III. LES AUTRES MESURES BUDGÉTAIRES EN LIEN AVEC L'ÉNERGIE

A. LA HAUSSE DE LA TAXE INTÉRIEURE DE CONSOMMATION SUR LES PRODUITS ÉNERGÉTIQUES SUR LE GAZOLE

1. Le dispositif initial

Afin de compenser le manque à gagner lié au remplacement de l'écotaxe par le péage de transit poids lourds - évalué entre 650 et 700 millions d'euros 20 ( * ) -, l'article 20 du projet de loi de finances pour 2015 prévoyait initialement de relever de deux centimes par litre la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE) applicable au carburant gazole pour les particuliers et d'affecter une partie du produit de cette taxe, à hauteur de 807 millions d'euros pour 2015, à l'Agence de financement des infrastructures de France (AFITF). Cette part était destinée à assurer, en complément des recettes du péage de transit poids lourds, le financement des volets mobilité des contrats de plan État-région pour les projets de transports propres.

En pratique, la TICPE étant elle-même soumise à la taxe sur la valeur ajoutée (TVA), la hausse s'élève pour le consommateur à 2,4 centimes d'euros par litre de gazole auxquels s'ajoute l'impact de la contribution climat énergie (CCE) au 1 er janvier 2015 - 2,4 centimes d'euros avec la hausse de la TVA correspondante 21 ( * ) -, soit au total 4,8 centimes d'euros par litre .

2. La suspension sine die du péage de transit poids lourds

En réponse aux difficultés exprimées par les responsables des fédérations professionnelles de transport routier, le Gouvernement a annoncé, le 9 octobre dernier, la « suspension sine die » du péage de transit poids lourds et la constitution d'un « groupe de travail de co-construction d'une solution avec toutes les parties prenantes » 22 ( * ) .

Pour mémoire, le péage de transit poids lourds avait été instauré l'été dernier par la loi de finances rectificative pour 2014 en remplacement de l'écotaxe, elle-même suspendue en octobre 2013. Ce nouveau dispositif, au périmètre plus restreint - 4 000 kilomètres de routes au lieu des 15 000 kilomètres couverts initialement - et aux recettes moindres - 550 millions d'euros contre 1,2 milliard d'euros -, devait faire l'objet d'une phase d'expérimentation dès le 1 er octobre et son entrée en vigueur , prévue au 1 er janvier 2015, avait été repoussée en septembre aux premiers mois de l'année 2015 . Depuis la création du dispositif en 2011, il s'agit du huitième report.

3. Les modifications intervenues à l'Assemblée nationale

Pour compenser la perte de recettes liée à la suspension du péage de transit poids lourds, l'Assemblée nationale a adopté, sur proposition du Gouvernement 23 ( * ) , un amendement augmentant de 4 centimes d'euros par litre la TICPE sur le gazole consommé par les transporteurs routiers de marchandises , soit une hausse équivalente à celle applicable aux particuliers au 1 er janvier 2015 en intégrant l'effet de la CCE. Ainsi l'écart de niveau de taxation entre les particuliers et les professionnels - qui bénéficient d'une exonération partielle de TICPE - restera quasi similaire au niveau actuel, soit 3,63 € par hectolitre contre 3,65 € précédemment.

Le produit de cette hausse - 332 millions d'euros supplémentaires - est affecté à l'AFITF qui percevra au total 1,139 milliard d'euros en 2015. À terme, une fois la concertation menée avec les transporteurs routiers, le Gouvernement s'est engagé à mettre en place un financement pérenne des infrastructures de transport dont les modalités restent à déterminer.

4. La résiliation du contrat conclu avec la société Ecomouv'

Comme la suspension du péage de transit poids lourds pouvait le laisser penser, le secrétaire d'État aux transports a annoncé, le 30 octobre 2014, la décision du Gouvernement de résilier le contrat de partenariat conclu avec la société Ecomouv' qui devait en assurer la collecte. Cette résiliation ouvre désormais la voie à des négociations avec Ecomouv' pour établir le montant de l'indemnisation due par l'État, le Gouvernement se réservant toutefois la possibilité d'un recours juridique en rappelant, dans la lettre de résiliation, « [les doutes émis] sur la validité du contrat initial au regard des exigences constitutionnelles qui s'imposent à l'État lorsqu'il confie à des personnes privées la gestion de certaines activités ».

Pour mémoire, dans son rapport déposé en mai dernier, la commission d'enquête sénatoriale avait conclu à la régularité de la procédure d'attribution en établissant que « (i) le recours à un contrat de partenariat avait été dûment autorisé par le Conseil d'État saisi dans les formes prévues, (ii) la consultation proprement dite conduisant au choix du prestataire in fine, s'est déroulée dans le respect de l'égalité de traitement des candidats. »

En l'état, l'indemnisation théorique due par l'État à la société Ecomouv' pourrait atteindre plus d'1 milliard d'euros - 800 millions au titre du remboursement des investissements réalisés et au moins 250 millions de loyers dus depuis l'ajournement de l'écotaxe.


* 20 Le produit attendu de l'écotaxe était estimé à 1,2 milliard d'euros par an, contre environ 550 millions d'euros pour le péage de transit poids lourds.

* 21 Dans le même temps, l'essence sans plomb est relevée de 2 centimes. Pour mémoire, la CCE a été instaurée par l'article 32 de la loi de finances pour 2014 qui introduit au sein de la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE) une composante carbone progressive et proportionnée aux émissions de CO2 des produits énergétiques soumis à la TICPE, selon une valeur de la tonne de CO2 fixée à 7 € en 2014, 14,5 € en 2015 et 22 € en 2016.

* 22 La première réunion du groupe de travail a eu lieu le 16 octobre.

* 23 Un amendement identique avait été déposé par le groupe écologiste.

Page mise à jour le

Partager cette page