASM).

Au total, on observe donc une certaine progression, du moins en autorisations d'engagement, des crédits budgétaires consacrés aux dons, particulièrement nécessaires pour les pays les plus en difficulté. La tendance observée sur la période 2011-2015 pour les pays pauvres prioritaires, l'Afrique subsaharienne et les pays méditerranéens (dernières statistiques disponibles) va donc peut-être connaître une inflexion à l'avenir :

Pays Pauvres Prioritaires 4 ( * ) , en millions d'euros

2011

2012

2013

2014

2015

Dons hors Annulations de dette et refinancements

549

536

556

558

530

Prêts bruts

98

266

126

240

207

Prêts nets

27

223

69

163

123

Annulations de dette et refinancements nets

821

36

62

3

116

APD bilatérale nette

1 397

795

687

724

767

APD multilatérale imputée

457

418

405

365

nc

Source : OCDE (CAD 2a) et DG Trésor

Afrique subsaharienne, en millions de d'euros

2011

2012

2013

2014

2015

Dons hors Annulations de dette et refinancements

1 168

1 115

1 220

1 309

1 251

Prêts bruts

757

545

728

802

825

Prêts nets

551

220

419

314

317

Annulations de dette et refinancements nets

860

1 116

65

6

116

APD bilatérale nette 2 579 2 451 1 704 1 630 1 683

APD multilatérale imputée

1 355

1 322

1 362

1 211

nc

Source : OCDE (CAD 2a) et DG Trésor

Pays Méditerranéens, en millions d'euros

2011

2012

2013

2014

2015

Dons hors Annulations de dette et refinancements

442

453

449

488

439

Prêts bruts

815

830

711

702

435

Prêts nets

523

438

298

293

-25

Annulations de dette et refinancements nets

39

30

19

16

9

APD bilatérale nette

1005

922

766

797

423

APD multilatérale imputée

601

635

630

577

nc

Source : OCDE (CAD 2a) et DG Trésor

(b) Une grande diversité d'aides bilatérales

Hors dons-projets, les aides bilatérales recouvrent des types d'aide très divers.

Parmi les montants les plus importants, les contrats de désendettement et de développement (C2D) 5 ( * ) liés à l'Initiative en faveur des pays pauvres très endettés, concentrent en 2018 un financement de 48,4 millions d'euros (contre 53,2 millions en 2017). Le programme 209 de la mission APD ne prend en compte que la part de l'AFD sur ces contrats, celle de l'Etat étant inscrite dans la mission « Prêts à des États étrangers ». Comme l'année dernière, l es principaux pays concernés par les C2D en 2018 seront la Côte d'Ivoire, le Cameroun et le Congo .

Les crédits dédiés à l'aide alimentaire sont stabilisés à 37 millions d'euros. L'assistance alimentaire française répond à deux objectifs de la stratégie sectorielle CICID en matière d'agriculture et de sécurité alimentaire : prévention et gestion des crises alimentaires (y compris réhabilitation post-crise) ; soutien aux populations vulnérables sur le plan nutritionnel (malnutrition infantile, femmes enceintes) et menacées par la détérioration de leurs conditions d'existence. Pour l'année 2018, comme les années précédentes, les actions s'orienteront en priorité vers la réponse aux besoins des populations victimes de crises.

Par ailleurs, la rémunération de l'AFD pour les actions qu'elle mène pour le compte de l'Etat (dons-projets, dont assistante technique et ONG, C2D et crédits délégués) s'élèvera à 35,2 millions d'euros en 2018 , un niveau stable par rapport à 2017.

L'agence Expertise France recevra quant à elle une subvention de 26,3 millions d'euros en 2018, soit une forte augmentation par rapport à 2017 correspondant, d'une part, au transfert en base de 14,2 millions d'euros de masse salariale et coûts annexes des experts techniques internationaux transférés à Expertise France en 2017, après un mouvement similaire de 8,1 millions d'euros en 2016, d'autre part à la subvention versée au titre des crédits santé (3,2 millions d'euros) ainsi qu'au complément de la subvention d'équilibre versée sur le programme 110 (pour 0,7 million d'euros).

En outre, 21,1 millions d'euros (montant en légère baisse par rapport à 2017) seront consacrés aux aides budgétaires post-conflit et pour des pays en sortie de crise. Ces aides financent par exemple la prise en charge d'arriérés de salaires ou des dépenses relevant des ambassades de ces pays en France. Notons que, comme les années précédentes, cette ligne budgétaire constitue un doublon avec la ligne d' « aides budgétaires globales » gérée par le ministère de l'économie et des finances.

Le soutien à la coopération décentralisée est en diminution, à hauteur de 8,9 millions d'euros en 2018 contre 9,2 millions d'euros en 2017.

(2) La coopération multilatérale et communautaire
(a) Une contribution toujours massive au fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme

Fondé en 2002, le fonds mondial est un partenariat entre des gouvernements, la société civile, le secteur privé et les personnes touchées par les maladies. Principal organisme multilatéral de collecte de fonds pour la santé dans le monde, il investit aujourd'hui près de 4 milliards de dollars par an et fournit 82 % du financement international en matière de tuberculose, 50 % en matière de tuberculose et 20 % en matière de sida. De 2002 à 2015, le fonds a engagé 15 milliards de dollars pour le sida, 7,9 milliards pour le paludisme et 4,5 milliards pour la tuberculose. Les frais de fonctionnement du fonds sont un peu supérieurs à 300 millions de dollars par an.

Le fonds mondial doit recevoir 360 millions d'euros de la France en 2017 et 385 millions d'euros en 2018 , en totalité par les crédits de la TTF, via le FSD.

En juin 2016, le Président de la République a en effet renouvelé l'engagement de la France auprès du Fonds mondial pour la période 2017-2019 en maintenant la contribution de la France à hauteur de 1,08 million d'euros pour le triennium . Cet engagement a été confirmé par le Secrétaire d'Etat chargé du Développement et de la Francophonie, André Vallini, lors de la Conférence de reconstitution du Fonds à Montréal en septembre 2016.

(b) La contribution au Fonds européen de développement (FED) : 850 millions d'euros en 2018

Le FED, instrument spécifique situé hors du budget de l'Union européenne, a été créé en 1957.

Les États membres de l'Union européenne ont signé, le 24 juin 2013, un « accord interne » instituant le 11 ème fonds européen de développement qui couvre la période 2014-2020. Dans le cadre de l'accord de partenariat ACP - UE signé à Cotonou en 2000, les objectifs poursuivis par ce 11 ème FED sont « l'éradication de la pauvreté, le développement durable et l'intégration progressive des Etats ACP dans l'économie mondiale ». Ses considérants prévoient en outre : « il y a lieu d'accorder un traitement particulier aux pays les moins avancés ».

Le 11 ème FED est doté d'un montant total de 30,5 milliards d'euros pour la période 2014-2020. Les clés de répartition entre les États membres de l'Union européenne ont été fixées dès les conclusions du Conseil européen des 7 et 8 février 2013 relatives au cadre financier pluriannuel de l'Union. Elles sont reprises à l'article 1 er de l'accord interne instituant le fonds. Le premier pays contributeur reste ainsi l'Allemagne avec 20,6 % de l'enveloppe totale, puis viennent la France (17,8 %), le Royaume-Uni (14,7 %) et l'Italie (12,5 %).

La contribution de la France continue de diminuer pour s'aligner progressivement sur sa clé de contribution au budget général de l'Union européenne : elle contribuait au 9 ème FED (2000-2007) à hauteur de 24,3 % et au 10 ème FED (2008-2013) à hauteur de 19,6 %. Pour le 11 ème FED (17,8 %), sa contribution totale s'élèvera à 5,4 milliards d'euros, soit une moyenne annuelle de 776 millions.

Contribution des Etats membres de l'Union européenne
au 11 ème FED

Pour 2017, la contribution française au FED, comprenant encore des financements au titre du 10 ème FED, s'était élevée, conformément à la décision du Conseil de novembre 2015, à 742 millions d'euros . Toutefois, le montant est réévalué à 850 millions d'euros en 2018, cette accélération des décaissements au titre du 11 ème FED étant due retard pris au démarrage et à une accélération des engagements de projets à partir de 2015.

Notons en particulier que le FED alimente des fonds fiduciaires destinés à l'Afrique mis en place en 2014 et 2015, et qui permettent de concentrer rapidement des financements pour des situations difficiles, comme le fonds Bêkou pour la RCA lancé en juillet 2014, ou le fonds fiduciaire d'urgence en faveur de la stabilité et de la lutte contre les causes profondes de la migration irrégulière et du phénomène des personnes déplacées en Afrique, créé en novembre 2015 et rassemblant 2,8 milliards d'euros dont plus d'1,8 milliard d'euros en provenance du 11 ème FED. Ce fonds cible notamment le Sahel et le bassin du lac Tchad, ce qui en fait un outil convergent avec les intérêts prioritaires de la France 6 ( * ) .

(3) Les autres aides multilatérales financées par le programme

Les contributions volontaires de la France à des organisations des Nations unies sont essentiellement concentrées sur quatre organismes : le PNUD (programme des Nations unies pour le développement), le HCR (haut-commissariat aux réfugiés), UNICEF (fonds des Nations unies pour l'enfance) et l'UNRWA (réfugiés de Palestine).

Ces contributions avaient connu une très forte progression l'an passé, de 49 millions d'euros en 2016 à 99 millions en 2017, en raison de l'engagement du ministre des affaires étrangères lors de la conférence de Londres en soutien à la Syrie le 4 février 2016, avec l'annonce d'un montant de 200 millions d'euros de dons, en priorité pour le Liban, sur la période 2016-2018. Le montant en 2018 sera de 93 millions d'euros .

Par ailleurs, la mission « Aide publique au développement » regroupe également des crédits à destination de la francophonie : 47,4 millions d'euros sont ainsi prévus en 2018, en baisse de 6 millions d'euros environ par rapport à 2017. Ces crédits financent le loyer de la Maison de la francophonie, l'Organisation internationale de la francophonie (OIF) et divers opérateurs (Agence universitaire de la francophonie, association internationale des maires francophones...).

(4) Les dépenses de personnel concourant au programme

Les dépenses de personnel concourant au programme 209 diminuent d'environ 20 millions d'euros de 2016 à 2017, passant de 184 millions d'euros à 164 millions d'euros. Ces personnels relèvent principalement de la direction générale de la mondialisation, du développement et des partenariats (DGM), direction qui est aussi responsable du programme « Diplomatie culturelle et d'influence », et des 112 services de coopération et d'action culturelle (SCAC).

2. Une réaffectation de la taxe sur les transactions financières (TTF)
a) La TTF, une initiative novatrice de la France

La France a mis en oeuvre la taxe sur les transactions financières (TTF) à partir de juillet 2012, conformément aux engagements du Président de la République à la tribune des Nations unies ainsi qu'au G8 et au G20. La TTF est une taxe de 0,2 % sur les acquisitions de titres de capital 7 ( * ) , qui comprend également deux autres dispositifs : une taxe sur les ordres annulés dans le cadre d'opérations à haute fréquence et une taxe sur les acquisitions de contrats d'échange sur défaut d'un État ( Credit default swaps ). Les rendements de la TTF ont été de 871 M€ en 2014, de 1 057 M€ en 2015, de 932,5 M€ en 2016. Les prévisions de recettes étaient de 1,6 Md€ en LFI 2017 et ont été revues à la baisse à 1,4 Md€ pour le projet de loi de finances 2018.

Conformément aux engagements du Président de la République, une partie des recettes de la TTF française est affectée, dans la limite d'un plafond fixé par le Parlement, à la lutte contre le changement climatique et les grandes pandémies, par le biais d'une affectation au fonds de solidarité pour le développement (FSD) . Le reste des recettes de la TTF est affecté au budget général de l'État. La part maximale pouvant être affectée au développement a progressivement augmenté, passant de 10 % des recettes en loi de finances pour 2013 avec un plafond de 60 millions d'euros, à 15 % dans celle pour 2014 (plafond de 100 millions d'euros), puis 25 % dans celle pour 2015 (plafond de 140 millions d'euros). La loi de finances pour 2016 a supprimé la notion de pourcentage d'affectation du produit de la TTF au FSD, augmenté le plafond à 260 millions d'euros et prévu en sus une affectation directe de 25 % du produit de la taxe à l'AFD, soit 268 millions d'euros.

Ainsi, au total la loi de finances pour 2016 (à l'issue de la discussion, après prise en compte des amendements du Gouvernement et des Parlementaires) a affecté 528 millions d'euros du produit de la TTF au développement. Toutefois, en gestion et contre l'esprit du vote du Parlement, la somme supplémentaire de 268 millions d'euros prélevée sur le produit de la TTF n'avait pas été affectée, in fine, à l'AFD, mais au FSD, qui finance des dépenses multilatérales (fonds mondial Sida et autres), alors que les parlementaires entendaient accroître la « force de frappe » de l'AFD en matière de dons bilatéraux .

Lors de l'examen de la première partie du projet de loi de finances pour 2017 à l'Assemblée nationale, les députés avaient à nouveau adopté un amendement affectant directement une part supplémentaire de 270 millions d'euros de TTF à l'AFD , soit un total de 798 millions de TTF utilisés en faveur de l'aide au développement.

En outre, toujours lors de l'examen du PLF 2017, les députés avaient adopté en séance publique, contre l'avis du Gouvernement, un amendement ayant pour effet d'étendre l'assiette de la TTF aux transactions intrajournalières à compter du 1 er janvier 2018 . Il s'agissait de taxer des mouvements dont certains sont jugés de nature purement spéculative. Une disposition semblable, introduite par les députés au sein du PLF pour 2016, avait été censurée par le Conseil constitutionnel en 2015 pour des raisons de procédure.

Or, le projet de loi de finances pour 2018 présenté par le Gouvernement entend revenir sur ces deux mesures décidées par le Parlement lors de l'examen du PLF 2017 :

- d'une part, il tend expressément à affecter la part de 270 millions d'euros de taxe sur les transactions financières (TTF) versée en 2017 à l'AFD au FSD au motif d'une « rationalisation de l'architecture budgétaire de l'aide publique au développement » ;

- d'autre part, il supprime l'extension à partir de 2018 de la TTF aux transactions « intraday », au motif que l'extension de l'assiette de la taxe aux transactions infrajournalières se heurterait à « d'importantes difficultés de mise en oeuvre » et aurait des « effets néfastes en termes d'attractivité » particulièrement en période de « Brexit ».

Toutefois, en séance publique, les députés ont adopté contre l'avis du Gouvernement un amendement ayant pour effet de préserver l'affectation des 270 millions d'euros à l'AFD. Comme il a déjà été indiqué, votre commission a approuvé cette affectation directe à l'AFD, seule garantie d'une utilisation effective pour des dons-projets .

b) Un regrettable coup d'arrêt aux négociations pour une TTF européenne ?

La TTF est une taxe de type « Tobin » et a en tant que telle une vocation internationale. Des négociations sur la mise en place d'une telle taxe au niveau communautaire ont commencé en 2010 après l'échec des négociations au sein du G20. Toutefois, les désaccords rapidement apparus entre les pays membres ont montré que seule une coopération renforcée était envisageable à court terme. Outre la France, dix États membres sont désormais engagés dans cette coopération renforcée : Allemagne, Espagne, Italie, Belgique, Portugal, Grèce, Autriche, Estonie, Slovénie et Slovaquie.

Ces États ont ainsi élaboré une feuille de route en marge du Conseil « Ecofin » du 6 mai 2014. La TTF européenne reposera sur le principe d'une assiette large et de taux faibles. L'objectif du Gouvernement était d'obtenir une convergence politique sur les grandes lignes structurantes de la taxe lors du Conseil « Ecofin » de novembre 2014, en vue d'un accord à l'unanimité des États membres participants avant la fin 2015. Ce calendrier n'a pas pu être tenu.

Après une relance des négociations en 2016 à l'initiative de la France, les ministres des finances des pays concernés étaient parvenus à un accord important sur le périmètre de la taxe le 10 octobre 2016 .

Toutefois, le Gouvernement estime à présent que la situation résultant du Brexit impose aux Etats membres participant à la coopération renforcée de procéder à une évaluation « précise et exhaustive » des effets potentiels de la taxe sur les marchés financiers européens, avant de poursuivre les négociations ministérielles.

Votre commission estime qu'un tel coup d'arrêt à la négociation est fort dommageable. Les financements innovants ont prouvé leur utilité pour abonder par une ressource fiable et pérenne l'aide publique au développement et leur consolidation au niveau européen doit constituer une priorité .

LES DÉPENSES DU FONDS DE SOLIDARITÉ POUR LE DÉVELOPPEMENT (FSD)

Dans la limite des plafonds en vigueur, les ressources de la taxe de solidarité sur les billets d'avion et, depuis 2013, une partie de la taxe sur les transactions financières française sont affectées au FSD.

En application du décret n° 2013-1214, l'AFD gère le FSD et effectue les versements pour le compte de l'Etat, sous la supervision et les instructions d'un comité de pilotage interministériel.

Les bénéficiaires des ressources du FSD sont fixés par décret. Depuis le 23 décembre 2013, le FSD peut financer, en plus de la facilité internationale d'achats de médicaments Unitaid, de la facilité financière internationale pour l'immunisation (IFFIm) et du Fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme (FMSTP), les actions des bénéficiaires suivants : le Fonds vert pour le climat, l'Alliance mondiale pour les vaccins et l'immunisation (GAVI), le fonds fiduciaire de l'Initiative pour l'alimentation en eau et l'assainissement en milieu rural (RWSSI) de la Banque africaine de développement et l'Initiative solidarité santé Sahel (I3S) de l'AFD. Le paiement des contributions françaises à l'IFFIm est prioritaire sur les autres dépenses : compte tenu du montage spécifique de cette modalité de financement innovant et de l'engagement associé, un retard de paiement d'un des contributeurs aurait des effets mettant en péril tout le mécanisme.

Au 31 août 2017, les montants cumulés du FSD depuis 2006 sont les suivants :

- Recettes encaissées : 2 873,8 M€ dont 2 002 M€ issus du produit de la taxe de solidarité sur les billets d'avion (depuis 2006) et 858,4 M€ de la taxe sur les transactions financières (depuis 2013). Par ailleurs, 10,0 M€ ont été versés du budget général en 2007 pour raison conjoncturelle ;

- Dépenses effectuées : 2 811,7 M€ dont principalement :

o 1 195,9 M€ versés à UnitAid

o 705 M€ au FMSTP

o 330 M€ pour le Fonds vert pour le climat

o 290,3 M€ dus au titre du remboursement à l'IFFIm

o 88,22 M€ au titre des bonifications des prêts de l'AFD

o 42 M€ à GAVI

o 40 M€ à RWSSI

o 25 M€ au Fonds «Least Developed Countries Fund»

o 20 M€ de dons-projet bilatéraux à l'AFD

o 14 M€ à l'I3S

Perspectives pour 2017 et 2018 : les dépenses du FSD seront, à l'instar des années précédentes, consacrées prioritairement aux enjeux de santé et à la lutte contre le changement climatique.


* 4 Liste du partenariat PPP en 2014 et 2015: Bénin, Burkina Faso, Burundi, Djibouti, Comores, Ghana, Guinée, Madagascar, Mali, Mauritanie, Niger, République centrafricaine, République démocratique du Congo, Tchad, Togo, Sénégal. Pour mémoire, jusqu'en 2013, le Rwanda faisait partie des PPP

* 5 Les C2D visent à rendre la dette de certains pays en développement soutenable : ceux qui ont conclu un tel contrat avec la France remboursent effectivement leurs créances mais les sommes correspondantes lui sont reversées pour financer des projets de développement.

* 6 Est également soutenue par le FED l'AFIF (facilité d'investissement pour l'Afrique), créée en juillet 2015 pour élargir le champ des domaines éligibles au mixage prêts/dons.

* 7 Aucune taxe n'est à ce jour prélevée sur les contrats dérivés non dénoués physiquement.

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