C. LES FINANCEMENTS DITS INNOVANTS : VERS LA SUBSTITUTION AUX CRÉDITS BUDGÉTAIRES

1. La taxe de solidarité sur les billets d'avion sera écrêtée à compter de 2015

Pour financer des programmes internationaux de santé publique et d'accès aux médicaments pour certaines maladies dans les pays en voie de développement et l'accomplissement des Objectifs du Millénaire pour le Développement, la France a créé, dès 2006, la taxe de solidarité sur les billets d'avion , qui constitue une contribution additionnelle à la taxe sur l'aviation civile.

Le tarif de cette taxe, perçue en fonction de la destination finale du passager, a été revalorisé de 12,7 % le 1 er avril 2014 et est fixé à :

a) 1,13 euro, pour chaque passager embarqué à destination de la France, d'un autre Etat membre de l'Union européenne, d'un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse ;

b) 4,51 euros, pour chaque passager embarqué à destination d'un autre Etat.

Ces tarifs sont portés, respectivement, à 11,27 euros et à 45,07 euros lorsque le passager peut bénéficier sans supplément de prix à bord de services auxquels l'ensemble des passagers ne peut accéder gratuitement [i.e. hors classe économique] .

Recettes de la taxe de solidarité sur les billets d'avion (en millions d'euros)

2009

2010

2011

2012

2013

2014 (P)

2015 (P)

2016 (P)

2017 (P)

162

163

175

185

185

208

222

225

231

Source : réponse au questionnaire budgétaire

Très peu de pays ont mis en place une contribution obligatoire de solidarité au profit du développement, et aucun dans lequel la circulation aérienne est importante : Cameroun, Chili, République du Congo, Madagascar, Mali, Maurice, Niger et République de Corée.

Depuis le 1 er janvier 2014, les recettes de la taxe affectées à la politique de développement sont plafonnées à 210 millions d'euros par an 10 ( * ) . Selon les prévisions du Gouvernement, ce plafond s'appliquera effectivement dès 2015, avec une réfaction de 12 millions d'euros en 2015, 15 millions en 2016 et 21 millions en 2017.

De fait, la taxe pénalise la compagnie Air France dans la concurrence internationale car elle renchérit, même à un faible niveau, le prix des billets d'avion. Elle verse entre 70 et 80 millions d'euros chaque année à ce titre, soit environ le tiers des recettes de la taxe. C'est pourquoi Bruno Le Roux, député, a proposé en novembre dernier, dans le cadre d'un rapport préparé à la demande du Gouvernement, de modifier l'assiette de cette taxe , en la faisant reposer sur le secteur de la grande distribution et sur le secteur bancaire.

2. La taxe sur les transactions financières en devenir

Depuis août 2012 11 ( * ) a été mise en place une taxe sur les transactions financières (TTF) succédant à une taxe sur les devises et à l'impôt sur les opérations boursières. Elle s'élève à 0,2 % sur les acquisitions de titres de capital (aucune taxe n'est à ce jour prélevée sur les contrats dérivés non dénoués physiquement). La taxe comprend également deux autres dispositifs : une taxe sur les ordres annulés dans le cadre d'opérations à haute fréquence et une taxe sur les acquisitions de contrats d'échange sur défaut d'un Etat (Credit default swaps).

La TTF a rapporté 766 millions d'euros en 2013 et devrait s'élever à 780 millions en 2014.

Depuis le 1 er janvier 2013 12 ( * ) , une fraction de 10 % de la TTF est affectée à la politique de développement, dans la limite de 60 millions d'euros. Cette fraction a été portée à 15 % depuis le 1 er janvier 2014 avec un plafond de 100 millions. L'article 15 du projet de loi de finances pour 2015 prévoit de porter cette fraction de la TTF affectée au développement à 25 %, dans la limite de 130 millions . À la suite d'un amendement adopté à l'Assemblée nationale, ce plafond pourrait être de 140 millions mais il est préférable d'attendre la fin de la discussion budgétaire pour connaître le montant exact car le Gouvernement a émis un avis défavorable à cet amendement.

Contrairement à la taxe de solidarité sur les billets d'avion, le plafonnement est déjà effectif : sans lui, la fraction aurait ainsi dû s'élever à 76,6 millions d'euros en 2013 (montant limité à 60 millions) et à 117 millions en 2014 (montant limité à 100 millions). Pour 2015, le relèvement à 25 % de la part de TTF versée pour le développement ne sera pas pleinement effectif puisque le plafond est fixé à 130 millions : en prenant l'hypothèse - prudente - que la TTF produise en 2015 autant de recettes qu'en 2014, l'existence du plafond diminue la portée de la taxe pour le financement de la politique de développement à hauteur de 65 millions d'euros.

Encore plus que la taxe sur les billets d'avion, une taxe sur les transactions financières a une vocation internationale ou, le cas échéant, européenne. En effet, le secteur financier est celui qui a le plus bénéficié des effets de la mondialisation et mobilise chaque jour de tels volumes d'argent sur les marchés qu'une taxe à assiette large et taux très faible aurait un rendement élevé, tout en étant à peu près indolore sur le coût des transactions.

C'est ce que concluait en 2003 le rapport préparé par Jean-Pierre Landau à la demande du Président Jacques Chirac. En 2011, un rapport de Bill Gates commandé par le Président Sarkozy confirmait l'intérêt d'une telle taxe pour le financement d'actions de développement.

Reprenant cette idée, fortement soutenue par la France, la Commission européenne a proposé en septembre 2011 une proposition de directive sur un système commun de taxe sur les transactions financières pour toute l'Union Européenne. Devant l'opposition d'un certain nombre de pays, le Conseil de l'Union a engagé la voie d' une coopération renforcée en la matière entre onze Etats membres 13 ( * ) . La Commission européenne a alors déposé une nouvelle proposition en février 2013. Depuis lors, les négociations se poursuivent mais difficilement. Elles butent notamment sur les questions de l'assiette de la taxe, de son taux mais aussi de la destination des recettes ainsi perçues.

3. Le fonds de solidarité pour le développement (FSD) : réceptacle peu transparent

Un fonds de solidarité pour le développement (FSD) a été créé en 2006 14 ( * ) pour percevoir les recettes de la taxe et les verser aux organismes bénéficiaires. L'Agence française de développement gère le FSD et effectue les versements pour le compte de l'Etat.

Depuis un décret de décembre 2013 15 ( * ) , le FSD peut financer 7 organismes internationaux : la facilité internationale d'achats de médicaments Unitaid, la facilité financière internationale pour l'immunisation (IFFIm), le Fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme, le Fonds vert pour le climat, l'Alliance mondiale pour les vaccins et l'immunisation (GAVI), le fonds fiduciaire de l'Initiative pour l'alimentation en eau et l'assainissement en milieu rural (RWSSI) de la Banque africaine de développement et l'Initiative solidarité santé Sahel (I3S) de l'AFD.

Entre 2006 et le 31 juillet 2014, le FSD a reçu 1,47 milliard d'euros de recettes, dont 1,3 milliard au titre de la taxe de solidarité sur les billets d'avion et 127 millions au titre de la taxe française sur les transactions financières.

Durant cette période, le FSD a reversé 1,3 milliard d'euros, dont 936 millions pour Unitaid , 173 millions pour l'IFFIm, 184 millions pour le Fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme, 20 millions pour le GAVI, 13 millions pour le RWSSI et 6 millions pour l'I3S.

Pour 2015, les crédits du FSD sont connus puisque les deux taxes qui l'alimentent seront écrêtées : il devrait donc recevoir 210 millions de la taxe de solidarité sur les billets d'avion et 130 ou 140 millions de la TTF, selon le vote final du PLF. Sur ces 340 ou 350 millions, 173 millions sont fléchés vers le fonds mondial ; il ne resterait donc que 167 ou 177 millions pour les autres organismes (Unitaid, IFFIm, GAVI...).

4. Les autres financements et les perspectives

Dans la catégorie des nouveaux financements, on peut également citer d'autres initiatives, notamment celles venant des collectivités territoriales. Alors que la loi Oudin-Santini permettait de financer des actions en matière d'eau et d'assainissement (le « 1 % eau »), la loi d'orientation du 7 juillet 2014 prévoit, à l'initiative de votre commission et du Sénat, que cette possibilité soit élargie au secteur des déchets ménagers (« 1 % déchets »).

On peut aussi signaler, même s'il s'agit de crédits budgétaires, les contrats de désendettement et de développement (C2D) qui permettent de flécher les ressources générées par les annulations de dettes vers les financements d'actions de développement.

Enfin, lors de son audition devant votre commission, la secrétaire d'Etat en charge du développement a précisé que la France continuait de jouer un rôle moteur dans les réflexions pour la mise en place d'autres mécanismes de financement innovant à l'étranger et dans le pays, comme la possibilité de dons par SMS ou la mise en place de loteries solidaires.

Vos rapporteurs seront attentifs à ces initiatives et poursuivront des travaux sur ce sujet.

* *

Lors de sa réunion du mercredi 26 novembre 2014, sous la présidence de Christian Cambon, vice-président, la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées a donné, à l'unanimité, un avis favorable à l'adoption des crédits de la mission « Aide publique au développement » du projet de loi de finances pour 2015.


* 10 Article 46 de la loi n° 2011-1977 du 28 décembre 2011 de finances pour 2012.

* 11 Loi n° 2012-354 du 14 mars 2012 de finances rectificative pour 2012.

* 12 Article 22 de la loi n° 2005-1720 du 30 décembre 2005 de finances rectificative pour 2005.

* 13 France, Allemagne, Belgique, Autriche, Slovénie, Portugal, Grèce, Slovaquie, Italie, Espagne et Estonie.

* 14 Même article 22.

* 15 Décret n° 2013-1214 du 23 décembre 2013 portant modification du décret n° 2006-1139 du 12 septembre 2006 sur le fonds de solidarité pour le développement.

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