TROISIÈME PARTIE - PLF 2013 : LE NIVEAU D'AIDE MULTILATÉRALE STRUCTURELLEMENT ÉLEVÉ EST MAINTENU

I. DES CONTRIBUTIONS ÉLEVÉES AUX INSTITUTIONS MULTILATÉRALES ET EUROPÉENNES CONSIDÉRÉES COMME LA CONTREPARTIE NÉCESSAIRE DE NOTRE INFLUENCE SUR LA PROGRAMMATION DE CES INSTITUTIONS

La part de l'aide au développement française, qui transite par les instances multilatérales et européennes, est passée de moins de 26 % en 2006 à plus de 40 % en 2010 et plus de 50 % si on ne compte que l'aide programmable 36 ( * ) .

Les crédits qui transitent par des canaux multilatéraux ou communautaires sont inscrits dans les programmes 110 et 209 qui prévoient chacun une action consacrée à l'aide multilatérale.

Dans le projet de loi de finances pour 2013, ces crédits s'élèvent environ à 2 milliards d'euros sur les 3 milliards que compte la mission « aide au développement ». C'est dire le poids de ses contributions dans la programmation budgétaire. Au total, l'ensemble des contributions multilatérales représente, toutes missions confondues, entre 3 et 5 milliards d'euros comme l'illustre le tableau suivant.

Crédits multilatéraux dans la mission APD pour 2013

Autorisations d'engagement

Crédits de paiement

Numéro et intitulé du programme
et de l'action

Ouvertes en LFI pour 2012

Demandées
pour 2013

Ouverts en LFI
pour 2012

Demandés
pour 2013

110

Total P110 Aide économique et financière au développement

649 461 363

495 957 313

1 191 903 953

1 161 898 434

01

Dont Aide économique et financière multilatérale

170 204 693

64 000 000

721 656 795

673 847 576

209

Total 209 Solidarité à l'égard des pays en développement (LFI 2012 retraitée)

2 108 508 546

1 938 938 526

2 131 352 293

1 963 706 031

05

Dont Coopération multilatérale

420 352 814

414 719 840

442 319 480

436 786 506

07

Dont Coopération communautaire

789 605 000

694 025 000

789 605 000

694 025 000

La France a ainsi accompagné depuis une décennie la montée en puissance des grandes banques multilatérales et régionales, telle que la Banque mondiale qu'elle finance à hauteur de plus de 460 millions d'euros par an , afin d'orienter leur programmation vers les zones prioritaires de la France et en particulier vers l'Afrique subsaharienne.

Elle a également promu le développement d'une politique de coopération européenne à travers le FED , auquel la France contribue pour près de 800 millions d'euros par an .

Elle a enfin été à l'initiative de la mise en place de nouveaux instruments comme le Fonds mondial de lutte contre Le sida , la tuberculose et le paludisme auquel elle contribue désormais à hauteur de 360 millions d'euros par an , soit, depuis sa création, une contribution de près de 3 milliards d'euros.

La montée en puissance du multilatéralisme correspond sur le long terme à la mise en place de politiques globales à l'échelle mondiale grâce à des institutions qui ont la légitimité sectorielle, une neutralité politique, des compétences techniques et des capacités financières sans commune mesure avec les institutions nationales.

Elle correspond, au niveau européen, à la tentative de faire émerger une politique européenne de développement qui puisse être le cadre d'une complémentarité et d'une synergie des politiques de coopération des Etats membres et de la commission. Aujourd'hui, le quart de l'aide publique française au développement transite par le canal européen et la Commission européenne met en oeuvre près de la moitié de ses dons programmables.

Principales contributions nettes de la France aux organisations multilatérales, comptabilisées en APD

en millions d'euros

2007

2008

2009

2010

2011

2012

2013

(LFI)

PLF

Union européenne

FED

698

777

837

909

686

576

694

Budget communautaire

877

975

1 245

1 100

1 056

978

968

Total

1 575

1 753

2 083

2 009

1 742

1 554

1 662

Banque mondiale (BM)

395

379

454

658

493

462

468

Banque Africaine de Développement (BAfD)

126

137

129

132

141

141

141

Banque Asiatique de Développement (BAsD)

30

30

24

24

36

24

23

Banque interaméricaine de développement

8

7

7

Fonds Monétaire International (FMI)

-23

28

587

247

-5

196

198

Organisations des Nations unies (ONU)

172

190

188

192

153

163

169

Fond Mondial pour la Lutte contre le Sida, la Tuberculose, et le Paludisme (FMLSTP)

286

300

300

300

360

360

360

Facilité Internationale pour le Financement de la vaccination (IFFIm)

20

41

43

45

48

51

54

Fonds pour l'Environnement Mondial (FEM)

34

34

35

34

64

64

34

Sources :

Versements déclarés au titre de l'APD brute au CAD de l'OCDE pour les années 2006-2011 (versements nets pour le FMI).

Montants inscrits en loi de finances pour 2012 et en prévisions du PLF 2013.

Pour 2013 les crédits affectés à l'aide multilatérale sont maintenus et demeurent à un niveau élevé.

On observe toutefois une inflexion par rapport à la tendance observée ces dernières années.

Le document de politique transversale montre en effet que les prévisions d'APD pour les années 2012 à 2013 prévoient une légère diminution de la part de l'APD multilatérale dans l'APD totale, comme l'illustre le tableau suivant.

Répartition de l'APD par principaux instruments

en millions €

2007

2008

2009

2010

2011*

Prévisions

2012

2013

2014

2015

TOTAL APD

7 220

7 562

9 048

9 751

9 384

9 705

9 826

10 531

10 916

AIDE MULTILATERALE NETTE TOTALE

2 648

3 083

4 008

3 872

3 254

3 029

3 192

4 048

3 654

part APD multilatérale dans l'APD totale

37%

41%

44%

40%

35%

31%

32%

38%

33%

Dons

Aide Communautaire

1 575

1 753

2 083

2 009

1 742

1 554

1 662

2 526

2 076

Autres multi (aide hors UE)

1 116

1 307

1 339

1 413

1 512

1 475

1 530

1 522

1 578

Prêts (FMI & BM)

Prêts nets

-43

23

586

450

-5

196

198

144

63

Prêts bruts (pour info)

88

159

666

519

183

237

237

237

237

AIDE BILATERALE NETTE TOTALE

4 572

4 480

5 041

5 879

6 130

6 676

6 634

6 484

7 262

part APD bilatérale dans l'APD totale

63%

59%

56%

60%

65%

69%

68%

62%

67%

Dons
(hors annulations de dette)

Total

3 657

3 382

3 528

3 760

3 319

3 664

3 588

3 443

3 347

dont subventions

596

645

605

633

530

577

562

501

500

Prêts

Prêts nets
(hors rééchelonnement de dette)

-179

422

504

1 004

1 994

1 818

2 150

2 425

2 668

Prêts bruts (pour info)

695

1 246

1 276

1 862

2 675

2 643

3 019

3 343

3 710

Annulations de dette et rééchelonnements nets

1 094

675

1 009

1 115

817

1 194

896

616

1 247

Sources:DPT pour 2013

Déclarations d'APD de la France au CAD de l'OCDE.

A. DES CONTRIBUTIONS À LA BANQUE MONDIALE ET AUX BANQUES RÉGIONALES GLOBALEMENT MAINTENUES MÊME SI LEUR NIVEAU EST INSUFFISANT POUR MAINTENIR LE STATUT DE LA FRANCE DANS CES ENCEINTES

La France met en oeuvre, par le biais de sa participation à des banques multilatérales de développement ainsi qu'à des fonds de développement, une grande partie de son aide économique et financière pour les pays en développement imputée sur le programme 110 géré par le ministère des finances.

La France assure ainsi une part de son effort global pour la réduction de la pauvreté et des inégalités dans les pays en développement via des prises de participation ou des contributions versées aux banques et fonds multilatéraux de développement.

Comme le souligne le projet annuel de performance pour 2013 « La France, dont l'influence est liée à la quote-part de capital détenue, veille à orienter les stratégies des banques et fonds de développement vers les priorités de l'aide française et vers la recherche de la meilleure efficacité. »

La France est ainsi actionnaire de très nombreuses banques de développement. Elle est actionnaire des entités du groupe de la Banque mondiale, de la Banque interaméricaine de développement et de la Société interaméricaine d'investissement, de la Banque africaine de développement, de la Banque asiatique de développement, de la Banque européenne de reconstruction et de développement et de la Banque européenne d'investissement. Elle participe aux fonds de développement qui y sont rattachés et qui fournissent à des conditions très privilégiées des ressources aux pays les plus pauvres (c'est-à-dire des dons ou des prêts à des taux d'intérêts en-dessous de ceux des marchés financiers).

Vos rapporteurs constatent la très forte fragmentation des contributions multilatérales du programme 110, même si l'essentiel des crédits sont consacrés à la Banque mondiale et à la Banque africaine de développement.

Ils soulignent à cet égard que la consolidation des contributions à ces organismes et leur légère diminution, pour ce qui est de la Banque mondiale, suffisent juste à maintenir le statut de la France dans ces institutions.

À la Banque mondiale, la France passe en effet du statut de quatrième contributeur à celui de cinquième contributeur. A la Banque africaine de développement, la France recule également de deux rangs et passe du deuxième au quatrième ex-æquo avec le Canada. Elle passera du 4 e rang au 5 e au FMI, derrière les USA, le Japon, la Chine et l'Allemagne.

La France demeure un actionnaire et un contributeur majeurs des banques multilatérales de développement.

Les marges de manoeuvre sont cependant étroites. En effet la moitié des crédits multilatéraux du programme 110 est déjà concentrée sur la Banque mondiale et son guichet concessionnel : l'AID.

La France s'est engagée, en décembre 2010, à verser à l'AID un montant global de 1,2 milliard d'euros sur la période 2012-2014 au titre de la 16 e reconstitution assortie d'un instrument fiduciaire bilatéral accompagnant les activités de l'AID, maintenant ainsi son rang de cinquième contributeur. La France a obtenu avec d'autres actionnaires que, parmi les objectifs de l'AID, figure l'affectation à l'Afrique de la majorité des ressources de l'AID-16. Ces contributions devraient renforcer l'engagement de l'AID dans les États fragiles, notamment en Afrique, conformément aux priorités bilatérales de la France dont l'effort fait masse avec les autres bailleurs autour d'une des priorités communes qu'est la réduction de la pauvreté.

Les autorisations d'engagement correspondant à la seizième reconstitution de l'AID ont été engagées en 2011 à hauteur de 1,2 milliard.

Les crédits de paiement demandés sur cette ligne pour 2013 correspondent à la deuxième échéance de cet engagement, soit 400 millions d'euros, soit 23 millions de moins qu'en 2011. En effet, la contribution française pour l'AID-15 diminue de 70 millions d'euros sur 3 ans.

En s'engageant en décembre 2010 à apporter 1 695 millions de dollars pour trois ans dans le cadre de la seizième reconstitution du cycle de l'AID, la France est devenue le cinquième contributeur de l'AID-16 avec 5,02 % des contributions totales des donneurs, derrière les Etats-Unis (12,08 %), le Royaume-Uni (12 %), le Japon (10,87 %) et l'Allemagne (6,45 %).

Le poids relatif de la France y baisse, elle est désormais loin derrière le Royaume-Uni dont la contribution est deux fois plus importante que la nôtre.

La Banque africaine de développement constitue la deuxième contribution multilatérale du programme 110 à une banque de développement.

En mai 2010, la France a soutenu le triplement du capital de la Banque africaine de développement (BAfD), en réponse aux engagements du G20 pris à Londres en avril 2009 pour apporter aux banques multilatérales de développement les ressources nécessaires à leur mobilisation contre la crise.

Les actions nouvelles permettent à la France de conserver sa position de quatrième actionnaire non régional (derrière les États-Unis, le Japon et l'Allemagne, et ex aequo avec le Canada), avec 3,75 % du capital.

En septembre 2010, la France s'est engagée à contribuer à hauteur de 400 M€ au FAD-12 couvrant la période 2011-2013 (soit 8,7 % du total), ce qui la fait passer du deuxième au quatrième rang des contributeurs, derrière le Royaume-Uni, l'Allemagne et les Etats-Unis.

Comme pour l'AID, les priorités françaises ont été bien prises en compte dans la stratégie du FAD sur 2011-2013 : outre les priorités sectorielles à l'agriculture, à l'éducation et au secteur privé, les interventions dans les États fragiles et en faveur de l'intégration régionale ont été renforcées. La France, ayant choisi d'adopter un calendrier accéléré de paiement, a bénéficié d'une réduction portant sa contribution à 380,91 M€. Les AE correspondantes ont été engagées en 2011.

Pour 2013, il est donc demandé 126,98 M€ de CP, au titre de la troisième et dernière échéance.

B. LA DIMINUTION DES CONTRIBUTIONS AU 10E FED NE SERA PAS AFFECTÉE AU BUDGET DU DÉVELOPPEMENT, EN REVANCHE LE 11E FED POURRAIT METTRE À MAL CE QU'IL RESTE D'AIDE BILATÉRALE

Si plus de 1,8 milliard d'euros d'aide au développement transite par le canal européen, n'est recensée au sein de la mission aide au développement que la contribution française au FED de l'ordre de 800 millions d'euros, le restant relevant de la contribution de la France au budget global de l'Union européenne.

1. Les économies liées à la diminution des contributions au 10e FED ne seront pas redéployées au sein du programme 209

L'année dernière, la diminution de la quote-part de la France au Fonds européen de développement a fait passer la part de notre apport de 24,3 % dans le 9 e FED à 19,55 % dans le 10 e , contre 15,9 % retenus pour le budget général.

En conséquence, il est prévu que la contribution française passe de 909 millions d'euros en 2010 à une contribution en 2011 de moins de 805 millions d'euros, soit 20,6 % des contributions.

Cette diminution a permis une réduction d'environ 75 millions d'euros sur trois ans avant de s'aligner à nouveau sur le rythme régulier de progression de l'aide européenne.

L'économie ainsi réalisée, à hauteur de 26 millions d'euros, a permis d'augmenter certaines contributions bilatérales ou multilatérales qui avaient été moins bien servies ces dernières années en raison du manque de moyens.

Il s'agissait essentiellement :

- d'interventions mises en oeuvre par l'UNICEF en faveur de la scolarisation des filles, au Sahel et en Côte d'Ivoire : 3,5 millions d'euros ;

- d'une augmentation de la contribution à l'UNRWA : 1,5 million d'euros ;

- du financement de l'organisation du XIV e sommet de la Francophonie à Kinshasa : 5 millions d'euros ;

- d'une augmentation de la contribution française au Centre de Marseille pour l'Intégration (partenariat de Deauville et printemps arabes) : 2 millions d'euros.

Le reste de l'économie a été utilisé pour prendre en charge des surcoûts liés à des dépenses impératives :

- 6 millions sont transférés sur le T2 ;

- 5,4 millions sont destinés à la rémunération de l'AFD pour correspondre au niveau prévisionnel des besoins ;

- 2,6 millions en crédits de paiement uniquement pour les subventions projets de l'AFD afin de correspondre aux décaissements prévisionnels sur les projets en cours.

Cette année, les prévisions de la Commission, concernant les appels à contribution des États membres en 2013, s'établissent ainsi à 3 550 M€, ce qui représente 694 M€ pour la contribution française (3 550 x 19,55 %).

Il faut toutefois comprendre que les décaissements du FED se sont avérés fluctuants dans des proportions importantes.

A titre d'exemple, en 2011, le montant prévu en LFI s'élevait à 804 M€. La contribution française a été réduite de 118 M€ suite à la diminution du montant des fonds appelés par la Commission en raison d'une consommation des crédits inférieure à ses prévisions initiales.

De même, la contribution française au 10 e FED était estimée à 789,6M€ en LFI 2012.

Selon les dernières estimations, le montant de la contribution appelée en 2012 s'élèverait de 576M€, soit une économie brute de 213 M€ par rapport aux prévisions initiales.

Evolution de la contribution française au FED (en M€)

Année

LFI

Appel à contribution réel

Ecart

2006

726

649

77

2007

692

696

-4

2008

725

778

-53

2009

802

837

-35

2010

872

909

-37

2011

804

686

118

2012

790

576

214

Moyenne

773

733

40

Sur la période 2006-2012, notre contribution moyenne s'élève à 733 M€/an. Le rythme des appels à contribution du FED s'est brusquement ralenti en 2011 et 2012, soit une inversion de tendance après une progression soutenue de 2006 à 2010. La Commission n'a appelé que le quart du budget du 10 e FED (5,7 Mds€) sur les deux premières années (un tiers de la période). Par ailleurs, les actuels appels pour la BEI portent encore sur le 9 e FED.

Les crédits inscrits en LFI, mais finalement non appelés par la Commission européenne, ont été, pour l'essentiel, annulés en fin de gestion 2011 ou sont prévus de l'être en majorité en fin de gestion 2012 (des recyclages partiels sont prévus sur les aides à la Syrie, aux Territoires palestiniens, et au GAVI notamment).

Autrement dit, les crédits budgétés pour le FED qui viennent gonfler le programme 209 en LFI sont, ces dernières années, en partie annulées en cours d'année.

La Commission européenne prévoit d'appeler l'ensemble des crédits du 10 e FED d'ici la fin 2016.

Le ralentissement des décaissements résulte de plusieurs facteurs devenus structurels.

La mise en oeuvre des nouvelles lignes directrices dans le domaine de l'aide budgétaire européenne se traduit par une baisse des décaissements par ce canal (non-respect des critères d'éligibilité par les bénéficiaires ; retards administratifs par les bénéficiaires ; pays sous article 96. Le paiement des projets d'infrastructures a également été fortement ralenti (retard dans la passation des contrats et dans la signature des accords de délégation, retard dans la mise en oeuvre des projets).

Les nouvelles orientations et les secteurs de concentration de l'Agenda pour le changement (agriculture, gouvernance, développement humain) ne sont pas favorables à l'accélération des décaissements.

La seconde orientation activement promue par le Commissaire Piebalgs est la recherche d'effets de levier, compte tenu de l'ampleur des besoins au regard des volumes d'APD, et les mécanismes de mixage prêts-dons qui devraient prendre de plus en plus d'importance dans des domaines comme les énergies renouvelables ou les infrastructures.

Dans le projet de loi de finances pour le triennum, les dotations sont calées sur les appels de fonds de la Commission européenne (694 M€ en 2013, 766 M€ en 2014 et 819 M€ en 2015).

Pour 2013, nous constatons que la diminution de la contribution de la France au Fonds européen de développement (95,6M€) n'est pas redéployée au sein du 209.

Le ministre a indiqué à la commission que cela permettait des « économies de constatation ».

Vos rapporteurs regrettent que les marges de manoeuvre ainsi dégagées n'aient pas permis de redresser le niveau de l'aide projet.

2. Le projet de 11e FED contient une augmentation significative des contributions françaises et un risque important d'éviction des crédits de l'aide bilatérale du programme 209

Ces économies risquent d'être de courte durée puisque le montant du 11 e FED proposé par la commission augmenterait de 11 milliards par rapport au 10 e FED.

La Commission propose un montant global à 34,3 Mds€ sur sept ans (2014-2020), soit une augmentation de 29% par rapport au 10 e FED, après neutralisation de la durée d'une année supplémentaire (l'augmentation est de 13% en prix 2011).

Même avec une clef de contribution à 17.81% pour le 11 e FED (au lieu de 19,55% pour le 10 e FED), notre contribution s'élèverait à 6,1 Mds€, soit une moyenne annuelle de 872 M€. Le ressaut serait de +136 M€/an par rapport au 10 e FED.

Vos rapporteurs considèrent que cette augmentation est excessive au regard, d'une part, du budget du programme 209, d'autre part, au vue des problèmes de décaissement du FED.

Le DPT pour 2013 table sur une contribution de 819 millions en 2015 anticipant une négociation difficile avec nos partenaires.

Même dans l'hypothèse où la dotation du programme 209 serait maintenue au niveau de l'année 2015 (1 764 M€ en CP hors titre 2, dont 819 M€ pour le FED), un tel niveau de contribution au FED se traduirait par un besoin additionnel de financement de 53 M€/an sur le programme 209.

Les appels à contribution du 11 e FED devraient intervenir à partir de 2017, sachant que ceux du 10 e FED ont commencé en 2011 et devraient se poursuivre jusqu'en 2016. À cet horizon-là, et pour autant qu'il soit possible de se projeter aussi loin, il restera encore une partie de l'important C2D de Côte d'Ivoire (2,8 Mds€ dont 630 M€ sur 2012-2015) et celui, plus hypothétique, du Soudan (près de 1 Mds€).

Compte tenu de la proposition de la Commission sur les clés de contribution, qui permet à la France, deuxième contributeur au FED et pays le plus « sur contributeur » par rapport à sa clé budgétaire de revenir à un écart moins important, la voie d'une renégociation de sa clé ne semble pas l'option à privilégier en première option. Elle pourrait en effet inciter tous les autres contributeurs à renégocier leur clé budgétaire.

Compte tenu des volumes en jeu, le véritable enjeu de la négociation porte sur le montant global du 11 e FED.

Vos rapporteurs sont néanmoins étonnés de constater que le FED n'est évoqué ces dernières années qu'à travers la diminution de nos contributions. D'une part, ce n'est pas le cas. On évoque ainsi la budgétisation du FED dans l'espoir d'une diminution de moins de 2 points de la contribution française, qui passerait ainsi de 19,55% à 17,81%. Mais cette diminution qui devra attendre 2020, avec, d'ici là, une augmentation des contributions proportionnelle au projet de budget pour le 11 e FED-. D'autre part, la question essentielle réside dans le fait de savoir si ces sommes produisent des résultats et d'évaluer la qualité du partenariat entre la France et le FED.

3. La France doit réévaluer la qualité de son partenariat avec le FED

Jamais, lors d'une audition d'un ministre ou d'un responsable de programme, ne sont explicités les objectifs et les moyens mis en oeuvre par le FED. Le seul point positif souligné par les responsables politiques ou administratifs rencontrés est invariablement la diminution de la clef de répartition des contributions françaises.

À l'inverse, nombre d'intervenants sur le terrain ont souligné la rigidité de la programmation de ce fonds, les retards de décaissement, le manque de coordination avec nos interventions bilatérales.

Vos rapporteurs observent que si l'Afrique est la première région de coopération de l'Union avec 43% de l'APD totale (4,2 Mds€, dont 86% pour l'Afrique sub-saharienne), les 17 pays pauvres prioritaires (Bénin, Burkina Faso, Burundi, Comores, Djibouti, Ghana, Guinée, Madagascar, Mali, Mauritanie, Niger, République centrafricaine, République démocratique du Congo, Rwanda, Sénégal, Tchad, Togo) de la coopération française, pour leur part, n'ont bénéficié que de 13% de l'aide au développement totale de l'Union. Peut-on se satisfaire de cette situation ? Où vont le reste des financements ? Comment la France influence-t-elle la programmation de l'Union ? Autant de questions auxquelles vos rapporteurs souhaiteraient des réponses.

C'est pourquoi, vos rapporteurs auraient été vivement intéressés de prendre connaissance de l'évaluation de nos contributions à ce fonds, programmé par la direction générale de la Mondialisation qui tarde à paraître.

Ils constatent, cette année encore, que cette évaluation n'a pas été menée à bien. S'agissant d'une contribution de plus de 800 millions d'euros pour un fonds qui gère 22 milliards d'euros sur 5 ans, vos rapporteurs ne peuvent que souligner l'intérêt, voire l'ardente obligation, qu'a la direction générale de la Mondialisation de mener une évaluation approfondie de la qualité du partenariat qui nous lie au FED.

On constate, par exemple, qu'au 31 décembre 2011, 63% des fonds disponibles sur le 10 e FED étaient engagés. Aux 2/3 de la durée du FED, la moitié des fonds a été décaissée.

La difficulté à décaisser ces fonds et donc à faire aboutir les projets est-elle une préoccupation ? Que faut-il penser de l'accélération du rythme d'adoption des projets en comité FED qui va s'ensuivre d'ici 2013 ?

Comment, dans ce contexte, justifier la proposition pour la période 2014-2020, d'une hausse de 8 Md € du FED ?

Autant d'interrogations auxquelles vos rapporteurs souhaiteraient avoir des réponses.

Engagements et paiements effectués pour le 10 è FED

(en millions d'euros )

2008

2009

2010

2011

Engagements

5241

4158

3113

3740

Paiements

3483

3359

3660

3308

Source : Communication (2012) 386 de la Commission, juillet /2012

De même que la direction du Trésor ne procède à la reconstitution de fonds qu'après évaluation de ses contributions à ces fonds, il semblerait de bonne administration que le Quai d'Orsay en fasse de même.

Au-delà de cette évaluation, nos contributions au FED devraient pouvoir faire l'objet d'un débat politique sur les orientations de la politique européenne de développement.

De ce point de vue, on ne peut que regretter que le document-cadre relatif à la participation française à la politique européenne de développement n'ait fait l'objet d'aucune consultation du Parlement. Il s'agit là d'une occasion manquée.

Comme le souligne l'évaluation décennale de coopération française : « Ce document constitue cependant moins une stratégie de la France vis-à-vis de l'Union européenne (avec des objectifs pour les différents acteurs français) qu'un ensemble des propositions françaises pour la politique européenne de coopération au développement.... il semble regrettable que la stratégie ait été construite sans qu'une évaluation des dotations de la France aux différents instruments de l'Union européenne et de l'influence française dans les enceintes européennes soit menée en amont.

Enfin, ni la stratégie de la France, ni le Livre vert, ni la communication de la Commission n'ont fait l'objet d'un échange avec le Parlement, d'une communication ou d'un débat sur l'intérêt de la contribution de la France au FED et aux autres instruments européens . ».

4. Les nouvelles orientations de la politique européenne de développement doivent faire l'objet d'un débat

La récente communication de la Commission sur les nouvelles orientations de la politique européenne dans ce domaine est une nouvelle occasion de débattre et d'éprouver l'intérêt de notre contribution au FED.

La politique européenne de développement est en pleine évolution. Les nouveaux équilibres mondiaux bouleversent le paysage de la coopération en la matière, et les défis globaux prennent une importance grandissante.

Afin d'adapter cette politique européenne aux nouveaux paradigmes et d'améliorer l'impact de l'aide, la Commission a publié, le 13 octobre 2011, un Programme pour le changement.

Approuvés par les Etats membres lors du Conseil européen du 14 mai 2012, les principes structurants de ce programme visent plusieurs objectifs :


• faire que l'aide soit plus adaptée aux besoins et aux capacités propres des pays partenaires ;


• faire que l'aide soit mieux coordonnée par une programmation conjointe entre la Commission et les Etats membres ;


• faire que l'aide soit plus ciblée, c'est-à-dire qu'il y ait seulement trois secteurs d'intervention par pays.

Pour vos rapporteurs, il est en effet essentiel que la politique européenne de développement fasse preuve d'une plus grande différenciation géographique, thématique et financière, donne lieu à davantage de concentration et à une meilleure coordination avec les Etats membres.

Le Programme pour le changement vise à renouveler les priorités de la politique européenne de développement, en adéquation avec le contexte international. L'accent est mis sur l'appui à un développement durable et inclusif, ainsi que sur la promotion de la démocratie, des droits de l'homme et de la bonne gouvernance.

Les outils au service de ces priorités incluent :


• la différenciation des partenariats ;


• la réduction de la fragmentation de l'aide européenne ;


• la diversification des sources de financement et le recours à des mécanismes de financement innovants ;


• la concentration sur les pays les plus pauvres et les secteurs les moins rentables ;


• une programmation de l'aide plus flexible de façon à augmenter sa réactivité ;


• une simplification générale des procédures du FED et du budget européen.

Ces principes rejoignent largement les préoccupations exprimées par vos rapporteurs.

Ces orientations, si elles sont déjà validées, seront essentiellement mises en oeuvre lors du prochain cycle de programmation des instruments de l'aide européenne, en particulier par l'Instrument de coopération au développement et par le Fonds européen de développement.

La négociation des perspectives financières 2014-2020 qui se déroule actuellement représente donc un volet crucial de cette évolution de la politique européenne de développement.

Une mise en perspective des ressources financières allouées à l'aide européenne sur la dernière décennie montre l'accroissement des fonds communautaires dédiés au développement. En 2001, la Commission européenne engageait, au titre de l'APD, 5 568 M€, contre 11 765 M€ en 2009 (montants consolidés provenant du budget général de l'UE et du FED, gérés par la Commission).

Le total de l'aide extérieure engagée par la Commission, APD et non APD, s'élevait en 2009 à 12 298 M€, dont 3 502 M€ financés par le FED, qui a connu une croissance particulièrement importante au cours de la même période, passant de 10 555 M€ pour le 9 e FED à 22 682 M€ pour le 10 e FED.

Cette croissance des budgets de l'aide européenne s'était déjà accompagnée d'une réforme de gestion des instruments de l'aide européenne, destinée à améliorer sa mise en oeuvre. L'architecture de l'aide extérieure avait également été simplifiée, passant de quinze à neuf instruments (instruments géographiques, thématiques, et de réponse aux crises).

Pour la période 2014-2020, la Commission propose, comme il a été indiqué, une hausse de 8 Mds € soit un 11 e FED à 30,3 Mds. Le volet « action extérieure » de la rubrique IV du Budget, serait également augmenté et passe à 70 milliards.

De nouveaux instruments sont créés, en conformité avec la logique de différenciation des partenariats. Ces instruments sont les suivants :


• l'instrument de partenariat destiné à la coopération avec les pays émergents ;


• le recentrage de l'instrument européen pour la démocratie et les droits de l'homme sur l'appui à la société civile et les processus électoraux ;


• l'instrument panafricain pour la mise en oeuvre de la stratégie Afrique-UE.

Votre commission souhaite un débat sur l'avenir de la coopération européenne, s'étonne du silence du Gouvernement sur ce sujet et souhaite que ces questions communautaires tout à fait stratégiques pour l'avenir de notre coopération fassent l'objet d'un dialogue plus fournies avec l'exécutif .

C. L'ARTICULATION ENTRE LES DIFFÉRENTS NIVEAUX DE COOPÉRATION INTERNATIONALE EST UN ENJEU MAJEUR DE L'AIDE AU DÉVELOPPEMENT

Votre commission insiste sur la nécessité de se fixer des objectifs de partenariats entre nos actions bilatérales et les actions multilatérales des organismes auxquels la France contribue.

Sur le terrain de nombreux interlocuteurs ont souligné la faible articulation entre les agences bilatérales et les agences multilatérales.

Lorsque la commission des affaires étrangères a organisé une table ronde sur le document-cadre de deux développements, certains intervenants ont souligné combien il était difficile de combiner les efforts des agences bilatérales et des instances internationales. M. Jean-Michel Severino ancien directeur général de l'AFD, vice-président de la Banque mondiale a observé ainsi que cela était « plus difficile encore au niveau européen qu'au niveau international » jugeant « opportun de définir un objectif d'influence en la matière » et de « prévoir une stratégie plus offensive à l'égard de l'aide publique au développement assurée par le canal multilatéral et européen ».

Ces propos rejoignent les évaluations faites par la direction générale du Trésor du ministère des finances sur l'efficacité de l'interaction des organisations multilatérales dans les pays africains 37 ( * ) . Ces dernières soulignent la faible corrélation entre la programmation de la Banque mondiale et les priorités de la France.

Votre commission des affaires étrangères n'ignore pas que des progrès ont été faits, notamment au niveau européen, à travers des expériences de programmation conjointe. La programmation conjointe est, en effet, un sujet clé de l'actualité européenne de l'aide. Elle s'inscrit dans la réflexion générale que mène la Commission sur l'avenir de la politique européenne de développement et participe à l'objectif de renforcement de l'efficacité de l'aide.

Cette programmation conjointe s'est déjà appliquée dans deux cas qui méritent d'être soulignés :

- le premier cas concret en faveur duquel elle a été appliquée est Haïti. La Commission et les Etats membres présents sur place ont élaboré un document de programmation conjointe adopté ensuite par le FED ;

- le second cas de programmation conjointe est le Sud-Soudan, indépendant. Une coordination réelle a lieu sur le terrain entre la Commission et les Etats membres, qui ont ensemble défini six secteurs dans lesquels les deux parties travailleront ensemble, sur la base de fonds européens.

La programmation conjointe a indéniablement une dimension politique qui met en jeu le degré d'intégration européenne souhaitée par les Etats.

Votre commission se félicite que l'agenda pour le changement place la programmation conjointe parmi les priorités de l'Union en matière de coordination de l'aide.

Les Etats membres et la Commission se sont accordés sur le format de l'exercice, qui contiendra une analyse conjointe de la stratégie de développement du pays partenaire, une identification des secteurs prioritaires d'intervention, une répartition sectorielle entre les bailleurs et une allocation financière indicative des moyens.

Son lancement effectif a été confirmé dans six pays pilotes (Éthiopie, Ghana, Guatemala, Laos, Mali et Rwanda) pour l'année 2012. L'initiative a vocation à être progressivement élargie à d'autres géographies.

Le document de programmation conjointe européenne aura vocation à se substituer graduellement aux documents de coopération bilatéraux. Il s'articule à l'heure actuelle avec les documents cadres de partenariats (DCP) français dans les pays pauvres prioritaires.

Vos rapporteurs estiment que c'est une voie prometteuse dans laquelle la France doit s'investir.


* 36 Flux d'aide sur laquelle les 3 ministères co-secrétaires du CICID disposent d'une capacité d'orientation significative à court ou moyen termes

* 37 Mars 2010 - Efficacité de l'interaction des organisations multilatérales dans les pays africains DGTPE

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