AUDIOVISUEL EXTÉRIEUR

I. L'ACTION AUDIOVISUELLE EXTÉRIEURE : UNE ORGANISATION CLARIFIÉE

A. FRANCE MÉDIAS MONDE : UNE NAISSANCE RÉUSSIE QUI DOIT ENCORE ÊTRE ACCOMPAGNÉE

France Médias Monde (FMM) est une société nationale de programmes au sens du IV de l'article 44 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication dont la mission est de « contribuer à la diffusion et à la promotion de la langue française, des cultures française et francophone, ainsi qu'au rayonnement de la France dans le monde, notamment par la programmation et la diffusion d'émissions de télévision et de radio ou de services de communication au public en ligne relatifs à l'actualité française, francophone, européenne et internationale » .

France Médias Monde comprend trois entités distinctes qui conservent leur identité et des rédactions propres :

- France 24, chaîne d'information en continu trilingue ;

- RFI, radio internationale en français et en 12 langues étrangères ;

- et Monte Carlo Doualiya (MCD), radio universaliste en arabe.

La stratégie de FMM est déterminée dans le cadre d'un contrat d'objectifs et de moyens.

1. La mise en oeuvre du contrat d'objectifs et de moyens 2013-2015

Conformément aux dispositions de l'article 53 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication, un contrat d'objectifs et de moyens (COM), agréé entre l'État et la société, définit dans un cadre prospectif et pluriannuel les stratégies éditoriales et de développement, les améliorations de gestion à mettre en oeuvre et les moyens d'y parvenir.

Attendu depuis huit ans, le COM négocié par l'État et FMM pour la période 2013-2015 a été signé le 9 avril 2014. Ses principaux objectifs sont les suivants :

- poursuivre la consolidation de la couverture mondiale de France 24 ;

- continuer à adapter les programmes de RFI et MCD à leurs publics, notamment par les langues de diffusion ;

- renforcer la stratégie de diffusion sur tous les supports numériques ;

- approfondir les synergies, tant en interne qu'avec les autres acteurs de l'audiovisuel public.

Votre rapporteure pour avis a rendu compte du COM de FMM, transmis à la commission de la culture, de l'éducation et de la communication préalablement à son adoption au travers d'une communication effectuée le 18 décembre 2013 dans laquelle elle observait qu'il donnait une perspective de moyen terme « sur une période assez courte, de 2013 à 2015, soit la période minimale prévue par la loi » et s'inscrivait « dans la continuité des conclusions du rapport Cluzel, qui préconisait de reconstruire les rédactions tout en préservant les synergies » .

Tout en préservant les spécificités des différentes antennes de FMM, le COM a précisé les objectifs de chacune d'entre elles. RFI doit ainsi veiller au rajeunissement de son auditoire notamment dans les pays africains et développer les émissions en haoussa et kiswahili ainsi qu'en bambara au Mali. MCD a pour objectif d'étendre sa diffusion à 24 heures sur 24 tandis que France 24 a pour mission de renforcer ses antennes anglophones et arabophones par l'augmentation régulière du nombre d'heures de production.

Le COM concerne également la politique de diffusion et de distribution. Il prévoit ainsi pour RFI un développement en Afrique non francophone et au Cambodge. Il traite également la question du rayonnement de France 24 sur le territoire métropolitain après que le Gouvernement a annoncé la préemption de fréquences pour une diffusion sur la TNT en Ile-de-France. Comme l'indiquait votre rapporteure pour avis dans sa communication « l'extension géographique de la diffusion sur l'ensemble du territoire devra être évoquée dans le prochain COM » . Pour MCD, l'objectif sera de pouvoir obtenir des fréquences dans les capitales du Maghreb à un coût raisonnable. Le COM évoque également une coopération entre France 24 et TV5 Monde afin d'éviter une concurrence entre les politiques de distribution au niveau mondial.

Enfin, sur le plan des moyens, le COM prévoit sur la période 2013-2015 des mesures nouvelles à hauteur de 10,8 millions d'euros, soit une augmentation de 1,4 % par an. Au contraire des autres sociétés nationales de programme, FMM conserverait le bénéfice du crédit d'impôt compétitivité emploi (CICE) à hauteur de 1 million d'euros. Le COM prévoyait également une hausse des ressources propres de 8,2 millions d'euros.

Au cours du débat qui a suivi la communication de votre rapporteure pour avis, il a été proposé d'adresser une lettre à la ministre afin de solliciter l'extension de la diffusion de RFI et MCD sur l'ensemble du territoire métropolitain. Enfin, la commission avait donné à l'unanimité un avis favorable au COM de FMM.

2. La situation budgétaire de France Médias Monde en 2015

Le projet de loi de finances pour 2015 prévoit la suppression du programme 115 « Action Audiovisuelle Extérieure » dont l'action n° 1 « Audiovisuel Extérieur de la France » assurait une partie du financement de FMM au moyen de crédits issus du budget général. Le nouveau programme 844 couvre maintenant l'intégralité des crédits attribués à FMM qui passent de 169,9 millions d'euros en 2014 à 247 millions d'euros en 2015 (242 millions d'euros HT) du fait du transfert de crédits du programme 115. À périmètre constant, la dotation augmente de 0,9 %.

Au cours de l'année 2014, FMM a fait l'objet d'une mesure de régulation budgétaire à hauteur de 0,6 million d'euros décidée par la loi de finances rectificative de juillet 2014. Cette diminution de ressources a eu pour conséquence une baisse du coût des grilles de programmes et des frais de diffusion du fait du report de certains projets sur 2015.

L'exercice 2015 s'inscrit dans le cadre du COM 2013-2015 et tient compte des nouvelles hypothèses du projet de loi de finances pour 2015. Le financement public est assuré intégralement par la contribution à l'audiovisuel public et comprend une baisse des ressources publiques de 0,1 million d'euros par rapport au COM du fait de l'économie attendue sur les charges sociales dans le cadre du pacte de responsabilité.

3. La réaction des personnels face à la fusion et au statut unique

Afin de pouvoir faire un point sur la réalisation de la fusion et sa perception par les différents personnels, votre rapporteure pour avis a rencontré cette année les cinq organisations syndicales de France Médias Monde (CFDT, CFTC, CGT, FO, SNJ) avec l'intention de leur poser, à chacun, les mêmes questions : la fusion a-t-elle été une bonne chose ? Comment s'est passé le rapprochement des structures et des personnels ? Où en est-on, enfin, de l'harmonisation des statuts ?

Votre rapporteure pour avis constate qu' aucun des syndicats de salariés ne demande le retour en arrière, la fusion constitue un acquis . Cela ne veut pas dire, pour autant, que tout est pour le mieux. Si la CFDT, premier syndicat de France Médias Monde reconnaît que la fusion était « une bonne chose » et que le rapprochement radio-télévision-Internet est positif, la CFTC qui était contre la fusion, considère que les salariés ont maintenant envie de « passer à autre chose » . Pour le SNJ, « la nouvelle structure a le mérite d'exister » . FO rappelle qu'elle ne voulait pas la fusion mais qu'elle a joué le jeu et qu'il n'y a pas de retour possible. La CGT, quant à elle, estime qu' « il n'y a pas de culture commune » et s'inquiète d'une future fusion des rédactions.

On le voit, au-delà des différences, ce sont plus les conditions de la fusion et la place de chacun qui font débat que le principe même, ce qui est déjà significatif.

Concernant les conditions du rapprochement, les griefs sont plus nombreux même si rien ne semble irrémédiable. Tout d'abord - et votre rapporteure pour avis souhaite lui en reconnaître le mérite - tous s'accordent à considérer que Mme Marie-Christine Saragosse a su restaurer les conditions de la confiance nécessaire pour assurer le succès de l'opération de fusion. La CFTC reconnaît ainsi qu'il y a eu des « améliorations concernant le dialogue social » et que les relations sont plus « courtoises et détendues » . Mais dans le même temps, ce même syndicat considère que « les personnels vivent côte-à-côte » et qu'il n'y a « aucune synergie ni aucune ambition éditoriale commune » . Ce constat pessimiste va souvent de pair avec des inquiétudes sur les moyens et la charge de travail. Le SNJ pointe le fait que les journalistes sont plutôt « ouverts à se former à de nouveaux médias comme la vidéo et la photo » mais il insiste sur le fait qu' « un journaliste ne peut produire pour tous les médias » . Le SNJ déplore également que les journalistes doivent faire des tranches d'information plus longues, sans avoir suffisamment le temps de préparer leurs papiers. Cette surcharge de travail mise en avant par le SNJ est aussi ressentie par la CGT qui évoque des « flux tendus à RFI » .

Il y demeure donc des difficultés, peut-être inhérentes à toute fusion. Mais ce qui pose véritablement problème aujourd'hui concerne, d'une part, l'harmonisation des statuts et, d'autre part, le projet de développement de l'entreprise.

L'ensemble des syndicats de salariés redoute, en effet, le futur statut commun d'autant plus que la négociation a pris du retard , les réunions ayant été suspendues depuis juillet, ce qui laisse place aux inquiétudes sincères comme aux rumeurs pas toujours bien intentionnées. La coexistence de personnels pouvant avoir des statuts très différents - tout en exerçant le même emploi - ne peut perdurer. Pour autant, les syndicats estiment que l'enveloppe de 3,5 millions d'euros provisionnée pour financer l'harmonisation sera insuffisante pour réaliser un alignement par le haut ce qui leur fait craindre des remises en cause des acquis.

Mais plus encore, c'est bien l'ambition des pouvoirs publics pour France Médias Monde, dans un contexte de contraintes budgétaires accrues, qui fait débat. La diminution des départs en mission des journalistes pour couvrir les événements, le projet d'abandonner les ondes courtes en Chine, en Russie et en Iran, le report de la création de l'antenne en bambara qui a coïncidé avec la baisse des crédits dans le collectif budgétaire en juillet ont alimenté le pessimisme. FO s'interroge ainsi sur la stratégie de l'État pour l'audiovisuel extérieur et tous ont pris conscience de la concurrence accrue initiée par l'arrivée des nouveaux acteurs.

Paradoxalement, ces inquiétudes sont plutôt rassurantes puisqu'elles illustrent aussi l'attachement des personnels à leur entreprise et une conscience aigüe de leur mission d'information.

Votre rapporteure pour avis est d'autant plus confiante dans l'avenir de France Médias Monde que beaucoup des inquiétudes qu'elle vient de passer en revue recevront bientôt des réponses précises. Comme le lui a confirmé Mme Marie-Christine Saragosse, le processus de remise à plat des statuts est maintenant achevé et, sans vouloir divulguer des éléments de la négociation qui devraient être présentés très prochainement par la direction de l'entreprise, on peut estimer que la solution pourrait être trouvée au travers d'une convergence réciproque des temps de travail assortie d'un effort financier pour ceux qui verront leur temps de travail augmenter. Votre rapporteure pour avis insiste sur le fait que les efforts demandés devraient être raisonnables et permettre des améliorations, par exemple dans la prise des congés à RFI. Quant à la négociation sur les métiers, elle devra prendre en compte le fait que ces derniers évoluent très vite et qu'il faut pouvoir en tenir compte.

Compte tenu de ces informations, votre rapporteure pour avis estime que l'objectif de conclure un accord au premier semestre 2015, même s'il est ambitieux, peut être considéré comme crédible. Cet accord constituera une des fondations de la nouvelle société ; il faut souhaiter qu'il permette aussi d'insuffler un nouvel esprit commun propre à favoriser de nouvelles dynamiques.

4. Les orientations stratégiques de France Médias Monde

La stratégie de France Médias Monde est inséparable de l'effort financier demandé à la société depuis plusieurs années. Elle correspond à une baisse de 10,7 millions d'euros des ressources publiques d'exploitation sur la période 2011-2015 soit, en cumulé, une économie pour les comptes publics de 54 millions d'euros par rapport à la dotation de 2011 . Autant dire que France Médias Monde a déjà fortement contribué à l'effort de redressement des comptes publics.

Si l'on considère que les ressources propres ont augmenté de seulement 6,1 % entre 2011 et 2015 du fait de la mauvaise tenue du marché publicitaire, on comprend mieux pourquoi France Médias Monde a été dans l'obligation de réaliser d'importants gains de productivité. La mise en place de deux plans de départ volontaire (PDV) a eu pour conséquence une baisse nette des effectifs de 253 équivalents temps plein (soit une baisse de 20 % des effectifs) et une économie globale annuelle de 19 millions d'euros . Par ailleurs, un effort a également été fait sur les achats et les frais de fonctionnement, ce qui a permis de réduire ce poste de 16,7 millions d'euros par an. Enfin, 4,1 millions d'euros ont été économisés sur les dépenses de marketing et de communication avec le risque de limiter le développement de l'entreprise.

Ces économies n'ont pas empêché le développement de la version arabophone de France 24 et une migration de la production vers la haute définition (HD). Mais les moyens sont aujourd'hui extrêmement contraints, ce qui limite le nombre des nouveaux projets. L'antenne en bambara de RFI est toutefois aujourd'hui sur les rails et devrait commencer à émettre au plus tard au second semestre 2015 , ce qui est fondamental compte tenu des enjeux qui traversent cette partie du continent africain. Par ailleurs, France 24 sera bientôt diffusée au Québec et un projet existe d'une antenne hispanophone de France 24.

Votre rapporteure pour avis considère que la France dispose maintenant d'un bel outil, financé entièrement par la contribution à l'audiovisuel public. L'audience progresse d'ailleurs sensiblement : +5,4 % en un an pour RFI et +4,2 % pour France 24. Le site de la chaîne enregistre 26,8 millions de pages vues depuis janvier 2014, 13 millions d' « amis » sur Facebook et 4 millions de « suiveurs » sur Twitter.

Votre rapporteure pour avis considèrerait comme souhaitable de mieux valoriser les antennes de France Médias Monde en France même au travers une diffusion de France 24 sur la TNT, non seulement en Île-de-France mais sur tout le territoire , comme elle l'a indiqué à la Ministre de la Culture et de la Communication lors de son audition par votre commission de la culture, de l'éducation et de la communication, le 12 novembre dernier. De même, si la diffusion de RFI et MCD à Marseille est déjà en discussion, il lui semblerait également pertinent d'étendre la diffusion de ces radios au reste du territoire ou tout du moins aux grandes villes .

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