D. LA COMPENSATION DES COÛTS INDIRECTS DU CARBONE AU PROFIT DES INDUSTRIES ÉLECTRO-INTENSIVES EXPOSÉES À LA CONCURRENCE INTERNATIONALE (ARTICLE 33 BIS) : UNE MESURE DE COMPÉTITIVITÉ ATTENDUE

Lors de l'examen de la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte, le Sénat a introduit un ensemble de dispositifs destinés à rétablir la compétitivité des industries grandes consommatrices d'électricité dites « électro-intensives » (acier, aluminium, chimie, papier, etc.) exposées à la concurrence internationale :

- modulation de la redevance hydraulique pour inciter les exploitants de concessions hydroélectriques à les approvisionner à des tarifs attractifs et garantis sur longue période ;

- bénéfice de conditions particulières d'approvisionnement en électricité en contrepartie d'engagements de performance énergétique ;

- réduction du tarif d'utilisation des réseaux jusqu'à 90 % du tarif normalement dû - soit un niveau de soutien équivalent à celui pratiqué en Allemagne ;

- compensation accrue - et plafonnée à des niveaux comparables à ceux retenus en Allemagne, en Italie ou en Espagne - au titre de la participation des industriels au mécanisme dit d'« interruptibilité » qui permet au gestionnaire du réseau de transport d'électricité de réduire sans préavis leur puissance de soutirage en cas de nécessité ;

- enfin, engagement d'une réflexion , par la remise d'un rapport du Gouvernement avant le 1 er octobre 2015, sur la prise en compte des coûts dits « indirects » du CO 2 visant à compenser le surcoût de l'électricité lié à la mise en place du marché européen d'échange de quotas (SCEQE ) pour les industriels exposés à un risque significatif de « fuite de carbone » 40 ( * ) , avec pour but de parvenir à des mesures concrètes en loi de finances pour 2016.

C'est précisément ce dispositif de « compensation carbone » , introduit à l'époque par votre commission, que l'article 33 bis du présent projet de loi , ajouté par voie d'amendement gouvernemental, entend mettre en oeuvre sans attendre le dépôt du rapport, ce dont votre rapporteur pour avis ne peut que se réjouir .

Concrètement, la mesure proposée, autorisée par le droit européen et déjà mise en place chez certains de nos voisins 41 ( * ) , consiste à verser aux entreprises bénéficiaires, en année N, une aide dont le montant 42 ( * ) sera assis sur les coûts des quotas d'émissions de gaz à effet de serre répercutés sur les prix de l'électricité et subis par l'entreprise en année N-1 . Conformément aux lignes directrices européennes 43 ( * ) , la couverture des coûts est plafonnée et dégressive : 85 % des coûts supportés en 2015 puis 80 % au titre des années 2016 à 2018 et 75 % au titre des années 2019 et 2020, date d'expiration du dispositif. En outre, la mesure, qui a déjà été pré-notifiée à la Commission européenne, n'entrera en vigueur que lorsque celle-ci aura confirmé sa conformité au droit européen en matière d'aides d'État.

Comme précisé dans l'exposé des motifs de l'amendement, « la «compensation carbone» poursuit ainsi un triple objectif : réduire le risque de fuite de carbone (par la délocalisation hors de l'Union européenne d'activités industrielles), maintenir l'objectif du système d'échanges de [quotas] carbone de l'Union européenne de réaliser la décarbonation en assurant un bon rapport coût-efficacité , et limiter au minimum les distorsions de concurrence dans le marché intérieur ».

Selon les estimations du Gouvernement, l'allègement de la facture des industriels concernés serait d' environ 3 euros par MWh , soit un niveau proche de celui de l'Allemagne 44 ( * ) et « une économie de l'ordre de 6 à 20 % de leur facture d'électricité ». Quant au coût de la mesure, évalué en 2016 à 93 millions d'euros , il devrait être financé par les recettes issues de la budgétisation de la contribution au service public de l'électricité auquel procède le projet de loi de finances rectificative pour 2015 ( cf. infra ).


* 40 C'est-à-dire à un risque de délocalisation de leurs productions dans des pays aux législations environnementales moins vertueuses et, partant, au coût de l'énergie moindre.

* 41 À commencer par l'Allemagne depuis 2013 ; en 2015, l'aide obtenue par les industriels allemands sera d'environ 4 euros par MWh.

* 42 Établi chaque année par arrêté sur la base du prix à terme des quotas observés sur le marché. Cette indexation sur la cotation du carbone, ajoutée par l'adoption d'un sous-amendement, devrait majorer fortement le coût du dispositif dans les prochaines années compte tenu de la hausse probable des cours du carbone. Selon les premières projections disponibles, la mesure pourrait ainsi coûter 130 millions d'euros au titre des coûts subis en 2016.

* 43 Communication n° 2012/C 158/04 du 5 juin 2012 relative aux lignes directrices concernant certaines aides d'État dans le contexte du système d'échange de quotas d'émission de gaz à effet de serre après 2012.

* 44 Et même comparable si l'on y ajoute l'effet d'une autre mesure adoptée en loi de finances pour 2015 instaurant, pour les consortiums d'achat à long terme d'électricité par des industriels électro-intensifs de type Exeltium, un régime dérogatoire au plafonnement de la déductibilité des frais financiers au titre de l'impôt sur les sociétés. En réduisant les charges financières du groupement, cette mesure permettrait de réduire le prix de l'électricité achetée par ses membres de l'ordre d'1,5 à 2 euros par MWh.

Page mise à jour le

Partager cette page