B. LA MOBILISATION DES MESURES DE POLICE ADMINISTRATIVE

La spécificité de la lutte antiterroriste mise en oeuvre par les pouvoirs publics depuis deux ans est de s'appuyer, aux côtés de l'action menée par l'autorité judiciaire, sur un usage intense des mesures de police administrative.

La loi n° 2014-1353 du 13 novembre 2014 renforçant les dispositions relatives à la lutte contre le terrorisme a instauré plusieurs dispositifs complétant l'action initiée par le plan de lutte contre la radicalisation, parmi lesquelles les mesures d' interdiction de sortie du territoire (IST), d' interdiction administrative du territoire (IAT) et le blocage ou le déréférencement des sites faisant l'apologie du terrorisme ou incitant à la commission d'actes de terrorisme .

- Bilan des mesures d'interdiction de sortie du territoire (IST) ou d'interdiction administrative du territoire (IAT)

La mesure d'IST peut être décidée à l'égard de toute personne de nationalité française lorsqu'il existe des raisons sérieuses de penser qu'elle projette soit des déplacements à l'étranger ayant pour objet la participation à des activités terroristes soit des déplacements à l'étranger sur un théâtre d'opérations de groupements terroristes, dans des conditions susceptibles de la conduire à porter atteinte à la sécurité publique lors de son retour sur le territoire français. Entre le 15 janvier 2015 et le 4 novembre 2016, 430 arrêtés d'interdiction de sortie du territoire ont été signés par le ministre de l'intérieur, 125 d'entre eux ayant été renouvelés une fois, 24 une deuxième fois et un une troisième fois 31 ( * ) . Au total, à la date du 4 novembre 2016, 244 arrêtés d'IST étaient en vigueur .

L 'interdiction administrative du territoire peut, quant à elle, être décidée à l'encontre de ressortissants étrangers qui souhaiteraient accéder au territoire national mais qui présenteraient une menace pour la sécurité publique. Entre le 15 janvier 2015 et le 4 novembre 2016, 201 interdictions administratives du territoire ont été signées.

Par ailleurs, près de 80 arrêtés d'expulsion ont été pris contre des ressortissants étrangers liés à la mouvance djihadiste.

- Le bilan des mesures de blocage des sites

D'après les données communiquées par l'Office central de lutte contre la criminalité liée aux technologies de l'information et des communications (OCLCTIC), chargé de la mise en oeuvre du dispositif de blocage et de déréférencement des sites, à la date du 4 novembre 2016, 54 adresses électroniques figuraient sur la liste de « blocage » et 319 adresses électroniques figuraient sur la liste des déréférencements concernant le terrorisme.

Il convient toutefois d'observer que nombre de contenus faisant l'apologie du terrorisme sur Internet sont retirés en dehors du dispositif institué par la loi du 13 novembre 2014. En effet, les réseaux sociaux, de manière cependant encore inégale selon les opérateurs, ont adopté une politique plus active de retrait des contenus illicites dont ils ont connaissance, notamment du fait de la mobilisation des pouvoirs publics sur les questions de lutte contre le « cyber-djihad ».

- La mise en oeuvre de la loi du 3 avril 1955 relative à l'état d'urgence

Dans les heures ayant suivi la commission des attentats à Paris et à Saint-Denis dans la soirée du 13 novembre 2015, le Président de la République a décidé de déclarer l'état d'urgence sur l'ensemble du territoire national en application de la loi n° 55-385 du 3 avril 1955. La mise en oeuvre de cet état de crise ne peut être décidée par l'exécutif que pour une durée maximale de douze jours, toute prorogation au-delà de ce délai devant être autorisée par la loi.

Depuis le 14 novembre 2015, l'état d'urgence a été mis en oeuvre sans discontinuité, celui-ci ayant été prorogé par quatre lois successives.

Déclaration initiale de l'état d'urgence :

- Décret n° 2015-1475 du 14 novembre 2015 portant application de la loi n° 55-385 du 3 avril 1955 et décret n° 2015-1493 du 18 novembre 2015 portant application outre-mer de la loi n° 55-385 du 3 avril 1955

Prorogations de l'état d'urgence :

- Loi n° 2015-1501 du 20 novembre 2015 prorogeant l'application de la loi n° 55-385 du 3 avril 1955 relative à l'état d'urgence et renforçant l'efficacité de ses dispositions

- Loi n° 2016-162 du 19 février 2016 prorogeant l'application de la loi n° 55-385 du 3 avril 1955 relative à l'état d'urgence

- Loi n° 2016-629 du 20 mai 2016 prorogeant l'application de la loi n° 55-385 du 3 avril 1955 relative à l'état d'urgence

- Loi n° 2016-987 du 21 juillet 2016 prorogeant l'application de la loi n° 55-385 du 3 avril 1955 relative à l'état d'urgence et portant mesures de renforcement de la lutte antiterroriste

En application du dernier texte de prorogation, l'état d'urgence est applicable jusqu'au 21 janvier 2017.

Cet outil est ainsi devenu l'un des piliers de la stratégie de lutte antiterroriste dans notre pays. La déclaration d'état d'urgence a pour effet de donner à l'autorité administrative (ministre de l'intérieur et préfets) des prérogatives dont elle ne dispose pas en temps ordinaire, en particulier la possibilité d'ordonner, hors de toute procédure judiciaire, des perquisitions à domicile de jour comme de nuit, ou celle d'assigner à résidence des personnes à l'égard desquelles il existe des raisons sérieuses de penser que leur comportement constitue une menace pour la sécurité et l'ordre publics.

Ainsi, entre le 22 juillet 32 ( * ) et le 17 novembre 2016, 518 perquisitions administratives ont été ordonnées par les préfets 33 ( * ) . Par ailleurs, à la date du 17 novembre 2016, 92 personnes demeuraient assignées à résidence jusqu'à la fin de l'état d'urgence.

La loi n° 2016-987 du 21 juillet 2016 a, au-delà de la prorogation, étendu les prérogatives accordées à l'autorité administrative dans le cadre de l'état d'urgence en prévoyant :

- l'interdiction des cortèges, défilés et rassemblements dont l'autorité administrative n'est pas en mesure d'assurer la sécurité 34 ( * ) ;

- la possibilité pour les préfets d'ordonner des contrôles d'identité, des visites de véhicules, l'inspection visuelle des bagages et leur fouille 35 ( * ) ;

- la fermeture des lieux de culte où sont tenus des propos constituant une provocation à la haine et à la violence ou une provocation à la commission d'actes de terrorisme ou faisant l'apologie de tels actes 36 ( * ) ;

- la retenue de la personne sur les lieux de la perquisition administrative et le rétablissement de la possibilité de saisie, hors de toute constatation d'une infraction pénale, des données informatiques retrouvées sur le lieu faisant l'objet d'une perquisition administrative 37 ( * ) .


* 31 À l'origine, la durée totale de l'IST ne pouvait excéder deux ans. L'article 11 de la loi n° 2016-987 du 21 juillet 2016 précitée a supprimé cette limitation.

* 32 Date d'entrée en vigueur de la quatrième prorogation de l'état d'urgence.

* 33 4 112 depuis le 14 novembre 2015.

* 34 24 décisions prises sur ce fondement par les préfets entre le 21 juillet et le 17 novembre 2016.

* 35 A la date du 17 novembre 2016, 1 701 contrôles avaient ainsi été ordonnés par les préfets.

* 36 L'autorité administrative ayant fait application de ces nouvelles dispositions pour la première fois le 2 novembre dernier avec la fermeture de quatre lieux de culte.

* 37 Les précédentes dispositions de la loi du 20 novembre 2015 permettant une telle saisie avaient fait l'objet d'une censure de la part du Conseil constitutionnel dans sa décision n° 2016-536 QPC du 19 février 2016.

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