EXPOSÉ GÉNÉRAL

I. SI LES CRÉDITS ALLOUÉS AU PROGRAMME 177 PROGRESSENT PAR RAPPORT À LA LOI DE FINANCES POUR 2015, ILS SERONT ENCORE INSUFFISANTS

A. AU SEIN DE LA MISSION « ÉGALITÉ DES TERRITOIRES ET LOGEMENT », LES CRÉDITS DU PROGRAMME 177 FINANCENT LES DISPOSITIFS D'ACCUEIL, D'HÉBERGEMENT ET D'INSERTION

1. La mission Égalité des territoires et logement
a) Un changement de dénomination consécutif à une évolution de périmètre

La mission « Égalité des territoires, logement et ville » s'est progressivement recentrée sur le logement et l'hébergement, le programme « Politique de la ville » étant transféré en 2015 vers la mission « Politique des territoires ». En 2016, en cohérence avec cette évolution, la mission est renommée « Égalité des territoires et logement ».

b) Une mission composée de quatre programmes

La mission « Égalité des territoires et logement » se compose de quatre programmes : le programme 177 (Hébergement, parcours vers le logement et insertion des personnes vulnérables), le programme 109 (Aides à l'accès au logement), le programme 135 (Urbanisme, territoire et amélioration de l'habitat) et le programme 337 (Conduite et pilotage des politiques du logement et de l'égalité des territoires).

Le poids respectif de ces différents programmes est inégal, puisque le programme 135, qui prend en charge des aides auparavant financées par la branche famille de la sécurité sociale 1 ( * ) , représente près de 15 milliards d'euros de crédits de paiement en 2016. Le programme 177 est le deuxième plus important, avec 1,44 milliard d'euros. Les programmes 135 et 337 représentent en 2016 moins de 286 et 765 millions d'euros, respectivement.

Source : Projet annuel de performance annexé au PLF

2. Le programme 177

En 2016, le programme 177 change de dénomination 2 ( * ) . Il connaît par ailleurs une évolution de périmètre d'ampleur limitée, puisque les crédits destinés à financer le Fond national de la jeunesse et de l'éducation populaire. (Fonjep) sont intégrés au programme 163 de la mission « Sport, jeunesse et vie associative ». Cette mesure de transfert porte sur 3,8 millions d'euros.

Transfert et réduction des crédits Fonjep

Les crédits destinés à financer le fond national de la jeunesse et de l'éducation populaire (Fonjep) étaient jusqu'à présent répartis entre deux missions et gérés par deux ministères.

L'unification de ces crédits au sein du programme 163, piloté par le ministère de la ville, de la jeunesse et des sports, semble donc pertinente.

Toutefois, votre rapporteur regrette que cette mesure s'accompagne d'une diminution de 700 000 euros de l'enveloppe globale, alors même que ces crédits sont nécessaires à l'action locale de nombreuses associations.

Le PLF initial dotait le programme 177 de 1,44 milliard d'euros en autorisations d'engagement comme en crédits de paiement. L'Assemblée nationale a porté ce montant à 1,51 milliard d'euros, afin de financer l'accueil de demandeurs d'asile relocalisés en application du plan élaboré à l'occasion du Conseil européen des 15 et 16 octobre 2015. Ces crédits sont répartis entre trois actions de poids inégal et centrés sur l'hébergement d'urgence. La ventilation des crédits supplémentaires adoptés par l'Assemblée nationale n'étant pas connue, les développements du présent rapport tiennent compte de la répartition présentée dans le projet annuel de performance annexé au PLF.

Source : Projet annuel de performance annexé au PLF

a) Prévention de l'exclusion

L'action 11 « Prévention de l'exclusion » représente 4,2 % des crédits pour la mission en 2016, soit 60,5 millions d'euros dans le PLF initial. Elle regroupe des allocations et prestations d'aide sociales versées aux personnes âgées ou handicapées au titre de la compétence résiduelle de l'Etat en la matière, pour 40 millions d'euros, et des actions de prévention et d'accès aux droits, qui comprennent notamment à l'allocation de logement temporaire, destinée à financer les aires d'accueil pour les gens du voyage (ALT 2), pour 20,5 millions d'euros.

Réforme de l'aide aux gestionnaires d'aires d'accueil des gens du voyage

La loi n° 2013-1278 du 29 décembre 2013 de finances pour 2013 a prévu une réforme de l'aide au logement temporaire destinée au financement des aires d'accueil des gens du voyage (ALT 2), mentionnée à l'article L. 851-1 du code de la sécurité sociale. Cette réforme met en oeuvre une recommandation formulée par la Cour des comptes dans son rapport public de 2012.

Le décret n° 2014-1742 du 30 décembre 2014, pris pour l'application de cette réforme, précise d'une part le contenu de la convention signée entre le gestionnaire de l'aire d'accueil et l'Etat et introduit d'autre part une prise en compte de l'occupation effective des aires dans le calcul de l'aide versée.

Alors que le montant mensuel de l'aide forfaitaire était de 132,45 euros par place, celle-ci comprend donc désormais une part fixe qui s'élève à 88,30 euros par place et une part modulée en fonction du taux d'occupation de l'aire, dont le montant maximal est de 44,15 euros par place pour un taux d'occupation de 100 %.

Les crédits consommés en 2014, dernière année avant l'entrée en vigueur de la réforme, s'élevaient à 16,2 millions d'euros. L'enveloppe prévue pour 2016, qui correspond à un taux d'occupation de 55 %, est de 17,8 millions d'euros.

b) Hébergement et logement adapté

L'action 12 « Hébergement et logement adapté » comprend l'essentiel (95,1 %) des crédits du programme et représente le coeur de celui-ci. Elle comprend des dépenses destinées à la veille sociale, au financement des dispositifs d'hébergement et aux dispositifs de logement adapté. Cette action devrait bénéficier de la majeure partie des crédits supplémentaires adoptés par l'Assemblée nationale (69,85 millions d'euros).

Crédits 2016 de l'action 12 « Hébergement et logement adapté »

(en millions d'euros)

Crédits consommés 2014

Crédits demandés PLF 2015

Crédits demandés PLF 2016 1

Veille sociale

109

89

90

Hébergement

1 099

1 012

1 076

Urgence

476

389

440

CHRS

623

623

636

Logement adapté

179

200

203

Maisons relais/pensions de famille

77

80

86

Résidences sociales AGLS

15

15

15

Intermédiation locative

45

65

65

ALT 1

28

39

37

AVDL et autres

14

Action 12

1 386,8

1 300,4

1 369,7

1 Ces chiffres ne tiennent pas compte de crédits supplémentaires prévus par amendement à l'Assemblée nationale dans le cadre du plan européen de relocalisation des demandeurs d'asile et dont la ventilation n'est pas connue.

Source : Projet annuel de performance annexé au PLF et rapport annuel de performance

(1) Veille sociale

Les crédits demandés au titre de la veille sociale doivent permettre de financer les services d'accueil et d'orientation et les services intégrés d'accueil et d'orientation (SIAO), le fonctionnement des plateformes téléphonique « 115 », les Samu sociaux et autres équipes mobiles ainsi que les dispositifs d'accueils de jour. Ils s'élèvent à 90 millions d'euros en 2016, soit une progression de 2,5 % par rapport à la loi de finance initiale pour 2015 mais une baisse de 17,4 % par rapport aux crédits exécutés en 2014.

Ces crédits apparaissent donc insuffisants au regard des besoins. En effet les dispositifs de veille sociale, et notamment les centres d'appel 115 sont débordés par les demandes qui leur sont adressées. Lors de son audition par votre rapporteur, le Samu social de Paris a indiqué traiter environ 1 500 appels par jour, soit seulement un tiers des appels reçus.

(2) Hébergement

L'hébergement des personnes sans abri constitue le principal poste de dépenses du programme 177. Il représente, dans le PLF initial, 1 076,3 millions d'euros, dont 636 millions d'euros consacrés aux centres d'hébergement et de réinsertion sociale (CHRS) et 440 millions au titre de l'hébergement d'urgence. Les crédits dédiés au financement de l'hébergement d'urgence financent des places en centre d'hébergement d'urgence (CHU), des places d'hébergement de stabilisation et de réinsertion, des nuitées d'hôtel et des places temporaires ouvertes pour faire face à des situations exceptionnelles.

Source : Projet annuel de performance annexé au PLF

Si l'accueil en CHRS, qui permet un accompagnement des personnes prises en charge, demeure le principal mode d'hébergement des personnes sans abri on constate qu'il progresse nettement moins rapidement que les modes d'hébergement d'urgence. L'essentiel de l'augmentation des besoins a donc été absorbé par l'augmentation des capacités d'urgence.

Surtout, on constate que qu'un certain volume de crédits est réaffecté en cours d'année du financement des CHRS vers l'hébergement d'urgence (voir infra ).

Évolution du nombre de places d'hébergement entre 2010 et 2014

CHU

Hôtel

CHRS

2010

18 593

13 948

39 525

2011

19 766

16 235

39 346

2012

22 091

20 727

39 142

2013

28 692

25 496

39 145

2014

30 537

32 300

40 690

Évolution 2010-2014

64%

132%

3 %

Source : Projet annuel de performance annexé au PLF et réponses de la DGCS au questionnaire du rapporteur

Dans ce contexte, la volonté exprimée par le Gouvernement de poursuivre la réflexion sur la mise sous statut d'établissements d'hébergement actuellement financés par subventions doit permettre une meilleure régulation de la dépense publique. Le Gouvernement a également annoncé la poursuite d'une réflexion sur le rapprochement des statuts des établissements d'accueil et d'hébergement, prévu par l'article 32 de la loi Alur. Bien que ces pistes soient de nature à améliorer l'efficience de la réponse, le problème le plus criant demeure l'insuffisance des crédits disponibles.

En ce qui concerne l'hébergement d'urgence, l'augmentation continue du nombre de places ne permet pas de faire face aux besoins. Le baromètre du 115 élaboré par la fédération nationale des associations d'accueil et de réinsertion sociale (Fnars) montre qu'environ la moitié des personnes qui sollicitent le 115 n'obtiennent pas de solution d'hébergement, soit 48 000 personnes en 2014.

(3) Logement adapté
(a) Les crédits de la sous-action logement adapté

Le PLF prévoit de consacrer 203 millions d'euros aux différentes formes de logement adapté. Les dispositifs financés sont divers. Il s'agit des maisons-relais et des pensions de famille (86 millions d'euros), de l'intermédiation locative (65 millions d'euros), des résidences sociales et de l'aide à la gestion locative sociale (15 millions d'euros) et de l'aide aux organismes qui logent temporairement des personnes défavorisées (ALT 1 ; 37,3 millions d'euros).

Source : Projet annuel de performance annexé au PLF

Visite de la résidence sociale-pension de famille Arago

Votre rapporteur s'est rendu à pension de famille et résidence sociale Arago, située dans le 13 e arrondissement de Paris et gérée par Emmaüs solidarité. Cette structure propose des logements individuels à des personnes qui connaissent des difficultés d'accès au logement autonome, dans une perspective d'accompagnement vers l'insertion sociale. Il a pu constater le dévouement des professionnels qui accompagnent les locataires.

Ce type de logement adapté, qui responsabilise les personnes prises en charge tout en leur donnant les conditions d'une transition réussie vers le logement de droit commun constitue une réponse à la problématique du sans-abrisme qui doit être encouragée.

(b) Fongibilité en cours d'année au détriment du logement adapté

Si l'on peut considérer que ces crédits ne sont pas suffisants, il faut surtout déplorer les mesures de fongibilité mises en oeuvre en cours d'exercice en faveur de l'hébergement d'urgence et au détriment du financement du logement adapté (voir infra ).

(c) Financement de l'accompagnement vers et dans le logement

Les ménages connaissant des difficultés d'accès ou de maintien dans le logement peuvent bénéficier de prestations d'accompagnement vers et dans le logement (AVDL).

Ces mesures, qui représentaient 17,7 millions d'euros en 2013 et 15,9 millions d'euros en 2014 étaient financées jusqu'en 2015 pour partie par le programme 177 et pour partie par le fond national d'accompagnement vers et dans le logement (FNAVDL), abondé par le produit des astreintes prononcées à l'encontre de l'Etat par le juge administratif dans le cadre du droit au logement opposable (Dalo).

Depuis 2015, le programme 177 ne contribue plus au financement des mesures d'AVDL. Par conséquent, seules les ressources du FNAVDL sont mobilisées. Or, on constate que cette modification du mode de financement de l'AVDL s'est accompagnée d'une baisse sensible des crédits qui y sont consacrés. Fin octobre 2015, le montant total notifié aux opérateurs s'élevait à 5,5 millions d'euros. Cette baisse s'explique largement par la longueur des procédures de liquidation des astreintes prononcées par les juges 3 ( * ) . Or, les difficultés de trésorerie que ces retards de paiement entraînent pour les opérateurs pèsent, in fine , sur les ménages fragiles qui auraient besoin d'un accompagnement.

Par ailleurs, ce mode de financement interroge. En effet, l'objectif des politiques publiques doit être à la fois d'assurer le respect du droit au logement, et donc de limiter le nombre d'astreintes prononcées à l'encontre de l'Etat, et de financer à hauteur des besoins les mesures d'accompagnement vers et dans le logement. Or, le financement de l'AVDL par les astreintes Dalo met en concurrence ces deux objectifs.

Expérimentation « Un chez-soi d'abord »

La saturation des dispositifs d'hébergement s'explique par l'insuffisance de la production de logement à bas coût et par la paupérisation des locataires du parc social. Cette problématique dépasse le cadre du programme 177 et donc du présent avis.

Votre rapporteur souhaite toutefois mettre en avant l'expérimentation « Un chez-soi d'abord », lancée en 2011 et pilotée par le délégué interministériel pour l'hébergement et l'accès au logement des personnes sans abri ou mal logées (Dihal). Cette expérimentation est financée notamment par l'action 14 du programme 177.

Ce programme d'innovation sociale repose sur l'accès direct à un logement, sans passer par les dispositifs d'hébergement, et sur un accompagnement intensif et pluridisciplinaire pendant trois ans. Il concerne 800 personnes souffrant de difficultés lourdes (troubles psychiques, addictions), dans quatre agglomérations (Paris, Marseille, Toulouse et Lille).

Ce programme vise à transposer au contexte français une expérimentation (« Housing first ») qui a fait ses preuves aux États-Unis et au Canada. Les premiers résultats publiés sont encourageant, puisque 86 % des personnes concernées étaient encore dans leur logement au bout de deux ans. On observe par ailleurs une amélioration des conditions de vie et notamment de santé de ces personnes. Ces résultats soulignent qu'il est préférable, y compris pour les finances publiques, de favoriser l'accès au logement adapté ou accompagné plutôt que de privilégier les solutions d'hébergement plus faciles à mettre en oeuvre à court terme mais qui ne permettent pas la réinsertion des personnes prises en charge.

c) Conduite et animation

L'action 14 « Conduite et animation des politiques de l'hébergement et de l'inclusion sociale » représente 10 millions d'euros, dont 3 millions d'euros sont consacrés au financement d'actions d'animation, d'expérimentation ou encore d'élaboration d'outils de gouvernance, 6,6 millions d'euros permettent le soutien financier d'associations têtes de réseau 4 ( * ) et 0,4 million d'euros permettent de soutenir les fédérations locales des centres sociaux


* 1 Afin de compenser les pertes de recettes occasionnées pour la branche famille par les allègements de cotisations prévus dans le cadre du pacte de responsabilité et de solidarité, le financement des aides personnalisées au logement (APL) puis de l'allocation logement à caractère familial (ALF) a été transféré vers le programme 109 du budget de l'Etat à compter respectivement de 2015 et 2016. Ce transfert, qui représente une masse financière de près de 10 milliards d'euros, a conduit à une augmentation considérable des crédits de ce programme en deux ans.

* 2 Jusqu'en 2015, le programme 177 était dénommé « Prévention de l'exclusion et insertion des personnes vulnérables ».

* 3 Lors des auditions menées par votre rapporteur, la DGCS a indiqué que les dispositions règlementaires encadrant le versement des astreintes pourraient être modifiées dans l'optique d'une rapidité accrue.

* 4 En 2014, les associations ainsi financées ont notamment été la Fédération nationale des associations d'accueil et de réinsertion sociale (Fnars) à hauteur de 880 000 euros, les restaurants du coeur (600 000 euros) ou encore le secours populaire (425 000 euros)

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