C. EXAMEN EN COMMISSION

Réunie le jeudi 12 novembre 2015, la commission a examiné le rapport pour avis sur les crédits « Biodiversité et Transition énergétique » de la mission « Écologie, développement et mobilité durables » du projet de loi de finances pour 2016.

M. Hervé Maurey , président . - À entendre les déclarations ministérielles, les crédits, dont Jérôme Bignon va nous exposer l'évolution pour 2016, sont jugés prioritaires : ils doivent permettre de financer la transition énergétique, le climat, la biodiversité, la politique de l'eau.

Or, dans les faits, il me semble que l'on constate des baisses de crédits importantes. Je passe sans plus tarder la parole à Jérôme Bignon pour qu'il nous éclaire sur cette contradiction.

M. Jérôme Bignon , rapporteur. - Il me revient de vous présenter pour la deuxième année consécutive l'avis budgétaire relatif aux politiques de la biodiversité et de la transition énergétique. Je vous rappelle brièvement qu'il concerne les crédits de trois programmes au sein de la mission « Écologie, développement et mobilité durables » :

- le programme 113 « Paysages, eau et biodiversité » ;

- le programme 159 « Information géographique et cartographique » ;

- et le programme 174 « Énergie, climat et après-mines ».

Ces trois programmes sont hétérogènes d'un point de vue budgétaire puisque le programme 113 regroupe 276 millions d'euros alors que le programme 159 n'en regroupe que 96 millions. Quant au programme 174, il s'élève à 510 millions, mais dont plus de 90 % consistent en la gestion économique et sociale de l'après-mines, comme tous les ans.

Ces trois programmes concentrent 882,8 millions d'euros, soit 13,6 % des crédits de la mission, proportion qui reste globalement stable par rapport à l'exercice précédent. S'ils ne sont pas, en volume, les programmes dotés de la plus grosse enveloppe budgétaire, ils constituent le support de réformes récentes et d'orientations politiques nouvelles, qui ont été adoptées en 2015 ou en cours d'adoption.

Après une présentation rapide des enjeux budgétaires de chacun de ces programmes, je m'attarderai quelques instants sur certains points thématiques : les enjeux marins au sein du programme 113 et le fonctionnement de l'IGN au sein du programme 159. Je crois que c'est là que peut se situer notre plus-value sur cet exercice annuel en tant que commission pour avis, étant donné que sur le plan strictement budgétaire, je suis en phase avec les observations du rapporteur de la commission des finances Jean-François Husson.

Le programme 113 « Paysage, eau et biodiversité » est le support des actions à engager au nom des feuilles de route de la transition écologique issues des conférences environnementales et de la législation en vigueur et à venir. Cela vise en particulier le projet de loi pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages, adopté le 24 mars 2015 à l'Assemblée nationale, et le 8 juillet dernier par notre commission.

Les crédits de ce programme pour 2016 sont en légère augmentation. Ils s'établissent à 276,4 millions d'euros, en autorisations d'engagement comme en crédits de paiement, soit environ 1% d'augmentation par rapport à l'année dernière en autorisations d'engagement et 1,5% en crédits de paiement. Il s'agit du seul programme dont les crédits augmentent un peu, ce dont il faut, je crois, se féliciter étant donné le contexte de redressement des finances publiques dans lequel nous nous trouvons et auquel il faut évidemment souscrire. Les services m'ont expliqué que les crédits supplémentaires seraient « saupoudrés » sur plusieurs priorités : la politique des sites et paysages dans le cadre du plan de reconquête des paysages, la politique des espaces marins, la politique de la trame verte et bleue et des espaces protégés, et l'indemnisation des éleveurs, suites aux dégâts commis par les grands prédateurs. Je ne suis pas convaincu que ce « saupoudrage » soit très efficace.

J'ajoute, qu'en ce qui concerne les opérateurs, les dotations sont globalement maintenues à leur niveau de 2015, mais 76 emplois sous plafond seront supprimés, ce qui pose un certain nombre de difficultés, j'y reviendrai.

Sur ce programme, je voudrais insister sur plusieurs points. Le premier est pour déplorer que l'enjeu - pourtant essentiel - du financement du nouveau grand opérateur public que sera l'Agence française pour la biodiversité, l'AFB, que le projet de loi relatif à la biodiversité vise à créer, soit de facto repoussé au prochain budget, dans la mesure où il dépend de l'adoption définitive du projet de loi. La date de création de cette nouvelle agence, toujours fixée au 1 er janvier 2016, devra inévitablement être repoussée, dans le meilleur des cas au 1 er janvier 2017. Cela pose des difficultés plus complexes qu'il n'y paraît puisque la mise en application de la loi nécessite des décrets en Conseil d'État soumis à de nombreuses consultations. Les préfigurateurs nous ont ainsi fait comprendre qu'il faudrait, pour tenir ces délais, aller particulièrement vite. Mais je ne veux pas être pessimiste: j'ai bien entendu le Président de la République, au moment où il a lancé la COP à l'Élysée à la rentrée, dire qu'il engagerait très vite la poursuite des travaux sur la biodiversité.

Le deuxième point est le prélèvement, cette année encore, de 175 millions d'euros sur les fonds de roulement des agences de l'eau. Ce prélèvement est d'autant plus inapproprié que les agences voient leurs missions étendues par le projet de loi sur la biodiversité.

Le troisième point concerne les moyens spécifiquement dédiés au sein de ce programme à la politique de préservation des milieux marins. Je crois en effet qu'au regard des évolutions anthropiques - il y a par exemple de plus en plus de monde sur les littoraux, aujourd'hui 8,5 millions d'habitants dans 850 communes françaises -, de l'impact du changement climatique et des nécessaires adaptations qui en découlent, la mer constitue une solution importante et solide pour le futur, tant en termes de ressources que de champ d'innovations.

En 2015, les travaux du second cycle de mise en oeuvre de la directive-cadre « Stratégie pour le milieu marin » de 2008 ont démarré, dans un objectif de révision de l'évaluation initiale des eaux marines pour 2018, sur la base d'une définition révisée du bon état écologique. Depuis 2008, le réseau de sites Natura 2000 en mer a été largement développé, ce qui fait que le réseau marin couvre désormais plus de quatre millions d'hectares. La France s'est engagée dans un programme d'acquisition de connaissances pour compléter ce réseau d'ici 2016 par des sites au-delà de la mer territoriale, conformément à ce que lui a demandé la Commission européenne. Parallèlement, la stratégie nationale de création et de gestion des aires marines protégées est mise en oeuvre depuis 2012, principalement grâce à l'action de l'Agence des aires marines protégées. Il est également important de connaître les kilomètres carrés de plateau continental en plus que la France a obtenus.

En septembre 2015, sept parcs naturels marins existent et trois missions d'études sont en cours. La création du plus grand parc naturel marin de métropole, Estuaire de la Gironde et mer des Pertuis, a été conditionnée par la création de comités géographiques locaux qui devront être mis en place après l'adoption de la loi relative à la biodiversité.

En Corse, la ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie a demandé une accélération du processus en vue d'une création du parc mi-2016. En Martinique, l'année 2015 a été consacrée à l'élaboration du projet de parc, en concertation avec les acteurs, en vue de la tenue de l'enquête publique en 2016. On pourrait encore citer le projet de parc normano-breton.

Si le montant des crédits consacrés par le programme 113 au volet maritime enregistre, entre 2015 et 2016, une augmentation globale en volume de 1,59 million d'euros en autorisations d'engagement et de 1,19 million en crédits de paiement, cette minuscule revalorisation ne peut compenser les difficultés financières de l'AAMP, qui ne peut plus aujourd'hui garantir une mise en oeuvre pérenne de ses missions. En 2016, la subvention de l'État à l'Agence des aires marines protégées s'élève seulement à 23 millions d'euros et cette dernière pourra disposer de 158 ETPT, ce qui est quasi-stable par rapport à 2015. Un seul ETPT supplémentaire alors que deux parcs ont été créés et que deux le seront en 2016 relève de la mission impossible.

Cela affecte la crédibilité de notre politique. Un réseau complet d'aires marines protégées couvrant 20 % des eaux sous juridiction en 2020 est estimé à terme à 100 millions d'euros. Aujourd'hui nous en sommes à 16,8 %. Dans son périmètre actuel, l'AAMP devrait ainsi pouvoir compter, à court terme, sur un budget de l'ordre de 40 millions d'euros et une équipe de 400 personnes, soit plus du double de ce dont elle dispose aujourd'hui. Je partage donc la vive inquiétude du directeur de l'Agence des aires marines protégées, que j'ai entendu, et selon qui les moyens et les ressources financières dont dispose l'Agence pour 2016 la placent dans une situation de très grande difficulté. Il nous a également indiqué que, en termes de moyens humains, l'intégration de l'Agence des aires marines protégées au sein de la future Agence française pour la biodiversité ne suffira pas à apporter les moyens nécessaires, les marges de redéploiement se situant au-delà du périmètre prévu pour ce nouvel établissement.

J'en viens maintenant aux crédits du programme 159 « Information géographique et cartographique », qui ont pour objectif de permettre la définition de la politique nationale d'information géographique et sa mise en oeuvre par l'Institut national de l'information géographique et forestière, l'IGN. Ils s'élèvent à 95,83 millions d'euros, en légère baisse de 0,24 % par rapport à la LFI 2015. L'essentiel de ces crédits est destiné à la subvention pour charges de service public à l'IGN, soit 95,3 millions d'euros.

J'ai souhaité me rendre, cette année, sur le site de l'IGN à Saint-Mandé, où j'ai été très bien accueilli et où j'ai pu faire une visite complète et avoir une présentation de toutes les activités. Je vous invite à vous y rendre : il y a beaucoup de choses qui peuvent intéresser les élus locaux que nous sommes. Je trouve par ailleurs que l'État ne met pas assez en avant cet apport. Il s'agit pourtant d'un travail de très grande qualité, effectué par des ingénieurs de haut niveau, qualifiés, et qui travaillent sur des documents précieux : la plus-value est mésestimée. C'était passionnant à plusieurs titres.

Tout d'abord pour la production de données et de produits que l'IGN développe et qui sont au service de nombreuses politiques publiques comportant des enjeux d'analyse spatiale et de localisation d'objets ou d'événements. Un travail est en cours pour faire coïncider le cadastre et les données de l'IGN. Cette représentation parcellaire cadastrale unique a été lancée dans deux départements, puis elle le sera dans quinze départements tous les ans. L'IGN contribue ainsi à l'aménagement du territoire en répondant aux besoins créés par la complexité de l'aménagement urbain, des règles environnementales et aussi par la multiplication des risques naturels. Dans ce cadre, l'IGN décrit le territoire afin de rendre compte de la gestion de l'espace, de l'occupation du sol, de l'aménagement urbain, des zonages réglementaires, etc... C'est un travail effectué grâce à des logiciels, mais également en grande partie géré manuellement, grâce au traitement d'images aériennes numériques et de données « Lidar » ( Light Detection And Ranging ). L'Institut assure la couverture photographique aérienne régulière de l'ensemble du territoire national avec une flotte de quatre avions.

Ces données sont ensuite mises à disposition du public, des acteurs économiques ou encore et surtout des collectivités territoriales grâce à des services numériques, comme le Géoportail de l'urbanisme , qui a été créé par l'ordonnance du 20 décembre 2013 relative à l'amélioration des conditions d'accès aux documents d'urbanisme et aux servitudes d'utilité publique et qui permet de mettre à disposition et de croiser toutes les informations relatives aux différents documents d'urbanisme et autres zonages. Il est actuellement en ligne pour six départements, dont la Manche, le Pas-de-Calais ou encore le Loir-et-Cher, et sera déployé sur tout le territoire d'ici 2020. Grâce à cet outil, vous pouvez entrer une adresse et superposer tous les documents administratifs qui s'y appliquent, et d'un simple clic consulter le plan local d'urbanisme (PLU) de la zone considérée par exemple.

L'IGN contribue également au développement durable et à la protection de l'environnement via sa contribution à la connaissance statistique des milieux, des réseaux hydrographiques ou encore grâce à l'élaboration de données sur l'empreinte thermique, l'éclairage nocturne ou encore les zones à potentiel éolien. Il a par exemple un drone permettant de réaliser un plan des égouts de Paris.

L'Institut développe également des outils pour la politique des transports, à travers la production de données permettant la mise en place de réseaux intelligents et la connaissance des capacités d'intermodalités.

Je voudrais enfin insister sur le soutien apporté par l'IGN à l'innovation dans la lutte contre le changement climatique. Les applications innovantes développées par l'IGN, en partenariat avec des start-ups françaises et des PME sont assez fascinantes.

Dans la perspective de la COP 21, l'IGN a particulièrement renforcé ces partenariats. Je citerai par exemple l'accélérateur de projets IGN-Fab , lancé en 2014 pour aider les PME à développer des produits et services utilisant la description du territoire et la géolocalisation. Le deuxième appel à projets lancé au printemps 2015 a porté sur deux thématiques : le changement climatique et la prévention des risques. Quatre PME ont été sélectionnées et peuvent bénéficier des outils IGN pour développer leurs services. Ces quatre PME sont In Sun We Trust , qui est un projet de service facilitant l'accès au photovoltaïque via une plateforme en ligne (ce projet est d'autant plus stratégique que les États-Unis ont lancé un projet similaire qui pourrait arriver chez nous) ; Delair Tech , qui est un projet d'industrialisation d'une caméra aux fins d'acquisition d'images par des drones ; Open Forêt , qui est un projet de service facilitant la mise en relation entre les exploitants forestiers et les millions de petits propriétaires ; Hydratec , qui est une plateforme de modélisation des processus de transports hydrologiques.

Ces projets seront d'ailleurs présentés pendant la COP au Bourget dans la Galerie des solutions, vous pourrez les voir par vous-mêmes.

L'IGN concrétise également son soutien à l'innovation via l'initiative C3, c'est-à-dire Climate Change Challenge , qui est menée en collaboration avec de nombreux partenaires comme Météo-France, le Muséum d'histoire naturelle ou encore le CNES : les membres de cette opération seront aussi présents à la COP.

Je pourrais encore vous citer le marégraphe de Marseille où les observations effectuées par l'Institut depuis la fin du 19 ème siècle ont permis de constater une élévation du niveau de la mer à Marseille de 16 cm. L'exploitation de ces données marégraphiques est riche d'enseignements dans le contexte de la lutte contre le changement climatique.

J'en viens enfin au dernier programme, le programme 174 « Énergie, climat et après-mines », dont les crédits doivent servir de support à la mise en oeuvre de la politique énergétique et à la lutte contre le changement climatique. Il est lui aussi concerné par l'adoption de la loi du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte, qui a fixé de nouveaux objectifs à la politique énergétique de notre pays.

Le montant total des crédits demandés à ce titre pour 2016 s'élève à 510,6 millions d'euros en AE et 512,93 millions d'euros en CP, soit une baisse d'environ 6 % par rapport à 2015.

Nous ne pouvons que regretter que les crédits, qui, au sein de ce programme, sont dédiés à la politique énergétique - déjà très faibles puisqu'ils représentent 4 millions d'euros - soient en baisse de 23% par rapport à 2015. Le « souffle » voulu par le Gouvernement en matière de transition énergétique, de changement de paradigme de notre politique énergétique, sur le chemin d'une transition vers un modèle « décarboné » et durable, retombe nettement si l'on considère les moyens qui y sont attachés.

L'Ademe doit être prélevée en 2016 de 90 millions d'euros sur son fonds de roulement, ce qui, comme l'indique le rapporteur de la commission des finances, Jean-François Husson, ne met pas en péril la soutenabilité du budget de l'Agence mais risque à l'avenir de lui poser des difficultés, surtout dans la perspective de mise en oeuvre des actions supplémentaires induites par la transition énergétique, comme l'objectif de multiplication par cinq du volume de chaleur d'origine renouvelable et de récupération livré par les réseaux de chaleur entre 2012 et 2030, ce qui passe notamment par les programmes incitatifs de l'Ademe en la matière ou encore le Fonds Chaleur.

Le signal donné à travers ce prélèvement supplémentaire n'est donc pas compréhensible. S'il faut faire des économies, j'en conviens, comment pour autant faire davantage avec moins de moyens ? Comment avoir les moyens des ambitions de la transition énergétique dans ce contexte ?

Et ce qui est vrai de la politique énergétique l'est aussi pour la politique de lutte contre le changement climatique puisque les 28 millions d'euros qui y sont consacrés par l'action n° 5 sont en baisse de 6 % par rapport à l'année dernière, alors même que notre réseau de surveillance de la qualité de l'air mériterait d'avoir enfin un financement lui permettant de remplir ses missions. C'est d'autant plus paradoxal que la Commission européenne a adressé un avis motivé à la France en avril dernier, lui demandant de respecter la législation relative à la limitation de l'exposition des citoyens aux particules fines en définissant des valeurs limites spécifiques à ne pas dépasser. La Commission a en effet considéré que la France n'a pas adopté les mesures qui auraient dû être appliquées depuis 2005 pour protéger la santé de ses citoyens.

Voici les éléments que je souhaitais porter à votre connaissance, mes chers collègues. Les crédits de ces programmes ne me semblent pas à la hauteur des ambitions que la France doit porter pour la COP 21 et risquent même de faire peser sur certains acteurs des charges indues les empêchant de mener à bien leurs missions. Pour toutes ces raisons, je vous proposerai un avis défavorable à ces crédits.

M. Hervé Maurey , président. - Merci beaucoup pour cette présentation complète et très intéressante, effectuée avec enthousiasme. Elle montre votre grande implication et votre connaissance de ces sujets. Vous avez raison, la difficulté est que nous sommes là en présence de politiques dites prioritaires mais avec des baisses de crédits, même si nous sommes conscients qu'il faut réduire les dépenses publiques.

M. Hervé Poher . - Merci au rapporteur pour son intervention enthousiaste. Nous avons longuement débattu la semaine dernière sur la question du verre à demi-plein ou à demi-vide. De mon côté, je ne suis pas tout à fait d'accord avec le rapporteur. Je ferai trois constats. Le premier constat est que lorsque le contexte budgétaire est difficile, les premiers budgets auxquels on touche sont la culture et l'environnement. C'est déplorable mais c'est ainsi. Le deuxième constat est que les politiques environnementales sont aujourd'hui très transversales, ce qui pose un problème de lisibilité. Par exemple, le crédit d'impôt qui va être porté à 1,4 milliard d'euros l'année prochaine pour les travaux d'économies d'énergie n'est pas visible au travers de ces programmes. Idem pour l'argent qui va être consacré aux territoires à énergie positive. Troisième constat : nous sommes dans un contexte où il faut serrer la ceinture, nous le savons. Enfin, j'ai une intuition : avant le vote de la loi sur la biodiversité, les technostructures financières d'État ont souhaité gagner une année.

Rapidement, sur le programme 113, même si davantage de crédits auraient été souhaitables, le contexte financier nous l'interdit. Sur les sites et paysages, le rapporteur comme moi-même aurions également souhaité davantage. Sur l'Agence française pour la biodiversité, il va de soi que nous ne pouvons pas la budgéter puisque la loi n'est pas encore votée. Sur les agences de l'eau, je confirme ce que j'ai dit l'année dernière. À titre personnel, je considère que c'est un cambriolage. Il y avait un principe fort : l'eau va à l'eau. Je suis d'une région fortement touchée. Dans un quotidien il y a deux jours était souligné le fait que le travail restant à accomplir était colossal en matière d'environnement. Je vous lis seulement ce passage concernant l'eau dans la région Nord-Pas-de-Calais: « 95% des nappes sont polluées ; 150 captages d'eau potable ont été fermés ces dernières années ; seul un quart des cours d'eau et des plans d'eau sont en bon état écologique » . Il y a encore beaucoup de travail. Pour le programme 174, il y a une baisse globale des crédits comme l'a dit le rapporteur, mais c'est principalement la démographie des mineurs.

Pour résumer, je pensais que les choses seraient pires sur ce budget. Mon groupe sera donc d'accord avec les crédits proposés.

M. Gérard Cornu . - Je souhaitais interroger le rapporteur sur la question de la montée des eaux. Je ne sais pas si elle est due au changement climatique mais on a observé depuis plusieurs années, et notamment l'année dernière des problèmes de changement de cours d'eau avec des inondations et des catastrophes naturelles importantes, notamment dans le Sud de la France. Le Gouvernement s'était engagé à aider les collectivités - le plus souvent démunies - pour réaliser des travaux importants. À ma connaissance, je n'ai pas vu de traduction budgétaire sur cette aide aux collectivités. Peut-être cette aide vient-elle des agences de l'eau, ce qui m'inquiéterait encore plus, étant donné la diminution de leurs moyens.

M. Jean-Jacques Filleul . - Je voulais faire remarquer que globalement les moyens de l'État sont préservés dans ce budget. C'est rassurant. Je voulais remercier aussi le rapporteur qui a fait un rapport passionnant, en particulier sur l'IGN. Nous avions reçu ici le directeur de l'IGN : c'était très intéressant et nous avions envisagé de nous y rendre. Le rapporteur l'a fait pour nous et c'est tant mieux. Il serait peut-être possible d'y retourner ensemble.

Je regrette simplement la conclusion du rapporteur.

M. Rémy Pointereau . - Je félicite à mon tour le travail de notre collègue Jérôme Bignon qui a une très grande connaissance du sujet, mais qui a surtout une vision pragmatique des choses, ce qui est très important. Je souhaite l'interroger sur le projet de loi relatif à la biodiversité. Avez-vous des informations sur la date du passage du texte en séance ? On a un peu l'impression que ce texte est sans cesse repoussé.

M. Ronan Dantec . - C'est encore un budget en baisse. Il y a deux choses dans ce budget : les moyens budgétaires de l'État et un certain nombre de dispositifs fiscaux. La difficulté à laquelle nous allons être confrontés, c'est qu'à force de réduire les moyens en termes de fonctionnaires, nous n'allons plus être capables de faire fonctionner un certain nombre de dispositifs. C'est la logique budgétaire qui est ici à l'oeuvre : à force de baisser les moyens de la police de l'environnement par exemple, on a plus que de l'affichage. Je ne voterai pas le rapport car je trouve qu'il comprend certaines postures même si je sais que le rapporteur est sincère.

M. Hervé Maurey , président. - M. Dantec vous apportez donc votre soutien au rapporteur mais pas au rapport, si j'ai bien compris.

M. Louis Nègre . - Je félicite tout d'abord le rapporteur pour son analyse à la fois critique et objective. On voit que le rapporteur est malheureux car il ne dispose pas des crédits dont il souhaiterait disposer. Je le répète, la France est un pays étrange. Tout le monde reconnaît qu'il y a un problème environnemental majeur, on fait la COP 21, on en fait la priorité des priorités, et pourtant, je constate comme la dernière fois qu'il y a une incohérence profonde dans la politique actuelle entre les avancées intellectuelles et les moyens qui sont en diminution. Je constate, programme après programme, la litanie des rapporteurs pour avis de la commission qui se plaignent tous des diminutions de crédits. Caton l'Ancien disait : Delenda est Carthago . Je répète que nous avons 140 milliards d'euros chaque année de crédits sociaux supplémentaires à ceux de l'Allemagne, où le niveau social est identique au nôtre. Si nous arrivons au pouvoir, je suis persuadé que nous trouverons les moyens pour soutenir le rapporteur et son excellent rapport.

M. Guillaume Arnell . - Je serai rapide. Je m'associe aux collègues qui ont félicité le rapporteur, que j'ai également eu le privilège de côtoyer à la délégation à l'outre-mer et dont je salue la parfaite connaissance de ces problématiques. J'ai beaucoup écouté et je me rends compte que malheureusement, alors que sur nos territoires nous avons le sentiment d'être mal servis en ce qui concerne l'environnement, c'est en réalité un problème général qui concerne tous les territoires : il y a des moyens supplémentaires à mobiliser sur ces politiques. L'outre-mer constitue une grande partie de la biodiversité française : pourquoi ne met-on pas là plus de moyens ? Il n'empêche qu'il faudra se satisfaire de ce que nous avons mais continuer à faire pression sur ce gouvernement et le suivant pour que des moyens supplémentaires soient déployés.

Mme Évelyne Didier . - Malgré les baisses de crédits et la diminution de fonctionnaires, on constate tout de même qu'il se fait encore beaucoup de belles et bonnes choses. Je voudrais rendre hommage aux fonctionnaires qui continuent à réussir à mettre en oeuvre un certain nombre de politiques malgré ces diminutions drastiques de crédits depuis plusieurs années. À force de critiquer les fonctionnaires, on finit par oublier tout ce qu'ils réussissent à faire malgré tout. On est en train par ailleurs d'atteindre la masse budgétaire critique après les cures d'amaigrissement successives. Cela correspond tout à fait aussi à la volonté de l'opposition qui n'arrête pas de préconiser des baisses de crédits et de dépenses publiques. Comment pouvez-vous demander moins de dépenses publiques et moins de fonctionnaires et en même temps à chaque budget déplorer que plus d'actions ne soient pas menées. C'est une contradiction, quel que soit le Gouvernement.

Je termine par l'après-mines car c'est un sujet auquel je tiens beaucoup et qui concerne beaucoup d'ayant droits dans mon secteur géographique. Il y a une diminution du nombre d'ayant-droits. Mais la gestion de l'après-mines est devant nous en ce qui concerne l'atteinte aux sols et aux sous-sols dans de nombreuses communes.

M. Jérôme Bignon , rapporteur. - Mme Didier, dans les programmes que nous examinons aujourd'hui ne figure que l'accompagnement social des mineurs. La question des sols et des sous-sols sera traitée par notre collègue Pierre Médevielle à travers le programme 181, la semaine prochaine. M. Pointereau, sur le calendrier, nous savons juste que la Conférence des présidents n'a pas pour l'instant évoqué le projet de loi sur la biodiversité. Certains bruits nous disent que le texte pourrait venir à l'ordre du jour en février, mais je n'ai aucune information précise, ni de la ministre, ni du cabinet, ni des services. Sur l'IGN, je vous remercie de vos appréciations. Il pourrait y avoir une occasion d'y aller pour l'inauguration prochaine, en 2016, de leur centre de documentation. Sur les crédits, M. Poher a tout dit lorsqu'il a affirmé qu'il croyait que cela allait être pire. Au fond, lorsque la nécessité fera loi, alors il y aura les crédits : malheureusement aujourd'hui, la conscience de cette nécessité n'est pas encore arrivée. La Chine a bougé sur ces questions, non par conscience mais parce que la population s'est mise à protester vivement parce qu'elle ne pouvait plus respirer. Cela arrivera un jour aussi chez nous.

Réunie le mercredi 18 novembre 2015, la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable, suivant son rapporteur, a émis un avis défavorable à l'adoption de ces crédits.

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